COM(2025) 186 FINAL
du 16/04/2025
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2025 modifiant le Règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'établissement d'une liste européenne de pays d'origine sûrs - COM(2025) 186 final
Le pacte « asile et migration », adopté définitivement au printemps 2024, a modifié le droit de l'Union européenne en recherchant une approche globale liant politique migratoire, politique de l'asile et contrôles aux frontières. Il comprend à titre principal :
- un dispositif de « filtrage »1(*) des migrants irréguliers « à la frontière » d'une durée maximale de 7 jours. À l'issue d'un « filtrage », les migrants seront orientés, soit vers une procédure d'asile de droit commun, soit vers une procédure d'asile à la frontière2(*), soit vers une procédure de retour à la frontière dans leur pays d'origine ;
- l'actualisation de la base de données européenne Eurodac, qui recense les demandes d'asile, en y intégrant désormais l'identité des demandeurs d'asile et leurs données biométriques (empreintes digitales) ;
- des garanties supplémentaires pour les demandeurs d'asile (information ; conseil juridique gratuit ; évaluation indépendante de la procédure ; hébergements spécifiques pour les familles avec mineurs...), moyennant une obligation de coopération avec les autorités compétentes, des aménagements aux règles de leur prise en charge3(*), et une solidarité européenne accrue entre États membres4(*) ;
- une adaptation des règles du pacte en cas de crise migratoire menaçant les États membres ou l'Union européenne (ex : délais allongés pour le « filtrage » ou les opérations de retour à la frontière).
En outre, le pacte, plus précisément le règlement (UE) 2024/13485(*), définit les concepts de « pays tiers sûr » (articles 59 et 60) et de « pays d'origine sûr » (articles 61 et 62) applicables aux demandes d'asile de ressortissants de pays tiers.
En pratique, le concept de « pays d'origine sûr » doit pouvoir être invoqué par un État membre pour refuser la demande d'asile effectuée par le ressortissant de l'un de ces pays lors d'un entretien individuel.
Les « pays d'origine sûrs » sont des pays tiers où :
- les non-ressortissants n'ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté à raison « de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques » ;
- les personnes précitées sont protégées contre les refoulements, conformément aux dispositions de la convention de Genève de 1951 ;
- les personnes précitées peuvent demander et obtenir une protection effective6(*).
Dans ce cadre, les États membres, mais aussi l'Union européenne, peuvent définir une liste de « pays d'origine sûrs ». En l'espèce, les États membres peuvent créer, modifier et maintenir des « listes nationales » de pays d'origine sûrs, dès lors qu'elles sont compatibles avec la position européenne. En conséquence, les listes nationales doivent être communiquées à la Commission européenne avant le 12 juin 2026.
La désignation d'un pays tiers comme pays d'origine sûr tant au niveau de l'Union qu'au niveau national peut alors comporter des exceptions pour des parties spécifiques de son territoire ou des catégories de personnes clairement identifiables (en bref, certaines régions d'un pays peuvent être exclues de la qualification de pays tiers sûr).
Au niveau européen, cette désignation est effectuée sur la base d'une évaluation de la Commission européenne, elle-même fondée sur les informations pertinentes des États membres, de l'Agence européenne de l'asile, du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés et d'autres organisations internationales.
Ultérieurement, en cas de changements importants dans la situation d'un « pays d'origine sûr », remettant en cause les conditions précitées, à l'issue d'une évaluation motivée, la Commission européenne peut, par un acte délégué, suspendre la désignation du pays concerné en tant que « pays d'origine sûr. » pour un délai de six mois. Puis, à situation inchangée, dans les trois mois suivant l'adoption de cet acte, elle soumet une proposition en vue de modifier le règlement (UE) 2024/1348 pour retirer ce pays de la liste des « pays d'origine sûrs ». Cependant, si cette proposition n'est pas adoptée dans un délai de quinze mois, la suspension cesse de produire ses effets.
En principe, les dispositions du pacte doivent entrer en vigueur en juin 2026.
1. Le contenu de la proposition de règlement COM(2025) 186 final
A. La mise en oeuvre anticipée de deux dispositifs importants de la procédure d'asile renouvelée par le pacte
Avec la présente proposition de règlement, rendue publique le 16 avril dernier, la Commission européenne propose d'abord de mettre en oeuvre deux éléments clés du règlement sur les procédures d'asile, sans attendre la date butoir du 12 juin 2026, afin d'aider les États membres à traiter plus rapidement et plus efficacement les demandes d'asile émanant de personnes dont les demandes sont susceptibles d'être infondées.
Il s'agit des dispositifs suivants :
1. la procédure d'asile à la frontière pour les demandeurs d'asile qui sont ressortissants d'un pays tiers pour lequel le taux de protection est inférieur à 20% dans l'Union européenne. En pratique, les États membres qui le souhaitent pourraient la mettre en oeuvre dès l'adoption de la présente proposition de règlement, en attendant la mise en oeuvre complète de la procédure à la frontière, en juin 2026.
Il convient de rappeler que la procédure à la frontière est prévue aux articles 43 à 56 du règlement (UE) 2024/1348. Elle concerne obligatoirement trois catégories de demandeurs d'asile7(*) non autorisés à entrer sur le territoire d'un État membre à l'issue du « filtrage » dont ceux qui sont ressortissants d'un pays tiers pour lequel le taux de protection est inférieur à 20 % dans l'Union européenne. La procédure à la frontière est une procédure d'asile de traitement des demandes d'asile qui est accélérée8(*) et repose sur une fiction juridique de « non entrée » des demandeurs visés sur le territoire de l'État membre concerné9(*) ;
2. la possibilité, pour les États membres, de reconnaître des pays tiers comme des « pays tiers sûrs » ou des « pays d'origine sûrs », en excluant de cette reconnaissance certaines régions de ces pays ou certaines catégories de personnes, prévue aux articles 59 et 61 du règlement (UE) 2024/1348.
B. L'établissement d'une première liste européenne de « pays d'origine sûrs »
La Commission européenne propose également d'établir une première liste de l'Union européenne des « pays d'origine sûrs ».
Certains États membres, comme la France, ont déjà établi des listes nationales de « pays d'origine sûrs »10(*). Cette liste de l'Union vise à compléter les listes nationales et à favoriser une application anticipée, avant juin 2026, du concept de « pays d'origine sûr », qui doit permettre aux États membres de traiter les demandes d'asile des ressortissants des pays figurant sur la liste dans le cadre d'une procédure accélérée, au motif qu'il est peu probable que leurs demandes aboutissent.
La Commission européenne a proposé d'établir une première liste de l'Union européenne comprenant les pays suivants : le Bangladesh, la Colombie, l'Égypte, l'Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie.
La proposition de la Commission s'appuie sur une analyse de l'agence européenne de l'asile et des éléments probants transmis par les États membres, le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU, et le Service européen d'action extérieure (SEAE).
*
2. Cette proposition législative est-elle nécessaire ? Apporte-t-elle une valeur ajoutée européenne ?
A. La base juridique choisie est-elle correcte ?
Oui. La base juridique du texte semble
adaptée. La nouvelle proposition est fondée sur les dispositions
de l'article 78, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne (TFUE), qui autorise le Parlement européen et
le Conseil à adopter des mesures relatives à un système
commun d'asile comportant « un statut uniforme d'asile en faveur de
ressortissants de pays tiers, valable dans toute l'Union »,
« un statut uniforme de protection subsidiaire » et
« le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour
gérer les flux de personnes demandant l'asile ou une protection
subsidiaire ou temporaire. »
B. La proposition est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
La réponse est également positive. En effet, les définitions des « pays tiers sûrs » et des « pays d'origine sûrs », le principe de listes européennes ainsi que les modalités d'inscription ou de suspension d'un pays sur ces listes ont déjà été arbitrés politiquement et adoptés dans le cadre du règlement (UE) 2024/1348. Ils n'ont fait alors l'objet d'aucune contestation au titre du principe de subsidiarité.
De fait, la présente proposition n'est qu'un texte de précision de ce règlement, fondé sur les mêmes bases juridiques, qui se contente de prévoir une application anticipée de deux dispositifs et de donner une réalité « géographique » au concept de « pays d'origine sûr », sur la base d'analyses officielles et d'éléments probants.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Le « filtrage » comprendra un triple contrôle d'identité, de santé et de sécurité.
* 2 Cette procédure sera applicable aux migrants ayant le moins de chance d'obtenir une protection internationale, à savoir le demandeur présentant un risque pour la sécurité nationale ou l'ordre public (y compris dans ce cas, si c'est un mineur), le demandeur ayant introduit sa demande sur la base d'un acte frauduleux (fausse identité ; faux documents...) et celui qui provient d'un pays tiers pour lequel le taux de reconnaissance de protection internationale est faible (= inférieure à 20 % (Tunisie ; Maroc ; Bangladesh...)). Les États membres devront mettre à disposition de cette procédure une « capacité adéquate » maximale d'accueil de 30 000 lits au niveau de l'Union européenne dans des centres dédiés.
* 3 La durée de prise en charge des demandeurs d'asile est fixée à vingt mois (un an pour les personnes débarquées dans le port d'un État membre à l'issue d'une opération de recherche-sauvetage).
* 4 Création d'une réserve européenne de solidarité fondée sur des relocalisations de demandeurs d'asile et un soutien financier entre États membres, avec des objectifs annuels de 30 000 relocalisations et de 600 millions d'euros de contributions financières directes.
* 5 Règlement (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union et abrogeant la directive 2013/32/UE.
* 6 Selon l'exposé des motifs du règlement (UE) 2024/1348, cette protection signifie un accès à des moyens de subsistance suffisants pour maintenir un niveau de vie adéquat. Il intègre l'accès à la nourriture, à l'habillement, au logement ou à l'hébergement et le droit d'exercer un emploi rémunéré, par exemple par un accès au marché du travail, dans des conditions qui ne sont pas moins favorables que celles pour les non-ressortissants du pays tiers en général dans les mêmes circonstances.
* 7 Le demandeur présentant un risque pour la sécurité nationale ou l'ordre public (y compris dans ce cas, si c'est un mineur), le demandeur ayant introduit sa demande sur la base d'un acte frauduleux (fausse identité ; faux documents...) et celui qui provient d'un pays tiers pour lequel le taux de reconnaissance de protection internationale est faible (= inférieure à 20 % (Tunisie ; Maroc ; Bangladesh...).
* 8 La procédure doit durer 12 semaines au plus.
* 9 Dans la mise en oeuvre de cette procédure, l'État membre concerné exige que les demandeurs résident à la frontière extérieure ou dans des zones de transit, ou à proximité, en règle générale, ou en d'autres lieux désignés sur leur territoire, en tenant pleinement compte des spécificités géographiques dudit État membre. Les personnes faisant l'objet de cette procédure sont juridiquement considérées comme n'étant pas entrés sur le territoire de l'État membre concerné.
* 10 La liste française, arrêtée par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), comprend : l'Albanie ; l'Arménie ; la Bosnie-Herzégovine ; la République du Cap vert ; la Géorgie ; l'Inde ; la Macédoine du nord ; la république de Maurice ; la Mongolie ; le Monténégro ; la Serbie ; le Kosovo (décision du conseil d'administration de l'OFPRA du 9 octobre 2015 actualisée par la décision du Conseil d'État du 2 juillet 2021).