Pouvoir d'achat (Urgence)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.

Discussion générale

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.  - (Applaudissements à droite) Depuis le mois de mai dernier, notre priorité, c'est le travail. Le Président de la République a porté cette valeur essentielle durant toute sa campagne, et les Français y ont pleinement souscrit.

Pour valoriser ceux qui ont un travail, nous avons adopté cet été le dispositif « heures supplémentaires », qui connaît un large succès, prolongé par ce texte sur le pouvoir d'achat et le paiement des jours de RTT. Valoriser le travail, c'est aussi redonner du travail : le chômage continue de reculer à un niveau jamais atteint depuis de nombreuses années, grâce notamment à l'action de Christine Lagarde.

M. Guy Fischer.  - Mais la précarité explose !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous voulons également réduire le travail précaire et le temps partiel, subi et éclaté. Nous souhaitons aussi renforcer nos politiques de solidarité envers ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler : les personnes handicapées et les retraités. Notre politique est donc globale et cohérente car le travail, en produisant davantage de richesses, permet de donner du sens et du contenu à l'indispensable solidarité.

Nous souhaitons aller plus loin sur la question des politiques salariales en plaçant au coeur du débat la conditionnalité des allégements de charges. (On approuve sur les bancs UMP) Pourquoi un secteur d'activité continuerait-il à bénéficier du même niveau d'aides s'il refuse d'ouvrir des négociations salariales ? Le Conseil d'orientation pour l'emploi, donc les partenaires sociaux, est saisi de cette question.

Nous voulons élargir encore les possibilités d'augmentation du pouvoir d'achat fondées sur le travail. Quand on donne à tous les moyens de travailler plus, cela fonctionne. En novembre, la moitié des entreprises ont eu recours aux heures supplémentaires et bénéficié de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite Tepa. Pour des millions de salariés, les heures supplémentaires sont désormais mieux payées et défiscalisées.

Nous allons continuer dans ce sens. Lors d'une visite dans une entreprise d'électrolyse des Hauts-de-Seine, Christine Lagarde et moi-même avons pu apprécier le pragmatisme de l'ensemble des acteurs de l'entreprise -syndicats, employeurs, salariés.

Dans ce cadre, ce projet de loi apporte une réponse complémentaire, avec des mesures concrètes et d'effet rapide pour le pouvoir d'achat des Français. Les réformes structurelles en matière de temps de travail et de participation viendront dès cette année. Nous voulons rompre avec la méthode qui consiste à imposer à tous des mesures rigides et uniformes. Nous ne voulons plus de la « logique » des 35 heures imposées, qui aboutit à un carcan juridique incompréhensible et inapplicable.

M. Guy Fischer.  - Dont acte.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous conserverons bien sûr une durée légale du travail qui permet aux salariés d'accomplir des heures supplémentaires majorées et de gagner plus en travaillant plus. Monsieur le président Fischer, comment imaginer que nous allions faire le contraire de ce que nous avons fait cet été ? (Protestations à gauche) Nous pouvons sortir du maquis des 35 heures et répondre avec pragmatisme aux problèmes qui se posent.

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Il n'y a pas un pouce d'idéologie dans notre démarche, contrairement à l'époque des 35 heures. (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Je vous laisse l'idéologie, nous revendiquons le pragmatisme demandé par les employeurs et les salariés.

Sur la participation, nous voulons donner toute sa signification à l'association du capital et du travail et revoir la répartition des rémunérations entre les actionnaires et les salariés. Ces derniers doivent mieux bénéficier des succès de leur entreprise.

Quels est le principe sur lequel repose ce texte ?

M. Guy Fischer.  - Son objectif, ce devrait être l'augmentation des salaires !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Rendre les choses possibles. Nous n'imposons pas, nous n'imposons plus. Salariés et employeurs auront le choix d'utiliser ou non ces mesures, directement et facilement applicables, qui privilégient le dialogue social auquel, vous le savez, nous sommes particulièrement attachés.

Ce texte comprend des mesures fortes en faveur du pouvoir d'achat, à commencer par la monétisation des jours de repos. Le salarié pourra choisir de prendre ses journées de réduction du temps de travail, les RTT, ou d'augmenter son pouvoir d'achat. « Cela va-t-il intéresser les salariés ? » me demanderez-vous. Les résultats du référendum organisé avant Noël à Sarreguemines par l'entreprise continental sont éloquents.

M. Gérard Longuet.  - Vive la Lorraine !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - 89 % des salariés sont allés voter et 74 % d'entre eux ont répondu oui à la question « souhaitez-vous échanger vos journées de RTT et augmenter la durée du travail en contrepartie d'augmentation de salaires substantielles ? ».

M. Guy Fischer.  - Ils n'avaient pas le choix ! C'était travailler plus ou la fermeture du site...

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...et le licenciement !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Voilà un résultat, même s'il concerne les seuls salariés de Continental, plus qu'intéressant...

M. Adrien Gouteyron.  - C'est probant !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Il montre que les salariés, lorsqu'on leur pose directement la question, affirment clairement qu'ils sont intéressés par le paiement des RTT ! (Applaudissements à droite)

Mme Isabelle Debré.  - Ils sont pragmatiques !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - N'oubliez pas que les salariés les plus âgés y trouveront avantage. Un accord, signé le 21 décembre 2007 par la quasi-totalité des syndicats présents, a parfait l'équilibre trouvé. Cet exemple est la meilleure réponse à tous les Cassandre sans compter que deux tiers des Français, soit plus de 51 %, échangeraient volontiers leurs heures de RTT contre plus de rémunération selon une enquête d'opinion parue mi-décembre. J'ai d'ailleurs pu mesurer, lors de déplacements dans une aciérie en Seine-et-Marne, dans des entreprises en Eure-et-Loir et dans les Hauts-de-Seine que cette liberté de choix répondait à un vrai besoin, un besoin qui n'est pas le même selon les salariés : un jeune salarié voulait gagner plus pour rembourser sa maison, une mère de famille préférait prendre toutes ses RTT pour ses enfants, quand l'autre n'en prenait que la moitié. C'est leur droit, c'est leur choix. Cette souplesse convient à tous. Il suffit de rencontrer les délégués syndicaux, quelle que soit leur centrale d'appartenance, pour s'en convaincre.

« Cette mesure va-t-elle intéresser les employeurs ? » Elle a été souhaitée par nombre d'entre eux, nous leur demandons donc de jouer le jeu. Les entreprises provisionnent forcément les sommes relevant du compte épargne-temps -le CET- et celles liées aux RTT. Elles préféreront donc payer plutôt que de modifier l'organisation du travail, quitte parfois à embaucher des intérimaires pour permettre à leurs salariés de prendre leur RTT comme je l'ai vu en Seine-et-Marne. D'autant que le dispositif que nous leur proposons est simple et fondé sur un dialogue social renforcé. Monétiser dix jours de RTT, cela correspondra à 740 euros de plus pour un ouvrier au Smic et à 1 950 euros pour un cadre payé 3 800 euros. Et, grâce aux exonérations de cotisations patronales, une journée de RTT majorée de 25 % reviendra moins cher, soit, pour un salarié à 2 600 euros, 148 euros contre 170 actuellement. Les jours de RTT concernent près de sept millions de Français, les CET plus d'un million et les forfaits jour près de deux millions. Ces mesures bénéficieront donc à tous, de l'ouvrier jusqu'au cadre. Voilà une réponse concrète, précise, à la question du pouvoir d'achat.

Si ces mesures n'avaient pas été décidées, ces sommes n'auraient pas servi à rémunérer un travail. C'est pourquoi la perte de recettes pour la sécurité sociale est théorique.

M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Espérons-le !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. Nous y reviendrons dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement pour 2009 (M. Guy Fischer le confirme) Je sais combien la Haute assemblée, particulièrement le rapporteur de la loi de financement (M. Nicolas About, rapporteur, approuve), est vigilante lorsqu'il s'agit de compensation des exonérations.

M. Guy Fischer.  - Nous en débattions encore hier soir !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le débat à l'Assemblée nationale a permis de renforcer les dispositions du texte, notamment en allongeant de six mois la période durant laquelle le salarié pourra racheter des RTT et en supprimant le plafond de dix jours qui encadrait cette possibilité. Les députés ont également sécurisé les versements sur le compte épargne-temps, j'aimerais que nous y retravaillions ensemble.

La deuxième mesure forte de ce texte est le déblocage de la participation pour tous les salariés, qu'ils travaillent à temps complet ou partiel -j'y insiste. Les salariés, s'ils le demandent, pourront retirer jusqu'à 10 000 euros. Cette somme ne sera soumise qu'à la CSG et à la CRDS. En revanche, pour protéger l'argent investi, le déblocage de l'épargne interviendra seulement après négociation entre les partenaires sociaux au niveau de chaque entreprise et, de même, les Perco sont exclus du dispositif afin d'encourager l'épargne longue. Cette mesure, très attendue par les Français, profitera à tous les salariés couverts par un accord de participation, soit plus de la moitié d'entre eux. Mais nous n'oublions pas non plus les sept millions de personnes qui, travaillant dans les entreprises de moins de cinquante salariés, ne sont pas concernées. Je connais et partage l'intérêt de Serge Dassault, Isabelle Debré, Catherine Procaccia et Alain Gournac pour la participation.

M. Adrien Gouteyron.  - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous en rediscuterons à l'occasion d'un texte ambitieux qui vous sera soumis en 2008.

Mme Nicole Bricq.  - Nous attendons de voir...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous proposons que chaque entreprise, par accord collectif ou référendum, prévoie le versement d'une prime exceptionnelle d'un montant maximal de 1 000 euros, qui sera soumise au régime fiscal de l'intéressement. Point important : celle-ci n'a pas vocation à se substituer à une augmentation de salaire et sera versé aux personnes à temps plein comme à temps partiel (M. Guy Fischer et Mme Annie David en doutent)

Mesdames et Messieurs les sénateurs, le Gouvernement sera à l'écoute de vos propositions, en particulier toutes celles qui simplifieront encore le dispositif, comme il a été attentif aux remarques des acteurs de l'entreprise. Par exemple, concernant la fiche de paie, nous avons bien reçu le message : celle-ci ne comportera pas de ligne supplémentaire !

Ce texte, qui répond à une question précise que se posent la majorité des Français, comporte des mesures très attendues. D'autres, en leur temps, reviendront sur les questions de la participation et du temps de travail. Je suis certain que le Sénat aura à coeur d'être à ce rendez-vous de la croissance et du pouvoir d'achat ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Guy Fischer.  - La croissance, parlons-en !

M. Alain Gournac.  - Elle sera au rendez-vous !

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Ce texte comporte deux mesures importantes dans le domaine du logement qui représente une part importante du budget de nos concitoyens.

Tout d'abord, à l'article 4, avec l'indexation des loyers sur le seul indice des prix à la consommation -hors tabac et hors loyers-, les locataires économiseront plus de 600 millions chaque année. Ce nouvel indice de référence s'appliquera aux nouveaux contrats de location et aux baux en cours sans qu'il soit nécessaire de faire un avenant.

M. Guy Fischer.  - Oui, mais seulement la première fois !

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il concerna les locations de logements utilisés à titre de résidence principale, loués vides ou meublés et les HLM définis par les conventions.

M. Guy Fischer.  - C'est faux !

Mme Christine Boutin, ministre.  - La réduction du dépôt de garantie à un mois au lieu de deux permettra de remettre en circulation près de 600 millions pour le pouvoir d'achat. Avec ce dispositif, tous les locataires, dans la lignée de l'accord sur la généralisation de l'avance « loca-pass » du 21 décembre dernier, bénéficieront d'une avance sur le dépôt de garantie par le 1 % logement, ce qui leur permettra d'étaler le versement du dépôt pendant toute la durée du bail. Cette mesure bénéficiera à tous ceux qui déménagent fréquemment. Plus d'un million de Français changent de domicile chaque année.

Ainsi, le dépôt de garantie pourra être versé au bailleur par le locataire ou directement par un organisme 1 % logement, le locataire remboursant ensuite à l'organisme prêteur le montant du dépôt de garantie, sans intérêt et sur trois ans. Cette mesure d'extension de « l'Avance loca-pass » sera applicable dès la promulgation de cette loi grâce à l'amendement de MM. Chartier et Lefebvre.

Je veux enfin apaiser certaines inquiétudes quant à l'absence de mesures en faveur des propriétaires bailleurs. Comme je veux favoriser l'offre locative, une garantie généralisée des risques locatifs sera mise en oeuvre. Le dispositif actuel de la garantie des risques locatifs (GRL) assure au bailleur le paiement de son loyer et dédommage les propriétaires bailleurs en cas de dégradations. Lors de son discours du 11 décembre 2007, le Président de la République a décidé d'améliorer le dispositif existant en mettant en oeuvre « une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires ». « En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître. Elle n'aura plus de raison d'être » a-t-il ajouté. Avec Mme Lagarde, nous avons demandé à deux experts de travailler sur cette question. Leurs conclusions seront rendues à la fin du mois et se traduiront rapidement dans les faits afin d'améliorer les rapports entre les locataires et les bailleurs : la garantie généralisée des risques locatifs permettra de trouver une alternative aux expulsions locatives qui mettent trop souvent les bailleurs et les locataires dans des situations inextricables.

Enfin, la commission des affaires sociales a déposé un amendement sur le versement de l'allocation logement en tiers payant, ce qui devrait rassurer les propriétaires privés. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs) Depuis 2002, la croissance du pouvoir d'achat n'a pas excédé 1,9 % par an. Par comparaison, elle avait progressé à un rythme de 5,7 % par an entre 1960 et 1974, à l'apogée des Trente Glorieuses, et encore de 2,1 % par an depuis le premier choc pétrolier. Qui plus est, l'augmentation actuelle ne correspond qu'à une moyenne et ne reflète pas la situation de chaque foyer. Les différentes catégories sociales ne connaissant pas forcément une telle augmentation de pouvoir d'achat, il était donc naturel que la campagne présidentielle de 2007 ait largement porté sur ce thème.

Pour la majorité, la relance du pouvoir d'achat, pour être durable, ne peut résulter que d'un supplément de travail et d'investissement. Dès l'été, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) a marqué une première étape décisive : alors que les 35 heures avaient rationné le travail, la détaxation des heures supplémentaires encourage désormais les salariés à travailler davantage. Les premières données statistiques sur le recours à ce dispositif sont encourageantes. Bien qu'elles ne portent que sur les entreprises de plus de dix salariés, elles indiquent que 40 % d'entre elles ont déclaré avoir eu recours à la loi Tepa en octobre, soit dès le premier mois d'application de la mesure. Vingt millions d'heures supplémentaires, correspondant à 250 millions d'euros de rémunération, ont ainsi bénéficié d'exonérations fiscales et sociales.

Lors de son intervention télévisée du 29 novembre, le Président de la République a donné une nouvelle impulsion à cette politique en faveur du pouvoir d'achat, avec trois séries de mesures plus conjoncturelles qui trouvent leur traduction législative dans ce texte.

Notre commission approuve le rachat de jours de RTT ou des droits accumulés sur un compte épargne-temps, qui s'inscrit dans le droit fil de la politique engagée ces derniers mois consistant à « travailler plus pour gagner plus ».

Mme Annie David.  - C'est là où nous ne sommes pas d'accord !

M. Nicolas About, rapporteur.  - C'est votre droit !

Cette mesure prolonge une disposition analogue, votée dans la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, mais qui ne concernait que les petites entreprises de moins de vingt salariés. Cette faculté de rachat intéresse un grand nombre de salariés puisque 38 % d'entre eux disposent de jours de RTT. Certains regretteront peut-être que ce rachat suppose l'accord de l'employeur, mais il serait déraisonnable d'imaginer qu'il puisse avoir lieu sans tenir compte de la situation réelle de chaque entreprise. Bien que l'Assemblée nationale ait décidé d'étendre jusqu'au 30 juin 2008 la période retenue pour le rachat des RTT, la mesure proposée, comme celle votée en 2005, a, cette fois encore, un caractère provisoire. Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de stabiliser les règles et de prévoir un dispositif pérenne ? Les syndicats, invités par le Gouvernement à y réfléchir, ne sont pas disposés pour l'instant à négocier sur la durée du travail, mais j'espère qu'ils évolueront.

Le projet de loi propose ensuite le déblocage anticipé de la participation qui reste normalement indisponible pendant cinq ans. Il suffira au bénéficiaire de demander le déblocage de ses droits pour pouvoir en disposer à sa guise. Pour être tout à fait franc, cette mesure de déblocage anticipé a suscité des réserves au sein de notre commission.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est la réserve de participation ? (Sourires)

M. Nicolas About, rapporteur.  - Elle encourage en effet la consommation immédiate alors que la participation est destinée, par construction, à favoriser l'épargne longue. (MM. Arthuis et Gournac le confirment tout en le déplorant, tandis que M. Fischer s'exclame) L'effet de cette mesure sur l'activité économique est incertain : une grande partie des sommes débloquées seront sans doute placées sur d'autres produits d'épargne

M. Alain Gournac.  - Exactement !

M. Nicolas About, rapporteur.  - En 2005, les deux tiers des sommes débloquées avaient été épargnés. De plus, le reste servira probablement à acheter des biens importés, ce qui n'améliorera pas le solde de notre commerce extérieur. (M. Gournac applaudit)

M. Jean Arthuis.  - Eh oui !

M. Nicolas About, rapporteur.  - Heureusement, ce projet de loi encadre le déblocage anticipé, ce qui a rassuré votre commission et l'a amenée à donner son accord à cette mesure, dans l'attente de la réforme de fond de la participation que vous venez d'annoncer, monsieur le ministre.

Lorsque les fonds issus de la participation sont investis dans l'entreprise, le déblocage sera subordonné à la conclusion d'un accord collectif. En outre, les sommes débloquées ne pourront pas être investies dans un plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco). Enfin, seuls 10 000 euros bénéficieront du régime fiscal et social avantageux de la participation. Pour les entreprises non couvertes par un accord de participation, il est prévu le versement éventuel d'une prime exceptionnelle de 1 000 euros par salarié. J'ai quand même l'impression que dans les petites entreprises, il sera possible de cumuler les deux systèmes. Nous verrons bien... Lorsqu'une mesure analogue avait été décidée en 2006, un million de salariés en avait bénéficié et 640 millions avaient été distribués.

Un mot sur l'initiative prise par le Gouvernement à l'Assemblée nationale de rétablir à 100 % l'exonération de redevance télévision pour les personnes âgées à faibles revenus. La commission comprend les raisons qui ont conduit le Gouvernement à revenir sur l'exonération à 50 % : la hausse de la redevance aurait pénalisé le pouvoir d'achat des retraités aux revenus modestes. On peut regretter cependant que les décisions définitives en la matière soient une nouvelle fois repoussées puisque le Gouvernement remettra un rapport avant le 15 octobre pour faire le point sur cette question.

En matière de logement, deux mesures devraient permettre de dégager du pouvoir d'achat pour les 60 % de locataires qui résident dans le parc privé. La première consiste à indexer les loyers sur l'indice des prix à la consommation, c'est-à-dire sur l'inflation, et la seconde ramène de deux à un mois de loyer le montant maximum du dépôt de garantie qui peut être exigé du locataire par le bailleur. Elle facilitera l'accès à la location pour les personnes dont la situation financière est fragile et permettra aux nouveaux locataires de disposer ponctuellement d'un pouvoir d'achat accru. Si la commission approuve ces deux mesures, elle souhaite cependant que l'équilibre entre les droits des locataires et ceux des bailleurs soit préservé. Les petits propriétaires ne doivent pas être découragés de proposer leur bien à la location, sans quoi la crise du logement que nous connaissons risque de s'aggraver. Je vous présenterai d'ailleurs un amendement pour renforcer leur protection.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Très bien !

M. Nicolas About, rapporteur.  - L'examen de ce texte a donné l'occasion à notre commission de nous pencher sur la proposition de loi déposée, sur le même sujet, par nos collègues socialistes. Si les objectifs sont communs, les solutions qu'ils présentent pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages n'ont pas emporté notre conviction.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous aussi ? (Sourires)

M. Nicolas About, rapporteur.  - En effet, certaines sont contraires aux orientations de notre majorité, par exemple lorsqu'il est envisagé de supprimer la loi Tepa votée l'été dernier !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce n'est pas gentil pour les Français qui font des heures supplémentaires !

M. Nicolas About, rapporteur.  - D'autres, comme la réduction de la TVA, nécessitent un accord communautaire et ne peuvent donc être mises en oeuvre à court terme.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ils le savent !

M. Nicolas About, rapporteur.  - Bien sûr ! D'autres, enfin, comme la limitation à un mois de loyer du dépôt de garantie ou le retour aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz, sont satisfaites par ce texte ou par ceux que nous avons récemment votés ce qui devrait en toute logique amener nos collègues socialistes à voter ce projet de loi.

Soucieuse de répondre aux attentes de nos concitoyens, la commission des affaires sociales vous demande d'approuver ce texte.

Cependant, pour la clarté de nos débats, je demande l'examen séparé des deux amendements de suppression de l'article premier, pour éviter la discussion commune de trente-cinq amendements, ainsi que la réserve de tous les amendements portant articles additionnels, y compris les miens ! (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Coup de force !

M. Nicolas About, rapporteur.  - Je passerais en force contre mes propres amendements ? Je me préoccupe seulement de la clarté de nos débats ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Votre commission des finances a examiné les mesures susceptibles d'affecter l'équilibre budgétaire et les comptes sociaux : la possibilité de racheter des jours de repos, prévue par l'article premier, avec exemption des cotisations sociales sauf CSG et CRDS ; la possibilité de débloquer par anticipation, jusqu'au 30 juin prochain, les sommes attribuées aux salariés au titre de la participation, dans la limite de 10 000 euros et là encore avec exonérations de charges sociales comme d'impôts sur le revenu ; la prime exceptionnelle que les entreprises pourront verser aux salariés, de 1 000 euros, exonérée de charges sociales.

Ces dispositions judicieuses pour le pouvoir d'achat, sont assorties d'exonérations qui vont aggraver le déficit budgétaire -sans qu'on sache exactement de combien, faute de connaître le nombre de salariés qui en bénéficieront. La commission se doit d'alerter le Gouvernement sur l'impact de ces mesures sur l'équilibre des comptes. Nous avons voté un déficit de 41,7 milliards, la croissance sera vraisemblablement plus faible que prévu, des mesures votées depuis la loi de finances augmentent déjà les dépenses : ces exonérations nouvelles ne feront que creuser l'écart !

Votre commission souhaite augmenter la réserve de participation : je vous le proposerai par amendement, j'espère que le nouveau texte prévu à cet effet, ne comportera pas d'exonérations de charges !

Il paraît anormal, ensuite, que les agents des services publics ne bénéficient d'aucun intéressement, par exemple aux économies de gestion, et la participation devrait être étendue dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Enfin, pourquoi limiter à 10 000 euros l'avance sur la participation ? On comprend certes que les exonérations sociales imposent de la prudence, mais c'est un argument supplémentaire contre elles : quand il n'y aura plus d'exonération, il ne sera plus nécessaire de limiter le montant et la durée de la mesure, et nous irons plus loin pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes ! Je souhaite que ce déblocage anticipé permanent figure dans le texte annoncé sur le droit de la participation.

Ce texte augmentera le pouvoir d'achat mais, hélas, aussi le déficit du budget et des comptes sociaux : tout en proposant de le voter, nous nous devions d'en souligner les inconvénients ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis.  - Eh oui !

M. le président.  - La commission des affaires sociales a demandé la réserve de tous les amendements portant articles additionnels. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Favorable

M. le président.  - La réserve est de droit.

La commission des affaires sociales a également demandé l'examen séparé des deux amendements de suppression de l'article premier. Je constate qu'il n'y a pas d'opposition : il en est ainsi décidé.

Mme Raymonde Le Texier.  - Trois Français sur quatre ne font pas confiance au Gouvernement sur le pouvoir d'achat, deux sur trois estiment que les mesures annoncées ne vont pas dans le bon sens !

M. Alain Gournac.  - Quelles sont vos sources ?

Mme Raymonde Le Texier.  - Il y a moins de six mois, dans cet hémicycle, Mme Lagarde nous promettait un choc de confiance et un choc de croissance. Que voit-on aujourd'hui ? Pas plus de choc de confiance que de relance de la croissance, mais une nouvelle loi pour installer un « M. heures supplémentaires » tant votre texte de l'été décourage les chefs d'entreprise : quel aveu d'échec !

Les milliards de la loi Tepa ont consommé toute votre marge de manoeuvre : la priorité a été donnée aux plus aisés !

M. Guy Fischer.  - Aux riches ! (M. Godefroy le confirme)

Mme Raymonde Le Texier.  - Les exonérations, ensuite, aggravent les déficits publics et sociaux.

Le résultat : des caisses vides, une faible croissance et des inégalités qui explosent.

Quant au Président de la République « du pouvoir d'achat », six mois ont suffi pour voir que le discours volontariste n'était suivi d'aucun changement !

M. Guy Fischer.  - Il ne peut pas tout faire !

M. Thierry Repentin.  - Il paraît déjà fatigué !

Mme Raymonde Le Texier.  - Il a d'ailleurs reconnu son impuissance, lors de ses voeux à la presse, le 8 janvier : « Qu'est-ce que vous attendez de moi, que je vide des caisses déjà vides ? Que je donne des ordres à des entreprises à qui je n'ai pas à donner d'ordres? ». Cela ne vous empêche pas de proposer une énième loi qui n'a d'autre intérêt que de communiquer autour de son intitulé !

Pour « sauver la crédibilité du soldat Sarkozy », vous déposez un texte de circonstance, d'application limitée à juillet prochain, alors que le pouvoir d'achat est un sujet de fond, qui nécessite de résorber la précarité des travailleurs pauvres, de régler les difficultés pour les jeunes à accéder au monde du travail, ou encore l'exclusion des seniors de ce même marché du travail.

Faute d'une politique de l'emploi et de lutte contre la précarité, le Gouvernement réduit son intervention à la durée du travail. Outre votre aveuglement face aux dures réalités que subissent les Français, vous accusez les 35 heures de tous les maux : un rideau de fumée pour faire oublier vos résultats pitoyables en matière économique ! Vous êtes au pouvoir depuis six ans : vos résultats ne sont pas à la hauteur de vos prétentions et encore moins des attentes de nos concitoyens !

Selon l'Insee, la pauvreté a diminué entre 1996 et 2001, le niveau de vie moyen augmentant de 1,7 % par an, de 3,3 % pour les plus modestes. La tendance s'inverse depuis 2003.

Cette nouvelle loi ne changera rien : elle n'ouvre aucun droit, comportant seulement des possibilités. Difficile de faire autrement, puisque l'argent que vous voulez distribuer ne vous appartient pas, mais qu'il dépend du bon vouloir des employeurs, sur lequel vous n'avez aucun pouvoir !

Vous annoncez 30 à 35 milliards de pouvoir d'achat supplémentaire, sans rien en savoir précisément, mais juste pour donner l'impression aux Français que vous agissez et parce que vous craignez un désaveu massif aux municipales !

Les trois articles relatifs au travail sont révélateurs de votre méthode.

Le premier permet de transformer les RTT en heures travaillées, conformément à l'alpha et à l'oméga de votre politique : travailler plus pour gagner plus. (Sur les bancs de l'UMP, on confirme cette interprétation) Tout cela paraît logique, mais en réalité vous dites aux salariés : « si vos fins de mois sont difficiles, vendez donc vos jours de congé... si le patron est acheteur ».

J'ajoute que cette mesure ne peut concerner que les 38 % des salariés qui bénéficient de RTT. Et encore, tout dépend des besoins de l'entreprise. Entre le potentiel et l'effectif, il y aura donc un fossé.

En outre, si la transformation de RTT en heures supplémentaires se réalise, les différences de traitement entre salariés vont s'aggraver, puisque les secteurs où les salaires sont les plus bas et le temps partiel subi le plus répandu distribuent aussi le moins de RTT. Vous pouvez ainsi mettre du beurre dans les épinards de certains, mais non remplacer une augmentation pérenne du salaire horaire. Par ailleurs, l'accroissement des heures supplémentaires n'incite pas à créer des emplois.

À terme, ces dispositifs défiscalisés déséquilibrent encore plus les comptes de l'État et de la sécurité sociale, ce qui justifiera ensuite la baisse de la protection, l'augmentation des prélèvements, la hausse des cotisations sociales et des tarifs mutualistes.

Mais surtout, en réduisant les salaires à la seule durée du travail, vous abordez le sujet d'une façon inquiétante. Ne peut-on plus négocier d'augmentation salariale ? La rémunération est-elle déconnectée de la productivité ? Vous semblez ignorer aussi que la question du pouvoir d'achat ne concerne pas exclusivement les actifs.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je l'ai dit.

Mme Raymonde Le Texier.  - Les retraités ne compteraient-ils plus ? Alors que vous aviez promis de revaloriser les petites pensions de 25 % en trois ans, vous n'octroyez royalement qu'une hausse de 1,1 % cette année.

M. Guy Fischer.  - C'est scandaleux !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - En cinq ans. Vous ne risquiez pas de trouver quoi que ce soit dans le programme socialiste !

Mme Raymonde Le Texier.  - Les retraités ont appris à leurs dépens que les promesses du candidat Sarkozy n'engageaient nullement le Président du même nom.

Vous liez toujours le pouvoir d'achat à la croissance, car vous oubliez délibérément que beaucoup dépend de la répartition des fruits de la croissance. Au cours des huit dernières années, quand les salaires augmentaient de 5,3 %, les revenus fonciers s'accroissaient de 13,2 %, les revenus du capital étaient en hausse de 30,7 %, ceux procurés par le capital du CAC 40 s'envolant de 80 % ! Est-ce revaloriser le travail que d'en faire le parent pauvre de la répartition des richesses ? Vous donnez beaucoup de leçons sur le fait que, sans croissance, les entreprises ne peuvent améliorer les salaires. Or, lorsque les bénéfices sont avérés, le travail qui les a permis n'est guère récompensé : après avoir triplé ses profits en trois ans, AXA a délocalisé mille cinq cents emplois ; les résultats de la Société générale se sont accrus de 35 %, mais son personnel n'a été augmenté que de 2 % alors que les dividendes s'envolaient de 40 %. Où est la revalorisation du travail ?

Enfin, proposer exclusivement le rachat des RTT ou le versement d'une prime revient à dire que l'incertain et le conjoncturel peuvent récompenser l'explosion réelle et structurelle des prix et des charges. En effet, les ménages sont confrontés à la hausse considérable des produits alimentaires de première nécessité. En outre, le prix du fioul domestique s'est accru de 56 % alors que les loyers et charges locatives augmentaient de 30 %. Et le président du pouvoir d'achat ajoute 6 % supplémentaires à la facture de gaz, outre la mise en place des franchises médicales. Alors que ces dépenses sont largement contraintes, rien ne permet d'espérer leur prochaine décrue. Pour ceux qui ont un emploi, l'avenir pourrait consister à travailler plus pour payer plus !

Le deuxième article du texte ne manque pas non plus de piquant, puisqu'il propose aux salariés d'augmenter leur pouvoir d'achat en dépensant leurs économies. Présenter une baisse de l'épargne comme une augmentation du pouvoir d'achat, il fallait oser !

Par ailleurs, seuls 6 % des salariés au maximum pourraient être concernés par cette disposition, à condition que l'employeur le veuille et le puisse, car rien ne dépend du salarié.

Surtout, cette disposition ignore délibérément les conclusions du rapport de M. Jean-Pierre Balligand, à savoir que nombre d'entreprises ne provisionnent pas leurs réserves de participation. C'est dire s'il peut être difficile de trouver des liquidités ! En outre, la plupart des PME ne disposant pas d'un grand capital, elles ont placé la réserve de participation dans leurs bilans. Quasiment intégrés aux fonds propres, celles-ci ne sont donc pas aisément mobilisables.

Difficile à appliquer, contre-productif s'il déstabilise les entreprises, le déblocage anticipé n'est en outre pas très efficace pour relancer l'activité, comme l'a montré l'expérience de 2004 : seul un tiers des hommes avait alors été dirigé vers la consommation, le reste retournant vers une autre forme d'épargne.

Je m'arrête là, car Mme Bricq reviendra par la suite sur la participation.

Enfin, le troisième article autorise le versement d'une prime exceptionnelle et défiscalisée, toujours selon le bon vouloir du patron. Cette mesure n'offre donc pas plus de garanties que les autres et il est tout aussi difficile que pour les précédentes d'en évaluer l'incidence.

À des difficultés générales exprimées collectivement, vous apportez des réponses partielles réservées à quelques-uns. Au contraire, la proposition de loi du groupe socialiste veillait à ne laisser personne au bord de la route. En effet, la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité concerne tout un chacun, l'augmentation de la prime pour l'emploi touche tous les salariés modestes, le conditionnement des aides publiques à des négociations salariales n'est que justice sociale, la lutte contre la précarité est au coeur des attentes de notre société, enfin l'abrogation des franchises médicales, la création d'un chèque transport et l'instauration d'un bouclier logement sont des réponses concrètes améliorant la vie quotidienne.

Thierry Repentin reviendra d'ailleurs sur vos propositions en matière de logement et sur les nôtres.

L'importance primordiale accordée par nos concitoyens au pouvoir d'achat ne témoigne pas d'une attitude conjoncturelle, car elle s'appuie sur la peur bien réelle d'un avenir où le travail ne sera plus gage d'insertion ni de stabilité. Cette crainte se nourrit de l'augmentation de la précarité, du développement du temps partiel, des coups portés à la législation du travail et de la régression de notre protection sociale.

Rappelez-vous : à la question « avez-vous personnellement peur de devenir exclu ? », 55 % des Français répondent oui. Ce pourcentage est le plus élevé parmi tous les pays de l'Union européenne, avec un écart significatif dans toutes les catégories socio-économiques. Les Français ne pensent donc pas que l'évolution de leur situation soit régie par des facteurs individuels. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette loi ne ranimera pas l'espoir. Elle n'est qu'un placebo, en attendant le remède de cheval concocté par le Medef, dont nous avons déjà avalé la pilule de la flexisécurité en attendant le bouillon du contrat unique sans durée légale du travail. Et vous comptez sur la peur du chômage pour que le patient soit docile !

Aujourd'hui, vos réponses aléatoires et à court terme adressent à chaque Français un message clair : ne comptez que sur vous-même ; si vous n'avez que votre force de travail, vous êtes perdant. Les Français ne se sentent plus maîtres de leur destin ; avec vous, ils se savent abandonnés à leur sort ! (Vifs applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Debré.  - (Applaudissements sur les bancs de l'UMP) Je vous prie d'excuser ma voix, qui n'est toujours pas revenue.

M. Gérard Longuet.  - Les idées sont fortes, même si la voix est faible !

Mme Isabelle Debré.  - Je souhaite évoquer plus spécifiquement l'article 2, qui autorise le versement anticipé de la participation pour accroître le pouvoir d'achat de certains de nos concitoyens, même si seules 30 % des sommes concernées par le dernier déblocage ont immédiatement augmenté la consommation.

Par ailleurs, le Président de la République vient d'annoncer qu'il souhaitait doubler, voire tripler la réserve spéciale de participation et développer l'intéressement.

M. Guy Fischer.  - Bien sûr !

Mme Isabelle Debré.  - Comme membre du Conseil supérieur de la participation, j'approuve cette orientation.

La participation est née en 1967 car le général de Gaulle voulait pacifier les rapports sociaux en associant le capital au travail. C'est pourquoi le concept de participation suscite le consensus de tout l'échiquier politique. (M. Fischer n'en semble pas convaincu)

Beaucoup d'entre nous se réjouissent d'entendre réaffirmée l'ambition gaullienne d'une meilleure répartition des bénéfices. (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Vous en venez à faire parler le général de Gaulle !

M. Thierry Repentin.  - Ils font le grand écart.

Mme Isabelle Debré.  - Pour maintenir l'efficacité du dispositif, je pense nécessaire de garder à l'esprit trois axes de réflexion.

Tout d'abord, la participation s'inscrit dans la durée : les sommes concernées constituent une épargne à long terme. Le déblocage anticipé doit donc être l'exception.

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

Mme Isabelle Debré.  - Ouvrir trop largement la porte des remboursements pourrait déstabiliser de nombreuses entreprises dont la trésorerie ne permet pas toujours de verser ces sommes. (M. Longuet approuve)

En tout état de cause, en cas de déblocage exceptionnel, les salariés ne devraient pas bénéficier de la fiscalité particulière du système. Si le but recherché est celui d'une plus grande liquidité, il est préférable d'utiliser les mécanismes de l'intéressement qui permettent de verser immédiatement les bénéfices retirés des performances de l'entreprise.

Malgré ces réserves, il convient de reconnaître que le projet de loi encadre sur des points importants le déblocage des sommes issues de la participation. Ainsi, lorsque l'investissement a été effectué dans l'entreprise, le déblocage ne pourra intervenir qu'après un accord collectif, afin de préserver les intérêts de l'entreprise et des salariés. En outre, le texte plafonne à 10 000 euros les sommes versées au salarié et le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), outil d'épargne longue, est exclu du dispositif de déblocage anticipé. Je me réjouis que le Gouvernement ait aussi fixé des garanties évitant de fragiliser les entreprises.

La participation, à vocation universelle, devrait bénéficier à tous les salariés. Il est donc urgent de rechercher comment la diffuser plus largement dans les entreprises de moins de cinquante salariés où, à ce jour, elle demeure facultative.

M. Adrien Gouteyron.  - Il le faut !

Mme Isabelle Debré.  - Enfin, les mécanismes de la participation doivent être simples à comprendre et à mettre en oeuvre. Elle s'est construite par strates successives, avec une importante accélération ces dernières années. De nombreuses lois ont été votées qui ont placé la France à l'avant-garde en Europe en la matière. Mais nous avons abouti à un maquis qui décourage l'entrepreneur de PME et de TPE. Ici comme dans d'autres domaines, comme l'a rappelé le Président de la République, il faut mettre un terme à l'incroyable complexité des dispositifs, diminuer leur nombre, simplifier leurs mécanismes, leur donner une certaine stabilité dans la durée. Cela permettrait aux PME et TPE qui ne disposent pas des structures juridiques des grandes entreprises de s'engager dans cette voie.

Durée, équité, simplicité sont les clés de la réussite. Soyons audacieux et profitons de l'élan donné par le Président de la République pour remettre à plat tous les dispositifs qui se sont ajoutés au fil des années. Simplifions ! Pour favoriser une culture d'entreprise, pour constituer une épargne à long terme, utile pour l'entreprise comme pour compléter les régimes de retraites, utilisons l'outil de la participation. Pour distribuer plus rapidement une part des bénéfices et pour augmenter immédiatement le pouvoir d'achat, utilisons l'outil de l'intéressement. Ainsi seront conservées et renforcées les raisons d'être de ces dispositifs. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Guy Fischer.  - Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy voulait faire de son quinquennat celui du retour de la croissance, qu'il était prêt à aller chercher avec les dents. Huit mois se sont écoulés et le moins que l'on puisse dire, c'est que le compte n'y est pas.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Huit mois ! Le quinquennat n'est pas fini !

M. Guy Fischer.  - Christine Lagarde, qui a osé ne prévoir qu'une croissance proche de 2 %, s'est fait vertement rappeler à l'ordre par M Martinon. Et, en lieu et place de croissance, nous avons eu une inflation de 2,60 % qui plombe notre économie et pèse sur la consommation des Français.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est vrai, elle a bondi de 2 % en décembre. Merci de le rappeler...

M. Guy Fischer.  - Cette crise est mondiale et globale. Aux États-Unis, après la crise des subprimes qui s'est conclue par une vague sans précédent d'expulsions, Georges Bush parle aujourd'hui franchement de récession. En Allemagne aussi, la crise s'installe. Partout le même constat : « Le pouvoir d'achat dans la zone euro ne s'est accru que de 1,5 % entre 2001 et 2005, soit moins que dans la seule année 2000 ». Et ce constat, vous ne pouvez le nier : c'est celui d'un de vos amis, Jean-François Jamet, consultant à la Banque mondiale, un de ces penseurs dont le libéralisme est l'alpha et l'oméga de votre politique.

L'économie mondiale paye aujourd'hui le prix de la crise américaine et de la spéculation foncière et boursière des USA. Hier, les bourses du monde entier se sont écroulées, le CAC 40 a perdu lundi près de 7 %. Pour retrouver une baisse aussi importante, il faut remonter au 11 septembre 2001. C'est dire si la méfiance envers l'économie et les banques est grande. Votre gouvernement n'est donc pas le seul responsable. Non. Sont aussi responsables ceux de MM. Raffarin et de Villepin qui n'ont eu de cesse de libéraliser, de privatiser, d'accroître la concurrence entre les salariés et les pays.

Depuis plusieurs mois, la situation en France s'aggrave de jour en jour. Votre gouvernement n'a pas su répondre aux attentes des Français. Pire, nos compatriotes craignent de plus en plus l'avenir. Et on les comprend. Je pense par exemple aux salariés de l'usine Mittal, en Moselle, auxquels on avait promis le maintien de l'emploi, ou à ceux de Salomon qui apprennent du jour au lendemain la fermeture des deux sites de productions. Tous les signaux sont au rouge. Et que fait votre gouvernement ? Il impose aux retraités une augmentation de pension de 1,1 %, une des plus faibles de ces dernières décennies, au prétexte d'un trop-perçu des années précédentes !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est vous qui dites ça ! C'est honteux de leur dire ça !

M. Guy Fischer.  - Ces retraités, vous les retrouvez sur votre chemin et plus d'une fois !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ils savent qu'ils peuvent nous faire confiance.

M. Guy Fischer.  - Avec les franchises médicales, vous instaurez un nouvel impôt pour les malades, vous privatisez le service public de l'emploi et n'oubliez surtout pas de multiplier les exonérations de cotisations sociales en contrepartie d'emplois de plus en plus précaires et de plus en plus mal payés. Si votre gouvernement n'est pas le seul responsable de la conjoncture européenne et mondiale, il en est tout de même un acteur majeur.

A quelques semaines des élections municipales, il vous fallait faire un geste, montrer aux Français que vous pensiez à eux. Mais prenez-vous la pleine mesure de la situation ? A la lecture de votre projet de loi, j'en doute. Que proposez-vous ? Le troc des journées de RTT et des repos compensateurs. Une mesure au bon vouloir de l'employeur, et limitée dans le temps. Mais qu'importe puisque c'est utile au plan média du président. Les députés ont proposé de garantir les droits accumulés sur les comptes épargne-temps par l'AGS, structure qui se substitue à l'employeur insolvable pour payer des salaires et des congés payés. Beau mécanisme. Dommage qu'il ne soit pas financé. L'AGS est en grande difficulté financière, en partie en raison de la baisse de 50 % de ressources, décidée par votre majorité en 2003.

Vous proposez également de convertir en monnaie sonnante et trébuchante les repos compensateurs. Cela suffira-t-il à redonner du pouvoir d'achat aux Français ? J'en doute.

Votre majorité n'a pas pris la pleine mesure de la situation. Tout augmente : en janvier 2007, le forfait hospitalier

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Qui l'a créé ?

M. Guy Fischer.  - Jack Ralite, et ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. Mais avec vous, il augmente régulièrement et chaque fois que nous proposons un amendement le supprimant, vous le repoussez.

Mars 2007 : augmentation du gaz, une augmentation de 35 % entre 2000 et 2006, alors que GDF annonce en 2007 un chiffre d'affaires en progression de 21 %. Juin 2007 : création d'une redevance sur la copie privée. En juillet : à la SNCF, un euro de plus pour la carte enfant, deux pour la carte seniors ; augmentation des tickets à la RATP ; un euro supplémentaire par consultation chez le médecin généraliste ; un euro pour l'abonnement à France Telecom. Août : vous augmentez les tarifs réglementés d'EDF de 1,1 %. Je pourrais continuer. Il s'agit à chaque fois de petites augmentations, mais pour la plupart des ménages et des allocataires de minima sociaux, c'est insupportable. Et encore faudrait-il parler de vos premières mesures de 2008 : 50 euros de franchises médicales, taxation des préretraites.

Tout augmente, sauf les salaires du privé, pour lesquels le Président dit ne rien pouvoir faire, et sauf les traitements des fonctionnaires, dont l'insuffisante hausse de 0,8 % ne compense en rien l'augmentation du coût de la vie. Leur mobilisation est légitime et je tiens ici à leur apporter le soutien des sénateurs communistes pour leur manifestation de demain.

Tout augmente, sauf les retraites et les pensions de réversion que vous rêvez de diminuer... (Protestations à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - On va les augmenter !

M. Guy Fischer.  - ...et les prestations familiales qui stagnent avec seulement 1 % d'augmentation.

Les prestations familiales, pour la première fois, ne vont augmenter que de 1 %.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Mais pendant trois ans, leur augmentation a été supérieure à l'inflation.

M. Guy Fischer.  - Le président de la Cnaf a eu l'audace de me dire qu'il n'était pas sûr que les Français attendent une augmentation en numéraire ! De qui se moque-t-on !

Les produits de première nécessité sont de plus en plus chers, y compris chez les hard discounters, dont le rapport de M. Beigbeder préconise la promotion. Le prix moyen du panier a augmenté de 1,36 %. L'association Familles rurales relève, dans une étude, que la baguette a augmenté de 12 centimes au kilo et les pâtes de premier prix de 13,84 centimes. Sur l'ensemble des produits de hard discount, la hausse est de 6 % à 27 %. Ces augmentations affectent donc davantage les familles les plus modestes, dont les trois quarts du budget vont aux produits de première nécessité. Et la crise qui s'annonce ne va rien arranger. Avec la tourmente boursière, près de 430 milliards d'euros sont partis en fumée, lundi. Les places européennes ont perdu l'équivalent du budget de la France. Il n'est pas besoin d'être devin, ni économiste, pour savoir qui paiera les pots cassés : les salariés, (Mme David le confirme) qui seront les premiers touchés par les vagues de licenciement à venir, tandis que la crise servira au Medef à justifier bas salaires et précarisation des emplois.

Que valent, face à cela, les mesures de déblocage de l'épargne salariale que vous nous proposez ? Vous favorisez ainsi l'immédiat contre le moyen terme, et le placement bancaire plus que la consommation.

Une mesure, pourtant, serait efficace : la baisse de la TVA, impôt le plus injuste qui soit. Le sort réservé à nos propositions par vos collègues de l'Assemblée nationale ne nous laisse hélas guère optimistes sur le destin qui les attend ici.

Où est votre volonté politique ? Les beaux discours de M. Sarkozy ne donnent plus le change. Lui-même l'a bien compris qui, interrogé sur le pouvoir d'achat n'hésite plus à répondre qu'il ne peut puiser dans des caisses déjà vides -mais qui les a vidées ?- ni donner des ordres aux entreprises. Il ne lui reste donc plus, conscient des insuffisances de sa propre politique, qu'à minimiser la portée d'un texte pourtant censé porter une priorité du Gouvernement, dont vous vous êtes gardé d'engager la responsabilité, tandis que le Premier ministre lui-même n'était pas présent lors des débats à l'Assemblée nationale.

Le mécontentement commence à gronder jusque dans vos rangs, au point que le Président de la République a dû faire amende honorable en déclarant ce matin qu'il ne s'engagerait pas dans la campagne municipale.

M. Thierry Repentin.  - On le comprend...

M. Ivan Renar.  - Les sondages ne sont pas bons !

M. Nicolas About, rapporteur.  - Ce qui est local doit le rester.

M. Guy Fischer.  - Des promesses non tenues, le train de vie d'un grand patron : tout cela a de quoi choquer. Fréderic Lefebvre, député des Hauts-de-Seine et secrétaire de l'U.M.P. chargé de l'économie déclarait lui-même à La Tribune, le 17 janvier dernier que le Président devait « faire encore plus »

Mme Nicole Bricq.  - Il vaudrait mieux l'arrêter !

M. Guy Fischer.  - Ce projet lui-même a provoqué le mécontentement de nombre de vos amis. D'où vous vient cette soudaine timidité, alors que vous n'avez pas hésité, avec la loi Tepa de juillet, à dilapider 15 milliards au profit d'un mécanisme que vos amis eux-mêmes qualifient d'usine à gaz, pour un effet presque nul ?

M. Nicolas About, rapporteur.  - Pas pour ceux qui y gagnent !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous direz cela aux salariés les plus modestes !

M. Guy Fischer.  - Vous n'avez surtout pas hésité à faire cadeau au patronat d'exonérations sociales que le rapport qui vous a été remis à la veille de Noël évalue à 41 milliards ! Avec un effet nul sur l'emploi. Il faudra bien revenir sur cette politique qui coûte si cher aux Français et prive l'État de sa capacité d'action, tandis que vous vous obstinez à le priver de ressources nouvelles, comme celles qu'apporterait une vraie taxation des stock-options.

M. Sarkozy a beau jeu de dire, après cela, que les caisses sont vides ! Pour complaire à une minorité, vous n'hésitez pas à mettre la main à la poche, mais lorsque, sous la pression de nos concitoyens, il s'agit de prendre des mesures en faveur du plus grand nombre, vous criez misère ! Vous vous bornez à en appeler, comme naguère M. de Villepin en appelait au patriotisme économique, à la bonne volonté des employeurs, avec la prime de 1 000 euros ou le déblocage de l'épargne salariale.

Et ce ne sont pas les recommandations du rapport Attali qui rassureront ceux qui survivent déjà à grand peine ! À Dieu ne plaise qu'il vous prenne l'idée de les suivre ! La seule vraie question, que vous vous refusez à aborder, est celle de la répartition des richesses. Rien de concret dans les déclarations du Président de la République, en dépit de ses accents gaulliens. Depuis vingt ans, la part de la richesse dédiée à la rémunération du travail n'a cessé de se réduire : de 67,8 % en 1982, elle est tombée à 59,8 % en 2005. Ces huit points de moins pour les salariés ne représentent pas moins de 121 milliards puisque le PIB atteint 1 521 milliards. C'est aux actionnaires, dont les bénéfices, par la grâce de vos gouvernements successifs, sont de moins en moins taxés, que sont allées ces sommes qui manquent cruellement à notre protection sociale et à nos régimes de retraite. « La part des profits est inhabituellement élevée à présent, celle des salaires inhabituellement basse » : ces propos ne sont pas ceux d'un leader syndical, c'est Alan Greenspan lui-même qui les a prononcés.

Il est urgent d'intervenir sur le seul levier efficace pour relancer le pouvoir d'achat : les salaires, du public comme du privé. La majorité des organisations syndicales ne demande pas autre chose. (Applaudissements à gauche)

M. Ivan Renar.  - Et tous à la manif !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Des « Trente Glorieuses », période au cours de laquelle le revenu des Français et la santé des entreprises n'ont cessé de progresser, on peut à bon droit dire qu'elles furent le temps de l'harmonie française. Puis on entreprit, en 1981, de gommer les injustices qui subsistaient. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions, surtout quand on y plante, avec les 35 heures, un ministère du temps libre. Si les nationalisations à contre courant, suivies de privatisations à marche forcée n'ont pas empêché les entreprises les plus importantes de se développer, les salariés en ont payé le prix. Car tel est bien le paradoxe français : la progression du pouvoir d'achat des ménages a été très inférieure à celle des entreprises. Bien plus, l'écart de revenu entre les plus pauvres et les plus riches s'est élargi jusqu'à devenir inacceptable.

Depuis vingt-cinq ans, la France progresse moins vite que ses concurrents. Seul un électrochoc puissant la fera sortir de sa torpeur et retrouver confiance en l'avenir. Non seulement nos voisins européens n'attendront pas que nous ayons achevé nos réformes, mais ils se sont placés depuis longtemps dans une dynamique concurrentielle. L'exemple de l'Espagne est aveuglant : le sous-développement que l'on relevait avec condescendance à son entrée dans la CEE en 1986 s'est transformé en une croissance exemplaire, supérieure d'au moins 1,6 point à la moyenne européenne.

Pendant que son PIB progressait de 3,4 % l'an depuis 2004, le nôtre s'enfonçait dans la stagnation (1,7 %), la France reculant jusqu'au treizième rang pour le PIB par habitant. Aujourd'hui, le pouvoir d'achat des Espagnols a rejoint celui des Italiens et l'objectif de José Luis Zapatero de dépasser le nôtre d'ici cinq ans apparaît réaliste.

On compte pourtant trente-huit entreprises françaises parmi les cinq cents premières mondiales, contre trente-sept allemandes et neuf espagnoles, et trois entreprises françaises parmi les cent premières contre trois espagnoles. On ne peut pas remettre en cause le fait que nos entreprises sont puissantes et insérées dans la mondialisation mais elles délocalisent et licencient.

Quelque chose ne fonctionne pas bien puisque les bonnes performances des entreprises ne se retrouvent pas en termes de pouvoir d'achat. Il n'y a pas le même consensus ici qu'en Espagne où le clivage politique est sociétal et non plus idéologique : le gouvernement Zapatero a renoncé à l'impôt sur la fortune -quel contraste avec le programme des socialistes français !

Le pouvoir d'achat matérialisant la production, les salariés français sont d'autant plus frustrés que leur productivité est supérieure de 5 % à celle des Américains. Mais, sur la vie, un Américain travaille 35 % de plus qu'un Français. Sans ressusciter Taylor ou Stakhanov, constatons que l'esprit d'un ministère du temps libre ou des 35 heures dessert le pouvoir d'achat.

Comment faire en sorte que le travail et l'effort soient justement rétribués ; comment mettre fin au scandale que constitue la situation des 1,3 million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et celle des salariés qui n'ont pas les moyens de se loger ; comment remédier aux trappes à pauvreté à propos desquelles Martin Hirsch, avec générosité et lucidité, ouvre des pistes prometteuses ? Pourquoi une telle déperdition de revenu dans la répartition de la valeur ajoutée ? Le scandale n'est pas de s'enrichir mais de ne pouvoir vivre de son travail !

Le partage de la richesse nationale s'effectue entre les ménages, les entreprises et l'État qui en mobilise 44 % et qui est loin d'être efficace dans sa redistribution : les transferts se caractérisent par une courbe en U parce qu'ils profitent aux plus pauvres et aux plus aisés, de sorte qu'il est impératif de soulager les classes intermédiaires, celles qui gagnent trop pour être aidées mais pas assez pour consommer. La baisse des prélèvements stimulera la consommation ; elle profitera donc aux entreprises et nourrira la croissance.

Les premières mesures du Gouvernement ainsi que ce projet vont dans le bon sens mais cela ne suffit pas. L'État ne saurait vivre aux dépens des citoyens alors que la réduction de l'emploi public favorisera l'emploi privé. Ne demandons pas tout et son contraire aux entreprises mais rendons à la France son attractivité et l'État s'émancipera des tâches qui ne sont pas les siennes. En dépensant mieux, il allégera les prélèvements.

Nos concitoyens sont inquiets. Malgré vos premières mesures, leur taux d'épargne augmente. Or leur consommation est le moteur de la croissance -hélas !, parce que cela creuse le déficit commercial et entretient le chômage.

Les articles 1 à 3 devraient fournir un surcroît de revenu à nombre de nos compatriotes et la baisse du coût des locations profitera à bien des preneurs. Votre projet va aider les ménages modestes à vivre des fruits de leur travail mais beaucoup reste à faire car aucune des recettes appliquées dans le passé n'a réussi à enclencher une croissance vertueuse. C'est que l'offre n'est finalement que l'expression d'une confiance dans l'avenir. Lorsque la France était conquérante, alors elle emportait des marchés et le pouvoir d'achat augmentait. Aujourd'hui, la France, bridée par une administration tatillonne, doute. Le travail doit être récompensé avec équité. Le projet va dans le bon sens ; la majorité du RDSE le votera. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Anne-Marie Payet.  - Nous ne pouvons que soutenir les mesures positives du projet, même si elles ne sont pas tout à fait adaptées à la situation du moment. Ses premiers articles permettent la monétisation de droits à congé, RTT ou compte épargne-temps, et les députés les ont opportunément enrichis en autorisant une monétisation des repos compensateurs. Comment ne pas souscrire à ce type d'assouplissements ? Le texte complète utilement la loi du 31 mars 2005 sur l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. Ces mesures de flexibilisation sont si justifiées qu'on ne comprend pas pourquoi elles ne seraient pas permanentes et nous avons déposé un amendement en ce sens.

Je peux dresser le même constat sur le volet logement : les mesures vont dans le bon sens et nous ne pouvons qu'y souscrire. L'article 4 modifie le calcul de l'indice de revalorisation du loyer, ce qui était tout à fait souhaitable en raison de l'augmentation du coût des matières premières comme du renforcement des normes de construction. Se caler sur l'indice des prix à la consommation semble plus raisonnable -il faudra juger à l'expérience. Diviser par deux le dépôt de garantie en le ramenant à un mois, comme le fait l'article 5, est évidemment une bonne chose.

Les articles 2 et 3 sont plus problématiques. L'article 2 autorise le déblocage anticipé avant le 30 juin 2008 des sommes attribuées au titre de la participation ; l'article 3 prévoit le versement d'une prime exceptionnelle aux salariés des entreprises non assujetties à la participation. D'emblée, cet article nous semble devoir être complété et nous défendrons un amendement pour que les salariés des entreprises de l'économie sociale, notamment des mutuelles, puissent en bénéficier.

La possibilité de déblocage anticipé de la participation donne une impression d'action législative erratique et peu lisible : voilà cinq fois en six ans que l'on a réformé le régime de la participation et, à chaque occasion, on a réaffirmé le principe d'indisponibilité de cette épargne pendant cinq ans : il s'agit d'une épargne à long terme en vue de la retraite des salariés et qui renforce les fonds propres des entreprises. Son déblocage avant le 30 juin ne paraît donc pas très cohérent.

Si nous sommes sceptiques sur la participation, les mesures pour le pouvoir d'achat nous semblent positives mais l'intitulé du projet est un peu trompeur (approbations sur les bancs socialistes) car ce n'est pas en monétisant certains congés ou en réduisant le dépôt de garantie que l'on compensera l'érosion du pouvoir d'achat. (M. Repentin le confirme) Les articles 4 et 5 ne régleront pas le coût du logement.

M. Thierry Repentin.  - On est d'accord !

Mme Anne-Marie Payet.  - L'accès au logement est de plus en plus difficile parce que les propriétaires réclament plusieurs mois de loyer d'avance. Agences et propriétaires formulent des exigences toujours plus contraignantes. Outre les documents habituels, ils demandent toujours plus de renseignements.

Tout cela à la frontière de la légalité quant au respect de la vie privée.

Que faire ? Le pouvoir d'achat ne remontera que si les salaires augmentent. Or, ceux-ci ont été plombés par les 35 heures. Et plutôt que supprimer les lois Aubry, le Gouvernement choisit, dans ce projet de loi, le contournement. Conservées sur le papier, les 35 heures sont en pratique de plus en plus battues en brèche. Le système est hyper complexe.

On ne luttera efficacement contre l'érosion du pouvoir d'achat qu'en combattant le chômage. En France, le niveau du chômage structurel est lié à celui, trop élevé, des prélèvements obligatoires et des prix, ce qui pose le problème de la compétitivité de nos entreprises et de nos territoires.

Voilà les vraies questions relatives au pouvoir d'achat. Les réponses résident dans les réformes structurelles que notre pays a tant de mal à mettre en oeuvre : celles du financement de la protection sociale ou du contrat de travail, qui nécessitent un effort accru en faveur de la formation, de l'innovation et de la recherche.

Alors, seulement, la participation pourra devenir un véritable outil de gouvernance salariale. Elle est aujourd'hui enserrée dans un carcan rigide. Les sommes qui lui sont affectées bénéficient d'un régime fiscal et social privilégié parce que les cotisations pèsent lourdement sur le travail. Une fois le financement de la protection sociale réformé, la participation et l'intéressement correspondront à la part du salaire liée à la performance.

Les mesures de ce projet de loi qui manque d'envergure sont prises au moment où les bourses du monde entier s'effondrent, où les prévisions de croissance sont dans le rouge et où l'on parle de solder le stock de RTT accumulées jusqu'au 31 décembre 2007. Elles ne sont pas structurelles, mais conjoncturelles et temporaires, s'agissant notamment de la monétisation de certains congés et des articles consacrés à la participation.

Nous voterons le projet de loi pour le pouvoir d'achat parce que les mesures qu'il porte, bien que dérisoires, vont dans le bon sens, mais nous ne nous faisons aucune illusion quant à l'ampleur de la tâche qui nous attend pour véritablement combattre l'érosion du pouvoir d'achat. (Applaudissements au centre)

Mme Nicole Bricq.  - Je le dis sans ambages : ce texte est décalé et dérisoire : décalé parce que l'objectif affiché il y a quelques mois comme l'emblème de la campagne électorale n'est devenu qu'une question parmi d'autres, dérisoire parce que la crise financière affaiblira les économies réelles.

Je souhaite m'attacher aux actes dont la majorité sénatoriale est comptable. Le Président de la République avait deux contraintes : un endettement fort et une croissance faible. La première a été repoussée à 2012, même si ce message a été brouillé par le terme de « faillite » employé par le Premier ministre, auquel le Président de la République a fait écho en disant que « les caisses sont vides ». Il n'est pas étonnant que le moral de nos compatriotes soit affecté. Il est à craindre que le spectre de l'endettement et de la dépression économique soit utilisé après la campagne électorale pour justifier un resserrement des dépenses et une ponction sur les ménages.

Pour ce qui est de la croissance, une relance de 15 milliards d'euros a été décidée en juillet. Elle est non seulement mal orientée et inégalitaire, mais relève d'un diagnostic erroné sur l'état de la France, dont les maux sont connus : retard de compétitivité, exportations mal orientées, appareil productif mal utilisé. L'économie n'est pas une science exacte, mais il vaut mieux se taire quand on n'y connaît rien. Ce qu'on sait, c'est qu'il faut ajuster l'offre et la demande, articuler au mieux les choix macroéconomiques et les stimulations des entreprises, et bien régler le budget et la politique fiscale.

De texte en texte, dans l'urgence, vous louvoyez. Cette incohérence témoigne de l'incompétence de l'équipe en place, soutenue par la majorité sénatoriale. Alors que les nuages s'amoncellent, aucune stratégie claire ne se dégage. Et les cartouches budgétaires ont été brûlées l'été dernier avec le funeste Tepa, qui n'était pourtant pas un feu d'artifice : vous ne pouvez soutenir l'activité face au retournement conjoncturel.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est le contraire.

Mme Nicole Bricq.  - La crise immobilière américaine, qui s'est propagée, ne doit pas masquer la réalité. L'atterrissage devait avoir lieu tôt ou tard car on ne pouvait avoir durablement des transactions financières cent fois plus nombreuses que les transactions commerciales.

Pour atteindre l'objectif de 3 % de croissance, il eût fallu annoncer aux Français que toute réforme a un coût -vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, vous qui êtes chargé du délicat dossier des retraites. Il faut y consacrer, au départ, 1,5 point de croissance. Vous n'avez plus, aujourd'hui, la possibilité de conduire une réforme sans la faire payer aux Français.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Pour parler de réforme, il faut avoir des références !

Mme Nicole Bricq.  - Avec la crise, nous ne pouvons plus compter que sur une croissance de 1,5 à 1,7 % -prévenez Mme Lagarde !

Ce projet de loi apparaît comme un expédient dérisoire visant, par idéologie et fétichisme, à faire du temps de travail hebdomadaire l'horizon indépassable en faisant l'impasse sur les vrais problèmes de l'emploi, concentrés sur certains segments, tels les jeunes, les seniors et la main-d'oeuvre immigrée. Notre économie a besoin de 150 000 travailleurs immigrés, et l'on ne nous parle que des 25 000 étrangers expulsés ! (Applaudissements à gauche)

Vous auriez pu améliorer le pouvoir d'achat à l'occasion du projet de loi de finances à l'aide d'une prime pour l'emploi bien ciblée, mais vous n'aviez déjà plus de marge de manoeuvre. Vous auriez pu vous attaquer à la précarité et aux emplois à temps partiels, qui expliquent la baisse continue de la masse salariale depuis vingt-cinq ans. La baisse des prix des produits manufacturés ne compense plus la hausse des services et des loyers, et le pouvoir d'achat est victime de cet effet de ciseau.

Le déblocage de la participation apparaît comme un nouveau bricolage, identique à celui effectué en 2004 et dont on connaît le bilan : les deux tiers de l'épargne se sont dirigés vers d'autres supports, dont l'assurance-vie, plus orientée vers le financement de la dette de l'État que vers l'investissement ; le tiers restant a alimenté le déficit de la balance commerciale. Les mêmes causes produiront les mêmes effets, dans un contexte dégradé par la crise bancaire. Le déblocage donnera un très mauvais signal à l'épargne salariale, dont les souscriptions sont modestes, fragilisera les gestionnaires de ces fonds et brouillera le message adressé aux jeunes générations pour la préparation des retraites. Le Président de la République veut le généraliser et certains collègues souhaitent en faire un mécanisme permanent. Quel sera alors l'intérêt pour les entreprises de négocier sur les salaires ? Le chef de l'État veut l'étendre aux petites entreprises et en tripler le plafond, et utiliser une nouvelle niche fiscale en baissant l'impôt sur les sociétés. Or celui-ci constitue la variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. Le ministre du budget le sait bien.

Ce texte sera sans effet sur le pouvoir d'achat et ne correspond à aucune orientation stratégique susceptible de résoudre les difficultés que nous connaissons. M. de Montesquiou nous a indiqué que l'Espagne compte faire mieux que nous, c'est dire...

Le taux de chômage n'aurait jamais été aussi bas, selon le chef de l'État, alors qu'il est parmi les plus hauts d'Europe. Et en dessous de 2,8 points de croissance, nous ne pourrons faire mieux.

Le diagnostic que vous avez posé en juillet était mauvais, vous êtes dans l'incapacité de faire face au retournement économique, et la confiance dans le Président de la République s'est effritée. Or la crise financière ne saurait servir de prétexte pour faire supporter votre imprévoyance à la France qui se lève tôt. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

Mme Catherine Procaccia.  - Ce texte s'inscrit dans le prolongement des engagements pris par M. Sarkozy durant la campagne et des réformes engagées depuis l'été. Le pouvoir d'achat est l'une des préoccupations majeures des Français. L'augmentation des prix de l'essence, mais aussi des fruits et légumes et des produits laitiers -que je constate chaque semaine, et même deux fois par semaine lorsque le Sénat m'en laisse le temps... (sourires à droite)- complique la vie quotidienne des plus modestes. C'est pourquoi certains salariés aimeraient travailler plus sans être prisonniers du carcan des 35 heures ou du quota des heures supplémentaires. Les 35 heures, à cause desquelles tous les salaires ont été plafonnés durant plusieurs années -Mme Payet l'a bien rappelé-, ont bridé la croissance et le travail. (Mme Annie David le conteste) Le nombre d'heures travaillées en France est le plus faible de l'Union européenne : 1 470 heures par an, contre 1 700 en moyenne, voire plus de 2 000 au Royaume-Uni.

Mme Annie David.  - Le Royaume-Uni, est-ce vraiment un exemple ?

Mme Catherine Procaccia.  - Non, pour moi, ce n'est pas un exemple à suivre. En revanche, que cette mesure n'ait été reprise par aucun pays est significatif. Mettre fin à la diminution systématique du temps de travail -certains évoquaient récemment 32 heures !- devrait permettre d'accroître les revenus. Pour autant, afin d'écarter toute ambiguïté, je suis pour que l'on conserve la durée légale du travail, sans quoi toutes les mesures en faveur des heures supplémentaires et des RTT exonérées d'impôt seraient supprimées. (Marques d'ironie à gauche) Je me réjouis que cette position soit partagée par le Gouvernement, M. Bertrand l'a dit clairement tout à l'heure.

Je souhaite que ceux qui veulent travailler plus...

M. Alain Gournac.  - « Travailler plus », très bien !

Mme Catherine Procaccia.  - ...puissent le faire. Le Gouvernement s'y est employé rapidement avec la loi Tepa ; laquelle produisait ses premiers effets à peine un mois après son entrée en vigueur, n'en déplaise à ses détracteurs. (Même mouvement) Grâce au dispositif sur les heures supplémentaires, un salarié au Smic qui a travaillé 39 heures a perçu 182 euros supplémentaires en octobre. Si ce n'est pas du pouvoir d'achat en plus, qu'est-ce que c'est ?

Les mesures de ce texte me plaisent : elles sont pragmatiques, libres d'être utilisées ou non, d'application immédiate. Tout d'abord, la conversion en argent des RTT. J'ai voulu être présente aujourd'hui, malgré les obligations qui m'appelaient dans ma commune, car je suis l'un des rares sénateurs à avoir bénéficié des RTT, en tant que salariée. (Exclamations à gauche) Qui plus est, j'ai dû gérer ce mécanisme pour mes cinquante collaborateurs qui, voyant leurs jours de repos s'accumuler et le compte épargne-temps étant plafonné, auraient bien aimé être payés.

M. Jean-Pierre Bel.  - Est-ce que les chefs d'entreprise auront les fonds pour payer ?

Mme Catherine Procaccia.  - Maintenant, tout salarié pourra convertir ses jours de repos !

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Mme Catherine Procaccia.  - De 6 à 7 millions de personnes bénéficieront de ce dispositif.

Mme Raymonde Le Texier.  - Et les autres ?

Mme Catherine Procaccia.  - Convaincue du bien-fondé de ce dispositif, je présenterai, à titre personnel, un amendement qui va plus loin que celui des députés.

Ensuite, le déblocage anticipé de la participation, qui concernera 5 millions de personnes, permettra, selon le ministère du travail, de dégager 4 milliards pour la consommation. Toutefois, cette mesure comporte des effets pervers, Mme Bricq l'a souligné. Les salariés les moins modestes pourraient réinvestir les sommes récupérées, au lieu de les consommer, sur le plan d'épargne de leur entreprise, lequel peut prévoir une obligation d'abondement. Ce n'est pas ce que souhaite le Gouvernement.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai déposé un amendement à titre personnel -je remercie tous ceux qui l'ont cosigné- pour prévenir cet effet d'aubaine. Je salue, par ailleurs, l'attention portée par le Gouvernement aux entreprises de moins de cinquante salariés puisque ce texte favorise le versement d'une prime exceptionnelle.

J'en viens au logement, l'une des principales préoccupations des Français.

M. Thierry Repentin.  - Pas du Gouvernement ?

Mme Catherine Procaccia.  - L'indexation des loyers sur l'évolution des prix à la consommation protégera les locataires les plus fragiles : en 2008, les loyers progresseront de 1,8 %, contre 2,8 % avec l'indice actuel.

M. Guy Fischer.  - Plus 5 % pour les HLM !

Mme Catherine Procaccia.  - La réduction du dépôt de garantie à un mois de loyer aura des effets immédiats sur la trésorerie des ménages. Madame le ministre, je salue votre action en faveur du logement.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Merci.

Mme Catherine Procaccia.  - De plus en plus de Français ne parviennent plus à accéder à un logement adapté à leur famille. La commission des affaires sociales propose donc de compléter le dispositif par une mesure en faveur des propriétaires. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame) Ceux-ci pourront recevoir directement l'allocation de logement social ou l'allocation de logement familial, en déduction du loyer, comme c'est le cas pour l'aide personnalisée au logement. En rassurant les propriétaires, vous permettrez de mettre sur le marché plus de locations en faveur des foyers modestes.

M. Thierry Repentin.  - C'est à voir !

Mme Catherine Procaccia.  - Enfin, au nom de l'UMP, je me réjouis des mesures concernant le dégrèvement de redevance audiovisuelle en faveur des personnes âgées ayant de faibles revenus.

M. Guy Fischer.  - Parlons-en !

Mme Catherine Procaccia.  - Nous sommes nombreux à partager ce sentiment.

Mme Raymonde Le Texier.  - Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?

Mme Catherine Procaccia.  - Ce texte s'inscrit dans la démarche pragmatique engagée depuis l'été 2007. Notre groupe le votera et salue le volontarisme dont le Gouvernement fait preuve pour bâtir une société de travail ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Repentin.  - Projet de loi portant engagement national pour le logement en 2006, projet de loi instituant le droit au logement opposable en janvier 2007, projet de loi Tepa en juillet 2007 et ce projet de loi consacré de nouveau au pouvoir d'achat, soit quatre textes sur le logement en deux ans et deux sur le pouvoir d'achat depuis cet été. A défaut d'être efficace, le travail gouvernemental est assurément répétitif !

M. Guy Fischer.  - La méthode tout au moins !

M. Thierry Repentin.  - C'est sans doute pour se soustraire à cette répétition que votre activiste de Président et le Gouvernement s'épuisent à codifier les mêmes mesures anecdotiques d'un texte à l'autre ! Comment faire pareil différemment... Cette course effrénée nous vaut ces cinq articles grandiloquents consacrés au pouvoir d'achat qui, selon les sondages, est depuis novembre la première préoccupation des Français. Les dépenses contraintes, parmi lesquelles figure en tête le logement, représentent désormais 37 % des dépenses de consommation totale. Se loger selon ses besoins est devenu un luxe avec l'augmentation des loyers de 25 % sur le marché libre et du prix du mètre carré de 82 % en six ans. Ce bilan, nous ne vous en contesterons pas la paternité...

Le logement cher est la première composante de la vie chère. Les mesures proposées aux articles 4 et 5 font pâle figure puisqu'elles exigeront un investissement de l'État de zéro euro...

M. Nicolas About, rapporteur.  - Cela n'empêche pas l'efficacité !

M. Thierry Repentin.  - Par ailleurs, le groupe socialiste se réjouit de l'indexation des loyers sur les prix qu'il proposait de longue date. Cette mesure, telle que vous l'avez conçue, profitera à tous les locataires ou presque... Madame le ministre, pourquoi avoir exclu du dispositif le loyer de relocation ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - On ne peut pas être partout...

M. Nicolas About, rapporteur.  - Si l'on bloque tout, il n'y aura plus rien à louer !

M. Thierry Repentin.  - C'est pourtant la cause de l'envolée des loyers. Ainsi, le loyer d'un logement qui a changé chaque année de locataire entre 1998 et 2007, aurait augmenté de 6 % l'an. En tant que parlementaires, représentants de l'intérêt général, nous ne pouvons pas accepter cette situation. D'où l'amendement que nous discuterons fermement demain.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ce sera une discussion ferme !

M. Thierry Repentin.  - Quant à la réduction du dépôt de garantie à l'article 5, si un mois vaut toujours mieux que deux (marques d'ironie à droite), pour autant, ce dépôt reste une somme importante et le délai ainsi que les modalités de restitution n'ont pas été modifiés.

Le dépôt de garantie doit être appréhendé de façon globale. Il faut sécuriser le propriétaire bailleur, sans mettre le locataire en difficulté. Nous vous proposerons donc que le paiement du dépôt de garantie puisse être échelonné sur dix mois et qu'en fin de bail, les retenues ne s'opèrent que sur présentation des factures des travaux effectués.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Ce sera encore plus long qu'aujourd'hui !

M. Thierry Repentin.  - Je regrette que le Gouvernement n'ait pas rouvert le débat sur la garantie des risques locatifs. Les Français ont besoin d'une garantie universelle, mutualiste et lisible des risques locatifs.

Mme Christine Boutin, ministre.  - On est d'accord !

M. Thierry Repentin.  - Sur le principe, sans doute, mais pas sur les modalités ! Le dispositif en vigueur n'a d'universel que le nom puisque les plus fragiles, ceux qui consacrent plus de 50 % de leurs revenus à se loger, en sont exclus. En outre, il est facultatif puisque les propriétaires choisissent, ou non, de souscrire une assurance contre les risques d'impayés. Enfin, il est totalement opaque puisque les bénéficiaires n'en sont pas tenus informés. Combien avez-vous signé à ce jour de tels contrats ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je vous répondrai !

M. Thierry Repentin.  - Sans doute un peu plus que de maisons à 100 000 euros...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Arrêtez ces provocations !

M. Alain Gournac.  - C'est nul !

M. Thierry Repentin.  - Les articles 4 et 5 proposent des avancées nécessaires mais non suffisantes car la lutte contre le logement cher passe d'abord par une régulation du marché. Alors qu'il y a une grave inadéquation entre offre et demande de logements, vous commettez une triple erreur : le logement ne peut être considéré comme n'importe quel autre bien dont le prix serait fixé par le libre jeu de l'offre et de la demande...

Mme Nicole Bricq.  - Le marché !

M. Thierry Repentin.  - Vous avez également oublié son rôle central dans la vie des familles en niant sa valeur symbolique de placement refuge. La main invisible l'est tellement qu'elle a oublié de signaler son existence ! Sans doute vos collègues Robien et Borloo ont-ils espéré la réveiller en mettant du charbon dans la chaudière : les avantages fiscaux sans contrepartie ont attisé la flambée des prix. Or, le logement n'est pas un bien comme un autre. Il faut introduire la boussole de l'intérêt général dans ce marché complexe afin de pointer vers un seul objectif : le logement de chacun selon ses aspirations et ses capacités. Et ce qui est vrai pour le marché locatif l'est tout autant pour l'accession à la propriété. L'absence de toute mesure en rapport avec votre slogan « Tous propriétaires » montre que vous avez compris que l'accession à la propriété ne concernait que le quart des Français les plus aisés alors que la perte de pouvoir d'achat est la plus durement ressentie parmi les classes modestes. Vous avez également compris que l'on n'agit pas sur le pouvoir d'achat lorsque l'on change le statut d'occupation. Je regrette pourtant que cette prise de conscience ne se traduise pas par la suppression des amortissements fiscaux dont tous les professionnels de l'immobilier reconnaissent le rôle inflationniste, tant pour les marchés locatifs que pour l'achat et la vente de logements.

Pour notre part, nous proposons plusieurs pistes pour réguler le marché du logement. D'abord, un gel des loyers pendant un an : après l'augmentation de près de 25 % de ces six dernières années, cette pause ne porterait pas préjudice aux propriétaires bailleurs. La vacance représente environ 6 % du parc, ce qui laisse à penser que le rendement locatif reste attractif. Ces douze mois nous laisseraient le temps d'élaborer avec tous les acteurs du secteur un bouclier logement pour limiter la part des charges liées à l'habitat dans le revenu des ménages.

Redonner du pouvoir d'achat aux Français, c'est aussi augmenter les aides au logement qui ont perdu 10 % entre 2002 et 2006. Il faut lancer un plan de rattrapage d'autant que seuls 20 % des ménages perçoivent des aides au logement. Les sommes ainsi réinjectées bénéficieraient directement aux plus modestes.

De plus, le mois de carence interdit aux locataires de toucher les aides au logement lorsqu'ils entrent dans les lieux, précisément au moment où ils en ont le plus besoin : ils n'ont généralement pas encore récupéré le dépôt de garantie de leur ancien logement, ont dû débourser un nouveau dépôt de garantie, s'acquitter des frais d'emménagement et d'éventuels frais d'agence.

Mme Raymonde Le Texier.  - Absolument !

M. Thierry Repentin.  - Cette injustice doit être réparée.

Quant au seuil de non-versement des aides au logement, ramené à 15 euros après une longue bataille des parlementaires socialistes et des associations, il faut aller encore plus loin et envisager un versement dès le premier euro.

Enfin, notre pays a besoin de logements sociaux assumés, valorisés, de qualité et mixtes. Les communes et les organismes HLM savent faire et, pourtant, le logement social est aujourd'hui en danger : le Président de la République veut en faire le logement des plus démunis, rejetant tous les autres dans le marché libre dont les loyers sont trois fois plus élevés.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - A force de caricaturer, vous n'êtes plus crédible !

M. Thierry Repentin.  - En outre, la loi SRU n'est toujours pas respectée : sur les sept cent quatre vingts communes en faute en 2000, un tiers a rattrapé son retard, un tiers s'y emploie et un tiers refuse de participer à la solidarité nationale, bafouant en toute impunité la loi. Vous avez pris, madame la ministre, des engagements pour que cette situation cesse : nous serons vigilants

Enfin, nous déplorons la mort du Livret A : une fois sa distribution banalisée et la centralisation des fonds abandonnée, ses encours seront captés par d'autres produits de placement, plus intéressants pour les banques. Ce sera alors la fin d'un mode de financement du logement ingénieux et économe pour les finances publiques.

Lors de l'examen de ce texte, dont le titre nous semble bien excessif par rapport à la réalité des mesures qu'il contient, nous nous mobiliserons donc pour améliorer sensiblement le pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Patricia Schillinger.  - Une majorité de Français s'inquiète de la baisse de son pouvoir d'achat. A plusieurs reprises, nous avons alerté le Gouvernement, d'autant que de nombreuses études démontrent que, depuis 2002, les inégalités n'ont cessé de se creuser : les Français les plus modestes, salariés ou bénéficiaires de minima sociaux, ont vu leur pouvoir d'achat s'effondrer.

Selon un sondage Ifop, trois Français sur quatre n'ont pas confiance dans le Gouvernement pour augmenter le pouvoir d'achat. D'ailleurs, le Smic et les pensions de retraite n'ont pas été revalorisés et la prime pour l'emploi, l'allocation de rentrée scolaire, les allocations familiales ont moins augmenté que la hausse des prix. Le Gouvernement n'a pas incité les entreprises à donner un coup de pouce aux salaires mais aux seules heures supplémentaires.

Près d'un salarié sur cinq est rémunéré au Smic horaire et un salarié sur deux perçoit moins de 1 480 euros nets par mois. C'est là le résultat d'une politique qui privilégie le capital, au détriment de la rémunération du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous faisons tout le contraire !

Mme Patricia Schillinger.  - En 2006, les groupes du CAC 40 ont versé aux actionnaires 45 % de leurs bénéfices nets, soit 40 milliards ! Cette hausse est d'autant plus scandaleuse et indécente que la rémunération des salariés à temps complet n'a augmenté, en six ans, que de 0,5 %.

Alors que les Français attendaient des mesures concrètes, ce projet de loi ne s'adresse qu'à une minorité de salariés. Les chômeurs, les retraités, les salariés à temps partiel ou en contrat précaire, les fonctionnaires, les salariés qui ne bénéficient pas de RTT, les allocataires de minima sociaux, les jeunes en recherche d'emploi, les étudiants en sont exclus. En d'autres termes, les plus fragilisés par la baisse du pouvoir d'achat sont totalement oubliés dans ce texte. Travailler plus pour gagner plus ? Vous n'en donnez pas les moyens à ceux qui en auraient le plus besoin. Des millions de Français ont du mal à assumer les dépenses les plus élémentaires. Vous dites vouloir améliorer leur pouvoir d'achat mais, depuis l'été, le pain a augmenté de 8 %, les produits laitiers de 40 %, les volailles de 7,5 % et, depuis 2002, les loyers de 3 % l' an.

Cette année sera particulièrement difficile : augmentation des produits alimentaires, de l'énergie, application de la franchise médicale, maintien de l'allocation adulte handicapé à un niveau très bas. Et 780 000 personnes âgées à revenus modestes l'ont échappé belle : elles ont failli payer la redevance télé ! Le Gouvernement avait finalement accordé une réduction de 50 % mais, face à la colère soulevée par cette mesure et à l'approche des élections municipales, il a finalement rétabli l'exonération : défaite en rase campagne, mais pour combien de temps ?

Le pouvoir d'achat des retraités ne cesse de se détériorer : depuis plusieurs années, les loyers et les charges ont augmenté alors que les aides au logement diminuaient. Ces difficultés ne seront pas compensées par la suppression de la caution et la diminution du dépôt de garantie puisque, dans ce texte, aucune mesure ne les concerne. Les retraités ont eu droit à 1,1 % d'augmentation de leurs pensions au 1er janvier alors que l'inflation se montera à 2,2 %.

Que devient la promesse faite pendant la campagne présidentielle d'augmenter de 25 % le minimum vieillesse et de revaloriser les petites retraites ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous tiendrons nos engagements !

Mme Patricia Schillinger.  - Les seules promesses que vous tenez, c'est l'instauration de la franchise médicale et la menace d'imposer la redevance audiovisuelle aux retraités !

Selon la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les pensions de vieillesse devaient être revalorisées chaque année afin de tenir compte de l'évolution des prix. Qu'allez-vous faire pour respecter cette obligation ?

Le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français, mais ce texte ne leur apporte rien d'autre qu'un encouragement, pour gagner plus, à travailler plus le soir et les week-ends. Avec les cadeaux fiscaux, les riches n'ont pas eu à travailler plus, pour gagner plus ! Les Français ne veulent pas du démantèlement des 35 heures, ni travailler le dimanche : vous voulez désorganiser la vie des familles ! (Applaudissements à gauche) L'État doit protéger les Français contre les excès du marché, nos concitoyens, et d'abord ceux qui souffrent, attendent des mesures concrètes ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - M. About a souhaité pérenniser la possibilité pour les salariés de transformer leur RTT en salaire. Comme les partenaires sociaux se sont saisis d'une telle extension, je souhaite m'en tenir à cette rédaction, pour mieux intégrer ensuite le résultat de la négociation. Je remercie la commission pour ses amendements, qui améliorent la rédaction de ce texte.

M. Dassault souhaite étendre la participation ; le Gouvernement entend bien aller dans ce sens, à l'occasion d'une refonte globale de la politique de participation pour ne plus procéder à des déblocages successifs. Cette refondation, que nous ferons avec les partenaires sociaux et les parlementaires, pourrait prendre trois objectifs complémentaires : plus de salariés concernés, plus de pouvoir d'achat et plus de salariés actionnaires. Simplification, stabilité dans le temps, extension aux entreprises de moins de cinquante salariés : autant de pistes à creuser, nous y reviendrons.

Je veux dire à Mme Le Texier que la caricature ne sert pas la démocratie, qu'elle est même, comme un boomerang, une arme qui revient dans la face de celui qui l'utilise ! (Approbation à droite, exclamations sur les bancs socialistes) Les Français ont besoin de pédagogie, plutôt qu'on leur travestisse la réalité ! (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Justement !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous m'interrompez : preuve que vous doutez de vos arguments ! (Rires à gauche) Vous oubliez que les Français ont du bon sens et qu'en 1995, 2002 et 2007, ils n'ont pas choisi les socialistes ! (Marques d'approbation bruyantes à droite, exclamations à gauche)

M. Alain Gournac.  - A méditer !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Aussi l'opposition gagnerait-elle à changer de registre, en faisant des propositions constructives plutôt qu'en ne cherchant qu'à démolir celles que les Français ont appelé de leurs voeux ! (Mêmes mouvements) Vous dites que la participation ne concernerait que 6 % des salariés : consultez les chiffres, les salariés sont 50 à 60 % à être concernés par un accord de participation, 38 % par la monétisation des RTT ! Près de la moitié des entreprises ont eu recours à des heures supplémentaires en novembre, 40 % en octobre : nous sommes loin des caricatures de la gauche !

Monsieur Fischer, notre volonté d'agir pour les retraités ne se démentira pas, nous tiendrons tous nos engagements pour revaloriser les pensions, le minimum vieillesse et les pensions de réversion !

M. Nicolas About, rapporteur.  - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous pouvez vous opposer à nos propositions, monsieur Fischer, parce qu'elles sont concrètes, mais je vous ai connu plus dur encore envers le gouvernement socialiste !

Mme Nicole Bricq.  - Qui aime bien châtie bien !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Monsieur de Montesquiou, vous soulignez avec raison que notre économie a trop longtemps souffert d'un malthusianisme économique : le travail n'est pas un gâteau qu'il faudrait partager, mais un gâteau qu'il faut agrandir pour le partager !

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai, mais pas comme vous le faites !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est pourquoi nous voulons plus de souplesse, et libérer les entreprises, comme les salariés, du carcan des 35 heures ! Je remercie la majorité du groupe RDSE, pour son soutien.

Madame Payet, je ne souhaite pas reprendre aux promoteurs des 35 heures leur raideur idéologique, je veux rendre les choses possibles, créer des outils dont chacun puisse se saisir. Vous voulez pérenniser la possibilité de monétiser les RTT, les partenaires sociaux devront d'abord en débattre. Je remercie le groupe UC-UDF pour son soutien, tout en entendant ses inquiétudes.

Mmes Bricq et Schillinger nous parlent de réformes, mais sans pouvoir faire état d'aucune référence concrète ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes ; on apprécie à droite) Sur les retraites, les socialistes n'ont rien fait ! Rien non plus sur l'assurance maladie ! Rien sur le dialogue social ! (Mêmes mouvements)

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce n'est pas de la caricature ?

Mme Nicole Bricq.  - Vous prétendez faire des réformes sans les financer !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous sommes pragmatiques et nous veillons à faire adopter des lois applicables : c'est ce qu'attendent les Français ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je remercie chacun pour la qualité de ce débat. Monsieur About, vous vous inquiétez que les mesures relatives au logement concernent seulement les locataires du parc privé. Or, les loyers des HLM sont déjà indexés et la règle dans le logement social y est déjà d'un seul mois de dépôt de garantie. De plus, l'accord relatif au loca-pass s'appliquera à tous. Face à la pénurie de logements que nous connaissons, comment la ministre du logement que je suis, ne serait-elle pas sensible à l'équilibre des droits entre le locataire et le propriétaire ?

Certes, les deux mesures présentées aujourd'hui peuvent donner l'impression que nous favorisons davantage les locataires -d'ailleurs plus souvent en situation de grande fragilité- mais cela ne signifie nullement que nous négligions les propriétaires. Le prochain texte sur le logement nous donnera l'occasion d'améliorer leur sort. Je tiens à vous rassurer sur ce point, car la France doit les encourager à mettre des logements sur le marché. Vous avez d'ailleurs déjà proposé ou un amendement à ce texte pour atténuer son apparente inégalité.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Il sera aussi profitable aux locataires.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Madame Le Texier, il faut deux piliers aux personnes pour tenir debout : le logement et le travail, qui sont indissociables.

Le logement appelle des solutions structurelles à long terme. D'autres mesures suivront celles présentées aujourd'hui. Je viens de dire que les locataires étaient souvent les plus fragiles. Tout en respectant la logique du marché, nous agissons déjà en faveur de loyers modérés et nous irons plus loin avec la garantie de ressources locatives universelle.

Madame Debré, nous avons la même philosophie quant à la participation.

Monsieur Fischer, l'IRL modérera l'évolution des loyers dès le 1er janvier, alors que l'APL est réévaluée de 2,76 % cette année, conformément à vos attentes, pour aider nos concitoyens les plus fragiles. Réunis au sein de l'USL, les partenaires sociaux ont trouvé un accord pragmatique, efficace et concret pour amplifier le dispositif loca-pass, avec 1 milliard d'euros supplémentaire. Ce n'est pas rien ! D'accord avec M. Frédéric Lefebvre, qui a participé à la discussion de cet accord, j'estime qu'il faut faire davantage.

Monsieur de Montesquiou, vous voulez aider les ménages les plus modestes. J'en suis d'accord. Comme vous, je veux restaurer la confiance, indispensable à toute politique du logement. Telle était d'ailleurs la philosophie des réunions de chantier organisées avec tous les acteurs du logement lors de la décentralisation du ministère à Lyon, où l'unité de temps et l'unité de lieu ont été sources de synergies. Sans la confiance, nous n'obtiendrons pas l'arrivée de nouveaux logements sur le marché, nous n'en construirons pas 500 000 chaque année. Je souhaite surtout que nos concitoyens fassent preuve de responsabilité lorsqu'un élu veut faire construire, car un tel projet suscite souvent la création d'associations de défense qui le retardent au moins et parfois le tuent. Sans confiance, nous ne pourrons maîtriser les locations ni appliquer le droit au logement opposable. Il est donc indispensable de la rétablir. À cet égard, certaines interventions m'ont affectée, car elles étaient inspirées par la défiance.

Madame Payet, je retiens votre appui aux articles 4 et 5. Vous demandez que la modération des loyers soit évaluée. Grâce à un amendement de l'Assemblée nationale, ce sera fait après trois ans.

Monsieur Repentin, 100 000 loca-pass GRL ont déjà été signés. Excusez-moi du peu ! Ce dispositif n'est entré en phase opérationnelle qu'au mois de septembre.

Madame Bricq, vous avez formulé une critique générale. Notre politique du logement, globale, répond un équilibre politique et social.

Madame Procaccia, je salue votre compétence dans le domaine des entreprises, du travail et du logement et je vous remercie pour votre soutien. Le logement est fondamental pour la cohésion sociale.

Monsieur Repentin, vraiment...

M. Thierry Repentin.  - Je suis resté pour vous écouter !

Mme Christine Boutin, ministre.  - ... que nous n'ayons pas les mêmes choix politiques est la base de la démocratie, mais vos propos sur le logement étaient caricaturaux de la part d'un spécialiste comme vous, qui n'ignore rien des enjeux.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il est facétieux !

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est volontairement, compte tenu de notre responsabilité collective, que j'évite de stigmatiser qui que ce soit mais le ton de vos propos m'amène à rappeler le manque de constructions de logements sous le gouvernement Jospin. Évitons de polémiquer car nos concitoyens ont besoin que nous consacrions notre énergie à relever les défis. Lorsque nous examinerons les amendements, je vous demande de dépasser l'approche politicienne pour que nous puissions travailler ensemble sur ce sujet.

Madame Schillinger, j'ai déjà largement répondu dans mon intervention générale, nous débattrons sur les amendements. (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°63, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi pour le pouvoir d'achat adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Mme Annie David.  - Après la seconde guerre mondiale, notre système politique s'est organisé autour de trois textes majeurs reconnus comme tels dans la décision « liberté d'association » rendue le 16 juillet 1971 par le Conseil constitutionnel.

Cette décision, souvent analysée comme une révolution constitutionnelle, a bouleversé notre dispositif institutionnel. En effet, au lieu d'être juste une arme pointée contre le Parlement, le Conseil constitutionnel est devenu défenseur des droits fondamentaux des citoyens. Mais surtout, cette décision fonde la notion de bloc de constitutionnalité, intégrant le Préambule de la Constitution de 1958, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des droits de l'homme de 1789. S'ajoutent les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, eux qui ont construit la République dans laquelle nous vivons, tournée vers la paix, la démocratie, et les droits individuels ou collectifs.

L'article premier de la Constitution actuelle dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

Je ne reviendrai ni sur la notion de démocratie ni sur celle de laïcité, malgré certaines déclarations présidentielles récentes. Je m'attacherai donc à la République sociale, cette référence issue des Lumières, héritage de la Révolution française qui voulait en finir avec les privilèges, même si certaines décisions présidentielles paraissent annoncer un retour en arrière. Héritage de la Révolution donc, mais reconstruit par des femmes et des hommes de progrès qui élaborèrent pour la future France libre un projet de société intitulée Programme national de la Résistance, qui fournira la base fédératrice pour reconstruire notre pays à la Libération. Ne vous en déplaise, ce renvoi à une République sociale est à n'en pas douter une exception française.

Mais tout cela ne vous empêche pas de présenter des projets de lois de plus en plus intolérables, comme la privatisation du service public de l'emploi ou les inacceptables tests ADN.

Des décisions toujours validées par le Conseil constitutionnel, dans une opacité certaine. Notre démocratie aurait besoin d'une autre forme de contrôle de constitutionnalité, d'un lien plus direct entre cette institution et les citoyens.

Ce projet de loi mérite d'être analysé au regard de cette construction constitutionnelle, sous le double éclairage de la Constitution de 1958 et du Préambule de 1946. En décidant de faire de notre République une république sociale, les constitutionnalistes ont eu à coeur de développer à la fois la France et les droits de ceux qui la construisent. Ils ont souhaité bâtir une France de progrès, un pays où l'évolution est toujours une avancée, l'avenir toujours meilleur et où tous les citoyens auraient droit à une protection, dans les domaines de la santé, de la sécurité ou du logement. Le Préambule de 1946 garantit, lui, à chacun des Français, le droit de travailler, droit aujourd'hui plus qu'ignoré.

Et votre projet de loi va aggraver tout cela. Inique, il crée des inégalités puisqu'il ne s'adresse -sauf en ce qui concerne le logement- qu'aux Français qui travaillent. Pas un mot, pas un geste pour les étudiants, les retraités ou ceux qui, en raison des règles libérales en vigueur, sont privés d'emploi. Et encore, parmi ceux qui travaillent, il ne s'adresse qu'aux salariés bénéficiant de RTT, d'heures supplémentaires, ou de compte épargne-temps. Pour les autres, les plus nombreux, c'est la règle de l'arbitraire, du bon vouloir de l'employeur. Vous avez tricoté un projet de loi qui, en seulement cinq articles, réussit l'exploit de ne pas résoudre le problème du pouvoir d'achat et de violer le principe d'égalité qui fonde notre société, en instituant autant de règles différentes qu'il y a de situations différentes. Pour vous, modernité veut dire règle du particulier. Vous n'avez cure des droits collectifs : pour vous, les principes fondamentaux de notre République n'ont de valeur que s'ils sont individualisés, quitte à oublier au passage une ou plusieurs catégories de nos concitoyens, C'est le cas ici des étudiants et retraités qui devront encore se serrer la ceinture, si tant est que votre projet de loi produise un jour des effets sur les autres catégories. Mais le signal envoyé aux Français est limpide : c'en est fini de la République sociale qui voulait le progrès pour tous ses administrés. C'est le règne du chacun son tour, quand ce n'est pas le chacun pour soi. C'est le règne du partage de la misère alors qu'explosent les bénéfices des entreprises du CAC 40.

Mon département n'échappe pas à ce triste constat de la montée de la pauvreté : restructurations, délocalisations et autres plans de licenciements rythment l'activité économique en Isère. Et ce sont les salariés qui en subissent les conséquences au nom du profit et du libre commerce. La liste des entreprises recourant, ces dernières années, à de telles pratiques est longue : Poliméri -j'ai interrogé Mme Lagarde sur les derniers développements européens de cette affaire et j'attends sa réponse-, Arkéma, LAF, et très récemment Ascométal ou encore Rhodia, pour n'en citer que quelques-unes. Dans ces conditions, c'est la fin de cette République sociale, de cette valeur, dont il ne reste plus qu'un souvenir. Quand, dans un passé encore récent, le législateur intervenait, il le faisait pour tous, il ne fragmentait pas le corps citoyen comme vous le faites. Il y avait une règle commune : le progrès se partage entre tous. Au lieu de cela, votre gouvernement individualise les mesures et rompt, ce faisant, avec la tradition de solidarité de notre pays. Quand notre Constitution précise que la République est « une et indivisible », elle ne vise pas seulement les velléités indépendantistes de quelques régions, elle signifie aussi que notre peuple est lui aussi indivisible. Et que faites-vous ? Vous divisez justement nos concitoyens en autant de « publics de cible » comme on dit dans un domaine que vous affectionnez, celui de la publicité.

La question du pouvoir d'achat devenant la priorité des Français, il vous fallait agir. Et agir vite, avant les municipales. Une précipitation à laquelle nous sommes désormais habitués, il faut le dire. Mais au-delà de l'affichage politique, on ne comprend pas la raison de l'urgence. En revanche, on comprend bien la logique qui vous anime : il vous fallait un projet de loi qui prouve votre intérêt pour la France qui travaille, ce qui n'était pas vraiment évident jusqu'ici. Avec la loi Tepa, vous avez montré votre intérêt pour la France qui hérite et celle qui crée des emplois précaires.

Dans l'urgence donc, pour ne pas dire la précipitation, vous avez élaboré ce texte pour lequel aucun budget n'est prévu alors que c'est à grand renfort de fonds publics que vous avez financé les 15 milliards du Tepa, qui manquent aujourd'hui cruellement à l'État. Et le Président de constater, ironie suprême, qu'il ne peut rien faire puisque les caisses sont vides. Il vous fallait donc une loi qui ne coûte rien à l'État, qui soit prête rapidement, avant les municipales, et qui touche au moins dans son intitulé, les préoccupations des Français. C'est chose faite : cette loi que l'UMP, en majorité disciplinée, ne manquera pas de voter, ne coûtera rien à l'État, pas un euro. Pour la monétarisation des RTT, au bon vouloir de l'employeur, l'État ne mettra rien de sa poche.

Mme Catherine Procaccia.  - Pourquoi toujours demander à l'État ?

Mme Annie David.  - Pour la monétarisation des repos compensateurs ou le rachat des comptes épargne-temps : toujours rien de l'État et toujours le bon vouloir de l'employeur ; la prime de 1 000 euros, « vous y aurez droit » dites-vous, sauf si l'employeur ne veut ou ne peut pas. Mais dans ce cas, l'État interviendra-t-il ? Non car comme pourrait le dire un dicton, « argent dilapidé en été, en hiver rien à partager ». En somme vous invitez les salariés au restaurant, pour leur demander finalement de payer l'addition. Votre projet de loi pourrait aussi se résumer ainsi : « Viens chez moi, j'habite chez une copine »...

Mais si vous parvenez à proposer une loi sans que l'État mette la main à la poche, il n'en va pas de même des organismes sociaux, puisque les sommes débloquées des comptes épargne-temps, les RTT et les repos compensateurs -qui ne coûtent rien à l'État- sont partiellement exonérés de cotisations sociales, une exonération trop partielle encore pour certains sénateurs. Tout cela appauvrira encore plus les comptes sociaux. On voudrait tuer notre régime de protection sociale qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

J'aurais donc, monsieur le ministre deux questions. Combien de salariés recourront aux dispositifs des articles 1 à 4, relatifs au rachat des congés et RTT ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - J'ai déjà répondu.

Mme Annie David.  - Et le Gouvernement a-t-il prévu de compenser en totalité -et à quelle date- le manque à gagner pour les comptes sociaux ? Pour ces deux questions, je redoute, autant vous le dire, une réponse alambiquée. Mais il ne peut en être autrement : comment pourriez-vous nous dire le nombre de bénéficiaires de cette mesure alors que tout dépend de la négociation individuelle entre employeur et salarié ? Je doute fort que votre -pourtant très grande- proximité avec le Medef vous le permette. Et si vous ne pouvez nous dire le nombre de salariés concernés, vous ne pouvez évidemment pas nous indiquer le coût final pour les régimes sociaux. Pour une fois je rejoins la position du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Dassault.

Votre texte nous inspire beaucoup de colère car, une fois encore, vous trompez nos concitoyens en leur promettant une augmentation de leur pouvoir d'achat alors que seuls ceux d'entre eux qui ont une monnaie d'échange pourront demain gagner plus, et ils sont loin d'être majoritaires. Quelle duperie éhontée ! Il n'y a pas augmentation du pouvoir d'achat, il y a seulement transfert d'un argent dû aux salariés et que, généreusement vous permettez aux entreprises de leur accorder un peu plus tôt que prévu.

Nous nous opposons donc à votre texte. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About, rapporteur.  - Passant de la raillerie à l'indignation, Mme David a remarquablement défendu la position du groupe CRC mais nous avions cru déjà la comprendre en écoutant M. Fischer et je n'ai pas entendu de vrais motifs d'irrecevabilité. L'objet de cette motion fait état d'une « atteinte au principe d'égalité » entre les citoyens. Je ne vois pas trace d'une telle atteinte dans ce projet de loi, qui se contente de prendre en compte les différentes situations dans lesquelles se trouvent les citoyens en tant que salariés, certains bénéficiant de RTT, d'autre pas, ou d'une participation aux résultats de leur entreprise, d'autres pas, etc. Ce texte tient compte de la situation de chaque groupe de salariés mais à l'intérieur de ceux-ci, l'ensemble des salariés est traité de la même façon. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

La motion n'est pas adoptée.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°56, présentée par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat (n° 151, 2007-2008).

M. Pierre-Yves Collombat.  - Connaissant les difficultés de nos compatriotes à joindre les deux bouts, peut-être trouvez-vous étrange mon invitation à ne pas en débattre mais je vais vous surprendre : je le fais parce que la gravité du problème rend ce projet de loi indécent.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ça commence doucement...

M. Pierre-Yves Collombat.  - On était en droit d'attendre autre chose d'un Président de la République et désormais chef du Gouvernement élu à l'issue d'une campagne dont la question du pouvoir d'achat occupait le centre. Probablement a-t-il la tête ailleurs. Comme on le comprend ! Comme on comprend qu'il préfère s'occuper de « politique de civilisation », plutôt que de politique économique.

La situation actuelle, en effet, n'est pas le résultat d'un ordre naturel. En un quart de siècle, la part des salaires dans le PIB, qui avait constamment augmenté jusqu'en 1983, a chuté de 11 % et la part des rémunérations dans la valeur ajoutée du secteur non financier a, durant la même période, baissé de 9 %. Dans leur langage aseptisé, les économistes institutionnels concluent à « une déformation durable du partage de la valeur ajoutée »

D'après l'Insee, la part des rémunérations dans la valeur ajoutée, après avoir oscillé autour de 70 % jusqu'au milieu des années 1970, s'accroît sous l'effet des deux chocs pétroliers pour dépasser 74 % en 1982.

Avec la mise en place d'une politique de déflation compétitive, elle rejoint, en 1986, son niveau d'avant le premier choc pétrolier et continue de diminuer jusqu'en 1989, pour osciller depuis autour de 65 %.

Le mal est ancien et profond. Contrairement à ce qu'essaie de faire croire la propagande officielle, avec hélas un certain succès, les 35 heures, ou plutôt la flexibilité mise en place à l'occasion des 35 heures, n'y sont pour rien, sauf peut-être à la marge. Ces 11 % de chute, sur un PIB de 1 800 milliards, représentent cette année quelque 200 milliards qui iront rémunérer le capital au lieu de soutenir le pouvoir d'achat des salariés.

Cette situation est le résultat d'une politique économique anti keynésienne intégriste (M. le ministre s'exclame) héritée d'une vulgate économique à laquelle se sont ralliés les héritiers du libéral autoritaire Jacques Rueff, les libéraux classiques...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je ne me sens pas concerné, je suis un libéral social.

M. Pierre-Yves Collombat.  - ...mais aussi, paradoxalement, beaucoup d'économistes d'inspiration marxiste, sans oublier les médias, qui répètent à l'envi que la consommation est une faute économique qui détourne les ressources de l'investissement productif, que la baisse des salaires est le moyen de stimuler l'investissement, de réduire les importations, d'augmenter les exportations, de contenir l'inflation, de garantir une monnaie forte et le bonheur de tous. L'endettement des particuliers et plus encore de l'État, source d'inflation, doit être strictement encadré. Bref, la maxime de Say selon laquelle « avant de consommer, il faut produire », fait florès et il ne vient plus à l'idée de personne d'oser avancer que pour que l'entrepreneur puisse investir et produire, il faut qu'il ait l'espoir de rencontrer une demande, donc un pouvoir d'achat. La condition de la « compétitivité », garantie de l'exportation, c'est l'appauvrissement, au moins relatif, de ceux qui travaillent. Avec, dans le meilleur des cas, la contrepartie d'un allégement du temps de travail, sur laquelle, précisément, ce gouvernement veut revenir... Allégement d'ailleurs tout théorique puisque Eurostat relève qu'en 2006, les Français travaillaient en moyenne 36,4 heures par semaine contre 36,1 heures dans l'Europe des quinze. En matière de productivité, le but a été atteint. Toujours selon Eurostat, l'indice de productivité par personne occupée en France est de 120,7 contre 106,3 dans l'Europe des quinze. Seuls le Luxembourg, la Belgique, l'Irlande et les États-Unis font mieux. Selon une étude du Bureau du travail américain, un travailleur français aura produit, en 2005, 71 900 dollars de richesse, soit moins qu'un Américain (81 000 dollars) mais plus qu'un Anglais (64 100 dollars), qu'un Allemand (59 100 dollars) ou qu'un Japonais (56 300 dollars).

« Le coût du travail en France n'est pas le principal obstacle à la compétitivité » nous dit Eric Heyer, de l'OFCE, puisque « les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus forte, ce qui nous ramène à des coûts salariaux unitaires plus faibles que la moyenne européenne ».

Pour amener les Français à travailler plus dur sans en tirer profit, il a fallu enfermer le pays dans un carcan de contraintes. Tel fut le rôle dévolu à l'Europe : une BCE indépendante avec pour seul objectif la stabilité monétaire et la lutte contre une inflation longtemps inexistante ; limitation stricte des déficits budgétaires ; culte de l'euro fort ; absence de politique économique, sociale et fiscale commune ; absence de politique des changes et, depuis 1974, ouverture à la concurrence. « La politique de libre échange mondialiste poursuivie par l'organisation de Bruxelles », remarque le prix Nobel d'économie Maurice Allais, « a entraîné à partir de 1974 la destruction des emplois, la destruction de l'industrie, la destruction de l'agriculture et la destruction de la croissance. » Le paradoxe, c'est que loin de constituer un espace de production et d'échanges unifié, capable de se protéger de l'extérieur, l'Europe fonctionne comme s'il n'y avait pas de marché unique, sauf pour peser sur les salaires.

Aux États-Unis, calculer le déficit commercial de l'État du Minnesota par rapport à celui de la Californie n'aurait aucun sens. Dans la zone euro, le déficit de la France avec l'Allemagne a les mêmes effets que son déficit avec la Chine. La politique de « désinflation compétitive », assortie de cette étrange politique monétaire, a conduit à une cannibalisation des Européens par eux-mêmes. Comme le fait remarquer Guillaume Duval dans un article de Libération au titre évocateur, « L'Allemagne prédatrice », la cure d'austérité draconienne que s'inflige l'Allemagne depuis une dizaine d'années pour abaisser le coût du travail en fait un « boulet pour l'Europe ». Les Allemands accumulent des surplus commerciaux gigantesques aux dépens de leurs voisins européens, dont ils mettent les industries en difficulté. Tandis que les excédents de l'Allemagne à l'égard du reste du monde stagnent depuis quatre ans, ceux qu'elle dégage avec les pays européens continuent de croître. Ils représentaient 100 milliards en 2006, soit près des deux tiers du total. Depuis le début des années 2000, la poursuite des politiques de baisse du coût du travail voulues par les gouvernements allemands est donc devenue prédatrice : un véritable dumping social vis-à-vis de ses voisins européens, en particulier de la France, dont le déficit à l'égard de l'Allemagne est de même niveau qu'avec la Chine.

Mais on continue de nous donner l'Allemagne pour modèle et l'on entend pérenniser le carcan européen, comme si aucune autre forme d'Europe n'était possible. L'idée reçue selon laquelle les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après demain semble avoir encore de beaux jours devant elle. Or, les variations cycliques de l'investissement des entreprises, ces vingt cinq dernières années, sont sans corrélation avec l'évolution de la rémunération du travail tandis que le chômage, assorti de précarité, a explosé, connaissant une croissance continue jusqu'en 1997 où il atteint le taux de 11,5 % de la population active, avant de décroître jusqu'en 2001 à 8,4 %, puis de remonter et décroître à nouveau pour atteindre aujourd'hui, aux modifications de la méthode de calcul près, un niveau proche de celui de 2001. La réserve de chômage et de sous-emploi reste pérenne et suffisante pour peser sur les rémunérations. Les statistiques du chômage et plus encore celles du sous-emploi et de la précarité étant en France à peu près aussi fiables et accessibles que les statistiques chinoises, il est difficile de chiffrer sans contestation possible le nombre de personnes dans l'incapacité de « travailler plus pour gagner plus ». Pour avoir une idée approximative du sous-emploi, il faudrait ajouter aux 3 155 000 personnes des huit catégories de l'ANPE au moins la moitié des Rmistes, soit 500 000 personnes et tous ceux qui sont sous-employés, soit quelque 1 300 000 personnes, ce qui porte le total à 5 millions de personnes. Côté précarisation, il faut noter la montée des contrats à durée déterminée et de l'intérim. Entre 1985 et 2000, le taux de recours à l'emploi temporaire est passé de 4,5 % à 14,5 %. En 2002, près de trois salariés sur quatre étaient embauchés en CDD et les fins de CDD représentaient plus de la moitié des sorties de l'emploi. Constatons enfin qu'après une chute régulière depuis 35 ans, le taux de pauvreté remonte ces dernières années, sans épargner les actifs, le nombre de travailleurs pauvres étant estimé entre 1,2 et 3,5 millions selon le seuil retenu. Une étude de Camille Landais, de l'École d'économie de Paris, relève que 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu augmenter de 42,6 % entre 1998 et 2006 tandis que celui des 90 % des foyers les moins riches n'augmentait que de 4,6 %. Sans doute des paresseux qui auront refusé de travailler plus... « La France », relève ce chercheur, « rompt avec vingt-cinq ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires. »

A quoi s'ajoutent les difficultés de logement, d'autant plus fortes que les revenus sont faibles. Les 20 % de ménages ayant les revenus les plus faibles consacrent en moyenne 25 % de leur consommation aux dépenses de logement, contre 11 % pour les 20 % de ménages dont les revenus sont les plus élevés. C'est le logement qui désormais différencie le plus la structure de consommation par rapport au revenu. Et les personnes en situation précaire ne sont pas seules concernées par ces difficultés. Qui loue au prix du marché, avec un revenu de 1 350 euros mensuel égal au salaire moyen, est structurellement en situation de surendettement.

Depuis vingt-cinq ans, donc, nous faisons carême tandis que d'autres, comme les Américains, font carnaval ! Et sans même la satisfaction de se savoir protégés du krach que leur politique de croissance par l'endettement généralisé nous mitonne depuis des années. « Je veux développer le crédit hypothécaire en France. C'est ce qui a permis de soutenir la croissance aux États-Unis » déclarait dans Les Echos, en novembre 2006, un visionnaire nommé Nicolas Sarkozy. (On apprécie à gauche) Il est heureux qu'il n'ait pas eu le temps d'appliquer sa recette miracle et que les Français ne soient pas aujourd'hui menacés de devoir vendre leur maison. Mais notre système financier infesté de créances douteuses, après avoir été juteuses, est tout aussi menacé que celui des Américains. Les interventions massives du système bancaire européen sont à cet égard éloquentes. Nous avons perdu en termes de croissance d'emploi et de revenu, sans gagner en sécurité. Ce sont ces politiques économiques et européennes calamiteuses qu'il s'agit de réformer radicalement pour espérer améliorer réellement le pouvoir d'achat des Français. Après avoir fait en sorte que la mer se retire, que nous proposez-vous, à présent ? D'aménager trois minuscules trous d'eau ! Le Sénat a beaucoup mieux à faire. (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)

M. Nicolas About, rapporteur.  - Je remercie M. Collombat pour la qualité de son propos dont je retiens pourtant avant tout l'incipit : « Je vais vous surprendre ». Comment n'être pas surpris, en effet, de voir balayées d'un revers de main toutes les mesures portées par ce texte, depuis la possibilité donnée au salarié de racheter ses droits acquis, de débloquer sa participation à hauteur de 10 000 euros ou de se voir attribuer une prime de 1 000 euros jusqu'à la révision de l'indexation des loyers ou de la durée du dépôt de garantie, qui ne peut que profiter aux ménages les plus fragiles ? La commission pense, au contraire, que le débat doit avoir lieu et vous demande de repousser cette motion.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Le Gouvernement demande le rejet de cette question préalable.

La motion n°56 n'et pas adoptée.

Discussion des articles

M. le président.  - Avant d'aborder l'article premier, je rappelle que les articles additionnels seront appelés à la fin de l'examen des articles.

Article premier

I. - Par exception aux dispositions du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise :

1° Le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en application de l'article L. 212-9 du code du travail. Les demi-journées ou journées travaillées à la suite de l'acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration des huit premières heures supplémentaires applicable à l'entreprise. Les heures correspondantes ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural ;

2° Lorsque l'accord prévu au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles le salarié qui le souhaite peut, en accord avec le chef d'entreprise, renoncer à une partie de ses jours de repos acquis au titre de périodes antérieures au 1er juillet 2008 en contrepartie d'une majoration de son salaire, le salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise, peut adresser une demande individuelle au chef d'entreprise. Le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait mentionnée au même article. La majoration de rémunération, qui ne peut être inférieure à 10 %, est négociée entre le salarié et le chef d'entreprise.

II. - Lorsque l'accord prévu à l'article L. 227-1 du code du travail ne définit pas les conditions dans lesquelles les droits affectés sur le compte épargne-temps sont utilisés, à l'initiative du salarié, pour compléter la rémunération de celui-ci, le salarié peut, sur sa demande et en accord avec l'employeur, utiliser les droits affectés au 30 juin 2008 sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.

Lorsque les accords prévus à l'article L. 227-1 et au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ont déterminé les conditions et modalités selon lesquelles un salarié peut demander à compléter sa rémunération en utilisant les droits affectés à son compte épargne-temps, ou selon lesquelles un salarié peut renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire, les demandes portant sur les droits affectés au 30 juin 2008 sont satisfaites conformément aux stipulations de l'accord.

Toutefois, cette utilisation du compte épargne-temps sous forme de complément de rémunération ne peut s'appliquer à des droits versés sur le compte épargne-temps au titre du congé annuel prévu à l'article L. 223-1 du même code.

III. - Le rachat exceptionnel prévu aux I et deux premiers alinéas du II est exonéré, pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 de toute cotisation et contribution d'origine légale ou d'origine conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

IV. - Le présent article s'applique aux demandes des salariés formulées avant le 31 juillet 2008.

Le rachat exceptionnel mentionné au III n'ouvre pas droit pour les journées acquises ou les droits affectés au 31 décembre 2007 au bénéfice des dispositions de l'article 81 quater du code général des impôts et des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale.

V. - Un bilan de l'application du présent article est transmis au Parlement avant le 1er octobre 2008, permettant de préciser le nombre de jours réellement rachetés dans ce cadre et le nombre de salariés concernés. 

M. Guy Fischer.  - RTT et compte épargne-temps pourront être monétarisés.

M. Charles Revet.  - C'est plutôt favorable aux salariés.

M. Guy Fischer.  - Les ministres n'ont de cesse d'emporter notre conviction. Avec Nicolas Sarkozy, nous allions voir ce que nous allions voir...

M. Ivan Renar.  - On a vu...

M. Guy Fischer.  - Il y aurait une France d'avant et une France d'après ; ce serait la rupture et le pouvoir d'achat allait grimper.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est vrai.

M. Guy Fischer.  - Mais a-t-on vu quelque chose en 2007 ? Que nenni !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Et les heures supplémentaires ?

M. Guy Fischer.  - On a bien eu trois textes en huit mois, mais les Français attendent toujours la France d'après : elle tarde plus que les augmentations de prix. L'examen de ce texte signe l'échec du travailler plus pour gagner plus : soit la loi Tepa a été inefficace...

M. Nicolas About, rapporteur.  - Elle va s'appliquer.

M. Guy Fischer.  - ...soit elle n'a bénéficié qu'aux plus riches.

Les élections municipales arrivant, la colère gagnant chez les salariés, les retraités, les étudiants et les allocataires des minima sociaux, il fallait agir. Alors suivant votre habitude, vous fouillez dans la naphtaline pour faire du neuf avec du très vieux.

Comment faire ? Le 11 janvier dernier, une tribune de Libération rappelait que le gouvernement Daladier avait autorisé à travailler jusqu'à cinquante heures au lieu de 40...

M. Ivan Renar.  - « Le roseau peint en fer » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On sait comment cela a fini.

M. Guy Fischer.  - Quelle référence pour un gouvernement qui se voulait moderne ! Vous auriez été mieux inspiré en remontant jusqu'en 1936 ou en songeant au programme du CNR. Vous nous proposez une régression absolue. Pour lutter contre le chômage, mieux vaut élever le taux d'emploi : l'urgence n'est pas de multiplier les heures supplémentaires mais de conditionner les exonérations patronales à des réelles contreparties. Vous aurez bien du mal à justifier cette régression culturelle et à nous expliquer comment les parents pourront s'occuper de l'éducation de leurs enfants s'ils travaillent tard le soir et le dimanche.

M. Sarkozy s'est déclaré favorable à la suppression de la durée légale du travail mais vous avez rattrapé une gaffe qui aurait rendu ce projet irrecevable et renvoyé à la négociation, en oubliant que dans la relation salarié employeur, le premier est en position de subordination et le second de domination. Vous faites mine d'ignorer que le travailleur qui demande à faire des heures supplémentaires vit mal de son travail, qu'il est mal payé. Augmentez les salaires, revalorisez le Smic, et nous verrons si les salariés veulent faire des heures supplémentaires.

Votre politique libérale a tant précarisé que vous avez beau jeu de proposer le rachat des RTT. Le Gouvernement n'accomplit pas un geste : c'est un droit, le fruit d'un travail ; vous ne faites que leur rendre leur dû et il n'y a pas de quoi pavoiser. Les salariés savent bien que ce n'est pas en tirant avec ce fusil à un coup que vous règlerez la question du pouvoir d'achat.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Raymonde Le Texier.  - Allons-nous créer de la richesse ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Oui !

Mme Raymonde Le Texier.  - Vous procédez par substitution, comme vous l'avez fait pour le Tepa mais avec quel effet sur la croissance ? Lorsque nous avons créé les emplois jeunes, nous avons remis en selle des centaines de milliers de jeunes, nous leur avons donné un travail et un espoir. Mais que peut signifier une disposition qui permet, si l'employeur le veut, d'accroître le revenu de ceux qui ont déjà un emploi ? Vous redistribuez un revenu que vous ne créez pas, faute de hausses salariales. Cette mesure temporaire ne sera pas efficace et la confiance n'est pas au rendez-vous.

Le Président de la République a été élu pour partie sur sa volonté d'accroître le pouvoir d'achat et le Gouvernement, qui devrait mettre ses promesses en musique, utilise tous les expédients pour empêcher une hausse des salaires. Nos concitoyens sont en train de s'en apercevoir, les sondages le montrent. Vos indigestes mille-feuilles législatifs ne les empêchent pas de réaliser que votre politique va à l'inverse de votre discours. Ils n'ont pas confiance et la consommation ne nourrit pas la croissance. Vous les avez tant culpabilisé qu'ils n'ont pas confiance en eux mais le problème est qu'ils commencent à ne plus avoir confiance en vous.

M. le président.  - Amendement identique n°94, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer.  - L'article symbolise bien l'esprit détestable de ce projet. Vous inventez un mécanisme cynique par lequel les salariés achètent le bénéfice des heures supplémentaires -il faudrait plutôt parler de troc. Un salarié pourra bénéficier de la conversion de tout ou partie de ses RTT et, afin d'inciter l'employeur, vous lui accordez une exonération de charges. Les députés ont profondément remanié le dispositif, repoussant notamment la date butoir du 31 décembre 2007 au 30 juin 2008. On attend avec impatience et crainte le rachat des congés payés...

M. Nicolas About, rapporteur.  - C'est interdit.

M. Guy Fischer.  - Le montage juridique proposé est étonnant : vous demandez par avance à un salarié de renoncer à un droit acquis. Nous y sommes évidemment défavorables. Mais c'est la logique même de votre texte qui nous heurte, puisqu'elle va vers une individualisation des rapports entre l'employeur et les salariés, ces derniers pouvant être traités de façon différente selon des critères obscurs. Vous devrez expliquer aux salariés pourquoi vous avez choisi de privilégier l'arbitraire ! Une fois de plus, l'État a d'ailleurs montré le mauvais exemple en rachetant les RTT des personnels des hôpitaux, où la colère reste grande.

Les salariés veulent une augmentation de leur salaire. Vous pourriez agir en portant le Smic à 1 500 euros, en convoquant une conférence sur les salaires, en augmentant le salaire des fonctionnaires et en instituant un barème national en fonction de la qualification. Les profits sont tels en France que ces mesures ne nuiraient pas à la compétitivité. Au contraire, augmenter les salaires, c'est agir pour la croissance, celle-ci étant principalement liée à la consommation. De plus, la croissance, ce n'est pas « avec les dents » qu'on va la chercher, c'est en menant une politique du crédit fondée sur un abaissement des taux qui favorise l'investissement dans l'emploi. Il est vrai que cela supposerait une orientation différente de la BCE, alors que, après avoir joué les fier-à-bras pendant la campagne, le Président de la République s'est incliné en approuvant le Traité de Lisbonne, qui conforte l'indépendance de la Banque centrale européenne, au détriment de notre économie. Après le krach boursier de lundi, nous nous interrogeons d'autant plus sur cette orientation !

M. Nicolas About, rapporteur. - La commission, qui souhaite adopter l'article, ne peut donner un avis favorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous ne laisserons pas les groupes socialiste et communiste priver les salariés de la possibilité d'augmenter leur pouvoir d'achat. (Exclamations à gauche)

M. Charles Revet.  - Très bien !

L'amendement n°32, identique à l'amendement n°94, n'est pas adopté.

M. Nicolas About, rapporteur  - La commission des affaires sociales, n'ayant pas examiné l'amendement n°99, demande à ce que soient examinés en priorité l'amendement n°71 et l'amendement n°72.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Avant le chapitre premier du titre III du livre premier du code du travail, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« chapitre...

« Conférence nationale sur les salaires

« Art. L. ... - Une conférence nationale sur les salaires est convoquée lors du premier semestre de chaque année civile.

« Les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeur, les ministres concernés, sont parties prenante de cette conférence annuelle.

« la conférence fait le point sur les évolutions salariales observées dans les entreprises du secteur marchand, au regard du bilan de la négociation collective de branche et formule toute proposition tendant notamment à favoriser le respect de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, le maintien et l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, la reconnaissance des qualifications acquises ».

Mme Annie David.  - L'urgence dans laquelle est examiné ce texte a également présidé à l'organisation par le Gouvernement, le 23 octobre dernier, de la conférence sur l'emploi et les salaires. Vous aviez là une occasion de répondre à cette attente unanimement partagée qu'est l'augmentation des salaires : en rendant du pouvoir d'achat aux Français, vous leur auriez aussi redonné confiance en notre économie. Occasion ratée...

S'il y a une urgence, ce n'est pas de créer une nouvelle commission indépendante chargée d'étudier le Smic, mais d'augmenter les salaires ! Pourtant, lors de ses voeux à la presse, le Président de la République a rétorqué avec exaspération à un journaliste qui avait eu l'outrecuidance de lui demander ce qu'il comptait faire pour le pouvoir d'achat : « voulez-vous que je vide des caisses qui sont déjà vides, ou que j'aille donner des ordres à un patron à qui je n'ai pas à en donner ? » Quel aveu d'impuissance pour un Président ! Ainsi, après avoir tout promis pendant sa campagne, il observe maintenant depuis l'Élysée le peuple réel qui galère pour boucler son budget.

Le groupe CRC est en opposition avec cette conception de la gouvernance. La conférence annuelle que nous proposons d'instaurer -instrument certes imparfait, mais utilisable par tous- permettra de poser la question des salaires sur des bases plus justes par un examen, en concertation avec les partenaires sociaux, de la réalité du marché du travail afin que tous ses acteurs puissent en tirer profit, et non plus seulement une poignée de personnes qui accapare les bénéfices, notamment sous la forme des stock-options. La pénibilité et les conditions de travail seront aussi abordées. Nous espérons donc un avis favorable, bien que le ministre ne nous écoute que d'une oreille distraite !

M. Nicolas About, rapporteur.  - L'obligation d'une réunion annuelle ne se justifie pas. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Madame David, je vous écoutais attentivement, en particulier de l'oreille droite. (Sourires)

La négociation collective existant déjà par l'intermédiaire des partenaires sociaux, la nouvelle instance que vous proposez de créer montre le peu de confiance que vous avez en ces derniers ! Défavorable.

Mme Annie David.  - Monsieur le ministre, chacun son rôle : vous êtes ministre du travail, en charge des négociations salariales et des relations officielles avec les partenaires sociaux. À vous de remplir au mieux votre rôle... Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Pour ce qui est de la confiance envers les partenaires sociaux, vous n'avez pas de leçon à me donner. Si nous demandons une autre instance, c'est qu'il n'est pas assez question actuellement des salaires, des conditions de travail et de la pénibilité. Sur ce dernier sujet, vous n'avez pas travaillé comme moi vingt ans en entreprise ! Que la nouvelle instance risque de faire doublon, soit, mais ne m'accusez pas de ne pas faire confiance aux partenaires sociaux.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Si je n'ai pas votre expérience du travail en entreprise, madame David, je vous ferai quand même remarquer que c'est moi qui, rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi de 2003, ai demandé que nous réfléchissions sur la question de la pénibilité. Ce sujet, nous allons nous en saisir et le traiter maintenant, pas dans cinq ans ! Je ne supporte pas qu'il y ait une telle différence entre l'espérance de vie d'un cadre supérieur et celle d'un ouvrier ; sur de nombreux sujets, nous pouvons nous entendre !

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

I - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Aucune grille de salaire ne peut débuter en dessous du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).

II - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Pour compenser les pertes de recettes découlant pour l'État du relèvement des grilles de salaire au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, il est créé une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Annie David.  - Le Smic, salaire au-dessous duquel aucun salarié ne peut en théorie être rémunéré, reste insuffisant pour satisfaire les besoins humains : il s'élève à 8,44 euros brut de l'heure, soit 1 005 euros net par mois. Or nombre de salariés ne touchent même pas cette somme. Je ne parle pas des jeunes en apprentissage, des stagiaires, des handicapés ou des personnes subissant le travail à temps partiel -la situation de tous ces gens vous semble naturelle- mais des salariés du privé travaillant à temps plein dans des branches où les grilles salariales de base sont inférieures au Smic. Selon Les Échos du 16 novembre 2007, cette situation existe dans soixante-et-onze des cent soixante branches professionnelles. Constat peu glorieux pour le Président qui prétendait réinvestir dans la valeur travail. Pour ce faire -tout le monde le dit, y compris les économistes les moins à gauche- les références à Jaurès et Marx ou les slogans tels que « travailler plus pour gagner plus » ne peuvent rien. Il faut rémunérer correctement le travail des salariés, ce qui est une façon de reconnaître qu'ils participent par leur labeur à la création de richesse et à la réussite de l'entreprise. Ce n'est pas le cas pour ces millions de salariés de la « France qui se lève tôt »,  employés de la grande distribution, de l'hôtellerie, de la restauration ou du BTP. Nous présentons donc cet amendement qui est de justice sociale.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Je remercie Mme David d'avoir reconnu implicitement que l'évolution du Smic ces dernières années avait été rapide, dépassant les minima salariaux prévus par les conventions de chaque branche. Le Gouvernement encourage les partenaires sociaux à revaloriser ces minima et M. le ministre dressera peut-être dans sa réponse un état des lieux. Mais votre amendement est de pur affichage : en dépit de ce qui figure dans les conventions de branches, les salariés perçoivent toujours au moins le Smic.

Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis. Nous avons saisi le Conseil d'orientation pour l'emploi de la conditionnalité des allégements de charges, sujet maintes fois évoqué et différé, afin de préparer un texte pour le printemps. Nous souhaitons trouver une méthode plus efficace que la simple ouverture de négociations salariales et régler la question des minima, qui pose des problèmes pour l'ensemble de la grille. Dire, c'est bien ; traduire, c'est mieux. Toutefois, comme M. About, je pense qu'il n'est pas souhaitable de le faire par le biais d'un amendement mais plutôt d'attendre la présentation du projet de loi que j'ai évoqué. J'espère que nous aboutirons alors à une position consensuelle sur ce texte.

Je souhaite préciser à M. About que le bilan des négociations de branche avec les partenaires sociaux sera fait le 8 février prochain. Je m'empresserai de le lui transmettre.

Mme Annie David.  - J'allais justement dire au ministre que les actes sont mieux que les paroles, et la précision qu'il vient de nous donner est bienvenue.

M. Charles Revet.  - Les actes viennent avant les paroles. (Sourires)

Mme Annie David.  - Il est incroyable que, dans notre pays, certaines grilles salariales débutent en dessous du Smic. Ainsi de certains échelons de la convention du bâtiment, qui figurent sur les fiches de paie. Le niveau du Smic n'est atteint qu'avec l'ajout de primes ou d'autres avantages. En 2008, à l'heure où l'on débat de l'augmentation du pouvoir d'achat, c'est inacceptable.

On parle de l'Éducation nationale, de réviser les diplômes, mais quand il s'agit de donner de la cohérence, on n'avance pas. Je ne suis pas sûre qu'un jeune titulaire d'un CAP dans le bâtiment bénéficie d'un échelon correspondant au Smic.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Il faut renégocier avec les partenaires sociaux, cela ne relève pas du domaine de la loi.

Mme Annie David.  - En faisant évoluer le salaire minimum dans ces grilles, on donnera un coup de pouce à l'ensemble des revenus.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Je vous remercie d'accepter de suspendre la séance pour permettre à la commission d'examiner les amendements.