Vœux du Président du Sénat aux Sénateurs
Mardi 17 janvier 2023 – Salons de Boffrand

Madame la Première Ministre,
Madame la Présidente de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Ministre chargé des relations avec le Parlement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,
Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État,
Monsieur le Président du Conseil Économique, Social et Environnemental,
Mesdames les Vice-Présidentes de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Questeur de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Vice-présidents du Sénat,
Messieurs les Questeurs du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires du Bureau du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Commission,
Madame et Messieurs les Présidents de Groupe,
Mesdames et Messieurs les Présidents de Délégations et Office parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général de l’Amicale du Sénat et chers anciens collègues,
Mes chers collègues,
Monsieur le Secrétaire Général du Sénat,
Madame le Secrétaire Général de la Questure,
Mesdames et Messieurs les membres de Cabinet,
Mesdames et Messieurs,

Merci à toutes et tous pour votre présence ce soir au Sénat.
Mes collègues sénatrices, sénateurs et moi-même sommes heureux de vous accueillir pour célébrer cette année nouvelle.
Voici donc le temps des vœux, occasion de nous retrouver, d’accueillir Madame la Première ministre, Madame la Présidente de l’Assemblée nationale.
L’année qui s’achève aura été le théâtre de bouleversements géopolitiques, politiques et économiques.
Elle aura été difficile, entre la crise sanitaire, la poussée de l’inflation et ses conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes et la compétitivité de nos entreprises.
Oui, la France de janvier 2023 est une France qui doute.
Il y a bien sûr les crises conjoncturelles auxquelles nous sommes confrontés, crise sanitaire, crise de l’énergie et ses conséquences…
Il y a les réformes qui se profilent, je les juge nécessaires, même si certaines susciteront des mobilisations sociales et des débats passionnés, je pense notamment pour les semaines à venir à la réforme des retraites.
Il y a des réformes structurelles qu’il faut engager sans tarder, je veux évoquer la maîtrise de notre dépense publique, l’école, et notre système de santé, entre crise de l’hôpital et déserts médicaux, santé qui est sans doute l’une des premières préoccupations de nos concitoyens et de nos élus.
Il nous faut maintenant redonner de l’espérance et reconstruire une relation de confiance avec les Français.
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•    Si nous posons un diagnostic assez comparable, nous différons parfois sur les solutions à apporter et nous devons nous écouter, nous enrichir de ces différences. C’est le fonctionnement normal d’une démocratie représentative entre majorité et opposition. La majorité doit être attentive, respectueuse des différences et l’opposition doit être sans complaisance, mais responsable.


•    Le Parlement débat, propose et amende la loi, la vote, il contrôle le Gouvernement, dans le respect des sensibilités qui le composent. Il est une force de propositions qui trace des perspectives d’avenir.
Cette fonction de représentation, cette vitalité démocratique, moi qui crois au rôle du Parlement que la Vème République a imaginé, doivent être confortées.
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En juin dernier, constatant la nouvelle réalité de la représentation des forces politiques après les élections législatives, j’ai souhaité une « révolution culturelle » tant de la part du Gouvernement que du Parlement dans la manière de préparer et de conduire les relations entre exécutif et législatif : cela s’appelle « le dialogue préalable » et cela ne préempte nullement le débat et le droit d’amendement qui est un droit fondamental.
Il nous faut mettre en place, (enfin !), une sobriété législative : nous légiférons trop, nous n’avons toujours pas de réelles études d’impact, nous n’évaluons que trop peu ; nous devons de part et d’autre réfléchir à cette complexité législative, réglementaire devenue un empilement incompréhensible pour les citoyens et parfois quasi inapplicable pour les magistrats.

•    Madame la Présidente de l’Assemblée nationale, pour que le bicamérisme fonctionne mieux, il faut que les deux chambres aux compétences partagées et aux rôles complémentaires, dialoguent entre elles dans un esprit positif. Je vous remercie d’y veiller. Nous avons des débats, nous avons des différences, mais la République nous rassemble.

•    Le Sénat est la chambre des territoires :
La France est diverse, c’est une richesse et un atout.
L’initiative locale est souvent une source d’inspiration pour les politiques publiques nationales. Je crois à la créativité de nos territoires. Il faut les accompagner en leur redonnant enfin de l’autonomie financière et fiscale et en respectant la liberté et l’initiative des élus locaux, leur liberté de créer, d’expérimenter et d’entreprendre.  
Il nous faut lever les freins et les pesanteurs qui ralentissent leurs initiatives et entravent l’efficacité des politiques publiques qu’ils conduisent.
En un mot, il faut restaurer la confiance, dans leur relation avec l’État.  
Alors, il est temps d’écrire cette grande loi de décentralisation et de libertés locales. Le Président de la République l’a redit en septembre dernier. Une loi qui permettra de libérer les énergies locales et d’arrêter de priver progressivement, les communes notamment de leur liberté d’action. Ce n’est pas que d’un texte de répartition nouvelle de compétences, de réorganisation de l’État ou d’organisation différenciée de nos territoires dans une République Une et Indivisible, dont nous avons besoin, c’est bien plus que cela ! C’est à une nouvelle architecture de la responsabilité et de la décision que j’appelle : cela s’appelle liberté, cela rompt avec la verticalité actuelle. Il faut en quelque sorte se « refonder », il faut oser tout simplement !
Cette nouvelle « architecture », le Sénat, la prépare, c’est d’ailleurs sa vocation. Il a engagé un travail concret sur la décentralisation, les libertés locales, la différenciation, c’est sa mission constitutionnelle de représentant des territoires. Nous avons installé le 5 octobre dernier au Sénat, le groupe de travail pluraliste sur la décentralisation et les libertés locales. Ses conclusions seront rendues publiques au printemps.
•    Madame la Première ministre,
 J’évoquais il y a un instant les vertus du bicamérisme, je voudrais rappeler le rôle stabilisateur du Sénat dans nos institutions.
Aucune démocratie ne peut être vivante sans contrepouvoir institutionnel ! Ce contrepouvoir institutionnel c’est aujourd’hui le Sénat, hors des pulsions du moment, des excès ou des confrontations idéologiques qui peuvent dénaturer le débat parlementaire.
Non, le Parlement n’est pas une ZAD ! Il peut parfois être un lieu de débats passionnés mais il doit être aussi le lieu du discernement et de la raison !
Au Sénat, c’est cet esprit de responsabilité qui nous anime. C’est l’intérêt du Pays, c’est l’attachement sans faille aux valeurs que nous portons et à la République une, indivisible et laïque.
Nous dirons « oui » si, sincèrement, nous pensons que c’est utile pour nos compatriotes et à la France, et nous dirons « non » à chaque fois qu’il le faudra.
Le Sénat saura relayer les difficultés et parfois la détresse de ceux qui se sentent oubliés, ceux que j’ai souvent qualifiés de « Français de la France d’à côté ».
Je voudrais aussi dire combien nous ressentons, au travers de nos contacts avec les élus, les acteurs associatifs, la montée de la précarité ! une récente rencontre avec la présidente d’ATD quart-monde a été pour moi éclairante. Nous devons y être attentifs. [Et je le dis devant le Président du Conseil Économique, Social et Environnemental, que je sais très sensible aux solidarités.]
Si nous sommes préoccupés par la qualité de l’air, attention aussi à ce tiers de Français qui vont dans les 3 ans être exclus par la loi, de l’accès au cœur des grandes agglomérations !
•    Nous serons particulièrement attentifs à nos Outre-mer. Je me rendrai en Martinique et en Guadeloupe à la fin de la semaine prochaine.
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•    Je crois au rôle de la « diplomatie parlementaire », au travers de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au travers de la commission pour les affaires européennes et des groupes d’amitiés dans lesquels les sénateurs s’impliquent pleinement.
Je me suis rendu depuis le mois de juillet dernier en Ukraine, en Serbie et au Vietnam. Le Sénat recevra de nouveau le Président de la Rada Ukrainienne, le 1er février prochain, tout comme l’Assemblée nationale.
-    L’agression de l’Ukraine par la Russie, a remis en cause deux décennies de paix et d’équilibre de sécurité collective pour l’ensemble de l’Europe. Elle a démontré à la fois le caractère essentiel de la cohésion de l’Union européenne et renforcé l’OTAN. Notre pays est dans son rôle en portant aide militaire et assistance humanitaire à l’Ukraine. Au Sénat, nous accompagnons la Rada dans la démarche de candidature à l’Union européenne.

-    J’avoue mon inquiétude sur l’évolution de nos relations avec une partie de l’Afrique et de notre présence sur ce continent avec lequel nous avons des liens historiques, culturels et humains forts.

-    Je voudrais avoir devant vous ce soir une pensée solidaire pour l’Arménie et les Arméniens, les Iraniennes et les Iraniens qui se battent pour leur liberté avec un courage exceptionnel.

-    En Europe, il nous faudra travailler à l’émergence d’une Europe plus indépendante, plus forte, plus efficace. Je pense au rétablissement de sa souveraineté, dans un monde en pleine mutation où les économies se protègent et où le multilatéralisme s’affaiblit. Nous pensions définitivement vivre dans un monde de libre échange, il semble que nous assistions aujourd’hui à la grande revanche du protectionnisme.
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Mes vœux s’adressent à vous, mes chers collègues, vous qui enrichissez nos débats de vos interventions et de vos travaux, de votre action sur le terrain, en métropole, dans nos outre-mer et auprès de nos compatriotes établis hors de France. Ils s’adressent à mes collègues membres du Bureau et de la Conférence des Présidents avec qui nous partageons le souci commun de l’Institution sénatoriale. Oui, chacune et chacun d’entre vous participez à cette vitalité du bicamérisme et à notre mission de représentation démocratique.
Mes Cher(e)s Collègues Sénatrices et Sénateurs,
Grâce à vous, l’exigence législative du Sénat a été au rendez-vous de 2022 et notre Assemblée a imprimé sa marque sur un certain nombre de textes qu’il s’agisse du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, du Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, du projet de loi de programmation des finances publiques… au point qu’il est toujours en examen…
Grâce à vous, le Sénat a fait entendre sa voix lors de l’examen du projet de loi de finances, comme sur le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale. Mais nous aurions dû être mieux écoutés ; Madame la Première Ministre, si les mesures d’accompagnement des collectivités territoriales et des entreprises, notamment les TPE, sont indispensables pour les protéger de l’augmentation des coûts de l’énergie.
Il faut éviter les complexités de certains dispositifs qui les rendent trop souvent peu compréhensibles.
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Très bientôt nous aurons à examiner la réforme que vous proposez Madame la Première ministre, pour notre système de retraites. Elle ne me parait pas très éloignée de ce que propose avec constance et dans un esprit de dialogue la majorité sénatoriale depuis 4 années. Je souhaite un débat qui aille au fond de ce qui est un des piliers de notre modèle social. Il nous faudra échapper aux postures et aux blocages, pour répondre aux inquiétudes et aux questions de nos concitoyens.
Il semble que la réforme de nos institutions soit de nouveau à l’ordre du jour au cours de ce quinquennat. Nous y sommes prêts. Nous avons déjà travaillé et nous continuons à le faire. Le groupe de travail « transpartisan » a été créé au Sénat. Ses propositions permettront d’enrichir le débat et préciseront la position des Sénateurs sur l’amélioration du fonctionnement de notre démocratie. Elles présenteront les évolutions que nous jugerons utiles pour reconstruire le lien de confiance avec les Français. Mais attention à la juste représentation des territoires et au respect de nos équilibres constitutionnels. Là encore, ne touchons pas à la Constitution au gré des émotions fussent-elles légitimes, ou des conventions...
Madame la Première ministre, Madame la Présidente de l’Assemblée nationale, mes chers collègues,
•    La France est un grand pays qui a su traverser des crises, des conflits, qui a subi des traumatismes. Elle a toujours su les surmonter.
Je crois à notre capacité de résilience,
Je crois qu’il n’est nulle difficulté que les Français ne puissent surmonter,
Je crois en nos soignants qui affrontent les difficultés avec courage et dévouement,
Je crois à l’engagement associatif facteur de cohésion,
Je crois à nos forces de sécurité qui chaque jour protègent les Français,
Je crois à nos forces armées qui ont payé un lourd tribu dans la lutte contre le djihadisme,
Je crois à l’engagement des enseignants pour transmettre les savoirs,
Je crois à la capacité d’innovation et d’adaptation de nos chefs d’entreprise et de nos chercheurs,
Tout simplement je crois en la France.
Alors, très bonne année pleine d’espérance à chacune et à chacun.
Très bonne année au Sénat, Très bonne année à la France !