10168/01  du 25/07/2001
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 05/11/2001

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 20/09/2001
Examen : 17/10/2001 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Examen des textes E 1807 à E 1810 relatifs à des projets d'accord entre Europol et la Pologne, l'Estonie, la Hongrie et la Slovénie

Textes E 1807 à E 1810

(Réunion du 17 octobre 2001)

M. Hubert Haenel :

A l'issue de notre échange de vues sur ces quatre textes, il nous faut prendre une décision. Il me semble que nous n'avons pas de motif suffisant pour nous opposer à ces accords, mais que nous devons rester vigilants et appeler le Gouvernement à la vigilance. Je vous propose donc, d'une part, de lever la réserve parlementaire et d'accepter que le Conseil approuve la conclusion de ces quatre accords ; d'autre part, de demander au Gouvernement, au fur et à mesure de l'entrée en application de ces accords, d'informer la délégation sur les mesures prises pour assurer la protection des données personnelles en Estonie, en Slovénie et en Pologne, et sur les précautions prises par Europol pour assurer l'absolue sécurité des données.

Par ailleurs, je crois que nous devons nous organiser pour assurer un suivi efficace de ces questions. C'est pourquoi je vous propose de créer un groupe de travail chargé de suivre les questions de coopération policière. Ces questions ont toujours été délicates et complexes, mais elles ont pris en outre un caractère particulièrement sensible à la suite des tragiques événements du 11 septembre dernier. Ce groupe aurait pour mission : de suivre le fonctionnement d'Europol ; d'examiner le renforcement des mesures de sécurité prises par l'Union européenne ; enfin, d'étudier le contrôle des frontières extérieures de l'Union et l'éventualité de la création d'une police européenne des frontières.

Je vous propose de recourir à un groupe de travail dans la mesure où il s'agit de questions techniques complexes qui nécessitent de nombreuses auditions. De plus, le caractère sensible de certains aspects peut amener à privilégier des auditions plus informelles que celles qui ont lieu devant la délégation. Si vous êtes d'accord pour la création de ce groupe de travail, je demanderai à chaque groupe de désigner un représentant, étant entendu que le groupe de travail reste ouvert à la participation de tous les membres de la délégation qui le souhaiteront.

M. Serge Lagauche :

Je voudrais réserver la réponse du groupe socialiste à votre suggestion de créer un groupe de travail. Ce groupe va s'ajouter à tous ceux qui existent déjà et il nous faut peut-être mener une réflexion plus générale pour déterminer si nous pouvons réellement avoir une possibilité de contrôle efficace sur ces questions.

Pour les quatre accords concernant Europol, je suis un peu perplexe car je constate que l'Assemblée nationale a immédiatement levé la réserve parlementaire et que, finalement, après avoir retardé l'adoption du texte, nous adoptons la même position. Je pense que nous pouvons faire confiance au gouvernement pour qu'il prenne toutes les garanties nécessaires, surtout lorsque l'Autorité commune de contrôle d'Europol a déjà fait part de ses réserves.

M. Hubert Haenel :

Je tiens à préciser que nous avons été saisis le 25 septembre pour une décision du Conseil du 27 septembre. Le Sénat a été renouvelé le 23 septembre. Nous étions dans une situation où je ne pouvais prendre sur moi, comme je le fais parfois, de donner notre accord pour des textes de cette importance, sachant par ailleurs la position de réserve qu'avait prise l'Autorité de contrôle commune d'Europol. On m'aurait certainement dit que, dans une affaire d'une telle complexité, il était au moins nécessaire que la délégation en débatte. Vous savez en outre que, en raison du renouvellement triennal du Sénat, nous ne pouvions pas en traiter en délégation avant aujourd'hui puisque, à partir du 1er octobre, la délégation n'existait plus, comme d'ailleurs son président qui n'a été réélu que le 10 octobre. J'ai pris la précaution d'avertir le ministre, qui a bien compris notre position.

D'un autre côté, il ne s'agit pas pour nous de contrôler le fonctionnement quotidien d'Europol ni de faire double emploi avec l'Autorité commune de contrôle. Mais il s'agit au moins pour le parlement national d'être informé du fonctionnement d'Europol, pas seulement sous l'angle juridique comme le fait l'Autorité de contrôle, mais d'une manière politique.

J'ajoute que nous avions jusqu'à présent un collègue, Paul Masson, qui était notre spécialiste des questions de sécurité et qui travaillait beaucoup sur ces dossiers et que nous avons, depuis le 11 septembre, beaucoup plus de dossiers sur ces sujets de la sécurité en Europe. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il était utile de créer un groupe de travail permettant à tous les groupes politiques et à tous les sénateurs intéressés d'être associés à ces travaux plutôt que de confier ce dossier à un seul d'entre nous.

M. Serge Lagauche :

Je comprends parfaitement votre démarche, mais c'est le même souci de transparence et de concertation qui me conduit à vouloir soumettre votre proposition à mon groupe politique.

M. Hubert Haenel :

En résumé, nous levons maintenant notre réserve avec les précautions qui sont clairement apparues aujourd'hui grâce à l'audition de notre collègue Alex Türk. D'autre part, la délégation, sous la réserve du groupe socialiste qui fera connaître ultérieurement sa position, crée un groupe de travail sur les questions de coopération policière en Europe, groupe ouvert à tous les membres de la délégation qui le souhaitent, chaque groupe politique étant invité à désigner un représentant. Le groupe associera en outre notre collègue Alex Türk en sa qualité de président de l'Autorité de contrôle commune d'Europol, et procédera aux auditions qui s'imposent.

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 88-4 de la Constitution, le Secrétaire général du Gouvernement a transmis, le 19 septembre 2001, aux Assemblées Parlementaires, le projet de décision du Conseil concernant les projets d'accord entre EUROPOL et la Hongrie, l'Estonie, la Pologne et la Slovénie.

Le présent projet de décision a pour objectif essentiel de faire approuver par le Conseil les accords qui ont été négociés entre EUROPOL et les Etats cités ci-dessus, étant entendu que l'Office Européen de Police a été autorisé par le Conseil, le 27 mars 2000 (JO 2000/C 106/01), à entamer des négociations avec ces Etats en vue d'un accord de coopération. Ces projets d'accord, qui entrent dans la perspective d'une intégration progressive aux travaux d'EUROPOL des Etats candidats à l'Union, ont pour objectif, notamment, de définir les types de coopération à entretenir, de préciser les points de contact nationaux, de réglementer les procédures d'échanges d'informations et de préciser les modes d'échanges d'officiers de liaison entre les pays signataires et EUROPOL.

Conformément à l'article 24 de la Convention EUROPOL, l'autorité de contrôle commune a été saisie de ces projets tout en approuvant leur contenu. Par ailleurs, il convient de préciser que le conseil d'administration d'EUROPOL, réuni à La Haye les 4 et 5 septembre 2001, a approuvé ces projets de coopération.

Monsieur Hubert HAENEL

Président de la Délégation pour l'Union européenne

SENAT - Palais du Luxembourg

75291 PARIS CEDEX 06

L'examen de ces accords étant inscrit en point A au prochain Conseil Justice Affaires Intérieures, les 27 et 28 septembre, le Gouvernement souhaite appeler l'attention du Parlement sur le caractère particulier qui s'attache à ces textes.

En effet, suite aux récents événements internationaux, il semble opportun de mettre d'ores et déjà en application les résolutions du dernier Conseil JAI extraordinaire du 20 septembre 2001, relatives à l'amélioration de la coopération opérationnelle entre les Etats membres et les pays tiers, notamment en matière de coopération policière et de renseignement. C'est en ce sens que le Gouvernement serait reconnaissant de bien vouloir faire procéder en urgence à l'examen de ces projets d'accord.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.

Pierre MOSCOVICI

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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DÉLÉGATION
POUR
L'UNION EUROPÉENNE

LE PRÉSIDENT

Paris, le 26 septembre 2001

Monsieur le Ministre,

Le 27 mars 2000, le Conseil a autorisé l'Office Européen de Police à entamer des négociations avec la Hongrie, l'Estonie, la Pologne et la Slovénie en vue d'un accord de coopération ayant pour objectifs, notamment, de définir les types de coopération à entretenir entre Europol et ces pays, de préciser les points de contact nationaux, de réglementer les procédures d'échange d'informations et de préciser les modes d'échange d'officiers de liaison entre les pays signataires et Europol.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont, en application de l'article 88-4 de la Constitution, reçu le 20 septembre 2001 les quatre projets d'accords entre Europol et ces pays qui sont soumis à l'approbation du Conseil. Par lettre du 25 septembre 2001, vous m'avez fait savoir que l'examen de ces textes était inscrit en point A du Conseil « Justice-Affaires Intérieures » des 27 et 28 septembre 2001 et vous avez souhaité que la délégation procède en urgence à l'examen de ces textes.

Comme vous le savez, je m'efforce toujours de répondre favorablement à vos demandes d'examen en urgence, me donnant pour règle de lever la réserve d'examen parlementaire dès lors que l'urgence paraît justifiée et que les dispositions du texte en cause revêtent un caractère consensuel.

Vous faites valoir que ces accords répondent au souci affirmé par le Conseil « Justice-Affaires Intérieures » extraordinaire du 20 septembre 2001 d'améliorer la coopération opérationnelle entre les Etats membres et les pays tiers, notamment en matière de coopération policière et de renseignements. Il n'en demeure pas moins que le souci de prendre rapidement des mesures de coopération afin de répondre aux menaces terroristes ne doit pas nous amener à adopter des textes importants sans en examiner avec soin les dispositions et leurs implications au regard notamment de l'exigence de protection des libertés publiques.

Monsieur Pierre MOSCOVICI

Ministre délégué chargé des Affaires européennes

37 Quai d'Orsay

75007 PARIS

La mise en oeuvre de ces textes devrait permettre l'échange d'informations sensibles et de données à caractère personnel entre Europol et les quatre pays concernés. Or, l'Autorité de contrôle commune d'Europol, saisie de ces quatre projets d'accords, tout en estimant qu'il n'existait pas d'obstacle à leurs conclusions, a souligné, le 26 juin dernier, que l'indépendance des autorités estonienne et slovène de protection des données devait encore être clarifiée et a estimé qu'Europol ne devait pas transmettre de données personnelles sensibles à la Pologne aussi longtemps qu'une législation satisfaisante n'aurait pas été adoptée par ce pays à propos de la protection des données détenues par la police. Ces observations montrent que la mise en oeuvre de ces accords pourrait soulever quelques questions de principe au regard de l'exigence de protection des libertés publiques.

De plus, l'Autorité de contrôle commune d'Europol ajoute qu'il convient de s'assurer que les officiers de liaison hongrois, estoniens, polonais et slovènes, en poste dans le bâtiment d'Europol, ne pourront avoir directement accès aux données détenues par Europol et qu'ils ne pourront pas provoquer de risques pour la sécurité des données. Ces remarques conduisent à s'interroger sur les conséquences que pourrait avoir une mise en oeuvre précipitée de ces accords. L'utilisation d'Europol pour la mise en commun de données relatives au terrorisme n'est concevable que si tous les participants sont assurés de la parfaite fiabilité de l'ensemble du système ; tout doute à cet égard provoquerait en effet la réticence de certains intervenants et ne pourrait que les inciter à la rétention d'informations essentielles, minant par là même l'efficacité d'Europol.

C'est pourquoi, après m'en être entretenu avec mon collègue Paul Masson, rapporteur pour la délégation de l'ensemble des textes relatifs à Europol et à la coopération policière, j'estime que la délégation doit pouvoir entendre le sénateur Alex Türk, président de l'Autorité de contrôle commune d'Europol, et débattre de ce texte avant la décision du Conseil. En conséquence, j'ai le regret de vous faire connaître qu'il ne me paraît pas possible de lever la réserve parlementaire en sorte que ce texte puisse être adopté par le Conseil « Justice-Affaires Intérieures » des 27 et 28 septembre.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Hubert HAENEL