M. le président. Monsieur le Premier président, je vous remercie et vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Nous allons procéder au débat, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la remise au Parlement du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Cet exercice traditionnel est loin de résumer la densité de nos relations avec cette institution. À titre d’exemple, la commission des finances a entendu hier la Cour sur le sujet de la délivrance des titres sécurisés, sujet sensible pour nos concitoyens comme pour les collectivités territoriales.

Nous aurons également le plaisir, monsieur le Premier président, de vous retrouver dès la semaine prochaine pour la présentation de l’enquête que nous vous avons commandée sur les crédits exceptionnels de soutien à la culture et aux industries culturelles.

De façon plus générale, les rapporteurs spéciaux de la commission suivent toujours avec intérêt les travaux de la Cour de comptes dans leurs champs de compétences. Il en sera de même, à n’en pas douter, du contenu de cette édition du rapport public annuel.

Avant d’entrer dans le détail de ce rapport, je m’attarderai un instant sur l’état de nos finances publiques, ainsi que sur quelques éléments que nous connaissons bien pour les avoir suivis au cours de nos travaux budgétaires.

La Cour rappelle que la croissance s’est élevée à 0,9 % en 2023 et relève que le Gouvernement, après avoir envisagé une croissance de 1,4 % pour 2024, a révisé à la mi-février ses hypothèses macroéconomiques, en prévoyant une croissance de 1 % cette année. La prudence et le réalisme auraient pourtant dû conduire à retenir, dès la fin de 2023, des hypothèses moins optimistes. Nous l’avons indiqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle lors des débats sur la loi de finances.

Par conséquent, le déficit public devant dépasser significativement, si l’on en croit les propos récents du ministre des finances, le ratio initialement prévu de 4,9 % du PIB en 2023, la marche pour atteindre comme prévu 4,4 % en 2024 n’en sera que plus haute. Vous l’avez clairement indiqué, monsieur le Premier président : le plan de 10 milliards d’euros d’économies mis en place par décret n’y suffira pas. Comme le souligne la Cour des comptes, la révision de la prévision de croissance pour 2024 demeure encore au-dessus du consensus des économistes, qui s’établit à 0,7 %.

Faute d’avoir retenu dès l’examen du projet de loi de finances des prévisions réalistes, le Gouvernement risque de s’écarter, dès 2024, de la trajectoire pluriannuelle 2023-2027 inscrite dans la loi de programmation des finances publiques promulguée en décembre dernier et que vous appeliez de vos vœux, monsieur le Premier président. Et comment ne pas s’étonner qu’un projet de loi de finances, maîtrisé plus encore que d’habitude de A à Z par l’exécutif, du fait de l’usage du 49.3, débouche sur la plus forte annulation de crédits budgétaires jamais réalisée, et ce quasiment dès sa promulgation ?

Je pourrais évidemment passer des heures à critiquer la politique budgétaire du Gouvernement, à regretter, comme tous les ans, sa propension à financer des baisses d’impôts par de la dette et à maintenir sa politique fiscale – je pense à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à l’impôt sur le revenu – au prix de coups de rabot totalement inefficaces sur la dépense publique. Mais le Parlement a malheureusement en commun avec vous, monsieur le Premier président, d’avoir la désagréable impression de prêcher dans le désert…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Pour notre part, nous ne pouvons accepter plus longtemps que la préparation du budget procède de déclarations d’intention donnant lieu à de brutales corrections en cours d’exercice.

Mes chers collègues, dès cette année, nous devons remettre à plat l’ensemble du budget, tant en recettes qu’en dépenses, en veillant avant tout à ce que chacun contribue aux corrections à apporter de façon juste et proportionnée et non en faisant in fine porter l’essentiel de l’effort sur les plus fragiles d’entre nous, directement ou indirectement. Notre pays a besoin d’une vision d’ensemble, de priorités claires, de choix aussi concertés que possible.

J’en viens à la partie thématique du rapport public annuel. Celle-ci développe, sous de nombreux aspects, les enjeux découlant de la nécessité d’intégrer dans nos politiques publiques les conséquences du changement climatique, sujet aussi vaste que complexe, il faut bien l’avouer.

Nombre des sujets abordés par la Cour font écho à différents travaux du Sénat, réalisés récemment ou en cours. Ainsi, en ce qui concerne MaPrimeRénov’, la Cour souligne « l’impact mesuré en termes d’efficacité énergétique » du dispositif, ce qui rejoint les conclusions, publiées en juillet dernier, de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique et celles de notre rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». MaPrimeRénov’ a principalement visé la réduction des émissions de gaz à effet de serre via le financement de travaux par étapes, au détriment des rénovations globales. La Cour des comptes indique ainsi que ces dernières ne représentent que 3 % des surfaces rénovées. Curieusement, alors que le Gouvernement avait décidé de recentrer le dispositif sur les projets d’ampleur, il a fait machine arrière et annoncé vouloir revenir au financement des opérations « monogeste », même si celles-ci sont beaucoup moins efficaces.

La Cour des comptes met également l’accent sur le risque que fait peser sur les logements le phénomène de retrait-gonflement des argiles, auquel plus de la moitié des logements sont exposés. Là encore, ces conclusions vont dans le sens de nos travaux, qui mettaient en avant la véritable menace que représente ce phénomène pour l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous soulignions ainsi, tout comme le fait la Cour, les limites des dispositifs actuels, ainsi que la nécessité d’orienter les efforts vers le bâti existant, qui demeure l’angle mort de la politique de prévention.

La Cour consacre aussi un chapitre à l’adaptation des villes au changement climatique. Je rappelle à cet égard que la commission des finances et la commission du développement durable ont lancé une mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024.

Le changement climatique affecte aussi très directement les infrastructures de transport et de distribution d’électricité. La commission d’enquête sur la consommation, la production et les prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, qui conduit actuellement ses travaux, s’intéressera probablement à cette question.

Par ailleurs, je n’oublie pas que, à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes s’est penchée en mars 2023 sur les enjeux de l’adaptation des parcs nucléaire et hydroélectrique au changement climatique. Ses développements sur le sujet alimentent le présent rapport public annuel. À l’heure où la France entend, d’une part, prolonger le plus longtemps possible son parc nucléaire historique et, d’autre part, lancer un ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs, la prise en considération des incidences du changement climatique sur les centrales est une exigence incontournable.

Enfin, en ce qui concerne la prévention des catastrophes naturelles liées au climat en outre-mer, la Cour relève que les politiques actuelles de prévention sont guidées par l’urgence et portent davantage sur la réparation des dégâts que sur la prévention des catastrophes. C’est un constat qui avait déjà été fait par notre commission. Il conviendra d’y revenir dans un avenir proche, si l’on veut se préparer à la suite.

Plus généralement, il est indispensable, sur ces sujets, de prévoir une association et un accompagnement des différents acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales. Celles-ci doivent certes, comme l’indique la Cour, « intégrer l’enjeu de l’adaptation [au changement climatique] de façon concrète », mais l’introduction, dans leurs politiques et actions, d’objectifs nouveaux en lien avec ce sujet nécessite des arbitrages entre des politiques anciennes, comme le logement ou le renouvellement urbain, et des politiques plus récentes, telles que le développement d’espaces verts et la lutte contre l’artificialisation des sols. Ces politiques peuvent en effet paraître parfois contradictoires.

Il suffit pour s’en convaincre d’écouter nos collègues qui se penchent actuellement sur les conséquences du « zéro artificialisation nette » (ZAN) et sur ses modalités de financement. Quoi qu’il en soit, les mécanismes de solidarité financière, verticaux comme horizontaux, sont plus que jamais nécessaires.

Je termine ainsi les quelques développements que je souhaitais faire à l’occasion de la présentation de ce rapport. Il était bien entendu impossible de faire le tour des sujets abordés dans le temps qui m’était imparti. Je ne doute pas que les travaux de la Cour des comptes nourriront ceux du Parlement au cours des prochains mois, comme cela a toujours été le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, comme chaque année, nous avons pris connaissance avec grand intérêt du rapport annuel publié hier, mardi 12 mars, par la Cour des comptes.

Comme il est de coutume, ce rapport fait tout d’abord un point sur la situation d’ensemble des finances publiques.

Celui-ci reste alarmant, monsieur le Premier président. La Cour souligne le caractère dégradé de nos finances publiques, tant dans l’absolu, par rapport à la situation d’avant crise, que par rapport à nos voisins européens. Vous pointez également le risque que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, datant de décembre dernier, ne soit d’ores et déjà caduque si des efforts vigoureux en matière de réduction des dépenses publiques ne sont rapidement entrepris.

Ce constat soulève le problème de sincérité des comptes. Les textes financiers de l’automne dernier, qu’il s’agisse de la loi de finances ou de la loi du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale, ont été adoptés sur le fondement d’une prévision de croissance du PIB de 1,4 %, alors que, comme l’avait alors souligné le Haut Conseil des finances publiques, le consensus des économistes était sensiblement plus bas, à 0,8 %.

Aujourd’hui, alors que l’encre de ces lois financières est à peine sèche, le Gouvernement révise sa prévision à 1 %, un niveau que la Cour continue de considérer comme optimiste, et se sent autorisé, sur ce fondement, à diminuer par décret les dépenses de l’État de quelque 10 milliards d’euros. Quoi que l’on puisse penser de la pertinence des coupes ainsi décidées par le Gouvernement, comment ne pas y voir un dévoiement de la procédure ?

Comme vous, nous savons bien, monsieur le Premier président, que l’examen des textes financiers est l’un des temps forts de notre vie démocratique. L’adoption du budget est même l’une des principales raisons qui ont conduit à créer des assemblées parlementaires. Or non seulement ces textes ne sont plus examinés par l’Assemblée nationale, en raison de l’emploi systématique et de plus en plus précoce par le Gouvernement des dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, mais cet exercice est de surcroît vidé de son sens puisque le Gouvernement se fonde sur des prévisions irréalistes qu’il révise par la suite seul, comme bon lui semble.

Comment accepter de telles pratiques, aussi contraires à l’esprit de nos institutions ? J’espère vraiment qu’il ne s’agit que d’un mouvement passager, lié à l’approche d’une échéance électorale, et que, si besoin, le Parlement sera rapidement saisi de projets de loi de finances rectificative et de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Le Sénat sera, comme toujours, prêt à en débattre de manière constructive.

Je pense également qu’à la lumière de ces événements le Conseil constitutionnel se réinterrogera sur la façon dont il fait appliquer le principe de sincérité budgétaire quand il examine les textes financiers. Un principe régulièrement affirmé, mais jamais appliqué n’est, in fine, plus respecté…

M. Hugues Saury. C’est vrai !

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. En ce qui concerne plus précisément les finances de la sécurité sociale, je relève que la Cour des comptes s’inquiète de la trajectoire de déficit envisagée par le Gouvernement : 17,2 milliards d’euros en 2027, en l’absence de tout creux économique. Le Sénat et sa commission des affaires sociales avaient déjà exprimé les mêmes inquiétudes à l’automne dernier, rejetant l’article actant cette trajectoire financière.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons donc que vous suivre dans cette analyse, monsieur le Premier président.

En termes plus concrets, je rappelle que le Sénat a pris toute sa part et toutes ses responsabilités – c’est le moins que l’on puisse dire – sur la réforme des retraites adoptée l’année dernière, comme il l’avait fait, d’ailleurs, en matière d’assurance chômage.

À titre plus personnel, je veux exprimer ma réelle préoccupation face à l’absence de perspective de réforme structurelle dans le domaine de la santé ou de la prise en charge de la dépendance. Hier comme aujourd’hui, la seule vision du Gouvernement consiste, semble-t-il, à déverser toujours plus d’argent dans un système à bout de souffle, sans qu’aucun acteur en tire satisfaction. Ni les patients, ni les professionnels de santé, ni les directeurs d’établissement ne se considèrent comme bien traités, alors même que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a augmenté de plus de 49 milliards d’euros en cinq ans. On voit bien que notre système ne fonctionne pas et que nous ne nous en sortirons pas sans toucher au cadre général par une réforme de fond.

En dehors de ce chapitre traditionnel, le rapport annuel traite de l’adaptation de l’action publique au changement climatique.

Je me suis tout particulièrement intéressé au volet relatif à la protection de la santé des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur. Nous nous souvenons tous des conséquences dramatiques de la canicule de l’année 2003, en particulier dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et plus généralement pour les personnes âgées. L’enquête de la Cour montre bien que des mesures ont été adoptées depuis cette canicule historique. Le rapport cite notamment l’institution des plans Canicule, le déclenchement d’alertes météo spécifiques, l’obligation pour les communes de tenir des listes des personnes âgées et isolées ou encore l’installation de salles rafraîchies dans les Ehpad.

Néanmoins, vos travaux font apparaître que l’impact des vagues de chaleur sur les populations fragiles reste mal documenté et que des mesures sont encore à prendre. La Cour recommande notamment de renforcer notre connaissance des conséquences des vagues de chaleur sur les personnes vulnérables, d’élaborer une liste de médicaments d’intérêt en cas de vague de chaleur et de la diffuser aux professionnels de santé, d’élargir les critères d’inscription des personnes les plus vulnérables sur le registre municipal, et de réaliser l’inventaire du parc immobilier des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux afin d’évaluer son adaptation aux vagues de chaleur.

Si j’approuve le sens de vos conclusions, je relève, là encore, que les charges supplémentaires qui devraient en résulter, notamment pour adapter les lieux de vie des personnes dépendantes, pèseraient sur des acteurs aujourd’hui à bout de souffle. Comme la santé, la cinquième branche de la sécurité sociale souffre d’un manque de vision, que matérialiserait un projet de loi Grand Âge si souvent annoncé et jamais déposé devant le Parlement. C’est tellement vrai que nous avons dû inclure, dans la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie, un article afin d’engager le Gouvernement à déposer enfin un projet de loi de programmation sur le grand âge.

Quelque méritoires qu’elles soient, des propositions de loi successives ne sauraient fixer le cap dont les acteurs de la dépendance ont tant besoin. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités pour réformer.

Je conclus en vous remerciant, monsieur le Premier président, pour la qualité de vos travaux et des éclairages qu’ils nous apportent. La commission des affaires sociales apprécie tout particulièrement sa coopération avec la Cour des comptes, qui ne se limite évidemment pas à nos échanges sur le rapport public annuel. Je pense bien sûr au rapport sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale et au rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mais je pense aussi aux enquêtes que nous demandons à la Cour en application du code des juridictions financières, comme récemment sur l’Agence de la biomédecine, ou prochainement sur la santé respiratoire. Ces travaux nous apportent toujours un éclairage utile, propre à alimenter notre action et, bien entendu, notre engagement politique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient à remercier la Cour des comptes et ses membres d’avoir réalisé cet important travail d’investigation sur les politiques publiques. Nous tenons également à remercier M. le président du Sénat d’avoir aussi rapidement inscrit à l’ordre du jour cet important débat.

Nous avions eu l’occasion, en 2022, par la voix de Vincent Capo-Canellas, de rappeler la situation financière de l’État et l’état dégradé des comptes publics. Vincent Delahaye, au cours de la même année, avait quant à lui évoqué la situation alarmante de notre balance commerciale, qui était alors en déficit de 160 milliards d’euros, contre un peu moins de 100 milliards d’euros en 2023. C’est peu dire que nous sommes en difficulté à cet égard.

L’année dernière, notre collègue Jean-Marie Mizzon a eu l’occasion d’évoquer les collectivités locales, sur lesquelles vous aviez fait un focus. Puisque le Gouvernement vous a sollicité de nouveau à ce sujet, je tiens à rappeler le message qu’il avait voulu faire passer : l’autonomie financière des collectivités territoriales est cruciale. J’espère que vous conserverez ce message à l’esprit lorsque vous serez amené à formuler des propositions sur ce sujet.

Cette année, le rapport porte bien sûr sur la situation des comptes publics – j’y reviendrai tout à l’heure –, mais vous avez aussi souhaité mettre l’accent sur le développement durable au travers de seize enquêtes assez approfondies sur différents sujets. Le groupe UC tient là aussi à vous remercier de ce travail important, qui nous sera utile pour la définition des politiques publiques à mener.

Évoquant la question du changement climatique de manière générale, vous souhaitez que l’effort de recherche soit accru pour mieux connaître ce phénomène. Nous soutenons bien entendu cette proposition, comme celle qui concerne l’aide publique au développement, sujet que je suis particulièrement. Vous souhaitez par ailleurs qu’un travail de vulgarisation des bonnes pratiques soit fait, ce que nous ne pouvons qu’approuver.

Toujours sur cette thématique, vous abordez la question des outre-mer. À cet égard, ma collègue Lana Tetuanui m’a chargé de souligner l’intérêt de votre proposition de création d’un fonds de lutte contre les risques naturels en Polynésie française.

Vous évoquez en outre les questions de réseau, ferroviaire et électrique : le premier doit être adapté au changement climatique et le second doit être dimensionné pour le transport futur d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables et d’énergie nucléaire, qui va aller en augmentant.

Je tiens également à évoquer la question des stations de montagne. Mon collègue Jean-Michel Arnaud, élu des Hautes-Alpes, m’a rappelé que la situation était assez contrastée selon les stations et qu’il ne fallait pas toutes les traiter de la même façon. Il y a des zones géographiques où les stations sont effectivement menacées, mais il y en a d’autres dont le modèle économique fonctionne bien. Soyons attentifs à ces différences.

M. Michel Canévet. Telles sont les remarques que je souhaitais faire sur les questions de développement durable.

J’en viens à la situation des finances publiques. Monsieur le Premier président, je partage totalement le constat alarmiste que vous avez fait à la tribune. La situation des comptes publics de 2023 nous oblige à une remise en cause, à travers un effort important de recherche d’économies et de recettes nouvelles.

Pour ce qui est des recettes, le groupe UC a eu l’occasion, au cours des deux dernières années, de formuler différentes propositions lors de l’examen des budgets. Je pense en particulier à un travail approfondi à mener sur les niches fiscales, qu’il convient de remettre en cause. Je pense aussi à la proposition de transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive, dans un souci d’efficacité. C’est une proposition qui a été formulée par Sylvie Vermeillet et je souhaite qu’elle soit approfondie.

Par ailleurs, notre collègue Nathalie Goulet mène tout un travail sur la lutte contre la fraude, tant fiscale que sociale. C’est un secteur sur lequel il faut prolonger nos efforts, le gisement de ressources étant absolument considérable. L’aide de la Cour des comptes nous sera particulièrement utile à cet égard, monsieur le Premier président.

Le rapport pointe une situation des finances publiques beaucoup plus préoccupante pour l’exercice 2023 que ce qui avait été prévu : 5,3 % du PIB au lieu de 4,9 %. Peut-être que, en conclusion de notre débat, le commissaire européen que vous fûtes pourra nous indiquer quelles pourraient être les conséquences de cette situation au regard du pacte de stabilité et de croissance.

La Cour estime indispensable de réaliser des économies de l’ordre de 50 milliards d’euros entre 2025 et 2027, quand le Gouvernement se satisferait de 12 milliards d’euros par an. Le groupe UC partage plutôt votre analyse : l’effort devra se situer à un niveau d’au moins 50 milliards d’euros si nous voulons atteindre rapidement l’équilibre des comptes publics, un objectif incontournable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, hier, mardi, à dix heures, tel est l’horaire auquel nous avons reçu le rapport de la Cour des comptes, qui est l’objet du débat que nous avons aujourd’hui, soit trente heures pour parcourir 725 pages. Si l’on ajoute à cela la réduction du temps de débat, notre propre institution ne s’honore pas aujourd’hui. On fustige souvent le Gouvernement pour son manque de respect du Parlement, mais, mes chers collègues, commençons déjà par nous respecter nous-mêmes.

Bref, nous sommes ici aujourd’hui pour échanger – rapidement – autour du rapport de la Cour des comptes, dont les analyses et conclusions mettent en lumière les défis majeurs auxquels notre pays est confronté en matière d’adaptation au changement climatique. Il est heureux que la Cour se penche enfin sur la préparation de notre pays aux chocs qui viennent.

En préambule, il est important de contextualiser la situation économique actuelle. Le rapport souligne que les années 2022 et 2023 ont été marquées par des tensions inflationnistes et des prix de l’énergie élevés, ce qui a laissé des marques profondes sur nos finances publiques. Ce sont ces tensions économiques qui justifient aujourd’hui, aux yeux du Gouvernement, les saignées qu’il s’apprête à réaliser dans les dépenses publiques : –10 milliards d’euros par décret cette année, –20 milliards d’euros en 2025, puis –30 milliards d’euros supplémentaires jusqu’en 2027, avec des priorités dangereuses, puisqu’il s’agit de sabrer dans les dépenses d’avenir comme la recherche, l’écologie ou l’éducation.

Le contexte étant posé, le rapport, dans ses 700 pages restantes, s’attarde à examiner l’adaptation au changement climatique et met en lumière plusieurs lacunes et défis majeurs.

Tout d’abord, il y a un manque de chiffrage clair des efforts budgétaires nécessaires pour faire face à ce défi. Les retards dans l’élaboration d’une stratégie nationale mettent en péril de nombreux territoires et secteurs d’activité. Les collectivités ne sont pas épargnées, puisque la Cour des comptes souligne que les villes françaises ont adopté tardivement des stratégies d’adaptation au changement climatique et qu’elles ne répondent que partiellement aux enjeux. Elle préconise donc une rationalisation et une articulation accrues, avec une stratégie nationale d’adaptation plus clairement définie.

Par ailleurs, le rapport aborde les défis spécifiques auxquels sont confrontées nos infrastructures, comme les réseaux ferroviaire et électrique, notamment les événements climatiques extrêmes. Les outils actuels ne permettent pas de modéliser pleinement les effets du changement climatique, ce qui les expose, ce qui nous expose, à des risques accrus. Des investissements supplémentaires et une meilleure coordination entre les opérateurs sont nécessaires pour renforcer la résilience de ces réseaux.

Nous pourrions aussi noter que, en la matière, se fixer comme seul indicateur de transition la décarbonation peut s’avérer dangereux. Pour les investissements massifs prévus dans le nucléaire, par exemple, la décarbonation se heurtera à des enjeux de concurrence d’usage de la ressource en eau, raréfiée par la crise climatique.

Enfin, le rapport soulève la question de l’efficacité de la dépense publique et celle de la nécessaire transformation de notre fiscalité environnementale, notamment en anticipant les rendements plus faibles que celle-ci pourrait connaître si elle atteint ses objectifs.

Vous l’aurez constaté, mes chers collègues, le contraste est absolument saisissant entre le chapitre consacré aux finances publiques et le reste du rapport. Ces deux parties sont presque antinomiques ! On ne comprend pas comment on pourrait relever tous ces défis en s’inscrivant dans une logique de rigueur et d’orthodoxie budgétaires : c’est factuellement impossible. La dette climatique entre en concurrence avec notre dette financière.

Les écologistes plaident depuis longtemps en faveur d’une refonte globale de la fiscalité, car la transition écologique pèsera sur les recettes actuelles liées à l’énergie. Aussi, nous militons en faveur d’une politique budgétaire contracyclique afin de financer la transition écologique et soutenir les plus précaires.

Pour conclure, je dirai que ce rapport est un document important pour nos politiques environnementales. Il expose longuement les défis interconnectés auxquels nous sommes confrontés en matière d’adaptation au changement climatique. Ces défis exigent de l’État, des collectivités, de la sphère privée, une action urgente et coordonnée. Cette action est absolument nécessaire, mais elle est strictement incompatible avec la trajectoire budgétaire qu’envisage le Gouvernement. Ce rapport constitue un énième signal d’alarme de la part d’une institution qui n’est pas réputée pour sa radicalité : il faut le prendre très au sérieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)