COM(2025) 565 FINAL  du 16/07/2025

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds européen pour la cohésion économique, sociale et territoriale, l'agriculture et les zones rurales, la pêche et les affaires maritimes ainsi que la prospérité et la sécurité pour la période 2028-2034 et modifiant le règlement (UE) 2023/955 ainsi que le règlement (UE, Euratom) 2024/2509 - COM (2025) 565 final

A. Le contenu de la proposition législative de la Commission

1. Un fonds regroupant les politiques européennes « traditionnelles », doté de 865 milliards d'euros

Cette proposition de règlement établit le Fonds européen pour la cohésion économique, sociale et territoriale, l'agriculture et la prospérité et la sécurité dans le secteur rural, maritime et de la pêche pour la période 2028-2034.

Il correspond à la première rubrique du nouveau cadre financier pluriannuel, regroupant les politiques européennes « traditionnelles », à savoir, la politique agricole commune (PAC), la politique commune de la pêche (PCP), la politique de cohésion, la compétitivité, mais aussi les actions de soutien de l'Union européenne dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Le nouveau fonds regrouperait 14 programmes européens existants en matière de fonds agricoles, de fonds de cohésion, de fonds consacrés à la migration et à la gestion des frontières et le Fonds social pour le climat. Les modalités de ce fonds s'inspirent largement du modèle de gouvernance de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). La mise en oeuvre du premier pilier dépendrait de plans de partenariat national et régional.

Les grands objectifs de ce fonds (articles 2 et 3 de la proposition de règlement) reprennent les principales dimensions des politiques concernées : réduire les disparités régionales, soutien aux politiques sociales, soutien à la mise en oeuvre de la PAC et de la politique de pêche, protection et renforcement de la démocratie et des valeurs de l'UE.

Le fonds est doté d'une enveloppe totale de 865 milliards d'euros, incluant  783 milliards d'euros au titre des plans de partenariat nationaux et régionaux (PNR) - dont la ventilation par État membre est définie dans l'annexe I de la proposition de règlement -, 72 milliards d'euros pour la Facilité de l'UE - dotée d'une capacité financière dédiée permettant notamment de répondre aux crises de grande ampleur (catastrophe naturelle, perturbations des marchés agricoles...) -, et 10 milliards d'euros pour le plan Interreg. Par ailleurs, des montants planchers sont dédiés aux régions les moins développées (218 milliards d'euros), au soutien au revenu des agriculteurs (296 milliards d'euros), à la pêche (2 milliards d'euros) et aux fonds affaires intérieures (34 milliards d'euros).

À cette enveloppe totale s'ajoutent l'intégration du Fonds social pour le climat (FSC) (50 milliards d'euros financés par des ressources externes affectées) et le mécanisme Catalyst Europe permettant aux États membres de solliciter des prêts back-to-back dans la limite de 150 milliards d'euros courants au total sur la période.

Enfin, cette proposition de règlement prévoit un objectif transverse de 14 % de dépenses en faveur des mesures sociales, appliqué à l'ensemble de l'enveloppe hors PAC et FSC.

L'exécution du fonds s'appuie sur des principes horizontaux (article 7 de la proposition de règlement) incluant le respect de la Charte des droits fondamentaux et de l'État de droit (articles 8 et 9 de la proposition de règlement).

2. La mise en oeuvre de ce fonds va reposer sur les plans de partenariat mis en oeuvre par chaque État membre

La mise en oeuvre de ce fonds reposerait sur les plans nationaux et régionaux de partenariat, que chaque Etat membre devrait produire et soumettre à la Commission européenne.

Selon le schéma proposé par la Commission européenne, chaque État membre devrait ainsi présenter un plan unique, élaboré en partenariat avec les régions et l'ensemble des partenaires concernés (article 6 de la proposition de règlement), l'organisation précise revenant à chaque État membre au regard de ses spécificités nationales.

Chaque plan devra comprendre les éléments énoncés à l'article 22 et à l'annexe V de la proposition de règlement.

Chaque plan sera évalué, notamment, sur sa contribution aux objectifs généraux et spécifiques du Fonds ; sur l'adéquation des mesures proposées aux enjeux identifiés dans le cadre du semestre européen et de l'ensemble des rapports du Conseil et de la Commission (recommandations PAC, stratégie pour la sécurité intérieure, etc.) ; sur l'évaluation de l'impact sur le marché intérieur, etc.

En cas d'évaluation positive par la Commission européenne, cette dernière devrait présenter une proposition de décision d'exécution du Conseil (article 23 de la proposition de règlement). Chaque plan pourrait être révisé par simple notification à la Commission (article 24 de la proposition de règlement) pour toute modification de cible supérieur à 5% ou toute erreur matérielle (disposition garantissant une certaine flexibilité), mais aussi via une révision à mi-parcours (article 25 de la proposition de règlement).

B. Cette proposition est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?

Les bases juridiques utilisées ci-dessous semblent cohérentes. Elles reflètent les différentes politiques soutenues par le Fonds :

· l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) engage l'Union à promouvoir la cohésion économique, sociale et territoriale ;

· les articles 176, 177 et 162 du TFUE instituent respectivement le Fonds européen de développement régional, le Fonds de cohésion et le Fonds social européen, et définissent leurs objectifs respectifs ;

· l'article 38 et l'article 42, paragraphe 3, du TFUE habilitent l'Union à définir et à mettre en oeuvre une politique agricole commune (PAC) et une politique commune de la pêche (PCP). L'article 39 du TFUE fixe les objectifs de la PAC, qui comprennent l'accroissement de la productivité de l'agriculture, un niveau de vie équitable pour la population agricole, la stabilisation des marchés, la garantie de la sécurité des approvisionnements et la garantie de prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. L'article 42 du TFUE permet à l'Union de déterminer dans quelle mesure les règles de l'Union en matière de concurrence et d'aides d'État s'appliquent à la production et au commerce des produits agricoles énumérés à l'annexe I du TFUE ;

· l'article 175 du TFUE énumère les fonds à finalité structurelle, qui soutiennent la réalisation de la cohésion économique, sociale et territoriale: le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «orientation»; le Fonds social européen; le Fonds européen de développement régional. L'article 177 du traité FUE prévoit que « le Parlement européen et le Conseil [...] définissent les missions, les objectifs prioritaires et l'organisation des fonds à finalité structurelle, ce qui peut comporter le regroupement des fonds ».

Dans la mesure où sont respectées ces bases juridiques essentielles, qui font de la politique de cohésion une politique structurante de l'Union européenne, certainement la plus visible dans ses territoires, et la deuxième en volume, avec près de 392 milliards d'euros de crédits pour la période 2021-2027, l'action de l'Union européenne semble pertinente et fondée, au regard des dispositions du Traité.

Cependant, touchant à une politique qui bénéficie actuellement à l'ensemble des régions françaises, en fonction de leur richesse relative, et particulièrement importante pour les régions ultramarines, mais aussi à la PAC et à la politique comune de la pêche, même si ces politiques font par ailleurs l'objet de textes spécifiques, cette proposition de réforme de grande ampleur nécessite un examen au fond particulièrement approfondi, en particulier sur deux points :

· les montants alloués - en diminution de plus de 20 % pour la PAC et de 66 % pour la pêche ;

La proposition de la Commission réduirait considérablement le poids de la PAC et de la cohésion dans le budget global. Dans le CFP actuel, elles représentent 62 % du total des engagements. Dans la nouvelle proposition, la politique de cohésion et la PAC, intégrées dans le premier pilier du budget, ne représenteraient plus que 44 % du total du CFP.

Selon certaines estimations, notamment celle du Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE), la politique de cohésion pourrait, si une telle réforme était appliquée telle quelle, ne représenter que 20 % du budget total de l'UE, contre près d'un tiers dans le CFP actuel.

De plus, le remboursement de NextGenerationEU ayant été intégré au premier compartiment budgétaire avec les plans de partenariat, cette réforme pourrait entraîner une baisse supplémentaire des crédits dédiés aux aux politiques traidtionnelles en cas d'augmentation des taux d'intérêt.

· les conséquences de la nouvelle architecture budgétaire proposée, fusionnant l'existant et entraînant un risque majeur de recentralisation de la politique de cohésion, alors que ce sont les territoires, et particulièrement les régions et les villes, qui jouent actuellement un rôle central dans la détermination des priorités et l'allocation des aides.

Ainsi, en France, la mise en oeuvre de la politique de cohésion est partagée entre l'État et les régions, ces dernières en gérant la majeure partie. Selon les données de l'ANCT, qui est l'autorité nationale de coordination de ces fonds, les régions gèrent en effet 68 % des financements du Fonds européen de développement régional (Feder), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds pour une transition juste (FTJ) pour la période 2021-2027.

L'ensemble des conséquences de cette réforme feront donc l'objet d'un suivi très attentif de la commission des affaires européennes, dans le cadre de son travail sur le cadre financier pluriannuel.

Ce travail permettra d'apprécier plus finement le respect, qui paraît initialement établi, du principe de proportionnalité. Il n'en demeure pas moins que, du strict point de vue du respect du principe de subsidiarité, la présente proposition de règlement ne semble pas soulever de difficulté.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution. En revanche, un travail sera mené sur le fond dans le cadre des procédures prévues par l'article 88-4 de la Constitution, qui permettra notamment d'apprécier plus finement le respect du principe de proportionnalité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 10/09/2025