COM (2013) 550 final  du 24/07/2013

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)

Examen : 14/11/2013 (commission des affaires européennes)
Réponse de la Commission européenne

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 148 (2013-2014) : voir le dossier legislatif


Commissions d'interchange pour les opérations de paiement
liées à une carte

Proposition de résolution européenne portant avis motivé
de MM. Michel Billout et Aymeri de Montesquiou

M. Simon Sutour, président. - Le groupe de travail « subsidiarité » a retenu un texte relatif aux opérations d'interchange pour les cartes bancaires. C'est un sujet plutôt complexe sur le fond, mais aujourd'hui il s'agit seulement de la subsidiarité.

Je remercie Michel Billout et Aymeri de Montesquiou d'avoir bien voulu considérer le texte sous cet angle.

Bien entendu, compte tenu de l'importance du sujet pour les systèmes bancaires, nous aurons à l'étudier plus tard sur le fond, en prenant le temps nécessaire. Mais pour la subsidiarité, vous le savez, le Sénat dispose au total de 8 semaines, et après il nous faut prévoir l'examen par la commission au fond, en l'occurrence celle des finances. Nous devons donc aller vite.

Je donne la parole aux rapporteurs.

M. Aymeri de Montesquiou. - La subsidiarité me semble une notion extrêmement importante qui a été mise à l'ordre du jour dans les années 1990. C'est un terme un peu désuet mais qui est très important pour que les citoyens européens se sentent plus confortables dans ce grand ensemble et plus concernés par les décisions prises au plus près de chez eux. Depuis le traité de Lisbonne, contrôler le respect de la subsidiarité entre dans les responsabilités des parlements nationaux. Je le souligne à nouveau, je pense que c'est une très bonne chose. Mais pour exercer cette responsabilité, les parlements nationaux ont besoin d'être suffisamment informés. La Commission doit étayer sa proposition. C'est ce que prévoient les traités. Pour ce qui est du sujet des cartes bancaires, je pense que ce besoin n'est pas du tout satisfait.

Des points essentiels manquent comme par exemple les études approfondies permettant de comparer les coûts des paiements par carte et des paiements en liquide. Je reste surpris par cette comparaison car intuitivement les transactions en liquide me paraissent par nature moins onéreuse que les transactions par cartes mais en tout état de cause ces résultats sont nécessaires et sont manquants.

Je souligne aussi que nous devons connaître toutes les caractéristiques nationales des marchés des cartes bancaires car il y a une véritable hétérogénéité. Nous ne les avons pas et il est donc très difficile de se prononcer sur une règlementation qui pourrait être applicable directement dans tous les États membres.

Autre point d'importance : il n'existe pas aujourd'hui, à proprement parler, de marché européen de la carte bancaire. Il s'agit en réalité d'une juxtaposition de marchés nationaux avec des pratiques et des niveaux de maturité très hétérogènes. En Grèce et en Roumanie, les paiements se font à plus de 90 % en liquide, d'où peut-être la faiblesse des recettes fiscales en particulier en Grèce.

Il y a un point que je voudrais absolument souligner et qui replace le problème dans l'actualité. Le duopole Visa/MasterCard doit être analysé dans le contexte des activités de la NSA en Europe et des réactions en Europe. Les cartes bancaires sont, à l'évidence, une source d'information sur le comportement des individus. Il est plus que jamais nécessaire d'avoir une carte européenne.

Je vous propose d'interpeller la Commission afin qu'elle justifie davantage ses positions pour que notre contrôle puisse s'effectuer dans de bonnes conditions.

M. Simon Sutour, président. - Merci, monsieur le rapporteur de cette présentation. Nous nous proposons d'interpeller la Commission sous la forme d'un avis motivé puisqu'il s'agit de la subsidiarité. Si un tiers des parlements se prononcent en subsidiarité, la Commission doit revoir sa copie. L'examen au fond interviendra plus tard.

Il faut adresser un avertissement à la Commission : sur un sujet de cette importance pour les systèmes bancaires, elle doit se justifier. Elle doit fournir toutes les informations nécessaires. C'est tout l'intérêt d'adopter un « avis motivé ».

M. Aymeri de Montesquiou. - J'insiste de nouveau sur l'importance de ce sujet. Nous manquons d'éléments pour avoir une position étayée. La protection des individus doit être au centre de nos préoccupations. C'est essentiel dans l'éthique des rapports entre les États.

M. Simon Sutour, président. - L'avis motivé est adopté à l'unanimité.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Monsieur le président, mon intervention ne porte pas directement sur le contenu de la proposition qui vient d'être adoptée mais sur votre intervention concernant le vote des autres parlements nationaux. Existe-t-il un intranet des commissions européennes des différents parlements nationaux. Comment se font les contacts entre parlements ?

M. Simon Sutour, président. - Oui, tout à fait, il s'agit du système IPEX. De plus, de nombreux contacts au sujet de la subsidiarité se font à l'occasion par exemple de la COSAC. Les échanges doivent se faire aussi avec nos collègues de l'Assemblée nationale mais ils n'ont pour l'instant pas suivi nos positions sur les avis motivés que ce soit sur le droit de grève des travailleurs détachés ou sur le parquet européen.

Je suis très prosélyte de cette procédure qui nous vient du traité de Lisbonne car c'est un moyen d'action important pour les parlements nationaux.

Nous avons le carton jaune, déjà expérimenté, puis le carton orange qui nécessite la moitié des parlements nationaux et enfin le carton rouge, où 60 sénateurs au moins doivent saisir la Cour européenne de justice. C'est un instrument très puissant. La Commission européenne est très attentive aux avis motivés et va même jusqu'à un certain interventionnisme, comme ce fut le cas par exemple sur le parquet européen. Sur le droit de grève des travailleurs détachés, nous avons fait valoir notre position par un avis de subsidiarité il y un an et demi. Depuis, cette problématique a pris de l'ampleur, car au-delà du droit de grève que nous défendions, les impacts sont importants sur l'égalité entre salariés, mais aussi entre entreprises. Nous avons eu par la suite un débat en séance sur une problématique plus large à l'initiative du groupe CRC, sur la base de la proposition de résolution d'Éric Bocquet votée en commission des affaires européennes. Rappelons d'ailleurs que les parlements nationaux ont obtenu plein succès, car la Commission a finalement retiré le texte sur le droit de grève des travailleurs détachés.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PORTANT AVIS MOTIVÉ

La proposition de règlement COM (2013) 550 final relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte prévoit notamment le plafonnement des commissions d'interchange à 0,20 % pour les cartes de débit et à 0,30 % pour les cartes de crédit. Ce plafonnement s'appliquerait deux mois après l'entrée en force du règlement pour les transactions transfrontalières et deux ans pour les transactions nationales.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

- l'article 5 du traité sur l'Union européenne prévoit que l'Union ne peut intervenir, en vertu du principe de subsidiarité, que « si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ;

- l'article 5 du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité précise que « Les projets d'actes législatifs sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité » ;

- l'analyse d'impact qui accompagne la proposition de règlement présente des lacunes liées au manque de données quantitatives, à l'incertitude quant aux conséquences de la proposition et à l'insuffisance des études économiques approfondies ;

- l'insuffisance d'analyse ne permet pas de s'assurer :

* que la Commission a défini correctement le niveau d'action approprié, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

* qu'une action au niveau des États membres ne serait pas à même de conduire à l'objectif recherché ;

Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l'état, le principe de subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 23/08/2013