COM (1999) 494 final  du 20/10/1999
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/11/2000

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 10/11/1999
Examen : 23/02/2000 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Partenariat euro-méditerranéen

Proposition E 1331

(Réunion du 23 février 2000)

Communication de M. Louis Le Pensec
sur le texte E 1331 relatif au partenariat euro-méditerranéen (MEDA)

La définition d'une nouvelle politique européenne en faveur du développement de la zone méditerranéenne s'est concrétisée, le 28 novembre 1995, dans la « Déclaration de Barcelone » instaurant un partenariat entre l'Union européenne et douze pays tiers méditerranéens.

Cette initiative, à laquelle la France avait pris une large part, reflétait le souci d'une meilleure prise en compte de l'environnement géographique situé au Sud de l'Europe, rééquilibrant en quelque sorte le mouvement lancé en faveur des pays de la zone d'Europe centrale et orientale.

Le partenariat méditerranéen présentait la particularité de se vouloir complet et non limité aux seuls aspects commerciaux. Il repose de ce fait sur trois volets étroitement liés :

un volet politique visant l'établissement d'un espace de paix et de sécurité dans une zone de tensions et de forte instabilité ;

un volet économique et financier ayant pour objectif ambitieux d'instaurer, à échéance 2010, une zone de libre-échange entre l'Union européenne et ses partenaires (hors agriculture) ;

un volet culturel, social et humain fondé sur des actions de formation et d'échanges ayant notamment pour but d'assurer une meilleure gestion des phénomènes migratoires.

Afin d'accorder à ce projet de très grande ampleur le soutien nécessaire, un instrument financier spécifique déjà existant, dit MEDA, avait été doté d'une enveloppe de 4,685 milliards d'écus pour la période 1995-1999 lors du Conseil européen de Cannes de juin 1995. Il s'agissait alors d'un accroissement considérable des moyens précédemment mis à la disposition de cette partie du monde.

Il n'est toutefois pas inutile de souligner que les fonds restaient très inférieurs à ceux destinés au développement des pays d'Europe centrale et orientale, alors que les besoins de la région méditerranéenne sont jugés plus considérables encore.

La mise en oeuvre concrète de ce fonds a subi de très nombreux avatars. Son lancement initial a d'abord été longtemps bloqué par la Grèce en rétorsion contre la Turquie avant d'être adopté en juillet 1996. La définition des programmes indicatifs nationaux, servant de base au financement ultérieur de projets, a ensuite nécessité d'importants délais.

Il se trouve que l'article 15-6 du règlement MEDA invitait la Commission à effectuer, à mi-parcours, une évaluation de performance assortie le cas échéant de propositions d'améliorations, et ce avant le 31 décembre 1998.

L'évaluation faite par la Commission -en juin 1999 seulement- a dressé le bilan de la demi-période de programmation 1995-1998 et a montré le manque d'efficacité du dispositif, dont les pays bénéficiaires s'étaient d'ailleurs maintes fois émus. C'est ainsi que si les engagements de crédits étaient bien effectués à hauteur de 100 % pratiquement, les crédits de paiements plafonnaient à environ 26 % des fonds disponibles.

Le présent texte E 1331 présente donc -tardivement- des propositions de réforme.

1. Le diagnostic de la Commission

La Commission considère que la complexité de mise en oeuvre de la politique méditerranéenne trouve essentiellement son origine dans certaines dispositions du règlement en vigueur.

En effet, celle-ci fait actuellement l'objet d'un double examen par le Comité MED (composé de représentants de la Commission, de la BEI, des Etats membres et du partenaire méditerranéen concerné par le programme).

· Un premier examen a lieu au stade de la planification stratégique et sectorielle, pour la définition des programmes indicatifs, nationaux (PIN) ou régionaux (PIR) ;

· un second examen a lieu pour la définition des projets individuels proprement dits.

S'appuyant sur un audit externe, la Commission a donc estimé que « ce système de double approbation conduisait à une redondance et entraînait des procédures inutilement longues et compliquées qui ne contribuaient pas de manière significative à améliorer la qualité des projets, mais mobilisaient des ressources qui seraient mieux employées à renforcer la planification stratégique et la coordination ».

2. Les propositions de la Commission

La Commission propose d'accélérer les versements financiers par un allégement du processus décisionnel.

Le Comité MED ne serait plus saisi des projets individuels mais uniquement, en amont du processus, des programmes indicatifs et des plans de financement annuels.

La Commission estime que ce stade unique d'examen permettra une meilleure définition des stratégies pluriannuelles, ainsi qu'une bonne évaluation des résultats par rapport aux objectifs fixés.

D'autres mesures de rationalisation envisagent le remplacement du Comité de réglementation par un Comité de gestion et l'amélioration de la coordination avec la Banque européenne d'investissement (BEI).

3. Les inconvénients de cette réforme

Il résulterait de cette modification une réduction significative des pouvoirs d'examen, de contrôle, éventuellement d'amendement et de suivi régulier des projets par les Etats membres. Cette observation n'a pas manqué, d'ailleurs, de provoquer une forte hostilité contre ce texte de la part des pays du sud de l'Europe, dont la France, ainsi d'ailleurs que du Danemark (qui témoigne souvent d'un grand degré d'exigence sur le respect des procédures).

De surcroît, la procédure actuellement en vigueur offre l'avantage d'une information pragmatique des administrations, sur des projets concrets et non sur des lignes directrices plus vagues ; elle permet de signaler aux partenaires économiques l'éventualité d'appels d'offres. Elle a également pour atout, et non des moindres, d'éviter la superposition d'aide bilatérale et d'aide communautaire qui résulterait d'une information plus parcellaire.

Enfin, on peut signaler que la nouvelle procédure proposée par la Commission est celle d'ores et déjà mise en oeuvre pour TACIS (aide aux PECO) où elle montre ses lacunes et ses faiblesses et ne donne pas entièrement satisfaction.

C'est pourquoi je suis d'avis qu'il n'est pas souhaitable de soutenir cette proposition et je vous suggère d'adopter, si vous en étiez d'accord, une proposition de résolution témoignant de nos réserves. Je vous indique, d'ailleurs, que l'Assemblée nationale s'est également montrée hostile à ce texte.

Je vous précise, enfin, que le texte E 1331 n'est accompagné d'aucun chiffrage de l'enveloppe financière MEDA II qui doit pourtant s'appliquer pour la période 2000-2006.

*

Avant de vous donner lecture de la proposition de résolution que je soumets à votre approbation, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, au cours de l'année 2000, deux pays plus directement impliqués dans le partenariat euro-méditerranéen se succéderont à la Présidence de l'Union. J'y vois l'occasion pour nous de faire le point avant la présidence française de l'état d'avancement de ce partenariat, dépassant le cadre strictement financier que nous étudions aujourd'hui, d'autant que ce dossier est considéré comme une priorité de la présidence française ainsi que l'a annoncé notamment le Président de la République.

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Hubert Haenel :

Je considère également que le partenariat euro-méditerranéen doit constituer une priorité de l'Union en matière de relations extérieures et je serais heureux que vous acceptiez d'établir, au nom de notre délégation, un rapport d'information sur ce thème d'ici juin 2000.

M. Louis Le Pensec :

Très volontiers, d'autant qu'à côté de la coopération entre Etats, il y a place pour l'action des collectivités locales qui s'engagent aussi dans ce partenariat, tout en déplorant les faibles résultats obtenus jusqu'à présent.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je constate que le partenariat euro-méditerranéen repose sur l'objectif de création d'une zone de libre-échange industriel à terme. Cette perspective est-elle vraiment réaliste, compte tenu des difficultés de toute nature rencontrées dans cette partie du monde ?

M. Louis Le Pensec :

Il s'agit bien d'une coopération de longue période puisque le libre-échange est envisagé au mieux, pour 2010.

La zone méditerranéenne, qui souffre d'une forte instabilité politique, est fragile, nous le savons. Le processus de Barcelone est ambitieux, sur le plan politique, sur le plan économique et également sur le plan social et humain et l'Union garde la maîtrise de son déroulement, ce qui nous permet d'espérer que son accomplissement est réaliste.

A l'issue de ce débat, la délégation a conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat ;

Vu la proposition de règlement du Conseil E 1331, modifiant le règlement du Conseil (CE) n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (MEDA) ;

Considérant l'importance du programme MEDA dans la mise en oeuvre du processus de Barcelone ayant pour vocation de renforcer la stabilité politique dans la région méditerranéenne, de créer les conditions favorables à l'instauration, à terme, d'une zone de libre-échange industriel et de prendre en compte la dimension culturelle, humaine et sociale de ce partenariat ;

Considérant les retards pris dans la mise en oeuvre de ces fonds maintes fois dénoncés par les pays tiers associés et qui risquent de reporter d'autant l'accomplissement du processus de partenariat ;

Souhaite l'amélioration des procédures de mise à disposition des crédits, condition de la crédibilité de la détermination européenne en faveur de cette partie du monde ;

Considérant toutefois que le texte E 1331 propose de limiter l'intervention des Etats membres à la planification stratégique des opérations et de ne plus soumettre à leur examen les projets individuels ; qu'il en résultera une réduction significative de leurs pouvoirs d'examen, de contrôle, d'amendement et de suivi régulier des projets ; qu'il peut en découler une inégalité entre Etats membres dans l'accès à l'information ; que l'on peut craindre que le dispositif proposé entraîne une superposition involontaire d'aides bilatérale et communautaire ;

Considérant par ailleurs que la Commission n'espère de cette réforme qu'une réduction des délais de mise en oeuvre de trois mois en même temps qu'elle admet que ses procédures internes sont également facteurs de retard dans la gestion des dossiers ;

- demande au Gouvernement de s'opposer à l'adoption du présent texte ;

- souhaite que la Commission étudie les améliorations qu'elle peut elle-même apporter à ses propres procédures ;

Considérant que le programme MEDA II prévu pour la période 2000-2006 n'a pas encore fait l'objet de programmation financière ;

- dénonce le retard pris à nouveau par les institutions européennes en la matière et déplore le sentiment de négligence qui peut en résulter pour nos partenaires méditerranéens ;

Considérant que le présent texte prévoit de cibler la coopération sur la préparation de l'instauration d'une zone de libre échange industriel entre les deux rives de la Méditerranée ;

- approuve cette orientation et souhaite que la poursuite et l'approfondissement des relations euro-méditerranéennes figurent parmi les priorités de l'Union en matière de relations extérieures ;

- prend acte, enfin, de la volonté exprimée par les diverses organisations de collectivités territoriales européennes de participer activement, dans la limite de leurs compétences, au processus de Barcelone en liaison avec leur homologues méditerranéens.

La proposition de résolution de M. Louis Le Pensec a été publiée sous le n° 240 (1999-2000).