Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt de rapport

Rappel au Règlement

Immigration, intégration et asile (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2

Article additionnel

Article 2 bis

Article 2 ter

Article 2 quater

Article 3

Article 3 bis

Article 3 ter

Articles additionnels

Article 4 bis

Article 5 ter

Article 5 quater

Questions d'actualité

Immigration et tests A.D.N.

Mme Éliane Assassi

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

Pas d'école le samedi (I)

M. Gérard Delfau

M. Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale 

Pas d'école le samedi (II)

M. Pierre Martin

M. Xavier Darcos, ministre

Indépendance de la presse

M. Roland Courteau

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Pas d'école le samedi (III)

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Xavier Darcos, ministre

Dialogue social

M. Yannick Texier

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

EADS

M. Pierre-Yves Collombat

M. François Fillon, Premier ministre

Financement de l'école privée

M. Michel Houel

M. Xavier Darcos, ministre

Conditions d'interpellation des sans-papiers

M. David Assouline

M. Brice Hortefeux, ministre

Maladie d'Alzheimer

Mme Christiane Kammermann

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports

Grenelle de l'environnement

Immigration, intégration et asile (Urgence  -  Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

Article 5 quinquies

Articles additionnels

Article 6 A

Article 6

Article additionnel

Article 6 bis

Article 7

Article 8

Article 9

Articles additionnels

Article 9 bis

Article additionnel

Article 9 ter

Articles additionnels

Article 10

Article 10 bis

Article 10 ter

Articles Additionnels

Article 11

Articles additionnels

Article 12

Articles additionnels

Article 12 bis

Article 12 quater

Article 12 quinquies

Articles additionnels

Article 13

Articles additionnels

Article 14

Article 14 ter

Article additionnel

Article 14 quater

Article additionnel

Article additionnel

Article 15

Article 17

Article additionnel

Article additionnel

Article 19

Article 20

Article 21

Articles additionnels

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du jeudi 4 octobre 2007

4e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance est ouverte à 9h 50.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt de rapport

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

Rappel au Règlement

Mme Michèle André. - Monsieur le Président, ne pensez-vous pas qu'une suspension de séance s'impose pour laisser le temps à nos collègues de la majorité de rejoindre l'hémicycle ? Nous ne pouvons débattre dans ces conditions.

M. le président. - Les bancs de la majorité se garnissent à vue d'oeil... Une suspension n'apparaît donc pas utile.

Immigration, intégration et asile (Urgence - Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Discussion des articles (Suite)

Article 2

I. - La dernière phrase du 1° de l'article L. 411-5 du même code est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant, qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel, au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième pour une famille de moins de six personnes, et au plus égal à ce salaire majoré d'un tiers pour une famille de six personnes ou plus. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du code de la sécurité sociale. »

II. - Dans le 3° du même article L. 411-5, les mots : « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » sont remplacés par les mots : « principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ».

M. Louis Mermaz. - L'article 2 prévoit de moduler en fonction de la taille de la famille les conditions de ressources exigées pour qu'un étranger puisse solliciter un regroupement familial. L'Assemblée nationale a porté le montant minimum de ressources exigibles à 1,33 fois le Smic pour les familles de six personnes.

Par deux fois, le Sénat a rejeté à l'unanimité des dispositifs similaires introduits à l'initiative de l'Assemblée nationale considérant, comme l'avait analysé nos rapporteurs -M. Courtois en 2003 et M. Buffet en 2006-, que le salaire minimum de croissance assurait un niveau de vie suffisant aux familles françaises, comme étrangères. Notre position avait prévalu en commission mixte paritaire.

Pourquoi admettre aujourd'hui cette modulation alors que la part de l'immigration familiale n'a cessé de baisser depuis 2004 ? Cette diminution n'est d'ailleurs guère positive pour la France et la francophonie...

En fait, le Gouvernement met en place une sélection par l'argent : dans le pays d'origine, par l'obligation faite aux conjoints et grands enfants d'immigrés de participer à des formations qui vont se révéler impraticables ; en France, par l'exigence d'un niveau de vie supérieur à celui des Français alors que les immigrés doivent bien souvent accepter des métiers difficiles et mal rémunérés, voire non déclarés.

Enfin cette disposition, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, pourrait constituer une violation des articles 3 et 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Moduler les conditions de ressources selon la taille de la famille pour les étrangers revient à exiger des immigrés un « super Smic ». Cette mesure est discriminatoire à moins, comme l'avait montré le président Hyest en 2006, de créer différentes catégories de Smic pour les Français selon la composition du foyer. Bref, nous avons tout intérêt à supprimer cette disposition.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Les étrangers doivent venir en France pour travailler, et non pour bénéficier des prestations sociales, a déclaré le Président de la République. Cet article 2 a pour objectif avoué de limiter l'immigration familiale.

Pourquoi admettre aujourd'hui la modulation des conditions de ressources pour les étrangers que nous avions rejetée en 2003 et 2006 ? Cette année, contrairement aux fois précédentes, c'est le Gouvernement, et non l'Assemblée nationale, qui est à l'origine de cette proposition. Les députés ont ensuite exigé d'augmenter le montant de ressources exigibles. Or cette disposition introduit une discrimination entre Français et étrangers, ce qu'avait souligné la décision du 12 décembre 2005 du Conseil constitutionnel, et constitue, selon la Défenseure des enfants, une violation des articles 9 et 10 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Elle est donc contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous comprenons mal l'obstination du Gouvernement et de sa majorité et espérons que notre assemblée fera preuve de la même sagesse qu'en 2003 et en 2006.

M. le président. - Amendement n°83, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°128, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le paragraphe I de cet article.

Mme Catherine Tasca. - L'Assemblée nationale a porté la modulation introduite par cet article à 1,33 Smic, soit 1 667 euros, quand la famille compte plus de six enfants. A deux reprises, en 2003 et en 2006, le Sénat a rejeté à l'unanimité des dispositifs similaires introduits par l'Assemblée nationale et sa position a prévalu en C.M.P. M. Courtois, rapporteur en 2003, considérait alors qu'il n'y avait pas lieu, dès lors que l'on estimait le montant du Smic suffisant pour une famille française, de retenir un critère différent pour les familles étrangères. Vous repreniez la même analyse, monsieur le rapporteur, en 2006. Pourquoi revenir dessus aujourd'hui ? Qu'est-ce qui justifie votre changement de position ? Vous relevez, dans votre rapport, que l'immigration familiale est en diminution depuis 2004, et vous proposez d'augmenter de 20 % les conditions de ressource mises au regroupement ? Vous savez bien que cela est très lourd pour les étrangers, souvent contraints d'accepter des conditions de travail et de salaire a minima pour trouver un emploi.

Le Gouvernement met donc en place une sélection par l'argent aux deux bouts de la chaîne. Dans le pays d'origine, par l'accès à la formation et en France, en exigeant un niveau d'aisance économique supérieur à la norme. C'est une grande hypocrisie, compte tenu de la situation de l'emploi et du logement dans notre pays, que de feindre de croire que les immigrés sont à même de trouver de meilleures réponses que les nationaux.

Le Comité national consultatif des droits de l'homme y voit une atteinte aux articles 3 et 6 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Dans notre pays, de nombreuses familles vivent sous le seuil de pauvreté. Il serait malheureux que l'on en fasse une raison de les séparer de leurs enfants.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Le 1° de l'article L. 411-5 du même code est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, pour une famille de six personnes ou plus, les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant, qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du code de la sécurité sociale. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La position de principe reste la même. Le texte du Gouvernement, qui nous est arrivé modifié par l'Assemblée nationale, prévoyait déjà une modulation. Votre commission a décidé de la reprendre tout en réaffirmant que le Smic reste la référence. Nous proposons une modulation à 1,2 Smic pour les familles de plus de six personnes, pour tenir compte du fait qu'au-delà de ce seuil, les prestations familiales compensent moins bien les frais supplémentaires.

M. le président. - Sous-amendement n°50 à l'amendement n° 2 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Supprimer la première phrase du troisième alinéa de l'amendement n°2.

II. - Rédiger ainsi la deuxième phrase du même alinéa :

Les ressources doivent atteindre un montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je défendrai en même temps les sous-amendements n°s 68 et 76.

M. le président. - Sous-amendement n°68 à l'amendement n°2 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 2, après le mot :

Handicapés

insérer les mots :

mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale

Sous-amendement n°76 à l'amendement n°2 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement n°2, après le mot :

handicapés

insérer les mots :

mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi revenir sur ce qui avait fait l'objet d'un consensus ? Comme je veux croire que les sénateurs de la majorité ne sont pas toujours en service commandé, je ne doute pas qu'ils sauront faire preuve de la même sagesse qu'en 2003 et en 2006.

La mesure proposée est discriminatoire. Pensez-vous de bonne foi que les immigrés viennent en France pour profiter des prestations familiales ? Vous tentez d'embourgeoiser le regroupement familial, en écartant d'un revers de main les situations particulières. Il ne concerne pas que des gens riches, jeunes et en bonne santé, mais aussi des personnes âgées ou handicapées. Au prétexte qu'un retraité touche une allocation de 750 euros, il lui serait interdit de faire venir ses enfants ? Nous proposons d'exclure de la modulation les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique.

L'Assemblée nationale a eu l'heureuse initiative d'exclure de la modulation les titulaires de l'allocation adulte handicapé, mais elle a oublié de mentionner la référence codifiée d'où mon sous-amendement n°76.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

M. le président. - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mmes Hermange, Desmarescaux et B. Dupont.

Remplacer la dernière phrase du I de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Cette condition de ressources n'est pas opposable au demandeur retraité ou qui, en raison de trouble de santé invalidant ou d'un handicap, rencontre des restrictions dans l'accès à une activité professionnelle rémunérée. Les conditions d'application de ces dispositions sont fixées par décret en Conseil d'État.

Mme Bernadette Dupont. - Amendement en partie satisfait, sauf pour les personnes retraitées.

M. le président. - Amendement n°129, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

regroupement familial

Rédiger ainsi la fin de la dernière phrase du second alinéa du I de cet article :

est retraitée ou atteinte de trouble de santé invalidant ou d'un handicap ne permettant pas une activité professionnelle rémunérée.

Mme Michèle André. - Dans sa délibération du 11 décembre 2006, la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) estimait qu'exiger de personnes handicapées une condition de ressources porte atteinte à leur droit à une vie familiale normale et constitue une discrimination indirecte. Elle recommandait au ministère de l'intérieur de proposer une réforme du dispositif et de saisir sans attendre les préfectures pour les engager à réserver une attention particulière aux dossiers présentés par des personnes handicapées. Or, on ne trouve nulle mention dans le texte du Gouvernement ni des handicapés, ni des personnes vulnérables. L'Assemblée nationale y a heureusement remédié pour les personnes titulaires de l'AAH ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L 815-24 du code de la sécurité sociale. Mais cela est insuffisant : nous proposons que soient pris en compte le cas des retraités, celui des personnes présentant des troubles de santé ou un handicap les mettant dans l'impossibilité de travailler.

M. le président. - Amendement n°33 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Béteille et Détraigne, Mme B. Dupont, M. Grillot, Mme Malovry et Mélot, MM. Milon, Othily, de Richemont et Seillier, Mme Sittler et M. Texier.

Compléter la dernière phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :

ou d'une pension de retraite.

M. Hugues Portelli. - Dans une première mouture de son rapport, M. Buffet signalait le cas des personnes retraitées, malades ou handicapées. Je vais, par cet amendement, au devant de ses préoccupations... secrètes.

M. le président. - Amendement n°84, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter la dernière phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :

ou lorsque la demande de regroupement familial répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Les personnes malades ou retraitées ont plus que d'autres besoin de la présence de leur famille. Évitons de multiplier les recours devant la Halde en votant cet amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°83, qui supprime toute condition de ressource. Même avis sur l'amendement n°128. Défavorable aux sous-amendements n°50 et n°68.

La commission est en revanche favorable au sous-amendement rédactionnel n°76.

Elle repousse l'amendement n°34 rectifié, car elle ne souhaite pas multiplier les exceptions, ainsi que je l'ai déjà expliqué.

Enfin, elle est défavorable aux amendements n°129, 34 rectifié ter et 84.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement repousse les amendements de suppression n°83 et 128. La rédaction du sous-amendement n°50 revient au même, d'où l'avis défavorable du Gouvernement, qui veut assurer une meilleure intégration des intéressés. Madame Boumediene-Thiery, vous avez invoqué le juge constitutionnel pour combattre ce que vous estimez une discrimination entre Français et étrangers. Je regrette l'absence de M. Badinter, car lorsqu'il présidait le Conseil constitutionnel, celui-ci a estimé de façon constante que les étrangers n'étaient pas dans une situation analogue aux ressortissants nationaux au regard des lois sur l'immigration. J'ajoute que le dispositif est équilibré.

Le sous-amendement n°68 exempte les titulaires de l'allocation d'adulte handicapé ou de l'allocation de solidarité versée aux personnes âgées. Or, la Halde a seulement demandé que les allocataires de l'AAH soient dispensés de conditions de ressources.

Avis favorable au sous-amendement rédactionnel n°76 et à l'amendement n°2, qui opère avec sagesse un retour au plafond initial de 1,2 Smic. L'Assemblée nationale est sans doute allée trop loin en le remplaçant par 1,33 Smic.

L'amendement n°34 rectifié est généreux et sympathique, mais trop général, ce qui pourrait induire des ruptures d'égalité. La rédaction de l'Assemblée nationale prend en compte les personnes handicapées, mais je partage votre souci d'accorder une grande attention à toutes les situations de détresse. C'est pourquoi je demanderai aux préfets d'y apporter une réponse positive.

L'amendement similaire n°129 appelle la même réponse.

Je comprends la démarche qui a inspiré M. Portelli lorsqu'il a présenté l'amendement n°33 rectifié ter, mais celui-ci est trop large.

Enfin, l'amendement n°84 est polémique et imprécis.

Évitons toute ambiguïté...

M. Bernard Frimat. - Il n'y en a pas !

M. Brice Hortefeux, ministre. - ... à propos des références. Le Smic net mensuel s'établit à 1 005,37 euros ; sa majoration d'un tiers porterait le seuil de ressources à 1 337,14 euros ; le salaire net médian des ouvriers qualifiés est égal à 1 320 euros. Notre proposition est donc inférieure à ce salaire médian. (Sur les bancs socialistes, on propose la référence au salaire net médian des ouvriers non qualifiés.) Enfin, la retraite de référence s'établit à 1 212 euros nets par mois.

M. Bernard Frimat. - Les choses sont claires !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Tant mieux !

M. Bernard Frimat. - Votre texte de communication symbolique a pour but de pourrir la vie des étrangers en situation régulière candidats au regroupement familial.

M. Pierre Fauchon. - Caricature !

M. Bernard Frimat. - Pas d'autocritique !

M. Pierre Fauchon. - Caricature !

M. Bernard Frimat. - Quel aveu !

Le Sénat s'est prononcé par deux fois. MM Hyest, Buffet et Courtois ont brillamment justifié le refus des modulations. Pourquoi les accepter aujourd'hui, sinon pour des raisons symboliques ? Monsieur le ministre, vous qui aimez les chiffres, dites-nous combien de familles comptant quatre enfants demandent un regroupement familial. Le « nous » a souvent été utilisé pour cacher les reniements de la majorité, et la technique des amendements « inspirés » permet de contourner le Conseil d'État, surtout lorsqu'ils posent un problème de constitutionnalité. Vous êtes dans votre logique : désigner les étrangers comme un obstacle. Qui peut croire que vous vouliez améliorer leurs conditions de vie ? Assumez la philosophie de votre texte, sans vous abriter derrière les paroles de bon apôtre démenties à chaque occasion !

Bien sûr, votre solution ne s'appliquera pas, mais elle s'ajoute à une série de vexations envers les travailleurs immigrés en situation régulière qui apportent leur force de travail à notre pays et accroissent sa richesse.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je n'ai pas mentionné le juge constitutionnel, car il accepte malheureusement la discrimination entre Français et étrangers.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Depuis toujours !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Hélas !

Vous voulez exclure les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, car elle est trop modeste. Vous voulez donc interdire le regroupement familial aux plus pauvres.

M. Pierre-Yves Collombat. - Dans la lettre de mission qu'il vous a adressée, le Président de la République écrit que le regroupement familial doit être subordonné à l'existence de revenus permettant de faire vivre la famille. Je me suis donc intéressé aux revenus des Français.

Le revenu médian des ouvriers non qualifiés est de 20 % inférieur au Smic. (M. Cambon se montre dubitatif) Donc plus de la moitié des ouvriers non qualifiés ne pourront pas prétendre au regroupement familial. Pour les artisans et l'ensemble des ouvriers, on avoisine 10 %.

Pourquoi prendre cette référence, quand la population française vit majoritairement avec des revenus inférieurs au Smic ? Je préfère la formulation du Président de la République selon laquelle les candidats au regroupement familial doivent disposer de « revenus suffisants », qui peuvent être inférieurs au Smic.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Difficile de vivre avec moins que le Smic !

L'amendement n°83 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°128 et que le sous-amendement n°50.

M. Michel Mercier. - Il faut essayer d'être juste, même si l'on est rigoureux. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas en conscience distinguer les personnes âgées bénéficiant de l'allocation de solidarité des personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (APA), auxquelles les conditions de ressources ne sont pas opposables. L'amendement n°33 rectifié ter de M. Portelli propose de dispenser tous les retraités de l'obligation de ressources ; le sous-amendement n°68 de Mme Boumediene-Thiery, plus restrictif, ne vise que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées. Prenons au moins en compte la situation de ces derniers.

M. Hugues Portelli. - J'ai bien compris qu'accorder le bénéfice de ces dispositions à l'ensemble des retraités poserait problème, mais puisque nous sommes de toute façon sous l'épée de Damoclès de la CMP, le Sénat pourrait voter un texte généreux, en laissant à la CMP le soin de le peaufiner

Mme Bariza Khiari. - L'article 7 de la loi de 2007 instituant un droit opposable au logement prévoit que les vieux travailleurs migrants peuvent désormais rentrer dans leur pays d'origine sans perdre leurs droits sociaux. Or le décret n'est toujours pas paru. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?

M. Robert Bret. - Il y a eu des engagements.

Mme Bernadette Dupont. - Je n'ai pas été totalement convaincue par les arguments du ministre : l'appréciation risque de changer d'un préfet à l'autre. Je partage la position de M. Portelli et j'en appelle à la sagesse de notre assemblée.

M. Brice Hortefeux, ministre. - J'ai écouté les arguments des différents intervenants. Je m'en remets à la sagesse de la Haute assemblée sur le sous-amendement n°68.

M. Michel Mercier. - Très bien !

Le sous-amendement n°68 est adopté, ainsi que le sous-amendement n°76

L'amendement n°2, modifié est adopté.

Les amendements n°34 rectifié, 129, 33 rectifié ter et 84 deviennent sans objet.

Mme Bariza Khiari. - Le groupe socialiste ne votera pas cet article, qui entretient le fantasme d'une famille nombreuse venant en France afin de vivre des prestations sociales, fonds de commerce de la droite extrême. Je regrette que la commission de loi du Sénat soit revenue sur un argument qu'elle défendait il y a à peine un an, et je me surprends à féliciter la majorité d'avoir eu la générosité d'apporter des dérogations concernant les personnes vulnérables.

Mme Catherine Tasca. - Le ministre a rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle ne nous dispense pas de respecter les règles des droits de l'homme, les règles des droits de l'enfant, les règles de la vie en famille !

L'article 2, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°49, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « , à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale » sont supprimés.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Coordination rédactionnelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Favorable.

Madame Khiari, la loi du 6 mars 2007 instituant un droit opposable au logement a prévu une aide à la réinstallation dans leur pays d'origine des migrants âgés arrivés en France dans les années soixante et qui vivent souvent dans la précarité, dans les anciens foyers Sonacotra. Je prépare le décret, qui sera publié avant la fin de l'année.

M. Robert Bret. - Il ne faut pas trop tarder.

L'amendement n°49 est adopté et devient un article additionnel.

Article 2 bis

La dernière phrase du premier alinéa du III de l'article L. 313-11-1 du même code est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Un décret en Conseil d'État fixe ce montant, qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel, au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième pour une famille de moins de six personnes, et au plus égal à ce salaire majoré d'un tiers pour une famille de six personnes ou plus. »

M. le président. - Amendement n°85, présenté par  ssassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Dans la même logique que l'article 2, l'article 2 bis module les conditions de ressources en fonction de la taille de la famille pour permettre aux titulaires de la carte de résident longue durée-CE de bénéficier du regroupement familial.

Depuis 2003, on ne cesse de nous parler d'immigration « subie » et, donc, de durcir les conditions de ressources. Même les résidents communautaires n'échappent pas à cette règle.

M. le Président. - Amendement identique n°130, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Coordination avec notre amendement à l'article 2. Je saisis l'occasion pour évoquer le cas de ces femmes dont les ressources sont déjà faibles et qui se retrouvent seules après avoir subi des violences conjugales.

M. le Président. - Amendement n°3, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

Le premier alinéa du III de l'article L. 313-11-1 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, pour une famille de six personnes ou plus, les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Un décret en Conseil d'Etat fixe ce montant, qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. »  

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement est de coordination. Défavorable aux amendements de suppression.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

Les amendements identiques n°85 et 130 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°3 est adopté et l'article 2 bis est ainsi rédigé.

Article 2 ter

Le quatrième alinéa de l'article L. 431-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale». »

M. le président. - Amendement n°131, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, l'absence ou la rupture de vie commune ne peut pas être invoquée dans les cas où celle-ci est indépendante de la volonté des intéressés. »

M. Pierre-Yves Collombat. - Il arrive fréquemment que l'administration oppose à un couple la discontinuité de sa vie commune, alors que celle-ci lui est imposée, par exemple parce qu'un des conjoints, fonctionnaire, a été muté ou qu'il doit suivre un traitement médical.

Je sais bien que cet amendement est à la limite du réglementaire mais j'aimerais que le ministre nous dise sa pensée sur ces tracasseries administratives.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces interprétations de l'administration sont effectivement abusives mais la rédaction de l'amendement est trop imprécise. Défavorable pour cette raison.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le critère est trop général et pourrait être source de fraude. Mieux vaut garder au préfet son pouvoir concret d'appréciation.

M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai cité des cas précis ; je suis déçu par cette réponse.

Mme Isabelle Debré. - Votre amendement est trop général.

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

Article 2 quater

Dans le dernier alinéa de l'article L. 431-2 du même code, les mots : « à l'initiative de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial, » sont supprimés, et les mots : « de son titre de séjour » sont remplacés par les mots : « du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial ».

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

Le dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement rédactionnel.

M. le Président. - Sous-amendement n°67 à l'amendement n° 4 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de cet amendement, après les mots :

regroupement familial et

remplacer les mots :

peut en accorder

par les mots :

doit en accorder

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Si le renouvellement n'est pas automatique dans ce cas, la personne va se trouver dans un vide juridique. Veut-on créer des sans-papier ?

M. le Président. - Sous-amendement n°86 à l'amendement n° 4 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 4, remplacer les mots :

peut en accorder

par les mots :

doit en accorder

Mme Josiane Mathon-Poinat. - En cas de violence conjugale, la femme qui s'enfuit et rompt ainsi la communauté de vie peut être amenée à le faire avant même d'avoir eu un titre de séjour. Pour protéger ces femmes, il faut que les préfets soient dans l'obligation, non seulement de renouveler mais même d'accorder le titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur - Il n'est pas contestable qu'il faille protéger les victimes de violences conjugales. Mais l'attribution d'un titre de séjour obéit aussi à d'autres règles. Il faut donc que le préfet puisse apprécier la situation dans sa totalité. Défavorable, donc, à ces sous-amendements.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis : il importe que le préfet puisse procéder à une analyse objective des faits.

Mme Isabelle Debré. - Je ne comprends pas cette défiance à l'endroit des préfets. (Rires à gauche où l'on objecte le souci de la carrière). Ce sont des êtres humains, tout de même ! Nous, élus locaux, nous pouvons en témoigner.

Voix à gauche. - Surtout les élus UMP !

Mme Michèle André. - Chacun sait que les préfets sont placés sous l'autorité du gouvernement.

M. Roger Romani. - Ce sont les préfets de la République. (M.  de Raincourt le confirme)

Mme Michèle André. - Quelle hypocrisie de dire que le préfet ne peut pas retirer le titre de séjour, si c'est pour qu'il ne puisse pas le renouveler.

Mais si nous ne donnons pas le titre de séjour, nous ne ferons que grossir les rangs des sans-papiers !

Lorsque j'étais au gouvernement, il y a longtemps déjà, j'ai pu mesurer combien la question de la violence faite aux femmes n'était pas prise au sérieux, combien elle prêtait à sourire. Il y a deux ans à peine, nous avons eu des difficultés, malgré le rôle positif de la conférence des présidents, pour faire inscrire notre proposition de loi sur le sujet. Et vous demandez aujourd'hui à des femmes venues de pays lointains, de cultures différentes, qu'elles se présentent spontanément aux autorités, qu'elles leur déclarent sans hésiter les violences dont elles sont les victimes ? Une telle démarche ne va pas de soi, je vous demande toute votre attention pour le considérer et je m'exprime ici aussi en tant qu'ancienne ministre aux droits des femmes. Vous le savez aussi, chacun de nous connaît des femmes battues qui taisent leur souffrance pendant des années, des femmes battues qui, dans des milieux pourtant aisés, endurent leur martyre plus de quinze ans avant de l'avouer et de se plaindre.

Alors de grâce, monsieur le ministre, et je m'adresse à vous au nom de toutes les femmes battues, au nom des droits des femmes : donnez des instructions très claires aux préfets pour qu'au moins ils renouvellent les papiers des femmes battues, nous nous déshonorerions à ne pas le faire ! (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre. - Chacun sait quelles ont été vos responsabilités, vous avez aussi été longtemps déléguée régionale aux droits des femmes, ces fonctions vous donnent une autorité particulière sur ce sujet. Je vous ai entendue : je vous propose de prendre une circulaire dans le sens que vous dites !

M. Robert del Picchia. - Très bien !

M. Louis Mermaz. - Le sous-amendement n°67 demeure utile, le renouvellement des papiers pour les femmes battues ne peut être facultatif.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je le crois aussi ! Le ministre prend des circulaires, c'est dans ses fonctions, mais elles sont d'autant plus efficaces que la loi est précise. Le Président de la République, quand il n'était encore que candidat, ne s'est-il pas fait fort d'accueillir en France toutes les femmes qui subissent des violences ? Notre proposition est tout à fait orthodoxe !

M. Henri de Raincourt. - Vous progressez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La précision de la loi ne dispense pas de faire des circulaires, elle les rend plus effectives ! (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, le sous-amendement n°67 est mis aux voix par scrutin public

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 282
Majorité absolue des suffrages exprimés 142
Pour l'adoption 120
Contre 162

Le Sénat n'a pas adopté.

Le sous-amendement n° 86 n'est pas adopté.

Mme Michèle André. - Nous ne pouvons voter l'amendement. Monsieur le ministre, il ne faut pas que la violence conjugale se double d'une violence administrative : je compte sur vous pour donner des instructions très claires aux préfets !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Alors que nous nous targuons de protéger les droits des femmes, au point de donner des leçons à bien des pays d'origine, nous lançons ici un signal négatif ! Les femmes battues doivent être protégées sans aucune ambiguïté, ce n'est pas toujours facile quand le gouvernement demande au préfet de faire du chiffre pour le renvoi d'étrangers, quand le préfet doit atteindre ces objectifs chiffrés, dans l'intérêt de sa carrière ! L'argument humanitaire risque de passer en second ! (Exclamations à droite)

Mme Isabelle Debré. - J'espère que non !

M. Henri de Raincourt. - C'est insultant pour les préfets !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous seront particulièrement vigilants sur la circulaire !

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous regrettons que vous n'acceptiez pas de sous-amender, et nous serons également très vigilants !

L'amendement n°4 est adopté, les groupes socialiste et CRC s'abstenant.

L'article 2 quater, modifié, est adopté.

Article 3

Après l'article L. 311-9 du même code, il est inséré un article L. 311-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-9-1. - L'étranger admis au séjour en France et, le cas échéant, son conjoint préparent, lorsqu'un ou plusieurs enfants ont bénéficié de la procédure de regroupement familial, l'intégration républicaine de la famille dans la société française. À cette fin, ils concluent avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille par lequel ils s'obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France. Le président du conseil général est informé de la conclusion de ce contrat.

« En cas de non-respect des stipulations de ce contrat, manifesté par une volonté caractérisée de l'étranger ou de son conjoint, les mesures prévues aux 1°, 2° et 3°  de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent être mises en oeuvre par le préfet. Celui-ci en informe le président du conseil général.

« Lors du renouvellement de leur carte de séjour, l'autorité administrative tient compte du non-respect manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger et son conjoint, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille et, le cas échéant, des mesures prises en application de l'alinéa précédent.

« Les conditions d'application de ces dispositions sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Bariza Khiari. - Avec cet article, vous stigmatisez davantage les familles immigrées, en les plaçant hors du droit commun : le contrat d'accueil et d'intégration est étendu à la famille, alors qu'il existe depuis un an à peine pour les individus et que vous ne l'avez nullement évalué. Le terme de contrat est abusif, puisque ce document rassemble surtout des obligations pour les étrangers et qu'il n'est en aucun cas l'outil d'un véritable service public de l'accueil des primo-arrivants.

Les parents étrangers devront suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France : il y aurait donc un modèle unique et réglementé de la famille française ? Vous jetez la suspicion sur les parents étrangers, vous leur imposez par la loi une contrainte qui ne s'applique pas aux parents français. Vous prévoyez même que le non respect de ce contrat aura une incidence sur le versement des allocations familiales et sur le renouvellement des titres de séjour !

La suspension des allocations familiales est déjà prévue par la loi. Cette mesure, qui concerne les Français comme les étrangers, reste exceptionnelle et sanctionne les carences graves de l'autorité parentale.

Pourquoi ajouter une condition spécifique aux étrangers, si ce n'est pour les stigmatiser un peu plus ? Les sanctions prévues sont incontestablement discriminatoires et aboutiront à la création d'un régime spécial d'allocations familiales pour les immigrés.

Vous prétendez agir pour l'intégration des étrangers mais vous allez aboutir à leur désintégration économique et sociale. La suspension des allocations familiales sera inévitablement vécue comme une mise au banc de la société. Elle ne fera que renforcer l'isolement de certaines familles. Votre surenchère démagogique vous fait aller à l'encontre de l'intérêt même des enfants.

Nous ne voterons donc pas cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article permet de sanctionner les carences des adultes dans l'exercice de leur autorité parentale en prévoyant la mise sous tutelle ou la suppression des prestations familiales alors qu'elles permettent d'entretenir et d'éduquer les enfants.

En quoi le respect d'un contrat d'accueil et d'insertion peut-il être assimilé avec l'exercice de l'autorité parentale ? Quel rapport existe-t-il entre une sanction liée à l'absentéisme d'un enfant et la méconnaissance de la langue française ?

En outre, cet article est discriminatoire puisque les familles françaises ne seront pas concernées même en cas de méconnaissance des valeurs de la République ou de la langue de Voltaire.

Dans ses décisions du 22 janvier 1990 et du 13 août 1993, le Conseil Constitutionnel a affirmé le principe d'égalité entre familles françaises et étrangères pour les prestations familiale : « si le législateur peut prendre à l'égard de l'étranger des dispositions spécifiques, les étrangers doivent bénéficier des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est impressionnant de voir à quel point les sanctions prévues à cet article sont précises alors que les termes du contrat demeurent flous. Comment qualifier le non-respect du contrat et comment démontrer que l'enfant en souffrira ?

Où se situe ce contrat d'accueil et d'intégration pour les familles par rapport à celui qui a été mis en place il y a deux ans ? Les étrangers devront-ils suivre les deux ? Comment justifier le contenu même des sanctions prévues ? Dans sa décision du 22 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a affirmé l'application du principe d'égalité entre nationaux et étrangers s'agissant du bénéfice des prestations sociales. En avril 2004, la Cour de cassation a appliqué cette jurisprudence afin de censurer l'exclusion du bénéfice des allocations familiales au motif que l'enfant était entré en France hors regroupement familial. Saisie sur cette même question, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a, en 2006, qualifié cette exclusion de discriminatoire.

En instaurant ce contrat d'accueil pour les familles, le gouvernement ne respecte pas les principes constitutionnels de non-discrimination et de respect de la vie privée alors que le regroupement familial est une mesure de justice qui permet de faire valoir les droits humains.

M. le président. - Amendement n°87, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela fait un an que les contrats d'intégration sont mis en oeuvre et le bilan n'est pas glorieux : les interprètes manquent, l'approche sociale est insuffisante tandis que la journée de formation civique parait trop dense et inadaptée. Enfin, les formations linguistiques ne sont pas satisfaisantes,

En outre, pour financer ce contrat, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) s'est désengagé de certains dispositifs qui permettaient d'intégrer des populations immigrées.

Nous dénonçons donc ce nouveau contrat qui jette le discrédit sur des familles qui seraient prétendument incapables de respecter les valeurs de la République.

M. le président. - Amendement identique n°132, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - On peut s'interroger sur la pertinence de ce nouveau contrat d'intégration spécifique aux familles alors que le précédent, récemment mis en place, n'a pas encore été évalué. Quid, par exemple, des nouvelles charges de travail imposées aux travailleurs sociaux ?

En outre, ne croyez-vous pas qu'il serait préférable d'alléger les tâches des présidents des conseils généraux plutôt que de les alourdir ?

M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

ils concluent

insérer le mot :

conjointement 

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le contrat d'intégration devra être conclu conjointement par le père et la mère afin que l'engagement soit commun.

M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après les mots :

les devoirs des parents en France

compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par les mots :

, ainsi qu'à respecter l'obligation scolaire

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'obligation scolaire devra également être respectée.

M. le président. - Sous-amendement n°69 à l'amendement n° 6 rectifié de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 6, remplacer le mot :

scolaire

par les mots :

d'instruction mentionnée à l'article L. 131-1 du code de l'éducation

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Une confusion s'est glissée -volontairement ?- dans l'amendement de la commission. Les termes de scolarisation et d'instruction ne sont en effet pas synonymes.

En France, ce n'est pas la scolarisation qui est obligatoire mais l'instruction. La loi du 23 avril 2005 dispose que « l'instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix ».

L'amendement n°6, en instituant une obligation de scolarisation, restreint les droits des enfants d'étrangers, ce qui est contraire au principe d'égalité.

M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles sanctionne les fautes des détenteurs de l'autorité parentale. Ces sanctions seraient étendues au non-respect du contrat d'accueil et d'intégration sans que le rapport entre les deux soit évident. Une telle disposition est discriminatoire et contraire aux engagements internationaux de la France.

Si une différence de traitement est admise en raison de situations différentes ou de considérations d'intérêt général, la Cour européenne des droits de l'homme exige qu'elle soit toujours fondée sur une justification objective et raisonnable ou, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, que « la différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

Or, vos justifications ne sont à l'évidence ni objectives, ni raisonnables. Il n'existe en effet aucun lien entre un quelconque manquement au contrat d'accueil et d'intégration et le fait que les parents ne rempliraient pas leurs obligations d'éducation vis-à-vis de leurs enfants. En outre, la suppression des allocations destinées à l'entretien et à l'éducation des enfants serait manifestement déraisonnable.

Enfin, ce contrat d'accueil ne garantit pas l'intégration. Il s'agit en effet d'un phénomène social complexe qu'il convient d'encourager par des mesures sociales. Quelques leçons sur les valeurs de la République n'y suffiront pas.

M. le président. - Amendement n°51, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le Conseil constitutionnel a rappelé que le législateur ne pouvait voter des dispositions différentes pour les étrangers résidents stables sur notre territoire. Si tel n'était pas le cas, il s'agirait d'une nouvelle rupture d'égalité.

M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« En cas de non-respect des stipulations de ce contrat, manifesté par une volonté caractérisée de l'étranger ou de son conjoint, le préfet peut saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale prévue à l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le texte initial prévoyait qu'en cas de non-respect du contrat d'accueil, le préfet devait saisir le président du conseil général afin que celui-ci statue sur la mise sous tutelle ou la suspension des prestations familiales.

Ce mécanisme de saisine a été remis en cause à l'Assemblée nationale par un amendement parlementaire, qui a substitué le préfet au président du conseil général. En cas de non-respect manifeste du contrat d'accueil et d'intégration familiale, le préfet pourrait décider de suspendre le versement des allocations familiales et de saisir le procureur de la République ou l'autorité judiciaire qui ordonnerait la mise sous tutelle des prestations familiales.

La rédaction actuelle, ambiguë, laisserait entendre que le préfet pourrait prendre ces sanctions sans qu'un contrat de responsabilité ait été conclu au préalable. Or, les sanctions ne doivent intervenir que si les parents refusent de collaborer. Nous proposons donc de revenir au texte initial du projet de loi.

M. le président. - Sous-amendement n°71 à l'amendement n°7 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le second alinéa de l'amendement n°7, après le mot :

Stipulations

insérer les mots :

relatives à l'exercice de l'autorité parentale

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Amendement de précision. Seul le non-respect des stipulations relatives à l'exercice de l'autorité parentale exposerait les parents à des sanctions financières.

M. le président. - Amendement n°89, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La possibilité pour le préfet de refuser le renouvellement du titre de séjour en cas de non-respect des obligations du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille est une sanction totalement disproportionnée. Il est de bon ton aujourd'hui de contractualiser les relations entre État et citoyens. Or, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, quelles sont les sanctions pour l'État si ce dernier faillit à sa mission d'intégration ? Il est anormal que seule la personne immigrée soit sanctionnée.

Avant de réformer une nouvelle fois le regroupement familial, il vaudrait mieux veiller au bon déroulement de la procédure. Les délais moyens de traitement des demandes atteignent dix-huit mois dans certains départements alors que le délai légal est de six mois, ce qui peut faire courir des risques à certaines personnes, notamment les conjoints de réfugiés. Les carences dont souffrent les contrats d'accueil et d'intégration existants ne sont pas sanctionnées et on voudrait punir les personnes qui ne les suivent pas à la lettre ? En l'absence d'une possibilité de recours, nous nous trouvons face à l'arbitraire le plus total. Il s'agit d'une mesure coercitive destinée à faire pression sur l'étranger et à trouver de bonnes raisons de le renvoyer ou de ne pas renouveler son titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°87, ainsi qu'à l'amendement identique n°132.

Avis défavorable au sous-amendement n°69 : l'obligation scolaire est un terme générique, une expression commune à tous les textes, qui ne concerne pas seulement l'école mais toutes les sortes de formation.

Avis défavorable à l'amendement n°88 ainsi qu'à l'amendement n°51.

Avis défavorable au sous-amendement n°71 : la précision apportée est inutile.

L'amendement n°89 souhaite supprimer la possibilité de refuser le non-renouvellement du titre de séjour en cas de non-respect du contrat d'accueil et d'intégration. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos87, 132, 88, 51 et 89 qui proposent la suppression totale ou partielle du dispositif prévu.

Avis favorable à l'amendement n°5, qui établit une égalité stricte entre le père et la mère, et met l'accent sur l'engagement des deux parents dans l'intérêt de l'enfant.

Le sous-amendement n°69 propose une rédaction qui nous paraît plus précise. Avis favorable.

Avis favorable à l'amendement n°6 rectifié : la principale obligation des parents, français ou étrangers, est d'envoyer leurs enfants à l'école, qui permettra leur intégration en leur apprenant à vivre en société et en les préparant à trouver du travail. L'ajout du respect de l'obligation scolaire à la formation sur leurs droits et leurs devoirs contribuera à responsabiliser les parents. Un décret d'application précisera la façon dont, au terme de l'année scolaire, ils pourront établir que leur enfant a effectivement suivi sa scolarité.

Avis défavorable au sous-amendement n°71.

Dans l'amendement n°7, le rapporteur propose de revenir au dispositif initial prévu par le projet de loi. L'Assemblée nationale a souhaité que le préfet à l'origine du contrat en assure le suivi jusqu'à son terme. La rédaction initiale cherchait à tenir compte de l'évolution des responsabilités du préfet et du président du conseil général. Je m'en remets à la sagesse du Sénat, qui représente les collectivités territoriales, pour élaborer le système institutionnel le plus efficace possible.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Qu'il s'agisse de la rédaction proposée par l'amendement n°6 rectifié ou par le sous-amendement n°69, le but recherché est le même. Je me rallie à l'avis du Gouvernement.

L'amendement n°87 n'est pas adopté, non plus que l'amendement identique n°132.

L'amendement n°5 est adopté.

Mme Nathalie Goulet. - L'école républicaine est mieux à même d'assurer l'instruction des enfants issus de familles immigrées plutôt que les parents ou une personne de leur choix. Elle représente aussi une garantie d'intégration et d'égalité. Je ne vois pas l'intérêt de changer l'obligation scolaire en une obligation d'instruction, comme le propose le sous-amendement 69.

M. Gérard Longuet. - Je partage cette opinion. Avons-nous des ennemis dans ce débat ? Certainement pas l'étranger, qui est le bienvenu. Notre ennemi, c'est le communautarisme. Le sous-amendement n°69 me gêne car une des façons de briser le communautarisme, c'est de supprimer les singularités que font naître des formes d'instruction repliées sur elles-mêmes. Au contraire, nous prônons l'ouverture, par le biais d'une école émancipatrice. Il faut rejeter ce sous-amendement et favoriser l'obligation scolaire.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Le terme d'instruction me paraît tout à fait valable et je suivrai le Gouvernement.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Nous sommes face à un conflit d'appréciation. Dans le code de l'éducation, on prévoyait la possibilité d'une éducation à la maison.

M. Gérard Longuet. - Il s'agissait des précepteurs, c'est aujourd'hui dépassé.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - A une époque un peu lointaine, mais que j'ai connue, ce type d'éducation était donné dans les familles très conservatrices qui considéraient qu'aucune institution religieuse n'était suffisamment traditionnaliste pour bien éduquer leurs enfants.

M. Gérard Longuet. - C'est exact.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - On attendait la seconde, voire le bac, pour envoyer les enfants à l'institution religieuse de la ville.

Ce qu'ont subi mes camarades de classes françaises il y a soixante ans, je ne voudrais pas que des enfants venus de familles réactionnaires et obscurantistes du Maghreb ou d'Afrique le vivent aujourd'hui ! Le sujet n'est pas à prendre à la légère : le communautarisme menace plus que jamais la société française et il fait des ravages en Grande-Bretagne.

Je suis donc très hostile au sous-amendement n°69. Et je considère même qu'il faudrait envisager une modification du code de l'éducation ! (M. Longuet applaudit)

M. Michel Charasse. - Le principe, posé par Jules Ferry, que l'obligation scolaire peut être remplie par l'instruction à domicile n'a jamais été remis en cause par la République. Or le dispositif que propose la commission revient à refuser cette possibilité de l'instruction à domicile aux étrangers. Il constitue donc une vraie rupture du principe d'égalité -on en a beaucoup parlé hier et, parfois, à tort et à travers-, ce que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de relever.

Ceci dit, là n'est pas le plus important. Je rappelle que la qualité de l'instruction à domicile est contrôlée, normalement chaque mois, par le maire.

M. Gérard Longuet. - M. Delanoë va avoir beaucoup de travail !

M. Michel Charasse. - Je m'excuse, mais c'est la loi !

Le maire, lorsqu'il constate une défaillance, doit saisir l'inspecteur d'académie, lequel met fin à l'instruction à domicile s'il estime qu'elle est contraire à l'intérêt de l'enfant. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme)

Si le principe d'égalité prime en France sur toute autre considération, rien n'empêche le ministre d'envoyer aux maires et aux préfets des instructions extrêmement précises les priant de veiller à ce que ces enfants reçoivent un enseignement à domicile de qualité, d'où soit absent tout communautarisme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Juste !

M. Michel Charasse. - Je profite de l'occasion pour évoquer une autre question qui taraude de plus en plus de maires de France : à partir de quand considère-t-on que le maire est coupable d'aide au séjour irrégulier ? En cas de parrainage ? Lorsque la mairie accorde des subventions à la cantine scolaire pour accueillir des enfants d'immigrés irréguliers ? On se souvient que deux enfants ont été interdits d'accès à la cantine à Digoin, ce qui paraît contradictoire avec l'obligation de scolarisation... (M. Jean-Patrick Courtois approuve) Lorsque le bureau d'action sociale de la mairie apporte son aide à une famille en situation irrégulière, cela relève-t-il de l'assistance à personne en danger ou du soutien abusif à un étranger en situation irrégulière ?

Monsieur le ministre, vous ne pourrez répondre aujourd'hui à toutes ces questions,...

M. Charles Gautier. - Il n'y a pas de risque ! (Sourires)

M. Michel Charasse. - ... mais il faudra le faire prochainement pour éviter que les maires ne soient poursuivis « mal-t-à-propos », comme on dit dans ma région, par des personnes trop zélées...

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je veux être clair : le dispositif que propose la commission revient à poser la même obligation scolaire pour tous, que l'on soit Français ou étrangers, et respecte les règles définies depuis toujours.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Les interventions des orateurs des différents groupes politiques m'ont convaincu : avis de sagesse à l'amendement n°69, plutôt que favorable comme je l'avais dit trop vite tout à l'heure.

Monsieur Charasse, nous aurons le loisir d'aborder les questions que vous avez posées à une autre occasion, par exemple lors de la prochaine réunion de l'association des maires du Puy-de-Dôme, que vous présidez.

M. Michel Charasse. - Monsieur Longuet, nous aurons des raisons de nous inquiéter quand le pourcentage d'enfants d'immigrés scolarisés à domicile sera supérieur à celui des enfants français qui est actuellement, comme le sait si bien l'ancien inspecteur général M. Gouteyron, de 1 à 2 %. Dans ce cas, le ministère devra publier des circulaires appelant au renforcement des contrôles.

Le sous-amendement n°69 n'est pas adopté.

L'amendement n°6 rectifié est adopté.

L'amendement n°88 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°51 et le sous-amendement n°71.

L'amendement n°7 est adopté.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Le contrat d'accueil et d'intégration pour les familles que vous proposez frappe par son côté idéologique et coercitif. Vous faites l'impasse sur les innombrables études réalisées ces dix dernières années sur les conditions d'intégration des migrants. (M. Charles Pasqua ironise)

Vous compliquez l'intégration des familles, au lieu de l'accompagner. Les moyens alloués à l'accueil des migrants sont insuffisants : comme l'a souligné la Cour des comptes dans un rapport en 2004, ils sont inférieurs à ceux destinés à la politique de contrôle des flux migratoires. En prenant des mesures coercitives à l'encontre des parents, vous sapez leur confiance en leur capacité à éduquer leurs enfants, ce qui rend difficile une éducation réussie. Les travaux de la psychanalyste Claude Halmos le montrent et vous en avez fait vous même l'expérience en tant que parents. Pourquoi cela serait-il différent pour les enfants d'étrangers ?

Les expatriés que nous sommes ont l'expérience du difficile travail sur soi-même et pour sa famille qu'exige l'adaptation, terme qui me paraît mieux approprié que celui d'intégration. Mes collègues représentants des Français de l'étranger savent comme moi que l'on peut vivre plusieurs dizaines d'années dans un pays sans être intégré, tout en étant parfaitement adapté. N'en demandons pas plus aux migrants. Nous savons combien accepter d'autres normes que les siennes peut être difficile, et parfois déchirant. Nous avons tous notre fierté, et le sentiment de notre dignité.

La coercition affublée des oripeaux du paternalisme n'est pas le moyen d'aider les familles de migrants à réussir leur adaptation.

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 3 bis

L'article L. 311-9 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la quatrième phrase du deuxième alinéa, les mots : «, le cas échéant, » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. - Un décret détermine les situations dans lesquelles le bilan de compétences n'est pas proposé. »

M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il fixe les situations dans lesquelles le bilan de compétences n'est pas proposé. »

L'amendement rédactionnel n°8, accepté par le gouvernement, est adopté.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

Article 3 ter

Dans le troisième alinéa de l'article L. 311-9 du même code, les mots : « il peut être tenu » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative tient ».

M. le président. - Amendement n°90, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Le préfet a la faculté de refuser le renouvellement du titre de séjour en cas de non-respect du contrat d'accueil et d'intégration. Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Mariani, encore lui, a déposé un amendement pour systématiser cette sanction, sans même prévoir de possibilité de recours. Il est clair, avec cet article, que le contrat d'accueil et d'intégration n'est qu'un moyen de juguler les flux. L'acharnement est patent. Bien loin d'une politique humaniste d'intégration, nous sommes dans le pur arbitraire.

M. le président. - Amendement identique n°133, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari. - L'article L. 311-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le préfet peut tenir compte du non respect du contrat d'accueil et d'intégration lors du premier renouvellement de la carte de séjour. Le passage au présent de l'indicatif transforme cette faculté en obligation. Nous préférons une approche plus humaine, au cas par cas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable. La commission estime que le refus d'honorer le contrat doit nécessairement être pris en compte.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Défavorable. Le contrat d'accueil et d'intégration est, comme son nom l'indique, un contrat (Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi le contestent avec véhémence.) Il est normal de sanctionner la mauvaise foi manifeste dans l'exécution.

Les amendement identiques n°90 et n°133 ne sont pas adoptés.

L'article 3 ter est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°198, présenté par MM. Gouteyron, Courtois, J. Gautier et Demuynck et Mme Lamure.

 

Après l'article 3 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article L. 311-9 du même code est complété par la phrase suivante :

« Il en est de même de l'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 5° de l'article  L. 313-10 ou à l'article  L. 315-1 et de son conjoint. »

M. Adrien Gouteyron. - Cet amendement tend à dispenser les salariés en mission et les titulaires de la carte compétences et talents, qui ne sont pas appelés à rester en France, du contrat d'accueil et d'intégration.

Dans beaucoup de pays, j'ai pu le vérifier, cette disposition inquiète les cadres et les chefs d'entreprise, et plusieurs ambassadeurs ont manifesté leur préoccupation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Très favorable. Ces personnes ne sont en effet pas appelées à rester durablement en France, pour éviter le pillage des élites des pays d'origine. La dispense se justifie. J'avais d'ores et déjà donné des instructions de souplesse, mais il est encore mieux de l'inscrire dans la loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est extraordinaire ! Les autres, ceux qui ont un titre de séjour provisoire, sont donc destinés à rester durablement ? C'est à n'y rien comprendre !

Quant à la question de la sanction pour non-respect du contrat d'accueil et d'intégration, sachez, monsieur le rapporteur, qu'un contrat engage les deux parties. Quand la sanction n'existe que pour l'une des parties, ce n'est plus un contrat. Or, rien n'est prévu en cas de manquement à la fourniture des prestations prévues par le contrat d'accueil et d'intégration.

L'amendement n°198 est adopté et devient article additionnel.

M. le président. - Amendement n°96, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison des violences conjugales que le conjoint étranger a subies de la part de son conjoint français, après le mariage mais avant la première délivrance du titre de séjour, l'autorité administrative doit délivrer ce titre.

Mme Éliane Assassi. - Compte tenu de la discussion que nous avons eue à l'article 2 quater, je le retire, ainsi que l'amendement n°97.

L'amendement n°96 est retiré, ainsi que l'amendement n°97.

Article 4 bis

Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le besoin d'une formation linguistique est apprécié au regard du niveau atteint par l'intéressé lors de l'évaluation prévue à l'article L. 411-8 et au deuxième alinéa de l'article L. 211-2-1. »

M. le président. - Amendement n°95, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Supprimer cet article.

M. Robert Bret. - La deuxième évaluation linguistique et civique devra déterminer, avant même l'arrivée en France, si l'étranger doit suivre une nouvelle formation dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. Dispositif pour le moins paradoxal !

Il serait préférable de faire état d'un droit à la formation, qui devrait être dispensé dans le pays d'accueil, plutôt que d'une obligation.

M. le président. - Amendement identique n°138, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André. - Coordination avec notre position de principe sur la formation linguistique et civique.

M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

« L'étranger pour lequel l'évaluation du niveau de connaissance de la langue prévue à l'article L. 411-8 et au deuxième alinéa de l'article L. 211-2-1 n'a pas établi le besoin d'une formation est réputé ne pas avoir besoin d'une formation linguistique. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Seuls les bénéficiaires du regroupement familial dispensés de suivre une formation dans le pays dans lequel ils sollicitent leur visa sont réputés n'en avoir pas besoin dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements de suppression ; le Gouvernement accepte l'amendement n°10 rectifié, par coordination avec l'article 4.

L'amendement n°95, identique à l'amendement n°138, n'est pas adopté.

L'amendement n°10 rectifié est adopté et devient l'article 4 bis.

M. le président. - Article 5

Le 7° de l'article L. 313-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. »

Amendement n°98, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article modifie le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) quant à l'attribution la carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale ». Sous couvert d'intégration grâce à la connaissance des valeurs de la République, ce nouveau dispositif coercitif et incohérent tend à empêcher le regroupement familial.

Alors que depuis 2006, une personne demandant une carte de séjour doit signer un contrat d'accueil et d'intégration qui l'oblige à suivre une formation civique, vous inverser l'ordre des choses.

Actuellement, l'article L.311-11 du Ceseda dispose que « la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit » à l'étranger « qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Cette précision figure au 7° de l'article.

La loi du 24 juillet 2006 a déjà introduit la notion subjective et floue d'insertion dans la société française. Le texte d'aujourd'hui poursuit dans la même direction, puisque les « valeurs de la République » ne sont aucunement précisées. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire, légitimé en 2006, trouvera une application complète et stigmatisante. Le nouveau texte accroîtra le contentieux et le nombre de sans papier, aggravant la précarité. Sous prétexte d'intégration, ce dispositif n'apporte que des restrictions discriminatoires aux droits des étrangers.

M. le président. - Amendement identique n°139, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle ANDRÉ. - La loi du 24 juillet 2006 a supprimé la délivrance de plein droit de la carte « vie privée et familiale » aux étrangers ayant résidé en France depuis 10 ans lorsqu'ils étaient étudiants pendant cette période.

Ainsi, cette carte est délivrée de plein droit, d'après l'article L. 313-11 du Ceseda aux bénéficiaires du regroupement familial, aux personnes ayant séjourné en France avant l'âge de 13 ans et avec au moins un de ses parents, à celles confiées au service de l'aide sociale à l'enfance depuis au plus l'âge de 16 ans, à l'étranger dont un parent bénéficie de la carte « compétences et talents » ou d'une carte de séjour mention « salarié en mission » à condition de formuler la demande pendant l'année qui suit son 18e anniversaire, au conjoint de Français dont la communauté de vie est continue depuis le mariage, au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire mention « scientifique », aux parents d'un enfant français mineur qui contribuent effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, à l'étranger né en France y ayant résidé pendant au moins huit ans de façon continue et y ayant poursuivi la scolarité au moins cinq années après l'âge de 10 ans à condition de formuler sa demande entre 16 et 21 ans, à certains étrangers ayant obtenu le statut d'apatride ainsi qu'à leur conjoint, enfin à l'étranger résidant en France dont l'état de santé exige impérativement la mise en oeuvre d'un traitement indisponible dans le pays dont il est originaire. En outre, cette carte est délivrée à l'étranger qui n'entre pas dans ces catégories, mais « dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

Vous ajoutez aujourd'hui une nouvelle condition : la connaissance des « valeurs de la République ». Ainsi, après avoir légitimé en 2006 le pouvoir discrétionnaire total, vous en faites aujourd'hui une application concrète et stigmatisante, ajoutant de la précarité alors que les intéressés ont tout simplement droit au séjour. Là encore, un faux affichage d'intégration aboutit à une nouvelle restriction des droits.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'article 5 apporte une simple précision qui ne lie pas le juge. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

C'est à croire que vous doutez du rayonnement de la France et de l'adhésion aux valeurs authentiquement républicaines ! En fait, vous présumez l'immigration familiale contraire aux valeurs de la République. Ce n'est pas en imposant un examen que vous emporterez l'adhésion aux valeurs de la République, mais en les mettant en acte. Le soupçon permanent sur les étrangers est une insulte à ceux d'entre eux qui ont combattu pour défendre les valeurs de la République et que celle-ci a si mal remerciés. Auriez-vous fait passer un examen de contrôle aux 23 de l'affiche rouge que Mme Goulet a fort justement rappelée lors de la discussion générale ?

M. David Assouline. - Pétain l'aurait raté !

L'amendement n°98, identique à l'amendement n°189, n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

M. le président. - Amendement n°181, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC - UDF.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre de sa politique de codéveloppement, l'État encourage par voie de convention de partenariat la mise en place et le développement de services d'état civil dans les pays dans lesquels ces services sont inexistants ou font défaut.

M. Jean Boyer. - Même si cette option peut sembler coûteuse, il vaut mieux aider les pays dont les services d'état civil sont défaillants plutôt que d'étendre les tests génétiques.

M. le président. - Sous-amendement n°213 à l'amendement n°181 rectifié de M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF, présenté par le Gouvernement.

Dans le deuxième alinéa de l'amendement n°181, remplacer le mot :

codéveloppement

par le mot :

coopération

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je remercie le groupe de l'Union centriste, qui me donne l'occasion de répéter que la France aide les pays dont l'état civil est défaillant. Ainsi, trois millions d'euros sont consacrés chaque année à un programme triennal en faveur du Mali. Une assistance analogue est apportée à des pays comme le Cameroun, Madagascar ou la Mauritanie

Toutefois, il s'agit là d'une coopération classique, non de codéveloppement.

M. Jean Boyer. - C'est exact.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission est favorable à l'amendement sous-amendé, car il veut mieux obtenir des actes d'état civil fiables plutôt que d'utiliser les tests que nous avons mis en place hier.

Mme Marie-Christine Blandin. - Cette forme de coopération ne nous fait pas oublier notre indignation devant d'autres mesures de ce texte. Le coût des centres de rétention, des reconduites et des tests ADN sera-t-il pris sur le budget de l'aide publique au développement ? Si tel était le cas, on en mesurerait tout le cynisme : comment nommer aide au développement l'interruption brutale et humiliante du parcours individuel chargé d'espoir et de détresse ?

L'amendement n°181 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 5 ter

Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans la deuxième phrase, les mots : « à l'initiative de l'étranger » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés les mots : « de séjour de l'étranger ».

M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :

« Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Rédactionnel.

M. le président. - Sous-amendement n°72 à l'amendement n°12 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°12, remplacer la seconde occurrence du mot :

peut

par le mot :

doit

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il s'agit de mettre un terme aux situations de « ni-ni » : ni expulsable, ni régularisable. L'administration doit pouvoir renouveler le titre de séjour de manière automatique, notamment pour les femmes victimes de violence.

M. le président. - Amendement n°141, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

3° Les mots : « peut accorder » sont remplacés par les mots : « accorde, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, ».

Mme Michèle André. - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - On en revient au débat sur le caractère automatique du renouvellement. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

Le sous-amendement n°72 n'est pas adopté.

L'amendement n°12 est adopté.

L'amendement n°141 devient sans objet.

L'article 5 ter, modifié, est adopté.

Article 5 quater

Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». »

M. le président. - Amendement n°142 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Cependant, il n'y a pas rupture de la vie commune dans les cas où l'éloignement temporaire résulte d'obligations professionnelles ou médicales indépendantes de la volonté des intéressés. »

M. Pierre-Yves Collombat. - Nous avons rectifié notre amendement en le rendant très restrictif, pour tenir compte des objections du ministre : l'éloignement doit être temporaire, et résulter d'obligations professionnelles ou médicales indépendantes de la volonté des intéressés. Les préfets apprécieront s'il y a rupture de vie commune en fonction de critères précis, sans risque d'accommodements pour contourner la loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La commission n'a pas examiné la version rectifiée de l'amendement. Je vous rends toutefois attentif à ses conséquences : vous risquez, paradoxalement, d'autoriser une interprétation plus restrictive de la notion de vie commune que celle qu'en fait aujourd'hui la jurisprudence, qui, je le rappelle, n'impose pas le domicile commun et admet la séparation pour d'autres motifs que professionnels ou familiaux. Je vous incite donc à retirer votre amendement après confirmation de la part du ministre que les problèmes de mise en oeuvre par les préfectures seront résolus via une instruction ministérielle.

M. Brice Hortefeux, ministre. - M. Collombat m'avait presque convaincu, mais j'avoue que l'argumentation du président Hyest m'a démonté. Courageusement, je m'en remets à la sagesse du Sénat. (Sourires)

M. Pierre-Yves Collombat. - Le président Hyest est redoutable... J'accepte de retirer mon amendement si le ministre confirme qu'il n'y a pas de raison d'interpréter l'éloignement temporaire comme une rupture de la vie commune. Le procès verbal en attestera. Je souhaite que ces discussions puissent éclairer l'interprétation des préfectures.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je vais donner des instructions aux préfets par circulaire. Retrait ?

L'amendement n°142 est retiré.

L'article 5 quater est adopté.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du gouvernement aux questions d'actualité.

J'appelle chacun au respect de son temps de parole de deux minutes trente.

Immigration et tests A.D.N.

Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC) Ma question s'adresse à l'ensemble du gouvernement car il en va de l'image de la France dans le monde. Le Président de la République a convoqué le Parlement en session extraordinaire pour envoyer un signe à son électorat le plus à droite. La loi de M. Hortefeux, qui stigmatise à nouveau l'immigration, tombe à pic pour faire oublier la situation actuelle.

Toutes ses dispositions sont dirigées contre les populations immigrées, aussi ont-elle suscité l'émotion dans les pays d'immigration qui avaient subi le colonialisme. Le texte heurte des philosophes, des religieux et jusque dans les rangs de la majorité : un ancien ministre de l'intérieur déclarait : « les tests ADN ne sont pas acceptables. Cela rappelle de mauvais souvenirs. On sait l'utilisation que les nazis ont faite des tests génétiques ». (Murmures à droite) La commission des lois avait rejeté toute référence à ces tests mais M. Hortefeux a repris sa plume pour y revenir.

La génétique ne fonde pas le lien social. Cette affaire relève du droit international et non du droit intérieur. J'invite solennellement les cent trente huit sénateurs qui ont voté contre cette disposition à saisir le Conseil constitutionnel. Mais cela peut encore être évité : je demande au gouvernement d'entendre l'émotion en France et dans le monde. Irez-vous jusqu'à proposer après la CMP un amendement de suppression de l'article 5 bis dont vous êtes le véritable initiateur ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement . - La Haute assemblée ne terminera l'examen des deux cent dix amendements déposés que tard dans la nuit. Je salue la grande qualité de ses débats et j'espère que vous reconnaîtrez que j'ai écouté attentivement toutes les interventions, même si les vôtres ont surtout souligné nos divergences. Vingt-et-un amendements ont été adoptés, dont certains émanent de l'opposition et trois ou quatre l'ont été à l'unanimité.

Je ne laisserai pas caricaturer un projet clair dont l'objet est de rééquilibrer immigration familiale et immigration économique. Ce texte est aussi protecteur, qui instaure un test de langue suivi d'une formation ; quel est le meilleur vecteur d'intégration que la langue ? Comment trouver un logement, un travail, comment faire ses courses si on ne parle pas notre langue ? Nous voulons ainsi lutter contre toutes les formes de communautarisme.

M. le président. - Veuillez terminer.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Vous avez évoqué les tests de filiation que douze pays socialistes ou socio-démocrates pratiquent déjà. La loi est désormais bien encadrée. Volontariat, expérimentation, autorisation par le juge civil, gratuité, preuve de la filiation par la mère, absence de fichage génétique, le texte adopté cette nuit présente toutes les garanties. Si l'on veut réussir l'intégration, il faut commencer par maîtriser l'immigration. (Applaudissements à droite)

Pas d'école le samedi (I)

M. Gérard Delfau . - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, vous venez d'annoncer la fin de l'école primaire le samedi matin. Cette décision, qui divise l'opinion et qui inquiète parce qu'elle aura un impact important sur la vie quotidienne, (Exclamations à droite) vous l'avez prise sans concertation aucune : cette brutalité s'explique-t-elle par des raisons financières cachées ? Quelle est votre stratégie pour l'organisation des rythmes scolaires ? Pourquoi a-t-on entendu que les activités du samedi seraient transférées le mercredi ? Puis que les moyens dégagés seraient consacrés aux élèves en difficulté ? N'assiste-t-on pas plutôt à un affaiblissement global du niveau, dont s'inquiète le collectif « Sauver les lettres » ? La suppression des cours le samedi matin ne creusera-t-elle pas l'écart entre les communes qui peuvent offrir en substitution des activités culturelles et de loisirs aux enfants, et celles qui ne le peuvent pas ?

Monsieur le ministre, combien de postes comptez-vous économiser lors des prochaines rentrées scolaires, grâce à la suppression de l'école le samedi matin ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale  . - Vous dites que cette décision est brutale et qu'elle sème la confusion, c'est bien plutôt la situation actuelle qui est confuse : telle école travaille le samedi, telle autre jamais, une autre encore un samedi sur deux, certaines pratiquent la semaine de quatre jours... La suppression de l'école le samedi serait impopulaire ? Deux sondages établissent que 82 % des parents l'approuvent ! (Vifs applaudissements à droite, exclamations à gauche) Vous prétendez que la mesure créera une demande d'ouverture d'écoles. Ce n'est pas certain, on ne le constate pas dans les communes où les écoles sont déjà fermées le samedi.

Le Gouvernement, ensuite, n'exerce aucune pression en faveur de la semaine de quatre jours : la question relève entièrement des communes. Dès la rentrée 2009 conformément à la demande du Premier ministre des études surveillées seront organisées dans toutes les écoles communales. Quant aux élèves en difficulté -15 %-, ils bénéficieront des heures d'enseignement dégagées par la fin de l'école le samedi, c'est une mesure sociale.

Où voulez-vous que j'économise des emplois, enfin, puisque les enseignants conserveront leur charge de travail de 27 heures de cours hebdomadaires ? Cette mesure est pédagogique, Monsieur le sénateur et les Français l'approuvent ! (Vifs applaudissements à droite, exclamations à gauche)

Pas d'école le samedi (II)

M. Pierre Martin . - Nous nous réjouissons de la suppression de l'école le samedi matin : l'emploi du temps scolaire des enfants sera allégé, au bénéfice du temps passé en famille. Toutefois, ne s'oriente-t-on pas vers la semaine de quatre jours ? Quid de la durée du travail des enseignants ? Vous dites qu'elle est maintenue à vingt-sept heures hebdomadaires : les enseignants auront-ils des obligations d'accompagnement scolaire, qui est aujourd'hui facultatif ? Après les collèges, l'accompagnement scolaire sera-t-il introduit à l'école primaire ? Quelles seront les conséquences sur le ramassage scolaire qui relève des départements ? Et sur les programmes ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Darcos, ministre . - Vous parlez en expert, ayant été directeur d'école. Le gouvernement n'exerce aucune pression en faveur de la semaine de quatre jours : il faut que les communes, les écoles, les familles s'organisent de manière simple. Le Président de la République a souhaité que chaque collégien puisse bénéficier de deux heures d'étude surveillée, quatre jours par semaine, car nous savons le poids de la famille dans la réussite scolaire de l'enfant, et le rôle que l'école peut jouer pour réduire les disparités. L'étude surveillée sera en place dès la rentrée de Toussaint pour les collèges en ZEP, dès septembre prochain pour tous les collèges, en septembre 2009 dans le primaire.

Le Premier ministre a rendu un arbitrage très important : les professeurs du premier degré bénéficieront de la défiscalisation et de la suppression des charges sociales sur leurs heures supplémentaires.

Le transport scolaire est une question difficile, qui relève effectivement des départements. La solution est du côté de l'uniformisation des horaires scolaires, afin que les bus scolaires n'aient qu'une tournée à faire ! (Applaudissements à droite). Enfin, s'agissant des programmes, nos enfants suivent neuf cent trente six heures de cours en moyenne par an en premier degré, la moyenne est de huit cents heures dans l'Union européenne. Nous avons donc de la marge pour resserrer les programmes : les petits Français ne sont pas plus bêtes que les autres enfants européens, ils continueront d'acquérir les savoirs fondamentaux ! (Applaudissements à droite et au centre)

Indépendance de la presse

M. Roland Courteau . - Les syndicats de journalistes se mobilisent aujourd'hui pour défendre l'indépendance des rédactions, menacée, à leurs yeux, par la mainmise du pouvoir sur les grands médias (Rires ironiques à droite). Ils estiment que « rarement l'indépendance des journalistes n'avait été autant bafouée et que rarement des droits fondamentaux du citoyen, à savoir l'accès à une information honnête, complète et indépendante des pressions politiques, n'avaient été autant menacés ».

Pour les syndicats, cette situation est le symbole de la dérive actuelle : « une majorité des organes de presse est détenue par des industriels qui ont des liens étroits avec le pouvoir ». (Exclamations à droite) Ils demandent donc des mesures garantissant l'indépendance et le respect de l'éthique professionnelle. C'est une question de démocratie.

Il en est une autre, qui n'est pas moindre : un profond déséquilibre règne dans l'expression des grands courants après les interventions répétées du Président de la République, dans les médias. Certains ont même évoqué l'accaparement des médias puisque la règle du CSA, dite des trois tiers, pour décompter les temps de parole -un tiers au gouvernement, un tiers à la majorité et un tiers à l'opposition- se trouve de fait bafouée. Le temps d'expression médiatique du Président devrait donc être décompté par le CSA dans celui du gouvernement. (Rires à droite). L'évolution institutionnelle revendiquée par le Président de la République rend cette règle des trois tiers obsolète : aujourd'hui, le Président « conduit la politique de la Nation » qu'il commente, d'ailleurs, plus qu'abondamment. Aujourd'hui, c'est le Président « qui gouverne » selon les propres termes de M. Sarkozy. Aujourd'hui, il est omniprésent dans les médias. Dès lors, cette règle des trois tiers doit être modifiée par le CSA.

M. Ladislas Poniatowski. - Il faut un quatrième tiers ! (Sourires)

M. Roland Courteau. - Quel est l'avis du Premier ministre sur ces deux questions ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication . - Concernant l'indépendance des journalistes, il suffit de regarder et de lire les différents médias pour être pleinement rassuré : il n'est donc nul besoin de légiférer sur ce point (Exclamations indignées à gauche tandis qu'on applaudit à droite).

M. Jean-Pierre Sueur. - Paris Match est un modèle du genre !

Mme Christine Albanel, ministre. - S'agissant du temps de parole du Président de la République, comme vous l'avez dit et déploré, le CSA ne considère pas qu'il puisse être assimilé à l'une ou l'autre des catégories que vous avez citées, qu'il s'agisse du gouvernement, de la majorité ou de l'opposition. (On le regrette à gauche tandis qu'on s'en félicite à droite) Ce faisant, le CSA ne fait que se référer à la jurisprudence du Conseil d'État relative à la place du Chef de l'Etat dans nos institutions. (Nouvelles exclamations à gauche) : le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ni d'un groupe politique (On ironise sur les mêmes bancs). Il est évident que le CSA ne peut s'affranchir de cette jurisprudence.

Je rappelle enfin que le CSA est une instance indépendante et qu'il n'appartient pas au gouvernement d'interférer dans les réglementations qu'il édicte. (Vifs applaudissements à droite)

Pas d'école le samedi (III)

Mme Catherine Morin-Desailly . - Comme une grande majorité des parents et des enseignants, je suis plutôt favorable à la suppression des cours dans le primaire le samedi matin (On s'en félicite à droite) Pour autant, la mise en oeuvre de cette disposition va poser quelques problèmes. Harmoniser les calendriers et les horaires des enfants permettra de répondre aux souhaits des parents en tenant compte de l'évolution des modes de vie des familles. Comme vous l'avez également évoqué, il faudra réfléchir à la suppression des cours du samedi matin au collège, afin que les fratries et les familles bénéficient pleinement de ce temps libéré.

Les élèves français font beaucoup plus d'heures que leurs petits voisins européens en primaire, mais beaucoup s'interrogent sur les conséquences de cette mesure sur les programmes. Que pouvez-vous nous dire en particulier sur les horaires aménagés des mercredis et des samedis matins ? Ne faudra-t-il pas prévoir une large concertation préalable, notamment avec les élus locaux, surtout les maires ? Nous souhaitons que vous réunissiez l'ensemble des acteurs concernés sur les rythmes d'apprentissage les mieux adaptés. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, engager cette concertation avec les collectivités territoriales ?

M. Ladislas Poniatowski. - Il n'y en a que pour lui, aujourd'hui ! (Sourires)

M. Xavier Darcos, ministre . - La suppression des cours n'est pas un but en soi. Sil est bon d'alléger la charge scolaire, encore faut-il que nous soyons d'accord sur les objectifs pédagogiques que nous voulons assigner à l'école primaire. Les discussions nous permettront de nous mettre d'accord sur les fondamentaux de l'enseignement à l'école.

Je persiste à penser qu'il est anormal que les parents aient du mal à comprendre les programmes qui sont imposés à nos enfants. (Murmures désapprobateurs à gauche) Il faut des programmes simples, clairs, lisibles, afin de fixer des objectifs qui soient partagés. (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. René-Pierre Signé. - Qu'a fait de Robien ?

M. Didier Boulaud. - Robien bon à rien !

M. Xavier Darcos, ministre. - La concertation a déjà commencé sur cette question et, dès la fin du mois, nous présenterons une première maquette qui servira de base aux discussions.

Concernant l'accompagnement éducatif, nous travaillerons avec les représentants des professeurs, mais aussi des associations culturelles et sportives car l'enfant est un tout.

Quant aux rythmes dans le primaire, il faudra que chaque année d'étude fixe des objectifs bien compris et partagés par tous afin que les élèves progressent suffisamment pour passer d'une classe à l'autre. (« Très bien ! » et applaudissements à droite) Nous n'accepterons plus que des enfants arrivent au collège sans avoir acquis les savoirs fondamentaux. C'est pourquoi deux heures supplémentaires d'enseignement seront dispensées aux élèves en grande difficulté afin qu'ils puissent réussir aussi bien que les autres. (Applaudissements à droite)

Dialogue social

M. Yannick Texier . - Monsieur le ministre du travail, vous avez présidé ce matin la première des trois conférences sociales promises par le Président de la République. Cette conférence tripartite, dont le rapporteur général est M. Larcher, fin connaisseur des questions sociales, réunit les partenaires sociaux et le Gouvernement autour de la question des conditions de travail. Le thème est d'actualité avec la volonté du Président de la République de réhabiliter la valeur travail et la réflexion engagée sur les nouvelles formes de pénibilité au travail à l'occasion de la réforme des régimes spéciaux. En effet, les conditions de travail peuvent être à l'origine de drames humains, ce dont témoigne la récente vague de suicides qu'a connue la France suite à une détérioration du climat dans certaines entreprises.

Aussi, je me félicite de la méthode que vous avez adoptée, celle d'une large concertation et d'un véritable dialogue social, avec l'organisation de sept réunions préparatoires en septembre.

Pouvez-vous dresser le bilan de cette conférence ? Êtes-vous parvenu à établir un diagnostic de la situation, à identifier les mesures à prendre et à définir un calendrier avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Ce sujet d'importance, le Gouvernement et les partenaires sociaux l'ont abordé avec sérieux. La conférence s'est terminée ce matin, elle ne sera pas sans lendemain !

Précédée de soixante-dix heures de débat organisé par M. Larcher, rapporteur général et ancien ministre du travail (« Bravo ! » et applaudissements à droite), elle a été l'occasion pour le Gouvernement et les partenaires sociaux de se pencher sur la question de la pénibilité du travail. Pour travailler plus, et aller chercher la croissance, il faut travailler mieux, il faut que les Français se sentent bien au travail !

Nous avons décidé de mettre en place des indicateurs pour mesurer le stress, ces troubles psychosociaux dont nous ne parlions pas hier et, pour être franc, que nous avons du mal à appréhender aujourd'hui, afin d'y faire face, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Pour aider les entreprises qui investissent dans l'amélioration des conditions de travail, le Gouvernement débloquera 50 millions, soit un effort supplémentaire de 25 %, et attribuera 4 millions au Fonds pour l'amélioration des conditions de travail. Si cela est nécessaire, nous ferons un effort supplémentaire dès 2009.

Ensuite, nous avons décidé de renforcer le dialogue social au sein des entreprises, afin que les huit millions de salariés des très petites entreprises en France aient la possibilité, eux aussi, de discuter de leurs conditions de travail.

Enfin, nous avons abordé la question du renforcement des compétences des membres des comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail. Un accord sera négocié dès la semaine prochaine en ce sens dans le secteur de la découpe de la volaille, secteur pénible s'il en est.

Bref, le dialogue social fonctionne et va nous permettre d'avancer ! (Applaudissements à droite et au centre)

EADS

M. Pierre-Yves Collombat . - EADS, l'un des plus beaux fleurons de l'industrie européenne, traverse depuis mai 2005 une zone de turbulences. Résultat : un plan de suppression de 10 000 emplois et une chute de 35 % du titre. Seule l'oligarchie, qui sait et qui dirige, est sortie indemne de cette crise en faisant fructifier ses stock options avant de retirer ses billes à temps ! (On approuve à gauche) Au premier rang l'ex co-président, Noël Forgeard, et les groupes Lagardère et Daimler. Entre mai 2005 et juin 2006, 1 200 petits futés ont vendu 10 millions de titres et empoché 90 millions de plus-value !

Dans Le Figaro, on apprend que la note de l'AMF transmise au Parquet de Paris conclut à un délit d'initiés massif. On apprend aussi que Thierry Breton, alors ministre des finances, a été informé de la situation par l'Agence des participations de l'État, qui conseilla un désengagement rapide, ce qui ne sera pas fait.

Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal que l'on confie la stratégie industrielle de la France à des boursicoteurs ? (Exclamations à droite) Trouvez-vous normal qu'un ministre de la République n'ouvre pas d'enquête, ce que les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient réclamé, (On s'en souvient sur les bancs socialistes) sur des manoeuvres portant gravement atteinte à nos intérêts industriels ?

D'après les déclarations de M.  Breton, la procédure de revente des actions était parfaitement transparente... Si cela est vrai, cela signifie que l'on peut mettre en pièce notre industrie sous le regard impassible de l'État ! Hier soir, tard dans la nuit, le Gouvernement et sa majorité ont traqué les fraudeurs à l'immigration jusque dans l'ADN des enfants. (Protestations à droite) Ne pensez-vous pas qu'il est tout aussi urgent de vous préoccuper des émigrés de la finance qui menacent notre identité industrielle et nos emplois ? (Vifs applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre . - Les faits reprochés à certains dirigeants d'EADS sont très graves (« Certes ! » à gauche), il faut donc faire preuve de retenue dans ses commentaires (Rires à gauche) et attendre l'issue des procédures. L'AMF a ouvert une enquête et a fait savoir qu'elle rendrait ses conclusions définitives début 2008. La justice est saisie. Dans un État de droit (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), on doit s'abstenir de tout commentaire sur la culpabilité de quiconque avant que la justice n'ait fait son travail, chacun devrait le comprendre au Sénat !

L'État ne s'est prêté en aucune façon à une manoeuvre supposée de liquidation d'actions par des porteurs privés pour la simple et bonne raison que toute intervention de l'État, français ou allemand, est interdite par le curieux pacte d'actionnaires qui, faut-il le rappeler, a été négocié par une autre majorité !

M. Charles Revet. - Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre. - D'où les efforts du Président de la République et de Mme Lagarde pour modifier la gouvernance d'EADS...

M. Yannick Bodin - Rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. - Cette affaire est une affaire privée (Protestations à gauche) Gardons-nous de jeter l'opprobre sur un groupe industriel européen stratégique qui, après avoir connu une crise de croissance, renoue avec le succès.

Elle enregistre des commandes qui la ramènent au niveau de son concurrent américain. Le succès de l'A 380, le succès du lancement de l'A 350 montrent qu'elle est sur la bonne voie et mérite d'être accompagnée par les pouvoirs publics dans un succès qui devrait faire la fierté de la France et de l'Europe. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre.)

M. Didier Boulaud. - Encouragez les patrons voyous !

M. le président. - Je signale que la commission des finances, ainsi que son président pourra vous le confirmer, procèdera prochainement à une série d'auditions sur cette affaire.

M. Jacques Mahéas. - Il faut une commission d'enquête !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous avons en effet décidé d'entendre un certain nombre de responsables afin de dissiper tous les soupçons. (Applaudissements sur quelques bancs de l'UMP.)

Financement de l'école privée

M. Michel Houel . - La circulaire du 6 septembre 2007 qui, tient compte des motifs de forme soulevés par le Conseil d'État relatifs à la circulaire de décembre 2005 sur la participation des communes de résidence au financement des écoles privées extérieures suscite de vives réactions de la part de maires dont je me fais aujourd'hui l'interprète.

Les élus locaux et l'enseignement catholique étaient parvenus à un modus vivendi. Ils s'étaient entendus sur le fait qu'une commune de résidence ne pouvait se voir imposer une prise en charge de scolarité que dans le cas où elle ne possèderait pas d'école publique, où la capacité d'accueil serait insuffisante ou dans le cadre des règles classiques des dérogations qui s'appliquent au secteur public.

Il s'agit d'un simple principe d'équité et de justice. Il ne serait pas acceptable qu'un maire soit obligé de payer deux fois, pour sa propre école et pour l'école privée de la commune voisine.

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Michel Houel. - Les maires de certaines communes rurales ont beaucoup de mal à maintenir leur école ouverte et supporteront donc mal de voir partir, aux frais de la commune, leurs élèves.

Président de l'Union des maires de mon département, je reçois les doléances des élus, qui pour la plupart, ne sont pas disposés à payer.

Loin de moi l'idée d'intervenir contre l'enseignement privé, dont je reconnais la qualité. Je comprends que certains parents choisissent de lui confier leurs enfants. Mais nous savons tous quels efforts consentent les maires pour offrir à leurs administrés des établissements scolaires de qualité.

Ne pourrions-nous, monsieur le ministre, faire de ce modus vivendi la règle ? ((Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs au centre et à gauche.)

M. Xavier Darcos, ministre . - Le sujet est en effet difficile, d'autant que cette circulaire avait été prise sur proposition sénatoriale (Murmures.)

Nous souhaitons privilégier le dialogue entre les communes plutôt que la coercition. La circulaire n'est appelée à s'appliquer que lorsqu'un accord n'a pu être trouvé, et nous savons que le cas est rare. Il est alors fait appel à l'arbitrage du préfet.

C'est un dispositif d'équité, qui garantit aux familles la liberté de choix et aux communes qu'elles ne paieront pas deux fois.

L'accord national conclu avec l'enseignement catholique ne pouvait servir de base juridique solide. La circulaire du 6 septembre prend en compte les problèmes de forme soulevés par le Conseil d'État. Le nouveau texte a fait l'objet d'une lecture très attentive, en amont, de l'Association des maires de France, pour faire disparaître certaines dépenses obligatoires comme le contrôle des bâtiments, la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles, où les dépenses relatives aux activités extrascolaires. C'est donc un texte amélioré que nous vous présentons, dans une perspective d'harmonisation, de dialogue et d'apaisement. (Applaudissements sur quelques bancs de l'UMP.)

Conditions d'interpellation des sans-papiers

M. David Assouline . - On peut regarder ailleurs quand on passe devant une soupe populaire des Restos du coeur, que l'on voit des policiers interpeller, pour les expulser, de pauvres gens qui viennent avaler un bol de soupe. (Exclamations à droite)

On peut passer son chemin quand on voit un grand-père se faire arrêter devant son petit-fils qu'il est venu chercher à l'école.

On peut rester indifférent devant le nombre d'enfants, fréquentant les mêmes écoles que les nôtres, qui vont en classe tous les jours la trouille au ventre, sans savoir s'ils retrouveront leurs parents au retour, sans savoir si c'est le jour où leur vie va basculer. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

On peut poursuivre ses vacances le coeur tranquille quand on apprend, le 9 août, qu'un enfant russe de 12 ans a chuté du 4ème étage d'un immeuble à Amiens en fuyant la police venue arrêter son père et sa mère...

M. Bruno Sido. - Démago !

M. David Assouline. - ... n'être en rien troublé, le 12 septembre, quand c'est un homme d'origine maghrébine qui tombe du quatrième étage d'un immeuble, à Roussillon-en-Isère, pour échapper aux gendarmes venus l'interpeller ; n'être pas bouleversé d'apprendre que, dans le quartier de Belleville, le 21 septembre, Mme Zhang, chinoise de 51 ans, est morte après s'être jetée du premier étage pour tenter d'échapper à ce qu'elle croyait être une rafle. (Protestations à droite)

On peut trouver normal qu'un ministre convoque les préfets pour les sommer de faire du chiffre, ce qu'un syndicat de policiers dénonce comme « de l'abattage ».

On peut accélérer le pas, quand on prend le métro, en voyant se multiplier les contrôles aux faciès destinés à remplir les objectifs du ministre. (« Assez ! » sur plusieurs bancs à droite)

On peut s'habituer à voir ce même ministre donner des instructions aux préfets, rappeler à l'ordre les élus qui parrainent des sans-papiers, ou même ceux qui accordent à leurs familles des aides sociales...

M. Dominique Braye. - Démago !

M. David Assouline. - ... et trouver normal qu'un élu soit incité à contrevenir au code pénal, qui enjoint de porter assistance à une personne en danger, et appelé à participer, comme délateur, aux basses oeuvres des services de police. (Protestations à droite)

On peut réduire à une mesure technique l'introduction des tests ADN dans une loi dont le but est de rendre la vie en famille impossible aux travailleurs immigrés régulièrement installés sur notre territoire, quand de toute évidence il s'agit d'une rupture éthique et philosophique profonde avec notre tradition républicaine et notre conception de la famille.

M. Alain Gournac. - Démago !

M. David Assouline. - On peut tout cela, monsieur le ministre, et se réveiller un jour dans une autre société, où l'indifférence aux autres, le repli sur soi et sa communauté, auront laissé s'installer un autre ordre en lieu et place d'une République fraternelle et métissée.

Quand cesserez-vous, monsieur le ministre, de sacrifier notre « vivre ensemble » et les immigrés sur l'autel de votre campagne électorale ininterrompue et démagogique ?

M. Dominique Braye. - Qui est démago ?

M. David Assouline. - Quand consacrerez-vous votre énergie et celle de la police à lutter contre les violences qui ne cessent d'augmenter, année après année, dans nos quartiers populaires, et dont les premières victimes sont les immigrés et leurs enfants, souvent Français, qui y vivent ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre . - Si j'ai bien compris votre question, posée sur un ton relativement modéré (rires à droite) vous m'interrogez sur les conditions d'interpellation des étrangers en situation irrégulière. Permettez-moi de préciser un fait, un principe, une exigence.

Commençons par le fait. Vous avez évoqué à juste titre l'accident mortel survenu à Mme Chulan Zhang. Je ne mets pas en doute votre honnêteté intellectuelle. (Marques de réprobation à droite) Comme vous, j'ai appris avec tristesse le décès de cette personne,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Elle a été tuée par la peur !

M. Brice Hortefeux, ministre. - ... qui se trouvait dans un immeuble où la police est entrée à la suite d'une décision du parquet, lui-même saisi d'une plainte déposée par un Chinois contre un autre Chinois. (Sur les bancs socialistes, on répète le mot « peur »)

Sur le plan des principes, étant ministre de la loi, je la ferai respecter. Par suite, sauf cas particulier -c'est peut-être ce qui nous différencie- j'estime que tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine. (Applaudissements à droite) J'affirme simultanément que tout étranger en situation régulière (« et vivant » ajoute-t-on sur les bancs socialistes) doit bénéficier d'un effort d'intégration. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre. Il ne s'agit pas de faire du chiffre. (On en doute très vivement à gauche) Simplement la France, comme tout pays, peut choisir ceux qu'elle accueille.

J'achèverai ma réponse avec l'exigence : nous devons protéger les personnes immigrées, premières victimes des réseaux de passeurs et des marchands de sommeil.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils ne se portent pas mal !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je vous donne la primeur d'un chiffre : au cours des huit premiers mois de cette année, 2 366 passeurs ont été interpellés, soit 23 % de plus que pendant la même période l'an dernier. La hausse atteint 98 % par rapport à 2004.

Évitons la générosité en trompe-l'oeil et la fausse naïveté, qui suscitent des catastrophes. (Applaudissements au centre et à droite)

Maladie d'Alzheimer

Mme Christiane Kammermann . - Le Président de la République a déclaré la guerre à la maladie d'Alzheimer, dont les malades souffrent de troubles intellectuels, psychologiques et physiques.

Le vieillissement de la population a fait exploser le nombre de ses victimes : évaluée à 350 000 en 2000, elle serait quelque 850 000 aujourd'hui, atteintes par la maladie d'Alzheimer ou des troubles apparentés. Chaque année, 225 000 nouveaux cas sont repérés. On pourrait dénombrer 1,3 million de malades en 2020 et 2,1 millions en 2040. Frappant presque toutes les familles, cette maladie constitue l'une des principales causes de dépendance des personnes âgées.

En attendant la promesse d'un vaccin, seuls quelques médicaments pris dès le début et une prise en charge adaptée peuvent éventuellement ralentir un processus qui s'étale sur plusieurs années. La maladie d'Alzheimer requiert donc une assistance permanente et prolongée, extrêmement éprouvante pour les proches, et coûteuse si des professionnels doivent intervenir.

Le 3 septembre, le chef de l'État a créé une commission chargée d'élaborer contre cette pathologie un plan quinquennal d'action allant jusqu'en 2012, afin de diagnostiquer la maladie mieux et plus rapidement. Il est également prévu d'améliorer la prise en charge et de mieux respecter la préférence du maintien à domicile.

Ma question porte sur le sort de nos 2 400 000 compatriotes de l'étranger.

Comment pourront-ils bénéficier de ce plan ? Envisagez-vous de créer des structures d'accueil au mois en Europe ? Seront-ils aidés financièrement pour maintenir leurs parents à domicile ? Prendrez-vous des mesures spécifiques en faveur des Français de l'étranger subissant une perte progressive d'autonomie ? Enfin, ne faudrait-il pas envisager une campagne d'information spécifique ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports . - La maladie d'Alzheimer est source de drames sanitaires, sociaux et familiaux. C'est pourquoi le Président de la République lui a consacré un plan prioritaire. Le 3 septembre, il a installé une commission présidée par le professeur Joël Ménard pour étudier toutes les implications de la maladie : prise en charge, malades jeunes, traitement, recherche.

Lorsque la représentation nationale examinera le projet de loi de financement de sécurité sociale, des financements fléchés lui seront proposés.

Le 21 septembre, à l'occasion de la journée mondiale de la maladie d'Alzheimer -consacrée cette année aux patients jeunes- le Président de la République a annoncé que les propositions de la commission feraient l'objet d'un débat public piloté par M. Xavier Bertrand, Mme Valérie Pécresse et moi-même.

Bien sûr, les Français résidant à l'étranger bénéficieront du plan, même s'il appartient à chaque pays de créer les institutions d'accueil. Pour informer nos compatriotes, nous pourrions diffuser un télégramme diplomatique à nos représentations afin de faire connaître les conclusions de la commission présidée par le professeur Ménard. Je compte également réunir les attachés sociaux auprès de nos ambassades pour qu'ils puissent compléter les informations mises en ligne sur les sites des affaires sociales et du Quai d'Orsay.

Nous comptons faire de la maladie d'Alzheimer un des axes forts de la présidence française du Conseil européen, dans quelques mois, et plus particulièrement du conseil Santé que je présiderai. (Applaudissements à droite.)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance reprend à 16h 30.

Grenelle de l'environnement

M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du gouvernement, suivie d'un débat, sur le « Grenelle de l'environnement ».

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. - Mme Kosciusko-Morizet, M. Bussereau et moi sommes très heureux que vous ayez accepté de débattre en ce moment intermédiaire du Grenelle de l'environnement. Je veux d'abord rendre hommage au travail de Jean-François Legrand et Marie-Christine Blandin, couple improbable, (Sourires) de Jean Bizet, de Françoise Keller, de Marcel Deneux, d'Evelyne Didier, de Claude Saunier, de Pierre Laffitte...

M. le président. - Merci de ce compliment justifié et auquel nous sommes sensibles.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - J'insiste car ils ont été en charge de sujets extrêmement délicats et ont permis aux groupes et intergroupes d'aller jusqu'au bout de leur logique. Je veux aussi saluer M. Sido et M. Paul Raoult, mon complice du Nord-Pas-de-Calais qui préside un parc naturel régional dont nous fêterons demain le quarantième anniversaire. Je remercie encore vos présidents de commissions, et plus particulièrement Jean-Paul Emorine, de leur expertise. Ce dialogue régulier et franc se prolongera sur les cinq années à venir.

La présentation des huit rapports est un succès que nous devons aux présidents et rapporteurs des groupes, ainsi qu'à leurs trois cents membres issus des entreprises, des syndicats, des ONG qui tiraient la sonnette d'alarme, des élus, des représentants de l'État : tous sont entrés de manière authentique dans le débat au lieu de camper sur leurs positions.

Les Français, il est vrai, avaient tranché auparavant, qui nous ont confié un mandat impératif : 93 % d'entre eux sont prêts à agir pour l'environnement. Le changement d'attitude est clair. Nos compatriotes savent que pour lutter contre le réchauffement climatique, les déclarations d'intention, les rencontres de chefs d'État ne suffisent pas mais qu'il faut un ensemble de décisions individuelles car il y a un lien entre leur façon d'être et l'état de la planète. La dégradation de notre environnement se voit à l'oeil nu. La banquise fond plus vite qu'on ne l'avait prévu, le climat s'est dégradé, la Sicile brûlant sous la canicule tandis que l'Angleterre subissait des inondations. L'eau, l'air sont pollués, il a fallu interdire la pêche dans le Rhône. Les Français savent que cela résulte de l'activité humaine.

Qui ne comprend que la défense de leur qualité de vie et de celle des générations futures est un même combat ? Qui ne voit que le gaspillage des ressources énergétiques conduit à l'augmentation des charges locatives ? Qui ne sait la nécessité d'un chantier thermique pour un habitat plus économe ? Qui ne sent que nous devons changer de mode de vie pour un développement durable qui n'est pas synonyme de restrictions ? Peut-on se résigner à ces files de camions quasiment à l'arrêt sur des autoroutes saturées alors que les voies ferrées sont désertes ?

Comment convertir l'essai ? Le Grenelle de l'environnement doit nous aider à définir un programme, les lois d'orientation que le Parlement évaluera, appréciera, modifiera. Nous avons voulu que cette démarche se développe le plus largement possible sur la base du volontariat ; des débats territoriaux ont été organisés dans une quinzaine de villes. C'était nécessaire, était-ce suffisant ? Il faut plus de réunions et nous en organiserons d'autres...

M. Thierry Repentin. - Très bien !

Mme Dominique Voynet. - En Midi-Pyrénées ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Le président du conseil général du Gers a été sollicité, les choses avancent.

Pourquoi ce Grenelle ? Parce que le Gouvernement a la conviction que le changement n'est pas possible si toute la société ne se mobilise pas. A côté de l'État, il y a d'autres acteurs, qu'il faut convaincre et aider à créer des emplois en faisant le choix du durable plutôt que du jetable. Car il ne s'agit pas d'opposer développement et protection de la planète mais bien de lier les deux. C'est à notre portée, nous en possédons les talents et les services pour y parvenir avec 62 millions de Français.

Le diagnostic a été hiérarchisé en fonction de ces convictions : personne ne détient la vérité absolue parce que la connaissance scientifique n'est pas parfaite ; nous ne pouvons pas compter sur une correction spontanée des grands équilibres économiques car le marché a besoin d'être orienté ; la technologie ne suffira pas à nous faire basculer vers le développement durable  mais il faut une action collective, transversale et décloisonnée -l'isolement, c'est l'échec !

Les volumineux rapports de travail, que chacun peut consulter, démontrent déjà des orientations consensuelles.

Nous devons, d'abord, exploiter le formidable potentiel de croissance de nouveaux secteurs d'activité : énergies renouvelables, bâtiment -lequel représente 42 % de notre consommation finale d'énergie, il y a cinq mètres carrés de bâtiment public par Français, un véritable gisement d'économies d'énergie ! Les masses sont colossales, notre retard est important, nous avons de quoi lancer le grand chantier thermique que M. Sido appelait de ses voeux dans un récent rapport !

La protection de l'environnement, ensuite, ne doit pas servir de prétexte à une hausse globale de la fiscalité. Celle-ci doit servir à orienter le comportement de nos compatriotes, mais certainement pas devenir une variable d'ajustement budgétaire !

M. Gérard Delfau. - C'est bien vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Envoyer des signaux, oui, mais pas question d'utiliser la fiscalité écologique pour dénicher un « rendement caché » et augmenter insidieusement les prélèvements obligatoires : ce serait rompre le contrat passé entre notre majorité et les Français !

Troisième principe : personne ne doit être laissé dans une impasse. On ne peut pas demander aux Français de changer de voiture, de comportement, sans leur proposer des alternatives efficaces et crédibles. Je ne veux aucune interdiction sans solution, aucune injonction sans accompagnement !

Quatrième principe : nous devons agir au plus près des réalités quotidiennes, aux échelles du quartier, de la ville, de l'agglomération. Les grands principes ne remplaceront jamais un métro, un tramway, un service de bus adapté aux rythmes de vie, des pistes cyclables !

M. Thierry Repentin. - C'est vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Nous nous sommes mis d'accord sur le diagnostic et sur des principes d'action communs. Reste à définir les 15 à vingt chantiers structurants pour les années à venir. Je ne chercherai pas à annoncer à l'avance les résultats du Grenelle de l'environnement : ce n'est pas le contrat passé entre le gouvernement et les parties prenantes, je me présente devant vous pour vous dire où nous en sommes et vous entendre. Le Grenelle de l'environnement n'est pas non plus une machine à fabriquer du consensus, nos devons répondre aux attentes des Français.

M. Roland du Luart. - Très bien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Nous devons hiérarchiser nos priorités avec, d'abord, un vaste plan de maîtrise de la consommation d'énergie. La meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas : la facture baisse avec la demande, commençons par les secteurs où les gisements d'économies sont les plus importants, en particulier le bâtiment.

L'outre-mer dispose de formidables ressources pour atteindre l'autonomie énergétique. Il faut rompre avec le modèle métropolitain : l'outre-mer, grâce auquel la France représente 8 % de la biodiversité, peut devenir une vitrine mondiale du développement durable, avec ses propres modes de production, de consommation de l'énergie, de traitement des déchets.

Les transports recèlent également des gisements importants d'économies d'énergie. La politique des transports passe par de nouvelles infrastructures, mais aussi par des modes de transport faiblement émetteurs : le rail, la voie fluviale, le transport maritime et les transports en commun. Il faudra une offre de services nouveaux, une organisation plus concurrentielle du secteur et une nouvelle façon de programmer nos infrastructures. Plus de tramways et de trains de fret là où leur compétitivité globale est meilleure que la route ou l'avion. S'y ajoutera un volet technologique, indispensable mais pas suffisant, pour réduire les pollutions des véhicules, et une évolution de la réglementation.

La biodiversité doit devenir une nouvelle dimension de l'action publique. On sait aujourd'hui qu'avec l'extinction de certaines espèces, c'est l'avenir de l'Humanité qui est en jeu !

Il faudra aider les Français à mieux consommer, par des actions quotidiennes. C'est le sens de l'étiquetage énergie, de la limitation du nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, du développement des produits « bio ».

Enfin, il faudra cesser d'opposer artificiellement agriculture et écologie : elles se complètent naturellement ! Notre filière agro-alimentaire est un atout, préservons sa capacité à produire tout en respectant l'environnement. Nous avons une obligation de résultat en matière de qualité de l'eau et de santé : cela suppose une réduction des pesticides, de même pour les produits polluants en général.

Beaucoup d'autres sujets sont sur la table, par exemple le retard inacceptable de notre pays en matière d'assainissement : cent quarante six stations d'épuration ne sont pas encore en conformité ! Je souhaite que le Grenelle de l'environnement soit l'occasion de lancer un grand plan de rénovation avec des objectifs chiffrés !

L'Etat doit se montrer exemplaire : il n'imposera rien ou n'incitera à rien s'il n'est pas capable de montrer l'exemple. Ce n'est pas toujours facile : nous avons constaté, avec le plan carbone, combien l'action était difficile au sein même de nos ministères. Nous devons déceler, à tout moment, les gains possibles de productivité durable : toutes les entreprises qui se sont livrées à l'exercice, en ont tiré des avantages de productivité.

Je voudrais, pour terminer, délivrer trois messages.

D'abord, sur le rôle du Parlement vis-à-vis du Grenelle de l'environnement. Les parlementaires ont apporté une contribution décisive aux conclusions des groupes de travail, mais le Parlement ne constitue pas l'un des cinq collèges. C'est que le Parlement de la République débat des grandes orientations, il n'est pas un segment de la société. Vous pouvez certes contribuer à l'effort de façon opérationnelle, avec un plan carbone dans vos bâtiments (Sourires), mais votre rôle sera d'abord de débattre et d'adopter une grande loi d'orientation.

Deuxième message, notre action ne peut pas être isolée. Nous vivons un tournant, avec le désir de changement, avec la présidence française de l'Union européenne, avec la conférence de Bali : saisissons toutes nos chances !

Enfin, et c'est peut-être le principal, nous devons passer à l'acte. Nous sommes d'accord sur la méthode, sur la nécessaire ténacité. Reste à ne plus entretenir de conflits artificiels que la société française considère déjà comme dépassés. C'est une question de responsabilité et de bon sens ! Le développement économique et la protection de l'environnement ne s'opposent pas : les économies qui auront agi le plus tôt, seront plus compétitives que les autres !

Le 24 septembre à New York, lors de la conférence sur les changements climatiques, le Président de la République a rappelé qu'il fallait tout faire pour éviter le point de non-retour : un réchauffement climatique de deux degrés en 2050.

Si la température mondiale augmente de deux degrés, nous serons alors incapables de revenir en arrière.

Nous entrons donc dans un monde nouveau, celui de la rareté : rareté des ressources agricoles qui devront nourrir neuf milliards d'être humains, rareté de l'oxygène et de l'eau, rareté des ressources fossiles. Quel que soit le cas de figure, nous consommons aujourd'hui trop. Notre modèle économique doit donc être revu et, sans sombrer dans le catastrophisme, nous devons anticiper afin que notre économie soit plus sobre en énergie. C'est être gobeur que d'imaginer dans dix ans un baril de pétrole à 80 dollars.

Que ce soit pour des raisons humaines, sociologiques, géostratégiques, politiques, militaires, il nous appartient d'organiser, tous ensemble, la mutation de la société française dans la joie et la bonne humeur. Il est tout à fait possible de diviser par quatre nos besoins énergétiques et c'est pourquoi, au prix d'une certaine innovation démocratique, nous avons lancé le Grenelle de l'environnement. Il nous faudra bousculer quelques habitudes sans nous laisser intoxiquer par les surenchères : nous serons clairs, méthodiques, déterminés et responsables.

M. Steiner, responsable du programme des Nations-Unies pour l'environnement, rappelait il y a quelques jours à Rio que nous avions inventé une conférence des parties prenantes et il nous souhaitait bonne chance car si, en dépit de toutes ses ressources naturelles et ses richesses d'intelligence la France ne parvenait pas à instaurer une croissance durable, il y aurait du souci à se faire. Mais comme je suis convaincu que nous réussirons, nous redeviendrons, pour le reste du monde, une référence. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. - Dès la mise en place de votre large ministère, j'ai demandé à ce que les sénateurs soient représentés au sein du Grenelle. Au total, dix sénateurs auront participé aux différents groupes de travail : six ont été désignés par le Président du Sénat et quatre ès qualité ; sept d'entre eux sont membres de notre commission. Je tiens à saluer le travail remarquable effectué par nos collègues Jean-François Le Grand, Marie-Christine Blandin, Jean Bizet et Jean-Marc Pastor.

Parallèlement, j'ai créé, au sein de notre commission, un groupe de suivi du Grenelle, présidé par Bruno Sido et dont le rapporteur est Paul Raoult. Ce groupe est composé de seize membres répartis à la proportionnelle des groupes politiques et de tous les sénateurs participant au Grenelle. Il a permis à notre commission d'être informée en amont et d'assurer les échanges entre le Sénat et les groupes de travail du Grenelle.

Il est évident que les enjeux portés par le Grenelle et les décisions qui en découleront auront un impact décisif sur de nombreux domaines relevant de la compétence de notre commission. Nous aurons, pour nombre d'entre eux, à nous prononcer prochainement sur des modifications législatives et fiscales afin de les mettre en oeuvre.

Sans entrer dans le détail des nombreuses mesures adoptées par les groupes de travail, j'aimerais évoquer certaines d'entre elles. Une remarque de bon sens, tout d'abord : nous devrons impérativement réformer nos structures administratives et nos organismes consultatifs pour permettre de véritables ruptures dans les processus de décisions. Il nous faudra aussi rationaliser les structures existantes car jusqu'à présent, nous avons été incapables de supprimer les structures inadaptées ou obsolètes. Ainsi, si les missions du Conseil économique et social étaient élargies et si une Conférence des élus sur le développement durable était créée, il faudrait supprimer le Conseil national du développement durable.

Autre enjeu majeur du Grenelle : l'impact des transports en matière de développement durable. Ce secteur représente 26,5 % des émissions de CO2 et elles ont augmenté de 22 % entre1990 et 2005. Il est donc indispensable que le Grenelle fasse des propositions concrètes et que les mentalités évoluent. Nous sommes à un tournant de la politique publique des transports. Pour la première fois, le Grenelle a permis de confronter les analyses des transporteurs, des clients, des usagers et des défenseurs de l'environnement. Nous devons en profiter pour parvenir à des résultats concrets et tangibles. Notre commission a toujours été très attentive à ce dossier, comme le montre notre attachement de longue date aux transports ferroviaire et fluvial.

La mise en place de transports plus efficaces et plus respectueux de l'environnement prendra du temps et sera coûteuse. C'est pourquoi notre commission a créé une mission d'information présidée par Francis Grignon sur les infrastructures de transport terrestre et leur financement et ses conclusions sont attendues pour juin 2008. Cet exemple illustre bien les liens étroits qu'entretiennent aujourd'hui l'économie et l'écologie dans tous les secteurs.

La demande environnementale va créer de nouveaux métiers, de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises. Elle suscitera une offre de services qui sera un moteur de la croissance.

Mais il ne faudrait pas que de nouvelles exigences s'imposent trop brutalement à nos entreprises car on risquerait de casser l'économie traditionnelle qui fait aujourd'hui la prospérité de notre pays. S'il nous faut mettre de l'écologie dans l'économie, nous ne devons pas non plus oublier de placer l'économie au coeur de l'écologie. Les réglages devront donc être mis en oeuvre avec intelligence et pragmatisme.

L'écologie doit doper nos économies et assurer un développement durable de nos sociétés et de la planète mais elle ne doit pas étouffer la croissance. C'est pourquoi, je me félicite de présider une commission où toutes ces questions sont imbriquées et où les décisions législatives prennent toujours en compte les deux visages du défi environnemental. Je me réjouis également que votre ministère ne soit pas cantonné aux seules questions d'environnement mais englobe aussi l'énergie, le transport, l'aménagement et le développement du territoire. On ne pourra, en effet, progresser qu'en ayant une vision intégrée de ces questions afin d'éviter les pièges des dogmatismes, qu'ils soient productivistes ou environnementaux.

Le Grenelle de l'environnement a permis de réduire l'espace qui séparait les tenants du tout économique et ceux du tout écologique. Le dialogue entre les industriels et les associations vertes a permis, dans divers groupes, de dégager des solutions de compromis intelligentes. Ce processus démontre que tous les secteurs de l'économie ne pourront se développer qu'en prenant en compte l'environnement.

C'est pourquoi, après la phase du dialogue et des débats, il faut nous engager fermement dans une politique équilibrée qui allie préservation de notre environnement et développement de notre économie. (Applaudissements à droite et au centre)

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

M. Bruno Sido, président du groupe de suivi. - Je remercie le gouvernement de nous permettre de débattre des propositions élaborées par les groupes de travail du Grenelle de l'environnement et qui vont être soumises au débat public tout au long d'octobre.

Il était fondamental que la représentation nationale soit informée et puisse réagir. Nous aurons, en effet, pour nombre d'entre elles, à nous prononcer prochainement sur des modifications législatives et fiscales. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait sur de nombreux textes importants relatifs à la préservation de l'environnement et la prise en compte du développement durable.

Le groupe de suivi, constitué à l'initiative du président Emorine et que j'ai l'honneur de présider, a procédé à de nombreuses auditions qui se poursuivront en octobre. Nous avons prévu d'entendre les présidents ou vice-présidents de chacun des groupes de travail. Ceux que nous avons déjà reçus ont unanimement salué la richesse des débats sans taire l'existence d'oppositions fortes sur certains sujets. Preuve que le premier acquis du Grenelle de l'environnement est d'avoir réussi à faire travailler ensemble des interlocuteurs, autrefois peu enclins au dialogue, grâce au Président de la République et à une évolution forte des mentalités.

Nous avons auditionné M. le ministre d'État et Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie pour faire des points sur la procédure et le rôle que l'État entendait jouer. Durant la première phase, il importait en effet qu'il tienne lieu de facilitateur d'idées en mettant à la disposition de toutes ses capacités d'expertise sans a priori. Ensuite, la mise en oeuvre de certaines des décisions du Grenelle obligera nos administrations à se réformer.

Nous entendrons les associations des collectivités territoriales, qui, avec les lois de décentralisation, sont devenus des acteurs incontournables en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisme, de transports et de préservation de l'environnement. Ce sont les collectivités qui auront la charge de mettre en pratique nombre des décisions qui seront adoptées fin octobre.

Nous avons entendu les représentants des entreprises qui ont insisté sur la nécessité de ne pas « casser » la croissance, mais de la réorienter pour préserver l'environnement tout en dégageant les ressources nécessaires pour accompagner les mutations.

Nous avons aussi trouvé beaucoup d'intérêt à recevoir les associations de protection de l'environnement à la demande desquelles le Grenelle de l'environnement a d'ailleurs été organisé. Sans minimiser l'importance des débats sur l'énergie nucléaire, les OGM ou les infrastructures de transport, je salue leur participation constructive aux travaux.

J'en viens aux synthèses élaborées par les groupes de travail nos1 et 6, M. Sido se chargera de vous exposer les travaux des autres groupes.

Le groupe n°6, intitulé « promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi », avait pour tâche d'élaborer de nouveaux instruments macroéconomiques pour accompagner les changements économiques à venir. Partant de l'idée, que je partage, qu'il est possible de concilier environnement, développement économique et progrès social et de découpler création de richesses et consommation de ressources non renouvelables sans aboutir à une désindustrialisation, il a suggéré d'améliorer les indicateurs de développement durable, l'information écologique sur les produits et les services et de promouvoir une publicité responsable. A la suite du président Emorine, j'insisterai sur la nécessité à faire suivre la création d'un Observatoire sur les impacts par une rationalisation drastique des organismes existants. Le groupe n°6 a également proposé des mesures encourageant la recherche et le développement des technologies favorables à l'environnement ainsi que sur la sensibilisation et la formation à l'écologie et au développement durable, point qui ressortissait d'ailleurs aux travaux de tous les autres groupes. S'agissant des nouveaux outils économiques, la création d'une taxe intérieure sur les émissions de carbone pour les secteurs non couverts par le marché européen de quotas de C02, suscite encore de nombreuses questions : assiette de la taxe, ajustement aux frontières, impact macroéconomique.

Le groupe n°1, consacré à la lutte contre le changement climatique et la maîtrise de la demande d'énergie, a réaffirmé que nous souscrivions aux engagements fixés par le Conseil européen. Nous approuvons l'ensemble des propositions faites pour la rénovation des bâtiments existants et la construction, mais il faut fixer des objectifs réalistes. En effet, au-delà du problème du financement, se pose la question de l'offre en matériaux adaptés, en techniques de construction et en personnels qualifiés. S'agissant du secteur des transports, l'objectif est de ramener le niveau des émissions en 2020 à leur niveau de 1990 en encouragent le développement de modes de transport alternatifs à la route sans briser l'équilibre économique des secteurs concernés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Juste !

M. Bruno Sido, président du groupe de suivi. - Enfin, le débat sur les émissions moyennes de C02 des automobiles, l'intégration du transport aérien dans le marché européen des quotas de C02 et la création d'une fiscalité écologique doit avoir lieu au niveau européen. La présidence française de l'Union européenne devra être préparée dans ce sens.

Enfin, M. Jean Bizet, membre du groupe n°1, se voyant malheureusement retenu, m'a chargé de vous transmettre ses suggestions. Tout d'abord, il faut veiller à ce que chaque initiative soit compatible avec la Charte de l'environnement et fasse l'objet d'un chiffrage financier précis. Ensuite, parce que le Grenelle de l'environnement ne se terminera pas avec la dernière réunion, les décisions consensuelles qui seront arrêtées fin octobre pourront faire l'objet d'une loi-cadre. En revanche, une décision politique forte sera nécessaire sur les points plus controversés tels les transports, avec l'indispensable rééquilibrage des transports en faveur du rail ; l'énergie nucléaire qui, il faut le rappeler, permet à la France d'être l'un des pays européens les plus propres et de fournir de l'électricité à ses partenaires ; et enfin les biotechnologies, secteur dans lequel il faut distinguer le médicament de la chimie verte et de l'alimentaire. Dans ce dernier domaine, pour surmonter les résistances de la population, nous devons approfondir les recherches afin de nous prémunir des risques éventuels tout en ayant conscience de l'importance des enjeux de propriété intellectuelle. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas compléter, à cette fin, le projet de loi adopté par le Sénat en mars 2006 pour transposer la directive relative à la dissémination volontaire d'OGM lorsqu'il sera débattu à l'Assemblée nationale ?

Monsieur le ministre, il nous reste désormais à transformer l'essai, car la première phase du Grenelle de l'environnement a suscité beaucoup d'espoir ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Paul Raoult, rapporteur du groupe de suivi. - Je remercie M. Emorine d'avoir créé un groupe de suivi du Grenelle de l'environnement, dont j'ai l'honneur d'être rapporteur.

Je vais présenter les conclusions du groupe n°4 aux travaux duquel j'ai participé en tant que représentant de la Fédération des parcs naturels régionaux, et du groupe de travail n°2 consacré à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles.

Auparavant, quelques mots sur ce qui a été étudié par le groupe de travail n°5 sur les institutions et la gouvernance. Je me réjouis que l'expérience des parcs naturels régionaux depuis quarante ans inspire aujourd'hui des réflexions sur la nécessité d'inventer une démocratie écologique, alliant démocratie participative et démocratie représentative et réunissant acteurs publics et privés. J'insiste sur ce dernier point, car nous devons mettre fin au climat de défiance générale qui règne encore trop souvent aujourd'hui.

Les propositions du groupe sont tendues vers quatre objectifs. Le premier est de définir un statut des partenaires environnementaux et de définir les institutions qui devront les accueillir en leur sein.

Principale mesure, la réforme du Conseil économique et social, dont devrait être saisie la commission de réforme des institutions. Il conviendrait, parallèlement, d'envisager une réforme de la composition et du rôle des conseils économiques et sociaux régionaux.

La stratégie nationale de développement durable, laquelle devrait être validée par le Parlement, a donné lieu à des propositions visant à mieux associer les collectivités locales, qui mènent une action importante dans le domaine environnemental, comme la mise en place d'une conférence des élus locaux. Une réflexion sur le Conseil national du développement durable, dont le maintien ne se justifierait plus, devrait en être le corrélat.

Sur le troisième objectif, relatif au mode d'adoption des décisions, des propositions ont été faites quant à l'accès à l'information, l'expertise et la participation des citoyens. S'agissant des expertises, plusieurs groupes de travail ont émis des recommandations identiques quant à la nécessité d'en améliorer le pluralisme et la transparence. Pour répondre à la nécessité de former des experts, la mise en place d'une haute autorité a été envisagée. A été également évoqué le besoin de formation de commissaires enquêteurs, (Mme Voynet applaudit) qui manquent cruellement dans bien des domaines.

Quatrième objectif : prendre en compte la responsabilité des acteurs publics dans le développement durable. L'on s'est accordé sur la nécessité de tenir compte de la spécificité des PME pour qu'elles intègrent les mesures proposées, d'élargir les missions des comités d'entreprise et des comités d'hygiène et de sécurité.

Des points de convergence sont apparus entre le groupe de travail sur la biodiversité et celui sur les modes de production durables tant il est vrai que l'agriculture est le fruit de l'interaction entre l'homme et le milieu.

Cent quinze mesures ont été identifiées, autour de quatre grands axes visant à stopper la destruction de la biodiversité, moins connue que le réchauffement climatique, mais tout aussi préoccupante et surtout, irréversible. La proposition d'une « trame verte » et de corridors biologiques est conçue comme un instrument décentralisé d'aménagement durable du territoire. Il s'agit de préserver la biodiversité ordinaire et les fonctions des écosystèmes, en assurant les continuités et les proximités entre milieux naturels et en encourageant la densification urbaine.

Les critères juridiques font encore débat, notamment le caractère opposable aux tiers, mais il m'apparaît indispensable d'examiner cette proposition en étroite concertation avec les collectivités territoriales.

Je me félicite également de l'ensemble des mesures proposées pour atteindre un bon état écologique des deux tiers des eaux de surface en 2015, conformément aux objectifs de la directive-cadre. Il convient de renforcer les outils de la récente loi sur l'eau et les milieux aquatiques pour assurer la protection des points de captage, en faveur de laquelle il reste beaucoup à faire, en même temps que la maîtrise des pratiques culturales. Il faut aussi avancer sur la constitution de réserves quand elles s'avèrent nécessaires. Il est également indispensable de rattraper le retard dans l'application de la directive sur le traitement des eaux résiduaires urbaines.

Je présenterai le volet des mesures consacrées à l'agriculture en même temps que celles du groupe 4. S'agissant de la structuration des actions en faveur de la biodiversité, je souscris à l'idée d'une mission parlementaire et pourquoi pas une seule entité nationale, sous forme d'agence, regroupant l'ensemble des organismes existants.

En matière fiscale, il conviendrait de substituer à une fiscalité qui favorise la dégradation du milieu une fiscalité incitant à des comportements vertueux en matière de consommation d'espaces naturels ou de ressources vivantes. Le principe d'un basculement, à périmètre fiscal constant, peut cependant aggraver la situation des catégories les plus défavorisées, d'où la nécessité de prévoir des mesures de compensation. Certains préconisent la mise en place d'une écovignette, ce qui ne manquera pas de susciter, comme tout projet fiscal, des débats passionnés.

Le groupe de travail insiste également sur la nécessité de mieux faire connaître la biodiversité et les moyens de la préserver grâce au renforcement de la recherche scientifique, de l'expertise et au partage des connaissances ; en tant que président de parc naturel régional, je suis parfois ébahi par la méconnaissance des milieux naturels dont témoignent les populations. Les cours de sciences naturelles mériteraient d'être renforcés dans les lycées !

J'insiste enfin sur la nécessité de s'appuyer sur le monde agricole pour transformer en profondeur l'activité agricole. Nombreux sont les agriculteurs qui ont fait évoluer leurs pratiques et sont prêts à aller plus loin. Les organisations professionnelles agricoles ont participé de façon constructive au Grenelle de l'environnement et il faut s'en féliciter.

Parmi toutes les mesures proposées, la définition, dès 2008, de référentiels de certification, déclinés territoire par territoire, afin d'enclencher une démarche de certification des exploitations agricoles mérite d'être citée. Il serait intéressant d'encourager par des bonus les jeunes qui s'installent et choisissent le niveau maximal de certification ainsi que de proposer la qualification en haute valeur environnementales pour l'ensemble des exploitations des lycées agricoles, qui ne retiennent hélas pas toujours les meilleurs critères.

Aux labels administrés, comme l'AOC ou le label rouge, il est logique d'intégrer désormais le respect de certaines caractéristiques environnementales.

Il faut également, sachant qu'une part croissante du marché est couverte par des produits importés, conduire une action volontariste en faveur de l'agriculture biologique : meilleure structuration des filières, développement de circuits courts, révision de la réglementation applicable, particulièrement restrictive, en France, au regard de nos voisins exportateurs.

Autre priorité forte : la réduction des pollutions diffuses. Si l'ensemble des acteurs s'accorde sur un objectif général de réduction, le chiffrage de l'objectif et les moyens pour l'atteindre ne font pas consensus. Je pense, pour ma part, qu'il faut, à court terme, interdire les substances les plus dangereuses, à mesure de l'émergence de solutions alternatives, ce qui suppose la reconnaissance, au niveau communautaire, du principe de substitution. Le relèvement de la redevance pour les substances les plus dangereuses serait également un signal fort.

D'autres questions importantes ont été abordées qui méritent une réflexion et des mesures urgentes. Ainsi des économies d'énergie que permettrait une meilleure isolation des bâtiments anciens et des critères HQE sur les nouveaux bâtiments. Ainsi de la promotion du transport collectif, en particulier ferroviaire, et du transport fluvial pour les pondéreux.

De nombreux groupes ont fait des propositions concrètes pour mieux maîtriser le foncier, éviter le gaspillage de bonnes terres agricoles, contrer l'étalement urbain en utilisant mieux les outils que sont les PLU (plans locaux d'urbanisme) et les SCOT (schémas de cohérence territoriale).

Sur le nucléaire, beaucoup ont rappelé que la production d'électricité d'origine nucléaire permettait à la France d'être plus vertueuse que ses voisins, mais la question du traitement des déchets nucléaires et du coût de démantèlement des centrales nucléaires obsolètes reste un sujet de controverse.

Quart à la question des OGM, elle a fait l'objet de débats que tous se sont accordés à qualifier de sérieux, approfondis et fructueux. Je forme le souhait que la loi votée au Sénat soit rapidement examinée par nos collègues députés en y intégrant les réflexions du groupe du Grenelle. L'attente n'a que trop duré.

L'écologie est une question centrale pour l'avenir de notre société. Sommes-nous prêts à l'assumer ? Le virage à prendre est serré, tant les conséquences des changements climatiques sont déjà dramatiques. Trois voies méritent d'être suivies. L'une, morale, pour réformer les comportements individuels dans les gestes les plus quotidiens ; l'autre, politique, pour définir des normes de régulation du marché prenant mieux en compte l'environnement -reste à savoir où placer le curseur entre le contractuel et le coercitif, qui peut être parfois indispensable, comme dans le cas des champs captants ; la dernière, enfin, scientifique -énergies renouvelables, réduction de la consommation d'herbicide, de pesticides et d'intrants par les nouvelles technologies, de la consommation d'eau par des technologies de recyclage. Mais la science ne peut tout résoudre. Reconnaissons néanmoins qu'avec les variétés de semences, par exemple, on ne va pas toujours vers le plus rustique, pour lui préférer le plus productif. Un exemple de l'année : les variétés de pommes de terre qui résistent le mieux au mildiou.

Dans ce domaine, nous sommes au pied du mur. Nous devons bâtir un dispositif pragmatique à même de satisfaire les attentes fortes de la société, tout en sachant qu'il faudra du temps et des moyens pour réorienter la croissance.

Je souhaite un vrai débat sur les moyens à mettre en oeuvre afin que les choses soient considérées avec rigueur et sérieux. (Applaudissement à gauche.)

M. Pierre Laffitte. - On a beaucoup écrit sur le développement durable, notamment de nombreux rapports parlementaires. Des milliers d'heures d'études et des centaines d'auditions des meilleurs spécialistes mondiaux ont débouché sur des rapports proposant des mesures concrètes, pour la plupart inappliquées. C'est normal, car il faut une volonté politique forte pour agir, donc un consensus extrême entre l'opinion publique, le monde économique, l'État et les collectivités locales.

C'est ce qui a été obtenu au Grenelle de l'environnement, parce que vous avez pris le risque de réunir des gens que tout séparait. En effet, les élus locaux -qui s'efforçaient de développer l'activité, donc l'emploi des hommes- considéraient comme des gêneurs les groupes qui se préoccupaient davantage de grenouilles ou d'orchidées. Symétriquement, les écologistes jugeaient non indépendante les expertises scientifiques, fussent-elles conduites par l'Académie des sciences. Et le Grenelle de l'environnement a réussi la gageure de transformer les ennemis d'hier en partenaires d'aujourd'hui.

M. Gérard Delfau. - C'est vrai.

M. Pierre Laffitte. - Cette réussite extraordinaire n'était pas prévisible. Vous avez eu raison de prendre ce grand risque, car il a permis aux sociétés écologistes de parler à tout le monde. Désormais, élus, paysans, industriels et défenseurs de l'environnement se découvrent des points communs. Bravo !

Toutefois, les grandes avancées n'ont pas supprimé tout désaccord. Je citerai le nucléaire, les grands équipements et les biotechnologies. Hélas ! Il n'a guère été question de la culture scientifique et technique. Notre commission des affaires culturelles a pourtant créé sur ce sujet une mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider. Son rapport a été présenté par Mme Blandin et M. Renar. Tant que nous n'utiliserons pas mieux dans cette direction nos moyens nationaux -parmi les meilleurs sur terre-, les structures locales et l'enthousiasme du monde associatif, nous n'avancerons pas. L'Éducation nationale devrait développer notamment les sorties en usine pour diffuser la culture scientifique, technique et économique. Notre pays a énormément d'atouts, mais pas celui-là.

Nous devrons dépenser beaucoup d'argent, mais encore bien plus si nous attendons trop. Vous avez cité un prix Nobel, qui a repris les chiffres du rapport que nous avions présenté avec M. Saunier un an plus tôt. Plus nous attendons, plus il faudra fournir des efforts, au demeurant sources de croissance riche en emplois, car fondée sur l'innovation énergétique et biotechnologique, sans oublier les études sur une urbanisation quelque peu anarchique et la biodiversité.

Monsieur le ministre d'État, bravo et poursuivez votre ouvrage ! (Applaudissements au centre à droite. M. Saunier applaudit aussi)

M. Marcel Deneux. - En 2001, mon rapport sur les changements climatiques appelait à un vaste débat public afin de susciter l'indispensable prise de conscience à très grande échelle. Je me réjouis donc du Grenelle de l'environnement, où les associations, les acteurs économiques, les parlementaires et les citoyens ont pu apporter leur contribution. Depuis que tous les candidats à l'élection présidentielle ont signé le pacte écologique élaboré par M. Hulot, on peut parler de prise de conscience à l'échelle de la Nation. Aujourd'hui, l'environnement constitue la troisième préoccupation des Français, après le chômage et la pauvreté.

À ce jour, les groupes de travail ont achevé une première phase de propositions.

Tout d'abord, il existe désormais un consensus pour estimer que le climat de la planète changera, probablement du fait des activités humaines. Cela modifiera la situation d'individus, de pays et même de continents.

Ensuite, l'accord est général pour préconiser une modification durable de notre consommation.

Enfin, nous sommes tous conscients qu'il faudra agir vite dans tous les secteurs de la vie économique.

Ce bilan est très positif. Les groupes de travail ont formulé deux types de propositions : modifier nos comportements quotidiens, par exemple réduire la vitesse maximale de dix kilomètres à l'heure ; prendre des mesures structurelles pour réorienter nos infrastructures de transport.

Il faudra donc mettre des canaux au gabarit, achever de grands travaux en cours et repenser notre politique portuaire, car nous ne réussissons pas à valoriser notre énorme façade maritime. Notre volonté sera appréciée à l'aune de cette politique d'infrastructures. Comme parlementaire, il nous appartiendra de veiller au respect de ces orientations dès le prochain budget.

J'ajoute que certaines propositions figuraient déjà dans mon rapport de 2001. Pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments, j'avais ainsi proposé qu'une loi de programme organise la réhabilitation énergétique de l'existant. Que de temps perdu !

À ce jour, des points d'achoppement demeurent. Je pense au nucléaire, aux pesticides, aux OGM et à la place des incinérateurs.

Grâce au nucléaire, la France n'est pas mal placée quant à l'émission de gaz carbonique, dont elle produit 40 % de moins que l'Allemagne et 35 % de moins que la Grande-Bretagne. Il serait donc irresponsable de mettre en cause notre parc nucléaire, même si sa production doit être recentrée vers la demande de base. Parallèlement, il convient de favoriser les énergies renouvelables.

J'en viens aux OGM. Il ne faut pas tout refuser, car la connaissance du risque exige son étude, même si un isolement effectif est indispensable. Je regrette donc toute action susceptible de gêner les chercheurs. Les OGM permettront sans doute de mieux gérer l'eau, rendant un service analogue à celui des semences hybrides autrefois.

Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail.

Dans un second temps, il faudra garantir une coexistence des cultures. Pour les sénateurs centristes, chaque agriculture -qu'elle soit traditionnelle, biologique ou OGM- a sa place. Nous avons déjà défendu cette position lors de l'examen du projet de loi relatif aux OGM. Chaque agriculteur doit pouvoir choisir un type d'agriculture, sachant que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle du voisin.

Les mesures préventives sont actuellement trop modestes pour assurer la survie de l'agriculture traditionnelle et biologique. Il faut agir sur deux points. Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de lutter contre les disséminations possibles. Deuxièmement, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ? Il est également nécessaire de prévoir des mesures contraignantes pour que les disséminations soient limitées en aval, lors de la récolte, du stockage et du transport.

S'agissant des pesticides, les agriculteurs ont fait d'énormes progrès au cours des dernières années en limitant leur consommation. Ce mouvement doit se poursuivre, mais ses effets sur la qualité des nappes phréatiques ne seront visibles que dans l'avenir.

En ce qui concerne le traitement des déchets, l'enfouissement n'est pas une solution réaliste, à moins de vouloir faire une « archéologie des déchets ». Il est nécessaire de responsabiliser nos concitoyens, au besoin fiscalement, et d'encourager le tri sélectif. Par ailleurs, les nouvelles générations d'incinérateurs permettent de contrôler les rejets dans l'atmosphère.

Il faut agir afin que tout un chacun se sente partie prenante de la préservation de notre planète. Les propositions faites par les groupes de travail, qui vont encore s'enrichir lors du débat avec les citoyens, vont dans le bon sens. Mais nous ne pouvons faire l'économie d'une modification en profondeur des politiques publiques -en revoyant le rôle du Conseil économique et social, par exemple. Il est indispensable d'encourager la recherche, tant pour les énergies renouvelables que sur les moteurs « propres » ou la séquestration du C0². J'attire également votre attention sur la recherche océanique, car les océans jouent un rôle déterminant dans la modulation du climat.

Nous devrons revoir beaucoup de comportements liés à nos modes de consommation. Le rapport Stern a sensibilisé le monde économique, et cela contribue à la prise de conscience des décideurs économiques, voire financiers, et, par contagion, des décideurs politiques.

L'avenir avec des préoccupations environnementales fortes, ce n'est pas la croissance zéro. Pour relever le défi des nouveaux besoins et des nouvelles technologies, des investissements s'imposent, qu'il faudra financer par des financements privés avec plus ou moins d'incitations publiques.

Je souhaiterais vous soumettre une idée, monsieur le Ministre. Dans le département de la Somme, où j'habite, sont créées de nombreuses fermes éoliennes. Je me suis aperçu qu'en dehors des campagnes de sensibilisation, des enquêtes réglementaires de toute nature, l'acceptation de ces grandes machines est plus rapide dans les sites où on a pu faire participer financièrement les populations dans des coopératives ; cette formule gagnerait à être encouragée.

Connaissant un peu le monde bancaire, j'attire votre attention sur une forme d'épargne socialement responsable dans les modes de consommation durable. Il s'agit de l'investissement socialement responsable, jonction logique entre des modes de production durable et des modes de consommation durable. Et c'est de plus un axe de communication et de formation pour le grand public.

Monsieur le Ministre, vous avez beaucoup d'imagination et êtes donc en mesure de faciliter le développement de ce type de flux financiers. L'épargne peut aider à atteindre des objectifs de développement durable dont nous souhaitons tous que la France se dote rapidement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Darniche. - Monsieur le Ministre, vous avez ouvert, sur l'initiative du Président de la République, un débat essentiel pour le pays et la planète. Toutefois, le Grenelle de l'environnement ne doit pas être un simple cahier des doléances écologiques pouvant finir en testament des causes perdues... Au contraire, il doit agir en véritable force de propositions et d'actions collectives lisibles, viables et durables -c'est bien le mot qui convient.

Le sujet est vaste, aussi je m'intéresserai plus particulièrement aux OGM.

M. Philippe Darniche. - Le recours aux OGM suscite de très grandes inquiétudes.

Ces inquiétudes sont d'autant plus fondées que la justification du recours aux OGM pour lutter contre la faim dans le monde est un prétexte fallacieux et que leur utilisation se fait actuellement dans une totale opacité, quant à la localisation des surfaces cultivées et aux conséquences sur l'environnement de la dissémination de ces substances.

Dans un contexte de mondialisation de l'économie, de recherche de rentabilité à tout prix et de profits faciles, je m'oppose sans concession aux manipulations et modifications génétiques du vivant, qu'elles concernent l'humanité ou notre environnement. La brevetabilité du vivant -qui appartient au patrimoine inaliénable de l'humanité- ne peut être tolérée. Tant que la preuve scientifique et technique de la non-toxicité des OGM n'aura pas été démontrée, il est urgent d'interdire toute manipulation transgénique -à l'exception de la recherche fondamentale. S'ils engendrent des maladies à l'échelle d'une ou deux générations, il sera alors trop tard pour faire marche arrière

Le « Grenelle de l'environnement » se doit de rappeler les limites éthiques du développement des biotechnologies en matière agrochimique. La nature est généreuse, et l'homme en a tiré profit en fonction des progrès d'investigations techniques. Combien d'alcaloïdes, combien d'hétérosides ou autres substances issues du monde animal et végétal ont permis de soulager ou de guérir les plus graves affections ? La nature est généreuse, mais elle n'aime pas être violée. Quand l'homme ne la respecte plus, elle organise sa défense. On sait ce qu'il advint quand on a imaginé de nourrir des herbivores avec des farines animales... Quand on invente certains pesticides ou herbicides sans recherches approfondies sur l'innocuité de ces produits, on favorise des accidents de reproduction cellulaire chez l'Homme. Ne jouons pas à nouveau aux apprentis sorciers au motif qu'il s'agit de plantes et non d'humains et d'animaux. Consacrons tous nos efforts à la recherche fondamentale, dans des conditions optimales de sécurité. Prenons comme exemple les laboratoires de recherche sur les virus endémiques.

J'affirmerai pour conclure quatre exigences impératives qui font écho à l'hostilité de quatre Français sur cinq envers toute commercialisation d'OGM. Il faut, tout d'abord, imposer un moratoire sur les cultures en plein champ. Ensuite, l'utilisation des OGM doit être réservée à la seule culture en milieu confiné destinée à la recherche fondamentale. Il faut par ailleurs que les OGM soient contrôlés par des laboratoires indépendants des multinationales. La mission sénatoriale sur ce sujet ne nous a pas apporté les renseignements et les apaisements souhaités. Enfin, considérant que nous subissons déjà la présence de substances transgéniques dans notre alimentation, nous devons améliorer la traçabilité par l'étiquetage obligatoire de l'ensemble des produits alimentaires et signaler ainsi la présence d'OGM provenant d'animaux d'élevage nourris au soja ou au maïs transgéniques. Plus de 20 millions de tonnes d'OGM pénètrent chaque année dans la chaîne alimentaire européenne via l'alimentation animale.

Le Grenelle de l'environnement nous permet de revisiter tous ensemble le contrat naturel cher à Michel Serres. Nos compatriotes en attendent beaucoup. A la puissance publique de jouer son rôle de garant écologique et de régulateur économique. (Applaudissements à gauche. MM. Desessard et Delfau se déclarent heureusement surpris par l'orateur)

M. Claude Saunier. - J'aborderai ce débat au nom du groupe socialiste avec gravité, lucidité et humilité. Ce point de vue est largement partagé, si j'en crois votre propos introductif, monsieur le ministre.

J'ai eu l'occasion d'aborder ce sujet lors d'un rapport sur le pétrole, puis avec Pierre Laffitte à l'occasion de notre mission sur le développement durable. Nous avons réfléchi aux enjeux, à l'importance et à la réalité du problème. Nous nous sommes d'abord intéressé au climat et à l'énergie, et aujourd'hui à la biodiversité. A l'occasion de multiples rencontres, nous avons acquis la conviction que le phénomène est plus rude, plus grave, plus rapide, plus fort et plus important qu'il y a deux ou trois ans. Nous avons pris cette initiative car nous souhaitions que cette question soit placée au coeur du débat présidentiel.

Le résultat, grâce à quelques initiatives médiatiques fortes, a été au-delà de nos espérances. Cette interrogation collective sur l'avenir de la planète est désormais largement partagée. Je viens de participer aux premières assises interparlementaires sur le changement climatique organisées à l'initiative du Parlement européen et de la Commission : le monde politique, dans toute l'Europe, a enfin pris conscience de la gravité de la crise environnementale et de ses causes. Les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) y sont pour beaucoup. Cela conduit à nous interroger sur notre mode de développement et sur la nature de notre civilisation depuis la révolution industrielle. Nous avons consommé en trois siècles l'énergie fossile accumulée pendant six cents millions d'années !

La tenue d'un Grenelle de l'environnement, proposée par les associations et les ONG, avait été acceptée par les principaux candidats : il était donc normal que le Président de la République tienne cet engagement. La France doit aussi savoir faire preuve d'humilité : si notre parc nucléaire nous permet d'avoir de bons résultats en matière d'émissions de CO2, nous sommes loin d'être exemplaires dans d'autres domaines comme les normes, les déchets ou l'habitat...

Parmi les points positifs incontestables de cette initiative, le dialogue. Il n'était pas évident de réunir autour d'une table les représentants de la Ligue pour la protection des oiseaux et les représentants des chasseurs sans qu'ils se tirent dessus ! (Sourires) Le consensus sur le diagnostic a été immédiat, et l'on a enfin pris conscience que la science ne réglera pas tout : c'est l'orientation de notre société qu'il faut changer. Je salue le volontarisme et la participation active des uns et des autres lors de cette période estivale. Enfin, la focalisation médiatique a permis à nos concitoyens de mieux comprendre les enjeux.

Mais certaines insuffisances ont également été constatées. Sur la forme, les règles du jeu n'ont pas été définies d'emblée. Le rythme rapide choisi a permis à certains lobbies bien organisés de s'imposer, au détriment d'autres apports, notamment institutionnels. Quelle que soit la qualité des travaux et la force des propositions du gouvernement, on ne fera bouger la société que si tous les partenaires s'impliquent. Il faut agir sur le terrain, en associant étroitement les collectivités territoriales.

Sur le fond, le concept même de développement durable doit encore être précisé. Selon la définition donnée par Mme Brundtland en 1987, le développement durable est ce qui permet de « répondre aux besoins des générations actuelles et aux besoins des générations futures ». L'humanité doit toujours demeurer au centre de nos préoccupations.

Il faut également mesurer les conséquences sociales de la crise environnementale et des mesures destinées à l'enrayer. Nous n'avons pas encore compris que la résolution de la crise peut être une chance pour notre économie, l'occasion, pour notre industrie et notre agriculture de trouver un nouveau souffle, une nouvelle frontière. Le débat reste dominé par des préoccupations trop hexagonales, or les solutions devront être planétaires. Enfin, la voix de l'État a parfois été fluctuante : alors que vous invitiez à la rupture et à l'ouverture, vos représentants étaient parfois les deux pieds sur le frein... De même, la fermeture concomitante des gares de fret a envoyé un message politique douteux. (M. Delfau approuve)

J'en viens aux propositions. Premièrement, renforcer l'association entre l'État et les collectivités territoriales, par exemple via un contrat sur la conditionnalité environnementale. Deuxièmement, donner des gages à l'opinion publique dès le budget 2008.

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Claude Saunier. - Troisièmement, rendre au Parlement sa place centrale dans la réflexion, en mettant en chantier une grande loi cadre dès le premier semestre 2008, afin de poser les fondements d'une réorientation des grandes politiques nationales. Enfin, il faut défendre les positions novatrices de la France au plan international, que ce soit à l'OMC ou au FMI : on ne peut continuer à négliger les conséquences environnementales de nos choix. Le chantier est immense. Monsieur le ministre, soyez assuré que nous serons vigilants et constructifs. La balle est dans votre camp. (Applaudissements à gauche et au centre).

M. le président. - Vous avez parlé quinze minutes. J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole.

Mme Fabienne Keller. - Six groupes de travail, des propositions concrètes, un grand débat national. Les difficultés d'organisation ont été surmontées, tant bien que mal. Les obstacles ont été nombreux : détermination des ONG représentatives, bouclage des listes de participants, définition des groupes et des thèmes abordés, etc.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Et ce n'est pas fini !

Mme Fabienne Keller. - Paradoxalement, le calendrier serré a permis de densifier les débats. Une centaine d'actions opérationnelles sont sur la table. Les éléments sont prêts pour une véritable rupture, un changement de paradigme.

Il y a eu débat sur la démocratie extraparlementaire car les groupes de travail ont associé la société civile aux parlementaires. Certains députés ont pu s'en effrayer, les sénateurs un peu moins, semble-t-il. Tout cela a été facilité par l'extraordinaire maturité écologique des Français.

Le premier groupe de travail a proposé de diviser par cinq la consommation énergétique des maisons neuves ; c'est possible car à Freiburg, on construit des immeubles à énergie positive. Le deuxième groupe suggère d'introduire dans le calcul de la DGF les critères de biodiversité. Le troisième groupe recommande l'interdiction des produits phytosanitaires les plus dangereux. Le quatrième insiste sur la certification des exploitations agricoles et le cinquième souhaite la transformation du C.E.S. en Conseil du développement durable.

Je veux souligner le remarquable travail du président et du rapporteur du sixième groupe, et souhaiter qu'on publie une synthèse du rapport Landau. On peut concilier environnement et développement économique, ce qui passe par une profonde réorganisation de nos modes de production et de consommation. Un indicateur de croissance différent du PIB favoriserait l'émergence de nouveaux modes de développement.

Je veux à titre personnel insister sur trois propositions. Des éco-redevances permettraient de prendre en compte le coût de la pollution qui est toujours reporté, et pas toujours sur les bons acteurs ni pour un juste montant. Une redevance affectée à la recherche de solutions alternatives, d'abord, permettrait d'enclencher un cercle vertueux. Il faudrait ensuite inclure dans le prix des produits le coût d'élimination de leurs déchets -ce serait l'éco-conception. Je veux aussi plaider pour une mesure vraiment dissuasive contre les pesticides et les pollutions diffuses. On me dit que c'est trop tôt, qu'il vaut mieux compter sur le volontariat que sur la contrainte mais il faut tirer la sonnette d'alarme. La France est le troisième consommateur mondial de phytosanitaires et les pesticides sont la première cause de pollution de l'eau. Or l'on sait l'inertie des milieux aquatiques. Il ne s'agit pas d'incriminer une profession : les agriculteurs sont les premières victimes. Les consommateurs doivent aussi s'interroger : quand une pomme brille tellement que l'on peut se voir dedans, elle a subi entre huit et quinze traitements. Acceptons de reconsidérer nos attentes en termes de calibrage et d'aspect au profit de qualités gustatives.

Il faut enfin instaurer un péage kilométrique pour les poids lourds comme l'ont fait la Suisse et l'Allemagne, sinon ils viennent passer chez nous. Deux des groupes de travail se sont intéressés à l'éco-redevance des poids lourds. Nous pourrions appliquer la directive euro-vignette et reprendre l'expérimentation alsacienne de décembre 2005 si les décrets d'application étaient sortis. Certes, l'unanimité est requise en matière fiscale mais la présidence française doit nous permettre d'avancer.

M. Emorine a évoqué le transport ferroviaire. Le Grenelle de l'environnement n'a pas formulé de proposition très concrète pour financer le réseau ferré. Le TGV n'émet pourtant que 5,7 grammes de CO² au kilomètre par voyageur contre 111 pour le transport individuel et 180 pour l'avion. Le réseau TGV doit être développé.

S'agissant des transports urbains, comment trouver des financements durables pour un transfert modal ? J'espère disposer d'engagements précis à la fin du Grenelle. Les transports routiers contribueront-ils à l'éco-redevance ? Il s'agit de trouver une ressource pérenne pour l'AFITF après qu'on a perdu une occasion avec les redevances des sociétés d'autoroutes.

Il faut entendre le malaise de l'opinion sur les OGM et les critiques sur le manque de transparence du débat. Je suis pour ma part favorable à un moratoire des cultures en plein champ car je ne suis pas persuadée de l'innocuité des OGM ni de leur utilité.

L'eau a peut-être été trop absente de nos débats : il n'y a pas eu de groupe spécifique. La restauration de sa qualité est pourtant un enjeu stratégique qui exige des réformes en profondeur.

Il y aura un avant le Grenelle de l'environnement et un après. Vous avez décidé d'engager cette démarche, d'en faire une priorité publique, de partager le débat avec la société civile sans écarter le Parlement afin de rassembler les acteurs et tout cela en trois mois. Je salue cette démarche. Nous savons votre détermination et votre ténacité, vous pouvez compter sur l'engagement du Sénat pour répondre aux défis que vous avez décidé de relever. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Desessard. - Ça reste à voir !

M. Gérard Delfau. - Dans une rentrée morose et marquée par des débats vifs voire houleux au Sénat, celui-ci marque une pause, une échappée vers l'avenir. Nous quittons le quotidien pour nous tourner vers l'avenir de la planète avant de revenir vers notre quotidien mais en le regardant avec des yeux neufs, lavés des escarbilles. Le Grenelle de l'environnement a été une initiative heureuse et jusqu'ici utile. Les échanges ont été d'une grande hauteur de vues. Qu'en restera-t-il au moment des décisions politiques ? Voilà toute la question.

Je parlerai d'urbanisme durable : une révolution des esprits et des pratiques est en marche, le Grenelle de l'environnement la met au jour et en explore les pistes, c'est une très bonne chose. Je me réjouis de lire dans la synthèse du groupe de travail n°1, qu'il est temps de diffuser le label HQE pour les résidences principales et secondaires, de limiter l'étalement urbain de zones pavillonnaires sans âme et gaspilleuses d'énergie et de promouvoir les écoquartiers !

Cependant, une telle révolution exige une nouvelle répartition des ressources entre l'Etat et les collectivités locales : l'exemption d'impôt local ne suffira pas à soutenir le label HQE, ou bien on le cantonnera à l'expérimentation !

Une piste serait certainement de faire de ce label un critère de la DGF, première ressource des collectivités locales : ce serait annoncer sans équivoque, que l'urbanisme des années 1970 et 1980 est périmé !

C'est la première fois, monsieur le ministre, que dans cet hémicycle nous parlons d'urbanisme durable. Nous le devons à votre action et à celle des ONG : Merci ! (Applaudissements au centre et sur quelques bancs de droite)

Mme Évelyne Didier. - Thérapie de groupe ou lancement d'une véritable politique environnementale ? Les avis sont partagés : avec le Grenelle de l'environnement, le Président de la République montre qu'il entend l'inquiétude de l'opinion publique ; est-il prêt à engager pour autant une véritable politique environnementale publique ? Représentant le Sénat dans le collège des collectivités territoriales, j'ai participé volontiers à ces travaux : les politiques doivent être présents là où se retrouvent les forces vives de la société civile, même si l'exercice peut être critiqué.

Le terme « Grenelle » me semble impropre : l'original fut une avancée historique pour le pouvoir d'achat, les conditions de travail et la représentation des salariés. Le terme peut souligner l'urgence environnementale, mais si les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous aurons galvaudé cette belle référence historique. On parle aujourd'hui d'un Grenelle de l'insertion ; où s'arrêtera-t-on ?

Les participants n'ont pas le même statut, certains gèrent un budget, tous ne peuvent pas s'engager au sens contractuel du terme. Surtout, je crains une nouvelle charge pour les collectivités territoriales : elles savent faire, mais ne pourront faire davantage sans moyens nouveaux.

Quant à la méthode, elle illustre une nouvelle forme de gouvernance, qui s'appuie sur l'opinion, où des membres de la société civile ont statut d'interlocuteurs : quelle est, cependant, leur légitimité ? Comment garantir leur représentativité ?

Dans son discours du 21 mai, le Président de la République a fixé les objectifs, puis la nomination d'un ministre d'Etat chargé de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, a constitué un acte fort. J'ai entendu parler de refonder une politique, de révolution écologique, de produire autrement, de changer nos modes de vie. Diable ! S'agit-il d'une conversion ? (Sourires)

Ce sont précisément nos modes de production et de consommation qui sont en cause. Car ils obéissent toujours plus à la pression financière qui fait diminuer les investissements, réduire les coûts salariaux, considérer comme une charge inadmissible les précautions nécessaires à la sécurité et à la protection de l'environnement. Le Président de la République force la marche, c'est devenu sa spécialité, mais je doute fort qu'il veuille contraindre le patronat à prendre en compte les intérêts sociaux et environnementaux du pays ; jusqu'à présent, il a surtout allégé leur contribution à l'effort !

L'expérience rend méfiant. En Lorraine, les mineurs et leurs descendants paient encore pour une exploitation minière et sidérurgique prédatrice qui a laissé des sites pollués, des terrains inconstructibles dont certains menacent de s'effondrer, comme à Moutiers, et des territoires financièrement exsangues. Les politiques de droite ont toujours produit les mêmes effets. Les petits pois donneront peut-être un jour des haricots mais il faudra recourir à la génétique ! (Sourires)

M. Dominique Braye. - Il suffit de les arroser !

Mme Évelyne Didier. - Les politiques de droite ont toujours minimisé les conséquences environnementales et sociales, au nom de la rentabilité et de la productivité. Je me souviens des débats de la loi sur l'eau : les lobbies sont parvenus à restreindre la portée du texte ; allez-vous rompre avec cette façon de faire ?

Le développement durable suppose une refonte radicale de nos modes de production et de consommation, mais aussi une lutte sans merci contre les inégalités grandissantes entre les peuples, entre les individus.

La majorité des activités polluantes sont délocalisées dans les pays pauvres. Chez nous, ce sont les mêmes personnes qui cumulent mauvaise alimentation, logement insalubre, conditions de vie et de travail difficiles voire dangereuses pour la santé.

Or, le respect de l'environnement et le respect de l'homme sont intimement liés. Sauf à remettre en cause son logiciel de base, je ne vois pas comment la majorité actuelle pourrait mettre en accord ses déclarations et ses actes.

Le groupe de travail OGM a fait plusieurs propositions dans le bon sens : remise en cause du seuil de 0,9 % pour l'étiquetage obligatoire, création d'une haute autorité pluridisciplinaire et indépendante pour évaluer les intérêts et les risques des OGM, création d'une ligne pérenne réservée aux OGM dans le. budget de l'Agence nationale de la recherche.

Une fois la dissémination opérée, pas de retour en arrière. C'est bien pourquoi nous demandons un moratoire, qui n'empêche pas la recherche. Monsieur le ministre, résisterez-vous à la pression des lobbies de l'agro-alimentaire ? Le Président de la République, quand il était candidat, s'est prononcé contre un moratoire sur les OGM.

La dernière loi d'orientation a donné le coup de grâce à la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle a ouvert les portes aux capitaux extérieurs qui échappent au pouvoir des agriculteurs. Vous avez accepté une répartition injuste des aides : 80 % vont à 20 % des agriculteurs. La loi d'orientation agricole pousse au rendement à tout prix, alors qu'il faudrait privilégier une agriculture durable en limitant l'utilisation des pesticides et la consommation d'eau.

Cette vision de l'agriculture a laissé naturellement de côté les productions biologiques, considérées comme anecdotiques. L'un des groupes de travail propose d'augmenter les surfaces en agriculture biologique et de promouvoir les circuits courts de commercialisation.

Le résultat de vos politiques, jusqu'ici, ce sont des prix non rémunérateurs pour les paysans et des produits frais trop chers pour les familles à faibles revenus.

La question des cuisines « bio » divise vos rangs. Ce serait pourtant une bonne mesure pour soutenir la demande et le marché, comme cela se passe pour les biocarburants.

Le prix Nobel de chimie Paul Crutzen estime que les agro-carburants pourraient accroître les émissions de gaz à effet de serre : ils seraient même plus polluants que les combustibles traditionnels, exception faite de la canne à sucre. Que décider ? Quel rôle assigner à l'agriculture ? Il faut mieux évaluer l'efficacité environnementale et énergétique de ces productions.

Changement climatique, agriculture, OGM, pesticides, prix du blé, agro-carburants, ressources en eau, tout est lié. Faut-il prendre quelques mesures ou revoir l'ensemble du système ? Les scientifiques s'accordent à dire que les changements climatiques sont certains et que l'activité humaine a amplifié le phénomène. La terre et les écosystèmes n'ont plus le temps de s'adapter, la machine se désynchronise et se grippe.

J'en viens au secteur des transports. Réduire notre consommation de carburants passe par la promotion des transports collectifs utilisant l'énergie la moins polluante. Des investissements publics seront nécessaires pour développer ces transports sur tout le territoire. Pourtant, vous n'avez eu de cesse de mettre fin aux services publics de proximité. La SNCF ferme des gares, des points de desserte, des lignes non rentables. On brade ce patrimoine sans avoir conscience qu'on ne pourra pas revenir en arrière. Or, pour passer de la route au rail, l'intervention publique sera nécessaire. Dernièrement, le groupe CRC a dénoncé les décisions prises par la SNCF de fermer 262 points de desserte fret. Les marchandises vont évidemment se retrouver sur la route alors qu'il aurait fallu encourager le transport de fret par voies ferrée et fluviale. Allez-vous remettre en cause ces décisions ?

De même, il faudrait internaliser les coûts du transport. Si le ferroviaire participe au financement des infrastructures, le routier, lui, ne paie rien.

J'en viens au dossier REACH. Certes, ce règlement comporte de belles avancées. Ce ne sont plus aux pouvoirs publics de prouver la toxicité des substances chimiques, mais aux industriels de démontrer qu'elles sont sans danger. Cela étant, comment justifier que les entreprises soient autorisées à utiliser des substances très dangereuses, même si des alternatives moins nocives existent sur le marché ? La France va-t-elle demander de renforcer les mesures REACH au risque de déplaire à l'industrie chimique ?

Mon collègue Francis Wurtz disait que REACH est à la fois une belle illustration de ce que l'Europe pourrait être et une malheureuse confirmation de ses contradictions. Chaque année, 2,2 millions de personnes meurent dans le cadre de leur travail. Dans tous les pays industrialisés, les maladies professionnelles se développent, dont les cancers provoqués par une exposition à des substances dangereuses. Le Bureau international du travail estime à 1,7 million le nombre de travailleurs qui meurent chaque année d'une maladie professionnelle, soit 5 000 décès par jour. Or, les entreprises ont le droit de garder secrètes les informations dont elles disposent sur l'éventuelle toxicité de leurs substances chimiques si elles en produisent moins de dix tonnes par an, ce qui est le cas pour la majorité d'entre elles. Après le terrible précédent de l'amiante, il convient de les responsabiliser afin que la santé des salariés soit protégée. A ce propos, il a été proposé de donner de nouvelles compétences au CHSCT : seront-elles mises en oeuvre ?

Il est prématuré de parler des mesures qui seront proposées car personne ne sait encore ce qui sera décidé. Tout ce qui permettra une avancée sera évidemment bienvenu. Mais avant de parler de nouvelle politique environnementale ou de révolution, il est urgent d'attendre.

Je voulais surtout souligner, aujourd'hui, l'importance et la qualité du travail effectué durant cette première phase. Les participants ont accepté la règle du jeu avec beaucoup d'enthousiasme mais aussi de lucidité. Je tiens à saluer le savoir et le savoir-faire des associations environnementales. Tous les collèges ont été constructifs mais les démarches sont différentes : certains pensent que le marché peut infléchir ses choix, si c'est son intérêt et si l'opinion publique le demande. C'est sans doute vrai à la marge. Mais cela permettra-t-il d'inverser la tendance ? J'en doute. Seule une volonté politique forte, s'appuyant sur le service public au nom de l'intérêt général, dans une logique de solidarité, dans un cadre national, européen et international, permettra de modifier la donne. C'est en tous cas notre conviction la plus profonde. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Gaudin. - Dans ce débat sur le Grenelle de l'environnement, il convient de rappeler que toute mesure nouvelle en matière de développement durable ne peut se concevoir sans une étroite collaboration avec la recherche fondamentale. Pour illustrer mon propos, permettez-moi de m'appuyer sur les recherches conduites dans les régions polaires. Comme vous le savez, monsieur le ministre, depuis votre passage au Groenland, ces recherches sont du plus haut intérêt. En 2005, j'ai pu en prendre toute la mesure lors d'une mission d'audit de cinq semaines sur la base Concordia en Antarctique. Cette mission d'expertise, dans le cadre d'un rapport sur la recherche polaire pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, m'a permis de mesurer notre responsabilité en matière énergétique. Ce sont en grande partie les découvertes qui ont été réalisées aux pôles qui expliquent notre débat de ce soir.

Ainsi, le protocole de Montréal de 1987 apparaît comme un modèle de mobilisation de la communauté internationale en matière de développement durable. En effet, il a permis d'éliminer progressivement les CFC et autres substances nuisibles à l'ozone stratosphérique afin de revenir d'ici quelques années à un état naturel. Or, le « trou » de la couche d'ozone a été découvert en Antarctique aux cours de recherches fondamentales ne portant pas directement sur cette question.

Pour la connaissance du climat, le legs des recherches en milieu polaire n'est pas moins important. On ne se souvient déjà plus du peu de connaissances que nous avions avant que ne soient exploitées par les scientifiques les carottes de glace issues des forages antarctiques de Vostok et de Concordia. Celles-ci contiennent les archives infalsifiables du climat et de l'atmosphère de notre planète depuis près d'un million d'année. En effet, les microbulles d'air qu'elles renferment sont autant d'atmosphères fossiles rendant compte des conditions climatiques du passé. Or, ces recherches démontrent l'influence de l'homme au cours des dernières décennies et permettent de prévoir l'avenir par l'étalonnage des modèles climatiques.

Enfin, en matière de biodiversité, les pôles sont de véritables sentinelles des changements en cours. En raison du phénomène d'amplification polaire qui conduit à une hausse de la température environ deux à trois fois plus rapide que dans nos régions tempérées, l'environnement polaire connaît des bouleversements rapides faisant peser une menace directe sur les espèces qui y vivent. Les études les plus récentes montrent qu'une hausse de 0,3°C de la température de l'océan peut conduire à une baisse de 10 % de certaines populations de manchots ! Le manchot empereur et l'ours blanc sont de splendides animaux et cela suffit sans doute à vouloir les préserver. Mais pourquoi financer la recherche sur ces animaux alors qu'il y a tant à faire pour le cancer et d'autres maladies qui nous touchent si durement ? C'est parce qu'ils nous permettent de trouver des solutions. Ainsi, l'étude du système digestif du manchot nous a permis d'améliorer considérablement la lutte contre les maladies nosocomiales. Ces mêmes recherches offrent des perspectives extrêmement prometteuses pour la lutte contre le cancer.

La recherche sur la biodiversité est insuffisamment connue et exploitée. Chaque espèce est un trésor dont nous ne mesurons que trop rarement l'importance. Aussi, je souhaite vivement que le débat public engagé à l'occasion du Grenelle de l'environnement soit l'occasion de prendre la mesure de l'apport décisif de la recherche fondamentale pour nos sociétés. Ces recherches changeront notre manière de vivre et de voir le monde. « Nous ne sommes savants que de la science présente » écrivait Montaigne. Au moment où nous réfléchissons à l'avenir de nos sociétés, préparons le futur de la science car il ne peut y avoir de développement durable sans développement de la science. (Applaudissements au centre)

M. Pierre Jarlier. - C'est une première dans notre pays : depuis trois mois, l'État et les représentants de la société civile se sont réunis autour d'une même table pour réfléchir ensemble au développement durable de notre société. La préparation du Grenelle de l'environnement est une occasion unique de fonder un véritable pacte écologique afin de donner aux générations futures les chances de vivre dans un environnement préservé et un monde plus équilibré.

Les ressources de notre planète s'épuisent alors que nous continuons à les consommer sans retenue. La prise en compte de cette fragilité est donc cruciale. La révolution écologique devra aussi être culturelle : chacun devra changer de comportement au bureau, chez lui et lors de ses déplacements. L'action publique associée à la mobilisation de tous est au coeur de ce débat.

La refonte de notre politique de l'environnement doit s'inscrire dans le cadre d'une nouvelle démocratie écologique. Cette gouvernance environnementale était d'ailleurs le maître mot du sommet de Johannesburg en 2002 et de l'Union européenne dans son livre blanc de 2001. Elle était aussi l'objet des travaux du groupe de travail remarquablement présidé par Nicole Notat et auquel j'ai eu l'honneur de participer. Pour une meilleure efficacité des actions et des décisions, il faut que nos concitoyens aient accès à l'information, à l'expertise et à l'évaluation préalable.

Les collectivités sont au coeur de cette gouvernance environnementale : gestion de l'eau, des déchets, de l'espace, droit des sols, urbanisme. Ces compétences en matière d'environnement s'exercent le plus souvent en partenariat avec les départements, les régions, les agences de l'eau et l'État. Mais, à l'exception de quelques expérimentations locales, la lisibilité de ces pratiques reste insuffisante et les partenariats institutionnels sont plus organisés sur des projets ponctuels qu'en fonction d'axes stratégiques préalablement définis et dont on pourrait évaluer les résultats à long terme. Or, c'est bien dans le cadre de programmes concertés et contractualisés que peut se mesurer l'efficacité dans le temps des actions engagées. Cette démarche a déjà été expérimentée avec les chartes départementales d'environnement sur la base de contrats de cinq ans signés entre les départements et l'État.

Elles avaient été fort appréciées sur le terrain et représentaient tout de même 30 millions d'euros ! De même, les « agendas 21 » locaux, lancés en 1992, garantissent un juste équilibre entre action publique et participation des acteurs locaux. Mais, ces démarches restent trop modestes : deux cents « agendas 21 » seulement ont été signés, malgré le soutien de l'AMF ; et, depuis de nombreuses années, l'État n'a cosigné aucune charte départementale. Une participation active de l'État permettrait de multiplier ces initiatives innovantes. Pourquoi, par exemple, ne pas créer un Fonds national du développement durable ?

Pour un partenariat efficace entre État et collectivités, il conviendrait également de créer un guichet unique pour les questions environnementales dans chaque département autour du préfet, avec un budget dédié, ce qui faciliterait l'évaluation des résultats obtenus.

Compte tenu de la sensibilité grandissante de la population au développement durable, nous devrions aussi améliorer la transparence des décisions, notamment en soumettant les enquêtes publiques aux procédures de concertation que l'on applique déjà aux documents d'urbanisme.

J'en viens aux aspects institutionnels des politiques de développement durable. Dans l'esprit de la Charte de l'environnement, qui a établi le principe d'une nouvelle gouvernance écologique, le groupe de travail a proposé d'associer les acteurs de la protection de l'environnement aux travaux du Conseil économique et social. A mes yeux, il est primordial de prévoir également une représentation des collectivités locales au sein d'un organisme consultatif, la création d'une commission ou d'une délégation du développement durable au sein de chacune des assemblées et une redéfinition des compétences de chaque niveau de collectivité pour que chacun d'entre eux puisse s'engager aux côtés de l'État.

Enfin, nous ne construirons pas une démocratie écologique sans l'Europe. N'oublions pas que 80 % de notre droit de l'environnement dérive du droit communautaire...

Le chantier du développement durable nous concerne tous, car il conditionne l'avenir de nos enfants et les grands équilibres de la planète. Chacun en est conscient. À nous, aujourd'hui, de former consensus en dépassant les clivages politiques et en faisant preuve de responsabilité solidaire pour définir une politique ambitieuse ! (Applaudissements à droite)

Mme Odette Hervieu. - Organisations écologistes, associations de défense des consommateurs, organisations syndicales, entreprises et milieux agricoles, tous ont désormais, à des degrés divers, compris que le développement durable n'est pas seulement une contrainte, mais aussi une véritable opportunité économique. Le Grenelle de l'environnement a permis le lancement d'un grand débat national entre des acteurs qui se parlaient peu. Nous pouvons nous en féliciter, mais attendons de connaître les décisions qui seront prises fin octobre avant de crier victoire.

Représentante de l'ARF, j'ai été également auditionnée ; j'ai fait part de la principale crainte des collectivités : que des responsabilités supplémentaires leur soient transférées sans les moyens correspondants. Les régions se sont engagées dans la promotion du développement durable depuis de nombreuses années : avec une augmentation moyenne de leur budget environnement de 20 %, elles ont participé à la mise en place d'« agendas 21 », soutenu la mise aux normes HQE des bâtiments, initié des politiques d'aide aux économies d'eau et d'énergie, aux agricultures respectueuses de l'environnement, promu les repas bio dans les lycées ou encore développé les TER. Autant de mesures proposées par les groupes de travail du Grenelle de l'environnement, ce qui démontre le rôle moteur des collectivités territoriales.

Encore faudrait-il que votre Gouvernement valorise réellement leurs actions, en clarifiant les compétences de chacun des niveaux de collectivité ...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission. - Ce ne sera pas facile !

Mme Odette Herviaux. - ...et en leur donnant des moyens suffisants. Espérons que ce sera le cas lors des journées de débats décentralisés ! Il faut notamment mettre fin aux contradictions les plus flagrantes en matière de financement des collectivités : plus les régions encouragent le développement des transports collectifs, moins elles perçoivent de TIPP, dont une part leur est affectée !

M. Jean Desessard. - Très bien !

Mme Odette Herviaux. - De même, nous devrons engager une réflexion sur la prise en charge des surcoûts sociaux et environnementaux. Qui devra payer : le consommateur, les entreprises, la grande distribution ? Tôt ou tard, il faudra reconsidérer le principe pollueur-payeur pour remonter jusqu'à la source des profits.

J'espère que les contributions de l'AMF, de l'ADF et de l'ARF, qui n'a pas pu remettre ses propositions à temps, seront prises en compte. En effet, ce n'est qu'à travers les collectivités territoriales que le développement durable deviendra réalité. La réorientation de notre modèle de développement passe par une revitalisation de la décentralisation.

En attendant, nous devons accélérer l'exécution des contrats de projets et les compléter pour renforcer les actions en faveur du développement durable. En effet, lors de la négociation, l'Etat avait baissé son budget de 50 %.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - 20 % !

Mme Odette Herviaux. - Une plus grande cohérence des diverses politiques publiques est indispensable. N'y a-t-il pas urgence à signer le décret d'application du dispositif favorisant le traitement des déchets ménagers par méthanisation, pris à l'initiative de M. Pastor en loi de finances rectificative pour 2006 ? N'y a-t-il-pas urgence à accélérer les démarches administratives pour faciliter les projets de méthanisation dans le circuit agricole ?

On a trop peu évoqué dans les débats la dimension européenne, voire internationale avec l'OMC, des politiques environnementales. Pourtant, la redéfinition de la PAC l'an prochain aura des conséquences importantes sur notre agriculture. Par exemple, la suppression des jachères, à laquelle même les chasseurs se déclarent opposés, ne favorisera pas la biodiversité. Du Gouvernement, dépendront le maintien de nos exploitations et l'aménagement équilibré de nos territoires. En revanche, la régionalisation des aides peut encourager une approche plus équilibrée. Une politique offensive sur les productions génétiquement modifiées -moratoire ou loi, c'est une grande responsabilité lorsque la biodiversité n'a jamais été aussi menacée- suppose un soutien actif aux productions certifiées et filières respectueuses de l'environnement.

Enfin, M. Lise, retenu, m'a chargé de vous transmettre ses observations. Les élus de l'outre-mer regrettent d'avoir été tenus à l'écart de ce Grenelle de l'environnement. Leur participation paraissait pourtant évidente, compte tenu de la riche biodiversité de leurs territoires et de la situation préoccupante créée aux Antilles par l'usage de pesticides. Le conseil général de la Martinique a développé des actions en faveur du développement durable avec la signature d'un « agenda 21 », des politiques de gestion de la biodiversité ou encore l'organisation d'un colloque international sur le réchauffement climatique. Ces initiatives locales doivent être prises en compte.

Pour conclure, les moyens politiques et financiers alloués devront rapidement être précisés.

Si vous vous engagez vers ce qui nous paraît être la bonne voie, les collectivités territoriales seront à vos côtés pour réussir le pari du développement durable et mon groupe s'en réjouira, tout en restant, comme cela est son rôle, très attentif à l'évaluation. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet. - Nous n'héritons pas de nos parents, nous empruntons à nos enfants : l'adage est désormais connu. De nombreux instruments, votés par l'ONU et ses démembrements, évoquent la responsabilité des générations présentes à l'égard des générations futures. Il y a cinq ou six ans, nous rentrions du sommet de Johannesburg avec à l'esprit le fameux « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Mon mari rencontrait ici même Mme Kosciusko-Morizet pour évoquer un projet qui nous tenait déjà à coeur -vous savez que les Normands sont têtus : la création d'une commission pour les générations futures. Elle serait une pièce intéressante du nouveau dispositif envisagé par le Président de la République pour une évaluation systématique et a priori des politiques touchant à l'environnement. Car les parlementaires n'ont aucun moyen pour mener des études d'impact.

« Gouverner c'est prévoir » plus que travailler au gré des événements, souvent tragiques, qui font l'actualité -chiens méchants, manèges fous, abus de sucreries, désespérances en tout genre colmatées par un législateur inquiet de sa popularité et des sondages. Cette commission serait composée de non élus, plus préoccupés des générations futures que de leur réélection.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur d'implanter dans nos institutions une commission que, depuis longtemps, nous appelons de nos voeux. « Victoire de l'optimisme sur l'expérience » comme disait Henri VIII à son sixième mariage.

Mme Dominique Voynet. - Invité de nos journées parlementaires à Nantes la semaine dernière, vous avez tressé une couronne de lauriers aux écologistes, et particulièrement aux Verts, pour leur travail de sensibilisation. Notre pays a changé, avez-vous dit ; les citoyens aspirent à vivre mieux, ils sont prêts à adapter leurs comportements ; ce qui n'était pas possible hier est aujourd'hui à notre portée. Je bois du petit lait et vous souhaite de réussir. La première vertu, à cette fin, est la lucidité. La mutation vers une société conciliant gestion raisonnée des ressources, justice sociale et efficacité économique, sera tout sauf simple et consensuelle. Mais je sais que vous n'êtes pas de ceux qui en tirent argument pour ne rien faire.

La bonne volonté des acteurs économiques et des citoyens étant acquise, il sera difficile de leur demander de changer si des alternatives concrètes, accessibles, ne sont pas mises en place. Il ne suffit pas d'encourager à laisser sa voiture au garage, si les bus sont rares et bondés, et si les projets de transports publics restent dans les cartons, faute de financements. L'amputation sévère, cet été, de la marge de manoeuvre budgétaire de l'État, sans contreparties sociales, est une faute grave. Combien de projets, année après année, n'aurions-nous pu financer...

Votre tâche sera difficile, parce que cette transformation en profondeur des façons de vivre, de produire, de travailler, va heurter des intérêts puissants et des rentes de situation. On ne peut concilier l'inconciliable, donner satisfaction à ceux qui, depuis toujours, s'arrogent le droit de consommer sans les payer à leur juste prix de l'eau, de l'air, de l'espace, de l'énergie, des matières premières ; ceux qui font payer par d'autres les conséquences sanitaires, sociales et environnementales d'activités polluantes qui sont loin de profiter à tous ; ceux qui, en situation de monopole et sur la base de contrats léonins, facturent à prix fort les services rendus en matière de dépollution.

Comment ne pas s'alarmer, alors que les lobbies les plus divers remontent au créneau dans les ministères, dans les médias, auprès des parlementaires, avec la complicité active de quelques-uns. Ils n'aiment pas qu'on le leur rappelle, mais nous savons tous nommer ceux qui représentent, de façon parfois explicite, les intérêts de tel ou tel secteur... Selon les cibles, on contestera l'efficacité de politiques nationales, on fera du chantage à l'emploi, on négociera des délais, on fera mine de craindre le désaveu des citoyens à quelques mois d'échéances électorales sensibles, forcément sensibles.

La tâche de ces lobbies serait moins facile si le Président de la République et le gouvernement n'avaient constamment donné l'impression de décider au coup par coup, sous la pression des habitudes, des clientèles, des amis politiques. L'EPR se construit, comme l'incinérateur de Fos-sur-Mer. Le ministre de l'Agriculture s'abstient à Bruxelles sur un dossier d'autorisation d'OGM, donnant ainsi toute latitude à la Commission européenne de prendre la décision à sa place.

Quelle cohérence au sein des ministères et entre eux ? Entre l'État central et l'État déconcentré ? Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que les préfets réunissent les services, et arbitrent avant que ne se tiennent les réunions des Comités départementaux d'hygiène ? Que plusieurs des experts chargés par l'AFSSE d'un rapport sur l'impact sanitaire des téléphones mobiles avaient un lien professionnel avec les grands opérateurs ? A quoi rime le discours sur le ferroutage, quand la SNCF, incapable d'assurer le transport de wagons isolés, envisage de fermer deux cent soixante deux gares ? Trouvez-vous normal que la commission nationale du débat public n'ait toujours pas de président ?

Les mesures suggérées par le groupe de travail sur les questions de gouvernance vont dans le bon sens. Elles permettraient de mieux reconnaître la place des associations, de garantir le pluralisme de l'expertise et de protéger les lanceurs d'alerte, de décider de façon plus transparente et mieux argumentée. Mais le groupe de travail reste timide pour ce qui concerne l'organisation de l'État lui-même, tant au niveau central que territorial, et la répartition des compétences. Il ne dit rien, ou presque, de ce cancer qu'est la corruption, de la nécessité de revoir les procédures et contrats de délégation de service public. Et puis, il faut que l'État donne l'exemple, qu'il transpose sans finasser les directives européennes, qu'il respecte la loi littoral, la loi montagne, la loi sur l'eau.

Le terme de Grenelle est passé dans le langage commun, avez-vous dit. C'est vrai. Encore faut-il ne pas conserver de doute sur son sens. En 1968, dont j'assume l'héritage, comme je ne doute pas que vous le faites, il y avait une vraie négociation. Aujourd'hui, il ne s'agit plus que d'un dialogue. Dialogue de qualité, il est vrai, même s'il a été mené au pas de charge, même si tous les participants n'avaient pas la même connaissance des dossiers : on reconnaît les nouveaux convertis à l'ardeur avec laquelle ils défendent des solutions qu'ils croient magique, comme les agro-carburants, sans en déceler les effets pervers et avec l'espoir que tout cela reste indolore et ne nuise pas trop au business.

Ce dialogue a permis de valider un diagnostic, d'identifier des mesures consensuelles, dont on peut raisonnablement espérer qu'elles seront mises en oeuvre, et de dresser le constat de désaccords persistants. Qui arbitrera ? Le Président de la République, avez-vous dit à maintes reprises. Je ne suis pas trop rassurée, monsieur le ministre. Pas seulement parce qu'il ne se déplace qu'en avion, au lieu de prendre le train, pas seulement parce qu'il confirme à tous les grands élus le caractère prioritaire de leurs projets de rocades et de contournements routiers, à Bordeaux, Strasbourg et ailleurs, pas seulement parce qu'il propose de vendre des centrales nucléaires mais parce que les décisions qui sortiront du Grenelle doivent être portées largement, si nous voulons qu'elles survivent aux arbitrages budgétaires, à l'inertie administrative, au découragement même de ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre.

Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l'espoir suscité outre-mer. On aime célébrer la beauté de ses paysages, la richesse de la biodiversité, la fécondité des océans, la fertilité des sols. La réalité est tout autre : empoisonnement des sols, prolifération des déchets, orpaillage sauvage, déforestation... On vous attend aux Antilles pour engager les îles des Caraïbes vers un développement plus responsable. Je veux ici vous entendre confirmer la promesse faite à Harry Durimel.

Je vous envie, car vous avez à relever un défi magnifique, mais je vous plains aussi. En écoutant les interventions des parlementaires, j'ai pu mesurer le chiche soutien de vos amis politiques : n'empêchez pas les voitures de rouler, méfiez-vous des aliments « bio » dans les cantines, et j'en passe... Bon courage, monsieur le ministre, car il vous en faudra ! (Applaudissements à gauche.)

M. Dominique Braye. - Depuis trois mois, nous vivons avec le Grenelle de l'environnement. Une expérience originale, unique, passionnante. Le 27 septembre, la phase préparatoire s'est achevée par la présentation des propositions des groupes de travail réuni depuis le 16 juillet. La parole est maintenant à nos concitoyens, dont j'espère qu'ils seront nombreux à participer aux consultations publiques et aux débats régionaux avant la remise, fin octobre, d'un plan d'action validé.

J'ai participé à ces travaux dans le groupe pour un environnement respectueux de la santé et l'intergroupe déchets. Je voudrais insister sur la nécessité, pour une meilleure gouvernance écologique, d'une nouvelle loi de programmation sur la gestion des déchets, ainsi que sur l'impérieuse nécessité de mieux prendre en compte l'essor de l'intercommunalité, acteur incontournable du développement durable. Les communautés de communes, d'agglomérations ou urbaines sont en charge, pour 80 % d'entre elles, de la gestion des déchets, tandis que 42 % ont compétence en matière d'assainissement. Elles se sont également très largement engagées dans la protection et la mise en valeur de l'environnement. C'est ainsi qu'elles prennent désormais en charge la plus grande part des dépenses d'environnement. Elles jouent en outre un rôle essentiel dans le développement durable.

Elles élaborent tous les documents de programmation, depuis les schémas de cohérence territoriale aux plans de déplacements urbains, en passant par l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées, sans parler des plans de climat territoriaux qui commencent à apparaître. Ainsi, l'intercommunalité joue un rôle majeur dans la gouvernance écologique territoriale en coordonnant l'action des communes, en assurant la médiation avec la société civile et en étant un porte-parole légitime auprès des départements, des régions, de l'État et de l'Europe. Ce rôle croissant expose toutefois l'intercommunalité à de forts risques contentieux. Il est donc impératif d'améliorer le pilotage des politiques environnementales locales en simplifiant les enquêtes publiques et en clarifiant les responsabilités dans la police de l'environnement. Aujourd'hui, nul ne sait qui doit faire quoi !

Tout cela suppose une meilleure définition des rôles dévolus aux services déconcentrés de l'État et aux collectivités territoriales, la désignation de véritables chefs de file des politiques environnementales et une plus grande cohérence du pouvoir de police avec l'organisation du service public environnemental. Dans cet effort de clarification, l'intercommunalité devrait jouer un véritable rôle de chef de file pour le développement durable. Disant cela, je n'oublie pas l'attachement du Sénat -que je partage- aux communes et aux élus municipaux. Mais il n'y a pas d'opposition entre commune et intercommunalité, comme viennent de le rappeler à la Maison de la chimie les 1 300 élus intercommunaux rassemblés pour leur 18ème convention. L'intercommunalité n'est que le prolongement de la commune. Elles ne peuvent entrer en opposition, puisque les élus intercommunaux sont toujours des élus municipaux qui ont jugé indispensable de s'unir pour mieux exercer certaines compétences. Même si les institutions sont souvent en retard sur les réalités de terrain, nous devons reconnaître le fait intercommunal et la place qui lui revient face aux grands défis du XXIème siècle.

M. Daniel Raoul, rapporteur. - Le suffrage universel direct !

M. Dominique Braye. - J'en viens aux déchets.

L'élimination des déchets ménagers a connu des mutations exceptionnelles au cours des dix dernières années : la modernisation des équipements, les exigences accrues des qualités, la modification du mode de financement ont bouleversé ce service public, alors même que le cadre législatif n'avait guère évolué. En effet, la loi relative aux déchets date de 1975 et sa dernière actualisation remonte à 1992. Aujourd'hui, élaboration d'un nouveau cadre est d'autant plus nécessaire que nous devrons bientôt transposer la nouvelle directive européenne sur ce sujet.

Une nouvelle loi de programmation permettrait de définir une politique ambitieuse de gestion mais aussi de réduction des déchets, avec des objectifs chiffrés. En l'absence d'un cadre précis et contraignant, trop de bonnes résolutions restent des voeux pieux.

M. Daniel Raoul, rapporteur. - Soyons coercitifs !

M. Dominique Braye. - Nous devons organiser une politique volontariste appliquant le principe « producteur-payeur », car la responsabilité élargie du producteur est le moyen le plus pertinent de réduire la quantité de déchets, même s'il faut clarifier les responsabilités juridiques entre producteurs du produit et producteur du déchet.

Les collectivités souhaitent mieux articuler entre elles toutes les filières dédiées, qui se sont multipliées depuis 1992, et être associées plus étroitement à l'organisation et au financement de ces filières.

Enfin, il est indispensable de refonder le financement de la gestion des déchets, sujet sensible pour les élus et les contribuables locaux. En effet, la modernisation des équipements et des procédures ainsi que le développement de nouvelles filières ont porté le coût global de la tonne traitée de 80 euros en 1990 à 165 euros en 2005. Or, le financement pèse trop sur le contribuable et pas assez sur l'industriel, donc sur le consommateur. Résultat : il n'y a aucune incitation à diminuer la production de déchets. En accord avec l'intergroupe déchet, j'estime prioritaire de revoir le financement avec réalisme et volontarisme. Les inconvénients de la taxe de la redevance sont tels qu'il faut carrément inventer un autre système !

Nous devons aussi repenser le fonctionnement des éco-organismes, pour leur appliquer le principe de responsabilité élargie du producteur et associer plus étroitement les collectivités locales au fonctionnement et au financement.

L'optimisation de la gestion des déchets est un enjeu majeur pour notre environnement. Ses acteurs institutionnels sont confrontés à d'énormes défis techniques, économiques et d'information ; il est impératif et urgent de les aider par une ambitieuse loi programmation. Saisissons l'opportunité offerte par le Grenelle de l'environnement pour hâter son élaboration et son application ! Ce serait faire oeuvre utile pour le développement durable d'une société écologiquement responsable. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin. - Le Grenelle de l'environnement doit engager la conversion écologique de la France. Il faudra choisir. La vie quotidienne des Français doit changer ; à ce propos, vous avez raison de dire qu'il n'est pas forcément plus difficile de vivre « écolo » que de vivre « jetable ».

Mais, il vous faudra auparavant résoudre trois problèmes de taille : comment réussir sans investissements massifs de l'État ? Comment atteindre les objectifs sans contrainte ? Comment avancer sans modifier considérablement la donne dans les territoires ?

En matière d'investissements, vous savez que les plus nécessaires sont aussi les plus coûteux. Je pense au développement du fret et des transports en commun en site propre. Le plan fret doit au minimum rattraper le retard accumulé dans la réalisation des projets fixés lors du CIADT de 2003, évaluées alors à 20 milliards d'euros. Si les villes ont accompli des miracles pour les transports en commun, les banlieues et les villes moyennes ont été les grandes oubliées de ces programmes. Les experts de Grenelle évaluent à 40 milliards d'euros les investissements nécessaires d'ici 2020 pour étendre à tout le territoire de bons résultats obtenus par exemple à Lille, Nantes et Lyon en matière de report modal. Les collectivités ne pourront fournir seules les 60 milliards ! Il est donc temps de trouver de nouvelles ressources locales dynamiques, au besoin avec une AFFITT aux missions renouvelées, pour que les régions et les agglomérations engagent de grands travaux. Dans ce domaine, utilisez à plein le droit à l'expérimentation. Ce sera pour notre économie l'occasion de créer 60 000 à 100 000 emplois par an, outre les emplois induits.

En matière de logement, mon inquiétude est différente : fixer des objectifs, c'est bien ; inciter fortement à les atteindre, ce serait mieux. Or, 63 % du parc a été construits avant 1975. Il y a donc 19 millions de logements sans aucune norme d'isolation ou limitant la consommation d'eau. Dans ce domaine, deux mesures ne font pas là une des médias mais retiennent mon attention : la création d'outils bancaires adaptés et l'obligation de rénovation. Comme il ne suffit pas de créer de nouveaux outils bancaires, les prêts immobiliers doivent évoluer pour prendre en compte les économies d'énergie. Dans cet esprit, toutes les aides à l'accession à la propriété doivent être éco-conditionnées. Parallèlement, la production autonome d'énergie doit être encouragée. La rénovation obligatoire à la mutation des locataires peut sembler un moyen radical, mais c'est le seul permettant d'obtenir un résultat voulu. Je ne sous-estime pas l'accompagnement à mettre en place pour certains bailleurs, ni les efforts permettant à la filière de s'adapter à la demande, mais un tel programme susciterait la création de plus de 100 000 emplois directs non délocalisables. Vous y serez sans doute sensible.

Pour le bâtiment neuf, vous proposez une « rupture technologique » devant généraliser la construction à énergie positive dès 2020. Comment atteindre un objectif aussi ambitieux sans éco-conditionnalité du permis de construire ?

Comment pensez-vous résoudre l'équation du surcoût écologique et de la production de logements abordables sans le soutien financier des collectivités et de l'Etat ? Comment ce dernier s'assurera-t-il que, chaque année, les obligations sont remplies ? L'effort consenti par les propriétaires de nouvelles habitations pourrait être encouragé par un allégement de la fiscalité locale : taxe d'habitation et taxe sur le foncier bâti.

Ces questions m'amènent au troisième de vos soucis, monsieur le ministre. A l'instar de l'Association France, nature, environnement, je me réjouis que l'on envisage de rendre obligatoires les plans climats territoriaux dans les agglomérations et de conditionner l'urbanisation à la desserte en transports collectifs. Je suis moins optimiste sur l'avenir de ces propositions. Pour aboutir, il vous faudra accomplir une révolution que personne n'ose réaliser : modifier en profondeur la distribution des compétences locales, et changer le droit et la maîtrise de la destination des sols. Vous devrez faire en sorte que l'intercommunalité, reconnue par tous les acteurs du Grenelle comme la bonne échelle de décision en matière d'aménagement, devienne enfin l'autorité organisatrice de l'aménagement durable. Les politiques publiques d'aménagement ne seront durables que si elles sont coordonnées et conduites à la bonne échelle par des collectivités qui disposent de tous les leviers pour agir. La maîtrise foncière fait tout : elle permet notamment de programmer la réalisation d'infrastructures de transport en commun, la densification urbaine ou l'implantation des entreprises. Vos propositions ne seront crédibles que si elles s'accompagnent des modifications législatives et règlementaires nécessaires. Serez-vous le ministre qui enfin fera que les plus-values réalisées par les propriétaires fonciers et immobiliers contribuent au financement de la ville ?

Vous avez une occasion extraordinaire d'agir. Le consensus est réel. Il y a quelques années, vos prédécesseurs se heurtaient à la raillerie, à l'obscurantisme. Aujourd'hui 93 % de nos concitoyens sont prêts à faire un effort. C'est une victoire. Espérons que la conversion tardive de ceux qui considéraient que tout cela n'était que du vent sera durable. Nous ne devons pas faire le chemin à moitié. (Applaudissements à gauche et au centre.)

M. Ambroise Dupont. - Partager des idées, c'est les renforcer. L'ouverture de ce grand débat national a le mérite de rappeler que ces questions ne sont pas l'affaire des seuls spécialistes : 93 % des Français de disent prêts à faire des efforts.

Je salue l'action de nos collègues Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, qui ont présidé le groupe n° 2 sur la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles. Rapporteur pour avis des crédits de l'écologie pour la commission des affaires culturelles, je suis particulièrement sensible à la politique de préservation de notre patrimoine naturel. Des outils remarquables, qui suscitent une large adhésion, ont été mis en place : les parcs et réserves naturels, mais aussi la loi « littoral » et le conservatoire du littoral.

Le succès repose sur un équilibre subtil : concilier les exigences de protection de la nature et de valorisation des territoires mais aussi de leur aménagement. L'une des propositions du groupe n° 2 « Biodiversité et ressources » est de créer une « trame verte nationale », un réseau des espaces naturels français.

La question du paysage est une dimension essentielle et transversale de toute politique de développement durable. Les associations de protection du paysage ont regretté de ne pas être mieux impliquées dans la première phase du Grenelle de l'environnement, j'espère qu'elles seront entendues lors de la phase des consultations.

A de nombreuses reprises, j'ai interpellé vos prédécesseurs, monsieur le ministre, sur la problématique de la dégradation du paysage, naturel et urbain, notamment à l'occasion de mon rapport sur les entrées de ville. Les paysages sont un trait-d'union entre la nature et la culture. Tout en soutenant les objectifs fixés en termes de production d'énergies renouvelables, j'ai souligné, à l'occasion des derniers débats budgétaires, la nécessité de promouvoir un développement choisi des éoliennes sur notre territoire.

Le thème de l'étalement urbain découle de la question du paysage. Le rapport du groupe n° 1, « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande énergétique », propose des mesures limitant le développement anarchique des surfaces urbanisées, en particulier en périphérie des villes. Le rapport du groupe n° 2 sur la biodiversité recommande même d'inciter à une « densification urbaine de qualité ».

Si la France reste l'un des pays européens les moins densément peuplés, notre ressource foncière est entamée par le développement récent de l'urbanisation. Le rythme auquel nous consommons l'espace rural devient très préoccupant : 60 000 hectares de zones agricoles ou naturelles sont remplacés chaque année par des zones artificialisées, dans la France entière.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il nous faut trouver des « solutions innovantes concrètes et raisonnables ». Le groupe de travail n° 1 propose de donner aux pouvoirs publics de nouveaux outils : étude d'impact et de programmation préalable de transports en commun adaptés, meilleure articulation des différentes politiques dans les documents d'urbanisme, zones de densification environnementales à proximité immédiate des transports en communs. Le groupe n° 4 propose également des pistes pour densifier les zones bâties. N'oublions pas le goût de nos concitoyens, mesurons bien ce qui est possible et la lourdeur des études. Le coût énergétique de l'étalement urbain est très élevé : déplacements automobiles et chauffage plus difficile.

L'émiettement des zones construites et le morcellement de l'habitat naturel menacent la biodiversité. L'équilibre écologique de nos ressources en eau est également en jeu. Le développement de la maison individuelle pose le problème du coût de l'assainissement. Les communes et les EPCI n'y parviennent plus et l'on repousse les échéances proposées par la loi sur l'eau.

Les conséquences sur l'agriculture ne doivent pas être oubliées : le monde agricole craint de voir disparaître peu à peu les espaces cultivables, alors que la demande de produits alimentaires augmente et que l'autonomie de l'Europe redevient une question d'actualité.

Ces questions exigent des réponses à long terme et d'abord une analyse des causes de l'emballement de l'étalement urbain. Il ne faut pas mettre en cause la seule demande. Si nos concitoyens préfèrent la maison individuelle, c'est souvent parce que l'offre en matière de logement collectif ne répond pas à leurs aspirations. Et en raison du prix du foncier et des coûts de construction et de gestion, il est aujourd'hui plus avantageux de construire des petits lotissements.

Certains pourraient s'étonner d'entendre un plaidoyer pour la densification, mais c'est seulement en redonnant envie de vivre ensemble, dans des logements collectifs à haute qualité environnementale, que l'on répondra à la fois aux aspirations de nos concitoyens et aux impératifs environnementaux. Il faut recréer la rue parce que la rue c'est la vie.

Le caractère durable sera la condition de la croissance. Il en va de même pour l'urbanisme. Il est toujours difficile et coûteux de réparer les erreurs d'une urbanisation non maîtrisée ! La ville doit cesser de ramper. Pour cela, il faudra passer de la première phase du Grenelle de l'environnement aux réalisations concrètes. Dans le domaine du développement durable, l'urbanisme reste l'outil privilégié dont disposent les maires. Il faudra donc veiller à associer étroitement les élus à la phase de consultations. L'urbanisme ne doit cependant pas perdre sa dimension régalienne. Votre grand ministère d'Etat est au croisement de ces choix. Le débat que vous avez organisé est l'occasion pour chacun de confronter ses options avec la réalité. Le développement durable doit reposer sur ses trois piliers : écologique, économique et social. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. Jacques Gillot. - Je me concentrerai sur les thèmes qui font l'actualité de la Guadeloupe : la pollution des sols et le traitement des déchets. Si le rapport du professeur Dominique Belpomme a eu un retentissement médiatique particulier, il n'est pas le premier à évoquer les conséquences néfastes de l'utilisation du chlordécone sur les sols de la Guadeloupe et de la Martinique.

En réalité, il n'est plus temps de dénoncer les responsables, mais de réparer. Interdite aux États-Unis dès 1976 et en France depuis 1990, cette molécule a été utilisée dans les départements d'outre-mer jusqu'en 1993. Or toutes les études s'accordent sur la persistance du chlordécone dans l'environnement durant plusieurs dizaines d'années. Un rapport du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement de novembre 2006 souligne ses effets nocifs. La pollution des sols de la Guadeloupe et de la Martinique impose un devoir de transparence vis-à-vis des populations : il faut répondre aux interrogations et apaiser les inquiétudes.

La contamination des sols antillais a aussi des répercussions sur l'économie de ces îles, en particulier sur le tourisme et l'agriculture. Il faut répertorier les sols contaminés, étudier leur reconversion et envisager l'indemnisation des agriculteurs. La traçabilité des produits doit permettre de sécuriser les consommateurs. Enfin, les relations de causalité avec certaines pathologies doivent être étudiées. La catastrophe écologique qui touche la Guadeloupe et la Martinique entraîne un certain nombre de dommages collatéraux qui justifient une approche écologique transversale.

J'en viens à la question, particulièrement épineuse, du traitement des déchets : iI aura fallu deux ans de procédures pour doter l'archipel d'une organisation de traitements des déchets respectueuse de l'environnement, mais la concrétisation de ce projet exige un engagement financier de l'État et un assouplissement des procédures.

Ces deux sujets de taille ont toute leur place dans le cadre de la réflexion écologique prospective que vous avez initiée, monsieur le ministre. C'est dans cette optique que je vous ai demandé, par courrier, la tenue en Guadeloupe d'un atelier décentralisé du Grenelle de l'environnement. J'espère une réponse positive. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Demuynck. - Nicolas Sarkozy a voulu faire des questions environnementales un enjeu national, c'est réussi. Le Grenelle de l'environnement a travaillé dans un esprit conforme a ses souhaits : rendre compatible la sauvegarde de la planète et la croissance nécessaire au fonctionnement de nos démocraties. Une fois n'est pas coutume, le dialogue a eu raison de certaines divergences. L'État de la planète exige une véritable rupture écologique. La prise de conscience populaire sans précédant ouvre des perspectives d'avenir prometteuses. Le diagnostic ne fait plus débat.

Point majeur de divergence, le dossier des OGM suscite les plus vives réactions, au détriment de l'information éclairée des citoyens. Comment faire la part des choses entre les chercheurs qui homologuent les plants transgéniques et les manifestations parfois violentes des anti-OGM ? Nos concitoyens exigent la transparence sur ce sujet.

Élu d'Ile-de-France, je m'inquiète aussi du mauvais état du parc immobilier francilien, le plus énergivore de France. Le diagnostic de performance énergétique ne remplit pas son rôle. La mise en place d'un Haut Conseil de l'expertise devrait permettre d'uniformiser les pratiques et les tarifs. Le parc immobilier, vecteur sous-estimé d'émission de gaz à effet de serre, est au coeur des préoccupations écologiques. Je souscris à l'ouverture d'un immense chantier de rénovation des bâtiments anciens pour réduire la consommation d'énergie.

Je souhaite également une mutation des métiers du bâtiment, pour tenir compte des problématiques environnementales. Maire de Neuilly-Plaisance en Seine-Saint-Denis, j'ai expérimenté la création d'une crèche municipale aux normes HQE -je vous invite à l'inauguration, monsieur le ministre ! L'appel d'offre a viré au cauchemar en raison de l'inexpérience flagrante des entreprises et des architectes en matière environnementale. Il faudrait prévoir une assistance technique et administrative ainsi que des formations.

A l'image de l'éco-quartier londonien de Bedzed, il faut mener un plan volontariste de construction d'habitat respectueux de l'environnement. La capitale est malheureusement très en retard -si le monde entier consommait comme les Parisiens, trois planètes n'y suffiraient pas ! Je note la volonté du Grenelle de porter la part de constructions à basse consommation à 30 % d'ici 2012, ce qui suppose une adaptation des critères d'édification. L'Institut français de l'environnement déplore la boulimie d'espace : alors que la population a progressé de 11 % au cours des vingt dernières années, la minéralisation des terres a augmenté de 40 %.

La mondialisation, quant à elle, pose la question du co-développement environnemental. La croissance africaine risque de faire basculer un continent entier dans les travers de nos sociétés industrialisées. Ma ville conduit un projet de rénovation d'une école à Madagascar, en association avec l'Ademe, ainsi qu'un projet de production de biocarburants avec le CCIRAD. Mais les collectivités qui se lancent dans ces aventures se sentent bien seules : il faut les aider. Le Président de la République, qui a consacré une partie de sa visite au Gabon à la lutte contre la déforestation, a décidé d'engager 430 millions d'aide publique dans le financement de projets éco-responsables à destination des pays en voie de développement.

L'existence du monde tel que nous le connaissons est comptée. Cette prise de conscience est salutaire, mais le plus dur reste à accomplir. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Muller. - Je remercie les ONG écologistes qui, après avoir proposé le concept de Grenelle de l'environnement, s'y sont investies et ont permis des avancées notables. Agronome et ingénieur du génie rural des eaux, je salue la reconnaissance officielle, certes tardive, des disséminations d'OGM qui menacent les cultures agricoles traditionnelles, biologiques ou non. En effet, la réalité des contaminations avait été constamment niée par le gouvernement précédent. D'où l'assignation en justice de l'État par la commune de Wattwiller, dont je suis maire : le ministre de l'agriculture avait refusé d'établir à titre préventif des périmètres de protection autour des parcelles en culture biologique.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - J'assume !

M. Jacques Muller. - La création d'une Haute autorité sur les biotechnologies mettra un terme au monopole de la Commission du génie biomoléculaire, dont les dysfonctionnements sont reconnus, et permettra la mise en oeuvre d'expertises indépendantes, à condition que les financements suivent !

La dernière avancée, pour l'instant purement formelle, réside dans la reconnaissance du droit à produire sans OGM. Et chacun doit se voir garantir la liberté de consommer dans son assiette des produits sans OGM. Alors que plusieurs États européens sont réticents à ouvrir les vannes pour les cultures d'OGM en plein champ, la France ne peut plus refuser d'assurer la protection des récoltes contre la contamination. La liberté d'entreprendre des producteurs d'OGM se heurte manifestement à celle des producteurs traditionnels.

Bis repetita placent, « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Mais présenter le texte adopté au Sénat à l'issue d'un travail approfondi comme une base de réforme est tout à fait excessif. Il souffre d'insuffisances rédhibitoires : manque de transparence et non-respect du principe de précaution et des exigences des directives européennes de 1998 et de 2001.

Le contexte a évolué avec le Grenelle de l'environnement, ainsi que les positions de certains membres du gouvernement, dont vous-même, monsieur le ministre. Ce qui n'a pas changé, c'est le refus des OGM par les Français : 86 % y sont opposés.

M. Bruno Sido. - Mais ils en achètent !

M. Jacques Muller. - Voilà l'opportunité d'élaborer un projet enfin en phase avec les attentes de la France et les règles de l'Europe. Evitons toute précipitation et lançons un grand débat contradictoire. Cela exige une véritable rupture : les lobbies financiers et de producteurs ne doivent plus dicter leur loi. Nous attendons des propositions concrètes et précises pour aller au-delà des ambitions affichées. (Applaudissements à gauche)

M. Denis Detcheverry. - J'interviens avec beaucoup de plaisir sur un thème qui est cher au chasseur, au pêcheur et au randonneur que je suis : je sais le bonheur que procure le milieu naturel mais j'en connais aussi toute la fragilité. Je veux donc féliciter le Président de la République et le gouvernement d'avoir pris l'initiative du Grenelle de l'environnement. Vous affichez ainsi la volonté de l'Etat pour l'environnement, y compris outre-mer, ce dont je me réjouis.

Des études récentes ont mesuré toute la richesse de Saint-Pierre-et-Miquelon. La biodiversité du plus petit territoire de la République est précieuse, car le moindre déséquilibre peut y avoir de lourdes conséquences. Bien des choses ont évolué depuis les temps où l'homme vivait de la culture ; l'environnement est désormais plus utilisé pour les loisirs, au risque de ne pas faire assez l'objet d'attentions.

Grâce à Jean-François Le Grand, l'archipel n'a pas été oublié. Outre notre richesse halieutique, nous possédons la seule forêt boréale française, et cent orchidées différentes fleurissent sous un ciel où évoluent 130 000 pétrels. Une mission conjointe du ministère de l'écologie et du Muséum d'histoire naturelle nous a aidés à mesurer cette richesse et nous attendons le prochain rapport des scientifiques.

Notre forêt boréale mérite une attention toute particulière ; elle doit être préservée en concertation avec tous les habitants. C'est dire que j'approuve la démarche du Grenelle de l'environnement : l'avenir de la planète est en jeu Nous, élus, devons porter ce message auprès des populations par une véritable stratégie d'écoute et de pédagogie. La défense de l'environnement s'inscrit dans la durée et nous devons démontrer qu'elle peut permettre un développement durable.

Cela suppose des moyens. Pouvez-vous me rassurer sur le fait que Saint-Pierre-et-Miquelon pourra devenir une plate-forme de rencontre et d'échange avec nos voisins canadiens, un pôle d'excellence français dans le nord de l'Atlantique ? Suite à ma mission de coopération régionale, des savants canadiens ont déjà marqué leur intérêt et une rencontre a eu lieu en juillet dans l'archipel.

La biodiversité outre-mer est une richesse pour la France, il faut la valoriser. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - M. Borloo, M. Bussereau et moi remercions tous les sénateurs qui ont pris une part éminente au Grenelle de l'environnement. Nous apprécions cette présence de membres de la Haute assemblée et espérons qu'elle se prolongera au-delà de cette première phase, non seulement pour les travaux législatifs, mais aussi pour les phases suivantes. Nous avons besoin de ce regard, comme du regard des Français -les forums régionaux vont s'ouvrir. Nous avons aussi entendu les réticences, mais j'ai compris l'intervention de Mme Didier surtout comme un appel à l'action. Oui, le calendrier était contraint mais le gouvernement a essayé d'en faire une opportunité et cela a densifié les débats.

Plusieurs orateurs ont évoqué les collectivités territoriales. Nous y sommes très attentifs et avons d'ailleurs reçu le collège des collectivités territoriales. Plusieurs mesures, dont certaines très innovantes, ont été proposées, comme une modulation de la DGF selon des critères écologiques. Nos collectivités n'ont pas, comme c'est le cas en Espagne, l'autorisation de mener des politiques avant-gardistes en la matière.

J'ai entendu l'appel à rationaliser les administrations de l'Etat dans les régions. M. Borloo vient de lancer la réorganisation. Avec la création de ce grand ministère, des administrations qui avaient traditionnellement de mauvais rapports, vont apprendre à travailler ensemble et c'est une chance pour les services déconcentrés comme pour les collectivités territoriales.

Mme Keller a eu cette formule heureuse : la facture de la pollution finit toujours par être payée, mais pas toujours par la bonne personne. Il faut éviter les deux écueils de la fiscalité environnementale : une fiscalité « de financement », où l'environnement sert à lever de nouveaux impôts qu'on veut durables, alors que la vocation d'une fiscalité incitative est de disparaître ; une fiscalité « punitive », où le pollueur est taxé comme s'il avait toujours le choix de ne pas polluer. Nous visons une fiscalité qui encourage les comportements vertueux et les solutions alternatives, en particulier technologiques.

Sur les OGM, nous avons entendu vos appels à reprendre les travaux du Sénat et à respecter le principe de précaution. Le Grenelle de l'environnement s'est accordé à dire que la situation actuelle n'était guère satisfaisante : la transposition de la directive nous a mis à l'abri des amendes communautaires, mais le débat doit se poursuivre et les participants souhaitent une loi, en particulier pour définir la coexistence des OGM avec les autres cultures, c'est un hommage au travail du Parlement.

Nous retenons encore vos propos sur l'urbanisme et le rôle du bâtiment. M. Repentin a raison : il n'est pas normal que le plafond d'un prêt bancaire soit le même selon qu'on achète un logement vétuste, dont les charges seront élevées, ou un logement de haute qualité environnementale, aux faibles charges. Un grand chantier de la rénovation thermique du bâtiment aurait un impact sur l'emploi : on parle de 100 000 emplois, qui par nature ne seraient pas délocalisables, c'est très important. Le président Emorine a évoqué une offre de services qui est un moteur de croissance : l'écologie est au coeur de l'économie et réciproquement ! Il nous faudra lancer des chantiers sectoriels, mais l'environnement aura un impact bien plus large sur l'emploi : il ne représente pour l'instant que 500 000 emplois, trois fois moins qu'en Allemagne.

Nous agirons ensemble, dans le respect des particularités de chacun. Vous l'avez dit, l'outre mer représente une très grande richesse pour la Nation, la biodiversité est un facteur de puissance, qui nous donne un devoir envers l'humanité tout entière.

Je retiendrai finalement les encouragements venus de droite comme de gauche. Merci, nous comptons sur votre soutien. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Mme Kosciusko-Morizet a répondu pour l'équipe que nous formons avec M. Bussereau qui, lui, gère le rêve des infrastructures du nouveau siècle. Aussi me contenterai-je de quelques mots. Nous travaillons dans une chaine ; il y a eu des gens avant nous. Des décisions qui étaient impossibles hier, le deviennent aujourd'hui.

Nous devons éviter certaines surenchères, et refuser d'être les otages de positions prises hier : nous avons suffisamment d'orgueil et assez peu de vanité dans cette affaire !

Certains sujets relèvent de notre système qui repose sur le fossile et le jetable, mais ils ne doivent pas nous empêcher de prendre des mesures concrètes. Commençons par faire le plus difficile, l'impossible attendra un peu ! (Sourires et applaudissements à droite et au centre)

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement qui sera imprimée et distribuée.

La séance est suspendue à 20h 55.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 23 heures

Immigration, intégration et asile (Urgence  -  Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maitrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Je suis saisi de deux rappels au Règlement.

Mme Michèle André. - Je souhaite tout d'abord savoir comment vous comptez organiser nos travaux ce soir.

En second lieu, vous savez sans doute que le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été saisi par un sénateur le 3 octobre dans le cadre d'une procédure d'urgence afin qu'il se prononce sur les tests ADN. Voici quelle a été sa réponse : « Le CCNE regrette que des questions aussi importantes concernant l'accueil des étrangers et le droit de la filiation fassent l'objet de procédures en urgence qui entraînent une constante évolution des textes. Le CCNE ne veut donc pas s'enfermer dans le jugement de tel ou tel article ou amendement d'une version d'un projet législatif. Il se réserve la possibilité d'une réflexion de fond sur des textes concernant l'accueil des étrangers qui soulèvent d'autres questions que celles du regroupement familial.

« Le CCNE prend acte que progressivement les amendements successifs prennent de plus en plus en compte la notion de famille telle que définie dans le droit français, notamment en reconnaissant la filiation sociale comme prioritaire.

« Malgré toutes les modifications de rédaction, le CCNE craint que l'esprit de ce texte ne mette en cause la représentation par la société d'un certain nombre de principes fondamentaux que le CCNE entend réaffirmer avec force, déjà rappelé dans son avis n° 90 Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation du 24 novembre 2005. L'erreur est de laisser penser qu'en retrouvant le gène, la filiation serait atteinte. La filiation passe par un récit, une parole, pas par la science. L'identité d'une personne et la nature de ses liens familiaux ne peuvent se réduire à leur dimension biologique. La protection et l'intérêt de l'enfant doivent être une priorité quand il s'agit de décisions concernant la famille. Le doute devrait jouer a priori au bénéfice de l'enfant.

« Cette inscription dans la loi d'une identification biologique réservée aux seuls étrangers, quelles qu'en soient les modalités, introduit de fait une dimension symbolique dans la représentation d'une hiérarchie entre diverses filiations, faisant primer en dernier lieu la filiation génétique vis-à-vis du père ou vis-à-vis de la mère comme étant un facteur prédominant, ce qui est en contradiction avec l'esprit de la loi française. De nombreuses familles françaises témoignent de la relativité de ce critère : familles recomposées après divorce, enfant adopté, enfant né d'accouchement dans le secret, sans parler de toutes les dissociations que peuvent créer les techniques actuelles d'assistance médicale à la procréation.

« Outre la question de la validité des marqueurs biologiques pour mettre en évidence des liens de filiation, d'un point de vue symbolique, le relief donné à ces critères tend à accréditer dans leur recours une présomption de fraude. Le CCNE est préoccupé par la charge anormale de preuves qui pèsent sur le demandeur.

« D'une manière générale, le CCNE attire l'attention sur la dimension profondément symbolique dans la société de toute mesure qui demande à la vérité biologique d'être l'ultime arbitre dans des questions qui touchent à l'identité sociale et culturelle. Elle conduirait furtivement à généraliser de telles identifications génétiques, qui pourraient se révéler à terme attentatoires aux libertés individuelles. Elle risquerait d'inscrire dans l'univers culturel et social la banalisation de l'identification génétique avec ses risques afférents de discrimination.

« Le CCNE redoute les modalités concrètes d'application dans des réalités culturelles très différentes des nôtres. Nos concitoyens comprendraient peut-être mieux l'exacte réalité de tels enjeux s'ils étaient confrontés à des exigences analogues lors de leur propre demande de visa. »

Au nom du groupe socialiste et en application de l'article 43 alinéa 4 de notre Règlement, je demande donc au Sénat qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 5 bis relatif aux tests ADN applicables aux étrangers qui veulent venir sur notre sol.

Lorsque nous avons discuté hier soir de l'amendement de M. Hyest, nous n'avions pas connaissance de l'avis du CCNE qui est susceptible de contribuer à notre réflexion. Nous souhaitons donc que le Sénat puisse délibérer à nouveau sur une disposition qui pose des problèmes graves, à la fois de principe et d'ordre pratique. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Je vous donne acte de votre communication, mais je vous rappelle que le quatrième alinéa de l'article 43 stipule qu' « Avant le vote sur l'ensemble d'un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé à la commission pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».

J'interroge donc le Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Comme vous le savez, la seule obligation qui s'impose au Gouvernement est de faire passer ses projets devant le Conseil d'État. Cette formalité ayant été remplie, je ne suis pas favorable à une deuxième délibération.

Mme Éliane Assassi. - Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce texte mais il ne se limite pas aux seuls tests ADN. Un certain nombre d'autres mesures méritent que l'on prenne le temps d'un débat serein, à la hauteur de celui que nous avons eu jusqu'à présent. Qu'envisagez-vous de faire alors qu'il reste plus de 110 amendements ?

Je suis d'accord avec Mme André : la lettre du CCNE est d'autant plus importante que l'article 5 bis prévoit qu'un décret sera pris après avis du CCNE. La lecture qui vient d'être faite est édifiante : comment pourrait-on encore maintenir l'article 5 bis dans le projet ? Je demande donc à mon tour une deuxième délibération.

M. le président. - La réponse vient de vous être donnée à l'instant par le Gouvernement.

Sur le fond, il reste 117 amendements à examiner. C'est peut-être beaucoup mais si les interventions sont ramassées et les réponses brèves, nous pourrions envisager de lever la séance vers trois heures du matin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Les questions les plus compliquées ont déjà été examinées. Si les interventions qui refont la discussion générale ne se multiplient pas, nous pourrions raisonnablement achever l'examen de ce projet dans les délais que vous envisagez.

M. le président. - Nous reprenons donc l'examen des articles de ce projet de loi.

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 5 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la dernière phrase de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « à l'initiative de l'étranger » sont supprimés.

L'amendement rédactionnel n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 5 quinquies

La section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III du même code est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« La carte de résident permanent

« Art. L. 314-14. - À l'expiration de sa carte de résident délivrée sur le fondement de l'article L. 314-8, L. 314-9, L. 314-11 ou L. 314-12, une carte de résident permanent, à durée indéterminée, peut être délivrée à l'étranger qui en fait la demande, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public et à condition qu'il satisfasse aux conditions prévues à l'article L. 314-2.

« Les articles L. 314-4 à L. 314-7 sont applicables à la carte de résident permanent.

« Lorsque la carte de résident permanent est retirée à un ressortissant étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3, une carte de séjour temporaire lui est délivrée de plein droit. »

M. le président. - Amendement n°53, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La carte de résident permanent sera délivrée aux étrangers titulaires d'une carte de résident de dix ans qui en font la demande, sous réserve que l'étranger satisfasse aux conditions prévues à l'article L. 314-2. Il n'est pas normal qu'elle ne soit pas attribuée de plein droit, de façon quasi-automatique.

M. le président. - Amendement n°55, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

qui en fait la demande

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans la rédaction actuelle, la carte de résident permanant ne peut être obtenue que si l'étranger en fait la demande. Cela signifie-t-il que l'étranger qui ne la demande pas n'y a pas droit ? N'est pas discriminant ? Pourquoi ne pas prévoir qu'on lui délivre une carte de résident permanent lorsqu'il demande le renouvellement de sa carte de résident de dix ans ?

M. le président. - Amendement n°54, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lors du dépôt de sa demande de renouvellement de carte de résident, l'étranger est dûment informé de la possibilité de bénéficier de la carte de résident permanent mentionnée à l'alinéa précédent.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La création d'une carte de résident permanent est une bonne chose.

Pour qu'un étranger possesseur d'une carte de résident de dix ans fasse la demande d'une carte de résident permanent, il faut qu'il soit informé de cette possibilité. L'amendement prévoit donc qu'une information sera délivrée systématiquement lors du dépôt de la demande de renouvellement de titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission sollicite l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°53. Avis défavorable à l'amendement n°55, car nous considérons que l'étranger doit accomplir une démarche positive pour obtenir une carte de résident permanent. Avis favorable à l'amendement n°54.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements n°53 et 55. Avis favorable à l'amendement n°54 à condition que vous acceptiez le sous-amendement suivant : remplacer les mots « de la possibilité de bénéficier de la carte de résident permanent mentionnée à l'alinéa précédent » par les mots « des conditions dans lesquelles il pourra se voir accorder une carte de résident permanent. »

M. le président. - Ce sera le sous-amendement n°214 du Gouvernement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Sous-amendement accepté !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable au sous-amendement n°214.

L'amendement n°53 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°55.

Le sous-amendement n°214 est adopté.

L'amendement n°54, modifié, est adopté ainsi que l'article 5 quinquies, modifié.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°197, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase de l'article L. 314-4 du même code est supprimée.

M. Christian Demuynck. - Amendement de coordination avec les dispositions introduites à l'article L. 122-1.

M. le président. - Amendement n°200, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 314-8 du même code, les mots : « sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1º, 2º et 3º de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1 et L. 314-9, aux 2º, 3º, 4º, 5º, 6º, 7º et 9º de l'article L. 314-11 et à l'article L. 315-1 » sont remplacés par les mots : « sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1º, 2º et 3º de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2º, 3º, 4º, 5º, 6º, 7º et 9º de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 ».

M. Christian Demuynck. - Les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire délivrée à titre humanitaire ou exceptionnel ou d'une carte de résident accordée lorsque les conditions d'acquisition de la nationalité française de l'article 21-7 du code civil sont satisfaites doivent pouvoir accéder au statut de résident de longue durée de la Communauté européenne. Nous proposons donc d'intégrer ces deux catégories de titres de séjour à la liste de catégories de titres énumérées à l'article L. 314-8.

M. le président. - Amendement n°201, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention « carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ». Sauf application des mesures transitoires, elle donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. »

M. Christian Demuynck. - Cet amendement propose, pour les parents de ressortissants européens, de limiter la durée de validité du premier titre de séjour à cinq ans afin que ceux-ci puissent obtenir, dès ce moment, le droit de séjour permanent, conformément à la directive du 29 avril 2004, et le droit de travailler, conformément aux traités d'adhésion.

M. le président. - Amendement n°202, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Art. L. 312-1. - Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour composée :

« a) D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ;

« b) De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, le préfet de police ;

« Le Président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, le préfet de police.

« Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements. »

M. Christian Demuynck. - Il est proposé d'alléger la composition de la commission départementale du titre de séjour afin que n'y figurent plus des personnes, tels les magistrats, qui pourraient intervenir ensuite dans la procédure de recours.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable aux amendements de précision n°197, 200 et 201, comme à l'amendement n°202, car il vise essentiellement les magistrats.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°197, adopté, devient article additionnel, ainsi que les amendements n°200, 201 et 202.

M. le président. - Amendement n°192, présenté par Mme Hermange et MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 225-4-1 du code pénal, après les mots : « pour la mettre » sont insérés les mots : « à sa disposition ou ».

M. Christian Demuynck. - Cet amendement renforce la lutte contre l'esclavage moderne, dont sont d'abord victimes les étrangers en situation irrégulière, en élargissant la définition du délit de traite des êtres humains au cas où l'auteur de la traite a pour objectif de mettre les victimes à sa disposition, et non nécessairement à celle d'un tiers. La France sera ainsi en conformité avec le Protocole à la convention de Palerme du 15 novembre 2000.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Très favorable !

L'amendement n°192, adopté, devient article additionnel.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l'asile

Article 6 A

Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En cas de demande d'asile, la décision mentionne également son droit d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9. »

M. le président. - Amendement n°100, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :

En cas de demande d'asile,

Mme Éliane Assassi. - Avec cet article, les demandeurs d'asile, auxquels l'administration refuse l'entrée sur le territoire français, seront systématiquement informés de la possibilité d'un recours suspensif. Nous nous félicitons de la création de ce recours, bien que nous regrettions que la majorité ait attendu que la France soit épinglée par la Cour européenne des droits de l'homme pour satisfaire cette obligation.

Par ailleurs, le Gouvernement limite le droit à un recours suspensif aux seules demandes d'asile à la frontière. En pratique, analyse l'organisation Human Rights Watch, cela pourrait faire courir aux personnes exposées à des risques de torture ou de mauvais traitements, en cas de refus, de grands dangers. Au reste, la France a été condamnée par le comité de l'ONU contre la torture pour avoir expulsé deux personnes en dépit d'indices probants de torture. L'Anafe, la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le syndicat de la juridiction administrative sont unanimes pour demander qu'un recours suspensif soit ouvert à tous les étrangers faisant l'objet d'un refus d'entrée, conformément à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. D'où cet amendement qui ne fait pas de surenchère, mais vise à faire respecter des libertés fondamentales.

M. le président. - Amendement n°143, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa de cet article supprimer les mots :

En cas de demande d'asile,

et, après les mots :

la décision mentionne également

insérer les mots :

, dans une langue qu'il comprend,

Mme Michèle André. - Notre amendement a le même objet que le n°100, mais prévoit également, par coordination avec l'amendement déposé à l'article 6, que le demandeur soit informé dans une langue qu'il comprend.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°100 et 143. Ceux-ci n'ont pas leur place à l'article 6 A qui concerne l'information des migrants.

M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le second alinéa de cet article par les mots :

, et précise les voies et délais de ce recours

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il s'agit de compléter l'information des demandeurs d'asile auxquels l'administration a opposé un refus d'entrée en précisant devant quelle juridiction ils peuvent exercer leur recours et dans quel délai.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis que le rapporteur sur les amendements n°100 et n°143. L'extension du recours suspensif ne va pas dans le sens de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Favorable à l'amendement n°14.

Les amendements identiques n°100 et n°143 ne sont pas adoptés.

L'article 6A, modifié, est adopté.

Article 6

Le chapitre III du titre Ier du livre II du même code est complété par un article L. 213-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-9. - L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les vingt-quatre heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Par dérogation au précédent alinéa, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance, ou manifestement mal fondés.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. Toutefois, sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose, celle-ci peut se tenir dans la salle d'audience de la zone d'attente et le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d'audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d'audience de la zone d'attente et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un.

« La décision de refus d'entrée au titre de l'asile ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Les dispositions du titre II du présent livre sont applicables.

« Si le refus d'entrée au titre de l'asile est annulé, il est immédiatement mis fin au maintien en zone d'attente de l'étranger, qui est autorisé à entrer en France muni d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

« La décision de refus d'entrée au titre de l'asile qui n'a pas été contestée dans le délai prévu au premier alinéa, ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation dans les conditions prévues au présent article peut être exécutée d'office par l'administration. »

M. Louis Mermaz. - Les personnes qui se présentent à la frontière dépourvues de passeport ou de visa sont considérées comme étant en situation irrégulière, même si elles viennent au titre de l'asile. La possibilité de recours qui leur est donnée, en cas de refus d'admission sur le territoire, n'a pas caractère suspensif, ce qui signifie qu'elles peuvent être réacheminées vers leur pays d'origine avant que le juge ait eu à connaître de leur cas, avec les conséquences dramatiques que cela peut avoir.

La Cour européenne des droits de l'Homme, dans son arrêt Gebremedhin rendu le 26 avril 2007, a jugé que l'absence d'un recours juridictionnel de plein droit suspensif ouvert aux étrangers dont la demande d'asile à la frontière a été refusée méconnaît les articles 3 et 13 relatifs respectivement à l'interdiction des traitements inhumains et dégradants et au droit à un recours effectif de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt oblige le gouvernement à légiférer, mais il le fait a minima, en prévoyant une procédure aussi expéditive que possible. L'Assemblée nationale a heureusement substitué au référé liberté un recours en annulation de plein droit suspensif. Mais pour le rendre effectif, il faut modifier le texte sur bien des points. Nous ferons la démonstration que le recours suspensif de 24 heures est dans 90 % des cas inopérant et partant, ne satisfait pas au jugement de la Cour. Qui plus est, le Gouvernement en a profité pour introduire d'autres dispositions inquiétantes. Ainsi, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné garde la possibilité d'effectuer un tri. Il pourra notamment écarter par ordonnance un recours « ne relevant manifestement pas de la compétence du tribunal administratif », « entaché d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance » ou « manifestement infondé ». Voilà qui veut dire tout et son contraire. Les magistrats des tribunaux administratifs sont très inquiets.

Une sombre innovation, enfin : si l'étranger ne s'y oppose pas, le procès peut avoir lieu dans une salle aménagée de la zone d'attente. S'il a lieu à Roissy, le président du tribunal sera à Bobigny et le représentant de l'État à son côté. Où sera l'avocat ? Face au tribunal ou auprès de son client ? Peut-on encore parler d'un jugement équitable ? Si ce dispositif est retenu, nul doute qu'il sera très vite mis en cause devant la Cour européenne des droits de l'homme, car il contourne de bout en bout sa décision.

M. le président. - Amendement n°101, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet article dit assez quelle conception a minima du droit d'asile ont le Gouvernement et sa majorité. Vous avez affirmé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que vous ne confondez pas immigration et droit d'asile. Mais vous les traitez toujours dans les mêmes textes, qui vont toujours dans le même sens. Vous nous dites que la France est exemplaire en matière de droit d'asile, mais nous ne sommes plus le premier pays d'accueil en Europe, ni celui vers lequel se tournent les demandeurs. Et le nombre de réponses favorables ne fait que diminuer.

Nous nous faisons réprimander par les instances internationales et des organismes aussi reconnus que la Cimade estiment que le droit d'asile est devenu la variable d'ajustement de notre politique de l'immigration.

Le droit d'asile est pourtant le fruit d'un long cheminement et porte des valeurs universelles intégrées dans le préambule de notre Constitution. Inscrit dans la Convention de Genève, il est un acquis de la communauté internationale que les États doivent défendre et faire reconnaître partout comme un socle essentiel.

Hélas, la France, comme l'Europe, ne cesse de mettre en cause le droit personnel à l'asile. Et quand l'arrêt de la Cour européenne de justice du printemps dernier le contraint à légiférer sur le recours suspensif, le Gouvernement propose un texte vidé de toute garantie : délai suspensif, brièveté de l'audience, obligation d'une requête motivée, absence de garantie d'audience auprès du juge. Pourtant la décision du 26 avril concernait un Érythréen dont le référé avait été rejeté sans audience par le tribunal administratif. A quoi s'ajoute la possibilité d'un procès par vidéoconférence, sauf opposition du demandeur. Où est la garantie d'un procès équitable ? Et croyez-vous qu'une zone d'attente soit propice à susciter la confiance nécessaire à un demandeur pour parler librement ? Nulle mention n'est faite de l'avocat. Comment aura-t-il accès à son client ? Au juge ? Le Comité national consultatif des droits de l'homme estime que le droit à un procès équitable est en jeu. Comment, dans ces conditions, penser que ce recours sera effectif ? C'est pourtant ce qu'exige l'article 39 de la directive « Procédures » que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007 : les États membres doivent faire en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours « effectif » devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d'asile.

M. le président. - Amendement n°144, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

au titre de l'asile

Mme Bariza Khiari. - Cet amendement tend à ouvrir le recours à tous les étrangers maintenus en zone d'attente, qu'ils soient mineurs, malades ou victimes de violence. Il pourra y avoir d'autres censures de la Cour européenne sur des cas d'étrangers autres que les demandeurs d'asile. De surcroît, limiter le droit de recours aux seuls demandeurs d'asile risque d'inciter certains étrangers en difficulté à demander l'asile dans le seul but de bénéficier du recours.

Refouler un étranger dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne pourrait pas effectivement bénéficier dans le pays où il est refoulé contrevient aussi aux articles 2 et 3 de la Convention. Le refoulement peut également porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garantie par l'article 8. Ainsi d'un étranger en situation irrégulière vivant habituellement en France avec sa famille et bloqué à la suite d'un voyage en dehors du territoire.

M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

I. - Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt-quatre heures 

par les mots :

quarante-huit heures 

II. - En conséquence, procéder à la même substitution au septième alinéa du même texte.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement fait passer de 24 à 48 heures le délai de recours contre une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, ce qui laisse au magistrat 72 heures pour répondre.

M. le président. - Amendement identique n°59, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

vingt-quatre

par le mot :

quarante-huit

II. Dans le texte proposé par le septième alinéa de cet article pour le même article, procéder à la même modification.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°102, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt quatre heures

par les mots :

deux jours ouvrés

II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le septième alinéa du même texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous approuvons la décision de la commission, mais en rester là serait ignorer la complexité de la procédure. Nous proposons donc de porter le délai à deux jours ouvrés. N'oublions pas qu'il n'y a pas de permanences d'avocats dans les zones d'attente mais seulement l'assistance, ô combien essentielle, des bénévoles de l'Anafe (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers).

M. le président. - Amendement identique n°145, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt-quatre heures

par les mots :

deux jours ouvrés

Mme Michèle André. - Pour qu'une demande soit recevable, il ne suffit pas de démontrer l'illégalité de la décision attaquée ou la gravité de ses conséquences au regard des impératifs de l'administration mais une atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale.

La requête doit être très argumentée, ce qui suppose un entretien préalable, parfois dans une langue rare afin de mettre en oeuvre le récit et de démontrer le risque d'atteinte aux libertés fondamentales. Tout cela nécessite l'intervention d'un avocat. La commission le sait, d'où l'amendement qu'elle propose et que je salue. Toutefois, étendre le délai à deux jours ouvrés apporterait un petit confort.

M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

, en demander l'annulation

supprimer les mots :

, par requête motivée

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Qu'est-ce qu'une requête motivée ? Toute requête l'est, la motivation désignant la présentation des moyens de droit et de fait. Mais le Gouvernement souhaite maintenir cette mention pour que le juge puisse écarter une requête insuffisamment motivée. L'alinéa 6 de l'article énonce les cas où la requête peut être repoussée par simple ordonnance nonobstant l'article R.222 du code de la justice administrative.

En effet, le septième alinéa de l'article R. 222 autorise le juge à repousser une requête dont les moyens de légalité externe sont manifestement irrecevables, dont les moyens sont inopérants ou assortis de faits dont il est manifestement impossible de vérifier le bien-fondé. Cet article réglementaire sera sans doute modifié pour rejeter la requête non motivée.

M. le président. - Amendement n°63, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le délai visé à l'alinéa précédent expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu d'admettre la recevabilité d'un recours présenté le premier jour ouvrable suivant.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le délai de vingt-quatre heures ne permet pas un recours, pourtant garanti par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme : en aussi peu de temps, on ne peut pas recueillir de preuves. Il n'y a pas de permanence d'avocats en zones d'attente, si bien que la rédaction actuelle rend purement théorique l'exercice des droits de la défense : si un refus est notifié le samedi, l'étranger pourra être refoulé le dimanche, sans avoir pu se défendre.

M. le président. - Amendement n°146, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office.

M. David Assouline. - Les associations qui aident les étrangers à rédiger leur recours ne sont pas toujours présentes dans toutes les zones d'attente.

Les étrangers concernés doivent donc bénéficier d'un avocat commis d'office. C'est le bon sens même.

M. le président. - Amendement n°147, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

de la juridiction administrative

supprimer la fin de l'alinéa.

M. Richard Yung. - L'alinéa 9 autorise le président du tribunal administratif a constater qu'il n'y a pas lieu à statuer dans un certain nombre de cas : la procédure s'arrête sans même que les moyens aient été examinés. Plus de la moitié des référés rejetés par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'ont été dans ces conditions.

La personne à l'origine de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 26 avril 2007 avait subi un rejet de sa requête sans audience. Depuis, la Cour européenne l'a réinstallée dans ses droits.

M. le Président. - Amendement n°60, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Supprimer les deuxième à dernière phrases du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La délocalisation des audiences est une atteinte aux droits de la défense, sous le prétexte de ne pas mobiliser inutilement la police de l'air et des frontières pour escorter les étrangers au tribunal administratif. En clair, vous voulez faire des économies sur le dos des demandeurs d'asile !

Mais pourquoi délocaliser des audiences vers des endroits où les juges refusent de siéger ? C'est contraire à la LOLF, puisque l'argent public est alors dépensé sans utilité préalablement établie.

M. le président. - Amendement identique n°148, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - On comprend que les juges refusent de siéger dans une salle d'audience contiguë à un stand de tir et à un chenil. Maintenant que M. le ministre a été informé, je pense qu'il fera très rapidement le nécessaire...

Toutefois, le projet de loi autorise à organiser des audiences à distance, l'étranger se trouvant dans une salle de la zone d'attente. Or, l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que tout le monde a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme comporte une disposition quasiment identique. La publicité des débats est garantie par la Cour européenne des droits de l'homme ; la Cour de Cassation et le Conseil d'État ont rappelé que la publicité des débats était un principe général assorti de très rares exceptions. Les audiences délocalisées violent ces principes. L'avocat sera-t-il présent auprès de son client ou ira-t-il au tribunal ? L'accusé ne rencontrera pas son juge : il le verra par vidéo-conférence. Les débats ne seront donc pas publics, mais le représentant de l'État accèdera au tribunal pendant que l'étranger restera confiné en zone d'attente.

M. le président. - Amendement n°56, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger ainsi le début de la deuxième phrase du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Avec l'accord exprimé par l'étranger, dûment informé de cette possibilité dans une langue qu'il comprend, celle-ci peut se tenir...

Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'accord de l'étranger en faveur de l'audience délocalisée est présumé par le texte, alors qu'il faudrait recueillir son consentement exprès.

La justice d'exception s'appliquera, sauf si l'étranger s'y oppose, mais il n'aura pas le choix. Il faut redonner toute sa place au consentement.

M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 

Avant la dernière phrase du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer une phrase ainsi rédigée : 

Il est dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès verbal des opérations effectuées.

 

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La publicité des débats, proclamée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, est une garantie essentielle d'un procès équitable. Or, il est difficile d'accéder à des salles situées dans des lieux clos, sous haute surveillance policière. Par suite, nous demandons que les audiences fassent l'objet d'un procès-verbal.

M. le président. - Amendement n°57, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 

Dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

, à sa demande,

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Qui ferait annuler un arrêté de reconduite à la frontière sans avoir l'intention de rester en France ? Il est inutile d'exiger que l'intéressé demande formellement à recevoir un titre de séjour après une décision du tribunal annulant le refus initial.

Elle crée un obstacle dangereux car, si l'étranger ne demande pas d'autorisation de séjour, il se trouve dans une situation de non-droit. Il faut mettre un terme à cette absurdité et rendre obligatoire la délivrance de cette autorisation dès que la décision est annulée.

M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :

« Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par lui. Cet appel n'est pas suspensif. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement précise les procédures d'appel et de recours devant la cour administrative d'appel.

M. le président. - Sous-amendement n°73 à l'amendement n°16 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 16, remplacer les mots :

quinze jours

par les mots :

un mois

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La création d'une possibilité d'appel est louable, mais trop restrictive. La France n'y est pas tenue par ses engagements internationaux, mais quand une possibilité existe, elle doit être effective. Dans la proposition de la commission, elle demeure théorique.

Le délai pour faire appel du jugement d'un tribunal administratif est de deux mois, et d'un mois pour une décision de reconduite à la frontière. Pourquoi ne serait-il que de quinze jours dans le cas d'une demande d'asile à la frontière ? L'étranger ne connaît alors pas toujours notre langue ou notre procédure. Alignons le délai d'appel sur la procédure de reconduite à la frontière. Le délai de quinze jours, dans le code de justice administrative, ne s'applique qu'aux jugements accordant un sursis à exécution. Ce n'est pas le cas ici, puisqu'il s'agit de l'annulation d'une décision.

M. le président. - Sous-amendement n°103 à l'amendement n°16 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I. Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 16, remplacer les mots :

de quinze jours

par les mots :

d'un mois

II. Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous avons souligné les restrictions apportées par l'article 6 aux droits des demandeurs d'asile. Ce sous-amendement vise à leur apporter des garanties.

En 2005, la Commission des recours des réfugiés a annulé 15 % des décisions de rejet prises par l'Ofpra. Le nombre de demandeurs d'asile baisse, car la France est de moins en moins considérée comme une terre d'asile, tout comme celui des obtentions du statut de réfugié, conséquence de votre politique. Les décisions de rejet annulées le sont parce qu'elles ont été prises à la va-vite.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°101. Nous ne pouvons étendre le recours suspensif à tout le dispositif. Pour les mêmes raisons, avis défavorable à l'amendement n°144.

L'amendement n°59 est identique à l'amendement n°15 de la commission.

Avis défavorable aux amendements identiques nos102 et 145.

Avis défavorable à l'amendement n°62 : la motivation de la requête est utile, dans l'intérêt de l'étranger.

Avis défavorable à l'amendement n°63, qui est contraire à l'unité de la procédure et du délai.

L'amendement n°146 permet à l'étranger d'être assisté d'un conseil. Avis favorable.

Avis défavorable à l'amendement n°147, car le dispositif proposé renforce le droit des étrangers, et à l'amendement n°60, car nous souhaitons maintenir la visioconférence. Pour la même raison, avis défavorable à l'amendement n°148 ainsi qu'à l'amendement n°56. L'étranger peut refuser la visioconférence.

Nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s61 et 57. Avis défavorable aux sous-amendements n°s73 et 103.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Cet article organise les recours en annulation pour les demandes d'asile à la frontière ainsi que le caractère suspensif des mesures d'exécution des décisions. Nous avons recherché un équilibre, pesé en quelque sorte « au trébuchet ». Les droits de l'étranger sont pleinement respectés et je serai favorable à ce que le délai de recours, fixé à vingt-quatre heures par l'Assemblée nationale, soit porté à quarante-huit heures, ce qui m'amènera à accepter plusieurs amendements.

Avis défavorable aux amendements n°s101 et 144.

Avis favorable aux amendements identiques n°s15 et 59.

Avis défavorable aux amendements identiques n°s102 et 145, ainsi qu'aux amendements n°s62 et 63.

Avis favorable à l'amendement n°146.

Avis défavorable à l'amendement n°147, ainsi qu'aux amendements identiques n°s60 et 148, et aux amendements n°s56 et 61.

Sagesse pour l'amendement n°57.

Avis favorable à l'amendement n°16.

Avis défavorable aux sous-amendements n°s73 et 103.

M. David Assouline. - Je me suis rendu il y a quelques jours à la zone d'attente Zapi 3 de Roissy, et j'ai été bien reçu par la directrice de la police de l'air et des frontières. Toutefois, je conteste ce que dit la majorité et ce qu'elle diffuse dans l'opinion : nous ne sommes pas assaillis d'étrangers arrêtés à la frontière et en attente d'expulsion. La zone d'attente était vide. Vous communiquez une vision différente de la réalité pour alimenter la peur.

J'ai visité la salle d'audience aménagée récemment, qui n'a jamais fonctionné car les avocats et les magistrats ne veulent pas y aller. Pour contourner le fait que l'on ne peut rendre la justice dans la zone d'attente, comme dans une prison, une séparation plus ou moins formelle a été créée pour l'accès des avocats et des magistrats. J'ai eu connaissance du coût et de la date d'engagement des travaux pour des locaux qui ne pourront servir qu'après le vote de la loi que nous examinons ! L'administration précède le politique et ce qui est annoncé est considéré comme quasiment accompli...

Pour reprendre la question de Mme André, tout réside dans la façon de présenter les choses. On peut expliquer à l'étranger retenu en zone d'attente qu'il sera emmené à 8 heures du matin à Bobigny, où il attendra, avec d'autres personnes, une audience qui n'aura pas lieu avant 16 heures. Ou on lui propose de le juger immédiatement, à Roissy, près de sa chambre. La façon de lui présenter les choses sera déterminante pour qu'il ait vraiment le choix -et j'avoue que, présenté ainsi, j'ai moi-même failli être convaincu par le nouveau dispositif.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je connais cette situation, je suis allé à Roissy, ainsi qu'à Toulouse. A Roissy, la salle d'audience a été construite il y a deux ans et demi.

Les magistrats ont exigé une deuxième salle, qui sera livrée d'ici un an et demi. En attendant, ils refusent de siéger dans la première. Voilà les faits. Pour le reste, à chacun son opinion.

M. Philippe Dallier. - Je m'étonne d'entendre autant parler de la juridiction de Bobigny. On ne s'en était pourtant guère préoccupé sous le dernier gouvernement socialiste ! Il a fallu attendre 2002 pour que des postes de magistrats et de greffiers soient enfin créés en nombre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est pas la question !

M. Philippe Dallier. - La gauche de cet hémicycle pourrait se montrer un peu plus raisonnable... Je regrette que les magistrats n'aient pas voulu de cette salle d'audience. Ce sont des locaux de qualité. Des aménagements sont en cours. Si la visio-conférence peut améliorer le fonctionnement de la justice dans l'intervalle, tant mieux !

Mme Éliane Assassi. - (Marques d'impatience à droite) La question n'est pas celle des moyens en personnel. Les magistrats refusent simplement une justice à deux vitesses, différente pour les étrangers.

L'amendement n°101 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°144

L'amendement n°15, identique à l'amendement n°59, est adopté.

L'amendement n°102, identique à l'amendement n°145, devient sans objet.

L'amendement n°62 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°63.

L'amendement n°146 est adopté.

L'amendement n°147 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60, identique à l'amendement n°148, et que les amendements n°56 et 61.

L'amendement n°57 est adopté.

Le sous-amendement n°73 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°103.

L'amendement n°16 est adopté.

M. Louis Mermaz. - Nous donnons acte à la commission d'avoir porté le délai de recours devant le tribunal administratif de vingt-quatre à quarante-huit heures, même si nous aurions préféré deux jours ouvrés. Les amendements de l'opposition qui auraient mis le texte en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme n'ayant pas été retenus, nous sommes au regret de voter contre l'article.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°58, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, s'il formule un recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le délai mentionné à l'article L. 751-2, jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile » ;

2° La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, avant la décision de la Cour ».

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pour certains demandeurs d'asile, aucun recours suspensif n'est prévu. Pourtant, selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, relatif aux conditions du droit d'asile en France, « tout refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement du demandeur d'asile doit être susceptible de recours suspensif devant la juridiction administrative dans un délai raisonnable ». Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe déclare également, dans une recommandation du 18 septembre 1998, que « tout demandeur d'asile s'étant vu refuser le statut de réfugié et faisant l'objet d'une expulsion vers un pays contre lequel il fait valoir un grief défendable, prétendant qu'il serait soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, doit pouvoir exercer un recours effectif devant une instance nationale ». Cet amendement vise donc à mettre en place un droit de recours effectif contre toutes les décisions concernant les demandes d'asile.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable. La Convention européenne des droits de l'homme ne prévoit pas de recours suspensif quand il s'agit de pays d'origine sûrs.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis. Un tel amendement risquerait d'engorger l'Ofpra et la Commission des recours.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

Article 6 bis

L'article L. 221-3 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa est supprimée. 

M. le président. - Amendement n°104, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet article porte à quatre jours la durée de maintien en zone d'attente, qui était auparavant de quarante-huit heures, reconductible une fois. Au fil du texte, les garanties dont pouvaient bénéficier les demandeurs d'asile disparaissent les unes après les autres.

En théorie, la zone d'attente offre aux personnes maintenues des prestations de type hôtelier. Le demandeur d'asile peut communiquer avec toute personne de son choix, être assisté d'un interprète et d'un médecin, faire appel à un avocat, recevoir des visites. La délégation en France du HCR et sept associations peuvent s'entretenir avec les personnes maintenues. En réalité, les conditions de rétention sont innommables, bien éloignées de ce qu'on veut bien nous montrer : surpopulation, conditions d'hygiène déplorables, mineurs laissés seuls, brimades, etc.

Au prétexte de simplifier la procédure, vous réduisez toujours plus les droits des demandeurs d'asile, considérés comme des indésirables. Nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. - Amendement n°194, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans la dernière phrase du second alinéa, les mots : « ou de son renouvellement » sont supprimés.

M. Christian Demuynck. - Coordination : il faut supprimer les mentions relatives au renouvellement de la période de quarante-huit heures.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°104 : fixer le délai à quatre jours n'ôte aucun droit à l'étranger. Favorable à l'amendement de coordination n°194.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°104 n'est pas adopté.

L'amendement n°194 est adopté.

L'article 6 bis, modifié, est adopté.

Article 7

L'article L. 222-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « À titre exceptionnel », sont insérés les mots : « ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ » ;

2° Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « non admis à pénétrer sur le territoire français » sont remplacés par les mots : « dont l'entrée sur le territoire français a été refusée » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un étranger, dont l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile a été refusée, dépose un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9, dans les quatre derniers jours de la période de maintien en zone d'attente fixée par la dernière décision de maintien, celle-ci est prorogée d'office de quatre jours à compter du dépôt du recours. Cette décision est mentionnée sur le registre prévu à l'article L. 221-3 et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues au même article. »

M. le président. - Amendement n°105, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade. - Cet article, qui proroge d'office le maintien en zone d'attente en cas de recours en annulation, est symptomatique de l'acharnement du gouvernement et de sa majorité -qui fait de la surenchère- à restreindre les droits des migrants et des demandeurs d'asile, considérés comme des fraudeurs. Le projet de loi initial prévoyait une prorogation automatique de trois jours ; l'Assemblée a proposé quatre jours ; notre commission des lois, six. Qui dit mieux ? Notre commission proroge également de six jours le maintien en zone d'attente en cas de demande d'asile déposée tardivement. Là encore, le demandeur d'asile est soupçonné de démarches dilatoires. La logique sécuritaire teintée de suspicion prévaut. L'Assemblée nationale a surenchéri en ajoutant la possibilité de proroger le maintien en zone d'attente de huit jours en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ. Décidément, quel acharnement !

En réalité, vous voulez punir les étrangers qui refusent de s'embarquer vers des pays dangereux ou qu'ils ne connaissent pas et vous voulez tuer les mobilisations citoyennes qui se font jour. Vous utilisez déjà des vols groupés et avez institué un délit de solidarité et un délit d'entrave à l'utilisation d'aéronefs. Jusqu'où n'irez-vous pas ? Nous ne vous suivrons pas sur cette pente dangereuse.

M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après le 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Dans la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quatre » est remplacé (deux fois) par le mot : « six ».

 

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le recours suspensif et la prolongation des délais modifient l'équilibre actuel en cas de dépôt d'une demande tardive.

M. le président. - Amendement n°149, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 3° de cet article.

Mme Bariza Khiari. - Nous nous opposons à cette prorogation d'office du maintien en zone d'attente.

M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le second alinéa du 3° de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Un dispositif similaire avait été mis en place en 2003.

Avis défavorable aux amendements n°105 et 149.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis sur ces deux amendements. Le dernier ôterait toute efficacité à la décision du juge en cas de rejet de la requête car l'étranger aurait été libéré entretemps, ce qui n'apparaît guère cohérent. Avis favorable aux amendements de la commission.

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

L'amendement n°149 n'est pas adopté.

L'amendement n°18 est adopté ainsi que l'article 7, modifié.

Article 8

Après le chapitre VI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Le contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile

« Art. L. 777-1. - Les modalités selon lesquelles les recours en annulation formés contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile sont examinés obéissent aux règles fixées par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. le président. - Amendement n°106, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade. - Nous avons déjà dit nos réserves sur cette procédure frileuse.

M. le président. - Amendement identique n°150, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Bariza Khiari. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

Après le chapitre 6 du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre 7 ainsi rédigé :

« Chapitre 7

« Le contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile

« Art. L. 777-1.- Les modalités selon lesquelles le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il a désigné examine les recours en annulation formés contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile obéissent aux règles fixées par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement rédactionnel. Avis défavorable aux deux amendements de suppression.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements n°s106 et 150 et favorable à l'amendement n°19.

L'amendement 106, identique à l'amendement n°150, n'est pas adopté.

L'amendement n°19, adopté, devient l'article 8.

Article 9

Le titre II du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 721-1, les mots : « des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « chargé de l'asile » ;

1° bis  L'article L. 722-1 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, après le mot : « Sénat, », sont insérés les mots : « un représentant de la France au Parlement européen désigné par décret, » ;

b) Dans le troisième alinéa, les mots : « des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « chargé de l'asile » ;

2° Dans l'article L. 722-2, les mots : « nommé sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur » sont remplacés par les mots : « sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'asile » ;

3° Dans le deuxième alinéa de l'article L. 722-4, les mots : « du ministère des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « des services du ministre chargé de l'asile ».

M. David Assouline. - On peut lire sur le site de l'Ofpra que ses textes fondateurs n'ont été modifiés que sur des points de détail jusqu'à la loi de 2003. Vous poursuivez l'entreprise de destruction d'une tradition séculaire qui avait alors été amorcée. La Constitution de 1793 ne refusait le droit d'asile qu'aux tyrans. Ce droit a été réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Il a ensuite été reconnu par la convention de Genève de 1951, signée par la France en 1952. C'est dans ce cadre que la France offre le droit d'asile aux réfugiés et c'est pourquoi l'Ofpra est rattaché au ministère des affaires étrangères. Il est de bonne administration que l'Office reste organiquement lié au réseau diplomatique de la France, le deuxième au monde. Son rattachement à un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement n'est pas acceptable et suscite notre opposition résolue.

Je ne reviens pas sur les objectifs chiffrés d'expulsion ni sur la chasse systématique aux sans-papiers. Il suffit que les missions de ce ministère aient peu à voir avec le droit d'asile. La Commission consultative des droits de l'homme estime que cette confusion n'est pas acceptable, compte tenu de la qualité de droit fondamental du droit d'asile. Le gouvernement a le devoir de respecter nos engagements internationaux. Pourtant, le récent discours de M. Hortefeux aux directeurs départementaux de l'emploi était surtout consacré à l'immigration utile à notre économie. A cette politique restrictive...

M. le président. - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. David Assouline. - ...nous nous opposons farouchement.

M. Louis Mermaz. - L'article 9 transfère l'Ofpra au ministère de l'immigration etc., comme on disait d'Olivier Guichard, aux attributions multiples, qu'il était le ministre de l'équipement etc. (M. le ministre proteste) Alors je dépasserai mon temps de parole : au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement. (Sourires sur les bancs socialistes) Les compétences liées à la procédure d'asile me semblent clairement devoir rester au ministère des affaires étrangères, même si la loi de décembre 2003 avait de manière inquiétante prévu que le ministre de l'intérieur participerait à la nomination du directeur de l'Ofpra et que celui-ci aurait, au ministère de l'intérieur, un correspondant ayant accès aux dossiers.

J'espère que vous respecterez scrupuleusement la confidentialité. La tutelle de votre ministère risque de faire perdre à l'asile sa spécificité : le rôle international de la France est en jeu ! C'est pourquoi nous proposerons le maintien de la tutelle du ministère des affaires étrangères.

M. Richard Yung. - L'inconvénient de l'ordre alphabétique, c'est que je parle quand, souvent, beaucoup a déjà été dit... Monsieur le ministre, les officiers placés sous votre autorité disposeront de tous les éléments des dossiers : on peut craindre que des informations confidentielles ne soient détournées de leur usage.

Le transfert de tutelle, ensuite, va amputer de 50 millions le programme budgétaire des Français à l'étrangers et étrangers en France, nous ne le voyons pas d'un bon oeil. Il aurait été plus judicieux de mettre en oeuvre la recommandation de M. Gouteyron d'un contrat entre l'Ofpra et le ministère des affaires étrangères, en faisant disposer l'Office du télégramme diplomatique et en détachant des officiers de liaison dans les pays sensibles.

Demain, votre ministère n'existera peut-être plus, et l'Ofpra relèvera alors du ministère de l'intérieur : nous ne le souhaitons pas, tout comme nous ne voulons pas voir les consuls devenir des commissaires de police 

M. le président. - Amendement n°107, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article parachève la remise en cause du droit d'asile, placé par la loi de 2003 dans un même code que l'entrée et le séjour des étrangers. Vos services conserveront les dossiers rejetés, il y a un risque pour la confidentialité de certaines informations. Vous prétendez que le droit d'asile n'est pas remis en cause, ce n'est pas l'avis de nombreuses organisations d'élus ou d'aide aux réfugiés : la modification est plus que de forme ! L'Ofpra doit demeurer un organisme indépendant et disposer des moyens nécessaires à son action, sans lien de tutelle avec votre ministère !

M. le président. - Amendement n°151, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 1° de cet article.

Amendement n°152, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le b) du 1°bis de cet article.

Amendement n°153, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 2° de cet article.

Amendement n°154, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 3° de cet article.

M. Richard Yung. - Je les ai déjà défendus.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°107, ainsi qu'aux amendements n°s151, 152, 153 et 154.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Mêmes avis. L'Ofpra comptait 493 agents en 2001, pour un budget de 21 millions ; 752 agents pour un budget de 45 millions cette année : l'évolution est inverse de celle que vous dites !

L'amendement n°107 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s151, 152, 153 et 154.

L'article 9 est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°108, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Les 2° et 4° sont abrogés.

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « aux 1° à 4° » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas ».

Mme Éliane Assassi. - Nous voulons rendre le recours devant la commission de recours des réfugiés (CRR) suspensif de toute mesure d'éloignement, le temps que cette commission examine la situation de l'intéressé au regard des risques qu'il encourt en cas de reconduite à la frontière. Nous supprimons en conséquence les hypothèses dans lesquelles l'admission au séjour d'un demandeur d'asile peut être refusée. Seule serait conservée l'hypothèse où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État membre de l'Union européenne.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cela remettrait en cause la politique suivie depuis 2003 : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°155, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 731-1. - La Commission des recours des réfugiés est une juridiction administrative placée sous l'autorité du Conseil d'État. »

Mme Michèle André. - Nous plaçons la CRR sous l'autorité du Conseil d'Etat, pour qu'elle soit pleinement indépendante, conformément à la décision du conseil constitutionnel du 4 décembre 2003.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est déjà le cas puisque le président de cette commission est nommé par le vice-président du Conseil d'Etat et que ses décisions sont examinées en appel par le Conseil : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je comprends l'intention mais le statut de cette commission fait déjà l'objet d'une réflexion : avis défavorable.

Mme Michèle André. - La CRR gagnerait pourtant à être pleinement indépendante et à disposer de l'autonomie budgétaire, ce n'est pas si difficile : la confusion de ses moyens avec ceux de l'Ofpra pose des problèmes.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Effectivement. Je comptais effectuer l'autonomie budgétaire l'an prochain, cela ne sera possible qu'en 2009, une difficulté liée au statut du personnel a retardé le changement.

Mme Michèle André. - L'espoir fait vivre !

L'amendement n°155 n'est pas adopté.

Article 9 bis

I. - A. - Dans l'intitulé du titre III du livre VII du même code, les mots : « Commission des recours des réfugiés » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile ».

B. - Il est procédé au même remplacement :

1° Dans le 1° de l'article L. 513-2 du même code ;

2° Dans l'article L. 731-1 du même code ;

3° Dans la première phrase de l'article L. 731-2 du même code ;

4° Dans la première phrase de l'article L. 731-3 du même code ;

5° Dans l'article L. 742-4 du même code ;

6° Dans le 5° de l'article L. 751-2 du même code ;

7° Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles ;

8° Dans le quatrième alinéa de l'article 16 et la première phrase du premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mot : « commission » est remplacé par le mot : « Cour nationale du droit d'asile ».

III. - A. - Dans l'article L. 733-1 du même code, les mots : « commission des recours » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile ».

B. - Il est procédé au même remplacement :

1° Dans la première phrase de l'article L. 742-3 du même code ;

2° Dans les 6° et 10° de l'article L. 751-2 du même code.

IV. - Dans la dernière phrase de l'article L. 742-1 du même code, les mots : « commission des recours, jusqu'à ce que la commission » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour ».

M. le président. - Amendement n°156, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le A du I de cet article, remplacer les mots :

Cour nationale du droit d'asile

par les mots :

Cour administrative du droit d'asile

M. Louis Mermaz. - La « Commission des recours de réfugiés » deviendrait la « Cour nationale du droit d'asile ». Le mot national nous semble bien trop beau pour être ainsi galvaudé. C'est pourquoi nous préfèrerions comme dénomination : « Cour administrative du droit d'asile ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'Assemblée nationale a proposé cette nouvelle dénomination. Nous aurions préféré cour administrative car aucune juridiction n'a, en France, de caractère national. Nous nous en remettons donc à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je ne trouve pas choquant de qualifier de nationale une cour dont les compétences sont nationales. Nous avons d'ailleurs consulté le président de la C2R qui préfère cette nouvelle dénomination. Avis défavorable.

L'amendement n°156 n'est pas adopté.

L'article 9 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°109, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L.732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 732-1. - La Cour nationale du droit d'asile comporte des sections comprenant chacune :

« 1º Un président nommé :

« a) Soit par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en activité ou honoraires ;

« b) Soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ;

« 2° un magistrat nommé par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire ;

« 3º Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés. »

Mme Éliane Assassi. - J'ai la désagréable impression que l'on est en train de confondre demande d'asile et immigration, ce qui a pour effet de tirer les critères des demandeurs d'asile vers ceux, plus restrictifs, de la police administrative de reconduite à la frontière, ce qui est inadmissible. Alors que 9,1 % des demandeurs d'asile étaient acceptés en 2004, ils n'étaient plus que moins de 8 % en 2006. La procédure accélérée, considérée à l'origine comme exceptionnelle, concerne désormais un tiers des demandeurs d'asile. Or la commission de recours des réfugiés (C2R) est sous l'étroite dépendance de l'Ofpra. Les rapporteurs en séance publique de la C2R sont ainsi des personnels de l'Ofpra. La façon d'agir de la commission risque bien d'être un jour jugée contraire à la notion de procès équitable par la Cour européenne des droits de l'homme. Pour parvenir à une réelle indépendance de la C2R, nous proposons donc d'en modifier la composition.

Enfin, M. Anicet Le Pors s'était vu confier en mars 2006 une mission de réflexion sur la situation statutaire des personnels de la C2R : jusqu'à présent, ses propositions sont restées lettre morte.

L'amendement n°109, repoussé par la commission et par le gouvernement, n'est pas adopté.

Article 9 ter

Dans la dernière phrase de l'article L. 731-2 du même code, les mots : « d'un mois » sont remplacés par les mots : « de quinze jours ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'Assemblée nationale a décidé de réduire d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la commission des recours des réfugiés.

Lors du débat sur la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, le Sénat avait décidé, à l'unanimité, de fixer le délai de recours contre les décisions de l'OFPRA devant la C2R à un mois. Le fait que ce délai de recours soit d'un mois n'empêche pas la commission de recours d'apprécier les dossiers comme bon lui semble.

Nous pensons donc qu'il convient de supprimer cet article.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Ce sujet a déjà été évoqué. Ayant entendu les arguments développés par le rapporteur et par d'autres orateurs, le gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Louis Mermaz. - Lors des débats de 2006, notre assemblée avait tenu à préciser le délai dans lequel le demandeur d'asile pouvait contester, devant la Commission des recours des réfugiés, la décision de l'Ofpra, en le fixant à un mois à compter de la décision de l'Office. La détermination de ce délai était auparavant confiée à un décret qui l'avait également fixé à un mois.

Or, le comité interministériel de contrôle de l'immigration avait adopté en juillet 2005 le principe d'une réduction des délais de recours à quinze jours. De crainte que ce délai soit modifié par voie réglementaire, M. Buffet avait à juste titre tenu à le fixer dans la loi.

L'article 9 ter, introduit par l'Assemblée nationale, tend à réduire ce délai d'un mois à quinze jours. Le droit au recours serait ainsi vidé de tout sens. Cette disposition démontre en outre la méconnaissance de la réalité de la procédure d'asile en France, où les demandeurs sont le plus souvent livrés à eux-mêmes, sans assistance juridique ni linguistique.

De plus, ce délai augmenterait de manière exponentielle le nombre de recours rejetés par ordonnances soit pour forclusion, soit pour insuffisance des moyens soulevés. En conséquence, cette mesure multiplierait le nombre de réexamens devant l'Ofpra, conduisant l'Office à travailler dans l'urgence, plus encore qu'il ne le fait déjà.

Dans de telles conditions, ni la C2R, ni l'Ofpra ne pourraient remplir de façon satisfaisante la mission de service public qui leur est assignée.

Cette évolution législative, si elle venait à être confirmée, ne ferait que traduire la contradiction entre un discours officiel sur le respect du droit d'asile et une stratégie tendant, sous prétexte de raccourcir les délais, à décourager les demandeurs d'asile en multipliant les obstacles administratifs et procéduraux.

Mme Bariza Khiari. - Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit.

M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement identique n°110, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Odile Terrade. - La commission des lois propose à juste titre de supprimer cet article, ajouté par l'Assemblée nationale et destiné à réduire de moitié le délai d'appel contre une décision de l'Ofpra devant la C2R. Notre assemblée s'était déjà prononcée en ce sens en 2005, quand le gouvernement avait tenté de réduire le délai. Nous nous étions alors fondés sur les conclusions de notre commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

L'argument utilisé par l'Assemblée est inacceptable : le délai d'un mois allongerait les procédures et nuirait au bon accueil des demandeurs d'asile. Le réduire de moitié permettrait d'économiser 10 millions par an ! Comme le dit l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) : « s'il ne s'agit que de considérations financières, elles sont misérables et indignes de la France. Quant à la longueur des procédures, il faut y remédier en renforçant les effectifs de l'Ofpra et de la Commission des recours et non en faisant payer aux réfugiés l'incurie de l'Etat ».

Les personnels de l'Ofpra .se sont mis hier en grève contre la réduction de ce délai d'appel car ils savent que la constitution d'un dossier prend du temps. Un délai de quinze jours ne permet en effet pas à un demandeur d'asile de prendre connaissance de la décision de rejet le concernant, de trouver un avocat, de motiver son recours, de le rédiger en langue française sous peine d'irrecevabilité et de l'acheminer. Combinée avec la possibilité prévue à l'article 6 de rejeter par simple ordonnance, sans audience, les recours insuffisamment motivés, cette disposition priverait un grand nombre de réfugiés potentiels d'un examen au fond de leur demande.

En outre, un mois, c'est déjà la moitié du délai de droit commun en matière de recours administratif. La Convention européenne des droits de l'homme exige que le droit au recours soit effectif. Le Haut Commissariat aux Réfugiés a fait part de sa stupeur devant l'atteinte au droit d'asile que constituerait la réduction du délai d'appel.

M. le président. - Amendement identique n°157, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement identique n°182, présenté par Mme Dini et les membres du groupe UC-UDF.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Cet article a été adopté de façon un peu contestable à l'Assemblée nationale. A plusieurs reprises, le Sénat a décidé qu'il ne fallait pas faire peser sur les demandeurs d'asile une réduction du délai de recours contre les décisions de l'Ofpra. Il convient de leur laisser le temps de remplir toutes les formalités inhérentes à un recours.

L'amendement n°20, identique aux amendements n°s 110, 157 et 182,est adopté et l'article 9 ter est supprimé

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°208, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L.711-2 ainsi rédigé :

« Art. L.711-2. - L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code et a signé le contrat d'accueil et d'intégration prévu par l'article L. 311-9 bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour l'accès aux droits, à l'emploi et au logement.

« A cet effet, l'autorité administrative conclut avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales concernées et celles qui adhèrent volontairement au dispositif, une convention par laquelle sont prévus les moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'organisation de cet accompagnement.

« Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avec cet amendement, le Gouvernement reprend une proposition du président Mercier pour faciliter l'intégration des réfugiés. Ceux-ci, douloureusement marqués par l'existence, ont en effet droit à une considération particulière.

Il s'agit de généraliser une expérience réussie, mise en place dans le Rhône par l'association « forum réfugiés », le conseil général et les bailleurs sociaux, afin d'accompagner le réfugié dans ses démarches pour trouver un logement et un travail. En bref, un interlocuteur est désigné pour chaque réfugié.

Le dispositif serait financé par le Fonds européen pour les réfugiés et des conventions adaptées pourraient être conclues sous l'égide des préfets.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable d'autant qu'il s'inspire d'un dispositif expérimenté dans le Rhône...

M. Yves Pozzo di Borgo. - Au nom de Mme Dini et de M. Mercier, je remercie le Gouvernement d'avoir repris cet amendement que la commission des finances avait déclaré irrecevable au titre de l'article 40.

L'amendement n°208 est adopté et devient article additionnel.

M. le président. - Amendement n°212, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 723-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 723-3-1. - L'office communique sa décision par écrit. Cette décision est explicite. Lorsque la demande est rejetée, la décision est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.

« Aucune décision ne peut naître du silence gardé par l'autorité administrative ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il s'agit d'une mesure technique de transposition de la directive du 1er décembre 2005.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable. Toutefois, celui-ci a pour effet de ne plus imposer le délai de deux mois à l'Ofpra, et donc de priver le demandeur d'une possibilité de recours. Le Gouvernement peut-il nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, je propose que l'on supprime la phrase « cette décision est explicite » qui apparaît redondante.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  -  Rectification acceptée !

L'amendement n°212 rectifié, adopté, devient article additionnel.

M. le président. - Amendement n°112, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Avant que l'office se prononce, il donne au demandeur d'asile la possibilité d'avoir un entretien personnel avec une personne compétente pour mener cet entretien ainsi que la possibilité de s'y faire assister d'un conseil.

« Chaque entretien personnel fera l'objet d'un procès-verbal dont le contenu sera soumis à l'accord de l'intéressé, voire à rectification lorsque cela est nécessaire.

« La notification de la décision prise par l'office et des voies de recours se fera en français ainsi que dans une langue compréhensible au demandeur d'asile s'il ne comprend pas le français. »

Mme Odette Terrade. - Il s'agit de rendre systématique l'audition du demandeur, audition prévue par la loi de 2003, mais exclue dans le cas où les éléments fournis par le demandeur sont manifestement infondés. Par ailleurs, conformément à la directive européenne sur les procédures, le demandeur doit avoir le droit de corriger et de signer le compte rendu d'entretien et d'être assisté par une personne. D'où cet amendement qui définit également les conditions de l'entretien dans la loi, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à présent. Demander l'asile est toujours une décision douloureuse. L'examen du dossier doit donc être assorti de garanties fortes.

L'amendement n°112, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.

Article 10

La dernière phrase de l'article L. 742-3 du même code est ainsi rédigée :

« Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable. »

M. le président. - Amendement n°113, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article 10 bis a pour seul objectif de faciliter le refoulement des demandeurs d'asile, suspectés d'être des fraudeurs, en assortissant le refus de séjour d'une obligation immédiate de quitter le territoire alors que les demandeurs disposaient auparavant d'un mois pour ce faire. D'où cet amendement de suppression.

L'amendement n°113, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 10 bis

Le premier alinéa de l'article L. 121-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les ressortissants qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. »

M. le président. - Amendement n°159, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung. - Nous proposons de supprimer cet article, introduit à l'Assemblée nationale, aux termes duquel les ressortissants communautaires qui ne se sont pas fait immatriculer auprès du maire sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. Cette mesure vexatoire est de surcroît choquante : le principe d'égalité entre citoyens de l'Union est strictement respecté dans d'autres pays européens tels que l'Allemagne.

L'amendement n°159, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 bis est adopté.

Article 10 ter

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 551-2 du même code, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Il est placé en état de faire valoir ces droits et informé de la suspension de leur exercice pendant le transfert vers le lieu de rétention. La durée du transfert fait l'objet d'une mention justificative au registre prévu à l'article L. 553-1. »

M. Louis Mermaz. - L'article 10 ter, introduit par les députés, a pour objet de suspendre les droits du demandeur d'asile -celui d'être assisté par un interprète, d'être conseillé, d'être examiné par un médecin ou encore de communiquer avec un avocat ou la personne de son choix- durant le transfert de l'étranger vers le lieu de rétention. Cette disposition est d'autant plus inquiétante que la durée du transfert va s'allongeant. A cause du manque de place dans les centres de rétention les plus proches du fait de la politique répressive de ce Gouvernement et de la volonté d'éviter des manifestations de soutien en faveur des demandeurs, les étrangers sont transférés dans des centres de plus en plus lointains, ce qui nécessite des voyages de plusieurs heures. Cet article aggravant les conditions de détention des étrangers, il faut le supprimer.

M. le président. - Amendement n°114, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, a été introduit par un amendement de notre ancien collègue, M. Goujon, amendement adopté sans avoir été défendu et débattu. Pourtant, il est loin d'être anodin. Il vise à éviter que le juge des libertés et de la détention, lorsqu'il est saisi d'une demande de prolongation de rétention, annule des procédures frappant un étranger constatant que la durée du transfert est anormalement longue. Le demandeur a la possibilité de contester une mesure d'éloignement dans un délai de 48 heures. Le moment du transfert est particulièrement important puisqu'il correspond aux premières heures de la rétention.

Chaque minute compte.

M. le président. - Amendement identique n°160, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André. - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Sagesse.

Les amendements identiques n°114 et n°160 ne sont pas adoptés.

L'article 10 ter est adopté.

Articles Additionnels

M. le président. - Amendement n°161, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-5. - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »

M. David Assouline. - Cet amendement interdit le placement de mineurs de moins de 18 ans en centre de rétention administrative. Il n'est pas tolérable que la situation actuelle perdure. Qui, dans cet hémicycle, pourrait se déclarer satisfait de voir de jeunes mineurs, quand ce ne sont pas des bébés, placés en centre de rétention administrative ? Les justifications avancées sont légères. Théoriquement, un matériel spécifique et des espaces spécifiques sont prévus. La réalité est tout autre. Ceux qui font usage du droit de visite, parlementaires ou associations, savent bien ce qu'il en est. Dans son rapport de 2005, la Commission nationale de déontologie de la sécurité cite le cas d'un nourrisson d'un mois, né en France en 2005 de mère somalienne et placé dans un centre de rétention de Seine-Maritime dénué de tout équipement. L'enfant n'a pu être présenté à un service médical et les services sociaux qui demandaient à le voir ont été éconduits. La mère et l'enfant sont restés sans eau et sans nourriture durant huit heures.

Les associations font état de la présence, dans les centres, de très jeunes enfants en situation de précarité. La violence intolérable qui leur est faite s'ajoute au choc inévitable du voyage. Ils ne méritent pas, au seul motif qu'ils n'ont pas de papiers, un traitement contraire aux valeurs de la République et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, en particulier dans ses articles 2 et 3.

M. François-Noël Buffet, rapporteur - Votre amendement revient à empêcher d'opposer un refus d'entrée sur le territoire à tout mineur, ce qui risquerait de renforcer les filières utilisant des enfants. Le texte de 2006 a prévu la présence d'administrateurs ad hoc lorsqu'un mineur arrive sur notre territoire. Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Je précise que le gouvernement porte une attention particulière au problème et vient de conclure avec la Croix rouge une convention d'assistance humanitaire dans la zone d'attente de Roissy.

M. David Assouline. - La zone d'attente de Roissy n'est pas représentative de l'état des centres de rétention sur notre territoire. Continuer sans rien faire, c'est accepter de nouveaux drames. Les enfants méritent une protection particulière. Ils n'ont pas choisi. Je comprends mal, monsieur le rapporteur, à quelles filières vous faites allusion. Il y aurait donc des filières trafiquant des enfants pour entrer sur le territoire ? A moins que ce ne soit qu'argutie pour contourner un problème qui vous dérange.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - J'ai toujours tenu, monsieur Assouline, des propos mesurés à l'égard de tous, dans cet hémicycle. Je vous invite à lire le rapport sur la loi de 2006, qui vous aidera à comprendre le problème.

M. Dominique Braye. - Très bien !

L'amendement n°161 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°162, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire ne peut donner lieu, pour les mineurs, à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. »

M. David Assouline. - Nous revenons à la charge sur un amendement proposé en 2006. En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc, afin de lui permettre de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci.

La loi du 26 novembre 2003 a modifié la donne. Le bénéfice du jour franc n'est plus accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée. Mais on sait que l'absence d'interprète entraîne souvent une méconnaissance de ce droit. De fait, les étrangers y recourent rarement.

Toutes les personnes exerçant des responsabilités dans des associations ayant pour objet de fournir une aide aux étrangers reclus en Zapi 3 ont constaté que la plupart d'entre eux ignorait ce droit fondamental. Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

Les mineurs sont plus durement touchés encore. L'amendement que nous vous proposons vise à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue certes un progrès, mais qui reste insuffisant. Le bilan de leur intervention est de fait mitigé. Ils ne disposent que de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, quand ils parviennent à trouver le temps de le voir, puisqu'il peut être refoulé avant même qu'un administrateur ait été désigné, comme le dénoncent les associations. Nous proposons donc de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Ce n'est pas là, monsieur le ministre, un sacrifice hors de votre portée. Il ne peut être fait application du droit commun à des mineurs placés dans cette situation.

Vous ne pouvez avoir oublié, monsieur le rapporteur, que l'une des propositions de la commission d'enquête préalable à l'adoption de la loi de 2006 concernait ce jour franc.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est vrai que le débat a eu lieu en 2006. Le jour franc a aujourd'hui un caractère facultatif, étant entendu qu'un administrateur ad hoc est désigné dès la notification du refus d'entrée. Le dispositif demande à être évalué avant que l'on ne songe à le modifier. Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.

M. le président. - Amendement n°163, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 7° Le mineur ou le jeune majeur inscrit dans un établissement scolaire y compris pendant la période des vacances scolaires. »

M. David Assouline. - La recrudescence, ces derniers mois, des situations dramatiques auxquelles il tente d'apporter une solution rend l'adoption de cet amendement, que nous avions déjà présenté en 2006, plus urgente que jamais.

Nous souhaitons que les mineurs ou les jeunes majeurs inscrits dans un établissement scolaire cessent d'être placés, y compris pendant la période des vacances scolaires, sous la menace d'une expulsion.

L'opinion, dans notre pays, est traversée par des tentations diverses sur la question des étrangers. Pourtant, le refus de nos concitoyens, ces derniers mois, a été net. Ils ne veulent pas voir des enfants saisis à la porte de l'école, où ils sont scolarisés parfois depuis de nombreuses années, à la veille des vacances, pour être expulsés.

Certes, une circulaire récente a adouci le sort réservé à certains élèves enfants de sans-papiers mais elle pose de graves problèmes d'application. Les conditions imposées en atténuent considérablement la portée : les enfants doivent être parfaitement intégrés, n'avoir plus aucune attache avec leur pays d'origine, avoir suivi toute leur scolarité en France et, cerise sur le gâteau, ne parler que le Français ! Cette dernière condition a quelque chose de non seulement scandaleux, mais d'absurde, à l'heure du pluriliguisme. Conserver ses attaches avec sa langue d'origine ne devrait pas être un péché !

Nous devrions être fiers de l'effort que font des familles étrangères pour que leurs enfants accèdent à l'éducation. Donnons à notre pays un visage plus ouvert que celui que vous proposez.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Effectivement, la situation des enfants scolarisés pose problème, mais l'amendement aboutirait à une régularisation d'office et rendrait impossible toute mesure d'éloignement de la famille. De plus, leurs familles sont très rarement expulsées.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Il y a certes des situations difficiles, parfois dramatiques, mais le droit à l'instruction de tous les enfants ne peut être synonyme de droit à régularisation, sinon on aboutirait à des situations encore plus dramatiques.

M. David Assouline. - Puisque vous n'expulsez pas, régularisez ! Pourquoi maintenir une situation intolérable ? Pourquoi interdire une réelle intégration ? La régularisation, c'est bien mieux pour les enfants, le lien républicain et l'ensemble de la société.

L'amendement n°163 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°115, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à entamer le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2007.

Mme Gélita Hoarau. - Le 8 décembre 1990, l'Assemblée générale des Nations-Unies adoptait la « Convention internationale des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille », fondée sur la non-discrimination, particulièrement importante pour les migrants en « considérant la situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent fréquemment ». Elle figure parmi les grands instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Entrée en vigueur en juillet 2003, mais ratifiée par seulement trente-six Etats, essentiellement pays de départ de migrants, elle reste lettre morte, et le restera tant que la France, ses partenaires de l'Union européenne et la plupart des pays industrialisés persisteront à éluder sa ratification.

Pourtant, les droits des travailleurs migrants subissent une précarisation grandissante partout dans le monde. La France n'est pas en reste : loi après loi, le Gouvernement et la majorité s'éloignent des engagements pris. L'Europe se présente comme un continent agressé qui devrait défendre ses frontières puisque la politique commune organise le contrôle des flux migratoires vers une Europe forteresse, incapable de relever les grands défis, notamment celui du codéveloppement.

A ce jour, 229 organisations et près de 13 000 citoyens ont signé la pétition du Collectif d'associations « migrants, pas esclaves » pour demander la ratification par la France de la Convention. En juillet, de grandes organisations françaises ont écrit au Président de la République pour demander cette ratification. Prenez toute disposition à cette fin !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement non normatif.

L'amendement n°115, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 11

L'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et d'intégration » ;

2° Le i est remplacé par un i et un j ainsi rédigés :

« i) Le nombre de contrats souscrits en application des articles L. 311-9 et L. 311-9-1 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l'emploi, au logement et à la culture ;

« j) Le nombre des acquisitions de la nationalité française. »

M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au début du premier alinéa, les mots : « dépose devant le Parlement » sont remplacés par les mots : « transmet au Parlement ainsi qu'au Président de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations ».

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Comme ce texte supprime la transmission des actions relative à la lutte contre les discriminations, il convient au moins que la Halde connaisse les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière. Elle doit pouvoir apprécier comment l'accès à l'emploi, au logement et à la culture est facilité pour ces étrangers.

En réécrivant l'article 111-10 du Cesda, l'article 11 a supprimé la transmission au Parlement du rapport décrivant les actions entreprises au niveau national pour combattre les discriminations. Doit-on faire fi des discriminations subies par les étrangers en situation régulière ? Est-ce une mesure de coordination avec l'article 20 de ce projet, qui met en place un traitement informatisé des données permettant de conduire des études sur la diversité des origines, la discrimination et l'intégration ? Mais lutter contre les discriminations et connaître le nombre et l'origine des étrangers sont des sujets sans rapport !

En supprimant cette référence aux actions de l'Etat contre les discriminations, vous supprimez l'obligation pour lui de se justifier des actions menées. Voilà donc le but de ce projet de loi enfin dévoilé : mépriser les étrangers, fussent-ils établis légalement sur le territoire !

M. le président. - Amendement n°65, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un k ainsi rédigé :

« k) Les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations subies par les étrangers en situation régulière. »

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article, en réécrivant le i de l'article 111-10 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, supprime la transmission au Parlement des informations relatives aux « actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations ». Il convient de rétablir cette obligation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°64, car le rapport remis au Parlement est public. L'amendement n°65 est inutile, puisque le rapport annuel de la Halde est précis sur ce point.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.

L'amendement n°64 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°65.

L'article 11 est adopté.

L'amendement n°43 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

Articles additionnels

M. le Président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

 

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi  rédigé :

« Lorsque l'étranger mentionné à l'alinéa précédent poursuit les mêmes travaux au-delà de trois mois, la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Les scientifiques étrangers n'auront plus à solliciter un visa de long séjour. Le président Cantegrit devrait être sensible à cet amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Cette disposition facilite une mobilité vers la France que le Gouvernement encourage.

L'amendement n°43 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°164, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont éligibles aux chambres de métiers les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales dressées par les chambres de métiers, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.

Amendement n°165, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont éligibles aux chambres de commerce les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales, dressées par les chambre de commerce, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.

Amendement n°166, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les listes électorales dressées par les chambres de commerce comprennent l'ensemble des personnes physiques et morales inscrites au répertoire des métiers et à jour de leurs cotisations sociales et fiscales, sans condition de nationalité.

Mme Bariza Khiari. - La dernière fois que j'ai présenté ces amendements, M. Gérard Larcher m'a promis qu'un décret rétablirait le droit de vote des étrangers aux chambres des métiers, ce qui a été fait.

Aujourd'hui, je demande que les étrangers aient le droit de vote aux élections des chambres de commerce et qu'ils soient éligibles aux chambres des métiers et aux chambres de commerce. Je rappelle qu'ils travaillent, payent la taxe professionnelle et embauchent, mais ne peuvent représenter leur métier pour des raisons de nationalité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le vote des étrangers est un sujet de nature constitutionnelle.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable à une mesure qui suppose une large concertation avec les partenaires sociaux.

L'amendement n°164 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°165 et 166.

L'amendement n°36 rectifié n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°216, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 3111-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3111-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-3-1. - Les vaccinations antidiphtérique et antitétanique par l'anatoxine et la vaccination antipoliomyélitique sont obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, pour les étrangers admis pour la première fois au séjour en France.

« En outre, pour les ressortissants des pays dont la liste est fixée par arrêté, la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG est obligatoire dans les mêmes conditions.

« Les personnes titulaires de l'autorité parentale ou qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues personnellement à l'exécution de ces obligations. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Haut Conseil de la santé publique. »

M. Jean-Jacques Hyest. - Cet amendement a pour objet de rendre certaines vaccinations obligatoires pour les migrants en provenance de certains pays. M. About, qui est à l'initiative de cet amendement, souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cette question complexe.

M. Brice Hortefeux, ministre. - J'ai consulté le ministère de la santé, qui a estimé inutile de rendre obligatoires certaines vaccinations pour des étrangers entrant pour la première fois en France. Avis défavorable.

L'amendement n°216 est retiré.

Article 12

I. - Dans le premier alinéa du 5° de l'article L. 313-10 du même code, après les mots : « à la condition que », sont insérés les mots : « l'étranger justifie d'un contrat de travail datant d'au moins trois mois, que ». 

II. - Les premier et quatrième alinéas du 5° du même article L. 313-10 sont complétés par les mots : « et sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 ».

M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Au troisième alinéa du 5° du même article, les mots: « Cette carte de séjour a une durée de validité de trois ans renouvelable » sont remplacés par les mots : « Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, cette carte de séjour a une durée de validité maximale de trois ans renouvelable ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il s'agit de permettre l'ajustement de la durée du titre de séjour du salarié en mission à la durée de la mission en France.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis tout à fait favorable puisque nous souhaitons encourager le dispositif du titre de séjour du salarié en mission.

L'amendement n°21 est adopté ainsi que l'article 12, modifié.

Articles additionnels

L'amendement n°37 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°37 rectifié présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 185 du code civil est abrogé.

M. Jean-Jacques Hyest. - Il faut lever un obstacle juridique à la lutte contre les mariages forcés.

M. le président. - Amendement n°167, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 185 du code civil est abrogé.

M. Richard Yung. - Cet amendement abroge un article du code civil qui interdit la contestation de la validité du mariage d'une mineure enceinte. Il est inspiré des travaux de la mission d'information menée avec MM. Cointat et Détraigne, et des entretiens que nous avons eus à Nantes avec le procureur de la République compétent en matière d'état civil.

De jeunes Françaises sont parfois mariées de force dans des pays où l'âge nubile est inférieur à 18 ans. Elles sont abusées, et leur grossesse empêche l'annulation du mariage en France. L'époux obtient alors un titre de séjour. Nous souhaitons mettre fin à ce genre de pratique. Le mariage d'une mineure enceinte restera possible s'il est autorisé par le procureur de la République.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Très favorable car cet amendement permet de lutter contre les mariages forcés à seule fin d'obtenir un titre de séjour.

L'amendement n°37 rectifié, identique à l'amendement n°167, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'amendement n°39 n'est pas soutenu.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°39 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « de la France et » sont insérés les mots : « , directement ou indirectement ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il s'agit de corriger une imprécision de la loi du 24 juillet 2006. Pour la délivrance de la carte de séjour « compétences et talents », la participation de l'étranger au développement économique ou au rayonnement de son pays d'origine peut être directe ou indirecte.

L'amendement n°39 rectifié, accepté par la commission, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'amendement n°40 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « au développement économique » sont insérés les mots : « ou au développement de l'aménagement du territoire ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La contribution du titulaire de la carte « compétences et talents » au développement de la France pourra porter sur le développement de ses territoires, ce qui permettra, le cas échéant, d'encourager l'installation de médecins en zone rurale.

L'amendement n°40 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Hyest.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1. Dans le troisième alinéa de l'article 17-3, les mots : « le mineur de seize à dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « tout mineur » ;

2. Le second alinéa de l'article 21-11 est ainsi rédigé :

«  Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de huit ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 17-3. »

M. Jean-Jacques Hyest. - La législation actuelle introduit une différence de traitement injustifiable entre les mineurs empêchés d'exprimer leur volonté par une altération de leurs facultés mentales ou corporelles selon qu'ils ont entre seize et dix-huit ans ou entre treize et seize ans. Les représentants légaux des premiers peuvent souscrire une déclaration de nationalité en leur nom, pas ceux des seconds. Nous mettons fin à cette incohérence.

L'amendement n°45, accepté par le Gouvernement et par la commission, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

Article 12 bis

I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 222-6 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « le ministère public » sont remplacés par les mots : « le ministère public ou le préfet » ;

2° Dans la deuxième phrase, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou au préfet » ;

3° Dans la dernière phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou du préfet ».

II. - L'article L. 552-10 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la deuxième phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou le préfet » ;

2° Dans la troisième phrase, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou au préfet » ;

3° Dans la dernière phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou du préfet ».

M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les articles L. 222-6 et L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposent que l'appel formulé contre la libération d'un étranger maintenu en zone d'attente ou en rétention par le juge des libertés et de la détention n'est pas suspensif. Toutefois, si cet appel émane du ministère public et que celui-ci demande au président du tribunal de déclarer son recours suspensif, l'étranger est maintenu à disposition de la justice jusqu'à ce que le président du tribunal ait statué. L'étranger est ainsi maintenu quatre heures, le temps que le procureur fasse appel, le cas échéant.

Cet article vise à permettre au préfet de demander également au président du tribunal, juge du siège, de déclarer son appel suspensif. S'il est possible de donner ce pouvoir au procureur de la République, il semble plus délicat de le confier à une autorité administrative. Je vous propose donc de supprimer cet article.

M. le président. - Amendement identique n°168, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - Ce soir, je suis souvent d'accord avec M. Buffet ! Un jugement du tribunal pourrait faire l'objet d'un appel de la part du préfet ? Nous sommes unanimes à vouloir supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari. - Je partage cette opinion.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Les préfets ont besoin de réagir vite face à des décisions de justice prises pour des questions de procédure car elles peuvent remettre en cause des journées de travail de la police, de l'administration ou des préfectures. Toutefois, ces dispositions ne sont peut-être pas conformes à l'exigence constitutionnelle. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest. - Devant la multiplication des procédures, il faudra se poser un jour la question des recours juridiques et administratifs -voire fondre les deux juridictions en une.

Il existe aujourd'hui un tel maquis que les personnes de bonne foi s'y perdent alors que celles de mauvaise foi, avec un bon conseil, parviennent à se maintenir illégalement sur notre territoire. C'est kafkaïen. Nous sommes impuissants à faire respecter la loi. Nous devons mener une réflexion commune dans le cadre d'un chantier de simplification du droit.

M. le président. - Amendement identique n°116, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Gélita Hoarau. - Il a été défendu.

L'amendement n°22, identique aux amendements n°s116 et 168, est adopté ; l'article 12 bis est supprimé.

L'article 12 ter est adopté.

Article 12 quater

Le premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'obligation de quitter le territoire français est une modalité d'exécution de la décision de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait du titre de séjour et ne fait pas l'objet d'une motivation particulière. »

M. le président. - Amendement n°117, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Gélita Hoarau. - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mariani, qui ne rate jamais une occasion de réduire encore les droits des étrangers, exonère d'une motivation distincte l'obligation de quitter le territoire français conjointe à un refus de délivrance ou de renouvellement ou à un retrait de titre de séjour.

Or l'obligation de quitter le territoire n'est pas une simple modalité d'exécution de la décision de refus ou de retrait de titre, c'est une mesure distincte. Et joindre les deux décisions, comme c'est le cas depuis la loi de 2006, ne doit pas priver l'étranger de son droit de connaître la motivation de la décision, nécessaire pour exercer le droit au recours. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 12 quater.

M. le président. - Amendement identique n°169, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline. - Si la loi du 24 juillet 2006 a permis l'édiction simultanée des décisions de refus de séjour et d'éloignement, dans un souci de simplification administrative et contentieuse, elle ne peut organiser leur fusion, notamment tant que des étrangers peuvent se voir refuser une carte de séjour alors qu'ils sont protégés contre l'éloignement. C'est le cas, par exemple, de l'étranger qui est en France depuis l'âge de 13 ans mais ne peut justifier y avoir résidé habituellement avec un de ses parents.

La décision obligeant à quitter le territoire français constituant une décision distincte du refus de séjour, elle doit relever d'une appréciation distincte par le juge et être motivée en droit et en fait. Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le président. - Amendement n°193, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

 « L'obligation de quitter le territoire français  n'a pas à faire l'objet d'une motivation. »

M. Christian Demuynck. - Amendement rédactionnel : l'obligation de quitter le territoire français est une simple modalité d'exécution de la décision de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait de titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable aux amendements de suppression : favorable à l'amendement n°193.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Défavorable aux amendements de suppression : motiver les deux décisions de la même façon n'apporte aucune garantie supplémentaire pour l'intéressé. Favorable à l'amendement n°193

M. Louis Mermaz. - On risque là une grande confusion. La loi ne peut organiser la fusion, quand étranger peut se voir refuser un titre de séjour alors qu'il est protégé contre l'éloignement ! Nous voterons l'amendement de suppression.

M. David Assouline. - Le rapporteur ne m'a pas répondu sur l'exemple concret que j'ai donné. Le ministre peut-il clarifier les choses pour permettre à l'administration d'agir ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le préfet n'est jamais obligé d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire.

M. David Assouline. - Merci de l'avoir précisé.

L'amendement n°117, identique à l'amendement n°169, n'est pas adopté.

L'amendement n°193 est adopté, ainsi que l'article 12 quater, modifié.

Article 12 quinquies

Le 3° du II de l'article L. 511-1 du même code est ainsi rétabli :

« 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; ».

M. le président. - Amendement n°118, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mariani, décidément récidiviste, traduit, une fois de plus, votre politique du chiffre. Rien n'est laissé au hasard dans ce projet de loi... Cet article traduit-il l'agacement des députés de la majorité devant le très faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français ? Les tribunaux administratifs sont engorgés et pourtant on leur demande de se prononcer une deuxième fois sur la légalité des mesures d'éloignement. Nous restons perplexes devant une telle disposition, dont nous demandons la suppression.

M. le président. - Amendement identique n°170, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Cet article, qui semble avoir pour objet de répondre au très faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire, va aggraver considérablement la situation des tribunaux administratifs, qui appellent au secours.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est pas mal, ça !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article 12 quinquies permet de prendre un arrêté de reconduite quand l'obligation de quitter le territoire n'a pas été exécutée au bout d'un an.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°118, identique à l'amendement n°170, n'est pas adopté.

L'article 12 quinquies est adopté, ainsi que l'article 12 sexies.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le troisième alinéa du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « son renouvellement » sont remplacés par les mots : « le renouvellement de la carte portant la mention "salarié" ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le texte actuel prévoit le renouvellement de la carte de séjour d'un salarié pour une durée d'un an en cas de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte : le travailleur temporaire qui bénéficie d'une carte d'une durée inférieure à un an peut ainsi se voir attribuer un droit au séjour et au travail d'une durée supérieure à la durée initiale. Il suffirait alors de se faire licencier par connivence avec l'employeur pour pouvoir automatiquement se maintenir sur le territoire.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable. Cet amendement met fin à une incohérence.

L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 322-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces dispositions n'ont plus vocation à figurer dans le Ceseda.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable. Je remercie le rapporteur pour ces deux amendements qui rendent le droit plus clair et plus lisible.

L'amendement n°24 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°195, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le quatrième alinéa (c) de l'article L. 341-9 du code du travail, après les mots : « regroupement familial » sont insérés les mots : « , du mariage avec un Français ».

L'amendement de conséquence n° 195, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 13

Dans l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « sur proposition de l'autorité administrative, et avec le consentement de l'étranger, » sont remplacés par les mots : «, prise sur une proposition de l'autorité administrative à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé, ».

M. Louis Mermaz. - Mon intervention vaudra défense de l'amendement de suppression. L'utilisation de la visioconférence est aujourd'hui subordonnée à l'accord de l'étranger, il suffirait désormais qu'il ne s'y oppose pas. Cette évolution sémantique traduit une atteinte aux droits de la défense car la publicité des débats et leur caractère contradictoire en seront affectés. La participation au débat est particulièrement importante en la matière car l'étranger a peu de temps pour se préparer, et la présence de la famille permet souvent de produire des documents utiles. Comment, avec la visioconférence, l'avocat pourra-t-il s'entretenir avec l'étranger ? J'ai vu, lors d'une audience à Bobigny, combien il est important que l'étranger puisse user de sa liberté de parole pour répondre au juge. J'ai vu un magistrat libérer une vingtaine de personnes parce que la procédure avait été faussée. L'aurait-il fait si les étrangers avaient été absents ?

Mme Éliane Assassi. - L'article 13 assouplit la condition de l'accord de l'étranger. La visioconférence permet des audiences délocalisées qui ne favorisent pas la publicité des débats. Rien ne garantira l'absence de pression sur l'étranger, lequel pourrait ne pas communiquer librement avec le juge : les droits de la défense seront remis en cause, au détriment du droit à un procès équitable. L'étranger peut comprendre le français mais ne pas avoir compris qu'il avait la possibilité de refuser la visioconférence. Il y aura en pratique peu de refus : cet article n'apporte pas les garanties suffisantes.

M. le président. - Amendement n°171, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Louis Mermaz. - Il a été défendu.

M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Au début de cet article, remplacer les mots :

Dans l'article L. 552-12 

par les mots :

Dans les articles L. 222-4, L. 222-6 et L. 552-12

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces modalités seront applicables à la prolongation de la rétention.

M. le président. - Amendement n°66, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

A la fin de cet article, remplacer les mots :

à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé

par les mots :

avec l'accord de l'étranger dûment informé de cette possibilité dans une langue qu'il comprend

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il a été également défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements 171 et 66.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis sur ces deux amendements mais avis favorable à l'amendement 25.

L'amendement n°171 n'est pas adopté.

L'amendement n°25 est adopté.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°189, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° A la fin de la deuxième phrase, les mots : « en présence de son conseil » sont remplacés par les mots : « ou de son conseil ».

2° Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« L'étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu'il lui soit désigné un conseil d'office ».

M. Christian Demuynck. - L'étranger en rétention ne pourra plus organiser son indisponibilité.

L'amendement n°189, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°190, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :Dans le deuxième alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « , en présence de son conseil s'il en a un, ou » sont remplacés par les mots : « ou de son conseil, s'il en a un, ».

M. Christian Demuynck. - Disposition analogue pour les zones d'attente.

L'amendement n°190, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 14

Le même code est ainsi modifié :

1° Dans le dernier alinéa de l'article L. 313-14, les mots : « le ministre de l'intérieur, saisi » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative, saisie » ;

2° La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 315-3 est supprimée ;

3° Dans la première phrase de l'article L. 624-4, les mots : « du ministre de l'intérieur ou du représentant de l'État dans le département, ou, à Paris, du préfet de police » sont remplacés par les mots : « de l'autorité administrative » ;

4° Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 62-4, les mots : « le ministre de l'intérieur » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative ».

M. le président. - Amendement n°172, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté ; l'article 14 est adopté.

L'article 14 bis est adopté.

Article 14 ter

Le dernier alinéa de l'article L. 111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Il comprend les parlementaires, le représentant de l'État dans la région d'outre-mer, un représentant de celle-ci, un représentant du département d'outre-mer, le président de l'association des maires du département d'outre-mer, ainsi qu'un représentant de chaque chambre consulaire du département d'outre-mer concerné. »

M. le président. - Amendement n°215, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Quand l'Assemblée nationale avait voté cet article, le décret d'application de la loi de 2006 relatif à un observatoire de l'immigration en Guadeloupe et à la Martinique n'était pas encore paru. Cette disposition n'a donc plus d'objet.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement mais je constate que l'article est devenu sans objet et, à titre personnel, je donne un avis favorable à l'amendement.

L'amendement n°215 est adopté ; l'article 14 ter est supprimé.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°119, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmettra au Parlement, avant le 31 décembre 2007, un rapport relatif au codéveloppement et à l'aide publique en faveur des pays en développement.

Mme Odette Terrade. - La contribution au codéveloppement, trop faible, n'efface pas les mesures injustes de ce texte. Le Gouvernement en reste aux grandes déclarations alors que les clivages nord-sud s'accentuent.

Un véritable codéveloppement exige de nouveaux rapports, avec un FMI émancipé du dollar. Nous sommes favorables à l'adoption d'une monnaie mondiale, qui mettrait fin à l'hégémonie du dollar, et à l'annulation de la dette du Tiers monde : l'organisation mondiale du commerce, l'organisation mondiale de la santé et l'organisation internationale du travail, doivent être réformées en ce sens.

Monsieur le ministre, le codéveloppement ne saurait se limiter à des propos de campagne électorale ! Quand atteindrons-nous le seuil de 1 % du PIB pour l'aide publique au développement ? Ce texte confirme ses affinités avec les sentiments les plus xénophobes !

Nous souhaitons que le gouvernement rende compte annuellement au Parlement de son action pour le codéveloppement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est déjà le cas dans la loi de finances, le co-développement constitue même un programme budgétaire : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis. Je m'engage à vous transmettre personnellement ces éléments.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

Article 14 quater

I. - L'intitulé de la section 7 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi rédigé : « L'épargne codéveloppement ».

II. - Avant l'article L. 221-33 du même code, sont insérés une division et un intitulé ainsi rédigés : « Sous-section 1. - Le compte épargne codéveloppement ».

III. - Après l'article L. 221-33 du même code, il est inséré une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Le livret d'épargne pour le codéveloppement

« Art. L. 221-34. - I. - Un livret d'épargne pour le codéveloppement peut être proposé par tout établissement de crédit et par tout établissement autorisé à recevoir des dépôts qui s'engage par convention avec l'État à respecter les règles fixées pour le fonctionnement de ce livret.

« II. - Le livret d'épargne pour le codéveloppement est destiné à recevoir l'épargne d'étrangers majeurs ayant la nationalité d'un pays en voie de développement, figurant sur la liste de pays fixée par l'arrêté prévu au II de l'article L. 221-33, titulaires d'un titre de séjour d'une durée supérieure ou égale à un an et fiscalement domiciliés en France, aux fins de financer des opérations d'investissement dans les pays signataires d'un accord avec la France prévoyant la distribution du livret d'épargne pour le codéveloppement.

« III. - À l'issue d'une phase d'épargne au cours de laquelle les sommes placées sur le livret d'épargne pour le codéveloppement sont bloquées pour une durée au moins égale à trois années consécutives et régulièrement alimentées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les titulaires d'un livret d'épargne pour le codéveloppement qui contractent un prêt aux fins d'investissement dans un pays signataire avec la France d'un accord prévoyant la distribution du livret d'épargne pour le codéveloppement bénéficient d'une prime d'épargne plafonnée dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d'épargne. Les investissements ouvrant droit à la prime sont définis dans les accords signés entre les pays en développement et la France.

« IV. - Les conditions de transfert dans un autre établissement de crédit et de plafonnement des sommes versées sur le livret d'épargne pour le codéveloppement sont fixées par décret en Conseil d'État.

« V. - Les opérations relatives aux livrets d'épargne pour le codéveloppement sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances.

« VI. - Le comité prévu au V de l'article L. 221-33 examine périodiquement la cohérence des projets financés au travers du livret d'épargne pour le codéveloppement avec les différentes actions de financement du développement et formule des recommandations aux ministres concernés.

« VII. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Bariza Khiari. - La conception du codéveloppement qui préside à cet article me semble erronée, enfermant le migrant dans une fausse idée du retour, lui assignant une place au village d'origine plutôt que de citoyen dans la société tout entière. Il est malheureusement trop tard pour en parler plus longuement, la question mérite tout un débat : je vous écrirai à ce propos, Monsieur le ministre !

Mme Gélita Hoarau. - Rarement un texte de loi m'a autant interpellée, voire déstabilisée, et nos débats montrent combien nous sommes partagés : c'est que ces dispositions touchent à notre identité même. Monsieur le ministre, je ne suspecte personne de desseins irrecevables dans cet hémicycle, mais je veux vous dire comment j'ai reçu votre texte, ce que j'ai ressenti depuis La Réunion, pour vous faire concevoir comment il sera compris par nos voisins malgaches, comoriens, et plus largement dans cette région du monde.

La Réunion a doublé sa population lorsque l'ont rejointe des esclaves enchaînés et d'autres malheureux chassés par la misère. Le servage a été suivi du salariat contraint. Je suis de la troisième génération d'une famille de ces travailleurs venus d'Inde, d'Afrique et de Madagascar, dont on ne connaît le patronyme qu'en consultant les registres de travail, ces registres qui attestent la dispersion des familles dans toute la région de l'océan indien.

Après la disparition du statut colonial, ces territoires ont connu des évolutions très différenciées, entre ceux qui devenaient des départements français de plein exercice, et ceux dont la situation économique, sociale et sanitaire se dégradait. Songez que plus de 5 000 personnes sont mortes entre 1995 et 2000 pour rejoindre Mayotte, restée française !

Notre situation, à près de 10 000 kilomètres de la métropole, sera un atout si l'on sait prendre en compte les attentes de nos voisins. A moins de 2 000 kilomètres, l'Afrique du sud est en plein développement, forte de 50 millions d'habitants, l'Inde est déjà une grande puissance, forte de plus d'un milliard d'habitants et dont la population dépassera celle de la Chine en 2050 ! Madagascar compte 28 millions d'habitants, elle en aura 48 millions en 2050...

M. le président. - Veuillez conclure !

Mme Gélita Hoarau. - Un Réunionnais, parce qu'il est citoyen français, peut se déplacer sans entrave dans la région, pourquoi n'en va-t-il pas de même pour nos voisins, au milieu desquels nous vivons ? Gardons-nous de prendre des mesures qui semblent dresser des murs toujours plus hauts, renforçons plutôt le codéveloppement dans la région. C'est dans cet esprit que les présidents Sarkozy et Sambi ont évoqué un groupe de travail de haut niveau, pour un accord bilatéral entre Mayotte et les Comores. (Marques d'exaspération à droite)

Je continuerais volontiers, monsieur le ministre, mais le temps me manque. Entendez au moins ceci : la France a tout à gagner à développer ses relations dans la région de l'océan indien, ou bien sa présence en sera pénalisée ! (Applaudissements à gauche)

L'article 14 quater est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°44, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le Livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un Livre IX ainsi rédigé :

« LIVRE IX 

« Le codéveloppement 

« Art. L. 911-1.- Le financement des projets de codéveloppement des migrants peut être assuré par la mise en oeuvre des dispositifs prévus par les articles L. 221-33 et L.221-34 du code monétaire et financier, ci-après reproduits :

« Art. L. 221-33. - [...]

« Art. L. 221-34. - [...] »

M. Brice Hortefeux, ministre. - Nous regroupons sous ce titre les mesures concernant le livret d'épargne pour le codéveloppement.

L'amendement n°44, accepté par la commission, est adopté, et devient article additionnel.

L'article 14 quinquies est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°120, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « une mesure d'expulsion prononcée en application de l'article L. 521-2 » sont remplacés par les mots : « un arrêté d'expulsion et qui justifie qu'il appartient aux catégories définies par les articles L. 521-2 ou L. 521-3 ».

Mme Odette Terrade. - Il faut que toutes les catégories protégées contre un arrêté d'expulsion puissent bénéficier de l'assignation à résidence dans les conditions de l'article L 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit à titre exceptionnel et probatoire. Nous proposons que cette possibilité soit étendue aux personnes étrangères ayant des liens personnels et familiaux très forts en France. Certaines ont un conjoint ou des enfants français, d'autres résident en France depuis de très longues années.

Dans ces conditions, il est difficilement concevable que ces personnes soient en situation de retourner dans leur pays d'origine et il est même difficilement concevable de le leur demander, sauf à leur appliquer une double peine.

M. le président. - Amendement n°121, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout étranger qui justifie qu'il appartenait à la date du prononcé de l'arrêté d'expulsion aux catégories 1 à 5 de l'article L. 521-2, obtient l'abrogation de cette décision, sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. »

Mme Odette Terrade. - Il est défendu

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission souhaite entendre le Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - L'abrogation des doubles peines a eu lieu en 2003 et elle a permis de mettre fin à des situations douloureuses. Le Gouvernement ne souhaite pas rouvrir ce débat. Avis défavorable.

L'amendement n°120 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°121.

Article 15

I. - L'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « dans la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par les mots : « à Saint-Martin » ;

2° Dans le dernier alinéa, la référence : « L. 512-2 » est remplacée par la référence : « L. 512-1 », et les mots : « dans la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par les mots : « à Saint-Martin ».

II. - Dans l'article L. 514-2 du même code, les mots : « les communes du département de la Guadeloupe autres que celles de Saint-Martin » sont remplacés par les mots : « le département de la Guadeloupe et à Saint-Barthélemy ». 

M. le président. - Amendement n°173, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Louis Mermaz. - Depuis la loi du 24 août 1993, les recours en annulation contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'ont pas d'effet suspensif en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en Guadeloupe. Toutefois, les étrangers peuvent assortir leur recours d'une demande de suspension de son exécution ou d'une demande de référé-liberté.

L'article 15 est censé rectifier, pour la Guyane et Saint-Martin, une simple omission de la loi de 2006 : le caractère non suspensif du recours normal de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière devant aussi être étendu à l'obligation de quitter le territoire français. Or, cet article va au-delà puisqu'en raison d'une modification par la loi de 2006 de la numérotation des articles L. 512-1 et L. 512-1-1, le remplacement proposé par ce projet de loi ne permet pas à l'étranger d'informer ses proches ou son consulat de la mesure d'éloignement qui le frappe. On voit mal, dans ces conditions, comment le consulat, seul habilité à demander ce sursis à exécution de cette mesure d'éloignement, pourra la demander !

En outre, nous sommes opposés à cette procédure dérogatoire au droit commun.

Enfin, je vous remercie, monsieur le président, d'avoir laissé à notre collègue Hoarau un temps assez long pour s'exprimer.... J'ai écouté avec passion son intervention.

M. le président. - Amendement n°196, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Dans le 2° du I de cet article, remplacer les mots :

la référence : « L. 512-2 » est remplacée par la référence : « L. 512-1 »

par les mots :

après les mots : « les dispositions » sont insérés les mots : « de l'article L. 512-1 et »

M. Christian Demuynck. - Il convient de préciser que les dispositions de l'article L. 512-1-1 demeurent applicables en Guyane et à Saint-Martin.

L'amendement n°173, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°196, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

L'article 16 est adopté ainsi que l'article 16 bis.

Article 17

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et pour en tirer les conséquences sur l'ensemble du territoire de la République.

L'ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans les douze mois suivant la publication de la présente loi.

M. le président. - Amendement n°174, présenté par Mme  M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André. - Le Gouvernement demande l'autorisation au Parlement de légiférer par ordonnance pour rendre la loi applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Cette procédure doit rester exceptionnelle, d'autant que les délais ne sont souvent pas tenus.

Le Président de la République vient de lancer une réflexion sur les institutions qui devrait déboucher sur une prochaine révision de la Constitution. Or, de tous côtés, des voix s'élèvent pour que les droits du Parlement soient renforcés et pour que le recours aux ordonnances soit limité et mieux encadré.

Par cohérence, le Parlement ne peut donc pas accorder une habilitation qui touche aux droits de la personne, sans qu'aucune information ne lui ait été donnée sur le contenu de l'ordonnance et sans avoir l'assurance que le Parlement pourra procéder à sa ratification.

Il est vrai que l'usage de l'habilitation est fréquent pour étendre les dispositions de droit commun à l'outre-mer. Mais ici, il ne s'agit pas de questions techniques.

Enfin, pourquoi ne pas avoir recours à l'article 74 de la Constitution ? Nous nous opposons donc à cet article.

L'amendement n°41 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.

L'amendement n°174, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 17 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°209, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer.

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer regroupe et organise les dispositions législatives relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit.

L'ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement vous demande de l'habiliter à codifier, au sein d'un code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer, les textes spécifiques adaptant le droit commun aux particularités de chaque collectivité.

L'amendement n°209, accepté par la commission, est adopté et il devient un article additionnel.

L'article 18 est adopté.

Article additionnel

L'amendement n°42 n'est pas défendu.

M. le président. - Amendement n°210, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le septième alinéa (4°) du I de l'article 19 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer est complété par les mots : « et adoption de dispositions relevant du droit civil et du droit de l'action sociale et des familles, destinées à lutter contre l'immigration irrégulière à Saint-Martin ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il convient de permettre au Gouvernement de prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour adapter le droit civil et le droit de l'action sociale et des familles aux contraintes particulières que connaît Saint-Martin -notamment l'afflux d'immigrés- afin de lutter contre les fraudes et les détournements de procédures

L'amendement n°210, accepté par la commission, est adopté et il devient un article additionnel.

Article 19

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même des bénéficiaires de l'aide au retour mentionnée au dernier alinéa du I de l'article L. 511-1. »

M. le président. - Amendement n°122, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, modifié par M. Mariani, permet de relever les empreintes digitales et la photographie des étrangers ayant bénéficié de l'aide au retour, afin d'éviter la fraude. Une fois de plus, vous assimilez les étrangers à des fraudeurs !

Mme Isabelle Debré. - Ça recommence !

Mme Éliane Assassi. - Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre la parole ! Nous discutons depuis trois jours : il sera bientôt trop tard !

Avec ces nouvelles dispositions, vous allez pouvoir ficher beaucoup de monde, sans compter le fichier du ministère de l'éducation nationale « Base élèves » qui permet depuis 2005 de récolter des données sur chaque écolier comme la nationalité des enfants, leur date d'entrée sur le territoire français, leur culture et langue d'origine. Sous la pression de parents et d'enseignants, le ministère aurait décidé de ne plus recenser de telles données. Dont acte.

Avec les relevés d'empreintes digitales et génétiques, les statistiques ethniques, vous allez pouvoir mettre en place des fichiers pour contrôler la population, qu'elle soit étrangère ou française.

La chasse à l'étranger est ouverte que ce soit à l'école, dans les centres d'hébergement, dans les préfectures ou dans les hôpitaux. Ce n'est pas un hasard si les fichiers se multiplient depuis la modification de la loi informatique et liberté en 2004 qui a réduit les pouvoirs de contrôle de la CNIL. Ce n'est pas un hasard non plus si dernièrement des courriels émanant de certaines inspections académiques ont été adressés -par erreur ?- dans des écoles primaires ou des lycées pour recenser ici les élèves majeurs sans papiers, là les élèves dont les parents sont sans papiers. Et que penser des récentes notes adressées par la Chancellerie aux chefs de cour et de juridiction leur demandant de recenser les décisions civiles en matière de contentieux des étrangers et d'adoption ?

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous demandions la suppression de cette disposition dangereuse pour les libertés individuelles et publiques.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

Mme Bariza Khiari. - Cet article témoigne de votre volonté de stigmatiser les étrangers et, même lorsqu'ils souhaitent rentrer dans leur pays d'origine, vous voulez les ficher afin d'éviter une fraude à l'aide au retour. Vous voulez être sûrs qu'une fois rentrés chez eux, ils ne reviendront pas sur notre sol. Mais que se passera-t-il s'ils demandent un visa de courte durée pour se rendre en France ?

Nous sommes contre cet article 19 qui relève d'une logique de soupçon généralisé.

L'amendement n°122, n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Article 20

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° Le II de l'article 8 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration selon les modalités prévues au 9° de l'article 25. Les dispositions relatives au consentement exprès de la personne prévues au 1° ne sont pas applicables. » ;

2° Le I de l'article 25 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration au sens du 9° du II de l'article 8. Lorsque la complexité de l'étude le justifie, la commission peut saisir pour avis un comité désigné par décret. Le comité dispose d'un mois pour transmettre son avis. À défaut, l'avis est réputé favorable. »

M. David Assouline. - Au terme d'un travail approfondi sur la mesure des discriminations fondé sur une soixantaine d'auditions, la Cnil a formulé des recommandations. Certaines d'entre elles ont été reprises dans cet article 20, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, sans que l'établissement d'un référentiel ethno-racial, sur lequel la Cnil avait émis des doutes, soit expressément interdit. Par ailleurs, la Cnil avait insisté sur la nécessité de modifier la loi informatique et libertés pour garantir la protection des données personnelles contre tout détournement, ce à quoi ce seul article ne peut suffire.

Dans un texte plus que contestable limitant le regroupement familial et le droit d'asile, on nous propose de faciliter la collecte de données faisant apparaître l'origine raciale ou ethnique. La lutte contre les discriminations mérite assurément mieux que ce cavalier législatif. Elle nécessite la tenue d'un débat parlementaire à l'occasion d'une révision de la loi du 6 janvier 1978. En effet, l'établissement de statistiques ethniques interroge certains de nos principes républicains, dont celui de l'égalité des citoyens devant la loi établi par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. De plus, ces données pourraient être utilisées pour ethniciser les statistiques de la délinquance et servir de fondement à une scandaleuse politique des quotas, fixant chaque année le nombre d'immigrés que la France accueille selon leur nationalité et leur qualification en fonction de ses qualités d'absorption.

M. Louis Mermaz. - Le gouvernement s'honorerait en supprimant cet article 20 auquel le caractère contraignant de ce texte donne un tour particulièrement sinistre. Le sujet est trop sérieux pour être ainsi traité à la va-vite dans un contexte passionnel. Par ailleurs, la notion de race a extrêmement évolué depuis deux siècles... Bref, cet article est dangereux.

Mme Bariza Khiari. Cet article 20 doit permettre de mesurer la diversité pour mieux combattre les discriminations. Comment l'affirmer sans rougir quand ce texte alimente le rejet de l'autre ?

Il est déplacé d'invoquer une cécité statistique quand il existe déjà de nombreuses études permettant de mesurer les discriminations. Je pense à celle du Pr. Amadieu sur les CV qui avait été reprise par la commission des lois à l'occasion de la loi créant la Halde ou encore aux grandes études de la statistique publique permettant de retracer les trajectoires de vie de familles immigrées. Bref, ce n'est pas de chiffres, dont nous manquons, mais de volonté politique. Les décrets d'application concernant le CV anonyme n'ont toujours pas été publiés...

Par ailleurs, les bases statistiques publiques permettent déjà de mener des études à partir du lieu de naissance, de la nationalité, du lieu de naissance des parents et du patronyme. Pourquoi ne pas commencer par élargir leur accès ? Qu'apporte par conséquent cette modification ? Elle supprime le consentement exprès des personnes interrogées pour favoriser des études privilégiant une approche communautariste de la société. Elle prépare, comme l'a montré M. Assouline, la prochaine politique des quotas avec la création d'un référentiel ethno-racial.

Nous n'accepterons pas que l'on ethnicise ainsi la question sociale ! (Applaudissements à gauche).

M. le président. - Amendement n°176, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°123, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Dans un texte stigmatisant les étrangers, cet article prend une tournure singulière. Le président de la Cnil lui-même s'est montré réservé sur le bien-fondé de telles statistiques. Les fichiers ethniques ou raciaux peuvent faire l'objet de détournements tragiques, nous ne le savons que trop... D'ailleurs, le terme de « race » devrait être banni de notre vocabulaire et du code civil. Bref, il vaut mieux ne pas mettre le doigt dans l'engrenage. Pour lutter contre les discriminations, il faut privilégier les leviers juridiques, inciter à porter plainte.

Monsieur le ministre, je profite de l'occasion pour vous interroger sur votre projet d'institut d'études sur l'immigration, contre lequel de nombreux universitaires se sont élevés considérant que la recherche ne devait pas être placée sous tutelle du ministère. Vous avez repoussé son inauguration. Est-ce à dire que vous avez enfin compris qu'il fallait faire marche arrière ?

M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration selon les modalités prévues au 9° du I de l'article 25. La présentation des résultats du traitement de données ne peut en aucun cas permettre l'identification directe ou indirecte des personnes concernées. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission a souhaité apporter des précisions au texte adopté par l'Assemblée nationale, pour que l'identification directe des personnes faisant l'objet d'un échantillonnage ne soit pas possible. Nous supprimons également l'obligation de rechercher le consentement des personnes avant enquête, puisque l'autorisation donnée par la Cnil apporte les garanties suffisantes : lorsqu'il y a enquête, les personnes en sont informées et peuvent refuser de faire partie de l'échantillon.

M. le président. - Sous-amendement n°74 à l'amendement n° 26 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 26 par une phrase ainsi rédigée : 

Les dispositions relatives au consentement exprès de la personne prévues au 1° sont applicables.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'amendement de la commission ignore l'article 25, dans son premier alinéa, de la loi informatique et libertés. Il est nécessaire, monsieur le rapporteur, de rechercher le consentement des personnes.

M. le président. - Amendement n°177, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Dans le second alinéa du 1°de cet article, supprimer les mots :

et de l'intégration

II. Procéder à la même suppression dans le second alinéa du 2° de cet article.

Mme Bariza Khiari. - Amendement de repli. Les statistiques sur l'emploi n'ont jamais permis de réduire le chômage. Comment les statistiques ethniques et raciales permettraient-elles de réduire les discriminations ? En revanche, elles peuvent fort bien être utilisées pour simplifier la réalité. Certains, et pas des moindres, n'ont pas hésité, lors des émeutes de 2005, à expliquer les violences par la polygamie. A l'équation noir = polygame = émeutier répondrait cette autre : maghrébin = islamiste = terroriste.

Une étude menée à Clichy-sous-Bois, l'un des centres d'où sont parties les violences, montre que 50 % de la population a moins de 25 ans, qu'un tiers des jeunes entre 15 et 25 ans ne sont pas diplômés, que 75 % des collégiens sont issus de familles défavorisées. Et surtout que 100 % des émeutiers avaient moins de 25 ans, et que 100 % étaient des garçons. Comme le répète Alain Bauer, « le jeune mâle est plus remuant que la vieille dame... »

Ce sont les conditions socioéconomiques qui expliquent la détresse d'une population. Mais la tentation est forte d'évacuer la question sociale au profit d'une prétendue question immigrée. Et l'on aura tôt fait d'utiliser les statistiques ethniques pour rendre compte de l'échec scolaire ou de la délinquance.

M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

3° Le 7° du II de l'article 8 est ainsi rédigé :

« 7° Les traitements statistiques réalisés par les services producteurs d'informations statistiques définis par un décret en Conseil d'Etat dans le respect de la loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique et dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement propose d'élargir le champ des traitements statistiques sur la mesure de la diversité soumis à l'autorisation de la Cnil en ouvrant le régime d'autorisation à toutes les enquêtes réalisées par l'ensemble des « services producteurs d'informations statistiques », tels que définis par un décret en Conseil d'État.

Défavorable à l'amendement n°123, ainsi qu'à l'amendement n°176. Défavorable au sous-amendement n°74, ainsi qu'à l'amendement n°177.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale est le résultat des travaux engagés par la Cnil. Il a été présenté par deux députés membres de cette instance. Je réaffirme clairement mon attachement à la lutte contre les discriminations, en particulier en matière d'emploi, de logement, à l'encontre des immigrés ou des Français issus de l'immigration.

Pourquoi s'opposer à la création d'un nouvel instrument de lutte contre les discriminations ? D'autres pays mènent ce type d'études statistiques. Patrick Lozès, président du Cran comme l'association Afrique Agora pour l'insertion professionnelle des minorités s'y sont déclarés favorables.

M. David Assouline. - Vous êtes d'accord avec eux ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement s'est rallié à ce texte qui répond à l'objectif sans remettre en cause les principes. Il ne soutiendrait évidemment pas un texte qui pourrait entraîner un fichage à raison de caractères ethniques.

Il existe trois façons d'établir des statistiques : en fonction de la nationalité, et du lieu de naissance des parents et des grands parents, en fonction de l'origine géographique déclarée ou sur la base d'un référentiel ethnique établi par l'institution publique retenue. Le gouvernement, comme la Cnil et la Halde, ne retiennent que les deux premières méthodes. Les garanties qui encadrent le dispositif, et celles que vous pourrez lui ajouter, l'insèrent dans un cadre respectueux de nos principes.

Mme MC Dougall, émissaire de l'ONU sur les minorités, venue en France pour une mission d'information, a déclaré qu'un « pas en avant très important » allait être franchi avec l'autorisation d'établir des statistiques par origine.

Il n'est pas question d'instituer des minorités dans la République mais de mieux lutter contre les discriminations qui détruisent le lien social.

Je puis vous rassurer, madame Borvo Cohen-Seat : le mot race ne figure pas dans l'article.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°26. Défavorable, en revanche, au sous-amendement n°74. Les consultations que j'ai menées, madame Khiari, m'ont convaincues que l'intérêt de telles études réside dans le fait qu'elles permettent d'étudier de larges échantillons. J'ajoute que l'autorisation préalable de la Cnil, qui pourra s'entourer d'un comité d'experts préviendra les difficultés de fond et que le dispositif intègre tous les droits de la loi informatique et libertés de 1978.

L'amendement n°177 soulève une question de fond. Mesurer l'intégration ne signifie pas classer définitivement les immigrés dans un rapport croisé entre leur origine et leur niveau d'intégration. Il s'agit, à l'inverse, de détecter les raisons pour lesquelles un immigré peut être freiné dans son intégration. Les études sur la diversité doivent contribuer à renforcer la cohésion nationale. Défavorable.

Favorable à l'amendement n°27 du rapporteur qui donne la possibilité de mener des études à des organismes autres que l'Insee.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La commission, lors de la création de la Halde, avait proposé la création d'un instrument de mesure de la diversité. Car comment savoir, sinon, qu'il existe des discriminations ?

Nous avons entendu, cette semaine, le président Alex Türk et Mme Delhay, qui estiment que le texte proposé est bien dans la ligne de la Cnil. Je rappelle aussi que la Halde avait souhaité une législation autorisant de telles enquêtes.

M. David Assouline. - Monsieur le ministre, vous argumentez enfin !

Nous avons déjà débattu de ce sujet lorsque nous avons créé la Halde. Et si vous nous proposiez une loi pour combattre les discriminations au lieu de surveiller les immigrés ?

Pourquoi introduire une telle disposition dans cette loi discutée en urgence ? Nous observons votre empressement à nous présenter des instruments cohérents avec votre future politique de quotas.

Si vous engagiez un débat de fond, nous pourrions rechercher un consensus mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Bariza Khiari. - Je veux vous mettre en garde : il y a des statistiques ethno-raciales en Angleterre. Qu'observe-t-on ? Les Irlandais et les Gallois veulent être traités à part des autres « blancs » ; les « noirs » se demandent pourquoi ils ne remonteraient pas ; les asiatiques forment un groupe d'intouchables : on a reconstitué les castes !

De telles statistiques exacerbent le communautarisme : nous représentons 8 % de la population, il nous faut 8 % des postes, c'est la logique dans laquelle s'inscrit le Cran.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ce n'est pas ce qui est proposé.

Mme Bariza Khiari. - La France en est à l'an I de la lutte contre les discriminations, et vous voulez déjà mesurer ce que nous n'avons pas fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Justement, la comparaison avec des pays étrangers nous incite à refuser l'engrenage. A cette heure tardive, le mieux est de s'abstenir. Et votre réponse sur l'Institut de l'immigration ?

L'amendement n° 123, identique au 176, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°74.

L'amendement n°26 est adopté. Par conséquent, l'amendement n°177 devient sans objet.

L'amendement n°27 est adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

Article 21

Dans la première phrase de l'article 4 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, après les mots : « qu'elle le souhaite », sont insérés les mots : « et qu'elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - La commission a délibéré par deux fois de cet article. Après l'avoir accepté, elle a constaté la totale incompréhension des plus grandes associations qui s'occupent du logement.

M. David Assouline. - Comme pour les tests ADN.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - La loi du 7 mars 2007 a institué un droit opposable au logement et à l'hébergement d'urgence. Pour les étrangers, l'opposabilité du droit au logement est subordonnée au caractère régulier et stable du séjour, mais aucune condition particulière ne restreint le droit à l'hébergement d'urgence.

Il reste que, même s'il est préférable qu'un étranger clandestin ne reste pas dans la rue, on ne saurait lui accorder un droit susceptible de justifier un recours juridictionnel.

En définitive, la commission a donc voté contre l'article 21, introduit par l'Assemblée nationale, mais je tiens à redire aux associations qui s'en sont ému qu'il n'a jamais été question de refuser l'hébergement d'urgence des étrangers en situation irrégulière !

Au nom de la commission, je propose de régler le problème en CMP.

M. Bernard Seillier. - Le droit opposable au logement marque une grande étape de notre législation, puisqu'il commence à rendre objectifs les droits de l'homme, jusque-là exclusivement subjectifs : il garantit à toute personne résidant régulièrement en France le droit d'être logée. Un comité de suivi, présidé par M. Xavier Emmanuelli, a été créé ; il va bientôt rendre son rapport.

Des difficultés d'application sont apparues, faute de logements en nombre suffisant et parce qu'il faut du temps pour réadapter une personne ayant vécu longtemps dans la rue.

Il faut faire attention aux cas d'échec dans le parcours de réinsertion. La loi sur le droit au logement opposable a donné un rôle central aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale, et plus particulièrement aux centres d'hébergement d'urgence. Ils ont une vocation de transition et d'orientation, comme l'a indiqué M. Hyest.

L'article 4 de la loi sur le droit au logement est issu d'un amendement introduit par l'Assemblée nationale et a donné lieu à des déclarations importantes, notamment de la part du rapporteur, Mme Boutin, en faveur de l'engagement indispensable pour éviter de remettre à la rue les personnes accueillies, les soutenir et à les accompagner dans leur parcours de réinsertion. Il a été adopté à l'unanimité. Cette loi fait partie des dispositions votées dans notre pays qui justifient notre fierté d'être français.

On n'a pas pris toute la mesure du glissement opéré par l'article 4 d'une obligation humanitaire d'accueil dans l'urgence à un droit à l'hébergement durable. Les difficultés étaient inéluctables et prévisibles, telle celles que présente l'article 21, qui introduit la référence à la régularité du séjour. L'hébergement d'urgence sans remise à la rue s'inscrit dans le droit au logement à part entière. L'article 21 pose un principe mais sa mise en oeuvre est problématique. Sa suppression créerait également des difficultés car depuis l'Antiquité le rapport de forces ne joue pas en faveur des pauvres.

Voter cet article serait gênant, mais le supprimer donnerait à une partie de la population une image de laxisme. Il nous faut trouver une solution qui relève du même état d'esprit qui nous a animés lors du vote de la loi sur le droit au logement opposable.

M. le président. - Amendement n°30 rectifié sexies, présenté par MM. Seillier et Laffitte, Mme Desmarescaux, M. Portelli et Mmes Bout et Procaccia.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les structures d'hébergement ne sont pas contraintes d'apprécier ou de contrôler la régularité de la situation des personnes qu'elles accueillent. »

M. Bernard Seillier. - Il est défendu.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. Louis Mermaz. - L'amendement de M. Seillier vise à éviter que les centres d'hébergement d'urgence ne puissent accueillir les sans-papiers. Cette disposition devient cependant très confuse et il vaudrait mieux supprimer l'article 21. Il n'y a rien de pire qu'un cavalier introduit au dernier moment, cela crée des monstres juridiques. D'autant plus que cet article a suscité une grande émotion chez ceux qui s'occupent des sans-papiers et du droit au logement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous atteignons ici le summum de la suspicion instituée : les étrangers viendraient en France pour bénéficier de nos prestations familiales et des centres d'hébergement d'urgence ? Cet article vise l'immigration clandestine, mais le sujet est trop grave pour être abordé ce soir. Au lieu d'étudier les situations au cas par cas, on stigmatise l'étranger.

On porte atteinte à l'accès inconditionnel à l'hébergement d'urgence et à la dignité des personnes. M. Hyest nous a rappelé que des associations d'aide comme Emmaüs se sont soulevées contre cet article. Non seulement on piège les sans-papiers dans les Restos du coeur, mais on veut les laisser mourir de froid dehors! Il faut supprimer cet article.

M. Dominique Braye. - Le problème est délicat, et il faut éviter d'être excessif et de prendre des raccourcis. Supprimer cet article risque de donner un mauvais signe aux associations d'aide, le conserver est également problématique car il est mal écrit et mal expliqué.

Je suis le seul parlementaire membre du Comité national de suivi de la loi sur le droit au logement opposable. Chaque département est doté d'un centre d'hébergement d'urgence où les sans-abris sont hébergés avec ou sans papiers. Si ne sont amenés à rester sur notre territoire que les étrangers en situation régulière, on ne va pas mettre les gens à la rue. J'ai entendu des images excessives tout au long du débat, en contradiction avec la réalité.

Nous devons aller de l'avant avec un article 21 modifié qui permette à la discussion de continuer. Il vaut mieux aller en CMP avec un texte modifié plutôt que sans rien. Je voterai l'amendement de M. Seillier.

M. Philippe Dallier. - Je me serais bien rangé à l'argumentation de M. Hyest selon lequel l'article 21 est en contradiction avec l'article 4 de la loi sur le droit opposable au logement. Je suis favorable à sa suppression. Si nous nous accordons sur l'objectif, on peut réécrire cette disposition en CMP.

Or, à entendre Mme Boumediene-Thiery, nous ne sommes manifestement pas d'accord sur les objectifs. On devine l'utilisation politique qui serait faite de la suppression de cet article : demain, vous crierez victoire... Au cours de ce débat, on nous a tout jeté à la figure, jusqu'à l'Affiche rouge de Manouchian -à quatre heures du matin, nous avons du mal à encaisser ! Si j'avais le sentiment que vous étiez de bonne foi, j'aurais peut-être voté la suppression...

Mme Bariza Khiari. - C'est vous qui êtes de mauvaise foi ! (M. Braye s'exclame)

M. Philippe Dallier. - Vu la situation, je voterai l'amendement Seillier.

M. David Assouline. - A cette heure, on devient paranoïaque...

M. Philippe Dallier. - Cessez vos insultes et vos insinuations !

M. David Assouline. - Une chose nous a émus, qui a ému les associations, tous les humanistes, tous les membres de cette assemblée : c'est qu'en France, même pour les sans-papiers, la soupe populaire reste ouverte...

M. Dominique Braye. - Elle le reste aussi avec l'article 21 !

M. David Assouline. - ...l'hébergement d'urgence reste ouvert. C'est le principe d'assistance à personne en danger.

M. Philippe Dallier. - On est d'accord !

M. David Assouline. - Les élus comprennent mal qu'on leur demande de ne pas accorder de prestations sociales d'urgence à des sans-papiers. Nous savons bien qu'il n'y a pas de droit opposable au logement pour les sans-papiers, ils le savent aussi ! La presse ne parlera pas demain de recul, de défaite, monsieur Dallier : elle dira simplement que le Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, a réfléchi, écouté, et ne veut pas qu'on croie que les sans-papiers peuvent être laissés à la rue l'hiver. Nous nous honorerions en émettant un vote unanime sur cette question.

M. le président. - Amendement n°124, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - On imagine bien le sens que M. Mariani entendait donner à son amendement, vu ses antécédents... Cet article peut changer en profondeur la nature même de l'hébergement d'urgence, dont le propre est d'accueillir toute personne, sans aucune condition. J'en appelle à la sagesse du Sénat pour supprimer ce soir cet article et prendre le temps de revenir sur cette question de fond.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'hébergement d'urgence n'a rien à voir avec le regroupement familial !

M. le président. - Amendement identique n°178, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Cet amendement a été longuement étudié par la commission des lois, qui a décidé de supprimer l'article 21. Nous sommes au début de l'hiver : ce serait envoyer un très mauvais signe à nos grandes associations, qui sont l'honneur de notre pays, que de dire que nous laissons mourir les sans-papiers dehors ! Une association comme Emmaüs permet aussi à ceux qu'elle aide de retrouver l'espérance.

M. Dominique Braye, - Ca n'a rien à voir.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission des lois a émis très majoritairement un avis favorable aux amendements de suppression n°124 et 178. S'ils n'étaient pas adoptés, avis favorable à l'amendement n°30 rectifié sexies.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je propose de modifier l'article 4 de la loi sur le droit au logement opposable afin de prévoir que toute personne doit être hébergée dès lors qu'elle peut justifier d'un séjour continu sur le territoire. Il y aura un débat en CMP.

Mme Isabelle Debré. - Très bien !

Mme Bariza Khiari. - Vous excluez les sans-papiers de l'hébergement d'urgence !

M. Dominique Braye. - Mais non !

M. Philippe Dallier. - Relisez l'article !

M. le président. - Personne n'y comprend plus rien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Le texte de l'Assemblée nationale peut être interprété comme une remise en cause de l'accueil en hébergement d'urgence.

M. Dominique Braye. - Pas du tout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je n'ai peut-être pas votre expérience en matière de logement, mais je sais lire, et j'ai présidé un office de logement HLM pendant cinq ans !

Je me suis engagé à ce qu'on règle ce problème en CMP. La suggestion du ministre durcit les choses.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Elle crée les conditions du débat en CMP.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je propose que l'on réfléchisse ensemble à un autre amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je demande une brève suspension de séance pour étudier cette suggestion.

La séance est suspendue à 4h 30.

La séance reprend à 4 h 35.

M. le président. - Amendement n°218, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédigez comme suit cet article :

A la fin de la première phrase de l'article 4 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale sont insérés les mots :

« si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État  :

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - J'ai bien entendu les objectifs des uns et des autres et il me semble qu'il convient de déplacer la condition de régularité au niveau de l'orientation. Cela correspond à ce que j'ai compris du remarquable rapport de M. Buffet.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je demande la priorité pour cet amendement.

M. Louis Mermaz. - Nous voulons voter sur les amendements de suppression car nous ne voulons rien avoir avec cette rédaction entortillée qu'on peut comprendre dans tous les sens. Tout cela parce que vous aviez accepté que votre majorité à l'Assemblée vote cet article. Nous nous y opposons.

M. Dominique Braye. - Tant mieux !

Acceptée par le gouvernement, la priorité est de droit.

M. David Assouline. - Les sans-papiers ne seront plus accueillis dans les centres d'urgence.

M. Louis Mermaz. - C'est monstrueux !

M. Philippe Dallier. - Votre mauvaise foi est évidente.

L'amendement n°218, adopté, devient l'article 2.

Les amendements n°s124, 178 et 30 rectifié sexies deviennent sans objet.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°38 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, M. Cambon, Mmes Papon, Bout, Debré, B. Dupont, Mélot, Brisepierre, Sittler, Hummel, Rozier et Troendle et MM. Cornu et Pointereau.

Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I - La section 2 du chapitre II du titre IV du livre I de la troisième partie du code du travail telle qu'elle résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail est complétée par une sous-section ainsi rédigée :

« Sous-section 12

«  Congé pour acquisition de la nationalité

 « Article L. 3142-116. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. »

II - Le chapitre V du titre II du livre II du code du travail est complété par une section ainsi rédigée :

« Section 8

« Congé pour acquisition de la nationalité

 « Article L. 225-28. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. » 

Mme Catherine Procaccia. - Rien n'avait été prévu pour la cérémonie d'accueil dans la nationalité française. Ceux qui voudront y assister pourront bénéficier d'une demi-journée de congé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Non rémunérée !

M. Louis Mermaz. - Mascarade !

Accepté par la commission et le Gouvernement, l'amendement 38 rectifié ter est adopté, les groupes socialiste et CRC votant contre. L'article additionnel est inséré.

M. le président. - Amendement n°217, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article 9 quinquies de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

II. L'article 20 de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je n'entrerai pas dans le détail de cet amendement très technique qui tire pour certaines collectivités territoriales les conséquences du vote de l'amendement n°212.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - A titre personnel, avis favorable.

L'amendement n°217 est adopté et devient article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Michèle André. - Il est bien tard et les derniers moments ont été un peu déroutants. Le débat a été long et émaillé de moments intenses : le vote ne sera pas banal.

Le groupe socialiste a apprécié la qualité du travail de la commission, confrontée à une mission impossible. Malgré quelques avancées, ou plutôt quelques absences de recul, il ne pourra vous suivre : durcissement des conditions de séjour, tests génétiques, tout cela inquiète des personnes de tous horizons, laïcs et hommes d'église ou simples citoyens ; des chefs d'États étrangers s'interrogent sur cette peur devant la mondialisation dès qu'il s'agit de la circulation des personnes.

Monsieur le ministre, relisez l'avis du Conseil national consultatif d'éthique et, de grâce, ne réduisez pas le sens de la famille ! La concentration des moyens publics sur les opérations de police pour rechercher les étrangers en situation irrégulière nous inquiète. Le groupe socialiste votera contre ce texte ! (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi. - Nous nous sommes opposés à l'ensemble de ce texte, et pas seulement aux tests ADN, parce qu'il attaque frontalement la dignité humaine, parce que vous opposez les étrangers et les Français. Notre véhémence contre ce texte, est à la mesure de cette attaque ! C'est une stratégie évidente conforme au projet du président de la République. Nous voterons contre !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les mesures vexatoires et discriminatoires que ce texte introduit dans notre droit n'ont d'autre objectif que de caresser l'électorat d'une certaine droite. Le Gouvernement attise les peurs et la suspicion envers les étrangers, au risque d'un revirement de notre politique traditionnelle d'accueil. Ce texte porte les germes d'une défiance agressive envers l'étranger, qui, réduit à n'être plus qu'un numéro, est contingenté : il n'est qu'une marchandise, que la France fait entrer sur son territoire en fonction de ses propres besoins de main-d'oeuvre.

Les étrangers sont traqués, c'est une réalité. Le 14 septembre, la Chancellerie a demandé un recueil du contentieux des étrangers, pour faciliter la tâche de l'administration dans cette traque. La séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice sont pourtant un principe même de la République ! Dans quel désastre humain et social nous précipitez-vous, avec ce statut de l'immigré ? Jusqu'où ira l'arithmétique du Gouvernement, pressé par les objectifs chiffrés du président de la République ? Au nom de la dignité humaine, du droit de vivre en famille, les Verts voteront contre ce texte !

M. Dominique Braye. - Au nom du groupe UMP, je tiens à vous rendre hommage, Monsieur le ministre, pour votre détermination à conforter la politique d'immigration choisie que les Français ont appelé de leurs voeux lors de l'élection présidentielle ! Votre politique est équilibrée : elle est ferme envers tous ceux qui ne respectent pas nos règles, elle est juste et humaine avec les immigrés réguliers. Votre texte est bon, puisqu'il renforce les outils d'une politique volontariste de l'immigration, tout en offrant de nouvelles garanties aux demandeurs d'asile et une véritable stratégie au codéveloppement. Le groupe UMP votera pour !

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 188
Contre 135

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance mardi 9 octobre 2007 à 10 heures.

La séance est levée vendredi 5 octobre 2007 à 4 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 9 octobre 2007

Séance publique

A DIX HEURES

1. Dix-huit questions orales.

À 16 heures 30 et éventuellement le soir

2. Éloge funèbre de Jacques BAUDOT.

3. Projet de loi (n° 474, 2006-2007) autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Rapport (n° 4, 2007-2008) de M. Hubert Haenel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

4. Projet de loi (n° 473, 2006-2007) autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Rapport (n° 3, 2007-2008) de M. Hubert Haenel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.