Date d'adoption du texte par les instances européennes : 23/11/1998

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 10/09/1998
Examen : 21/10/1998 (délégation pour l'Union européenne)


Union monétaire

Communication de M. Xavier de Villepin sur la proposition d'acte communautaire E 1145 relative à la mise en place de l'Union monétaire et sur le démarrage de l'Euro

Cette proposition d'acte communautaire E 1145 porte sur trois recommandations de la Banque centrale européenne (BCE) au Conseil pour des règlements concernant :

- l'application de réserves obligatoires par la Banque centrale européenne,

- la collecte d'informations statistiques par la Banque centrale européenne,

- les pouvoirs de la Banque centrale européenne en matière de sanctions.

Le Conseil d'Etat a en effet estimé, le 9 septembre 1998, que les recommandations en cause constituent une proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4, car les règles concernant le niveau de réserves obligatoires, la collecte d'informations statistiques auprès des agents économiques et le pouvoir de la Banque centrale européenne d'édicter des sanctions relèveraient, en droit français, du domaine législatif, au titre des règles du régime d'émission de la monnaie et des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales.

Ces trois recommandations de la Banque centrale européenne nous avaient été soumises dans le cadre de la procédure écrite, mais il m'a semblé qu'elles étaient d'une importance suffisante pour que notre délégation s'en saisisse ; il m'a semblé également que l'examen de ces recommandations était l'occasion d'évoquer les conditions générales du démarrage de l'euro au 1er janvier prochain.

I - LES RECOMMANDATIONS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPEENNE

Je tiens tout d'abord à souligner l'importance de ces trois textes, car c'est la première fois que la Banque centrale européenne, qui a été installée le 1er juillet dernier, présente des recommandations au Conseil au titre de l'article 106 paragraphe 6 du traité ; je vous précise que cet article crée un nouveau droit d'initiative au bénéfice de la Banque centrale européenne, parallèlement au droit d'initiative législative dont dispose la Commission depuis l'origine du traité de Rome.

a) Le système des réserves obligatoires

Le premier règlement porte sur le régime des réserves obligatoires de la nouvelle politique monétaire européenne. Ce règlement est nécessaire pour donner effet à l'article 19.2 des statuts du système européen de banques centrales (SEBC) qui dispose que le Conseil définit l'assiette des réserves obligatoires et les rapports maxima autorisés entre ces réserves et leur assiette, ainsi que les sanctions à appliquer en cas de non-respect de ces réserves.

Dans ce cadre, le règlement proposé par la BCE désigne les catégories d'institutions que la Banque centrale européenne peut assujettir ou exempter de la constitution de réserves obligatoires. Il définit l'assiette des réserves obligatoires et les taux de réserves maxima autorisés (10 % des exigibilités entrant dans l'assiette des réserves) que la Banque centrale européenne pourra appliquer pour le calcul des réserves obligatoires. Le texte n'évoque pas les conditions de rémunération de ces réserves, mais la Banque centrale s'est engagée, au cours de la négociation du texte, à procéder à la rémunération des réserves obligatoires.

Le règlement précise d'autre part les pouvoirs réglementaires de la Banque centrale européenne pour l'application de ces règlements et lui confère le droit d'imposer des obligations de déclarations spécifiques aux institutions astreintes à la constitution de réserves.

Les autres caractéristiques du système pourront être définies par la BCE. A cet égard, la Banque centrale européenne insiste sur le fait que les caractéristiques précises du système des réserves obligatoires devront être définies en fonction des conditions économiques et financières qui prévaudront durant la troisième phase ; elle estime par conséquent qu'il n'est pas souhaitable de limiter trop fortement sa capacité d'adaptation dans la mise au point des éléments du système. En outre, les textes relevant du droit dérivé ne doivent pas, selon elle, réduire la marge de manoeuvre de la BCE au point de porter atteinte au principe de l'indépendance des organes de décision dans la conduite de la politique monétaire, principe qui a été établi par le traité.

b) La collecte d'informations statistiques par la Banque centrale européenne

Ce deuxième règlement est nécessaire pour donner effet à l'article 5.4 des statuts du système européen de banques centrales qui dispose que le Conseil définit les personnes physiques et morales soumises aux obligations de déclaration, établit le régime de confidentialité et les dispositions adéquates d'exécution et de sanction.

Le projet de règlement autorise la Banque centrale européenne à arrêter des règlements dans le domaine statistique ; ces futurs règlements auront un pouvoir contraignant dans les Etats membres participants.

La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales auront ainsi le droit de vérifier sur pièces et sur place l'exactitude et la qualité des informations statistiques fournies par les agents déclarants.

Cette disposition est dérogatoire à la règle de la confidentialité des déclarations statistiques. Mais la Banque de France, comme la direction du Trésor, ont accepté cette dérogation.

c) Les pouvoirs de la banque centrale européenne en matière de sanctions

Le troisième règlement est enfin nécessaire pour donner effet à l'article 34.3 des statuts de la Banque centrale européenne qui dispose que, dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil, la Banque centrale européenne est habilitée à infliger des amendes et des astreintes aux entreprises en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions.

La BCE estime qu'il est opportun, notamment pour favoriser une démarche uniforme en matière de sanctions dans les divers domaines relevant de sa compétence, que toutes les dispositions générales et de procédure permettant d'infliger de telles sanctions fassent l'objet d'un règlement unique du Conseil complétant l'ensemble des dispositions spécifiques relatives aux sanctions contenues dans les autres règlements du Conseil applicables en la matière, notamment ceux qui traitent de la collecte d'informations statistiques et des réserves obligatoires.

Le champ d'application territorial du règlement est la zone comprenant les Etats membres participant à l'Union monétaire ; de ce fait, les règlements et décisions de la BCE n'imposent aucune obligation aux entreprises des Etats membres ne participant pas à la monnaie unique.

Les recettes provenant des sanctions infligées par la BCE appartiendront à la BCE.

Enfin dans la mesure où le passage à la troisième phase entraîne un transfert de compétences au profit de la Communauté, le cadre réglementaire du Système européen de banques centrales (SEBC) va se substituer aux dispositions nationales en matière de sanctions : un nombre important d'obligations découlant des dispositions nationales seront ainsi remplacées par des obligations communautaires. Lorsque la BCE aura seule compétence pour infliger des sanctions, sa compétence l'emportera sur toute compétence en matière de sanctions détenue antérieurement par les autorités nationales.

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Les trois projets de règlement du Conseil ont été adoptés par le Conseil des Gouverneurs de la nouvelle Banque centrale européenne le 9 juillet 1998. Ils devaient être examinés par le Conseil des ministres de l'économie et des finances le 12 octobre 1998. Mais leur examen a pris quelque retard. La Commission européenne a déposé son avis sur ces textes le 7 octobre. Le groupe de travail UEM du Conseil s'en est saisi le 9 octobre ; le COREPER en a débattu le 15 octobre et doit à nouveau se prononcer le 20 octobre pour une réunion du Conseil prévue le 26 octobre.

La BCE souhaite une adoption rapide de ces trois recommandations dans la mesure où ils conditionnent d'autres textes de droit dérivé que la BCE pourra prendre seule. A ce jour, l'Allemagne a déposé une réserve générale dans l'attente de la constitution de son nouveau gouvernement.

L'Assemblée nationale a déposé une proposition de résolution qui ne pourra être examinée par la Commission des finances de l'Assemblée nationale qu'aux alentours du 10 novembre, la résolution ne devenant définitive que vers le 20 novembre. Cette proposition « estime acceptables, eu égard à la situation actuelle, les taux de réserves obligatoires que la BCE envisage de fixer entre 1,5 et 2,5 % des dépôts, admet que la nature des sanctions proposées par la BCE et les garanties juridiques qu'elle prévoit sont conformes aux principes régissant les procédures analogues existant aujourd'hui en droit interne, insiste sur le fait que, conformément au principe de subsidiarité, les banques centrales nationales doivent demeurer les acteurs de l'instruction des poursuites et de la mise en oeuvre de ces sanctions, souligne qu'il appartient aux seuls Etats membres de l'Union européenne participant à l'euro de prendre les décisions relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions que la BCE peut imposer ».

Ces textes sont donc importants mais, dans la mesure où la Banque de France, comme la direction du Trésor, qui ont négocié la rédaction de ces trois recommandations, en approuvent le contenu, j'estime qu'il n'est pas utile que la Délégation intervienne sur ces trois textes.

II - LE DEMARRAGE DE L'EURO

Comment se présente le démarrage de l'euro ? Tel est le second point de ma communication. Pour faire court je m'en tiendrai à trois aspects qui me semblent déterminants :

- tout d'abord la préparation technique de la France pour le passage à l'euro se poursuit normalement, malgré le rapprochement annoncé entre les bourses de Londres et de Francfort ;

- mais, par ailleurs, l'environnement économique et financier  s'est fortement dégradé dans le monde depuis notre dernier débat en séance publique du mois d'avril sur le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire ;

- enfin des questions importantes restent encore en suspens.

a) La préparation technique de la France à l'euro se poursuit normalement, malgré le rapprochement annoncé entre les bourses de Londres et de Francfort 

La France -notamment ses institutions bancaires et financières- se prépare activement à l'euro : un « plan national de passage à l'euro » a été élaboré sous l'égide du Comité National de l'euro. Il constitue le cadre de référence du passage de la France à l'euro autour de deux dates importantes :

- la première est celle du 1er janvier 1999. A cette date, l'euro deviendra la monnaie unique des pays participant à l'euro. Le franc continuera d'exister, mais il sera une expression particulière de la monnaie unique, l'euro. Le franc sera défini par rapport à l'euro, en fonction d'un taux de conversion qui sera définitivement fixé le 31 décembre prochain par le collège des gouverneurs de la Banque centrale européenne ;

- la deuxième date sera celle du 1er janvier 2002. A cette date, les billets et les pièces en euro seront mis en circulation et, parallèlement, les billets et les pièces en franc seront progressivement retirés de la circulation. Au 1er juillet 2002 au plus tard, les billets et les pièces en franc auront été retirés.

Entre les dates du 1er janvier 1999 et du 1er janvier 2002 (période dite "transitoire "), le franc restera, dans un premier temps, majoritairement utilisé dans les transactions courantes ; en particulier, les transactions en monnaie fiduciaire (billets et pièces) se feront en franc, car les billets et pièces en euro n'existeront pas encore. Mais l'euro pourra déjà être utilisé sous forme scripturale. Ainsi, ceux qui le souhaitent pourront disposer de comptes bancaires et de chèques en euro auprès des banques qui offriront un tel service. On pourra réaliser également avec sa carte bancaire des opérations en euro.

Il ne faut pas se cacher que la période de transition sera difficile d'abord pour les entreprises qui doivent adapter leurs systèmes comptables et leurs politiques commerciales, mais aussi pour les particuliers ; les aspects psycho-sociologiques du passage à l'euro commencent seulement à être étudiés et semblent importants.

Dans un premier temps, et à compter du 1er janvier 1999, ce seront surtout les marchés financiers qui seront concernés, puisque, dès le 1er janvier 1999, l'ensemble des marchés de capitaux et des systèmes de paiement et de règlement correspondant à ces marchés basculeront en euro.

Un schéma de place bancaire et financier a été publié en février 1997 par le groupe de concertation de place sur le passage à l'euro. Ce schéma de place définit les principes, décisions et orientations devant régir le passage à l'euro des activités bancaires et financières. Des cahiers des charges, élaborés par l'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (AFECEI), définissent les modalités pratiques de ce passage. Un suivi détaillé de la mise en oeuvre du schéma de place bancaire et financier et une mise à jour permanente des cahiers des charges sont assurés sous l'égide de l'AFECEI et du groupe de concertation de place sur le passage à l'euro.

Les grandes lignes du schéma de place bancaire et financier s'inspirent des principes suivants :

- la place financière de Paris doit être dotée, dès le 1er janvier 1999, de l'ensemble des moyens de paiement lui permettant de s'affirmer comme une des grandes places européennes fonctionnant totalement en euro ; un premier test de place a eu lieu en septembre et sera suivi de deux autres tests avant le 31 décembre ;

- le système bancaire accompagnera ses clients dans leur passage à l'euro, au rythme qu'ils souhaitent, sur la base du principe "ni interdiction - ni obligation " ; il effectuera les conversions des moyens de paiement dans l'unité, franc ou euro, choisie par le client ;

- le système bancaire et financier a engagé, d'ores et déjà, les très importants investissements nécessaires ; il les poursuivra jusqu'à la fin de la période transitoire, sans avoir à les concentrer tous sur le début de période, le basculement pouvant se faire de manière progressive, coordonnée et synchronisée au niveau des opérations ; le système bancaire et financier participe activement à l'information de la clientèle ; il forme dès maintenant son personnel.

L'adaptation de la place de Paris est un élément essentiel du dispositif de passage à l'euro. Dans ces conditions on ne peut que s'étonner du rapprochement annoncé entre les bourses de Londres et de Francfort, alors même que la société des bourses françaises s'attendait à un rapprochement avec la bourse de Francfort dans le cadre de l'euro. De ce point de vue, on peut se demander si la question du rapprochement des bourses européennes est une question qui doit seulement être débattue par les professionnels et si les gouvernements ne doivent pas, eux aussi, s'impliquer dans un dossier qui n'est pas seulement technique.

b) L'environnement économique et financier s'est fortement dégradé dans le monde

L'environnement économique et financier de l'Europe s'est profondément dégradé ces derniers mois en raison de l'extension de la crise financière dans le monde, dont les événements sont bien connus : effondrement des systèmes bancaires en Thaïlande, en Corée, en Indonésie et au Japon (où dix des plus grands établissements financiers ont des fonds propres négatifs et où la récession sera de l'ordre de 2,5 % cette année), puis en Russie (où 1480 banques sur 1500 viennent de fermer), plus grande prudence des investisseurs financiers à la suite de la baisse de la notation de la plupart des établissements financiers y compris suisses, et finalement déstabilisation des marchés boursiers, d'abord dans les pays émergents, puis plus récemment aux Etats-Unis et en Europe.

Au total, le Fonds Monétaire International estime dans son dernier rapport que le coût global de la crise est de l'ordre de 600 à 800 milliards de dollars (3.500 à 4.500 milliards de francs) en production et en revenus, ayant entraîné dans le chômage plus de 10 millions de travailleurs ; le FMI n'exclut pas pour l'année prochaine une récession plus grave, plus générale et plus durable.

Les conséquences de cette situation sont prévisibles :

- remontée des écarts de financements aussi bien vis-à-vis des pays émergents que des entreprises en fonction de leur signature ;

- limitation des lignes de crédit entraînant une baisse générale de la liquidité, prémisse de nouvelles faillites industrielles.

On ne peut exclure que l'Europe ne soit à son tour indirectement touchée par ces crises en raison de l'interdépendance des marchés financiers globalisés. Il faut souligner de ce point de vue que le seul raisonnement qui fait appel au volume des balances commerciales est insuffisant, car les effets réels des chocs financiers vont au-delà des seuls échanges commerciaux : leurs implications dans la sphère économique peuvent être disproportionnées.

Les conséquences en seraient alors un ralentissement de la croissance, une augmentation du chômage et des tensions accrues sur les finances publiques en Europe, surtout si la nouvelle banque centrale européenne rencontre des difficultés pour ajuster sa toute nouvelle politique monétaire aux exigences de la situation économique, forcément différente suivant les pays. Le FMI vient d'ailleurs de faire savoir qu'il souhaiterait en Europe une politique monétaire moins monétariste et moins orthodoxe. Mais la convergence nécessaire des taux d'intérêt à court terme dans la zone euro pourrait aussi être plus difficile que cela n'avait été prévu, notamment pour certains pays, comme l'Italie, où la Banque centrale doit face à d'autres incertitudes pour maintenir la parité entre la lire et le mark.

Dans ces conditions, on ne peut que constater que le démarrage de l'euro va intervenir dans un contexte nouveau et plus difficile pour le réglage de la politique monétaire et dont la moindre erreur pourrait avoir des conséquences sérieuses sur les économies de nos pays.

c) Les questions en suspens : la représentation externe de l'euro et la politique de change

Parmi les nombreuses questions encore suspens, deux me semble-t-il sont particulièrement sérieuses.

La première porte sur la représentation externe de l'euro dans le cadre des enceintes monétaires internationales du type Bretton Woods ou informelles. Qui parlera au nom de l'euro ? Cette question n'a pas encore été tranchée par le Conseil. L'Allemagne et le Royaume-Uni sont pour l'heure en faveur de la situation actuelle qui est caractérisée par l'absence d'une représentation particulière de la zone euro au G 7. D'autres, comme la France, soutenue par l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg et la Belgique sont d'avis que le président de l'euro 11, quand il n'est pas membre du G 7, devrait participer à ce dernier sur les sujets liés à l'euro, solution qui impliquerait de revoir la représentation des banquiers centraux européens en raison des réticences américaines à augmenter la représentation européenne. Le Président de la BCE participerait en tout état de cause au G 7. La Belgique a fait une autre proposition consistant à ce que les positions monétaires européennes soient exprimées par le président de l'euro 11 quand il est aussi membre du G 7 ou par un vice-président de l'euro-11 choisi par les trois membres européens du G 7 quand cette présidence est assurée par un européen non-membre du G 7.

La question de la représentation externe de l'euro n'est pas sans lien avec la seconde question qui est celle de la politique de change que le traité de Maastricht avait réservée au Conseil, mais qui, sous la pression des banquiers centraux, ne sera plus traitée « qu'exceptionnellement » par le Conseil. Le traité en effet stipule que « en l'absence d'un système de taux de change vis-à-vis d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires [...], le Conseil, statuant à la majorité qualifiée soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de la BCE, peut formuler les orientations générales de politique de change vis-à-vis de ces monnaies » (article 109.2).

Ce point est évidemment déterminant car le niveau de l'euro par rapport au dollar sera un élément important de la compétitivité de l'industrie européenne dans le monde. Si nos exportations ont nettement progressé en 1997, l'effet en revient à la dépréciation de 25 % qu'avait subi le franc par rapport au dollar entre juillet 1995 et juillet 1997 ; depuis juillet 1998 à l'inverse, le franc s'est réapprécié de 10 % par rapport au dollar et nos entreprises commencent à en ressentir les effets.

Les exportateurs européens pourraient en outre être pénalisés par la crise financière, comme l'a récemment indiqué le commissaire Yves Thibault de Silguy : « Les exportations pourraient continuer de souffrir d'une baisse de la demande et la récente chute sur les marchés boursiers pourrait affecter la demande interne au sein de l'Union européenne ».

En définitive, le plus grand risque de l'Europe pendant cette phase cruciale du démarrage de l'euro vient du choc asymétrique sur les économies des pays participants à l'euro dans la mesure où les Etats-membres, d'une part, ne sont pas impliqués de manière identique dans les pays asiatiques et émergents et, d'autre part, ne sont pas au même stade de leur cycle économique ; sans une flexibilité suffisante du marché du travail entre les pays du coeur de la zone euro et les pays de la périphérie, une instabilité des taux d'intérêt contribuerait alors à accentuer la crise économique.

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Sous la réserve de ces différentes observations, je vous propose de ne pas déposer de proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E 1145 ; mais je vous propose aussi de poursuivre une veille attentive sur les conditions du démarrage de l'euro.

Compte rendu sommaire du débat

consécutif à la communication

M. Emmanuel Hamel :

N'est-il pas dramatique d'accepter sans réserves les recommandations de la Banque centrale européenne au motif que ces textes ont été négociés par la Banque de France et la direction du Trésor, alors même que ces deux institutions avalisent la disparition du franc ? N'y a-t-il pas une réflexion à mener car les conséquences de ces textes sont considérables en termes de perte de pouvoir de notre pays sur l'économie nationale et de diminution des moyens de réaction de la France face à la pression monétaire externe ?

M. Xavier de Villepin :

Le traité de Maastricht qui a été approuvé par référendum par les français a conduit à la mise en place de l'euro ; il est difficile de revenir sur cette création qui a aussi ses avantages ; quand on regarde l'état du monde tel que j'ai essayé de le décrire, on ne peut que constater que l'Europe est relativement protégée, en partie grâce à la naissance de l'euro, contrairement à la situation de 1992 où la lire et la livre avaient été très attaquées ; on peut penser que le gouverneur de la Banque de France et le directeur du Trésor ont réfléchi aux intérêts de notre pays.

M. Michel Barnier :

Il faut rappeler que, à nos yeux, l'euro n'est pas un miracle, mais un outil de stabilité ; l'Europe a été relativement protégée et nous en avons un exemple avec les pays nordiques qui sont différemment atteints par les turbulences mondiales selon qu'ils sont à l'extérieur de l'euro comme la Norvège, la Suède et le Danemark, ou à l'intérieur de l'euro comme la Finlande ; parmi ces quatre pays, qui sont liés par des liens historiques et économiques anciens, seule la Finlande bénéficie d'une monnaie qui reste stable grâce à l'euro.

M. Jean-Pierre Fourcade :

Il faut que les obligations de déclarations statistiques auprès de la Banque centrale européenne ne pèsent pas trop lourd sur les entreprises ; il faut en particulier éviter, avec ce texte, de renforcer un sentiment anti-européen chez les chefs d'entreprises ; il convient, par conséquent, de veiller à ce que les entreprises n'aient pas plus d'obligations vis-à-vis de la Banque centrale européenne qu'elles n'en ont actuellement avec la Banque de France. En revanche, sur la question de « l'euro-fort » ou de « l'euro-faible », on ne peut qu'émettre des voeux, car ce sont les cours constatés sur les marchés au 31 décembre prochain qui décideront du niveau de la parité de l'euro par rapport au dollar.

M. Lucien Lanier :

Le rapprochement des bourses de Francfort et de Londres est un fait extrêmement inquiétant ; on aurait pu penser que la société des bourses françaises aurait pu être informée de cet accord ; or il n'en est rien ; je suis donc très favorable à l'idée émise par notre rapporteur de saisir le Parlement français de cette affaire. On ne peut pas accepter d'entrer dans l'euro avec un axe monétaire Francfort-Londres et comme seul soutien de la France les pays du sud.

M. Xavier de Villepin :

Je suis effectivement très déçu par cet accord dont on ne sait s'il relève de la responsabilité du seul secteur privé ou du secteur public. Or il est impossible d'avoir une explication claire sur cette affaire. J'ai déposé une question écrite qui n'a pas encore reçu de réponse. Personne ne veut prendre la responsabilité de nous informer complètement. C'est la raison pour laquelle j'ai déclaré aujourd'hui même devant la commission des affaires étrangères que, si après ce premier mauvais coup, nous assistions à un rapprochement entre Dasa et British Aerospace, alors notre pays serait dans une situation dangereuse.

M. Michel Barnier :

Il serait très important de rechercher les raisons de ces rapprochements. Je pense que la délégation devrait poursuivre ses investigations.

M. Maurice Blin :

Nous pourrions entendre utilement M. Jean-François Théodore, président de la société des bourses françaises, qui connaît parfaitement ce dossier depuis plusieurs années ; il pourrait nous expliquer les raisons qui expliquent ce brusque décrochement de Francfort. La délégation pourrait également entendre M. Marc Viénot, président de Paris-europlace.