COM(2025) 526 Final  du 08/07/2025

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/2865 en ce qui concerne les dates d'application et les dispositions transitoires - COM(2025) 526 final

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) n 1272/2008, (CE) n 1223/2009 et (UE) 2019/1009 en ce qui concerne la simplification de certaines exigences et certaines procédures applicables aux produits chimiques - COM(2025) 531 final

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'Agence européenne des produits chimiques et modifiant les règlements (CE) n 1907/2006, (UE) n 528/2012, (UE) n 649/2012 et (UE) 2019/1021 - COM(2025) 386 final

A. Le cadre général dans lequel s'inscrivent ces propositions

Le 8 juillet dernier, la Commission européenne a présenté un plan d'action destiné à moderniser et renforcer la compétitivité de l'industrie chimique européenne, essentielle en termes de chiffre d'affaires et de nombre d'emplois mais sévèrement concurrencée depuis de nombreuses années.

Ce plan passe d'abord par deux propositions de règlement qui s'inscrivent dans la stratégie pour le marché unique adoptée le 21 mai dernier. Après plusieurs « omnibus » présentés au printemps dernier, ces propositions de règlement, présentées comme « l'omnibus VI » par la Commission, visent à simplifier et à rationaliser certaines exigences et procédures applicables aux produits chimiques considérées comme particulièrement contraignantes par l'industrie et les autorités. Leur adoption permettrait, selon la Commission européenne, de « [rendre] la législation sur les produits chimiques plus efficace et plus rentable pour l'industrie, tout en garantissant en même temps un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement ». Elle marquerait un nouveau pas sur la voie de la réalisation de l'engagement en faveur de la simplification des normes applicables aux entreprises, destiné à réduire à la charge administrative d'au moins 25 % pour toutes les entreprises et d'au moins 35 % pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Dans le même temps, la Commission européenne a présenté une autre proposition de règlement, afin de renforcer la gouvernance de l'Agence européenne des produits chimiques.

B. Le contenu des deux propositions législatives de la Commission visant à simplifier certaines exigences et certaines procédures applicables aux produits chimiques

La Commission européenne a présenté simultanément deux propositions de règlement qui visent l'une et l'autre à simplifier les règles applicables à l'industrie chimique, contribuant ainsi à l'allégement des charges administratives qui pèsent sur les entreprises du secteur ainsi que de leur coût pour les États membres.

La première apporte des modifications de fond à trois règlements concernant le secteur ; la seconde vise simplement à reporter les échéances d'un règlement qui avait lui-même modifié l'un d'entre eux.

La première proposition de règlement de la Commission européenne vise à simplifier certaines dispositions et procédures de trois règlements : le règlement (CE) n° 1272/2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et mélanges (« règlement CLP »), le règlement (CE) n°1223/2009 relatif aux produits cosmétiques et le règlement (UE) 2019/1009 établissant des règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants.

=> Concrètement, elle porte donc à la fois sur l'étiquetage et le packaging de certains produits chimiques, ainsi que des règles propres aux cosmétiques et aux engrais. La Commission évalue à près de 400 millions d'euros les économies susceptibles de découler de son application.

1. Les modifications proposées au règlement CLP

Le règlement CLP vise à assurer une communication optimale sur les dangers des produits chimiques, grâce notamment à des règles de classification et d'étiquetage permettant une information claire des utilisateurs. À ce titre, les opérateurs économiques sont tenus de classer, étiqueter et emballer de manière appropriée leurs produits chimiques dangereux avant de les mettre sur le marché.

La Commission européenne propose par ce texte de :

- simplifier et permettre une plus grande souplesse en matière de règles de formatage de l'étiquetage de ces produits ;

- clarifier les règles relatives aux dérogations aux obligations d'étiquetage pour les petits emballages et les règles relatives à l'étiquetage des pompes à carburant ;

- réduire le champ d'application des dispositions du règlement relatives aux publicités et aux ventes à distance relatives aux produits mis sur le marché pour le grand public ;

- alléger les obligations en matière de publicité pour les substances et mélanges dangereux en réduisant la quantité d'informations à fournir.

La Commission européenne propose également de supprimer le délai fixe de six mois pour la mise à jour de l'étiquette apposée sur le produit et propose d'élargir l'utilisation de l'étiquetage numérique.

D'un point de vue général, la proposition de la Commission européenne vise donc à alléger des règles, là où le règlement (UE) 2024/2865 du 23 octobre 2024 avait, entre autres, introduit de nouvelles exigences en matière d'étiquetage. Ce texte fait d'ailleurs l'objet d'une proposition séparée de la Commission (cf. infra).

2. Les modifications proposées au règlement relatif aux produits cosmétiques

La proposition de modification du règlement relatif aux produits cosmétiques vise à définir de manière plus explicite les exigences actuelles et à réduire les « obligations inutiles » en matière de déclaration pour les entreprises et les autorités compétentes. Ces modifications concernent notamment l'utilisation des substances qui ont été classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) ainsi que les produits qui contiennent des nanomatériaux. La Commission explique néanmoins que les modifications maintiendront le niveau élevé de sécurité des produits cosmétiques mis à la disposition des consommateurs sur le marché de l'Union européenne.

3. Les modifications proposées au règlement sur les fertilisants

Outre diverses adaptations en lien avec l'extension de la numérisation prévue par d'autres initiatives de la Commission européenne1(*), la modification que la proposition se propose d'introduire au règlement sur les fertilisants vise principalement à supprimer l'obligation d'enregistrement REACH étendue spécifique à ces produits, auxquels s'appliqueraient dès lors les dispositions « standard » du règlement REACH2(*).

Elle vise également à habiliter la Commission européenne à introduire des critères et une méthode pour l'évaluation des micro-organismes par les fabricants et les organismes notifiés.

Lors de la présentation du « paquet chimie », le 8 juillet dernier, Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission a annoncé « dans les mois qui viennent », une révision de « la législation de référence de l'industrie chimique », c'est-à-dire du règlement REACH.

4. La proposition «stop the clock» concernant le règlement CLP

La première proposition décrite ci-dessus est complétée par une seconde proposition de règlement qui concerne le seul règlement CLP.

Nouvel exemple de texte « stop the clock » (arrêter la pendule), elle vise à décaler les échéances fixées par le règlement 2024/2865 qui a lui-même modifié le règlement CLP de 2008. Elle introduit une nouvelle échéance pour certaines de ses dispositions, le 1er janvier 2028.

Cette proposition de règlement de la Commission européenne vise principalement à simplifier et à assouplir certaines dispositions du règlement 2024/2865, en modifiant les dates d'application et les périodes transitoires pour les obligations nouvelles qu'il avait introduites3(*) :

- allongement des délais pour la mise en conformité, notamment pour les exigences de formatage d'étiquetage, la publicité, les ventes à distance et l'étiquetage des pompes à carburant, afin d'éviter la multiplication de dates différentes et de donner plus de temps aux entreprises ;

- assouplissement des règles d'étiquetage : simplification des exigences minimales en termes de taille des caractères, interligne et obligations pour les petits emballages, de sorte de réduire la charge administrative et les coûts de mise en conformité jugés trop contraignants par l'industrie ;

- extension de l'étiquette numérique : élargissement des informations pouvant être affichées uniquement sous format numérique, facilitant ainsi la gestion multilingue et l'accès à l'information ;

- suppression de certains délais fixes : par exemple, le délai de six mois pour la mise à jour des étiquettes serait remplacé par une obligation plus souple de mise à jour « sans retard injustifié », pour tenir compte des difficultés de conformité dans les chaînes d'approvisionnement complexes ;

- rationalisation et réduction du champ d'application des obligations sur la publicité et la vente à distance pour les produits destinés au grand public : la fourniture d'un moins grand nombre d'informations par rapport à la version initiale du règlement permettrait de limiter la surcharge d'information et de se concentrer sur la protection essentielle des consommateurs.

Cette proposition intervient moins d'un an après l'adoption du règlement 2024/2865.

La Commission européenne justifie ces différents reports par la nécessité « d'apporter une sécurité juridique aux entreprises et d'éviter d'avoir des dates d'application différentes pour le même type d'obligations imposées par deux actes modificatifs du règlement CLP ». À ce titre, elle s'inscrit parmi les mesures de simplification visant à réduire la charge administrative et les coûts pour les différents secteurs industriels concernés par chacun des textes de simplification.

C. Le contenu de la proposition de règlement concernant l'Agence européenne des produits chimiques)

Concomitamment à la présentation de ces deux propositions de règlement, la Commission européenne propose de « renforcer la gouvernance de l'Agence européenne des produits chimiques et [de] rendre son modèle de financement plus durable ».

Cette proposition s'inscrit dans la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques (SDPC), qui comporte un certain nombre de mesures visant à améliorer l'efficacité, l'efficience et la cohérence des évaluations de la sécurité au moyen de l'approche « une substance, une évaluation »4(*).

C'est au nom de ce principe que l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) centralise toutes les informations et études scientifiques relatives à chaque substance au sein d'une plateforme européenne unique.

L'ECHA a été créée par le règlement « REACH » 5(*) le 1er juin 2007.

Ses missions ont été progressivement étendues par plusieurs règlements et directives, dont le règlement CLP évoqué ci-avant, relatifs, entre autres, aussi bien aux produits biocides qu'aux batteries ou aux polluants organiques persistants (POP) ainsi qu'à l'évaluation des risques pour la santé publique en cas de menace transfrontalière grave d'origine chimique ou environnementale...

La création de l'ECHA est donc antérieure à la définition de l'approche commune sur les agences décentralisée de l'Union européenne, qui vise à harmoniser la création, la gouvernance et le fonctionnement de ces agences afin d'améliorer leur efficacité, leur pertinence et leur transparence. Depuis 2012, les actes fondateurs des agences décentralisées ont été progressivement alignés sur cette approche commune, notamment en ce qui concerne la gouvernance, le budget, les ressources humaines et la communication. Un accent particulier a été mis sur l'accord de siège entre chaque agence et l'Etat membre hôte ainsi que sur la nécessité pour les agences d'agir dans le cadre des compétences de l'Union définies par le traité de Lisbonne.

Dans ce contexte et à l'appui de sa proposition de règlement, qui modifie quatre règlements existants, la Commission européenne estime, s'agissant du Comité d'évaluation des risques (CER) et du Comité d'analyse socio-économique (CASE) de l'ECHA, que « le cadre juridique actuel n'est pas suffisamment souple pour permettre à ces comités de faire face aux défis futurs, à la charge de travail et à la complexité croissante des dossiers ».

Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC), institué par une décision de la Commission européenne de 2015, serait réaffecté à l'ECHA, en application de l'approche « une substance, une évaluation ». La proposition de règlement renforce également la coopération avec d'autres agences de l'Union, afin d'améliorer la cohérence des avis scientifiques et d'éviter d'éventuelles divergences entre eux.

Sur le plan fonctionnel, la proposition de règlement prévoit que les États membres devront à l'avenir désigner davantage de membres au sein de ces comités, à raison de la réattribution de tâches qui augmentera leur charge de travail.

Surtout, elle introduit des mesures destinées à améliorer la soutenabilité financière de l'agence, la Cour des comptes européenne ayant estimé, en 2020, que « le cadre financier et administratif dans lequel évolue l'ECHA est plus complexe que celui d'autres agences, étant donné que celle-ci est dotée de trois budgets (et plans de recrutement) distincts au titre de trois règlements spécifiques, dont chacun relève d'une DG partenaire différente ? Cela limite davantage la souplesse dont dispose l'ECHA pour s'adapter aux fluctuations de la charge de travail ».

S'appuyant sur ce travail de la Cour des comptes européennes, la proposition de règlement supprime l'exigence relative à la séparation des budgets et envisage la possibilité pour l'ECHA de maintenir une réserve de fonds limitée provenant des recettes issues de redevance et de droits. La Commission européenne explique que le seul objectif de cette mesure est d'atténuer les fluctuations et de compenser le manque à gagner lié aux redevances. Elle ajoute que « d'autres mesures visant à améliorer la viabilité du modèle financier de l'agence sont en cours d'examen en dehors de la proposition de règlement ». Elle évoque notamment l'adaptation des redevances à l'inflation. A ce stade, il est difficile d'établir des projections sur leur impact financier réel. On notera cependant que l'éventuelle mise en place de nouvelles redevances poserait inévitablement la question de la cohérence avec l'objectif d'ensemble de cet « omnibus » chimie, consistant à renforcer la compétitivité de ce secteur vital pour l'économie européenne, en allégeant les charges qui pèsent sur lui.

D. Ces propositions sont-elles conformes aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Ces trois propositions de règlement reposent sur l'article 114 du TFUE, qui prévoit l'harmonisation des règles pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. De fait, le règlement CLP, le règlement sur les produits cosmétiques et le règlement sur les fertilisants ont été adoptés au niveau de l'Union européenne, étant donné que les objectifs de ces règlements ne pouvaient être atteints de manière suffisante au niveau des États membres.

En effet, bien que l'ampleur des risques liés aux produits chimiques puisse varier d'un pays et d'une région à l'autre, les incidences sanitaires et environnementales des substances nocives n'ont pas de frontière. La Commission européenne estime également moins coûteuse et plus efficace une action européenne que 27 actions nationales. Pour les mêmes raisons, le renforcement de la gouvernance et la sécurisation de son modèle de financement justifie la proposition de règlement concernant l'Agence européenne des produits chimiques.

La Commission européenne explique que les propositions ne vont pas au-delà de ce qui est prévu dans le cadre de la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques et de protection de la santé publique et de l'environnement dans l'Union. Dès lors, ces propositions apparaissent conformes à la fois au principe de subsidiarité et au principe de proportionnalité.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2000/14/CE, 2011/65/UE, 2013/53/UE, 2014/29/UE, 2014/30/UE, 2014/31/UE, 2014/32/UE, 2014/33/UE, 2014/34/UE, 2014/35/UE, 2014/53/UE, 2014/68/UE et 2014/90/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la numérisation et les spécifications communes - COM(2025) 503 final et Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n 765/2008, (UE) 2016/424, (UE) 2016/425, (UE) 2016/426, (UE) 2023/1230, (UE) 2023/1542 et (UE) 2024/1781 en ce qui concerne la numérisation et les spécifications communes - COM(2025) 504 final

* 2 Règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n o  793/93 du Conseil et le règlement (CE) n o  1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission

* 3 Le règlement 2024/2865 a élargi les obligations instituées par le règlement CLP en 2008, selon un calendrier variable :

- nouvelles classes de danger (perturbateurs endocriniens, PBT, vPvB, PMT, vPvM) : obligation de classification à partir du 1er mai 2026 pour les substances nouvelles et du 1er novembre 2027 pour celles déjà commercialisées ;

- dispositions sur l'étiquetage numérique et les ventes en ligne : date limite de mise en conformité fixée au 1er août 2026 pour les nouveaux produits et au 1er janvier 2027 pour la mise à jour des produits existants ;

- méthodes harmonisées pour les substances complexes (« MOCS ») : application à compter du 1er février 2026 pour les nouveaux enregistrements et du 1er août 2027 pour les substances déjà présentes sur le marché ;

- nouvelles obligations spécifiques pour les ré-étiqueteurs et distributeurs (notification aux centres antipoison) : délai jusqu'au 1er janvier 2027 pour s'y conformer.

* 4 Le principe « une substance, une évaluation » implique qu'une substance chimique, quelque soit son usage ou le secteur dans laquelle elle est utilisée, ne sera évaluée qu'une seule fois selon les standards européens, de sorte d'éviter les doublons, les incohérences et d'améliorer la transparence et l'efficacité du processus évaluation.

Chargée de l'application de ce principe, l'ECHA reçoit et contrôle les dossiers d'enregistrement et coordonne l'évaluation des substances. Elle procède également à l'examen des propositions d'essais sur les animaux vertébrés. Par l'intermédiaire de ses comités scientifiques, elle rend des avis à la Commission européenne sur les demandes d'autorisation et les propositions de restrictions. De plus, elle identifie les substances susceptibles d'être soumises à autorisation et publie la liste des substances extrêmement préoccupantes (« SVHC ») sur son site internet.

* 5 « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques)


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 03/09/2025