COM (2000) 732 final  du 15/11/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/11/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 14/12/2000
Examen : 24/01/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Politique de coopération

Association des pays et territoires d'outre-mer
à la Communauté européenne


Texte E 1619 - COM (2000) 732 final

(Procédure écrite du 24 janvier 2001)

Cette proposition de décision du Conseil vise à instituer le nouveau régime d'association entre la Communauté européenne et les Pays et Territoires d'Outre-mer (PTOM), pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2007.

Il convient de rappeler que les relations avec les vingt PTOM (dont la liste figure en annexe I) sont régies, depuis l'origine de la construction européenne, par des décisions d'association prises par le Conseil à l'unanimité.

Ce régime spécial, qui résulte des articles 182 à 188 du traité instituant la Communauté européenne, repose actuellement sur la décision du 25 juillet 1991, révisée en novembre 1997, puis prorogée d'un an, le 29 février 2000, faute pour la Commission européenne d'avoir présenté une proposition dans les délais requis. La décision actuellement en vigueur arrive donc à échéance le 28 février prochain.

La Commission européenne, qui n'a présenté sa proposition que le 15 novembre dernier, a donc beaucoup tardé malgré les pressions des Etats membres, et, en particulier, de la présidence française. Il a résulté de ce retard un document très volumineux et assez mal rédigé.

Cette proposition constitue néanmoins l'une des plus importantes réformes auxquelles ont été soumis ces accords d'association depuis l'entrée en vigueur du traité de Rome. Elle s'inspire de la « déclaration concernant les Pays et Territoires d'Outre-mer », annexée à l'acte final du traité d'Amsterdam, et de la communication de la Commission intitulée « Réflexions sur le statut des PTOM associés avec la CE et orientations sur PTOM 2000 », en date du 20 mai 1999.

I - LE CONTENU DE LA PROPOSITION

Elle comporte trois volets :

· Le cadre institutionnel

Le régime d'association repose sur une procédure de concertation fondée sur le principe du partenariat entre la Commission européenne, l'Etat membre et le PTOM.

A cette fin, deux nouveaux organes consultatifs sont créés : des groupes de travail et un forum de dialogue dénommé « Forum PTOM ».

Par ailleurs, en matière de développement et d'élaboration des programmes de coopération, la gestion est effectuée sur une base bilatérale entre la Commission et les autorités compétentes des PTOM.

Les domaines de la coopération PTOM-Communauté européenne sont très variés. Ils comprennent, en particulier, le développement économique, le domaine social, ainsi que la coopération régionale.

La nouveauté principale réside dans l'inclusion des domaines liés au commerce, afin de renforcer la coopération dans les secteurs tels que les paiements courants, l'environnement, la propriété intellectuelle et la protection des consommateurs.

·  Le volet financier

Il repose sur plusieurs instruments, répertoriés aux annexes II de la proposition.

 Les concours financiers au titre du IXe FED

Malgré le souhait des PTOM, appuyés par leurs Etats membres et le Parlement européen, de créer un Fonds spécial PTOM dans le budget communautaire, la proposition retient finalement un financement par le Fonds européen de développement (IXe FED).

Une disposition prévoyant une timide ouverture vers ce dispositif à partir de janvier 2007, qui figurait dans le projet initial, a été supprimée dans la version définitive. Celle-ci prévoyait qu'« à compter du 1er janvier 2007 un fonds spécial relevant du budget communautaire sera prévu au sein des dépenses pour les actions extérieures dans le cadre des perspectives financières 2000-2006 ».

En revanche, une nouvelle procédure inspirée des fonds structurels a été mise en place, conformément au souhait des PTOM. Cette procédure repose sur une programmation dans le cadre d'un « DOCUP », élaboré par chaque PTOM et soumis à la Commission assistée du Comité FED. Elle repose également sur une gestion décentralisée et un renforcement des moyens de contrôle (évaluation et audit).

Le montant total prévu pour les PTOM au titre du IXe FED est de 175 millions d'euros, conformément à l'accord de Cotonou. Cependant, la Commission a décidé de mettre en oeuvre de manière progressive une importante réforme en ce qui concerne l'affectation et l'utilisation de ces fonds. En effet, le principe directeur dégagé par la Commission dans l'allocation des fonds sera la lutte contre la pauvreté. Ainsi, à terme, seuls les PTOM les plus pauvres ou les groupes les plus pauvres de leur population bénéficieront d'une aide financière. Une liste des PTOM considérés comme les moins développés a ainsi été dressée par la Commission (voir annexe II). Par ailleurs, l'accent sera également mis sur la résolution des problèmes sociaux et environnementaux.

Le montant de 175 millions d'euros se répartit comme suit :

- 145 millions d'euros pour l'aide programmable ainsi que pour une réserve non affectée ;

- 8 millions d'euros au titre de la coopération régionale ;

- 2 millions d'euros pour l'assistance technique ;

- 20 millions d'euros pour la facilité d'investissement.

Les 145 millions d'euros seraient divisés en trois enveloppes (voir annexe III) :

- 35 millions d'euros seraient affectés à une « réserve de performance » à l'image des fonds structurels, et seraient également destinés à couvrir certains besoins humanitaires urgents ;

- 55 millions d'euros (enveloppe A) seraient affectés aux PTOM dont le PNB par habitant serait inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, avec un bonus pour les PTOM très pauvres ;

- 55 millions d'euros (enveloppe B) seraient affectés aux PTOM dont le PNB par habitant ne dépasserait pas la moyenne communautaire, afin de financer des actions prioritaires pour le développement social et la protection de l'environnement. Un système de bonus/malus prend en compte à la fois la situation géographique particulière de certains PTOM, le caractère de « paradis fiscal » et la capacité d'absorption (calculée en fonction de l'utilisation des crédits au titre du VIIIe FED).

Ainsi, la répartition des enveloppes A et B serait essentiellement fondée sur le critère du PNB, que les PTOM avaient pourtant refusé. Par ailleurs, le système de calcul est particulièrement complexe puisqu'il repose sur des logarithmes.

Le Groenland est traité à part puisqu'il ne sera éligible qu'en fonction du résultat de la révision à mi-parcours (2003) du protocole de pêche passé avec la Communauté.

Aux contributions au titre du FEDER, il convient d'ajouter les prêts sur ressources propres (pour un maximum de 20 millions d'euros) gérés par la Banque européenne d'investissement. En outre, la proposition prévoit un soutien supplémentaire en cas de fluctuations à court terme des recettes d'exportation. Une innovation supplémentaire de la proposition tient au fait que les programmes communautaires ont été ouverts aux PTOM beaucoup plus que dans le passé, en particulier en ce qui concerne la recherche, l'éducation et la culture.

·  Le volet commercial

Le régime commercial actuel constitue le régime le plus favorable accordé par la Communauté à ses partenaires. En effet, les PTOM, qui n'appartiennent pas à la Communauté et ne font pas partie du territoire douanier communautaire, bénéficient d'un libre accès de leurs produits au marché communautaire, tout en conservant la liberté de déterminer eux-mêmes leurs droits à l'importation.

La proposition de la Commission européenne maintient ce régime commercial préférentiel accordé aux PTOM. D'une part, il prévoit l'exemption des droits de douane pour les produits originaires et sans contingentement, ainsi que la possibilité de recourir au cumul d'origine. D'autre part, le principe du transbordement est confirmé, mais les aides publiques aux opérateurs de ces transbordements seraient désormais soumises à une autorisation préalable de la Commission, afin d'éviter que les autorités des PTOM ne restituent par ce biais les droits de douane perçus.

Cependant, il existe des exceptions à ce régime qui concernent certains produits spécifiques.

On se souvient que le régime commercial préférentiel a donné lieu à des abus en matière d'importation de sucre provenant des PTOM néerlandais. En effet, certains Etats ACP ont fait transiter leur sucre par les Antilles néerlandaises afin qu'il acquière l'origine PTOM et qu'il puisse entrer, à ce titre, en exemption de droits de douane sur le territoire communautaire.

Pour lutter contre ce détournement de trafic, le Conseil a décidé, lors de la révision de la décision d'association en 1997, de mettre en place un contingent de 3 000 tonnes pour le sucre bénéficiant du cumul d'origine ACP/PTOM. Cette décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes qui a, le 8 février 2000 (arrêt Emesa Sugar), confirmé la légalité de l'instauration de ce contingent quantitatif.

Un second trafic a alors pris le relais : il concerne le sucre bénéficiant du cumul d'origine CE/PTOM. Ce sucre, qui est produit dans la Communauté, est exporté vers Aruba (PTOM néerlandais) en touchant les restitutions à l'exportation : il a donc pour vocation d'être mis sur le marché mondial. A Aruba, il subit une transformation mineure qui lui permet d'acquérir l'origine PTOM. Il est alors réintroduit sur le marché communautaire en exemption de droits de douane.

Aucun contingent n'ayant été prévu pour le sucre bénéficiant du cumul d'origine CE/PTOM, on a assisté à une explosion des importations de sucre en provenance d'Aruba (plus de 50 000 tonnes en 1999 selon la direction générale Agriculture de la Commission européenne).

La Commission a donc mis en place des mesures de sauvegarde, ce qui a entraîné un contentieux devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Or, ces détournements, qui ont également concerné le riz, constituent une menace pour le fonctionnement de la politique agricole commune, étant donné le caractère excédentaire du marché communautaire.

La proposition prévoit donc de remédier à ces abus par plusieurs dispositions :

- une légère modification du régime applicable au riz puisque le contingent global de 35 000 tonnes, en vigueur depuis 1997, serait maintenu, mais 10 000 tonnes, sur ce contingent, seraient réservés aux PTOM les moins développés ;

- l'abolition de la règle du cumul de l'origine pour le sucre, tant pour celui produit dans les ACP et transformé dans les PTOM que pour le sucre communautaire transformé par les PTOM.

- En outre, un contingent tarifaire de 5 000 tonnes serait ouvert pour le beurre.

Enfin, en matière de régime d'établissement et de prestation de service, la proposition prévoit la possibilité pour les autorités d'un PTOM d'établir des règles plus favorables au bénéfice de leurs habitants et des activités locales.

II - LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA PROPOSITION

Il convient, tout d'abord, de souligner l'urgence qui s'attache à l'examen de cette proposition, en raison du retard pris par la Commission européenne dans le dépôt de sa proposition. En effet, la décision actuellement en vigueur arrivant à échéance le 28 mars prochain, il existe un risque de vide juridique qui serait préjudiciable aux PTOM si aucune décision n'était prise avant cette date.

Certes, il serait envisageable de proroger une nouvelle fois la décision actuellement en vigueur, mais cette solution présenterait l'inconvénient de retarder l'adoption d'un nouveau régime et de laisser en suspens la question du cumul d'origine sur le sucre. En outre, elle est subordonnée à la volonté de la Commission européenne.

Une adoption rapide de la présente proposition serait donc la meilleure solution.

Encore faudrait-il surmonter l'obstacle que constitue l'exigence de l'unanimité au Conseil, qui suppose un consensus parmi les Etats membres.

Or, parmi les quatre Etats membres concernés (la France, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas), le gouvernement des Pays-Bas a eu une réaction très négative à l'égard du projet actuel qu'il a jugé « scandaleux », en particulier en ce qui concerne l'abolition de la règle du cumul d'origine sur le sucre. Il convient de rappeler que cet Etat avait déjà bloqué pendant plus de deux ans la révision de la décision de 1991, en raison des restrictions dans le cumul d'origine qui avaient été introduites pour le sucre et le riz. On rappellera que, en raison du système institutionnel propre aux Pays-Bas, cet Etat est représenté au sein des négociations par les PTOM concernés. Un compromis pourrait toutefois être trouvé sur un contingentement en matière de sucre.

Les trois autres Etats ont eu, pour leur part, des réactions plus mitigées. Ainsi, le Royaume-Uni et le Danemark ont été plutôt satisfaits.

En ce qui concerne la position du Gouvernement français, elle est plus ambivalente.

Il est vrai que de nombreux éléments de la proposition répondent aux intérêts français. Ainsi, le régime commercial préférentiel est maintenu, avec un renforcement des restrictions sur le cumul d'origine pour les produits sensibles (sucre et riz), conformément aux attentes françaises. De la même manière, on ne peut que se féliciter de la confirmation de la possibilité de procéder au transbordement des produits non originaires. Par ailleurs, les nouvelles modalités de gestion des aides, inspirées de celles des fonds structurels, constituent également un motif de satisfaction. En outre, on peut noter la plus grande ouverture des programmes communautaires. Enfin, il convient de remarquer que la répartition globale des aides financières est plutôt favorable aux PTOM français.

Néanmoins, d'autres éléments du projet apparaissent plus problématiques.

Ainsi, le volet institutionnel contient certaines ambiguïtés, notamment en ce qui concerne l'initiative de la création des groupes de travail et la notion d'« autorité locale » en matière de gestion bilatérale (est-ce le préfet ou le président de l'exécutif de la collectivité concernée ?).

Par ailleurs, certains points du volet commercial mériteraient d'être clarifiés, comme la liberté d'établissement (le problème de la préférence locale en particulier), les aspects monétaires et fiscaux (en ce qui concerne l'euro notamment), ainsi que la question sensible de la compatibilité du régime d'association avec les règles de l'OMC.

Mais c'est le volet financier qui soulève le plus de difficultés.

Tout d'abord, la proposition contient une incohérence juridique sur le montant global de l'aide financière au titre du IXe FED. En effet, elle prévoit que l'aide financière sera versée de 2001 à 2007, alors même que le IXe FED a été conclu jusqu'en 2005 selon l'Accord de Cotonou. Par ailleurs, si l'on retient cette durée, le volume global de l'aide aux PTOM serait en diminution d'environ 22 % par rapport au régime précédent.

De plus, la répartition de l'aide financière, principalement fondée sur le critère du PNB/habitant, repose sur un système de calcul particulièrement complexe, parfois même fantaisiste, qui aboutit à des résultats très surprenants. Ainsi, Pitcairns, qui compte 50 habitants est dotée de 2 millions d'euros, ce qui représente 40 000 euros par habitant, alors que la Polynésie, qui en compte plus de 220 000, n'est dotée que de 10,6 millions d'euros, soit moins de 50 euros par habitant.

En outre, le montant de la réserve financière apparaît trop important et devrait être réduit au bénéfice de l'aide programmable.

Il convient, enfin, de déplorer l'absence de perspectives concernant la création d'un fonds spécifique pour les PTOM.

Il semble donc que la proposition soulève des appréciations contradictoires. Ainsi, les PTOM français apparaissent plutôt partagés, la Polynésie étant la plus hostile au projet.

En définitive, si l'on ne peut que souhaiter une amélioration de la proposition sur les points précédemment évoqués, il convient également d'inciter les instances communautaires à accélérer le processus d'adoption, afin d'éviter un vide juridique si aucune décision n'était prise avant le 1er mars.

C'est la raison pour laquelle la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant dans l'examen de ce texte, tout en déplorant le retard pris par la Commission européenne pour présenter sa proposition.

ANNEXE I :
LISTE DES PAYS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

1. Pays ayant des relations particulières avec le Royaume du Danemark :

- Groenland

2. Territoires d'Outre-mer de la République française :

- la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances,

- la Polynésie française

- les Terres australes et antarctiques françaises

- les îles Wallis-et-Futuna

3. Collectivités territoriales de la République française :

- Mayotte

- Saint-Pierre-et-Miquelon

4. Pays non européens relevant du Royaume des Pays-Bas :

- Aruba

- Antilles néerlandaises : Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, Saint-Martin

5. Pays et territoires d'Outre-mer relevant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord :

- Anguilla

- les îles Cayman

- les îles Falkland

- les îles Sandwich du Sud et leurs dépendances

- Montserrat

- Pitcairn

- Saint-Hélène et ses dépendances

- le territoire de l'Antarctique britannique

- les territoires britanniques de l'Océan indien

- les îles Turks et Caicos

- les îles Vierges britanniques

ANNEXE II :
LISTE DES PTOM CONSIDERES COMME LES MOINS DEVELOPPES

- Anguilla

- Mayotte

- Montserrat

- Sainte-Hélène, Ascension Island, Tristan da Cunha

- îles Turks et Caicos

- Wallis et Futuna

- Saint-Pierre-et-Miquelon

ANNEXE III :
CONCOURS FINANCIERS DE LA COMMUNAUTE
AU TITRE DU IXe FED

PTOM

Allocation indicative initiale IXe FED
(en millions d'euros)

 

A

B

Total

Nouvelle Calédonie

 

11

11

Polynésie française

 

10.6

10.6

Wallis et Futuna

8

3.5

11.5

Mayotte

9.9

5.3

15.2

St-Pierre-et-Miquelon

5.6

6.8

12.4

Antilles néerlandaises

 

8.3

8.3

Iles Falkland

 

3

3

Iles Turks et Caicos

8.2

0.2

8.4

Anguilla

7.9

0.1

8

Montserrat

5.9

5.7

11.6

Ste-Hélène et dépendances (Ascension, Tristan, da Cunha)

7.5

1.1

8.6

Pitcairns

2

 

2

Total

110 millions d'euros

Réserve C non allouée

35 millions d'euros