du 15/01/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 27/11/2008

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 29/01/2007
Examen : 03/12/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et Affaires intérieures

Reconnaissance et surveillance des peines assorties de sursis
avec mise à l'épreuve et des peines de substitution

Texte E 3426

(Procédure écrite du 3 décembre 2007)

Due à une initiative conjointe de l'Allemagne et de la France, présentée le 12 janvier 2007, cette proposition de décision-cadre tend à permettre la reconnaissance mutuelle et la surveillance des peines assorties du sursis avec mise à l'épreuve et des peines de substitution par un État membre autre que celui dans lequel le jugement a été rendu.

La coopération dans ce domaine constitue l'une des mesures inscrites dans le programme adopté par le Conseil en novembre 2000 afin de mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, dont le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 a fait la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière pénale. Jusqu'à présent, la convention du Conseil de l'Europe du 30 novembre 1964, entrée en vigueur en 1975, était le seul instrument international applicable dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière de probation. Seule une partie des États membres (dont la France) avaient ratifié cette convention, tout en formulant, pour certains d'entre eux, de nombreuses réserves.

Toutefois, l'obligation qui serait supportée par un État membre, en application du dispositif qui est proposé, mérite une attention particulière au regard des réserves que le Sénat a pu exprimer sur de précédentes initiatives concernant l'exécution des peines, prises sur le fondement de la reconnaissance mutuelle.

C'est ainsi que, sur la proposition de la délégation pour l'Union européenne, à la suite d'une communication de Pierre Fauchon, le Sénat avait adopté, le 20 juin 2006, une résolution (n° 109, 2005-2006) sur le projet de décision-cadre concernant l'ordonnance d'exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les États membres de l'Union européenne. Le Sénat avait constaté que ce projet ne précisait pas le fondement de l'obligation mise à la charge d'un État membre d'avoir à supporter les coûts et les risques de la détention d'une personne condamnée par un autre État membre, au seul motif de sa nationalité, de sa résidence ou de l'existence d'un autre « lien étroit » avec cet État. Il avait considéré que, en l'absence de toute disposition formelle des traités, le seul principe de la reconnaissance mutuelle ne saurait, par lui-même, fonder une telle obligation qui ne pourrait dès lors résulter que d'un accord bilatéral formel. Le Sénat avait par ailleurs estimé que si des considérations humanitaires pouvaient justifier le transfèrement d'une personne d'un État membre à un autre, ce transfèrement supposait le double accord de la personne et de l'État concernés, accords qui n'étaient pas prévus par le projet. En conséquence, il avait considéré que le double consentement au transfèrement de l'État d'exécution et de la personne condamnée devait demeurer le principe et ne pouvait être remis en cause sous réserve de certaines situations strictement délimitées et justifiées.

Cependant, avec le texte E 3426, nous sommes confrontés à une problématique quelque peu différente. Ainsi, dans ce cas, la question du consentement de la personne condamnée ne se pose pas. Cette nouvelle initiative vise, en effet, des personnes qui ne sont pas en détention et qui ont donc pu décider d'elles-mêmes de se rendre dans l'État membre sur le territoire duquel elles ont leur résidence habituelle. Leur retour sur leur lieu de résidence habituelle doit faciliter leur réinsertion sociale, tout en assurant la protection de la victime par le départ de la personne condamnée de l'État membre dans lequel l'infraction a été commise. La protection de la victime résultera aussi des obligations imposées à la personne condamnée et des décisions qui pourront être prises en cas de manquement.

Pour ce qui concerne le consentement de l'État d'exécution, il faut certes observer que le contrôle de la double incrimination des faits ne jouera pas pour une liste d'infractions punies dans l'État de condamnation d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'au moins trois ans. Toutefois, l'autorité judiciaire de l'État d'exécution pourra refuser de reconnaître le jugement et de prendre en charge la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution dans dix cas, notamment si cela mettait en cause le principe non bis in idem. Elle décidera, dans un délai de dix jours, de reconnaître ou non le jugement et de prendre en charge ou non la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution. Le droit de l'État d'exécution sera applicable à la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution. La compétence de l'État d'exécution cessera si la personne condamnée quitte son territoire et fixe sa résidence habituelle légale dans un autre État membre. Dans ce cadre, la prise en charge par l'État d'exécution des frais, à l'exclusion de ceux occasionnés sur le territoire de l'État de condamnation, peut apparaître plus justifié dès lors naturellement que la réciprocité sera appelée à s'appliquer.

La décision-cadre remplacera dans les relations entre les États membres les dispositions correspondantes de la convention du Conseil de l'Europe. En revanche, les États membres pourront continuer à appliquer les accords bilatéraux ou multilatéraux en vigueur qui permettraient d'aller au-delà des objectifs de la décision-cadre et de simplifier davantage les procédures. Ils pourront conclure de nouveaux accords ayant cette même finalité.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.