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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Renvoi pour avis unique

Élection des sénateurs

Discussion générale

Délégation étrangère

Élection des sénateurs (Suite)

Discussion générale (Suite)

Question préalable

Vérification du quorum

Rappel au règlement

Explications de vote

Effectifs des commissions permanentes

Discussion générale

Explications de vote

Agents sportifs

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier




SÉANCE

du mercredi 4 juin 2008

88ème séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 15 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Renvoi pour avis unique

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Élection des sénateurs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi présentée par MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l'élection des sénateurs.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Bel.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Dès le lancement, par le Président de la République, du débat sur la modernisation et la démocratisation de nos institutions, nous avons clairement dit que nous étions parfaitement disposés à y participer, tant cette réforme est nécessaire, qu'un consensus républicain y serait possible, à condition du respect mutuel, et que toute réforme devrait avoir pour objectif une avancée réelle de la démocratie dans notre pays. Nous nous sommes montrés très ouverts, répondant aux sollicitations de la commission Balladur, du Premier ministre, du ministre des relations avec le Parlement. Nous nous sommes engagés dans ce débat sans oeillères, sûrs que chacun y démontrerait sa volonté réelle de moderniser, de démocratiser, en un mot de donner de l'oxygène à nos institutions.

Dès la campagne présidentielle, j'avais présenté le détail des propositions socialistes de réforme institutionnelle, dans mon rapport « Pour une nouvelle République », que nous avons versé au débat, en toute transparence. Chacun sait donc ce que nous pensons de la réforme du mode d'élection sénatorial.

« Le Sénat a un privilège exorbitant et imparable, celui de tout bloquer (...). Seul le Sénat aurait la possibilité d'être contre tout avis sans qu'on puisse rien contre lui. S'il y a une erreur dans la Constitution de 1958, c'est bien celle-là ; de créer un corps contre lequel on ne peut rien, alors que l'on peut quelque chose contre tous les autres ». Qui parlait ainsi ? Le Général de Gaulle lui-même, fondateur des institutions de la Ve  République !

Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, vous devinez combien notre déception est grande aujourd'hui ! Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous qui nous avez dit ne pas comprendre pourquoi l'Assemblée nationale avait repoussé le débat par une motion de procédure, vous comprendrez aussi notre déception de vous voir aussi vite rentrer dans le rang et pratiquer aujourd'hui ce que vous dénonciez il y a une semaine ! A quoi sert de vouloir renforcer les droits de l'opposition si c'est pour se dérober à la première occasion ? (Applaudissements à gauche)

Devant l'Assemblée nationale, Mme le ministre de l'intérieur s'est justifiée de trois façons pour refuser de débattre. Notre proposition, d'abord, serait inconstitutionnelle : l'argument est de pure forme, puisque nous anticipons la réunion du Congrès, qui modifiera la Constitution. Quand l'article 24 de la Constitution sera modifié, notre proposition de loi sera parfaitement conforme à la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Il en est des textes de loi comme de chacun d'entre nous : avant de disparaître, nous sommes encore en vie ! (Sourires)

Mme la Ministre a dit ensuite aux députés que le mode d'élection des sénateurs concernait les sénateurs au premier chef : la chose est entendue, au moins par nous, mais vous verrouillez le débat avant même d'entendre nos arguments ! Cela augure mal de la révision constitutionnelle !

Mme le ministre dit encore que la démocratisation du Sénat serait sans lien avec la question des institutions, et que la question de la représentativité du Sénat ne se poserait pas. Mais pourquoi, alors, les députés de la majorité ont-ils adopté des dispositions sans lien avec la Constitution, par exemple « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques » ? Cet objectif serait-il davantage lié aux questions institutionnelles, que le mode d'élection sénatorial ?

Est-il bien sérieux, enfin, de nier le fait que le Sénat voit sa légitimité contestée, faute d'une représentativité suffisante ?

Même le Président Poncelet le reconnaissait en 2000 dans la revue Pouvoirs locaux : « Une meilleure prise en compte de la réalité urbaine devrait permettre de purger, une fois pour toutes, cette querelle en représentativité et donc en légitimité qui est instruite à l'encontre du Sénat ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique Braye.  - On l'a fait !

M. Jean-Pierre Bel.  - Je sais également que le rapporteur de la commission des lois et beaucoup d'autres au sein de la majorité le pensent en leur âme et conscience. Si l'on vous écoute il serait juste de s'interroger sur des « déséquilibres électoraux » ponctuels comme la situation des communes associées, sur les distorsions de représentation des électeurs à Paris, Lyon et Marseille, voire même sur les inégalités des cantons. On pourrait discuter de cela mais surtout pas de la question plus globale de la représentativité du Sénat, condamné à rester à droite alors même que les communes, les départements, les régions sont aujourd'hui majoritairement à gauche. (Applaudissements à gauche) Voilà bien une indignation sélective et, pourquoi ne pas le dire, intéressée. Voilà bien une contradiction !

Mais ce n'est pas la seule. Que proposait la majorité sénatoriale dans le rapport Hoeffel en 2002 ? De « mieux prendre en compte le fait urbain et notamment la place des grandes villes dans le collège sénatorial »...

M. Dominique Braye.  - C'est fait !

M. Jean-Pierre Bel.  - ....et, par ailleurs, d'« assurer une meilleure représentation aux départements et aux régions qui procéderaient désormais à l'élection de délégués supplémentaires, à l'instar des communes les plus peuplées ». (Applaudissements à gauche)

Que voulait faire MM. de Raincourt, Arthuis, de Rohan, Larcher, Hyest, entre autres, dans leur proposition de loi du 18 février 1999 ? Comme nous, mais autrement, ils voulaient améliorer la représentation de notre assemblée : « Le mode d'élection du Sénat est resté inchangé depuis 1958. Il n'est pas immuable. Quarante ans après la mise en place de la Vème République, le moment semble venu d'adapter le collège électoral aux évolutions démographiques et sociologiques de la France, sans pour autant toucher aux principes qui fondent la spécificité sénatoriale au sein du bicamérisme. L'impératif de modernisation de la vie politique, auquel le Sénat adhère pleinement, inclut la réforme du mode de scrutin sénatorial ».

M. Dominique Braye.  - On l'a faite ! (Mme Nicole Bricq le conteste)

M. Jean-Pierre Bel.  - Comment aujourd'hui pouvez-vous ainsi tourner le dos à ce que vous proclamiez il y a peu de temps ?

Que proposait le président du Sénat dans Le Monde du 28 mars 2002 ? De « renforcer le poids du milieu urbain et de l'intercommunalité au sein du collège électoral des sénateurs, tout en préservant la représentation des petites et moyennes villes, qui assurent l'indispensable maillage de notre territoire » ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite et sur le banc de la commission)

Que disait enfin le chef de l'État, en installant le comité Balladur le 12 juillet 2007 ? « Pourquoi refuserions-nous d'examiner dans quelles conditions le Sénat pourrait mieux refléter la diversité française qui a besoin aujourd'hui d'être davantage présente dans les institutions de la République ? ».

Où est la cohérence dans la vision que vous avez des institutions ? Un rapport de la commission des lois lors de la réforme de 2003 du Sénat constatait « l'inadaptation du nombre des sénateurs au regard des évolutions démographiques récentes des collectivités territoriales (qui) fragilisent la représentativité du Sénat ».

Ce que nous proposons c'est d'appliquer ce que vous recommandiez dans ces différentes périodes, c'est tout simplement de ne pas creuser le fossé entre le Sénat et la France d'aujourd'hui, de prendre en compte de nouvelles réalités, électorales bien sûr, mais aussi les réalités nouvelles d'un rural qui se transforme, d'un monde urbain en pleine évolution, de prendre en compte les nouvelles données issues des lois de décentralisation. Nous préconisons trois nouveaux équilibres : au sein des communes, entre communes, départements et régions, enfin un meilleur équilibre entre forces politiques.

La proposition de loi rééquilibre le poids relatif des différentes communes au sein du collège électoral du Sénat. Elle ne désavantage pas les communes rurales, car d'une part, le nombre total de délégués des communes de moins de 3 500 habitants passe de 68 000 à 84 000 et, d'autre part, chaque commune, quelle que soit sa taille, dispose toujours d'un délégué sénatorial.

La réforme rééquilibre également la représentativité du Sénat entre les trois catégories de collectivités locales. Le collège électoral sénatorial, est constitué à 96 % de représentants des communes, alors que la place des départements et régions dans le système politico-administratif actuel n'est plus le même depuis 1958.

M. Dominique Braye.  - Qu'avez-vous dit des départements ?

M. Jean-Pierre Bel.  - Ces collectivités, désormais acteurs majeurs des politiques publiques, représentent une part décisive de l'investissement public et aucune politique nationale ne peut aujourd'hui les ignorer. Cette situation ne peut plus durer. Le Sénat, représentant de toutes les collectivités locales, doit les représenter plus équitablement.

Le troisième équilibre proposé est relatif à la représentation politique. Le scrutin proportionnel à partir de trois sièges améliore la représentativité du Sénat, cette fois sur le terrain de la diversité politique et de la parité, comme l'a reconnu le rapporteur lui-même. Mais aujourd'hui, la représentation sénatoriale de 42 des 100 départements est monocolore, que ce soit à droite ou à gauche. C'est anormal.

La ministre de l'intérieur a opposé, à l'Assemblée nationale, les difficultés techniques de cette proposition de loi. Franchement, l'argument n'est pas recevable. Notre principal problème aujourd'hui n'est certainement pas de passer de 143 000 à 300 000 grands électeurs. Nous ne nous posons pas ce genre de question lorsque nous multiplions les scrutins nationaux qui mobilisent à chaque fois plus de 44 millions d'électeurs. On envisage même d'en ajouter en permettant -et pourquoi pas ?- les référendums d'initiative populaire. Non, notre problème c'est de faire progresser la démocratie dans notre pays et l'argument du coût de la mesure est léger et même spécieux !

Vous nous dites, mais toujours sans vouloir en discuter réellement, qu'avec notre réforme, l'élection des sénateurs échappe au contrôle des élus. On a du mal à comprendre cet argument car ce sont bien les élus, en première instance, qui choisissent leurs délégués supplémentaires.

Mais vous faites pire ! Vous vous apprêtez à reculer alors que nous vous proposons d'avancer. Vous voulez constitutionnaliser une jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui bloquerait clairement les évolutions que nous préconisons sur le corps électoral issu des communes. Ainsi, non seulement nous ne sommes pas entendus, mais vous aggravez la situation en empêchant toute possibilité de changement par une loi ordinaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, ce n'est pas parce que vous refusez tout examen de nos propositions en nous opposant la question préalable, ce n'est pas parce qu'ici même vous balayez d'un revers de la main les droits les plus élémentaires des minorités reconnus dans toutes les grandes démocraties modernes en refusant le temps de la confrontation parlementaire menée jusqu'au bout, à partir d'initiatives réservées à l'opposition...(M. Braye s'exclame)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Taisez-vous !

M. Jean-Louis Carrère.  - Provocateur ! On va se lever...

M. le président.  - Du calme ! N'oubliez pas qu'on nous regarde ....

M. Jean-Louis Carrère.  - Si vous ne faites pas la police, on la fera !

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce n'est pas parce que vous êtes à ce point accrochés à votre position dominante que la question du Sénat ne va pas, très rapidement, revenir comme un boomerang, comme une interrogation clef sur la nature, démocratique ou non, des institutions qui fondent notre République. Vous reconnaîtrez avec moi la tendance fréquente en France à vouloir donner des leçons au monde entier sur beaucoup de sujets ...

M. Dominique Braye.  - Vous êtes spécialistes !

M. Yannick Bodin.  - Faites-le taire !

M. Jean-Pierre Bel.  - ..., et notamment en matière de droits de l'homme et de démocratie parlementaire. Peut-être même avons-nous tendance à vouloir imposer notre propre modèle. Balayons cependant devant notre porte ! Comment peut-on expliquer les vertus du système bicaméral dans lequel l'une des deux assemblées ne pourrait jamais connaître l'alternance et serait réservée à un camp, quelle que soit l'expression populaire sur les collectivités dont elle est issue. (Applaudissements à gauche) Le Président du Sénat écrivait le 28 mars2002 : « Pour que la gauche s'empare du Sénat, il suffit tout bonnement qu'elle l'emporte aux prochaines municipales ». Et bien c'est fait, au-delà même de toute espérance (Mme Nicole Bricq le confirme) puisqu'entretemps nous avons également remporté 20 régions sur 22 et 60 % des départements ! Mais non, circulez, il n'y a rien à voir ! Vous préférez, comme aujourd'hui, pratiquer la politique de l'autruche et du bulldozer, au mépris des droits de la minorité et de l'équité dans la représentation des assemblées. Par ce verrouillage, ce grave déni de démocratie, vous prenez une lourde responsabilité devant l'Histoire et beaucoup de risques pour l'avenir du bicamérisme. N'attendez pas de nous une quelconque complaisance face à cette attitude de fermeture et de mépris. Pour nous, la question du Sénat est un passage obligé à toute discussion sérieuse sur la révision de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ce rendez-vous manqué, cette arrogance majoritaire magnifiquement illustrée par les conditions dans lesquelles nous tenons ce débat cette après-midi, n'augure rien de bon pour l'examen de la réforme des institutions à venir. Vous souhaitez que le Sénat représente le paysage institutionnel de la France du passé, et même, vous essayez de nous renvoyer à un paysage hypothétique du futur en espérant qu'il aura balayé, alors, les réalités du présent. (Marques de perplexité à droite) Nous, nous souhaitons au contraire permettre au Sénat, assemblée politique à part entière, de jouer tout son rôle dans nos institutions, nous souhaitons qu'il soit représentatif des collectivités qu'il prétend incarner, qu'il soit un facteur d'équilibre face aux tentations de personnalisation du pouvoir, qu'il joue un rôle dans la protection des valeurs fondamentales de notre République. Vous ne voulez pas vous y résoudre mais vous serez bien, un jour, contraints de vous rendre à une évidence toute simple, celle que rappelait Jean Jaurès dans son intervention pour La Dépêche du Midi le 28 décembre 1903 : « Il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie ». Alors, soyez-en persuadés, ce combat de Jaurès pour la démocratie, c'est celui de la gauche, c'est celui des socialistes et nous n'y renoncerons jamais ! (Applaudissements prolongés sur les bancs socialistes. Le groupe CRC applaudit aussi)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Cette proposition de loi socialiste se présente comme indissociable du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République.

M. Jacques Mahéas.  - Jusque là, c'est vrai !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre Constitution ne traite ni des modes de scrutin des assemblées ni du collège électoral sénatorial.

M. Dominique Braye.  - Voilà ! Il ne faut pas tout mélanger !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces questions ne sont pas étrangères au renforcement des pouvoirs du Parlement et un approfondissement de la réflexion est donc opportun.

Les mises en cause de la légitimité du Sénat sont récurrentes. Ainsi, M. Bernard Roman, député socialiste et ancien président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, accuse sans nuances le Sénat de « déséquilibrer l'institution parlementaire en s'opposant systématiquement aux projets législatifs des gouvernements progressistes et en soutenant à l'inverse ceux des gouvernements conservateurs » qui sont de droite, si j'ai bien compris. (Marques d'approbation énergiques à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous comprenez bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le Sénat serait aujourd'hui « un non sens démocratique ».

M. Dominique Braye.  - Tout en finesse !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le slogan « sus au Sénat » n'est pas né d'hier, constatait déjà Paul Bastid en 1946, et Lionel Jospin a consacré l'expression d'« anomalie démocratique ».

M. Dominique Braye.  - C'était lui l'anomalie ! (Vives protestations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Demerliat.  - Citation tronquée !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Pourtant, la légitimité du Sénat doit être appréciée à l'aune du bicamérisme.

M. Robert Bret.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Si les assemblées parlementaires deviennent des clones, la Chambre haute n'a plus de raison d'exister !

M. Jean-Louis Carrère.  - Ça ne risque pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Raisonnement spécieux !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'Assemblée nationale, par son mode d'élection, fait écho immédiat aux préoccupations de l'opinion publique ; son lien avec le Président de la République est renforcé par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Le scrutin majoritaire à deux tours entraîne certes d'importantes distorsions entre les suffrages exprimés et la composition de l'Assemblée mais a permis l'émergence d'une majorité parlementaire et mis fin à l'instabilité gouvernementale de la IVème République.

Le Sénat, quant à lui, est à la fois le gardien de la modération et de la continuité des institutions et le représentant de la Nation au travers des collectivités territoriales. Grâce à l'élection au suffrage universel indirect et au renouvellement partiel, qui lisse les secousses électorales, il bénéficie d'un temps de réflexion par rapport aux soubresauts de l'actualité.

M. Robert Bret.  - C'est de démocratie que vous parlez !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Depuis les élections municipales et cantonales, il n'y a pas encore eu d'élections sénatoriales. Nous sommes plusieurs ici, comme M. Mauroy ou moi-même, à avoir été élus en 2001 par des conseils municipaux, généraux et régionaux dont les pouvoirs sont depuis venus à expiration ; nous n'en sommes pas moins légitimes pour autant ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Alliant scrutin majoritaire et représentation proportionnelle, le Sénat a permis une représentation plus large du pluralisme politique et le développement d'une culture de compromis.

M. Robert Bret.  - Compromis avec qui ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Légitimité du Sénat et de l'Assemblée sont donc complémentaires.

M. Bruno Le Roux dénonce « ce Sénat servile sous les gouvernements de droite et prompt à l'obstruction systématique sous les gouvernements de gauche ». (Marques d'approbation véhémentes à gauche).

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il a raison !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Faut-il rappeler que le gouvernement Tardieu est tombé au Sénat ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On voit qu'il n'y a pas beaucoup de renouvellement ! (Sourires à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Que le Sénat, sous la houlette de Gaston Monnerville, fut le principal opposant au chef de l'État et au gaullisme aux débuts de la Vème République ? (Exclamations à gauche)

M. Bertrand Auban.  - On jugeait qu'il n'était pas assez à droite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est la Chambre des Lords !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Que le président Poher fut le principal adversaire de Georges Pompidou lors de l'élection présidentielle de 1969 ? (Nouvelles exclamations à gauche)

M. Dominique Braye.  - Ça les dérange !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Docile ? Qui saisit le Conseil constitutionnel après le vote de la loi réformant le régime de la liberté d'association, ce qui aboutit à la décision du 16 juillet 1971 constatant, pour la première fois, l'inconstitutionnalité d'un texte voté par le Parlement ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Le Sénat n'était pas le même !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Qui préserva les libertés publiques lors des lois de 1977 sur la fouille de véhicules, de 1978 sur l'informatique et les libertés, ou lors de la loi Savary de 1984 ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Hors sujet !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Pas vous !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Qui a institué la possibilité de faire appel des décisions des cours d'assises dans le projet de loi Guigou ? Songeons à l'affaire d'Outreau... L'attitude de notre assemblée sur les tests ADN ou la rétention de sûreté ne souligne-t-elle pas notre esprit d'indépendance ? (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Arguments misérables !

M. Jacques Mahéas.  - Arguments de basse-cour !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Sénat s'est couché !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette proposition de loi esquisse des pistes de travail pour une nécessaire réflexion sur le collège électoral. Comme en conviennent les auteurs, l'application d'une clé de répartition attribuant un délégué pour trois cents habitants rappelle la réforme censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Justement !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le juge constitutionnel ne pourrait que confirmer sa position...

M. Jean-Louis Carrère.  - N'avez-vous pas entendu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes le constituant !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, doit être élu par un corps électoral émanant lui-même de ces collectivités et composé essentiellement de membres des assemblées délibératives locales ; on ne peut aller au-delà de la simple correction démographique.

Nos collègues socialistes nous opposent la nouvelle rédaction proposée pour l'article 24 de la Constitution, selon laquelle « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population »...

M. Yannick Bodin.  - Tu parles !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ... en regrettant que la proposition du comité Balladur « en fonction de leur population », n'ait pas été retenue.

Nous avons là un profond désaccord : si l'élection reposait sur la seule démographie, on confondrait Assemblée nationale et Sénat ! (Vives protestations à gauche)

M. Dominique Braye.  - C'est ce qu'ils veulent !

M. Robert Bret.  - Raisonnement fallacieux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Et en Belgique ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le Sénat doit conserver sa légitimité dans les territoires. Gérard Larcher rappelle que, 80 % des Français vivant sur 20 % du territoire, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les Français de l'étranger ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Et Saint-Barthélémy ? Et Saint-Martin ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Et Clipperton ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ...on ne peut sans mutiler cette réalité fondamentale faire élire les sénateurs sur des seuls critères démographiques.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous avez peur du peuple !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le Sénat est pour partie la chambre des populations faibles en nombre, dit-il encore, l'assemblée des « pauvres en démographie ». (Le brouhaha croissant à gauche couvre la voix de l'orateur, qui s'interrompt)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il faut faire voter les vaches !

M. Jean-Louis Carrère.  - Restaurez la monarchie !

M. le président.  - Cela n'apporte rien de crier.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vous qui bridez le débat ! (M. Assouline renchérit)

M. Dominique Braye.  - Je n'ai rien dit ! (Sourires et quolibets)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le Sénat est, en raison de son mode de recrutement, l'institution qui valorise au mieux le territoire de la Nation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Qu'est-ce que le territoire sans la population ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le mode de scrutin sénatorial est « un outil de discrimination positive territoriale ». (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Cela n'existe pas en démocratie !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Pour autant, ne faut-il rien changer en ce domaine ? Je ne le pense pas, et notre majorité a fait bien des propositions, de la proposition de loi de Raincourt et du rapport Girod en 2000 au rapport du groupe de réflexion présidé par Daniel Hoeffel en 2002.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Calculer les sénateurs à l'hectare ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La Constitution interdit-elle toute évolution ? Je ne le pense pas, et c'est peut-être un pêché de gourmandise qui a entraîné la censure constitutionnelle de juillet 2000 ! (Exclamations indignées à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Nous n'allons pas nous laisser faire !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Vous proposez de créer des délégués supplémentaires des conseils généraux et régionaux, dont l'importance a cru avec les actes I et II de la décentralisation...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Qu'en pense M. Raffarin ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce sont des leurres !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ...et qui ne contribuent aujourd'hui qu'à 3,9 % du collège électoral. Il vous est proposé de porter ce pourcentage à 30 %.

Deux objections peuvent cependant être avancées : la faible place des élus du suffrage universel, avec 3 857 conseillers généraux pour 45 791 grands électeurs départementaux et 1 722 conseillers régionaux pour 45 791 grands électeurs régionaux, alors que la Constitution dispose que le Sénat est élu au suffrage universel et indirect, donc par des élus.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est faux ! Il y a déjà des délégués...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je ne vois pas à quel titre on pourrait dénoncer une fausseté ou un mensonge sur ce point.

D'autre part, une incertitude demeure : une même population peut elle être prise en compte trois fois de suite pour le calcul du nombre de délégués des trois catégories de collectivités territoriales ?

M. Dominique Braye.  - Très juste !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Si le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France -les 155 membres de l'Assemblée des Français de l'étranger- peut être considéré comme trop restreint, le dispositif proposé pour l'élargir pose également problème.

Le passage à 4 735 délégués induirait des difficultés matérielles considérables.

M. David Assouline.  - Amendez le texte !

M. Jean-Pierre Bel.  - Parlons-en !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La démocratie coûte trop cher ?

M. Dominique Braye.  - Vous cherchez à noyer le poisson.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le développement du vote par correspondance, sous format papier ou par voie électronique, ne paraît pas être une alternative satisfaisante. Les risques de fraude, qui ont conduit à son interdiction en 1975 pour les scrutins politiques nationaux ou locaux, n'ont pas disparu. (On cite la ville de Perpignan à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Parlez du fond !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ne nous empêchez pas de parler du fond, nous y sommes.

Enfin la suppression des députés du collège électoral sénatorial, théoriquement justifiée par le fait qu'élus directement par le peuple pour représenter la Nation, ils ne représentent donc pas les collectivités territoriales, va à l'encontre d'une tradition solidement établie et peut-être de l'harmonie entre députés et sénateurs. Les députés ne constituent de toute façon que 0,4 % du collège électoral.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Alors supprimez-les !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Pour ce qui est de la part respective du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle, nous avons beaucoup de mal à arrêter le curseur. Jusqu'à la loi du 10 juillet 2000, la représentation proportionnelle n'était en vigueur que dans les départements où sont élus au moins cinq sénateurs, ce qui correspondait à 35 % des sièges. La loi de 2000 l'a appliquée aux départements où sont élus au moins trois sénateurs, soit plus de 70 % des sièges.

M. Dominique Braye.  - Ils aiment la proportionnelle : ainsi, c'est le parti qui décide.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La loi du 30 juillet 2003 la réserve aux départements où sont élus au moins quatre sénateurs. 52 % des sièges sont donc attribués au scrutin proportionnel, 48 % au scrutin majoritaire.

M. Dominique Braye.  - Si ce n'est pas de l'équilibre...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Faut-il une fois de plus changer la règle et revenir au système prévu par la loi de 2000, (oui, s'exclame-t-on à gauche. non, clame-t-on à droite) le scrutin proportionnel s'appliquant à près des trois quarts des sièges de sénateurs ? La question ne paraît pas taboue.  Ah ! » sur les bancs de la gauche) Elle ne semble pas non plus avoir de conséquences politiques significatives. Augmenter la place de la proportionnelle, souhait partagé par Jean-Pierre Bel et moi-même lors des auditions, permettrait sans doute d'accélérer la féminisation de notre assemblée, (« Ah ! » sur les bancs de la gauche) et d'éviter une représentation monocolore de certains départements.

Mme Nicole Bricq.  - C'est déjà ça !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Elle donnerait en revanche aux partis politiques un poids supplémentaire dans le choix des candidatures...

M. Jean-Pierre Demerliat.  - Selon l'article 4 de la Constitution, les partis concourent à l'expression du suffrage.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ... et déséquilibrerait le partage par moitié entre la proportionnelle et le scrutin majoritaire fixé en 2003.

En conclusion, votre commission souhaite poursuivre sa réflexion sur la définition du collège électoral sénatorial...

Voix à droite.  - Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - ... et vous proposera d'opposer la question préalable à ce texte qui, en l'état, n'est pas conforme à l'article 24 de la Constitution et introduit certaines dispositions qui mériteraient un débat beaucoup plus approfondi.

MM. Jean-Pierre Caffet et Claude Domeizel.  - Faisons-le !

A gauche.  - Débattons-en !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les pistes de réflexion esquissées lors des auditions permettraient peut-être de renforcer juridiquement certains aspects de la proposition de loi de nos collègues socialistes. J'y reviendrai en défendant cette question préalable. Je vous remercie quand même ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Carrère.  - Cet exercice vous a coûté !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - (Applaudissements à droite et au centre) Cette proposition de loi préconise, à quelques semaines des élections sénatoriales, de modifier les règles électorales en créant deux collèges supplémentaires, en modifiant la représentation des communes sur une base démographique, en abaissant le seuil d'application du scrutin proportionnel et en modifiant les conditions d'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Il s'agit là d'une question importante, et l'on peut s'interroger périodiquement sur l'adéquation des institutions aux évolutions du pays. Pour autant, la méthode choisie a été peu respectueuse de la tradition républicaine, qui aurait voulu que l'on confie d'abord à votre assemblée son examen en première lecture. (On applaudit à droite)

M. René Garrec.  - Bravo !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous êtes, monsieur le président, directement concerné par cette proposition examinée en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 mai.

Sur le fond, cette proposition présente de lourdes difficultés juridiques. Elle est, tout d'abord, inconstitutionnelle en l'état du droit. L'article 24 de la Constitution prévoyant que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales », toute réforme sur ce sujet apparaît prématurée alors qu'un projet de révision constitutionnelle est en cours.

Cette proposition de loi n'est pas conforme à la position donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000, censurant une loi envisageant la désignation des délégués des communes sur la base d'un délégué pour trois cents habitants. Le Conseil constitutionnel a estimé que l'importance accordée à ces délégués au sein des collèges électoraux irait au-delà de la simple correction démographique. Il a par ailleurs rappelé que le Sénat doit être élu par un corps électoral qui est l'émanation des collectivités territoriales et essentiellement composé de membres de leurs assemblées délibérantes. Ces arguments s'opposent également à la création de délégués des conseils généraux et des conseils régionaux. La création de 45 800 délégués des conseils régionaux et d'autant pour les conseils généraux marginaliserait au sein du corps électoral les conseillers régionaux et les conseillers généraux, élus du suffrage universel, qui ne représenteraient plus que 4 % et 8 % de leur collège électoral. Cette proposition de loi aboutirait donc inévitablement à la censure du Conseil constitutionnel.

Ensuite, les solutions proposées pour renforcer la représentativité du Sénat ne semblent pas adaptées. 52 % des sénateurs sont déjà élus à la représentation proportionnelle. L'abaissement du seuil aux départements comptant au moins trois sénateurs ne s'impose donc pas, comme l'a reconnu la représentation nationale lors du vote de la loi de juillet 2003. Enfin, la proposition de fixer à 30 % la part des représentants des départements et des régions n'a pas de justification démographique ou institutionnelle, notamment au regard du principe d'égalité des collectivités territoriales entre elles. (Marques d'ironie à gauche)

La mise en oeuvre de cette proposition pèserait lourdement sur l'organisation des scrutins. L'extension du collège sénatorial, qui passerait d'environ 138 000 à 305 000 grands électeurs, poserait de graves problèmes techniques et entraînerait des dépenses supplémentaires, notamment avec l'obligation de prise en charge des frais de transport des délégués. (Protestations à gauche. M. Bertrand Auban propose de s'y rendre à vélo) Elle poserait en outre la question de l'organisation et de la valeur d'élections au suffrage universel indirect avec un corps électoral aussi vaste, comptant plus de 5 000 grands électeurs dans les départements urbains, voire plus de 10 000 dans les plus peuplés.

M. Claude Domeizel.  - Ce n'est pas plus coûteux que l'intervention du Président de la République devant le congrès !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le dispositif prévu pour l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger pose également de grandes difficultés. La désignation de 4 580 délégués complémentaires multiplierait leur corps électoral par trente, compliquant l'organisation du vote sans améliorer leur représentativité.

M. Jean-Pierre Bel.  - Ils sont 3 millions !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les solutions envisagées pour faire face à une telle augmentation du corps électoral ne sont guère satisfaisantes : le recours au vote par correspondance est interdit depuis 1975 en raison des fraudes constatées, et le vote par Internet poserait des problèmes de fiabilité et de crédibilité. Sa validité au regard des exigences de secret du vote prévues à l'article 3 de la Constitution demeure en outre incertaine.

Alors que le débat sur l'avenir de nos institutions est engagé, (on l'estime mal engagé à gauche) dans la perspective de la réunion du Congrès en juillet prochain, cette proposition de loi n'apparaît pas opportune. (Protestations à gauche) Il convient de réserver les propositions concernant l'ensemble de notre organisation institutionnelle à ce prochain débat. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut soutenir ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Hugues Portelli.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP) Cette proposition de loi a de quoi surprendre. Non que l'on ne puisse la replacer dans la longue histoire du projet de démantèlement par la gauche de l'institution sénatoriale, pilier essentiel du bicamérisme. (Exclamations à gauche) Notons cependant que l'attitude de la gauche n'a pas toujours été constante. Les radicaux, principale force de la gauche sous la IIIe ont, jusqu'à l'aube des années trente, Georges Clémenceau en tête, milité pour la suppression pure et simple de la seconde chambre jusqu'à ce qu'ils en acquièrent la majorité, et que toute critique disparaisse, comme par enchantement.

En 1945, la gauche marxiste... (On s'amuse à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Décidément, Karl Marx vous obsède !

M. Hugues Portelli. - ...devenue majoritaire, inscrit la suppression du Sénat dans son projet constitutionnel de mai 1946, au motif que la Chambre haute avait été à deux reprises responsable de la chute du gouvernement Blum du Front populaire. La critique disparut avec le ralliement de la SFIO à la troisième force...

En 1958, l'échec de la classe politique traditionnelle, laminée aux élections législatives, fit du Sénat le refuge de la gauche, François Mitterrand en tête.

M. Yannick Bodin.  - Vous le rangez déjà à gauche à cette époque ?

M. Hugues Portelli.  - Bastion de l'opposition antigaulliste, le Sénat fut alors épargné par la critique des socialistes, qui soutinrent Alain Poher à la présidentielle de 1969, dès le premier tour pour certains...

M. Yannick Bodin.  - Quelle mauvaise foi !

M. Hugues Portelli.   - Il faudra attendre la double victoire de la gauche, en 1981, pour la voir revenir à la charge contre le Sénat. Une victoire, toujours possible, de la gauche sénatoriale dans les années à venir ferait-elle à nouveau taire les critiques (exclamations à gauche), désignant ce texte comme un pur instrument de circonstance ? (Nouvelles exclamations)

Regardons-y de plus près cependant. Le Sénat étant l'assemblée représentative des collectivités territoriales et des Français de l'étranger, on était en droit d'attendre une proposition tendant à renforcer la nature démocratique d'un système électoral reposant sur le scrutin indirect.

Certes, comme tout mode de désignation, celui des sénateurs est perfectible et souffre de plusieurs défauts.

M. Jean-Louis Carrère.  - Clause de style !

M. Hugues Portelli.  - C'est ainsi le cas de la composition du collège électoral. Dans le collège des électeurs municipaux, la prime majoritaire de 50 % des sièges pour les communes de plus de 3 500 habitants ne donne à la représentation proportionnelle qu'un poids secondaire, puisqu'une liste peut, en l'emportant avec moins de 40 % des suffrages, disposer d'une majorité confortable au conseil municipal et détenir ainsi la très grande majorité des électeurs sénatoriaux, les autres listes en étant réduites à la portion congrue.

De même, les inégalités considérables dans le découpage et le poids démographique des cantons pèsent sur le résultat des élections cantonales et donc sur la répartition des électeurs sénatoriaux du département. La coexistence de deux systèmes différents, l'un majoritaire dans les départements ruraux, l'autre proportionnel pour les départements urbains, a aussi pour conséquence, au-delà des inégalités de représentation largement atténuées par les réformes de ces dernières années, de permettre une stricte parité hommes-femmes dans les seconds...

M. Jean-Louis Carrère.  - Sauf quand vous doublez les listes pour y échapper !

M. Hugues Portelli.  - ...et de rendre cette parité marginale dans les premiers.

De même, l'émiettement des communes en France, qui n'a pas d'équivalent en Europe, aboutit à leur surreprésentation, au détriment des autres échelons de collectivités.

C'est sur ces distorsions bien connues que s'appuient les adversaires du bicamérisme pour critiquer la légitimité de la deuxième chambre, oubliant au passage celles qui affectent l'élection des députés...

On est loin d'une proposition de réforme qui s'attacherait à prolonger l'action de rénovation courageuse engagée ces dernières années par la majorité sénatoriale -abaissement de l'âge d'éligibilité, réduction de la durée du mandat qui rapproche l'élection des sénateurs du calendrier des élections locales, rééquilibrage du nombre de sièges au profit des départements urbains...

M. Guy Fischer.  - A peine !

M. Hugues Portelli.  - ...progrès de la parité grâce à l'extension de la représentation proportionnelle de liste. (Exclamations à gauche)

Mais il est vrai que tel n'est pas l'objectif. Certes, on nous propose bien un époussetage du système avec, par exemple, le retrait des députés du collège électoral, mais l'essentiel est ailleurs, et c'est un gigantesque tour de passe-passe ! Il ne s'agit de rien moins que de substituer les délégués des partis aux représentants des collectivités territoriales.

M. Jean-Louis Carrère.  - Qui n'ont rien à voir avec les partis !

M. Jean-Pierre Bel.  - Vous voulez dire qu'il n'y a rien de cela à l'heure actuelle ?

M. Hugues Portelli.  - Dans les communes, en imposant un délégué pour 300 habitants, seraient créés 76 000 délégués nouveaux, choisis, dans leur majorité, non parmi les élus locaux mais par les appareils de parti. Dans les départements, le collège électoral passerait de 3 857 élus cantonaux à 45 791, soit un élu local pour 11 militants des partis. Dans les régions, même manipulation : 1 722 élus régionaux complétés par 44 000 délégués soit 26 militants pour un élu local.

Le même tour de passe-passe ferait passer les grands électeurs représentants des Français de l'étranger de 155 à 4 735.

Au total, le collège électoral doublerait, passant de 144 000 à 305 000 électeurs, non pour démocratiser le système mais pour donner la majorité absolue à des délégués de partis sans aucune légitimité démocratique. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous dites n'importe quoi. Selon vous, les régions, les départements, ce sont les partis !

M. Yannick Bodin.  - C'est de la provocation !

M. Hugues Portelli.  - Voilà bien un défi aux règles démocratiques ! Substituer à l'élection directe des grands électeurs, à l'occasion des élections locales, source de la légitimité du Sénat, un collège partisan, issu du choix des appareils de partis...

M. Jean-Louis Carrère.  - L'orateur qui s'exprime à cette tribune n'est-il pas un délégué de l'UMP ? Cela n'a rien de honteux ! On se demande ce qu'il a contre les partis...

M. Hugues Portelli.  - ...dont la faible représentativité est notoire. Et en quoi les délégués désignés par les partis, sans qu'aucun électeur n'ait eu son mot à dire, seraient plus légitimes que les grands électeurs ? Seront-ils libres dans leurs choix ? Seront-ils au fait des enjeux ? Sous prétexte d'assurer l'égalité entre les différents types de collectivités, vous court-circuitez le suffrage universel ! (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP)

Sans compter que votre proposition de loi viole ouvertement la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait censuré, en 2000, une loi élaborée par le gouvernement Jospin qui instaurait automatiquement un délégué municipal pour 300 habitants, quelle que soit la taille des communes, créant un nombre de grands électeurs choisis en dehors des conseils municipaux qui allait bien au-delà de la simple correction démographique. Dans certains départements, ils pouvaient être majoritaires ! Or « la prise en compte des évolutions de la population », aussi bien dans la représentation des différentes collectivités au sein d'un département que dans la répartition entre départements, ne signifie pas que le Sénat puisse être élu par d'autres délégués que les membres des assemblées délibérantes locales. De même, l'équilibrage démographique de la représentation ne peut aller jusqu'à remettre en cause la représentation minimale de tous les territoires qu'exige la Constitution, y compris pour l'élection des députés.

Votre texte, qui va à la caricature, n'est en aucun cas recevable. Il témoigne, de surcroît, d'une incompréhension majeure de la nature et du rôle du Sénat.

M. Yannick Bodin.  - On ne comprend au contraire que trop bien ce que vous entendez en faire !

M. Hugues Portelli.  - Dans un système bicaméral, les deux chambres n'ont pas vocation à jouer un rôle identique. (On s'amuse à gauche) Notre tradition républicaine française veut que le travail de la seconde chambre repose sur l'examen attentif des textes, enrichi par l'expérience de gestion locale de ses membres. Que serait un Sénat converti en une assemblée de militants dépourvus de l'expérience de gestion, de la culture juridique et financière de l'élu local, n'ayant pour seul bagage que l'idéologie de leur parti. (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce qui est idéologie à gauche est sens aigu du politique à droite !

M. Henri de Raincourt.  - Très bien !

M. Hugues Portelli.  - Comment préserver, à ce compte, le climat de tolérance réciproque qui fait la qualité de cette assemblée et la technicité du travail législatif qui y est accompli ?

Si la réforme du mode de désignation des sénateurs doit rester à l'ordre du jour, elle ne peut en aucun cas emprunter la voie anti-démocratique que vous nous proposez.

Dans un pays qui souffre d'un empilement des échelons locaux et d'un émiettement communal hérité d'un autre âge, la réforme de l'État territorial doit précéder la réforme du bicamérisme, afin de resserrer son lien avec le tissu démocratique local, car là est la véritable exception française. Nous devons poursuivre sur la voie tracée depuis six ans par la majorité sénatoriale. (On approuve à droite)

En votant la question préalable sur un texte anticonstitutionnel et antidémocratique, le groupe UMP n'entend pas se figer dans une attitude conservatrice. (Exclamations à gauche) Il souhaite que le débat légitime sur l'élection des sénateurs respecte les principes essentiels de notre tradition républicaine. (Applaudissements sur les bancs UMP et quelques bancs au centre)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Vous n'avez pas toujours dit ça !

Mme Éliane Assassi.  - (Applaudissements à gauche) Peut-on débattre des institutions sans aborder la question des modes de scrutin ? Là est la question. Le débat sur la révision de la Constitution s'est conclu hier, à l'Assemblée nationale, par un échec pour le Président de la République et son Gouvernement. La majorité des trois cinquièmes aura bien du mal à être réunie. Ce projet de modernisation de la Ve République ne poursuit au vrai qu'un objectif : renforcer les pouvoirs du Président de la République, au détriment du pouvoir législatif et du gouvernement, responsable devant lui.

La réforme de M. Sarkozy, loin d'améliorer les droits du Parlement, confirme son abaissement. Car qu'est-ce que renforcer le Parlement, sinon renforcer d'abord sa représentativité. Or, la Constitution de 1958 a, fort habilement, installé un véritable verrou législatif au profit de la droite parlementaire en pérennisant la domination conservatrice dans la seconde chambre.

Michel Debré avait bien retenu les leçons de l'histoire : face au peuple, rien de tel qu'une seconde chambre à la modération garantie par un scrutin dont l'injustice est savamment calculée. Ainsi, le Sénat est depuis toujours à droite.

Malgré la domination actuelle de la gauche dans les collectivités territoriales, il faudra attendre 2014 pour assister à un éventuel basculement, à moins que le Gouvernement et l'UMP ne bricolent d'ici là le mode de scrutin. (Applaudissements à gauche) Il est d'ailleurs curieux que M. Fillon et l'UMP s'empressent de modifier le scrutin régional et de redécouper les circonscriptions, sans remédier au scandale démocratique du Sénat actuel.

M. Christian Cointat.  - Modérez vos propos !

Mme Éliane Assassi.  - Existe-t-il en Europe une assemblée élue au suffrage indirect par moins de 138 000 grands électeurs et disposant de pouvoirs aussi vastes, notamment constitutionnel ? (A droite, on estime que oui)

La modernisation de la Vème République exige sa démocratisation. L'heure est venue de changer le Sénat. La droite ne peut reconnaître cette nécessité et renoncer à chaque fois !

Le 12 juin 2003, M. Devedjian, chef de l'UMP, a déclaré que la gauche devait s'en prendre à elle-même si elle était insuffisamment représentée au Sénat, avant de conclure : « qu'elle fasse le travail d'implantation sur le territoire ». Ses voeux ont été exaucés, puisque la droite est aujourd'hui minoritaire dans les régions, les départements, les grandes villes et les villes moyennes. Nos concitoyens vivent en grande majorité dans des collectivités territoriales dirigées par la gauche.

L'heure d'une réforme semble approcher. Rappelez-vous : lorsqu'il était candidat, M. Sarkozy a publiquement envisagé d'introduire une dose de proportionnelle au Sénat.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il a tout envisagé !

Mme Éliane Assassi.  - Pendant la campagne des élections législatives, l'UMP a inscrit dans son programme l'évolution démocratique du Sénat. Le lendemain du scrutin, M. Devedjian -toujours lui- a vanté la « représentativité et la dynamique » nouvelles que la proportionnelle intégrale donnerait au Sénat. Plus récemment, le comité Balladur a souligné que les zones faiblement peuplées ne devaient pas « être représentées au détriment de celles qui le sont davantage » et inscrit à l'article 24 que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales en fonction de leur population ». A cette formulation trop audacieuse, le Gouvernement a préféré une expression plus souple permettant de ne rien changer : « en tenant compte de la population ».

Alors que les communes de moins de 1 000 habitants représentent 16,5 % de la population mais désignent 30 % des grands électeurs, le Gouvernement et sa majorité décident de ne rien changer à un Sénat archaïque et conservateur.

M. Sarkozy, qui aurait volontiers vendu le Sénat pour obtenir son discours du trône, a laissé inscrire sur le site Internet de l'Élysée : « le projet de révision prévoit une réforme du collège électoral pour améliorer la représentativité du Sénat ». C'était aller un peu vite en besogne...

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le groupe socialiste a déposé une proposition de loi qui rejoint largement celle que nous déposions depuis des années. Après quelques contorsions, certainement provoquées par des interventions élyséennes, la majorité oppose la question préalable au motif de ménager le temps de la réflexion, engagée pourtant depuis la réforme proposée par le Gouvernement Jospin, il y a neuf ans. Le rapport remis en juillet 2002 par un groupe de travail que présidait M. Hoeffel préconisait de modifier le collège électoral. Mais la droite demeure arc-boutée sur son bastion.

Par certains aspects, le rapport de M. Lecerf est pathétique. (Marques d'indignation à droite et au centre) Aux arguments incontestables fondés sur l'absence d'alternance, il oppose un Sénat, principal opposant au général de Gaulle entre 1962 et 1968, tout en oubliant la mobilisation populaire, dont le point d'orgue fut mai 68. (Vifs applaudissements à gauche) Il mentionne même M. Poher, président du Sénat, comme candidat d'opposition à M. Pompidou. En hommage au véritable principal candidat de l'opposition en 1969, rappelons que pour Jacques Duclos, MM. Pompidou et Poher c'était « blanc bonnet et bonnet blanc ». (Applaudissements à gauche)

Même l'idée de renforcer le collège des Français de l'étranger ne trouve pas grâce à vos yeux, au nom de son coût trop élevé. Pour vous, la démocratie est trop onéreuse.

Pourtant, le blocage de la droite mettra en cause la légitimité du Sénat, car l'injustice provoquée par ce scrutin d'un autre âge compromet le bicamérisme. Celui-ci doit être un outil supplémentaire mis à la disposition du peuple pour que la citoyenneté devienne réalité. (M. Bret approuve) Comment laisser perdurer cet alliage antidémocratique entre le scrutin majoritaire uninominal pour la moitié des sièges, l'élection indirecte, un collège électoral restreint, le renouvellement par moitié et un âge plus élevé qu'à l'Assemblée nationale pour accéder au mandat ? Tout cela débouche sur une assemblée presque aussi conservatrice que la Chambre des Lords !

M. Jean-Louis Carrère.  - Et vous n'êtes pas des Lords !

Mme Éliane Assassi.  - Comment qualifier une assemblée comprenant des sénateurs élus par dix grands électeurs -à Saint-Martin- ou par 23 -par exemple à Saint-Barthélemy ? (Applaudissements à gauche)

Le cas de Saint-Martin et Saint-Barthélemy est emblématique, puisque ces deux sièges ont été créés pour conforter l'actuelle majorité de droite, qui s'abrite derrière la décision rendue le 6 juillet 2000 par le Conseil constitutionnel. Ainsi, une seconde chambre qui pêche par une assise démocratique insuffisante utilise la jurisprudence d'une juridiction dont la légitimité est parfaitement contestable ! Faudra-t-il attendre vingt ans pour que les membres du Conseil constitutionnel modifient leur positionnement politique ? Car la décision du 6 juillet 2000 était contestable sur le plan juridique, le Conseil ayant fait prévaloir l'article 24 de la Constitution sur la clé de voûte démocratique énoncée à l'article 3, qui institue l'égalité devant le suffrage. Mais surtout, pourquoi la majorité sénatoriale ne modifie-t-elle pas la Constitution pour imposer cette évolution démocratique au Conseil constitutionnel ?

Élargir le collège électoral est une exigence démocratique. Renforcer la proportionnelle également, car ce mode de scrutin, qui assure le pluralisme, favorise aussi la parité et le renouvellement des élus. Il faudrait restreindre le cumul des mandats. Enfin, il faudra aligner l'âge de l'éligibilité au Sénat sur celui des députés.

Cette représentativité sénatoriale améliorée devra s'accompagner d'une mutation de son rôle, car la seconde chambre ne doit plus freiner l'assemblée élue au suffrage universel direct. Le droit de veto du Sénat doit disparaître, car il doit devenir une interface entre la Nation et le pouvoir exécutif. Parmi d'autres fonctions, le Sénat pourrait devenir la chambre de l'initiative populaire, législative ou référendaire.

Notre système institutionnel manque d'un lieu de respiration démocratique rapprochant le peuple et les centres de décision. L'attitude de la droite sénatoriale est dangereuse, car la sclérose de la vie démocratique bloque la société française.

Nous voterons bien sûr la proposition de loi du groupe socialiste, malgré les réserves exprimées en commission par Mme Borvo Cohen-Seat quant à la création d'un important collège électoral désigné par les conseillers généraux et régionaux, qui pérennise le Sénat comme représentant des territoires.

Nous rejetons la question préalable d'un autre temps, déposée par la majorité sénatoriale. (Applaudissements nourris et prolongés à gauche)

M. Guy Fischer.  - Excellent !

M. Michel Mercier.  - (M. Fischer : « Que rien ne bouge ! » ; Mme Khiari : « C'est l'option centriste ! ») La question posée par la proposition de loi déposée par M. Bel existe depuis que ce pays possède une seconde chambre. Elle est extrêmement importante et mérite une étude approfondie. Je souhaite l'aborder dans un esprit serein.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Comment écrivez-vous cela-? (Rires)

M. Michel Mercier.  - Toujours de la même façon. Vos interpellations sont toujours bienvenues et marquées au coin du bon sens, comme nous le constatons encore. Ce n'est pas demain la veille que vous arriverez à me démonter. (Applaudissements et rires à droite)

La question abordée par le texte est très importante à mes yeux, car je suis attaché au bicamérisme. Or, on ne peut l'être sans s'interroger en permanence sur la légitimité de la deuxième chambre. (On ironise sur les bancs socialistes)

Si nous défendons le bicamérisme, il est essentiel que nous ayons un Sénat incontestable. Aujourd'hui, nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi de nos collègues socialistes. Ils prétendent que les choses ne changent pas : ce n'est pas exact. Le Sénat est élu par les représentants des collectivités territoriales ; nous n'avons pas gagné les dernières élections locales, et d'autres non plus. Il se produira donc un changement lors des prochaines élections sénatoriales, au mois de septembre : 102 sièges doivent être renouvelés, dont 34 appartiennent à la gauche. Si j'écoute ce que l'on dit, et notamment ce que disait hier M. Bel à la télévision...

M. Jean-Pierre Bel.  - Où j'étais en votre compagnie...

M. Michel Mercier.  - ...la gauche devrait gagner 15 sièges et 49 sièges sur 102, ce n'est pas la même chose que 34 sur 102 : vous voyez bien que les choses changent ! (Marques d'ironie à gauche) Si je prends l'exemple du Rhône, puisque nous sommes nombreux cet après-midi à représenter ce département, les principales villes qui comptent 742 000 habitants, soit 47 % de la population du département sont désormais gérées par la gauche. Ces villes désignent 856 électeurs, soit 28,7 % du collège électoral sénatorial : ce n'est évidemment pas assez. (Marques d'approbation à gauche) Il faut donc apporter un remède à cette situation. Mais nous devons aller au bout de la réflexion et considérer le mode de désignation des électeurs sénatoriaux. Dans les six villes dont j'ai parlé, la gauche a remporté 57,91 % des voix ; or, étant donné le mode de scrutin municipal, elle regroupe 77,33 % des grands électeurs.

M. Jean-Pierre Bel.  - C'est la démocratie représentative !

M. Michel Mercier.  - Ce sont des faits, et il faut partir des faits si l'on veut progresser. (Applaudissements au centre et à droite) Certes, les villes ne sont pas assez représentées au Sénat, et si nous voulons aller vers une plus grande adéquation avec la réalité du pays, il faut faire bouger les choses. Mais il faut aussi savoir que le scrutin indirect n'est pas le scrutin direct (murmures à gauche), il produit toujours une distorsion, et c'est normal : il ne donne pas les mêmes résultats que le scrutin direct.

Tous ensemble, nous devons donc déterminer quel degré de distorsion est acceptable, au regard des principes démocratiques.

M. Christian Cointat.  - Ce n'est pas une distorsion, mais une rémanence !

M. Michel Mercier.  - Nous avons eu tort de ne pas aller jusqu'au bout de la proposition de loi présentée il y a quelques années par M. de Raincourt, qui permettait de faire avancer les choses.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On dit ça à chaque fois !

M. Michel Mercier.  - Aujourd'hui, la proposition de loi du groupe socialiste vise à modifier la composition du corps électoral et le mode de scrutin pour la désignation des sénateurs. Pour ce qui est de la composition du corps électoral, j'ai déjà dit que nous étions disponibles pour rendre celui-ci plus proche de la réalité de la société d'aujourd'hui. Si nous ne tenons pas compte de l'évolution démographique et du développement des villes, nous disqualifierons le Sénat.

Nous souhaitons donc avancer sur ce point. En ce qui concerne le mode de scrutin, j'appartiens à une formation politique. J'entends dire que ce sont les partis politiques qui détermineront le mode de scrutin ; mais c'est bien normal. Nous sommes des élus politiques, et nous voulons l'être !

Plus on est minoritaire -c'est mon cas-, plus on est favorable à la proportionnelle : c'est évident. Ceux qui pensent obtenir la majorité sans ce mode de scrutin lui sont défavorables. Je suis donc un fervent partisan de la proportionnelle, modérée, encadrée au Sénat, mais aussi, pour une part, à l'Assemblée nationale. Mais il ne faut pas exagérer l'incidence du mode de scrutin : sa modification n'aura pas plus de conséquences que les résultats des élections qui ont déterminé le corps électoral. Ce n'est pas le mode de scrutin qui change, ce sont les électeurs !

Cette proposition de loi doit-elle être votée aujourd'hui ? Nous sommes tous malins, puisque nous sommes sénateurs. (Rires) Il n'a échappé à personne que la proposition de loi socialiste, dans l'état actuel des choses, est inconstitutionnelle. Il faut voter le projet de loi constitutionnelle du Gouvernement, et modifier l'article 24 de la Constitution : alors seulement nous pourrons modifier le mode d'élection des sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Éventuellement !

M. Michel Mercier.  - Je sais qu'il faut armer le dialogue avant la discussion du projet de loi constitutionnelle, et la proposition de loi socialiste soulève un vrai problème. Mais la réponse qu'elle apporte n'est pas achevée. (Murmures à gauche) Elle n'est pas achevée mais je souhaite qu'on avance sur cette question importante et je demande au président du Sénat de réunir les présidents de tous les groupes parlementaires, ainsi que le président de la commission des lois...

M.le Président.  - Avec plaisir !

M. Michel Mercier.  - ... afin de reprendre la question, et de faire en sorte que le Sénat soit incontestable et que nous ayons en France un vrai bicamérisme. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bernard Frimat.  - A l'issue de la discussion générale, la majorité sénatoriale adoptera, sauf si elle est saisie par un improbable sursaut démocratique, la question préalable. Elle aura ainsi atteint un triple objectif : repousser le danger, conserver le statu quo et conforter sa situation privilégiée. Peu vous importe les changements intervenus dans la réalité des collectivités territoriales depuis cinquante ans : le Sénat doit rester indifférent à cette mutation et la composition de son collège électoral inchangée, car elle constitue le verrou de l'alternance. Or rien ne justifie que le Palais du Luxembourg demeure la seule assemblée élue du monde démocratique interdite d'alternance.

Cette situation ne vous trouble pas, même si elle met en cause la représentativité du Sénat et, à terme, sa légitimité. Pourtant, hors de cet hémicycle, tout le monde ou presque s'accorde à dire que la représentativité du Sénat doit être améliorée. Il y a moins de dix ans, un sénateur, dont il se murmure qu'il aspire à occuper la plus haute fonction du Sénat, et des sénateurs qui y occupent aujourd'hui d'éminentes fonctions - Henri de Raincourt, président du groupe UMP, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, Jean Arthuis, président de la commission des finances, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, avaient admis la nécessité d'un changement. Il y a dix ans, le moment était donc venu, mais en 2008, ce n'est plus le cas ? Les résultats des élections locales sont sans doute responsables de ce revirement. Les convictions n'y ont pas résisté, et l'ardeur réformatrice de nos excellents collègues s'est refroidie. Il est devenu urgent de ne rien changer. Le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République a évoqué, sans ambiguïté, la nécessité de modifier le collège électoral sénatorial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le Sénat, en réponse au projet de loi présenté par le gouvernement de M. Jospin, a examiné et voté en 1999 une proposition de loi qui est restée sans suite : nous avions déjà, à l'époque, la volonté de progresser !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous ne l'avez plus !

M. Bernard Frimat.  - Il est urgent pour vous de ne rien changer. Le Comité Balladur avait évoqué sans ambigüité la nécessité d'une modification du collège électoral sénatorial, celui-ci « favorisant à l'excès la représentation des zones les moins peuplées » ; il préconisait de garantir à chaque collectivité territoriale une représentation en fonction de sa population et d'assurer ainsi « un meilleur équilibre ». Son argument principal alliait simplicité et clarté : quelle que soit la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par la Constitution, les zones peu peuplées ne peuvent être représentées au détriment de celles qui le sont davantage.

L'article 3 de la Constitution dispose que députés et sénateurs sont les représentants du peuple qui exerce par leur intermédiaire sa souveraineté. La seule légitimité provient du suffrage universel, qui fonde la compétence générale des deux chambres. Le suffrage indirect, que nous ne remettons pas en cause, est une forme particulière du lien entre les citoyens et le Sénat : celui-ci ne peut s'affranchir du principe de l'égalité du suffrage.

Alors que nous allons débattre d'une révision constitutionnelle, il est inconcevable d'ignorer la question du collège sénatorial ; pire, de refuser d'en débattre. La proposition de loi du groupe socialiste était une tentative d'ouvrir le dialogue ; vous lui opposez une fin de non-recevoir. L'alternance démocratique dans cette assemblée est-elle pour vous à ce point un cauchemar que vous en soyez réduits à un blocage systématique ? La volonté de dialogue de M. le rapporteur, qui nous a semblé sincère lors de l'audition de M. Bel, n'a pas survécu aux délibérations du groupe UMP et aux choix du Gouvernement ; c'est regrettable. Nous souhaitions un signe positif qui aurait manifesté que Gouvernement et majorité entendaient avancer ; nous vous avions avertis qu'une réponse de procédure qui interdirait tout débat serait le pire des signes négatifs. C'est pourtant le choix que vous avez fait ; c'est pour vous le signe avant-coureur de l'échec.

Il eût été simple de nouer le dialogue, en opposant à notre proposition une contre-proposition ; mais cela eût obligé le Gouvernement et l'UMP à présenter des perspectives de modification. Vous vous êtes refusé à le faire, car il vous aurait alors fallu reconnaître le déni de démocratie qu'est la représentation particulière de la composition du Sénat.

Vous refusez le rétablissement de la proportionnelle pour les départements élisant trois sénateurs, qui existait en 2001 et que vous avez supprimée en 2003, avec deux arguments. Le premier est merveilleux : on ne peut revenir sur une loi modifiée. Que de temps vous allez gagner, monsieur le ministre, si vous reprenez cet argument lorsqu'il s'agira de la modification du scrutin régional ! Le second est qu'il existe au Sénat un équilibre entre le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire. Idée fausse. Dans quel cas en effet, au regard de l'article 24 de la Constitution, la diversité des collectivités territoriales est-elle le mieux représentée ? En 2004, où la proportionnelle n'a pas joué, et où sur sept départements élisant trois sénateurs, cinq appartenaient à la même famille politique ? Ou en 2001, où elle a joué, et où sur les dix départements élisant trois sénateurs, neuf étaient représentés par des élus de sensibilités différentes ? (Applaudissements à gauche) Les élus municipaux de 2001 ne se sont-ils pas sentis mieux représentés ? (Applaudissements à gauche) J'ajoute que sur les trente élus de 2001, huit étaient des femmes, et sur les vingt-et-un de 2004, une seule. Votre équilibre est pour le moins défaillant !

M. Christian Cointat.  - Au moins deux l'ont été par les Français de l'étranger !

M. Bernard Frimat.  - Celle qui a été élue l'a été à la proportionnelle ! Merci d'abonder dans mon sens ! (Rires et applaudissements à gauche) Il eût été plus franc pour vous de dire que si vous préférez le scrutin majoritaire, c'est parce qu'il assure à la droite, avec le collège actuel, une rente de situation !

M. Alain Vasselle.  - Vous êtes incapables de vous faire élire au scrutin majoritaire !

M. Bernard Frimat.  - Sur les trente élus de 2001, onze étaient de gauche ; sur les vingt-et-un de 2004, deux seulement ! C'est ce déséquilibre préférentiel qui justifie notre proposition.

Le Sénat, deuxième chambre, n'a pas, et c'est heureux, le dernier mot ; il n'est pas contraint de dégager une majorité de gouvernement. Diversifier sa représentation renforcerait sa légitimité. Mais obnubilés par le court-terme et la défense du statu quo, ni les députés, ni les sénateurs de la majorité n'ont saisi l'occasion que nous leur offrions. Vous n'avez pas mesuré les enjeux du débat sur l'existence même du Sénat. Les partisans du monocamérisme n'ont pas renoncé, pas plus que les tenants d'un Sénat élu au suffrage direct proportionnel au niveau des régions. En acceptant le dialogue, vous aviez la possibilité de parvenir à un large accord ; vous n'en avez pas voulu, c'est désormais votre problème. Votre refus augmente les risques qui pèsent sur la permanence de cette assemblée.

Le rapporteur a insisté sur le caractère inconstitutionnel de notre proposition de loi, au motif qu'elle ne respecte pas la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000, aux termes de laquelle le corps électoral du Sénat doit être essentiellement -voilà le noeud du problème- composé d'élus des collectivités territoriales. C'est en toute connaissance de cause que nous avons déposé notre texte : le processus en cours de révision de la Constitution rend cet argument caduc. Le projet de loi a été voté hier par l'Assemblée nationale et notre commission des lois, tout émue, en a entendu dans les minutes qui ont suivi une présentation par Mme Dati et M. Karoutchi.

Son article 9 est resté inchangé ; dans son exposé des motifs, le Gouvernement en définit ainsi l'objet : surmonter les contraintes résultant de la décision du 6 juillet 2000 qui interdit toute évolution de la composition du corps électoral dans le sens d'un équilibre plus juste en termes démographiques entre petites, moyennes et grandes communes. A l'article 34 est fixée la date des nouvelles dispositions électorales, soit, en l'état actuel des choses, 2011. Peu importe donc que notre proposition soit aujourd'hui inconstitutionnelle, puisque c'est à l'aune de la Constitution révisée qu'elle aurait été jugée !

M. Robert Badinter.  - Très bien !

M. Bernard Frimat.  - La majorité UMP qui soutient cette révision est donc mal fondée à invoquer un soi-disant obstacle juridique alors qu'elle vient de le lever à l'Assemblée nationale.

Le débat sur l'article 9 sera essentiel, car on ne peut disjoindre les modes de scrutin de la réforme des institutions (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Nous ne demandons pas la constitutionnalisation des modes de scrutin, mais qui peut nier qu'ils participent à l'équilibre et à la représentativité de notre démocratie ? Le Comité Balladur avait adopté à l'unanimité une préconisation incitant à modifier le collège électoral sénatorial « en fonction de sa population ». Cette formulation, qui figurait dans l'avant-projet de révision, a disparu au profit de l'expression « en tenant compte de la population », une expression plus souple, nous dit-on, qui ne ferait plus indirectement référence à la proportionnelle. C'est la reprise des termes mêmes employés par le juge constitutionnel en 2000 ; il sera donc très important que le Gouvernement nous confirme son exposé des motifs, et nous dise avec précision quelle conséquence il en tire sur la composition du collège électoral sénatorial. Une modification de la Constitution réduit à néant la jurisprudence constitutionnelle relative à l'ancienne rédaction car, par essence, le juge constitutionnel ne dispose et ne disposera jamais d'aucun pouvoir constituant. Le pouvoir n'appartient qu'au peuple ou à ses représentants réunis en Congrès. (Applaudissements à gauche)

Il semble que l'article 9 du projet de révision apparaisse à certains membres de la majorité comme un danger ; qu'ils craignent qu'il ne finisse par permettre une modification substantielle du collège électoral sénatorial et qu'en conséquence ils aient l'intention de s'y opposer, d'inventer même un verrou supplémentaire. Vous êtes les représentants du peuple et vous vous méfiez d'une référence à la population ? Représentant l'un, seule source de votre légitimité, vous craignez l'autre. C'est bien étrange ... Vous n'êtes pas perturbés par le nombre infime de grands électeurs de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, voire par le fait que cent cinquante cinq membres de l'Assemblée des Français de l'étranger élisent douze sénateurs ; mais que l'émergence des départements et des régions, que l'évolution démographique des six dernières années puissent être prise en compte pour assurer un meilleur équilibre entre les grands électeurs des collectivités territoriales, voilà qui vous est insupportable.

Vous commettez une double erreur, celle de prendre les communes rurales pour votre propriété, alors qu'elles subissent de plein fouet les dégâts de votre politique, désertification, suppression de petits hôpitaux, fermeture de classes, disparition des services publics, en un mot le désengagement de l'État ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Dominique Braye.  - Hors sujet !

M. Bernard Frimat.  - Seconde erreur, vous vous faites les adversaires des villes, en minorant systématiquement leur représentation, à l'inverse du mouvement de la société !

Le rejet de notre proposition ne sera qu'une péripétie, vous devrez demain en assumer les conséquences. En dépit de vos combats d'arrière garde pour travestir l'expression du suffrage universel, je forme le voeu que la démocratie finisse par trouver le chemin du Palais du Luxembourg : le Sénat mérite mieux qu'une impossible alternance ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Quarante ans après mai 68, vous nous rajeunissez en nous poussant à reprendre son célèbre slogan « ce n'est qu'un début, continuons le combat » ! (Vifs applaudissements à gauche, accompagnés de claquements de pupitres au rythme du slogan)

Délégation étrangère

M. le président.  - J'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans la tribune officielle, d'une délégation de députés de l'Assemblée de la République d'Albanie, conduite par son vice-président, M. Fatos Beja (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je ne peux résister au plaisir de préciser que les membres de la délégation sont tous francophones.

Après l'excellent accueil que nos collègues membres du groupe d'amitié France-Albanie ont reçu dans ce pays, en mars 2007, la délégation effectue à son tour une visite d'une semaine en France, à l'invitation du groupe d'amitié, que préside notre collègue M. Fournier.

Cette visite va contribuer à renforcer les excellentes relations qui existent entre nos deux pays et nos deux assemblées. Elle s'inscrit également dans le cadre plus large du rapprochement euro-atlantique de l'Albanie qui, après avoir conclu un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne en 2006, a été récemment invitée à rejoindre l'Otan.

Je forme des voeux pour que le séjour des membres de la délégation réponde à leur attente et je leur souhaite, en mon nom personnel et au nom du Sénat tout entier, la plus chaleureuse bienvenue ! (Applaudissements)

Élection des sénateurs (Suite)

M. le président. - Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi présentée par MM. Bel, Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l'élection des sénateurs.

Discussion générale (Suite)

M. Pierre Mauroy.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Après les deux discours remarquables de MM. Bel et Frimat, je me contenterai d'apporter un témoignage. En 1992, devenant sénateur, j'ai dit combien je n'acceptais pas cette anomalie au Sénat, condamnant l'opposition à rester dans l'opposition « à perpète ». Maintenant que je ne serai sénateur plus que trois ou quatre ans...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Peut-être davantage !

M. Pierre Mauroy.  - Non, je me retirerai. En tout état de cause, démonstration a été faite qu'il n'y a pas d'alternance au Sénat. « Quand la gauche perd, elle perd tout ; quand la droite perd, elle conserve le Sénat » : ce mot du constitutionnaliste Guy Carcassonne résume parfaitement la réalité du Sénat depuis la IIIe République, son obstination rare et unique à ne pas changer, qui égale l'exception de la Chambre des Lords !

Aucune réforme n'a réussi, pensez-vous sérieusement que cette situation puisse perdurer sans caricaturer la démocratie ? Pensez-vous sérieusement que les Français acceptent longtemps encore que l'assemblée censée représenter les collectivités locales soit d'une majorité différente de celle de 20 régions sur 22, de 58 conseils généraux sur 102 et de 60 % des communes ?

Mme Christiane Hummel.  - Ces chiffres ne vont pas durer !

M. Pierre Mauroy.  - Si le collège électoral ne change pas, on risque de voir la majorité inchangée !

Mme Christiane Hummel.  - Ce n'est pas un risque, mais une chance !

M. Pierre Mauroy.  - Cette situation est inacceptable, elle met gravement en cause la crédibilité de notre assemblée et de notre démocratie ! M. Jospin a dénoncé une « anomalie démocratique », elle pourrait devenir, en perdurant, un déni de démocratie permanent !

Personne d'entre nous ne met en cause le bicamérisme, garant de l'équilibre des pouvoirs. Le Sénat représente les collectivités, toutes connaissent l'alternance, pas lui. Bien de nos collègues ne mesurent pas le discrédit dont fait l'objet la Haute assemblée ! Sénateur depuis déjà seize ans, je souhaite un Sénat aux pouvoirs renforcés, je crois que notre travail est utile et de grande qualité, sans être toujours reconnu. Mais le Sénat doit s'adapter aux mutations de la société française, il doit être à l'unisson des Français, qui veulent plus de démocratie !

Les socialistes ont fait maintes propositions, avec lesquelles bien d'entre vous étiez d'accord, mais vous n'en avez jamais adopté aucune, comme s'il vous était impossible de passer de l'analyse à l'action ! Le collège électoral des sénateurs est inchangé depuis 1958, il surreprésente les petites communes alors que les trois-quarts des Français habitent en ville, alors que les régions et les départements sont devenus des acteurs essentiels de la vie publique ! Personne ne nie la nécessité d'une évolution, le comité Balladur critique la représentation excessive des zones faiblement peuplées : pourquoi vous obstinez-vous à ne rien faire ? Le Parlement débat d'un projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions, c'est l'occasion d'améliorer la représentativité du Sénat ! Vous ne le voulez pas et, tout comme les députés de droite, vous refusez le débat : vous faites preuve d'un conservatisme d'un autre temps !

Nos propositions n'ont pourtant rien de révolutionnaires : l'extension du collège des communes, conformément à la démographie ; la création d'un collège de délégués des régions et des départements ; l'extension de la proportionnelle aux départements, pour revenir aux dispositions de la loi de 2000 ; la démocratisation de l'élection des sénateurs des Français de l'étranger.

Votre refus est d'autant plus étonnant que le projet de loi constitutionnelle réécrit l'article 24 de la Constitution, précisant que le Sénat représente les collectivités territoriales en « tenant compte » de leur population. Soit dit en passant, cette formulation paraît peu conforme à l'interprétation du Conseil constitutionnel, qui avait censuré en 2000 une proposition de loi socialiste, et la représentation « en fonction » de la population est préférable.

Pourquoi une telle obstination contre la réforme, alors même que le Gouvernement affirme vouloir renforcer les droits du Parlement ? Les sénateurs socialistes, et au-delà tous les socialistes, font de cette réforme du mode d'élection des sénateurs, un préalable à la réforme constitutionnelle même ! (Applaudissements à gauche) Si vous vous obstinez, nous ne voterons pas la réforme constitutionnelle ! (Mêmes mouvements)

M. Dominique Braye.  - Vous mélangez tout !

M. Pierre Mauroy.  - Une réforme du mode de scrutin du Sénat est un acte extraordinaire parce que rare et nous devons mesurer les conséquences du choix politique que nous allons effectuer. Soit vous voulez redonner toute sa légitimité à notre assemblée et vous acceptez de discuter des articles contenus dans notre proposition. Soit vous le refusez, comme les députés de la majorité, et, une fois encore, une occasion sera perdue de faire du Sénat une grande assemblée démocratique. En outre, vous viderez en partie de son sens la réforme constitutionnelle en cours qui entend démocratiser et moderniser notre vie politique, et notamment redonner des droits au Parlement. Quand on veut une réforme, on la veut partout !

M. Dominique Braye.  - Marchandage !

M. Pierre Mauroy.  - Les Français jugeront de la distance, sur ce sujet comme sur tant d'autres, entre vos paroles et vos actes. Ils jugeront votre duplicité et finiront par s'en lasser. Si vous vous obstinez à refuser toute évolution, vous continuerez à vous situer hors du temps, vous ne serez plus seulement réactionnaires, vous serez tout simplement hors du temps par votre volonté de maintenir, coûte que coûte, une représentation sénatoriale rétrograde et anti-démocratique.

Prenez garde, l'histoire a été cruelle pour le Sénat sous les IIIet IVe Républiques. Sous la Ve, votre obstination vous perdra et vous vaudra d'être oubliés par l'Histoire.

M. Dominique Braye.  - Que d'emphase !

M. Pierre Mauroy.  - Au moment où vous voulez rénover la République vous devez, bien sûr, rénover le Sénat. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Lecerf, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative aux conditions de l'élection des sénateurs (n° 322, 2007-2008).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - (« Bravo ! » et applaudissements à droite) Je ne sais si l'Histoire a été cruelle avec le Sénat mais je sais surtout qu'elle a été cruelle avec ceux qui l'ont attaqué...

Mon adversaire et néanmoins ami Bernard Frimat nous dit que la représentation des collectivités territoriales en fonction de leur population règlerait le problème de la désignation des délégués sénatoriaux. Je ne le pense pas car les sénateurs demeureront toujours élus, pour une grande part, au suffrage universel indirect, par des élus. Il existe des solutions qui iraient dans le sens que vous souhaitez

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Alors, amendez !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je suis également surpris d'entendre dire qu'il ne s'est rien passé depuis la nuit des temps. Le réforme de 2003 a tout de même abaissé la durée du mandat de neuf à six ans et prévu le renouvellement par moitié pour accélérer l'impact des élections locales sur les sénatoriales. Au total, il y a eu davantage de progrès au Sénat qu'à l'Assemblée.

Toute modification du collège électoral des sénateurs devrait tendre à éliminer certains déséquilibres électoraux actuels.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tiens, tiens !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ensuite, nous devrions rester vigilants aux évolutions institutionnelles en cours. Enfin, des pistes d'évolutions suggérées lors des auditions et lors de la discussion en commission mériteraient peut-être un examen plus attentif.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Amendez donc !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - S'il convient d'adapter les conditions d'élection des sénateurs aux exigences d'une démocratie plus représentative de la population, encore faudrait-il résoudre au moins trois déséquilibres électoraux particulièrement sensibles aujourd'hui. Les limites actuelles des cantons, où sont élus les conseillers généraux, ne respectent plus le principe de l'égalité du suffrage. Dans le Nord, la population des cantons varie de 9 000 à plus de 60 000 habitants. Selon le ministère de l'intérieur, ces écarts de population, qui vont de 1 à 45 sur la France entière, vont être prochainement atténués par la redéfinition des cantons qui doit intervenir après le redécoupage des circonscriptions législatives. Ne serait-il pas opportun d'attendre cette nouvelle carte cantonale avant de procéder à l'augmentation massive des délégués de la collectivité territoriale départementale ?

Dans les communes ayant fait l'objet d'une fusion-association -comme celle de M. Mauroy-, la population des communes associées est prise en compte une première fois pour l'attribution des délégués relevant de l'ancienne commune, puis une seconde fois pour l'attribution des délégués revenant à la commune « absorbante ». Le législateur ne devrait-il pas interdire cette pratique, surprenante au regard du principe d'égalité ?

Enfin, dans les communes de 35 000 habitants et plus, les délégués des conseils municipaux confortent, lors de l'élection sénatoriale, l'importante disproportion constatée, lors du scrutin municipal, entre les suffrages exprimés par les électeurs et la répartition des sièges. A Paris, Lyon et Marseille, le scrutin municipal et le découpage en arrondissements peuvent même amener l'élection de candidats ayant obtenu moins de voix que leurs adversaires.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Amendez !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre collègue Jean-Claude Gaudin et notre ancien collègue Bertrand Delanoë en savent quelque chose. Ne devrait-on pas réfléchir à la détermination du nombre de grands électeurs dans ces communes ?

La montée en puissance des EPCI dans lesquels vivent aujourd'hui près de 87 % de nos concitoyens ne devrait-elle pas être prise en considération ? Ce ne sont pas des collectivités territoriales mais elles assument dans les faits nombre de leurs compétences et cela pose la question de l'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, notamment en ce qui concerne les communautés urbaines. Notre collègue Bernard Roman n'avait-il pas fait adopter un amendement en ce sens par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité ? Si une telle modification intervenait, ne devrait-elle pas logiquement entraîner celle du statut de ces EPCI et leur prise en considération dans le collège électoral sénatorial ?

De même, les interrogations récentes sur la pertinence des échelons départementaux et régionaux, ainsi que la possibilité d'accroître leurs liens, voire de les fusionner, devraient être prises en compte dans la réflexion sur la composition du collège électoral sénatorial. Je pense ici notamment au rapport Attali et à la proposition de loi des députés Jérôme Bignon et Jean-François Mancel.

Enfin, quelques pistes d'évolution pourraient être examinées dans le cadre d'une réflexion plus approfondie. Notre pays compte plus de 500 000 élus locaux et la proposition de nos collègues socialistes prévoit de faire passer le collège électoral sénatorial à 305 276 grands électeurs. Pour conforter, par exemple, la part des départements et régions dans le collège électoral sénatorial, sans que les conseillers généraux et régionaux ne soient noyés au milieu d'un grand nombre de délégués supplémentaires non élus, ne pourrait-on utiliser le vivier des élus locaux qui ne sont pas membres du collège électoral aujourd'hui, sans parler des remplaçants des conseillers généraux qui ont récemment été créés ? Ne pourrait-on imaginer l'élection des délégués municipaux le même jour que les élections municipales afin de conforter le lien entre délégués et élus et de simplifier leur mode de désignation ?

M. Jean-Pierre Bel.  - L'adoption de la question préalable va interrompre nos débats alors que vous avancez des arguments qui méritent discussion ; il y a une contradiction dans votre méthode ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'importance de la réforme que vous proposez rend illusoire la possibilité d'en discuter avant la révision constitutionnelle et je comprends mal le chantage auquel vous vous livrez sur le vote de cette révision...

M. Dominique Braye.  - Ce n'est pas du chantage, c'est du sabotage !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ...puisque, en refusant de la voter, du moins de voter son article 9, vous rendez le verrou du Conseil constitutionnel incontournable. Pour lever ce verrou, il vous faut voter la réforme constitutionnelle.

Doit-on s'interroger sur une désignation des sénateurs par plusieurs collèges électoraux correspondant chacun à une catégorie de collectivités territoriales ?

Il est prématuré de débattre de cette proposition de loi à la veille d'une révision constitutionnelle d'envergure. La réflexion mérite d'être approfondie : nous sommes tous prêts à étudier au fond l'élargissement du collège sénatorial. En adoptant cette motion, nous ne fermons nullement la porte au débat. (Applaudissements à droite, protestations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Vous la claquez !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement estime prématuré de discuter d'une proposition de loi qui n'est manifestement pas constitutionnelle. Le projet de loi constitutionnelle, dont vous serez saisi dans une quinzaine de jours, permettra une réflexion sereine et concertée sur le mode de scrutin sénatorial. Soucieux de l'efficacité et de la cohérence des débats de la Haute assemblée, le Gouvernement soutient donc cette question préalable. (Exclamations à gauche)

Mme Borvo Cohen-Seat, s'agissant du découpage pour les législatives, nous n'avons fait qu'appliquer la loi, qui aurait dû être appliquée depuis vingt-trois ans !

M. David Assouline.  - Et pour les régionales ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Conseil constitutionnel a été clair. Cela aurait dû être fait par le gouvernement Jospin après le recensement de 1999. Ne reprochez pas au Gouvernement d'avoir eu ce courage ! (Applaudissements à droite)

Vérification du quorum

M. le président.  - Je donne lecture d'une demande écrite présentée par M. Jean-Pierre Bel : « Compte tenu de l'importance de la proposition de loi relative aux conditions d'élection des sénateurs, je vous demande, en application du 2 bis de l'article 51 du Règlement du Sénat, de réunir le Bureau du Sénat afin de vérifier le quorum de notre assemblée ». Je vais procéder à la vérification de la présence des signataires de la demande.

M. David Assouline.  - La vérification des signataires est faite plus sérieusement que celle du quorum !

Il est procédé à l'appel nominal des signataires.

M. le président.  - Le compte y est ! Le Bureau va se réunir : je suspends la séance pour dix minutes.

La séance, suspendue à 17 h 35, reprend à 17 h 50.

M. le président.  - En application de l'article 51, alinéa 2, le Bureau du Sénat a décidé, à la majorité, que les membres du Sénat présents étaient en nombre pour procéder au vote sur la question préalable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Ce n'est pas vrai !

Rappel au règlement

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Pour l'édification de notre assemblée, je souhaiterais indiquer dans quelles conditions a été établie l'effectivité du quorum permettant la poursuite de notre délibération. Pour cela, le président nous a indiqué que le règlement du Sénat autorise le Bureau à établir souverainement que le quorum est atteint. Toutefois, si nous sommes souverains, cela ne nous rend pas pour autant extralucides pour compter, à travers les murs, qui est là ou pas ! (Sourires) Personne ne peut croire que nos collègues, avec à leur tête le président du Sénat, auraient décidé souverainement que le quorum s'y trouve s'il ne s'y trouve pas... Et s'il s'y trouve, cela n'a pu être constaté que par ce moyen surnaturel car aucun autre moyen ne nous a été indiqué ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite) Je ne crois pas que cette décision nous grandisse beaucoup, et surtout ceux qui l'ont prise.

M. Robert Bret.  - C'est pour cela qu'ils ont besoin d'un scrutin public !

M. le président.  - L'article 51, alinéa 2, du règlement du Sénat indique que « le vote est valable, quel que soit le nombre des votants, si, avant l'ouverture du scrutin, le Bureau n'a pas été appelé à constater le nombre des présents ou si, ayant été appelé à faire ou ayant fait cette constatation, il a déclaré que le Sénat était en nombre pour voter ». J'ai rappelé que le Bureau s'est réuni et que sa majorité s'est prononcée pour cette déclaration... (Rires à gauche) Il y avait lors de cette réunion des absents de tous les groupes : ceux qui veulent nous donner des leçons devraient d'abord faire régner la discipline chez eux ! A l'avance, je les en remercie. (Applaudissements à droite)

Explications de vote

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En nous demandant de voter une question préalable, le Gouvernement et la majorité refusent de discuter, dans le cadre de la réforme institutionnelle en cours, de la représentativité du Parlement. Cette position est contraire à celle du comité Balladur, qui proposait d'instaurer une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Vous refusez, tant à l'Assemblée nationale qu'ici, d'en discuter.

Selon vous, cette proposition de loi n'est pas conforme à la Constitution en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel, qui a rejeté la modification prévue en 2000 en interprétant de façon plaisante pour la majorité la règle selon laquelle le Sénat doit être désigné essentiellement par des élus. Or nous sommes justement en train débattre d'une révision constitutionnelle, que le Gouvernement présente comme étant la plus importante depuis 1958, mais qui pèche notamment par l'absence de toute proposition visant à rapprocher les citoyens de leurs institutions et de leurs représentants. Elle ne contient donc aucune avancée démocratique pour le peuple, ce qui explique certainement que vous n'envisagiez pas de la soumettre au référendum. La représentativité et donc les modes d'élection du Parlement en sont notablement absents.

Le Sénat, de ce point de vue, est caricatural car aucune démocratie ne se satisferait du fait qu'une assemblée législative se trouve toujours du même côté de l'échiquier politique, quelle que soit la majorité dans le pays. Vous justifiez cela par un faux débat : pour garder sa raison d'être, le Sénat devrait être élu par les collectivités locales, et non par les citoyens. Or, qu'est-ce qu'un territoire en dehors de la population qui y vit ?

Voix à droite.  - C'est la Tchétchénie !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comment une assemblée généraliste pourrait-elle ne pas être représentative de la population ? En outre, vous voulez inscrire ce principe dans la Constitution pour empêcher toute évolution démocratique du Sénat. Ainsi, on pourrait attribuer un grand électeur à chacune des 36 000 communes de France ? Voyez où peut nous mener un raisonnement aussi absurde. N'étant pas un pays fédéral, nous ne pouvons comparer le Sénat français à celui des États-Unis, par exemple. Comment justifier alors que la représentativité des collectivités territoriales ne corresponde pas à leur population ?

Votre refus de débattre est grave et trahit votre véritable objectif : ancrer durablement la présidentialisation du régime, avec un président chef de l'exécutif, non responsable, et chef d'une majorité toute puissante. Vous masquez cela par des aménagements cosmétiques qui n'augmentent nullement les pouvoirs du Parlement ni n'améliorent l'adéquation entre celui-ci et le peuple.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En l'absence d'une évolution démocratique, nous voterons contre cette motion de procédure qui n'honore pas la représentation parlementaire. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Après les excellentes interventions de mes collègues socialistes et du groupe CRC, j'ai du mal à me représenter les raisons qui peuvent encore vous faire persister à refuser de débattre.

M. Christian Cointat.  - Qu'avons-nous fait jusqu'à présent ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous n'avez pas exposé un seul argument.

M. Dominique Braye.  - C'est que le sujet réclame un vrai débat !

M. le président.  - N'interrompez pas l'orateur !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Alors que nous avons déjà le plus grand mal à débattre, nous voilà derechef en butte aux invectives de ceux qui croient qu'il suffit de crier bien fort pour se faire comprendre ! (Applaudissements à gauche)

Notre proposition aborde la question des départements et des régions, dont chacun mesure le rôle qu'ils jouent aujourd'hui. Or, dans le corps électoral qui élit les sénateurs, ils ne pèsent que quelques pour cent. Que n'a-t-on pourtant entendu, à cette tribune même, sur le rôle incontournable que jouent désormais ces deux échelons de collectivités. Leur assurer une meilleure représentation dans le corps électoral se ferait au détriment des communes ? Allons ! Vous savez bien que l'objection ne tient pas. Il faut retrouver un équilibre, et c'est bien ce que propose ce texte.

Sur la question de l'inégalité dans la prise en compte de la population, les réactions que j'ai entendues me semblent bien piètres et bien confuses. Nous ne contestons pas le fait que les territoires doivent être pris en compte, mais nous savons tous sur ces bancs, mais vous savez comme nous, monsieur le ministre, que quand la population n'est pas justement représentée, il n'y a plus de démocratie. Les arguties que nous avons entendues ne convainquent personne. Osez donc dire la vérité, comme nous la disons

M. Dominique Braye.  - La vôtre !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On peut certes parler du découpage cantonal, des communes associées, des intercommunalités, mais à qui ferez-vous croire qu'il s'agit là d'un préalable incontournable pour se pencher rationnellement sur la question du corps électoral du Sénat ?

Certains mots sonnent comme des menaces, comme cet « essentiellement » que nous n'avons que trop entendu, en commission, dans la bouche de M. Karoutchi. Tout se passe comme si l'on voulait s'assurer, par le verrou constitutionnel, que la majorité ne changera jamais au Sénat.

Or, sauf à réviser la Constitution, on se prive d'une représentation équilibrée des populations. Comment ne pas être sensible aux paroles toutes simples de M. Mauroy : sans alternance, sans cette respiration de la République, il n'est pas de démocratie. Faisant fi des plus élémentaires principes de la République, c'est pourtant l'alternance que vous refusez : on comprend que vous soyez gênés d'en débattre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Mais force restera à la République et à la démocratie, qui finira, ici, par s'imposer ! (Applaudissements nourris à gauche)

M. le président.  - J'ai été saisi d'une demande de scrutin public...

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - Parce que le quorum n'est pas atteint !

M. le président.  - ... par le groupe UMP. (Exclamations à gauche)

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 323
Il y avait donc bien le quorum ! (Rires à gauche)
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 198
Contre 125

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Effectifs des commissions permanentes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution, présentée par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à actualiser le Règlement du Sénat afin d'intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes.

Discussion générale

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - Cette proposition de résolution, déposée par le président de la commission des lois, vise à corriger une anomalie de notre règlement intérieur, qui, s'il prévoit bien une évolution du nombre des membres de nos commissions jusqu'en 2014, pour tenir compte de celle du nombre des sénateurs, omet de prendre en compte le fait qu'en 2008, nous aurons deux nouveaux sénateurs représentant Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy. Il convient donc, sans anticiper en rien sur les évolutions de notre règlement qui pourront faire suite à une éventuelle révision constitutionnelle, de modifier le nombre des membres de nos commissions pour prendre en compte leur arrivée, et de porter, dès 2008, date de notre prochain renouvellement, le nombre des membres de la commission des finances et celui de la commission des lois de 45 à 48. Leurs effectifs atteindront ensuite 49 en 2011, tandis que ceux des autres commissions évolueront comme le prévoit la loi organique du 30 juillet 2003.

Il ne s'agit donc de rien d'autre que d'intégrer deux nouveaux membres à nos six commissions permanentes. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le débat sur la représentativité du Sénat, que le projet de révision constitutionnelle dont a été saisi le Parlement n'aborde que de très loin, a été une nouvelle fois ouvert. La discussion n'a hélas pas eu lieu : la majorité ne veut entendre parler d'aucune évolution et rejette sans débat toute proposition d'élargissement du collège électoral.

Dans la foulée, vous organisez la présence dans les commissions des futurs sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Or, la création de ces sièges avait pour seul objectif d'assurer à la majorité sénatoriale un coussin supplémentaire en cas de poussée à gauche lors des prochains renouvellements sénatoriaux. La représentation des territoires n'est qu'un alibi pour violer l'article 3 de la Constitution, qui impose l'égalité des citoyens devant le suffrage.

La démocratie peut-elle tolérer qu'un sénateur de Saint-Barthélemy soit élu par 10 voix sur un corps électoral de 19 membres ? Peut-elle accepter qu'un sénateur de Saint-Martin soit élu par 10 voix sur 23 grands électeurs ? Certes, la même situation existe à Wallis-et-Futuna ; certes, les 12 sénateurs représentant nos compatriotes résidant hors de France sont désignés par les 150 membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, mais un cas de figure inacceptable ne peut justifier la création d'une autre situation tout aussi inacceptable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas le sujet.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Comble du cynisme, vous réservez une place à la commission des finances, alors que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont des paradis fiscaux !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Les sièges ne sont pas spécialement destinés à ces sénateurs.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La répartition des sièges sénatoriaux devrait prendre en compte la population, sauf à fouler aux pieds la démocratie.

Nous voterons contre cette proposition de résolution consolidant une situation antidémocratique.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - N'importe quoi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On peut toujours revenir sur tous les sujets. Je rappelle que nos collègues socialistes étaient favorables à la création de ces collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nullement !

M. Xavier Pintat.  - Vous avez voté la loi ! Regardez le Journal officiel !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Notre règlement dispose que chaque sénateur siège dans une commission. L'effectif de celles-ci doit donc correspondre à celui de nos collègues. Il ne s'agit de rien d'autre.

La résolution n'affecte pas des sénateurs : elle se borne à créer deux postes supplémentaires au sein des commissions des lois et des finances, celles qui ont aujourd'hui moins de membres.

Je ne comprends pas votre position.

La discussion générale est close.

Explications de vote

M. Bernard Frimat.  - La création de deux sièges supplémentaires de sénateurs figure dans la loi sur l'outre-mer. Le groupe socialiste s'était abstenu lors de son vote, notamment pour cette raison. J'ai rappelé tout à l'heure qu'il était malsain que certains collègues soient élus par un nombre infime de grands électeurs.

Monsieur le président de la commission, je comprends votre contrainte -même si j'ai regretté l'intitulé de votre résolution- car chaque sénateur doit pouvoir siéger dans une des six commissions permanentes. Toutefois, par cohérence avec notre vote initial, nous nous abstiendrons.

Sans reprendre un débat qui sera d'ailleurs inévitable lorsque nous examinerons la révision constitutionnelle...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - En effet.

M. Bernard Frimat.  - ...j'observe qu'une population disposant aujourd'hui de trois sénateurs en aura cinq demain. La Martinique sera représentée par deux sénateurs, alors qu'elle est plus peuplée que la Guadeloupe sans Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où trois sénateurs seront élus. Il y a là une incohérence, même si ce n'est pas l'heure de la corriger. Mais le Sénat n'est pas à une incohérence près ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Xavier Pintat.  - Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais les propos de Mme Mathon-Poinat me conduisent à le faire.

Pour les Français établis hors de France, nous demandons depuis des années une modification du collège sénatorial. Comme à Paris, nous élisons 12 sénateurs; nous avons 155 élus au suffrage universel, contre 163 à Paris, mais le collège électoral de la capitale comprend plus de 2 000 personnes. Il n'y a donc aucune volonté de blocage ; simplement, ce n'est pas le moment d'en discuter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pour vous, ce n'est jamais le moment !

M. Xavier Pintat.  - Je ne vous reproche pas votre opération politique, j'aurais agi de même à votre place. Mais puisque vous avez réussi à lancer le débat, il faut aller de l'avant. Or, même sans être favorable à la création des sièges dans les conditions que vous avez dénoncées, il faut bien que le Sénat représente les collectivités territoriales et que l'effectif des commissions corresponde à celui de notre assemblée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est évident.

M. Xavier Pintat.  - Je voterai la résolution et je regrette que vous n'en fassiez pas autant, car c'est une simple question de responsabilité.

Les conclusions de la commission sont adoptées.

M. le président.  - En application de l'article 61, alinéa premier, de la Constitution, cette résolution sera soumise au Conseil constitutionnel avant son application.

Agents sportifs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par M. Jean-François Humbert et plusieurs de ses collègues, visant à encadrer la profession d'agent sportif et modifiant le code du sport.

Discussion générale

M. Jean-François Humbert, auteur de la proposition de loi.  - Notre excellent rapporteur, Pierre Martin, m'a entraîné hier au Stade de France où nous avons eu le plaisir d'assister à la victoire de notre équipe nationale. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous présenter une proposition de loi tendant à encadrer la profession d'agent sportif, afin de protéger l'éthique sportive.

La loi du 6 juillet 2000 relative aux activités physiques et sportives a été appliquée de manière satisfaisante pour ce qui est de l'accès à la profession, mais certains agents sportifs exercent leur activité dans des conditions irrégulières. La multiplication des affaires les impliquant montre qu'il faut faire évoluer la loi.

L'exercice de cette profession est organisé par les articles L.226 et suivants du code du sport. Les fédérations concernées ont bien contrôlé l'accès à l'activité, mais la surveillance de son exercice s'est révélée insuffisante, pour ne pas dire plus.

La proposition de loi que je vous présente a pour but de mieux organiser l'accès à la profession d'agent sportif, son exercice et son contrôle. En ce qui concerne l'accès à cette profession, la législation actuelle prévoit que la licence d'agent sportif peut être délivrée à une personne physique ou à une personne morale. Mais la délivrance aux personnes morales a entraîné une confusion entre les personnes véritablement autorisées à exercer la profession d'agent sportif, celles qui ont passé l'examen, et celles qui n'y sont pas autorisées, comme les actionnaires, associés et salariés de la société. Afin de mieux identifier la personne qui est autorisée à exercer, il est proposé de supprimer la délivrance de la licence aux personnes morales. En contrepartie, les agents sportifs sont autorisés à constituer une société pour exercer leur activité. Celle-ci sera soumise aux mêmes conditions de moralité, d'incapacités et d'incompatibilités que les agents sportifs. La liste des incompatibilités est complétée afin d'éviter les conflits d'intérêts entre les agents sportifs et les autres acteurs du sport, et d'empêcher les rétro-commissions favorisées par les collusions d'intérêts. Pour que ce dispositif soit efficace, il est nécessaire d'établir une séparation juridique étanche entre les agents sportifs et d'autres acteurs du sport, notamment les dirigeants d'entreprises et d'associations qui emploient des sportifs ou organisent des manifestations sportives. Dans le cas des entreprises, l'incompatibilité concernera aussi les associés et les actionnaires ; dans le cas des associations, elle s'étendra aux fédérations et aux autres organes qu'elles auront constitués.

Autre source de dérives : le statut des agents sportifs communautaires. Les agents sportifs ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen non établis sur le territoire national peuvent actuellement exercer sans filet : ils n'ont pas besoin de licence ; ils ne sont pas tenus de respecter les limites de rémunération prévues par le Code du sport ; ils ne sont pas obligés de transmettre les contrats et mandats à la fédération compétent ; aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à leur encontre. Ils peuvent donc se livrer à des abus quasiment en toute impunité, ce qui est inadmissible. Pour mettre fin à cette situation, la proposition de loi prévoit d'encadrer l'activité des agents communautaires en s'inspirant du dispositif applicable aux éducateurs sportifs communautaires. Il restera bien sûr possible pour un agent communautaire d'exercer sa profession en France, mais uniquement s'il est qualifié pour le faire dans son pays d'origine. Les modalités d'exercice prévues par le texte adopté par la commission des affaires culturelles me conviennent parfaitement : elles respectent l'esprit de la proposition de loi, qui est d'encadrer les activités des agents communautaires. Ceux-ci seront tenus à l'obligation de déclaration prévue par le code du sport. Ainsi, dès leur première intervention sur le territoire français, il sera possible de vérifier s'il existe une différence substantielle entre le niveau de qualification requis dans leur pays d'origine et celui qui est exigé en France. En cas de différence substantielle, la fédération pourra exiger qu'ils passent l'examen d'agent sportif, ou une partie de celui-ci.

Le dispositif actuel ne prévoit pas explicitement le cas des agents extracommunautaires non titulaires d'une licence d'agent sportif. Dans le silence de la loi, il faut en déduire que pour exercer la profession d'agent sportif en France, les agents extracommunautaires doivent obtenir la licence française. Ce système est tellement contraignant qu'il n'est pas respecté. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit que les agents extracommunautaires non titulaires devront conclure une convention de présentation avec un agent titulaire qui sera chargé de placer le sportif. Cette convention a pour but de mettre en présence un sportif ou un club avec un agent sportif titulaire. Transmise par l'agent sportif à la fédération, elle servira de fondement juridique à la rémunération de l'agent extracommunautaire.

Le deuxième objectif de la proposition de loi est de réglementer l'exercice de la profession d'agent sportif. La définition actuelle de cette profession ne comprend pas l'activité d'agent d'entraîneur. Dans le cadre du dispositif existant, l'agent sportif ne peut que « mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ». Autrement dit, il ne peut jouer qu'un rôle d'intermédiaire. Cela n'empêche pas qu'en pratique, les agents sportifs soient aussi agents d'entraîneurs, mais cette activité est parfaitement illégale puisqu'elle est interdite par le code du travail. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour autoriser sous conditions le placement d'entraîneurs par les agents sportifs.

Selon la législation actuelle, un agent sportif est censé n'être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation n'est valable que sur le papier : très souvent, ce sont les clubs qui rémunèrent directement des agents mandatés par les sportifs. Cette hypocrisie contribue à l'opacité qui règne dans les opérations de placement des sportifs. C'est pourquoi la proposition prévoit de préciser les relations contractuelles concernées par l'activité d'agent. Le contrat de courtage encadre juridiquement l'activité de l'agent chargé de mettre en relation les parties intéressées à la conclusion d'un contrat sportif. Ce contrat passé entre l'agent et le sportif, le club ou l'organisateur devra être écrit et transmis à la fédération ; il devra également préciser les conditions de rémunération de l'agent sportif et l'identité de la personne qui le rémunèrera. La grande évolution est que l'agent sportif pourra être payé par l'une ou l'autre des parties, quelle que soit celle qui lui aura demandé de les mettre en contact. La rémunération de l'agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais deux types de contrats seront visés : d'une part, les contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ; d'autre part, les conventions prévoyant ces contrats de travail. En outre, l'agent sportif ne pourra percevoir aucune rémunération avant d'avoir transmis son contrat à la fédération. Je note au passage que ce texte est conforme au règlement de la Fifa, qui permet à un club de rémunérer l'agent, même s'il a été mandaté par le joueur : il suffit que le joueur ait donné son accord écrit. C'est toute la chaîne du contrôle qui pourra ainsi être rétablie grâce à la légalisation de la rémunération de l'agent par le club.

Autre difficulté : lorsqu'un mineur signe un contrat sportif, la législation en vigueur interdit à son représentant d'être rémunéré, qu'il s'agisse d'une personne physique, d'une société ou d'une association sportive. Mais il est facile pour les représentants de bafouer cette interdiction en faisant signer au mineur d'autres types de contrats. C'est pourquoi notre texte interdit toute rémunération sur la base des contrats signés avec un mineur.

Enfin, cette proposition renforce le contrôle de la profession d'agent sportif. Premier élément : l'activité de l'agent est souvent contrôlée à l'occasion du renouvellement triennal de sa licence. Cette procédure de renouvellement est une source de conflits intarissable, puisque les fédérations l'utilisent souvent comme mode de sanction. Afin de limiter les risques de contentieux inutiles, le projet propose de délivrer la licence pour une durée indéterminée et de passer à un contrôle annuel de l'activité des agents. Ce contrôle sera complété par la transmission obligatoire des documents les plus importants aux fédérations compétentes (contrats de courtage, contrats de travail, pièces comptables, contrats de travail des joueurs avec mention des agents).

Deuxième élément : les sanctions disciplinaires actuellement prévues se limitent à condamner les agents qui n'auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Rien n'est prévu pour punir les agents qui enfreignent les autres règles légales, notamment le plafond de rémunération. Le projet prévoit donc d'étendre les possibilités de sanctions disciplinaires des fédérations à ces agissements. De même, il limite les risques d'abus de la part des agents en rendant leur rémunération conditionnelle : un agent ne pourra être payé que s'il transmet à la fédération compétente le contrat qui est à l'origine de son activité.

Troisième élément : l'actuel code du sport n'autorise pas le Comité national olympique et sportif Français (CNOSF) à jouer un rôle de conciliation dans les conflits opposant les agents sportifs aux fédérations. Il vise les licenciés mais pas les agents sportifs, qui ont une licence de nature différente. Le projet met fin à cette anomalie en étendant les missions de conciliation du CNOSF aux conflits opposant les agents sportifs aux fédérations.

Quatrième élément : l'activité d'agent sportif est souvent exercée de façon illégale. Il est donc nécessaire de prévoir un renforcement des sanctions. C'est pourquoi le texte prévoit de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende celui qui exercera illégalement la profession d'agent sportif. Dans certains cas extrêmes, l'amende pourra dépasser 30 000 euros et atteindre le double de la somme indûment perçue par l'agent sportif.

En conclusion, il est certain que les agents sportifs malhonnêtes ne disparaîtront pas du jour au lendemain par la grâce d'une simple loi. Cependant, la plupart des abus ont été rendus possibles par l'insuffisance des textes encadrant l'exercice de cette profession : soit il n'y avait pas de loi, soit elle était mal mise en oeuvre. La proposition qui vous est soumise a pour objectif principal de combler les vides juridiques les plus flagrants et de mieux organiser les contrôles. Moi et ceux de mes collègues qui ont soutenu le dépôt de cette proposition de loi, nous avons voulu faire oeuvre utile en permettant l'exercice le plus sain possible de toutes les activités liées à la pratique sportive. (Applaudissements à droite)

M. Pierre Martin, rapporteur de la commission des affaires culturelles  - Dans le monde du sport, on doit malheureusement admettre qu'évoluent des gens peu exemplaires. Sans vouloir stigmatiser une partie de la population, on en trouve un certain nombre parmi les agents de joueurs : c'est même aujourd'hui l'une des plaies du sport professionnel. Je ne remets pas en doute leur utilité. A l'époque où les joueurs professionnels étaient comparés à des esclaves parce que leurs dirigeants avaient tout pouvoir sur eux, l'arrivée des agents, négociateurs des contrats et des transferts, a rééquilibré le rapport de force. Aujourd'hui, les intermédiaires jouent un rôle utile comme interlocuteurs des clubs et comme traits d'union entre les joueurs et les dirigeants. Mais l'envolée du coût des transferts depuis l'arrêt Bosman, la mondialisation du football, et plus généralement l'avènement du « sport business », ont entraîné l'arrivée d'agents plus ou moins scrupuleux qui veulent se partager la part du gâteau. La loi du 6 juillet 2000 a tenté de résoudre ce problème en confiant le contrôle de l'activité des agents sportifs aux fédérations, et en renforçant les incompatibilités. Sans être un échec patent, cette loi n'est pas arrivée à ses fins.

Cette loi n'est pas arrivée à ses fins.

La chronique judiciaire a été très fournie ces dernières années. Je ne citerai qu'un exemple, malheureusement illustré ces dernières années par certains des plus grands clubs de football français : la surévaluation, qui consiste pour les négociateurs à échanger une somme d'argent supérieure à la valeur du joueur vendu ou acheté et à partager la différence, soit pour leur compte -c'est ce qu'on appelle les rétro-commissions- soit pour alimenter une caisse noire qui servira aux futurs transferts. Toutes les manoeuvres frauduleuses ont un point commun : l'agent est au centre de la fraude parce qu'il est le maillon le plus faible de la chaîne, celui qu'on ne voit pas, celui qui peut aller facilement dans un paradis fiscal, celui qui est au coeur des transactions.

Quels sont les défauts de notre législation ? On a attribué des licences à des personnes morales -et en leur nom, des agents plus ou moins occultes ont prétendu négocier des contrats, sans avoir les compétences minimales requises ; on a mal encadré l'exercice de la profession par les agents étrangers -ils étaient censés détenir une licence française pour exercer, ce qui a été jugé par eux trop contraignant : ils sont tous intervenus sans contrôle ; on n'a pas été assez loin dans les incompatibilités -des agents de joueurs sont devenus dirigeants et ont mené ensuite des opérations contraires à l'éthique sportive ; le contrôle s'est avéré inadapté car l'interdiction de rémunération des agents par les clubs, édictée pour protéger les intérêts des joueurs, a été systématiquement contournée -les joueurs refusent de payer leurs agents. Cette pratique est extrêmement pernicieuse car, pour la dissimuler, clubs et joueurs font disparaître le nom de l'agent des contrats. Aucun contrôle n'est plus, dès lors, possible. Les fédérations ne peuvent contrôler ni les agents exerçant illégalement, ni ceux qui détournent de l'argent, ni les sommes qui leur sont versées. Très peu de sanctions ont été prises alors que ces pratiques illégales se sont généralisées.

Tous les acteurs du monde sportif sont aujourd'hui d'accord sur la nécessité d'une réforme et même sur ses modalités. La proposition de loi de M. Humbert arrive donc à point nommé. Encadrant et contrôlant l'accès à la profession d'agent et son exercice, elle interdit la délivrance de licences aux personnes morales, renforce les incompatibilités afin d'éviter les trop nombreuses collusions entre agents et dirigeants de clubs ; elle améliore la protection des mineurs en interdisant à tout intermédiaire d'être rémunéré sur un contrat passé avec un jeune -l'activité de certains intermédiaires s'apparente à la traite d'êtres humains lorsqu'ils amènent des enfants africains et les abandonnent en cas d'échec. L'activité des agents étrangers est encadrée : les non communautaires devront passer par un agent français pour négocier un contrat avec un club français.

Le texte autorise enfin, c'est une révolution, la rémunération des agents par les clubs. Cette mesure longtemps contestée fait aujourd'hui l'unanimité. Elle part d'une idée simple : il faut légaliser pour mieux encadrer. Les clubs ne verront plus d'obstacle à mentionner le nom de l'agent qu'elles rémunèrent, et les agents qui respectent la loi auront tout intérêt à transmettre leur mandat à la fédération. Toutes les étapes du transfert pourront être contrôlées. Rappelons-nous que c'est l'acheteur qui paye l'agent immobilier, même quand c'est le vendeur qui a fait appel à lui, et que c'est le producteur qui paye l'agent artistique et non le comédien. Cette disposition est un retour au droit commun. La proposition de loi prévoit enfin un renforcement très opportun des contrôles et des sanctions.

La commission des affaires culturelles a apporté quelques modifications au texte initial, notamment pour le rendre compatible avec le droit communautaire, plus précisément aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de service. Les agents européens qui ont une expérience d'agent crédible et qui respectent le droit français pourront s'installer en France en obtenant une équivalence. Un examen allégé sera imposé à ceux qui se prévalent d'un diplôme dont la valeur est inférieure à celle correspondant à la délivrance de la licence. Tous seront strictement soumis aux mêmes règles que les agents français. Pour ceux qui veulent exercer leur activité d'agent de manière ponctuelle en France, les conditions seront moins strictes, mais ils devront respecter les règles relatives aux incapacités et incompatibilités. Tous ces agents devront déclarer leur activité aux fédérations qui la contrôleront.

En outre, le texte modifié impose clairement aux fédérations de faire respecter les dispositions du code du sport, encadre l'action des collaborateurs d'agents, précise les personnes potentiellement concernées par les sanctions prises par les fédérations et interdit aux avocats d'exercer l'activité d'agent sportif.

La commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - La coproduction est à la mode. Le Sénat démontre aujourd'hui qu'elle n'est pas un gadget. J'ai souhaité dès mon entrée en fonction traiter la question des agents sportifs ; je me félicite que la Haute assemblée ait réussi neuf mois plus tard à faire aboutir un texte, après un important travail d'analyse, des rencontres nombreuses avec tous les acteurs concernés et les travaux des inspections générales et des deux assemblées. Sa proposition est désormais mature et conforme au droit communautaire, même s'il faut encore l'affiner sur ce point ; ce sera fait d'ici la fin de la discussion au Parlement.

Ce texte, conforme à la volonté des fédérations, des clubs, des agents et des joueurs, atteint les objectifs qu'il s'était fixés, moralisation, transparence financière, protection des sportifs, notamment des plus jeunes. Il permet de crédibiliser une profession indispensable au sport professionnel, élargit la liste des incompatibilités, autorise les clubs à rémunérer les agents, renforce les contrôles, traite le cas des agents étrangers.

Je rends hommage à la commission des affaires culturelles et à son président, et je salue le regard aiguisé que MM. Humbert et Martin portent sur le monde du sport. La qualité du texte leur doit beaucoup. (Applaudissements à droite)

M. Jean Boyer.  - Alors que Roland-Garros bat son plein, que l'Euro 2008 de football va débuter, nous sommes saisis d'un texte qui encadre davantage la profession d'agent sportif. Le mode sportif se professionnalise de plus en plus, devient tous les jours davantage un objet de commerce qui brasse des sommes considérables. Il était nécessaire de définir des règles qui permettent d'améliorer la pratique du sport mais aussi l'encadrement.

Les agents sportifs sont des acteurs du monde sportif qui concourent à la promotion du sport et à son attractivité ; ils participent à la richesse de la vie associative, en lien avec les fédérations et les clubs, en assurant aux joueurs une représentation juridique. Mais ils cèdent parfois à la tentation lorsque les enjeux financiers sont très importants, au point qu'il n'est aujourd'hui plus possible de laisser la profession sans un minimum d'encadrement. Avec certains scandales, on est loin de ce que disait Aimé Jacquet, lorsqu'il rappelait que le sport est aussi une somme de valeurs. Donner, recevoir, partager : ces mots sont de toutes les époques. Le sport est dépassement de soi, c'est une école de la vie.

C'est pourquoi nous nous réjouissons de l'initiative de M. Humbert, qui tend à mieux encadrer et contrôler l'accès et l'exercice d'une profession qui manque pour le moins de transparence.

Une plus grande transparence doit régir les relations entre les sportifs et ceux qui les accompagnent. Les enjeux financiers sont tels, que l'accès à la profession d'agent sportif doit être encadré et contrôlé, au service des sportifs eux-mêmes : ce texte va dans ce sens, c'est une bonne chose.

Je m'interroge, cependant, sur l'avenir des relations entre les sportifs et les agents : dès lors que les agents seront rémunérés par les clubs, quelle sera leur indépendance ? L'intérêt financier ne risque-t-il pas de prendre le pas sur l'intérêt des sportifs ? Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous rassurerez.

Ce texte clarifie les conditions d'accès à la profession d'agent, les relations avec les sportifs et les clubs, il améliore les contrôles, l'arbitrage en cas de conflit entre un agent et un club, il interdit toute rémunération lorsque le sportif est mineur, renforce la transparence, délimite clairement les fonctions d'agent sportif : il était temps ! Ces mesures, cependant, ne pourront se passer de l'implication effective du milieu sportif, pour la transparence et la moralisation. Trop d'affaires, en particulier dans le football, portant sur des sommes très importantes, ont défrayé la chronique et nous nous réjouissons de ce texte.

La moralisation passe également par une meilleure prise en compte des jeunes sportifs venus des pays en voie de développement. Lorsque leur carrière professionnelle n'est pas couronnée de succès, trop d'entre eux sont abandonnés sans scrupule et sont livrés à eux-mêmes, dépourvus des moyens de rentrer dans leur pays et désespérés. Or, perdre l'espérance, c'est perdre la vie !

Pierre de Coubertin a eu ce mot : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Nous aussi, nous agissons pour vaincre l'opacité d'un système où le sport doit garder ses lettres de noblesse ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Lagauche.  - L'argent et le dopage sont à la source de dérives qui ont pris une grande ampleur ces dernières années, avec la mondialisation et la médiatisation du sport. En supprimant, au nom de la libre circulation, les quotas de nationalité dans le sport, la CJCE, avec l'arrêt Bosman de 1995, a ouvert la voie à la déréglementation des transferts et à l'intervention d'intermédiaires étrangers qui échappent à tout contrôle. Alors que le sport doit représenter des valeurs morales et d'épanouissement personnel, d'esprit d'équipe et de performance, le développement du sport spectacle et sa médiatisation croissante ont drainé des enjeux financiers considérables. Les sommes échangées entre les grands clubs lors des rachats ou transferts de joueurs ont donné lieu à des pratiques frauduleuses au sein desquelles le rôle joué par les agents sportifs, véritables hommes de l'ombre des circuits sportifs professionnels, est très souvent pointé du doigt.

Depuis la loi du 6 juillet 2000, l'encadrement de l'activité d'agent sportif, calqué sur celle ayant cours pour la profession d'agent artistique, passe par la délivrance d'une licence, d'une durée de trois ans, par l'une des vingt-sept fédérations sportives délégataires d'une mission de service public. L'encadrement de cette profession a cependant montré ses limites : procès des comptes de l'Olympique de Marseille, instruction en cours sur le Racing Club de Strasbourg, les exemples ne manquent pas ! Le paiement de l'agent par les clubs est souvent à l'origine des fraudes, alors que le code du sport indique très clairement que le paiement revient au mandant. Le versement de rétro-commissions par les agents aux dirigeants des clubs par le biais de la surfacturation préalable des transferts s'est trouvé facilité par ce système de double mandatement.

En avril 2005, un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports sur l'exercice de la profession d'agent sportif s'inquiétait déjà du manque de contrôles, les contrats étant trop peu soumis aux fédérations. Ce rapport s'inquiétait encore du double mandatement, et de l'exercice de l'activité d'agent par de très nombreux non licenciés : pour 180 titulaires d'une licence d'agent sportif délivrée par la Fédération Française de Football, on estime entre 400 et 500 le nombre de faux agents ! L'inspection soulignait également que le contrôle n'était pas exercé sur les salariés d'une société ayant obtenu la licence, possibilité ouverte par la loi de 2000. Elle constatait encore les cumuls de l'activité d'agents avec celles de membres de l'encadrement de clubs, ou la détention parallèle à cette activité de parts de capital dans des clubs ou encore l'accession à des postes de responsabilités dans les clubs après avoir exercé l'activité d'agent.

Fin 2006, le groupe socialiste de l'Assemblée nationale demandait, la création d'une commission d'enquête, ce qui lui a été refusé mais qui a été à l'origine de la mission d'information parlementaire pilotée par M. Juillot, dont le rapport de février 2007 formule vingt propositions pour encadrer et moraliser l'activité d'agent sportif.

La proposition de loi que nous examinons, certainement écrite en collaboration avec le ministère, s'inspire du rapport de M. Juillot, en améliorant l'encadrement de l'accès et le contrôle de l'activité d'agent sportif, ainsi que la protection des jeunes sportifs mineurs.

On regrette cependant le très faible montant de l'amende, de 3 750  euros, assortie à l'interdiction de toucher une rémunération lors de la signature d'un contrat par un mineur.

La licence ne pourra plus être délivrée qu'à une personne physique et non à une personne morale, mais nous regrettons que le texte ne précise pas que les préposés d'agents sportifs sont cantonnés à l'exécution de tâches administratives nécessaires au fonctionnement de la société constituée et que tous les salariés de la société exerçant des fonctions d'intermédiaire devront être titulaires d'une licence d'agent sportif.

Le régime des incapacités et incompatibilités est renforcé, le renouvellement triennal de la licence est supprimé au bénéfice d'un contrôle annuel de l'activité de l'agent sportif par la fédération dont il dépend, la gradation des sanctions disciplinaires est complétée et les sanctions pénales sont aggravées.

Tout ceci va dans le bon sens pour corriger les dérives dans la pratique de l'exercice de la profession d'agent sportif.

Nous vous proposerons cependant d'améliorer le texte en encadrant plus fermement l'activité de « préposés » d'agents sportifs en les soumettant à l'obligation de licence lorsqu'ils n'effectuent pas que des tâches administratives.

Pour limiter les risques de conflit d'intérêts, nous vous proposerons d'interdire formellement tout cumul des fonctions de dirigeant, associé ou actionnaire d'une société d'agent sportif avec celles de sportif ou d'entraîneur.

Nous souhaitons par ailleurs encadrer davantage l'activité des agents sportifs qui ne sont ressortissants ni de l'Union européenne ni de l'espace économique européen, en les soumettant à l'obtention d'une licence d'agent sportif dans des conditions équivalentes à celles qui prévalent pour les agents ressortissants de ces deux entités.

Enfin, nous sommes plus que sceptiques sur la légalisation proposée du double mandatement. Certes, la prohibition n'a pas permis d'éviter les pratiques occultes et frauduleuses de versement de rétro-commissions par les clubs aux agents et aux joueurs. Mais, plutôt que de mettre en place les moyens d'un contrôle accru des contrats passés entre un agent et un sportif -je pense notamment au renforcement des prérogatives de la Direction nationale des contrôles de gestion, chargée de surveiller les comptes des clubs de football professionnel en France-, vous légalisez simplement cette pratique en espérant qu'elle suscitera de la part des cocontractants une déclaration accrue -et donc un contrôle renforcé de la part des fédérations- des contrats passés entre le sportif, son agent et son club. Nous pensons au contraire que la prohibition du double mandatement aurait dû demeurer la règle. Seul le renforcement des contrôles des contrats passés entre les agents et les sportifs ou les agents et les clubs combiné au renforcement des investigations de police judiciaire pour traquer les fraudes peut débusquer et limiter les manoeuvres fiscales et les détournements d'argent. C'est aux fédérations qu'a été confié le contrôle du principe selon lequel un agent ne peut être à la fois l'agent du joueur et l'agent du club entre lesquels le contrat est passé. Ce principe doit demeurer mais les moyens de contrôle doivent être étendus.

Au lieu de cela, la proposition de loi permet la rémunération des agents de joueurs par les clubs. Le supposé effet bénéfique attendu est le dépôt des contrats d'agents auprès des fédérations, qui permettrait à celles-ci, selon le rapporteur, de contrôler la régularité des rémunérations mentionnées dans les contrats. En d'autres termes, vous faites reposer l'efficacité des contrôles fédéraux sur la bonne volonté des cocontractants, qui seraient incités à déclarer au niveau fédéral les contrats passés. C'est d'autant plus contestable que le texte proposé étend aux ligues professionnelles le pouvoir de contrôle sur les contrats conclus par l'intermédiaire d'un agent sportif. Les parties au contrat pouvant être les clubs dont les ligues représentent les intérêts, il y a fort à craindre que celles-ci deviennent à la fois juges et parties.

Les dérives du sport professionnel sont nombreuses mais elles ont toutes un lien entre elles : l'absence de contrôle financier et le sentiment d'impunité qui y règne. Nous ne contestons pas l'insuffisance des contrôles fédéraux, nous pensons simplement que les fédérations doivent être épaulées par des contrôles externes complémentaires. Nous souhaitons légiférer pour lutter contre les dérives et non changer la loi pour les officialiser. Plusieurs pistes alternatives ont été proposées par les experts du sport professionnel pour accentuer les contrôles. La certification des agents sportifs par un organisme indépendant en est une, la mise en place d'une Direction nationale des contrôles de gestion rattachée au ministère des sports ou à la Cour des comptes en est une autre. Il semblerait enfin intéressant de créer un service de police spécialisé dans la lutte contre les dérives du sport, service qui pourrait voir ses compétences élargies au dopage, à la corruption et aux paris truqués.

La lutte contre la fraude, comme la lutte contre le dopage, est l'affaire de tous les acteurs concernés. Il serait cependant illusoire de croire à une solution miracle d'autorégulation menant à l'éradication définitive des abus et des détournements. Seule une volonté constante d'information par les clubs auprès des jeunes et de tous les publics permettra de réduire les abus. Les sanctions, elles, devront être appliquées avec rigueur, en particulier par le monde sportif. Les enquêteurs de la police judiciaire et la justice devront quant à eux continuer à exercer leur rôle d'investigation et de sanction afin de soutenir les efforts des fédérations.

Cette proposition de loi, comportant quelques améliorations, est une première étape sur la voie d'une meilleure régulation du sport professionnel. Malheureusement, elle ne permettra pas de remédier à l'ensemble des vices entachant l'activité d'agent sportif. La corruption et les transferts occultes de sommes considérables lors des achats et transferts de joueurs ternissent l'image du sport professionnel. Malgré les quelques avancées moralisant les relations du triptyque joueurs-agents-clubs, nous sommes opposés à la légalisation du double mandatement, pratique qui a largement contribué au système de rétro-commissions qui gangrène le football professionnel. Nous respectons les bonnes intentions de nos collègues mais, leur laissant la responsabilité de prolonger une situation qu'ils réprouvent, nous voterons contre leur texte.

M. Jean-François Voguet.  - Notre législation sur les agents sportifs doit être revue. Le constat du rapporteur est accablant. L'essentiel des textes actuels sont issus de la loi de juillet 2000 présentée par Marie-George Buffet, alors ministre des sports. Dès cette époque apparaissait la nécessité de réglementer une activité encore à la frontière de la légalité. Depuis, malgré différentes affaires et de nombreuses propositions venant de divers horizons, rien n'est venu endiguer les dérives, les textes n'ont pas été modifiés, ni réellement appliqués, le laisser-faire s'est installé. Et aujourd'hui, ce n'est toujours pas sur un projet gouvernemental que nous sommes appelés à nous prononcer mais sur une proposition de loi déposée, étudiée et inscrite à l'ordre du jour en moins de deux semaines, et qui ne répond pas à l'ensemble des problèmes. Espérons qu'il ne s'agit pas là d'une loi de circonstance.

Selon le rapporteur, la fraude fiscale est toujours suspectée lors des mouvements de fond liés aux transferts de joueurs, tout comme le blanchiment d'argent. Sans parler de la tentation permanente de réduire les cotisations sociales. Mais nous considérons que rien, dans ce qui nous est aujourd'hui proposé, n'endiguera réellement ces phénomènes. On laissera encore blanchir et circuler des sommes considérables d'argent sale et la fraude fiscale devenir une pratique courante.

Actuellement, l'article L.222-10 interdit le double mandatement. Pourtant, les clubs rémunèrent les agents mandatés par les joueurs. Le rapporteur note que ces pratiques existent parce qu'elles répondraient à un intérêt partagé. Mais partagé par qui ? Des sommes importantes sont ainsi échangées sans contrôle, toujours au détriment du fisc et des cotisations sociales. Alors oui, des intérêts sont sauvegardés, mais pas ceux du sport, ni ceux de la Nation.

Cependant, pour réduire ces flux financiers illégaux, on ne nous propose pas de renforcer les moyens de contrôle et d'enquête, ni les sanctions, mais de légaliser ce qui était interdit. Et tout le monde sportif serait d'accord, nous dit-on. Pourtant, ni le rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports ni le rapport d'information du député Juillot ne faisaient cette proposition, ni même d'ailleurs le Livre blanc de la Ligue de football.

D'autre part, de très intéressantes propositions de ces différents rapports ne sont pas reprises dans le texte d'aujourd'hui. Je pense en particulier à la proposition de la Ligue d'une centralisation bancaire des flux financiers liés aux transferts. Ou celles de l'Inspection jeunesse et sport, pour renforcer les compétences de la Direction nationale du contrôle de gestion ou pour renforcer les sanctions financières, voire même instaurer des sanctions sportives contre les clubs qui ne respecteraient pas les règles. Nous regrettons que ces pistes n'aient pas été explorées.

Ainsi, malgré des avancées sur les incompatibilités et de nouvelles règles encadrant la profession d'agent sportif, je crains que ce texte ne réponde pas à la nécessité d'endiguer durablement des pratiques illégales. Ces modifications trop partielles, manquant d'ambition, ne pourront mettre fin aux dérives du sport spectacle. La volonté politique semble manquer.

D'autre part, par delà ces mesures que nous soutenons, ce texte différencie deux types de contrats pouvant être négociés par un agent. Il permet, par ailleurs, le paiement par les clubs des agents intervenant au nom des sportifs et ouvre cette profession à la négociation de contrats pour les entraîneurs. On veut ouvrir le marché et réduire les cotisations sociales des cocontractants. Nous ne pouvons l'accepter. Après la loi de 2004, une nouvelle fois le sport professionnel tente encore de réduire ses contributions sociales au détriment de la solidarité nationale !

Nous nous interrogeons aussi sur les moyens dont disposeront les fédérations pour mener à bien leurs missions. Ceux que leur accorde le ministère diminuent depuis plusieurs années et nous nous inquiétons des nouvelles coupes budgétaires annoncées pour 2009. Nous craignons qu'une nouvelle fois le Gouvernement se défausse en ne donnant pas aux fédérations les moyens d'assumer les missions qu'il leur transmet. C'est grave car, sans moyens, les fédérations ne pourront pas mettre en place le suivi et le contrôle des contrats, et encore moins l'expertise nécessaire aux contrôles annuels de l'activité des agents.

Malgré ses quelques avancées, que nous saluons, nous ne pourrons pas voter ce texte.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Les articles L.222-5 à L.222-12 du code du sport sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 222-5. - Les dispositions de l'article L.7124-9 du code du travail s'appliquent aux rémunérations de toute nature perçues pour l'exercice d'une activité sportive par des enfants de seize ans et moins soumis à l'obligation scolaire.

« La conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice d'une activité sportive par un mineur, soit dont la cause est l'exercice d'une activité sportive par un mineur, ne donne lieu à aucune rémunération ou indemnité ni à l'octroi de quelque avantage que ce soit au bénéfice d'une personne mettant en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un de ces contrats ou d'une personne agissant pour le compte du mineur.

« Toute convention contraire aux dispositions du présent article est nulle.

« Art. L. 222-5-1. - Les infractions aux règles de rémunération mentionnées au premier alinéa de l'article L.222-5 sont punies d'une amende de 3 750 euros.

« La récidive est punie d'un emprisonnement de quatre mois et d'une amende de 7 500 euros.

« Art. L. 222-6 - L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive, ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif.

La licence est délivrée, suspendue et retirée, selon la discipline concernée, par la fédération délégataire compétente. Celle-ci contrôle annuellement l'activité des agents sportifs.

« Art. L. 222-6-1. - L'agent sportif peut, pour l'exercice de sa profession, constituer une société ou être préposé d'une société.

« Les agents sportifs ou la société qu'ils ont constituée doivent souscrire pour l'exercice de leur activité, des garanties d'assurance couvrant leur responsabilité civile et celle de leurs préposés.

« Art. L. 222-7. - Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d'agent sportif :

« 1° S'il exerce, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d'entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué ou s'il a été amené à exercer l'une de ces fonctions dans l'année écoulée ;

« 2° S'il est, ou a été durant l'année écoulée, actionnaire ou associé d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;

« 3° S'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire au moins équivalente à une suspension par la fédération délégataire compétente à raison de manquement au respect des règles d'éthique, de moralité et de déontologie sportives ;

« 4° s'il est préposé d'une association ou d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;

« 5° s'il est préposé d'une fédération sportive ou d'un organe qu'elle a constitué ;

« 6° s'il exerce la profession d'avocat.

« Art L. 222-7-1. - Nul ne peut exercer, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d'entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué s'il a exercé la profession d'agent sportif durant l'année écoulée.

« Nul ne peut être actionnaire ou associé d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives s'il a exercé la profession d'agent sportif durant l'année écoulée.

« Art. L. 222-7-2. - Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d'agent sportif s'il a fait l'objet d'une condamnation pénale figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour crime ou pour l'un des délits prévus :

« 1° Aux chapitres Ier, II, III, IV, V et VI du titre II du livre II du code pénal ;

« 2° Aux chapitres Ier, II, III et IV du titre Ier du livre III du même code ;

« 3° Aux chapitres Ier, III et IV du titre II du livre III du même code ;

« 4° Aux chapitres III et IV du titre III du livre IV du même code ;

« 5° Aux chapitres Ier, II, III, IV et V du titre IV du livre IV du même code ;

« 6° Aux articles L.232-25 à L.232-29 et L.222-5-1 du présent code ;

« 7° A l'article 1750 du code général des impôts.

« Conformément au 3° de l'article 776 du code de procédure pénale, le bulletin n° 2 du casier judiciaire peut être délivré à la fédération délégataire compétente.

« Art. L. 222-8. - Sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L.222-7 à L.222-7-2 les préposés d'un agent sportif ou de la société qu'il a constituée pour l'exercice de son activité.

« Il est interdit d'être préposé de plus d'un agent sportif ou de plus d'une société au sein de laquelle est exercée l'activité d'agent sportif.

« Art. L. 222-8-1. - Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L.222-7 à L.222-7-2.

« Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses associés ou actionnaires ne peuvent en aucun cas être :

« 1° Une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;

« 2° Une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué.

« Art. L. 222-8-2. - Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires ne peuvent être des sportifs ou des entraîneurs pour lesquels l'agent peut exercer l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L.222-6.

« Art. L. 222-9. - L'activité d'agent sportif peut être exercée sur le territoire national, dans les conditions prévues aux articles L.222-5 à L.222-13, par les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen :

« 1° Lorsqu'ils sont qualifiés pour l'exercer dans l'un des États mentionnés au premier alinéa dans lequel la profession ou la formation d'agent sportif est réglementée ;

« 2° Ou lorsqu'ils ont exercé à plein temps pendant deux ans au cours des dix années précédentes la profession d'agent sportif dans l'un des États mentionnés au premier alinéa dans lequel ni la profession ni la formation d'agent sportif ne sont réglementées, et qu'ils sont titulaires d'une ou plusieurs attestations de compétences ou d'un ou plusieurs titres de formation délivrés par l'autorité compétente de l'État.

« Lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application de l'article L.222-6, un décret en Conseil d'État fixe les conditions auxquelles les ressortissants d'un État membre de la communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen de l'activité d'agent sportif sont soumis lorsqu'ils souhaitent s'établir sur le territoire national.

« Cette activité peut également être exercée de façon temporaire et occasionnelle par tout ressortissant légalement établi dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans le respect des dispositions des articles L.222-7 à L.222-8-2. Toutefois, lorsque ni l'activité concernée ni la formation permettant de l'exercer ne sont réglementées dans l'État membre d'établissement, le prestataire doit l'avoir exercée pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation.

« Les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen doivent, préalablement à l'exercice de l'activité d'agent sportif sur le territoire national y compris temporaire et occasionnelle en faire la déclaration à la fédération délégataire compétente selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 222-9-1. - Le ressortissant d'un État qui n'est pas membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui n'est pas titulaire d'une licence d'agent sportif au sens de l'article L.222-6, doit passer une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d'une partie intéressée à la conclusion d'un contrat mentionné à l'article L.222-6.

« La convention de présentation mentionnée au premier alinéa doit être transmise à la fédération délégataire compétente.

« Art. L. 222-10. - Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d'une des parties aux contrats mentionnés à l'article L.222-6.

« Le contrat en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 précise :

« 1° Le montant de la rémunération de l'agent sportif, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu par les parties qu'il a mises en rapport ;

« 2° La partie à l'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 qui rémunère l'agent sportif.

« Le montant de la rémunération de l'agent sportif tel que mentionné au 1° du présent article peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l'article L.222-6, être pour tout ou partie acquitté par le cocontractant du sportif. Cette rémunération n'est alors pas qualifiée d'avantage en argent accordé au sportif en sus des salaires, indemnités ou émoluments. L'agent sportif donne quittance du paiement au cocontractant du sportif.

« Lorsque, pour la conclusion d'un même contrat mentionné à l'article L.222-6, plusieurs agents sportifs interviennent, le montant total de leurs rémunérations ne peut excéder 10 % du montant du ou des contrats mentionnés à l'article L.222-6.

« Toute convention contraire aux dispositions du présent article est réputée nulle et non écrite.

« Art. L. 222-10-1. - Au titre de la délégation de pouvoir qui leur est concédée, les fédérations délégataires et le cas échéant les ligues professionnelles qu'elles ont constituées veillent à ce que les contrats mentionnés aux articles L.222-6 et L.222-10 préservent les intérêts des sportifs, de la discipline concernée, et soient conformes aux dispositions des articles L.222-6 à L.222-10. A cette fin, elles édictent les règles relatives :

« 1° A la communication des contrats mentionnés à l'article L.222-6 et des contrats en exécution desquels l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;

« 2° A l'interdiction pour leurs licenciés ainsi qu'à leurs associations et sociétés affiliées de recourir aux services d'une personne exerçant l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L.222-6 qui ne détient pas de licence d'agent sportif au sens de ce même article ;

« 3° Au versement de la rémunération de l'agent sportif qui ne peut intervenir qu'après transmission du contrat visé à l'article L.222-10 à la fédération délégataire compétente.

« Art. L. 222-10-2. - Les fédérations délégataires compétentes édictent des sanctions à l'encontre des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées, en cas de :

« 1° Non communication :

« a) Des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;

« b) Des contrats en exécution desquels l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;

« 2° Non-respect des dispositions des articles L.222-5 et L.222-6 à L.222-10-1 ;

« 3° Non communication des documents nécessaires au contrôle de l'activité de l'agent.

« Art. L. 222-11. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait d'exercer l'activité définie à l'article L.222-6 :

« 1° Sans avoir obtenu la licence d'agent sportif ou en méconnaissance d'une décision de suspension ou de retrait de cette licence ;

« 2° Ou en violation des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.222-5 et des articles L.222-7 à L.222-10.

« Le montant de l'amende peut être porté au-delà de 30 000 euros jusqu'au double du montant de la somme indûment perçue.

« Art. L. 222-12. - Les peines prévues à l'article L.222-11 peuvent être accompagnées d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer l'activité d'agent sportif.

« Art. L. 222-13. - Les modalités d'application des articles L.222-6, L.222-6-1 et L.222-9 à L.222-10-2 sont définies par décret en Conseil d'État. »

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.222-5 du code du sport, après les mots :

au bénéfice d'une personne

insérer les mots :

physique ou morale

M. Jean-François Voguet.  - En déposant cet amendement, mon seul souhait était de ne pas permettre au nouveau texte d'être en recul sur les dispositions actuelles. Je suis donc satisfait de la décision de notre commission de le soutenir. Aussi vais-je profiter de cette occasion pour vous dire, monsieur le ministre, qu'il serait temps que la loi évolue plus fortement sur cette question des mineurs sportifs professionnels. Est-il normal qu'aucun article du code du travail ne fasse référence à leur cas ? On y parle de mineurs comédiens, mannequins, artistes de cirque, mais jamais de sportifs. Il serait donc temps de nous pencher sérieusement sur les conditions de travail de ces jeunes sportifs afin de préserver leur santé, mais aussi sur leur droit à la formation et à des conditions d'entraînement respectueuses de leur jeunesse et de leur corps. Il nous faut aussi envisager la question de leur réinsertion, quand ils ne font pas la carrière espérée. Peut-on accepter que des contrats puissent se conclure sur de jeunes enfants en vue de leur accession éventuelle sur les plus hautes marches ? Je pense en particulier à la prise en main de très jeunes joueurs de tennis, dans le cadre de prétendues écoles de sport.

Enfin ne serait-il pas temps que la France se distingue en soutenant et en mettant en oeuvre la proposition de Michel Platini, qui souhaite l'interdiction du transfert des mineurs ?

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Tout à fait d'accord avec vous sur la question des mineurs. Merci d'avoir, après notre discussion en commission, adapté votre amendement auquel nous sommes maintenant favorables.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

M. François Fortassin.  - Je me félicite de cette proposition de loi. Mais le mieux peut parfois être l'ennemi du bien. Si les agents ne peuvent s'occuper des mineurs, ces athlètes précoces trouveront tout de même preneurs.

Il y a un risque de dérives, que les fédérations ne pourront pas toujours sanctionner suffisamment, faute de moyens. Monsieur le ministre, les sanctions devront être exemplaires. Les mauvaises habitudes ont déjà été prises !

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-6 du code du sport par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fédérations délégataires publient la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans leur discipline, ainsi que les sanctions qu'elles peuvent prendre à leur encontre.

M. Jean-François Voguet.  - Il est défendu.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Domaine règlementaire. L'article R 222-12 prévoit que les décisions d'acceptation et de refus de délivrance d'une licence sont publiées dans les bulletins des fédérations. Un nouveau décret prévoira explicitement la publication de la liste de l'ensemble des agents. Enfin, les sanctions sont détaillées dans la partie réglementaire du code. Avis défavorable.

L'amendement n°10, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-6-1 du code du sport, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les préposés de la société d'un agent sportif, lorsqu'ils exercent l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 222-6, sont soumis à l'obligation de détention de licence prévue à cet article.

M. Serge Lagauche.  - Le code du sport ne définit pas la fonction de « préposé » d'un agent sportif. Or leurs tâches ne sont pas purement administratives ; ils peuvent également exercer une fonction d'intermédiaire. Le rapport d'information de l'Assemblée nationale, qui préconisait la création d'un statut de collaborateur d'agent sportif, interdisant tout rôle de conseil, n'a pas été suivi. Nous proposons donc de soumettre les préposés à la même obligation de licence que les agents quand ils effectuent des tâches autres que purement administratives.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Les préposés doivent détenir la licence pour pouvoir exercer cette activité. L'amendement est satisfait : retrait, sinon rejet.

L'amendement n°1, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vous informe que Gaël Monfils vient de battre David Ferrer en quatre sets ! (Applaudissements)

Amendement n°3, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-8-2 du code du sport, après les mots :

associés ou actionnaires

insérer les mots :

ou ses préposés

M. Serge Lagauche.  - Il s'agit de lever une ambiguïté et de mieux cibler les incompatibilités en interdisant tout cumul de la fonction d'agent avec celles d'entraîneur ou de sportif.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - L'article L 222-8 prévoit que toutes les incompatibilités sont applicables aux préposés. L'amendement est satisfait ; retrait, sinon rejet. Et je félicite l'agent de Gaël Monfils ! (Sourires)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-8-2 du code du sport, supprimer les mots :

pour lesquels l'agent peut exercer l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 222-6

M. Serge Lagauche.  - Il est défendu.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Le texte interdit déjà à un sportif professionnel ou à un entraîneur de posséder des parts dans la société d'un agent exerçant dans la même discipline. Aller au-delà serait inutile, et contraire au principe de libre entreprise. Avis défavorable.

L'amendement n°2, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-9 du code du sport.

M. Serge Lagauche.  - Les différents groupes de travail dénoncent tous le cas des agents étrangers qui exercent sans garantie sur le territoire français. La proposition de loi prévoit un régime dérogatoire, sans aucune contrainte de titre homologué par la France, pour les agents ressortissants de l'UE ou de I'EEE exerçant une mission « temporaire ou occasionnelle », sans définir ce caractère temporaire ou occasionnel. Vu les sommes en jeu, une opération de transfert ne peut être réalisée sous l'égide d'un agent ne satisfaisant pas aux critères d'obtention de la licence française.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - L'activité d'agent exercée par un ressortissant de l'UE ou de l'EEE, même si elle n'est que temporaire ou occasionnelle, est soumise à conditions : toutes les incompatibilités s'appliquent, et l'activité doit être déclarée à la fédération. Aller plus loin serait contraire au principe de liberté de prestation de service, fixé par le droit européen. Avis défavorable.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-9-1 du code du sport :

« Art. L. 222-9-1. - Un agent sportif ressortissant d'un État qui n'est pas membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit être titulaire d'une licence d'agent sportif au sens de l'article L. 222-6.

M. Serge Lagauche.  - Mêmes arguments : il faut prévoir les mêmes exigences pour les agents non ressortissants de l'Union européenne, qui doivent présenter les mêmes garanties que les agents français. Nous ne saurions nous satisfaire d'une simple convention passée avec un homologue français : les agents non ressortissants d'un État membre de l'UE et de l'EEE doivent être soumis à la même obligation de licence.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Vous proposez de revenir au système en vigueur, qui est trop contraignant, inapplicable et d'ailleurs inappliqué. Le dispositif prévu par la proposition de loi est plus équilibré, et permet de contrôler l'activité de ces agents. Avis défavorable.

L'amendement n°5, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.

Supprimer les quatrième (2°) et cinquième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10 du code du sport.

M. Jean-François Voguet.  - Cet article légalise des pratiques jusqu'ici interdites. La rémunération d'un agent par le club du sportif crée un risque de conflit d'intérêts entre le sportif et son agent. Il y a là un problème éthique. On risque de n'avoir plus à terme que des agents recruteurs payés par les clubs.

Selon le rapporteur, les fraudes actuelles visent à blanchir de l'argent sale et à réduire les sommes versées au fisc et aux organismes sociaux.

En proposant que la rémunération des agents soit prise en charge par les clubs, vous accordez aux fraudeurs une partie de ce qu'ils recherchent en diminuant les prélèvements fiscaux et sociaux. Cela va à l'inverse de l'effet recherché. En période de restrictions budgétaires, est-il normal de distribuer de nouveaux cadeaux fiscaux à ceux qui n'en ont pas besoin et de réduire les ressources des organismes sociaux ?

M. Pierre Martin, rapporteur.  - La possibilité pour les clubs de rémunérer les agents est au centre de nos préoccupations. Le contrôle sera plus efficace si l'on s'adapte à une situation de fait : la doctrine fiscale considère déjà que la rémunération de l'agent correspond à une prestation, soumise à la TVA. Si elle était prise en charge par le joueur, des charges sociales en seraient déduites.

Avis défavorable.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Serge Lagauche.  - Je me suis moi aussi beaucoup interrogé sur l'opportunité de légaliser une pratique courante mais illégale, celle du double mandatement des agents. Un club pourra désormais verser à un agent une commission, trop élevée, ce qui permettra au second de verser une rétro-commission au premier... On comprend que dans un marché générant, pour le seul football, quelque 300 millions d'euros annuels, la légalisation de cette combinaison soit accueillie à bras ouverts !

On peut penser que la légalisation d'une pratique opaque la rendra transparente. On peut aussi estimer que la suppression du caractère renouvelable du mandat apportera une certaine sécurité aux agents vis-à-vis des clubs. Je ne suis, hélas, pas naïf au point de le croire. J'ai en mémoire les affaires de ces dernières années, affectant notamment l'OM et le Racing de Strasbourg, qui ont laissé poindre, lors d'opérations de transfert de joueurs, des pratiques de blanchiment d'argent, d'évasion fiscale, de traite d'enfants africains, de corruption...

Certes, ces contrats devraient dorénavant être transmis aux fédérations, mais le double pouvoir de contrôle de celles-ci et des ligues n'est pas de nature à nous rassurer. Surtout, il est à craindre que les contrats et mandats transmis ne mentionnent pas dans leur intégralité les transactions et les manipulations effectuées lors de celles-ci.

En 2007, devant la mission de l'Assemblée nationale, Bertrand Cauly, président du Collectif 2006 des agents sportifs, recommandait que seul le joueur paie l'agent. Il considérait en outre que l'agent de club, payé par le club, ne sert à rien.

Je ne souhaite pas que le législateur cautionne des pratiques douteuses et je voterai l'amendement du groupe CRC.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le -10-1premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10-1 du code du sport, supprimer les mots :

et le cas échéant les ligues professionnelles qu'elles ont constituées

M. Serge Lagauche.  - S'il améliore un peu le régime juridique des agents et l'arsenal de sanctions accompagnant cette activité, ce texte conforte les intérêts des ligues professionnelles. Il est inopportun de leur donner un pouvoir de contrôle sur le contenu des contrats conclus par le biais des agents sportifs, d'autant plus que ce texte légalise le double mandatement qui favorise le versement de rétro-commissions aux clubs. Les ligues représentant les intérêts des clubs, ces derniers vont ainsi devenir juges et parties.

Afin de mieux préserver les intérêts des sportifs, nous souhaitons donc que seules les fédérations restent investies d'un pouvoir de contrôle sur ces contrats.

M. le président.  - Amendement identique n°8, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.

M. Jean-François Voguet.  - En juillet 2000, le législateur a confié aux fédérations sportives, en vertu de leur délégation de service public, la mission d'attribuer des licences aux agents sportifs et de contrôler leur activité. Ce texte conforte cette compétence, et nous nous en félicitons. Mais pourquoi prévoir que les fédérations soient mises au même niveau que les ligues pour s'assurer que les contrats préservent les intérêts des sportifs et de la discipline concernée ? La formulation « le cas échéant » est trop vague et ouvre la porte aux contentieux.

D'autre part, l'article premier prévoit que les fédérations édictent des règles s'appliquant à leurs licenciés, aux associations et aux sociétés affiliées. Comment une ligue professionnelle pourrait-elle, à la place d'une fédération, régir l'activité des amateurs ? Enfin, on lui demande d'être juge et partie en contrôlant sa propre activité. Cet amendement lèverait toute ambiguïté.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Selon l'importance des disciplines, il y a soit seulement des fédérations, soit des fédérations et des ligues, ces dernières gérant le professionnalisme et jouant un rôle essentiel pour l'homologation des contrats. La ligue de football, qui exerce un contrôle à travers la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG), peut informer la fédération, qui statuera en connaissance de cause. Les sanctions sportives pour les clubs sont également transmises par la ligue.

Il est donc nécessaire d'impliquer les ligues dans le contrôle des agents, mais les sanctions liées à l'activité de ces derniers restent de la seule compétence de la fédération. Vous pouvez donc être rassuré. A défaut, je serais défavorable à ces deux amendements.

L'amendement n°6, identique à l'amendement n°8, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10-2 du code du sport par les mots :

, dans un délai de deux mois :

M. Serge Lagauche.  - Dans son rapport d'avril 2005, la mission de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports dénonçait le très faible taux de contrats soumis aux fédérations. Il était même nul pour la fédération française de volley-ball du fait de l'acquittement d'une redevance annuelle par les agents. La loi de 2000 imposait déjà la communication aux fédérations des contrats et mandats passés sous l'égide des agents sportifs, mais la pratique du double mandatement dissuadait les agents de déposer des contrats et mandats qui mentionnaient leur rémunération par le club.

Ce texte renforce un peu le pouvoir de sanction des fédérations. C'était nécessaire car, comme le rappelle un quotidien ce matin, « en cinq ans, les principales fédérations sportives se sont contentées de délivrer neuf blâmes à des agents, dont sept en rugby et zéro en foot ». Il serait opportun de prévoir un délai de communication des contrats, même si l'autorisation du double mandatement devrait améliorer la situation. Nous proposons un délai de deux mois pour la communication du contrat à l'autorité chargée du contrôle. Cela correspond à la pratique du droit des contrats, notamment dans le cadre des délégations de service public.

M. Pierre Martin, rapporteur.  - Cette disposition relève du pouvoir réglementaire : l'article R222-21 du code des sports prévoit un délai de communication d'un mois après la signature des contrats et mandats. Votre amendement est satisfait et je vous propose, en bonne harmonie, pour terminer cet examen, de le retirer.

L'amendement n°7 est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance, demain, jeudi 5 juin à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 5 juin 2008

Séance publique

À 9 HEURES 30,

Discussion du projet de loi (n° 283, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Rapport (n° 350, 2007-2008) de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

À 15 heures

Discussion de la proposition de loi (n° 323, 2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapport (n° 358, 2007-2008) de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Examen des conclusions (n° 364, 2007-2008) de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. René Garrec un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, complétant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 260, 2007-2008).

- M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 344, 2007-2008).

- M. Jean-Claude Frécon, Mmes Nicole Bricq, Catherine Tasca et M. Yannick Bodin une proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France.

- MM. Roland Courteau et Marcel Rainaud une proposition de loi définissant les conditions de paiement, lors des transactions commerciales, sur le vin.

- M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.