La commission des lois et la délégation aux droits des femmes ont constitué une mission conjointe de contrôle afin d’évaluer l’efficacité des mesures visant à lutter contre la récidive des auteurs d’infractions à caractère sexuel.

La mission a rendu ses conclusions le mercredi 21 mai 2025.

Pourquoi ce contrôle ?

Divers drames récents interrogent quant à l’efficacité de la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles en matière de prévention de la récidive.

Chaque année, plus de 6 000 individus - quasi-exclusivement des hommes - sont condamnés pour violences sexuelles (viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle sur mineur).

Au 1er janvier 2024, 7 684 individus étaient incarcérés pour au moins une infraction à caractère sexuel.

La mission, menée par six rapporteures issues de plusieurs groupes politiques, entend examiner le traitement judiciaire, social et sanitaire de ces individus, dès leur mise en cause par le juge pénal, puis au cours de leur détention et à la suite de celle-ci.

Elle se penchera à cette fin sur les moyens, dispositifs et méthodes déployés dans le cadre de cette prise en charge afin de réduire le risque de récidive, et se livrera à une évaluation de leur efficacité.

Elle s’intéressera également à la problématique spécifique des mineurs auteurs de violences sexuelles, qui représentent près d’un quart des auteurs condamnés.

Quels constats et recommandations ?

Après avoir entendu près de cent personnes et effectué trois déplacements, la mission conjointe de contrôle a constaté que, en dépit du contexte de libération de la parole des victimes – et malgré une augmentation du nombre de plaintes pour violences sexuelles de près de 120 % entre 2016 et 2023 –, les taux de récidive légale et de réitération pour ces infractions restaient largement inférieurs à ceux des autres crimes et délits : la récidive s’établit ainsi à 5,7 % pour les viols (contre 7,2 % pour l’ensemble des crimes) et à 9 % pour les délits à caractère sexuel (contre 17,5 % pour l’ensemble des délits).

Ces chiffres, qui doivent être considérés avec prudence au vu de la judiciarisation limitée des violences sexuelles, ne doivent pas masquer plusieurs constats préoccupants, et en particulier :

  • le manque de statistiques fiables permettant à la fois de caractériser les facteurs de récidive et d’évaluer l’efficacité des dispositifs juridiques et médicaux prévus par le législateur ;
  • les lacunes de la prise en charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS) en amont de leur jugement : cette situation retarde la mise en place d’un suivi effectif, a fortiori dans un contexte où les délais de jugement sont élevés et le suivi en détention provisoire, inexistant ;
  • la pénurie de professionnels à tous les stades de la procédure, et singulièrement au stade de l’expertise médicale - pourtant obligatoire en droit avant tout jugement au fond - et de la mise en œuvre des injonctions de soins - qui reposent sur des médecins coordinateurs dont le nombre est insuffisant ;
  • les défaillances de la prise en charge des AICS au cours de leur détention, notamment au vu de la proportion importante de sorties « sèches » et de l’absence d’affectation prioritaire des détenus dans l’un des 22 établissements pénitentiaires adaptés à leur prise en charge (dits « fléchés AICS ») : n’y sont en effet recensés que 37 % de détenus condamnés pour des infractions à caractère sexuel.

Ces dysfonctionnements sont préjudiciables à la prévention de la récidive pour l’ensemble des AICS, et plus encore pour les mineurs auteurs dont le nombre ne cesse de croître : ils représentaient ainsi 25 % des mis en cause pour des violences sexuelles en 2023.

C’est pour répondre à ce diagnostic que la mission conjointe de contrôle a formulé 24 recommandations pour garantir la prise en compte des spécificités des auteurs d’infractions sexuelles et prévenir le risque de récidive. Elle propose, à titre principal, de :

  • renforcer la prévention primaire : lutte contre les risques liés à l’exposition précoce à la pornographie ; signalement et dépistage des violences sexuelles ; prise en charge spécifique des mineurs auteurs, notamment avec une formation renforcée des professionnels concernés (magistrats, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, police, gendarmerie…) en vue de repérer ceux qui, parmi ces auteurs, ont précédemment été victimes ;
  • produire des statistiques fiables sur les AICS pour évaluer leur prise en charge ;
  • prévenir la récidive par une prise en charge spécialisée des AICS, à tous les stades de la procédure : affectation, dès que possible, dans des établissements « fléchés » ; création d’une véritable injonction de soins en détention ; pour les étrangers AICS soumis à une obligation de quitter le territoire français à l’issue de leur peine, meilleure communication entre les acteurs de la rétention et ceux de la chaîne pénale pour que soient maintenus en centre de rétention administrative les individus présentant un risque réel de récidive ;
  • rationaliser les outils d’expertise, ce qui repose sur une simplification des dispositifs légaux et sur un recours accru aux psychologues pour les AICS qui ne sont pas atteints de troubles psychiatriques.

Tous les travaux

Mercredi 21 mai 2025, la commission des lois et la délégation aux droits des femmes ont examiné le rapport d'information de Mmes Annick Billon, Evelyne Corbière Naminzo, Catherine Di Folco, Audrey Linkenheld, Marie Mercier et Laurence Rossignol, rapporteures, sur la prévention de la récidive en matière de viol et d’agressions sexuelles, fait au nom de la mission conjointe de contrôle sur la prévention de la récidive en matière de viol et d’agressions sexuelles.

À 16h30, les rapporteures ont présenté à la presse les conclusions de leur rapport.

Présentation du rapport de la mission conjointe de contrôle

Mercredi 19 février 2025, les rapporteures ont entendu :

  • M. Laurent Gebler, président de la chambre des mineurs de Paris, représentant de l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) ;
  • Mme Danièle Tritsch, neurobiologiste, ancienne professeure à l’Université Pierre et Marie Curie (en visioconférence), et M. Jean Mariani, neurobiologiste, professeur émérite à la faculté de médecine Sorbonne Université, auteurs de l’ouvrage "Sexe et violences : comment le cerveau peut tout changer" ;
  • Mme Véronique Le Goaziou, sociologue, chercheuse associée au Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES-CNRS), et M. Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherche au CNRS, auteurs de divers travaux sur les déterminants de la criminalité sexuelle et les aspects sociologiques des violences sexuelles, à partir de l’étude de dossiers judiciaires (en visioconférence).

Mardi 18 février 2025, les rapporteures ont poursuivi leurs auditions autour de trois tables rondes.

Table ronde des organisations représentatives des directeurs d'établissements pénitentiaires et SPIP :

  • pour la CGT - Insertion-Probation : Mme Margaux Le Gallo, secrétaire nationale ;
  • pour l’UFAP UNSA Justice : MM. Simon-Pierre Lagouche, secrétaire national, et Jérémy Rivière, secrétaire régional adjoint de l’Union Régionale Réunion/Mayotte ;
  • pour FO Justice-CPIP : Mme Farida Ed-Dafiri, secrétaire générale adjointe ;
  • pour le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire-Fédération syndicale unitaire (SNEPAP-FSU) : Mmes Annabelle Bouchet, secrétaire générale adjointe, et Adeline Cautres, secrétaire régionale.

Table ronde des organisations représentatives des personnels d'insertion et de probation :

  • pour le Syndicat national des directeurs pénitentiaires  : Mmes Virginie Nouaille, directrice fonctionnelle du Spip de l'Essonne, et Amélie Ranfaing, adjointe au chef d'établissement du centre pénitentiaire de Caen ;
  • pour l’Union nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (UNDPIP-CFE-CGC) : M. Alexandre Pierre, secrétaire général adjoint ;
  • pour le Syndicat national pénitentiaires - Force ouvrière Direction : M. Ivan Gombert, secrétaire national.

Table ronde avec des représentants de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) : Mme Sophie Bondil, directrice, MM. Laurent Cousson, directeur adjoint, Frédéric Subileau, chef du département Probation et Criminologie, et Guillaume Brie, chef d’unité en charge du Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (CIRAP).

Mercredi 12 février 2025, les rapporteures ont entendu :

  • Institut français pour la justice restaurative (IFGR) : Mme Christiane Legrand, présidente, et M. Benjamin Sayous, directeur général ;
  • France Victimes : Mmes Isabelle Sadowski, directrice générale adjointe, et Élise Bouncer, psychologue référente ;
  • Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP) : Mme Cécile Delazzari, secrétaire générale, vice-présidente chargée de l’application des peines au Tribunal judiciaire de Toulouse, et M. Ludovic Fossey, vice-président, président de la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Paris.

Jeudi 6 février 2025 après-midi, une délégation de sénatrices composée de Mmes Dominique Vérien, présidente, Catherine Di Folco, Annick Billon, Evelyne Corbière-Naminzo et Laurence Rossignol, rapporteures, a effectué un déplacement à Fresnes.

Au cours de cet après-midi : 

  • Échanges avec l’équipe de direction du centre pénitentiaire et de l’Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) ;
  • Organisation, dernières données statistiques, bilans et perspectives, en présence des professionnels du Centre national d’évaluation (CNE) et du Dr Magali Bondon-Bruzel ;
  • Visite du centre médico-judiciaire de sûreté de l’Établissement public de santé national de Fresnes (ESPNF), en présence de Mme Sylvie Paul et du Dr Magali Bondon-Bruzel ;
  • Visite du centre pénitentiaire, dont le Centre national d’évaluation (CNE) et l’unité psychiatrique d’hospitalisation de jour, en compagnie du chef d’établissement, M. Jimmy Delliste.

Jeudi 6 février 2025, la mission conjointe de contrôle a organisé une table ronde sur l'expertise psychiatrique et psychologique des délinquants sexuels  :

  • M. Christian Ballouard, expert psychologue, président de la Compagnie nationale des experts psychologues (Cnepsy) au sein du Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ) ;
  • Dr Roland Coutanceau, expert psychiatre, président du Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (Snepp) ;
  • Dr Laurent Layet, expert psychiatre, représentant de l’Association nationale des psychiatres experts judiciaires (Anpej), président de la Compagnie nationale des experts psychiatriques près les cours d’appel (CNEPCA) ;
  • Dr Charles-Olivier Pons, expert psychiatre, président de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP) ;
  • M. Florent Simon, psychologue, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP).

Vendredi 31 janvier 2025, une délégation de sénatrices composée de Mmes Muriel Jourda et Dominique Vérien, présidentes, ainsi que Mmes Catherine Di Folco, Evelyne Corbière Naminzo, et Marie Mercier, rapporteures, a effectué un déplacement à Caen.

Au cours de cette journée, la délégation a procédé le matin à une visite du centre pénitentiaire de Caen, puis échangé avec M. Stéphane Sinagoga, secrétaire général de la préfecture du Calvados, dans les locaux de la Préfecture du Calvados. De 14 heures à 16h30 s'est tenue une table ronde pluridisciplinaire sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles avec les différents acteurs en charge du suivi socio-judiciaire des auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS) : Juge des enfants et Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), juge d’application des peines, Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), Agence régionale de santé (ARS), Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), Centre ressource pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS). La journée s'est terminée par un point presse de 16h30 à 17h15 à la Préfecture du Calvados.

Mercredi 29 janvier 2025, les rapporteures ont entendu :

  • Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) : Mmes Cécile Gressier, sous-directrice de la justice pénale générale, et Anne-Mahaut Mercier, adjointe à la cheffe du bureau de la politique pénale générale ;
  • Ministère de l’intérieur - Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) : Mme Séraphia Scherrer, sous-directrice adjointe de la stratégie et du pilotage territorial, et M. Franck Dannerolle, chef de l'office central pour la répression des violences aux personnes ;
  • Ministère de la justice - Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) : Mmes Marie Léon, directrice-adjointe, et Laetitia Soulard, chargée de la protection de l'enfance.

Mercredi 22 janvier 2025, les rapporteures ont organisé une table ronde avec des représentants du ministère de la santé et de la prévention, et des agences régionales de santé (ARS) :

  • Direction générale de l’offre de soins (DGOS) - Ministère de la santé et de la prévention :  Mmes Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital, et Laora Tilman, cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables ;
  • ARS de la Réunion : M. Gérard Cotellon, directeur général ;
  • ARS Île-de-France : M. Daniel Pinède, médecin psychiatre et conseiller médical à la direction de la santé publique ;
  • ARS de Corse : Dr Jean-Louis Wyart, directeur de la santé publique, et Mme Viviane Dahan, chargée de mission "violences/santé" à la direction de la santé publique ;
  • ARS de Bourgogne-Franche-Comté : Mmes Anne-Laure Moser Moula, directrice de l’organisation des soins et de l’autonomie, et Céline Goussard, directrice de projet santé des détenus, soins palliatifs, médecine légale, co-cheffe du parcours maladies cardiovasculaires ;
  • ARS des Hauts-de-France : M. Jean-Christophe Canler, directeur général adjoint.

Mardi 21 janvier 2025, les rapporteures ont entendu :

  • Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ) : Mme Catherine Mathieu, présidente du tribunal judiciaire de Créteil ;
  • Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) : M. Olivier Caracotch, procureur de Dijon ;
  • Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG) : M. Christophe Barret, procureur général de Grenoble, vice-président de la CNPG.

Mercredi 15 janvier 2025, les rapporteures ont entendu des représentants de la Direction de l'administration pénitentiaire :

  • M. Emmanuel Razous, directeur adjoint de l’administration pénitentiaire ;
  • M. Charles Barbetti, chef du département des politiques sociales et des partenariats ;
  • Mme Adelina Gallet, référente nationale AICS, publics en perte d'autonomie, en situation de handicap.

Mardi 17 décembre 2024, la mission conjointe de contrôle a organisé une table ronde avec des représentantes d'associations et organisations féministes :

  • Mme Yseline Fourtic-Dutarde, co-présidente d'Ensemble contre le sexisme et porte-parole de la Coalition féministe pour une loi intégrale ;
  • Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation des femmes ;
  • Mme Violaine de Filippis-Abate, avocate, co-fondatrice du collectif Action Juridique Féministe ;
  • Mme Isabelle Steyer, avocate, membre du collectif Action Juridique Féministe.

Mardi 11 décembre 2024, les rapporteures ont entendu :

  • Mme Catherine Ménabé, docteure en droit privé et sciences criminelles, maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles, directrice du DU Criminologie et Victimologie à l'Université de Lorraine ;
  • Mme Marie Romero, docteure en sociologie, auteure de rapports pour la Protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs auteurs d’infractions sexuelles et leurs parcours judiciaires, et M. Benoît Le Dévédec, docteur en droit privé et sciences criminelles, auteur d’une thèse sur le discernement des mineurs en matière d’infractions sexuelles.

Jeudi 5 décembre 2024, la mission conjointe de contrôle a organisé une table ronde avec des représentants de Centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (Criavs) :

  • Dr Walter Albardier, psychiatre, responsable du CRIAVS Île-de-France ;
  • Dr Hélène Denizot-Bourdel, praticien hospitalier au CHU de Clermont Ferrand, responsable médical régional du CRIAVS Auvergne Rhône Alpes ;
  • Me Caroline Kazanchi, avocat, docteur en droit, juriste correspondante auprès du CRIAVS de Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
  • Dr Anne-Hélène Moncany, psychiatre, présidente de la Fédération française des Centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (FFCRIAVS).

Lundi 28 octobre 2024, une délégation de sénatrices composée de Mmes Dominique Vérien, présidente, Annick BillonMarie Mercier et Laurence Rossignol, rapporteures, ont effectué un déplacement dans l'Yonne.

La délégation a tout d'abord rencontré Mme Laurence Houzard, directrice territoriale de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) Yonne-Nièvre ; M. Basile Kerneis, conseiller technique en promotion de la santé de la PJJ Yonne-Nièvre et Mme Géraldine Renault, éducatrice de la PJJ Yonne-Nièvre et coordinatrice du service d'accompagnement de jeunes victimes et-ou auteurs d'infractions à caractère sexuel (Savi) ; ainsi que M. Sylvain Terreau, directeur du pôle médico-social de l'Yonne du PEP Centre Bourgogne Franche-Comté.

Puis la délégation s'est rendue au centre de détention de Joux-la-Ville où elle s'est entretenue avec M. Darius Dele, chef d'établissement, et des représentants de l'administration pénitentiaire et du Centre hospitalier spécialisé (CHS) de l’Yonne.

À voir et à revoir