SEC (2009) 771 final

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 01/07/2009
Examen : 23/07/2009 (commission des affaires européennes)


Justice et affaires intérieures

Ouverture des négociations avec les États-Unis en vue d'un accord international sur la lutte contre le financement du terrorisme

Texte E 4551 - SEC (2009) 711 final

Le 22 juillet, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a adressé un courrier au président de la commission des affaires européennes l'informant que le texte E 4551 pourrait être inscrit pour adoption au Conseil « Affaires générales et relations extérieures » du 27 juillet et lui demandant en conséquence de bien vouloir examiner ce texte selon la procédure d'urgence « afin que la délégation française soit en mesure de prendre position lors de ce Conseil ».

Cette demande a entraîné l'échange de lettres que l'on trouvera ci-dessous.

Paris, le 23 juillet 2009

Monsieur le Ministre,

Par lettre du 22 juillet dernier, vous m'avez informé que la « Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser l'ouverture de négociations entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en vue d'un accord international destiné à mettre à la disposition du département du trésor des États-Unis des données de messagerie financière dans le cadre de la prévention du terrorisme et du financement du terrorisme ainsi que de la lutte contre ces phénomènes » (E 4551) était susceptible d'être adoptée par le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » du 27 juillet prochain. En conséquence, vous avez souhaité que ce texte soit examiné selon la procédure d'urgence afin que la délégation française soit en mesure de prendre position lors de ce Conseil.

Le sujet abordé par ce texte a toujours été considéré comme politiquement sensible. Faut-il rappeler l'émoi qu'avait suscité la révélation, en 2006, de l'existence d'un programme de surveillance du financement du terrorisme, mis en place par le gouvernement américain après les attentats du 11 septembre 2009, qui avait eu pour effet de donner aux autorités américaines le libre accès à toutes les données financières détenues par la SWIFT, société de droit belge disposant de bureaux aux États-Unis. Le groupe des « CNIL européennes » (groupe dit de l'article 29) avait alors considéré que SWIFT et les institutions financières utilisant ses services violaient ainsi la législation communautaire sur la protection des données, notamment en n'assurant pas une protection adéquate dans le cadre du transfert de données vers les États-Unis et en n'informant pas les personnes du traitement des informations les concernant.

SWIFT a décidé de mettre en place avant la fin de l'année 2009 une nouvelle architecture de messagerie qui donnera naissance à deux zones de traitement (la zone européenne et la zone transatlantique). Cette nouvelle organisation, qui privera le pouvoir de réquisition des autorités américaines d'effet utile, pose la question des conditions d'une éventuelle transmission à ces mêmes autorités des informations SWIFT qui seront désormais sur le seul territoire européen.

Il apparaît clairement que l'enjeu de la protection des données sera très sensible. Les données sont en effet couvertes par les dispositions très protectrices de la directive du 24 octobre 1995 puisqu'il s'agit de données commerciales. Il faudra au surplus veiller à la coordination des solutions qui seront dégagées avec le projet de négociations d'un accord transatlantique horizontal sur la protection des données dans le domaine JAI, dont le principe a été confirmé sous présidence française. Enfin, ce dossier n'est pas sans parenté avec celui des « données PNR ». Or, nous avons, à plusieurs reprises, émis de fortes réserves sur les projets d'accord avec les États-Unis en ce domaine. Et le Sénat a adopté, le 30 mai dernier, une résolution sur le projet de « PNR européen » demandant notamment un renforcement des garanties sur la protection des données.

Vous comprendrez donc bien que, compte tenu de l'importance politique de cette question, il ne me paraisse pas possible de prendre seul la responsabilité de lever la réserve parlementaire pour le Sénat alors que les sénateurs n'ont aucune possibilité de débattre de ce texte. Ce dernier, daté du 19 juin, ne nous a en effet été soumis en application de l'alinéa 1er de l'article 88-4 de la Constitution que le 1er juillet sans que le Gouvernement ne nous fasse savoir, de quelque manière que ce soit, que son adoption pouvait intervenir dans un délai rapide.

Il me semble qu'il serait en conséquence préférable que la France demande le report de l'adoption de ce texte à la deuxième quinzaine du mois de septembre, laissant ainsi la possibilité aux parlementaires nationaux de l'examiner, d'en débattre, et de faire connaître éventuellement leur sentiment au Gouvernement.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Hubert HAENEL

Monsieur Pierre LELLOUCHE
Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes
37, quai d'Orsay
75007 PARIS

Paris, le 24 juillet 2009

Monsieur le Président,

Je vous remercie de la diligence avec laquelle vous avez bien voulu répondre à la demande d'examen en urgence de plusieurs textes que je vous avais adressés par lettre en date du 22 juillet.

S'agissant de la recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser l'ouverture de négociations entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en vue d'un accord destiné à mettre à la disposition du Département du Trésor américain des données de la messagerie financière SWIFT, vous avez exprimé le voeu que vos commissions puissent elles-mêmes se prononcer.

Votre souci est bien compréhensible et, dans une large mesure, le Gouvernement partage vos interrogations sur cette initiative.

Il n'en reste pas moins que la Présidence suédoise a enregistré, au Coreper du 23 juillet, un consensus en faveur de l'adoption rapide de ce mandat. En conséquence, la Présidence a bien l'intention d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de la session du 27 juillet 2009 du Conseil « Affaires générales et Relations extérieures » pour approbation.

Cette urgence se justifie par la modification de l'architecture de SWIFT qui interviendra dès l'automne prochain et qui nécessite que les échanges d'information, pour se poursuivre, reposent sur un accord entre l'Union européenne et les États-Unis.

Le programme du Département du Trésor américain de prévention du terrorisme et de son financement, à en juger par le rapport de la personnalité éminente européenne, le Juge Jean-Louis Bruguière, qui a été porté à la connaissance des États membres et du Parlement européen en février dernier, s'est avéré extrêmement efficace et au bénéfice mutuel des États-Unis et des États membres de l'Union européenne. Dès lors, il ne semble pas possible de prendre le risque d'une interruption de ce programme.

Par ailleurs, quelles que soient ses imperfections, l'accord envisagé sur la base des articles 24 et 38 du Traité sur l'Union européenne constitue une solution transitoire à laquelle succèdera un accord plus pérenne négocié sur la base du Traité de Lisbonne après son entrée en vigueur. Cette base juridique permettra la plaine association du Parlement européen. A cet égard, la Présidence suédoise et la Commission européenne ont d'ores et déjà engagé un dialogue avec la Commission LIBE.

Enfin les dispositions du mandat relatives à la protection des données à caractère personnel, à laquelle le Gouvernement est très attentif, ont été considérablement renforcées au cours de la négociation au Conseil, dans le sens d'une prise en compte des observations du Contrôleur européen de la Protection des Données. De même, le Coreper a décidé de limiter la durée de cet accord à un an maximum.

Au vu de ce qui précède, et après un examen attentif, il ne semble pas possible d'obtenir de la Présidence du Conseil qu'elle reporte l'adoption de ce mandat, ni que la France s'y oppose. En conséquence, et en dépit de ce délai très bref, je vous remercie par avance de bien vouloir procéder à l'examen de ce texte selon la procédure d'urgence.

J'adresse une réponse similaire au Président de la Commission des Affaires européennes de l'Assemblée Nationale.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Pierre LELLOUCHE

Monsieur Hubert HAENEL
Président de la Commission des affaires européennes
Palais du Luxembourg

Paris, le 24 juillet 2009

Monsieur le Ministre,

À la suite de notre échange de courriers sur la recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser l'ouverture de négociations entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en vue d'un accord destiné à mettre à la disposition du Département du Trésor américain des données de la messagerie financière SWIFT, vous m'avez informé, par lettre du 24 juillet, que « il ne semble pas possible d'obtenir de la présidence du Conseil qu'elle reporte l'adoption de ce mandat, ni que la France s'y oppose ». En conséquence, vous souhaitez qu'il soit procédé à l'examen de ce texte selon la procédure d'urgence.

La commission des affaires européennes du Sénat a pour habitude de confier à son président le soin d'examiner en urgence les projets de textes européens dès lors que les considérations motivant l'urgence sont fondées et dès lors que le dossier est de nature consensuelle.

L'urgence paraît ici peu contestable puisque le report de l'adoption de ce mandat serait susceptible d'entraîner une interruption du programme du Département du Trésor américain de prévention du terrorisme et de son financement dont l'efficacité est avérée.

En revanche, le dossier ne semble pas être de nature consensuelle. Je vous ai signalé dans ma lettre du 23 juillet les questions que posait ce mandat et j'ai été heureux de lire, dans votre lettre, que le Gouvernement partageait nos interrogations sur cette initiative.

Je prends note que les dispositions du mandat relatives à la protection des données à caractère personnel ont été considérablement renforcées au cours de la négociation au Conseil, afin de prendre en compte les observations du contrôleur européen de la protection des données. Je dois toutefois rappeler qu'il s'agit là d'un sujet majeur sur lequel le Sénat fait en règle générale preuve d'une particulière vigilance et qui ne peut que retenir, pour le cas particulier des données SWIFT, l'attention des membres de la commission des affaires européennes.

Compte tenu de ces observations, je crois devoir laisser le Gouvernement apprécier s'il est nécessaire d'accepter que l'adoption de ce texte intervienne lors du Conseil « Affaires générales et relations extérieures » du 27 juillet 2009 et, en ce cas, la position qu'il conviendrait alors d'adopter au vu des dernières négociations sur ce mandat.

Mais je crois indispensable de souligner que ce dossier montre, une fois de plus, la nécessité de revoir nos méthodes de travail afin de parvenir à une meilleure collaboration entre le Gouvernement et le Sénat. Il me paraît anormal que le SGAE, en liaison avec la Représentation permanente, n'ait pas été en mesure de nous faire savoir dès le 1er juillet, date de la transmission du texte au Sénat, voire dès le 19 juin, date de son envoi au Conseil par la Commission, que l'examen et l'adoption de ce mandat étaient susceptibles d'intervenir dans un aussi bref délai. Si nous voulons que la saisine du Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution ne soit pas seulement de pure forme, il est en effet indispensable que toutes les informations relatives aux délais soient connues du Parlement dès sa saisine.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Hubert HAENEL

Monsieur Pierre LELLOUCHE

Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes

37, quai d'Orsay

75007 PARIS