COM(2025) 335 FINAL
du 25/06/2025
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurité, à la résilience et à la durabilité des activités spatiales dans l'Union - COM(2025) 335 final
A. Le cadre général et la position de principe exprimée par le Sénat
1. Le cadre général dans lequel s'inscrit la proposition
Le droit spatial impose aux États de superviser les activités spatiales de leurs acteurs privés, afin de s'assurer des normes internationales. Dans ce contexte, et face à l'augmentation du nombre d'entreprises spatiales commerciales, plusieurs législations nationales dans le domaine spatial ont vu le jour au cours des dernières années. Ainsi, treize États membres de l'Union européenne se sont dotés d'une loi spatiale, tandis que quatre autres travaillent actuellement à l'élaboration d'un tel texte.
Si ces législations nationales présentent l'intérêt, pour les États concernés, de se conformer aux engagements internationaux tout en adoptant un cadre juridique favorable au développement de leur industrie spatiale, cette prolifération de législations nationales soulève des difficultés à l'échelle de l'Union. En effet, la mosaïque d'approches règlementaires qui en résulte conduit à une fragmentation du marché intérieur, et pourrait nuire, à terme, à la compétitivité des opérateurs spatiaux de l'Union, comme l'a relevé Mario Draghi dans son rapport sur la compétitivité européenne.
En réponse à cette problématique, la présente proposition de règlement vise en premier lieu à soutenir le développement et le fonctionnement du marché intérieur du secteur spatial, en établissant un cadre juridique de l'Union pour la fourniture de données spatiales et de services spatiaux par les opérateurs de l'Union. Cette initiative a également vocation à prévenir les risques découlant de l'utilisation croissante de l'espace, en renforçant la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales.
2. La position exprimée par le Sénat dans la résolution européenne relative à l'adoption d'une réglementation européenne sur la gestion du trafic spatial et au développement d'un espace « vert »
Les difficultés susmentionnées ont bien été identifiées par le Sénat. La résolution européenne n° 37 (2024-2025) du 21 janvier 2025, relative à l'adoption d'une réglementation européenne sur la gestion du trafic spatial et au développement d'un espace « vert », appelle ainsi l'UE à se doter d'une réglementation relative à la gestion du trafic spatial, dans le respect des compétences respectives de l'Union et de ses États membres et du principe de subsidiarité, afin d'assurer la sécurité, la résilience et la durabilité des activités spatiales, tout en garantissant aux acteurs européens du secteur spatial des conditions de concurrence équitables dans toute l'Union.
Le Sénat plaidait également dans cette résolution européenne en faveur d'un cadre réglementaire européen ambitieux, introduisant des normes communes et des standards élevés, pour limiter autant que possible la production de nouveaux débris spatiaux. Il demandait que la délivrance d'autorisations de lancement de nouveaux satellites soit conditionnée à l'existence de solutions durables pour la fin de mission.
Il jugeait également indispensable, pour prévenir l'apparition de distorsions de concurrence qui grèveraient la compétitivité de l'industrie spatiale européenne, que cette réglementation ne crée pas de charges administratives disproportionnées pour les entreprises et s'applique à tous les opérateurs de satellites, européens ou non, dès lors qu'ils interviennent sur le marché européen.
La démarche proposée par la Commission européenne répond ainsi à la demande du Sénat, qui avait néanmoins déjà souligné l'enjeu du respect des compétences des États membres en ce domaine.
B. Le contenu de la proposition législative de la Commission
La proposition législative conditionne l'accès au marché intérieur de l'Union au respect de règles environnementales et de sécurité exigeantes, pour tout acteur fournissant des services spatiaux à des utilisateurs européens - l'enjeu étant de créer des conditions de traitement équitables entre les acteurs.
Si le règlement a vocation à couvrir les satellites de l'Union, les satellites commerciaux et civils gouvernementaux des États membres et les satellites des acteurs non européens et des organisations internationales qui fournissent des services sur le territoire de l'Union, il ne s'appliquera pas aux objets spatiaux utilisés exclusivement à des fins de défense ou de sécurité nationale.
En pratique, les règles techniques auxquelles devront se conformer les fournisseurs de services spatiaux sont regroupées en trois piliers :
- un pilier « sécurité », comportant des mesures sur la réduction des débris spatiaux ou la prévention des collisions, afin de garantir la viabilité à long terme des activités spatiales ;
- un pilier « résilience », permettant de compléter les obligations existantes en matière de sécurité et de cybersécurité des infrastructures spatiales ;
- un pilier « durabilité », visant à prendre en compte l'impact environnemental de la chaîne de valeur du secteur spatial dans son ensemble.
En matière de sécurité, les règles s'inspirent fortement de la loi sur les opérations spatiales françaises (LOS).
A. Cette proposition est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
L'article 189 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) stipule explicitement que les institutions européennes peuvent prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre une politique spatiale européenne, « à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des États membres ».
Dans ce contexte, et dans la mesure où cette proposition législative vise en premier lieu à prévenir la fragmentation des réglementations nationales pour soutenir la compétitivité des activités spatiales, la Commission a fait le choix de fonder cette initiative sur l'article 114 du TFUE, relatif au bon fonctionnement du marché intérieur de l'Union.
Selon le service juridique de la Commission, la jurisprudence constante de la CJUE en la matière autorise de retenir l'article 114 comme base juridique pour l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur des services spatiaux et des données spatiales.
Néanmoins, devant le risque avéré d'un contournement de l'article 189 du TFUE, plusieurs États membres ont demandé au service juridique du Conseil de contrôler la conformité de la base juridique retenue pour l'élaboration de cette proposition de règlement.
S'agissant de la conformité de la proposition aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, force est de constater que le recours à une approche commune au niveau de l'Union paraît justifié.
En effet, la proposition de règlement, en définissant des règles minimales communes, vise à répondre au besoin croissant des nouveaux acteurs spatiaux d'un cadre juridique unifié, stable et prévisible pour croître et se développer, tout en établissant des conditions de concurrence équitables dans l'ensemble de l'Union.
Le présent texte doit ainsi favoriser l'essor d'un véritable marché unique des activités spatiales, de façon à renforcer la compétitivité des entreprises européennes tout en attirant davantage d'investissements privés.
Cependant, l'article 4 du TFUE stipule que dans le domaine de l'espace, l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions « sans que l'exercice de cette compétence ne puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur ». La proposition législative soulève dès lors la question de l'articulation de ses dispositions avec les lois spatiales nationales, a fortiori dans le cas de la France qui possède une législation particulièrement ambitieuse et complète en la matière, avec la LOS.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de s'en remettre à l'analyse du service juridique du Conseil s'agissant de la base juridique retenue et de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution. La commission des affaires européennes se réserve toutefois la possibilité de se saisir ultérieurement de cette proposition de règlement, pour une analyse sur le fond au titre de l'article 88-4 de la Constitution.