COM (2008) 852 final  du 11/12/2008
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 22/09/2010

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/12/2008
Examen : 03/04/2009 (commission des affaires européennes)


Transports

Réseau ferroviaire européen de fret

Texte E 4193 - COM (2008) 852 final

(Procédure écrite du 3 avril 2009)

La proposition de règlement a pour objet de constituer un réseau ferroviaire européen consacré au fret ferroviaire, articulé autour de « corridors (de) fret » reliant des « terminaux stratégiques », c'est-à-dire de grandes plateformes de fret.

Ce projet part du constat que, si la libéralisation de fret ferroviaire est acquise, puisque les services de fret sont ouverts à la concurrence depuis le 1er janvier 2007, le développement de cette activité est encore assez modeste et très inférieur au potentiel de secteur. En effet, le trafic passager reste prioritaire chez les gestionnaires du réseau ferroviaire et les transporteurs, et les connexions entre différents modes de transport (route/rail) sont limitées.

Le fret ferroviaire présente pourtant de grands atouts sur le plan environnemental, notamment par comparaison avec le transport routier, au premier rang des émissions de gaz à effet de serre - GES -. Il ne peut y avoir de réduction du GES sans un effort soutenu et combiné, à la fois pour réduire les sources d'émissions les plus importantes, et pour développer des modes alternatifs de transport. On rappellera qu'une tonne transportée par route génère 20 fois plus de gaz à effet de serre qu'une tonne transportée par fer - avec traction par alimentation électrique.

Ainsi, au-delà d'un certain seuil d'activité (inutile de transporter une tonne de marchandises dans un wagon qui pèse cinq fois plus !), le fret ferroviaire est, clairement, un mode de transport cohérent avec une politique de développement durable que la France et l'Union européenne appellent de leurs voeux. Mais le développement du fret a toujours été et reste entravé par une attractivité faible, une qualité de service rendu au client insuffisante, des déboires répétés, et... des infrastructures inadaptées.

La proposition de la Commission concerne précisément cet aspect. Elle reprend une idée avancée dans une première communication du 18 octobre 2007 intitulée « vers un réseau ferroviaire européen à priorité fret », qui consiste à constituer des voies « à priorité fret », affectées prioritairement au fret, après que l'idée de voies uniquement dédiées au fret ait été abandonnée. Ces « corridors fret » seront constitués entre deux grandes plateformes de fret, dites « terminaux stratégiques », la « priorité fret » se traduisant par l'obligation de réserver des capacités et des sillons -trajet entre deux points à un horaire déterminé - pour le fret.

Le fret serait réparti par type de marchandises, mais ce classement devrait comporter une classe prioritaire bénéficiant d'un temps de transport performant, compétitif par rapport aux modes de transport traditionnels et d'une ponctualité garantie.

Les corridors seraient proposés par les États membres et arrêtés par la Commission. Chaque État devrait établir au moins un corridor, mais les États à fort trafic et à haut potentiel devraient se doter de deux (pour la France et la Pologne), voire trois corridors (pour l'Allemagne).

Cette « priorité fret » est évidemment une orientation qui doit être encouragée. Le quasi échec - au moins en France - de la plupart des plans de relance du fret ferroviaire doit être gardé en mémoire. Il manquait « quelque chose » pour que les bonnes intentions se transforment en succès. L'idée de garantir aux opérateurs une infrastructure performante et des temps de parcours devrait permettre de mettre en place un système européen à la fois efficace et durable.

Deux éléments empêchent toutefois une adhésion complète.

D'une part, il aurait été logique de coupler l'action réglementaire (les « corridors fret ») et l'action budgétaire. Un soutien budgétaire européen paraît même parfaitement opportun en l'espèce, s'agissant d'opérations utiles, cohérentes avec les ambitions écologiques affichées, et internationales, puisque les corridors couvrent plusieurs États membres. L'action budgétaire européenne n'est que rarement appliquée à des opérations communes à plusieurs États membres. C'est là une occasion de le faire. Il n'est pas trop tard.

D'autre part, le mécanisme de gestion laisse perplexe. Dans le texte proposé, les « corridors » seraient gérés par un « organe de gouvernance » qui pourrait prendre la forme d'un groupement européen d'intérêt économique, structure internationale regroupant les gestionnaires d'infrastructures des États intéressés par le corridor, chargé d'allouer les sillons et de gérer les trafics. Ce groupement serait dirigé par un directeur, assisté d'un groupe de travail chargé d'émettre des avis auxquels l'organe de gouvernance ne pourrait s'opposer (il pourrait s'abstenir mais il ne pourrait pas prendre de décision contraire).

Ce mode de gestion, cette fonctionnarisation, paraissent bien lourds et inutiles pour un projet censé faciliter le transport par fret ferroviaire. Pourquoi tant de complexité, qui va imposer des modifications réglementaires et législatives, une structure supranationale alors que la simple coopération entre autorités régulatrices devrait suffire ? L'intérêt de la création d'un tel « organe de gouvernance » paraît discutable.

Sous réserve de ces observations, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.