COM(2025) 80 FINAL  du 27/02/2025

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives (UE) 2022/2464 et (UE) 2024/1760 en ce qui concerne les dates à partir desquelles les États membres doivent appliquer certaines obligations relatives à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises et au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité - COM(2025) 80 final

Soucieuse de répondre aux préoccupations relatives à la compétitivité des entreprises européennes, la Commission, dans la droite ligne du « rapport Draghi », a engagé une simplification des réglementations sociales et environnementales, de sorte d'alléger les charges administratives des entreprises, sans renoncer aux objectifs climatiques de l'Union, définies dans le cadre du pacte vert européen. Cette proposition de directive, dite « stop the clock » (« arrêtons l'horloge »), propose notamment de reporter les obligations liées aux directives CSRD et CS3D.

I. Un objectif d'allègement massif des obligations déclaratives et des charges induites pour les acteurs économiques et financiers

a) Un texte d'ampleur limité pour « arrêter les horloges »

Cette proposition de directive, présentée par la Commission européenne le 26 février dernier, fait partie du premier paquet de simplification dit « omnibus », qui comprend un autre texte plus substantiel1(*) portant également sur les directives CSRD et CS3D.

Elle vise à reporter les obligations de publication d'informations en matière de durabilité prévues par la directive CSRD2(*) (UE 2022/2464) ainsi que celles relatives au devoir de vigilance instaurées par la directive CS3D3(*) (UE 2024/1760).

Présentée dans le cadre du Pacte vert européen de 2021, la directive CSRD du 14 décembre 2022 prévoit la production, par les entreprises d'une certaine taille ou d'intérêt public, d'informations en matière de durabilité, selon les normes d'informations européennes ESRS4(*). Les entreprises sont réparties en trois vagues en fonction de critères économiques et de leur secteur d'activité ; celles-ci déterminent la date à laquelle elles sont soumises aux obligations prévues dans la directive :

· dès les exercices 2024 pour les grandes entreprises cotées, les banques et les compagnies d'assurance ;

· à compter de l'exercice 2025 pour toutes les grandes entreprises, y compris celles non cotées (« vague 2 ») ;

· à compter de l'exercice 2028 pour les entreprises non européennes disposant d'une succursale en France (« vague 3 »).

Ces informations de durabilité présentent l'impact de l'entreprise en matière environnementale, sociale et de gouvernement d'entreprise. Elles concernent également l'évolution de son chiffre d'affaires, de ses résultats et de sa situation, de sorte d'apprécier le degré de résilience de son modèle commercial et de sa stratégie concernant les risques liées aux questions de durabilité, les opportunités que recèlent ces questions pour elle et les plans qu'elle a définis pour assurer la comptabilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec les objectifs de transition vers une économie durable et de limitation du réchauffement climatique. La directive prévoit également que ces informations soient obligatoirement auditées.

La directive CSRD est entrée en vigueur le 5 janvier 2023. La France a été le premier État membre à transposer la directive, par l'intermédiaire de l'ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023. L'article 7 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, définitivement adopté par le Parlement, opère diverses corrections dans le code de commerce en lien avec cette transposition.

La présente proposition de la Commission européenne vise à reporter l'entrée en application de la directive CS3D et de certaines dispositions de la directive CSRD :

· d'une part, il est proposé de reporter d'un an le délai de transposition de la directive CS3D (de juillet 2026 à juillet 2027) et son entrée en vigueur pour les entreprises des vagues 1 et 2 (couvrant les plus grandes entreprises), qui serait désormais fixée à juillet 2028. Destiné à laisser du temps aux entreprises assujetties de se préparer à remplir cette nouvelle obligation, ce report ouvrirait un délai de deux ans entre l'adoption des lignes directrices en juillet 2026 et leur entrée en vigueur ;

· d'autre part, il est proposé de reporter de deux ans (à 2028) l'application des obligations d'informations auxquelles seront soumises, en application de la directive CSRD, les entreprises de la vague 2 (les grandes entreprises qui ne sont pas des entités d'intérêt public et qui comptent plus de 500 salariés et les grandes entreprises comptant moins de 500 salariés) et de la vague 3 (PME cotées, établissements de crédit de petite taille et non complexes et les entreprises captives d'assurance et de réassurance). Ce report vise à éviter que certaines entreprises soient tenues de publier des informations relatives aux exercices 2025 (vague 2) ou 2026 (vague 3) et qu'elles soient ensuite dispensées de cette obligation. Ce délai est conforme à celui finalement adopté par le Parlement français lors de l'examen du projet de loi DADDUE précité.

b) Un report d'entrée en vigueur destiné à permettre un réexamen sur le fond des directives CSRD et CS3D, dans le cadre d'un texte distinct

Parallèlement à cette proposition purement destinée à « arrêter les horloges » dans l'attente d'une révision du contenu des directives CSRD et CS3D, la Commission européenne a présenté, dans le cadre d'un texte distinct, COM(2025) 081 final, qui nécessitera un examen plus approfondi, des mesures pour « réduire la charge liée aux obligations de publication d'informations et à limiter l'effet de retombée de ces obligations sur les petites entreprises ».

La Commission européenne propose, dans cet autre texte, de simplifier le cadre et réduire la charge liée à l'application de la directive CSRD. À ce titre, le nombre d'entreprises soumises à des obligations de publication d'informations en matière de durabilité serait réduit d'environ 80 %. La directive ne s'appliquerait plus qu'aux grandes entreprises comptant en moyenne plus de 1000 salariés, ce qui permettrait par ailleurs d'aligner plus étroitement CSRD et CS3D. En outre, le plafond de la chaîne de valeur serait étendu et renforcé, de sorte de s'appliquer directement à l'entreprise concernée au lieu de n'être qu'une limite aux informations à fournir conformément aux normes européennes obligatoires en matière de durabilité (ESRS).

Seraient ainsi protégées non seulement les PME mais également les entreprises comptant jusqu'à 1000 salariés inclues dans la chaîne de valeur d'entreprises plus grandes ou du secteur financier, telles les banques.

La Commission européenne propose également de simplifier les normes de publication en matière de durabilité (suppression des normes spécifiques par secteurs et passage à l'assurance raisonnable dans les normes d'assurance et d'audit, pour revenir à une assurance limitée). La Commission européenne propose également une norme proportionnée d'utilisation volontaire, fondée sur la norme volontaire pour les PME élaborée par l'EFRAG5(*) pour les entreprises non soumises à ces obligations.

La Commission européenne propose en outre, dans cet autre texte, d'alléger les règles de mise en oeuvre du devoir de vigilance (CS3D), qui avait fait l'objet d'une résolution européenne du Sénat, à l'initiative de la commission des affaires européennes6(*). La Commission européenne propose en particulier de :

· réduire la charge administrative, en concentrant les mesures de vigilance sur les seuls partenaires directs, ainsi que la fréquence de déclaration, d'annuelle à tous les cinq ans. En outre, elle souhaite restreindre le champ des parties prenantes que les entreprises devraient consulter (notamment salariés de l'entreprise, des filiales, des partenaires commerciaux et syndicats) ;

· protéger les entreprises à petite capitalisation de demandes d'éléments par leurs donneurs d'ordre ;

· réduire les risques relatifs à la responsabilité, au nom d'une approche privilégiant la subsidiarité, en supprimant l'obligation de mettre un terme à la relation commerciale en cas d'incidence négative potentielle grave en cas d'échec des mesures de vigilance ainsi que du régime européen de responsabilité civile, désormais fixé par le droit national. En outre, la proposition de directive supprime l'obligation d'action en justice représentative et prévoit que les dispositions en matière de responsabilité ne soient pas de nature impérative, à charge pour les États membres de le décider ou non.

II. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Oui, incontestablement.

Le texte propose de modifier les dates d'entrée en application de certaines dispositions du droit de l'Union. Ces dates ne peuvent être modifiées que par une action au niveau de l'Union européenne.

Le Conseil a approuvé ce report le 26 mars 2025. Le Parlement européen, dans le cadre d'une procédure d'urgence, l'a également approuvé le 3 avril 2025, sans aucun amendement, par 531 voix pour, 69 voix contre et 17 abstentions.

L'examen de l'autre proposition de directive, apportant des modifications aux dispositifs prévus par les directives CSRD et CS3D, devrait également intervenir rapidement, la présidence polonaise du Conseil en ayant fait une priorité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas aller au-delà dans l'examen de ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/43/CE, 2013/34/UE, (UE) 2022/2464 et (UE) 2024/1760 en ce qui concerne certaines obligations relatives à la publication d'informations en matière de durabilité et au devoir de vigilance applicables aux entreprises, COM(2025) 081 final.

* 2 Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises.

* 3 Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE)2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859.

* 4 European Sustainability Reporting Standards.

* 5 Groupe consultatif européen sur l'information financière (European Financial Reporting Advisory Group)

* 6 Résolution européenne du Sénat n°143 (2021-2022) du 1er août 2022.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/03/2025