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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Communication audiovisuelle (Conclusions de la CMP)

Rappel au Règlement

Discussion générale

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 15

Article 19 ter

Vote sur l'ensemble

Protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de l'Albanie et de la Croatie

Discussion générale

Explications de vote

Accords avec l'Australie et avec le Conseil fédéral suisse (Procédure simplifiée)

Dépôt du rapport de la Cour des comptes

Conférence des Présidents

Grenelle de l'environnement (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 27

Article additionnel

Article 28




SÉANCE

du mercredi 4 février 2009

63e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : Mme Anne-Marie Payet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Communication audiovisuelle (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Rappel au Règlement

M. Jack Ralite.  - Le président du Conseil d'État rendra au plus tard après demain son délibéré sur le recours déposé par le groupe CRC-SPG sur ce texte, dont une disposition, que l'Élysée et le Gouvernement ont voulue symbolique, la suppression de la publicité en soirée, avait été mise en vigueur avant même que notre Haute assemblée soit appelée à en délibérer. Décision grave, offensante, déchirement du droit qui nous mettait devant le fait accompli, portait atteinte à notre droit d'amendement et répondait à la seule règle qui veut que la fin justifie les moyens.

L'audience a montré combien le pouvoir était en difficulté. La partie ministérielle a fui la discussion, n'opposant que des arguments de procédure et rien sur le fond.

Le délibéré portera sur l'article 18, sur lequel on demande aujourd'hui de voter. Afin que la commission, les groupes politiques et chacun d'entre nous puissent se déterminer en connaissance de cause, nous demandons une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG et sur plusieurs bancs socialistes)

M. le président.  - Je vous donne acte de cette information mais je ne crois pas qu'une suspension de séance soit de nature à éclairer davantage le Sénat.

Discussion générale

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - La discussion sur ce texte s'était ouverte pour nous dans des circonstances un peu particulières, puisque sa mesure principale, dont tout ou presque semblait découler, était entrée en application deux jours auparavant, quand la publicité avait disparu en soirée sur les chaînes publiques. Tout semblait dit et nombreux étaient ceux qui craignaient un vide du débat. Or nous avons su faire entendre la voix singulière du Sénat, nourrie des 133 amendements que nous avons adoptés en provenance de tous les groupes politiques. Cette voix a résonné jusqu'au sein de la CMP.

M. David Assouline.  - Sans blague !

Mme Morin-Dessailly, rapporteur.  - Nous avons réaffirmé la nécessité d'assurer au service public de l'audiovisuel un financement pérenne et dynamique à travers la redevance, dont c'est la vocation première. Aucun impôt n'est en soi impopulaire. C'est l'ignorance de son usage qui le rend tel. Si chacun savait que la redevance finance non seulement la télévision publique, la radio publique, trop souvent oubliée, ainsi que quatre orchestres, si chacun savait que, pour 10 euros par mois, il dispose du premier bouquet de chaînes de télévision et de stations de radio gratuit, l'impopularité de la redevance ne tarderait pas à se dissiper.

C'est pourquoi, dans le droit fil des travaux de la commission Copé, votre commission a mis l'augmentation de la redevance au coeur de sa réflexion sur la nouvelle télévision publique. Une réforme d'une telle ampleur, qui engage non seulement France Télévisions, mais tout le secteur de la création, soit 260 000 emplois, supprime la publicité, redessine l'identité des chaînes, construit le média global, ne peut faire l'économie des moyens. Le Sénat a pris ses responsabilités en votant à une immense majorité l'augmentation de la redevance, qui n'avait pas été revalorisée depuis 2001, de 4 euros sur deux ans, en prévoyant son indexation à l'euro supérieur, en réaffirmant son extension aux ordinateurs et en excluant le groupement d'intérêt public France Télénumérique de ses bénéficiaires.

Nous avons dans le même temps engagé un travail de pédagogie, en la rebaptisant « contribution à l'audiovisuel public », afin de mieux faire percevoir le service offert à celui qui l'acquitte. Nous avons aussi souhaité -et j'espère, madame la ministre, que vous pourrez prendre des engagements sur ce point- que la confusion cesse avec les impôts locaux, grâce à une notification distincte.

La CMP a entériné les mesures qui nous tiennent le plus à coeur. En 2010, la contribution pour l'audiovisuel public s'élèvera ainsi au moins à 120 euros, sans compter l'indexation que nous avons votée en loi de finances rectificative. Le GIP France Télénumérique sera financé à l'avenir par voie de crédits budgétaires. Dès l'année prochaine, ce sont plus de 72 millions qui seront ainsi rendus à l'audiovisuel public, 130 millions en 2011.

Au total, en 2010, l'audiovisuel public bénéficiera de plus de 110 millions supplémentaires. La réforme sera assise sur des bases financières solides et pérennes.

C'est pourquoi la commission mixte paritaire n'a pas jugé nécessaire d'ajouter à cette augmentation de la contribution à l'audiovisuel public son indexation à l'euro supérieur. Elle est également revenue sur le vote du Sénat qui rappelait que la contribution à l'audiovisuel public concernait aussi les foyers qui reçoivent la télévision via leur ordinateur. A l'ère du média global, nombre de programmes du service public peuvent déjà être visionnés sur internet, de même que les radios publiques sont disponibles en ligne. Demain, grâce au Sénat, l'offre de télévision de rattrapage en ligne sera intégralement gratuite, à l'exception de certaines manifestations sportives et des films. Cette mesure légitime, déjà inscrite dans le code des impôts, requiert encore de la pédagogie. Nous n'avons fait que tracer la voie, qui mérite, madame la ministre, d'être poursuivie. Aussi l'examinerons-nous avec une attention toute particulière dans le cadre du comité institué par l'article 49 AA, qui aura notamment pour mission de moderniser la contribution à l'audiovisuel public, et singulièrement son assiette et s'attacher au devenir des taxes. Le Sénat a pris toutes ses responsabilités en mettant fin aux situations d'inégalité les plus criantes liées à la double taxation de l'assiette publicitaire des chaînes, à la taxation de chaînes d'audience internationale ne bénéficiant pas de l'effet d'aubaine liée à la suppression de la publicité, à la taxation des investissements des opérateurs de télécommunication ainsi qu'à celle des opérateurs ultramarins. Il a créé les conditions nécessaires à une réflexion sur l'évolution de ces taxes au regard de l'évolution de la redevance et des économies liées à la mutualisation des moyens dans l'entreprise unique. La CMP a adopté la position équilibrée du Sénat.

Conforter le financement de France Télévisions, ce n'est pas seulement assurer l'indépendance matérielle du service public, c'est aussi garantir que la création pourra s'épanouir sur ses écrans. Dans le droit fil des travaux du Sénat, la CMP a réaffirmé, dès l'article premier, le rôle central de France Télévisions en la matière. Pour lever toutes les inquiétudes qu'éveillait la possible constitution d'un guichet unique, elle a retenu la collégialité comme mode de sélection des projets.

Avec ce projet de loi, ce n'est donc pas seulement à France Télévisions que nous donnons les moyens d'un nouvel élan, c'est à l'ensemble des forces créatives que compte le monde culturel français. Avec la fin de la publicité, l'ambition culturelle se trouve au centre du projet de la télévision publique. C'est pourquoi votre commission vous invite à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire et à donner ainsi le véritable coup d'envoi d'une réforme qui ne se limite pas à la suppression de la publicité, mais qui prend appui sur elle pour aller beaucoup plus loin encore. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Thiollière, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Je tiens à remercier Catherine Morin-Dessailly dont le travail et la force de conviction nous ont permis de faire aboutir la CMP. Le Sénat avait insisté sur l'indépendance de l'audiovisuel public et la CMP a conservé la disposition fondamentale qui, dans leur convention collective, garantit l'indépendance des journalistes.

Nous avions souhaité que la nomination des présidents des sociétés nationales de programme se fasse dans la transparence. Cette nomination par le Président de la République est source de transparence et d'efficacité mais nous avons apporté deux garanties supplémentaires : un avis conforme du CSA et un avis public des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, qui pourront s'y opposer à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres.

Notre Haute assemblée avait toutefois considéré qu'à la différence du dispositif de nomination, celui de la révocation -rare mais qu'il faut prévoir- était insuffisamment encadré. La Constitution n'en dit mot et votre commission avait choisi de proposer un dispositif plus strict quant à la place qu'y jouerait le Parlement. En CMP, nous avons dû toutefois évoluer sur cette question, compte tenu du risque d'inconstitutionnalité et nous nous sommes finalement ralliés au dispositif de l'Assemblée nationale, tout en conservant l'exigence, introduite par le Sénat, d'un vote à la majorité absolue au sein du CSA.

Nous avons souhaité assurer la diversité de l'audiovisuel public et l'entreprise unique sera la garantie d'une communauté nouvelle qui se met en place entre les différentes chaînes, France Télévisions devenant pour la télévision ce qu'est Radio France pour la radio et qui fonctionne depuis des années à la satisfaction de tous.

Nous avons souhaité promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des oeuvres étrangères diffusées sur le service public. Dans le même esprit, nous avons choisi de rendre gratuite la télévision de rattrapage sur internet, car le média global est le moyen de rendre de nouveaux services au public.

Les conditions dans lesquelles l'audiovisuel public pourra faire appel au parrainage -qui n'est pas la publicité- ont été mieux encadrées par des amendements sénatoriaux que la CMP a repris.

Les choix du service public devront être validés par les téléspectateurs qui seront représentés dans un Conseil des programmes que France Télévisions devra constituer et consulter régulièrement, ce que la CMP a accepté.

Le Sénat avait renforcé la responsabilité politique du Parlement sur les contrats d'objectifs et de moyens en supprimant l'avis préalable du CSA, ce que la CMP a également accepté.

Le Sénat a souhaité étendre les pouvoirs du régulateur, qui pourra saisir l'Autorité de la concurrence, avoir un avis sur l'ensemble des textes réglementaires du secteur et disposer d'une possibilité d'astreinte étendue. Le texte du Sénat a été maintenu en l'état sur tous ces points.

Nous avions également souhaité que l'audiovisuel public soit, chaque année, évalué et contrôlé par le Parlement.

La CMP nous a suivis sur la transposition de la directive et sur le maintien de la numérotation des chaînes de la TNT.

La CMP a souhaité rétablir la suppression de la publicité sur RFO que le Sénat avait choisi de faire disparaître, parce qu'il n'y a aucune raison que nos compatriotes ultramarins n'en bénéficient pas eux aussi ainsi que du passage au numérique.

Le texte qui sort de la CMP est, pour sa plus grande part, celui du Sénat. Nous avons su construire un projet de loi qui donne toute confiance en un audiovisuel rénové et permet de construire ce média global que nous appelons tous de nos voeux. Nos amendements ont traduit nos principes et nos valeurs, celles de la République, car l'audiovisuel est un lien social fort. Les nouvelles technologies ne sont pas une contrainte, elles permettent d'offrir de nouveaux services. Finalement, seul le public tranchera. Il a déjà apprécié la suppression de la publicité, il appréciera la qualité des programmes et, si le public est satisfait, nous aurons fait notre devoir de parlementaires. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Ce projet de loi est aussi une grande réforme culturelle. Les Français plébiscitent la disparition de la publicité comme le montrent les sondages d'opinion. Après un mois et demi de débat au Parlement, la commission mixte paritaire propose un texte largement enrichi par rapport à celui que vous proposait le Gouvernement.

La représentation de la diversité de la population française sera désormais assurée, à la fois sur les écrans et dans la politique de ressources humaines de l'audiovisuel public.

La gouvernance de l'audiovisuel extérieur de la France sera plus cohérente et plus pertinente grâce à un représentant de cette francophonie si chère au président Legendre. Les conditions de nomination et de retrait du président de l'audiovisuel public ont été précisées pour rendre plus visibles les avis du CSA et des commissions parlementaires, car il y aura un débat public.

Un conseil consultatif intéressera les téléspectateurs aux programmes tandis que les projets d'investissement audiovisuel éviteront l'arbitraire du guichet unique.

Les conditions de suppression totale de la publicité ont été encadrées et assorties d'une clause de revoyure ; quant à RFO, le projet pose les termes d'une suppression totale de la publicité, avec extinction de l'analogique et concurrence d'une offre privée.

Le financement de l'audiovisuel public est mieux garanti par l'indexation dès 2008 de la redevance, rebaptisée contribution à l'audiovisuel public. La taxe sur les chaînes privées tiendra compte du surplus de publicité mais, afin de réduire la fracture numérique, les investissements des opérateurs ne seront pas pénalisés.

La protection des mineurs fera l'objet de propositions. Le projet garantit le droit à l'information, dans le respect des intérêts des ayants droit. Les accords interprofessionnels passés par les chaînes historiques s'appliqueront en confirmant l'identité éditoriale de chaque antenne.

Enfin, le texte issu de la commission mixte paritaire crée un comité de suivi formé de parlementaires. Le lien entre l'audiovisuel public et les membres des deux assemblées est ainsi renforcé.

Ce projet fort commenté a donné lieu à des débats passionnés et passionnants. Il a assuré à l'audiovisuel public un financement pérenne dont les derniers chiffres de la publicité montrent tout l'intérêt. Si l'audiovisuel privé est décorseté, ses obligations sont précisées. Je remercie tous ceux qui ont soutenu et enrichi ce projet d'ensemble, à commencer par le président de la commission des affaires culturelles et ses deux rapporteurs ; je salue aussi les propositions et les amendements de la commission des affaires économiques et de tous ceux qui ont porté cette réforme ambitieuse qui profitera à toute la France et pas seulement à Paris. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre ; M. David Assouline : « Bla, bla, bla ! »)

M. Bruno Retailleau.  - Je veux d'abord saluer les rapporteurs au fond et les remercier d'avoir conduit un gros travail...

M. David Assouline.  - Pour rien !

M. Bruno Retailleau.  - ... avec patience et ouverture... (Mme Catherine Tasca s'exclame)

Le hasard fait parfois bien les choses. Notre débat arrive en effet à son terme alors que nous fêtons un double événement. Le premier est le cinquantième anniversaire de la création du ministère de la culture. (Mme la ministre salue l'orateur) C'est en effet en 1959 qu'André Malraux déclarait : « la culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur terre ». Le deuxième est le passage au tout numérique de 7 000 foyers français, qui vont basculer de la télévision d'hier à celle de demain. Cette coïncidence fortuite -à moins que la ministre dont nous connaissons le goût pour la mise en scène ne l'ait organisée...- (sourires) donne du sens au texte que nous sommes sur le point de voter.

Le Sénat a été à la hauteur du défi du mieux disant culturel -car la télévision, qui pénètre dans tous les foyers, avec sa force de frappe peut contribuer à grandir l'humanité- et du passage au numérique. Le projet était bien meilleur à l'issue de ces débats que quand il lui était arrivé de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est vrai !

M. Bruno Retailleau.  - Nous avons assuré à l'audiovisuel public un financement pérenne en rénovant la redevance, après la percée conceptuelle opérée dans le collectif (sourires) et en dynamisant son assiette, garantie de son indépendance. Nous avons également renforcé le contrôle du Parlement et, même si beaucoup reste à faire, une dynamique a été enclenchée.

Au nom de la commission des affaires économiques je veux souligner l'acquis essentiel que constitue la sanctuarisation de la frontière entre ce qui relève de l'audiovisuel à la demande et ce qui relève d'internet. Face à une jurisprudence hésitante, il fallait définir le cadre stable qui permettra à la France de se porter à la tête du combat sur les nouveaux médias.

Des sujets restent ouverts. Nous aurions souhaité que la prise en compte de l'investissement pour la couverture du territoire soit moins cosmétique et que les opérateurs mobiles virtuels soient exonérés. Le comité de suivi aura du pain sur la planche.

A l'approche du vote final durant lequel chacun se prononcera en conscience, je veux souligner que s'il fallait retenir une raison pour se déterminer, ce serait ce qui s'est passé fin 2008 et en janvier 2009. Il n'y aura pas de retour en arrière. La France a inventé la diversité culturelle ; pour nous, la culture ne se résume pas à quelques points de PIB : nous tenons à la création. Or celle-ci dépend pour une large part de l'audiovisuel. En assurant le financement de l'audiovisuel public...

Mme Catherine Tasca.  - Vous y croyez ? Pas nous !

M. Bruno Retailleau.  - ... nous avons préservé le socle de la création en France. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. David Assouline.  - Tout ça pour ça ! Nous, sénateurs de la République, sommes parlementaires au même titre que nos collègues de l'Assemblée nationale ; nous avons pourtant vu, mi-décembre, notre droit de légiférer ignoré, piétiné lorsque vous avez obligé le conseil d'administration de France Télévisions à appliquer la principale disposition du texte avant même que nous ayons commencé à l'examiner. Nous voici de nouveau humiliés par le travail de sape mené par la droite pour faire passer à la trappe tout ce que nos débats avaient pu introduire en faveur de la liberté et du pluralisme du service public audiovisuel. Le seul enjeu du débat d'aujourd'hui est donc de savoir si le Sénat va de nouveau se faire hara-kiri ou si quelques collègues, au-delà de l'opposition, se laisseront guider par leur conscience en dépit du bal des menaces de coups de bâton et des promesses de carottes, qui n'a pas cessé depuis plusieurs semaines.

Parfois, la politique est affaire de respect de soi et de dignité. Je ne me résoudrai jamais au cynisme politicien, qui dégrade notre image auprès de nos concitoyens. J'ai voulu croire ceux qui prétendaient qu'ils n'accepteraient jamais que l'on revînt sur l'encadrement du droit de révocation. Aujourd'hui, c'est à vous, c'est à nous tous qu'il revient de décider : le Sénat relèvera-t-il la tête ?

Je suis inquiet de voir que les sénateurs de la majorité n'ont pas osé s'opposer à un projet de loi que beaucoup réprouvaient, et dont presque tous critiquaient les modalités d'examen. M. le président Larcher veut rendre sa légitimité au Sénat : la meilleure façon de le faire serait de proclamer unanimement aujourd'hui notre désaccord avec les pratiques d'une CMP présidée par M. Copé, célèbre mangeur de chapeaux, qui n'a eu de cesse de détricoter l'ouvrage du Sénat. Quel gâchis ! Au cours de ces dizaines d'heures de débat, nous avons travaillé dans le souci de l'intérêt général, qui n'était malheureusement pas partagé par le Gouvernement, campant sur la position dictée par l'Elysée. Malgré notre opposition farouche à la mise sous tutelle politique et économique de l'audiovisuel public, nous n'avons jamais pratiqué l'obstruction mais déposé près de 150 amendements destinés à limiter les atteintes à l'indépendance, au pluralisme et à la liberté des médias, dans un esprit de collaboration auquel nous invitait la commission des affaires culturelles.

Cela a permis d'apporter au texte des améliorations insuffisantes mais substantielles. Certains de nos amendements ont été adoptés, comme celui qui reconnaissait l'existence de rédactions propres aux différentes chaînes publiques et imposait que ces rédactions fussent dirigées par des journalistes. Adoptée par le Sénat à la quasi-unanimité contre l'avis du Gouvernement, cette disposition a été supprimée par la CMP, au nom de la liberté de la direction de France Télévisions d'organiser les services de l'entreprise unique comme elle l'entend. On a ainsi fait litière de la qualité et de la diversité de l'information sur les chaînes publique, et de l'avenir d'émissions comme Envoyé spécial ou le 19/20, afin de préserver l'autonomie de gestion de dirigeants qui devront prendre leurs ordres à l'Elysée !

Un autre de nos amendements obligeait la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à coopérer avec Réseau France outre-mer (RFO). A l'heure où le Gouvernement et la majorité appellent de leurs voeux l'optimisation des moyens de la radio et de la télévision publiques, cette mesure paraissait pourtant logique : ensemble, les implantations de ces chaînes constituent un réseau unique au monde. Là encore, les députés UMP se sont retranchés derrière des principes de gestion. Quand on connaît le mode de gouvernance de l'équipe dirigeante de notre audiovisuel extérieur, fondé sur un management arbitraire et une politique de réduction des coûts à l'aveugle, on a du mal à comprendre que la majorité veuille la laisser entièrement libre de ses mouvements ! Les salariés de RFI et les auditeurs d'émissions diffusées en allemand ou en russe n'oublieront pas cette entreprise de démantèlement du service public de l'audiovisuel extérieur.

Nous avions également obtenu de la sagesse du Sénat, une nouvelle fois contre l'avis du Gouvernement, que la loi ne prévoie pas la suppression de la publicité sur les antennes de RFO. Le CSA et la commission Copé en sont convenus, comme tous les acteurs concernés : le marché de la publicité dans ces territoires est très modeste et sa disparition des chaînes publiques entraînerait un déséquilibre brutal entre l'offre et la demande. En outre, les plages de publicité télévisée permettent à des annonceurs locaux de toucher l'ensemble des habitants d'un territoire. Enfin, RFO est la source principale d'information de nos concitoyens ultramarins et doit pouvoir compter sur une ressource annuelle de 18,6 millions d'euros.

Alors que l'UMP vante sans cesse les mérites de la concurrence libre et non faussée, pourquoi la CMP est-elle revenu sur cette disposition ? A qui ce choix profite-t-il, sinon à quelques grands groupes médiatiques privés qui se retrouveront ainsi en situation de monopole ?

La suppression de ces trois amendements témoigne du mépris du parti majoritaire pour l'opposition, et prélude à la caporalisation des parlementaires que parachèvera bientôt la réforme de la procédure législative. En outre, le travail de sape de la CMP manifeste un réel dédain pour le Sénat, puisque certains amendements de nos rapporteurs en ont aussi fait les frais.

Il en va ainsi de la disposition prévoyant un meilleur encadrement du parrainage des programmes et de celle instaurant une consultation obligatoire du CSA sur tous les projets de lois ou de règlements relatifs à la communication audiovisuelle.

Censée dégager un accord entre députés et sénateurs sur un texte que les deux chambres ont dû examiner en urgence, en contradiction flagrante avec l'objectif de revalorisation du rôle du Parlement affiché par la révision constitutionnelle de l'été 2008, la CMP poursuivait en réalité deux buts : sauver la face d'un haut responsable de l'UMP -le fameux mangeur de chapeaux- qui avait eu la vanité de prétendre interdire toute augmentation de la redevance en mettant son propre avenir politique en jeu, et supprimer tous les freins au pouvoir conféré par le projet de loi au Président de la République de nommer et de révoquer les dirigeants de l'audiovisuel public. Comme en témoigne le conciliabule qui avait eu lieu la veille dans le bureau du Premier ministre entre les responsables de la majorité, et qui en dit long sur l'indépendance du pouvoir législatif par rapport à l'exécutif, il s'agissait bel et bien de faire rentrer le Sénat dans le rang pour sauver le soldat Copé et entériner le fait du prince.

C'est par cette mascarade de démocratie que risque de se clore un débat ubuesque né d'une annonce intempestive mais savamment calculée du Président de la République. La Haute assemblée peut-elle ainsi se laisser bafouer, prenant le risque de voir son rôle dans nos institutions remis en cause ?

Ce débat, quelle qu'en soit son issue, se prolongera sur le terrain juridique et je me fais un devoir de relire l'argumentaire de Michel Mercier sur l'encadrement des pouvoirs du Président de la République, mais aussi dans l'espace public. La réforme qui sera peut-être adoptée aujourd'hui par le Parlement est aberrante et indigne d'une grande démocratie. Sous couvert de libérer la télévision publique de la tyrannie de l'audimat, elle vise à prolonger la rente de situation détenue par la chaîne dominante du paysage audiovisuel français, propriété d'un groupe privé qui tire une partie significative de ses revenus de la commande publique et dont le principal dirigeant affiche sa proximité avec le chef de l'État.

Depuis quelques jours, on entend dire que les opposants au projet de loi se seraient trompés en dénonçant les cadeaux faits aux éditeurs privés des deux principales chaînes de la télévision hertzienne. Je maintiens que ce projet de loi organise un transfert de richesse sans précédent du service public vers quelques acteurs du secteur privé et s'apparente ainsi à du favoritisme pur et simple. Ce transfert, évalué à la moitié des 250 millions d'euros de recettes publicitaires perdues par France Télévisions, est renforcé par le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge pour le calcul de la diffusion des écrans publicitaires et par la possibilité d'insérer une deuxième coupure lors de la diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Sans l'admettre, l'État vient au secours d'un opérateur économique qui doit faire face à une conjoncture difficile parce qu'il n'a pas su adapter son modèle économique à la « révolution numérique » : c'est la prime au mauvais entrepreneur !

Le groupe TF1 conserve une part du marché de la publicité télévisée supérieure à 50 % et a été récemment condamné par les autorités de la concurrence à une amende de 250 000 euros pour abus de position dominante, parce qu'il avait violé son engagement de ne pas interférer dans la gestion de la régie publicitaire de la principale chaîne de la TNT, TMC, dont il est actionnaire.

On savait que le Président de la République préférait les forts aux faibles -cette volonté de libéraliser le secteur de l'information en est une nouvelle preuve.

Maltraitant le droit de la concurrence, cette réforme est avant tout une aberration démocratique qui viole notre droit constitutionnel. La nouvelle taxe sur les opérateurs de télécoms crée une inégalité devant les charges publiques. A la suite d'un amendement socialiste au projet de loi constitutionnelle, l'article 34 de la Constitution précise que le législateur « fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Or la tutelle financière de l'État est une entrave à l'autonomie de gestion de la télévision publique et donc à son indépendance, que le Conseil constitutionnel devra sanctionner.

Mais c'est le nouveau régime de nomination et de révocation des dirigeants qui viole le plus manifestement notre Constitution. La direction des programmes de la future télévision d'État sera assumée par le Président de la République, la direction financière par le ministre du budget ! C'est une régression sans précédent. L'autocensure, la peur de déplaire l'emporteront dans les rédactions.

Gardien des principes républicains et des libertés publiques, le Sénat, avec l'approbation de l'opposition, avait encadré le droit de révocation du président. Position balayée en CMP par les députés UMP, en service commandé, à l'aide d'arguments juridiques bien pauvres au regard de ceux de M. Mercier...

M. Michel Mercier.  - Enfin ! (Sourires)

M. David Assouline.  - A peine nommés, les dirigeants des chaînes publiques vivront sous la menace permanente de la révocation ad nutum !

Le Président de la République, qui ne souffre pas la critique, surtout venant des journalistes, ferait bien de méditer cette phrase du Figaro de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ».

M. Michel Mercier.  - Ah, Beaumarchais ! Retour à la sagesse !

M. David Assouline.  - La censure du Conseil constitutionnel donnera raison à l'opposition mais, surtout, à ceux qui partagent les craintes exprimées dans l'appel pour la défense de la liberté de la presse et de l'information. Promouvoir le respect du droit moral des journalistes, refuser le mélange des intérêts industriels et médiatiques, préserver l'intégrité du service public de l'audiovisuel, permettre l'accès à toutes les sources documentaires, protéger les sources des journalistes, limiter les concentrations et défendre le pluralisme, telles sont les ambitions, essentielles dans une démocratie, que nous avons essayé de relayer, comme parfois nos rapporteurs, au travers de nos amendements, tous balayés en CMP.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.  - C'est faux !

M. David Assouline.  - La colère gronde dans notre pays. La désespérance des ouvriers licenciés, le désarroi des salariés qui peinent à boucler les fins de mois quand l'État garantit des milliards aux banques creusent chaque jour le fossé entre nos concitoyens et leurs gouvernants.

M. Raymond Couderc.  - N'importe quoi.

M. David Assouline.  - Pour masquer son impuissance, le Président a trouvé un terrain d'action : pauvres libertés publiques, objet de toutes les attentions de Nicolas Sarkozy, sujet de ses foudres ! Des juges d'instruction jusqu'au préfet et au directeur de la sécurité publique de la Manche, congédiés pour avoir contrarié le Prince, le chef de l'État musèle tous ceux qui pourraient l'empêcher d'user et surtout d'abuser du pouvoir. Car l'abus de pouvoir est érigé en méthode de gouvernement...

En s'opposant à ce texte, nous enverrions au Président de la République un message fort. Pour citer l'un de nos illustres prédécesseurs, Châteaubriand : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l'explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. » (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Dumas.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant...

M. Serge Lagauche.  - L'examen au Sénat de ces deux textes n'aura été qu'un coup d'épée dans l'eau : quasiment toutes les avancées de notre Haute assemblée ont été sacrifiées dans la CMP.

Aux oubliettes, notre amendement visant à empêcher la fusion des rédactions. Tout laisse à craindre la suppression à terme d'une chaîne, France 3 ou France 4, celle qui sera la plus profitable pour le privé... C'est une confirmation des intentions réelles du Gouvernement, dont nous ne connaissons que trop bien la façon de faire des économies : réduction, régression, suppression... Cet amendement était pourtant issu d'un compromis avec la commission. Selon M. Thiollière, « il est important que les rédactions des différentes chaînes du service public restent indépendantes, bénéficient d'une autonomie de fonctionnement et soient dirigées par des journalistes ; nous pouvons d'ailleurs imaginer que tel sera le cas. »

A la trappe également la reprise, à notre initiative toujours, de la convention collective garantissant aux journalistes le droit de ne pas céder aux pressions et de protéger leurs sources. A un moment où l'indépendance de l'information et de la programmation est menacée, il fallait faire contrepoids en conférant une valeur législative à la Charte des devoirs professionnels des journalistes. La CMP a levé ce frein aux immixtions incessantes de l'exécutif dans les médias.

Même sort pour le maintien de la publicité à RFO. Il sera inscrit dans la loi qu'outre-mer, les intérêts des chaînes privées priment sur ceux du service public ! Peu vous importent les conséquences sociales et économiques de la suppression de la publicité. A noter que cette disposition du projet initial avait été retoquée par le Conseil d'État...

A la trappe, enfin, la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour révoquer les présidents de France Télévision et Radio France. La majorité s'était déjà couchée pour la nomination ; la CMP a fait sauter le verrou pour la révocation... Il était insoutenable pour Nicolas Sarkozy, au cas où l'idée lui viendrait de révoquer Patrick de Carolis, que de simples parlementaires puissent y faire barrage !

Seul amendement sénatorial sauvegardé via un artifice de forme : l'augmentation de la redevance. L'indépendance de l'audiovisuel public était soi-disant un casus belli pour le groupe centriste. Résultat de ces petits arrangements entre amis : pour préserver cette victoire symbolique, c'est la capitulation en rase campagne sur tout le reste ! Si la CMP a eu un mérite, c'est de faire tomber les masques. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Jack Ralite.  - Hier, le ministère de la culture a eu 50 ans. Et pourtant, aucune manifestation, si ce n'est un rendez-vous de la ministre avec quelques artistes. L'histoire de ce ministère, fruit des grandes luttes populaires pour la culture de 1936 et 1945, est une grande originalité de notre pays et a été marquée par de grandes initiatives et de beaux résultats. Pour fêter ce demi-siècle, un discours du Président de la République, la veille, installant un Conseil pour la création artistique, ministère de la culture bis « au côté du Président de la République, à l'Élysée ».

« Nous allons faire de la culture l'un des éléments majeurs de la lutte pour surmonter la crise. Et pour que ce soit vrai, il faut que la création soit au coeur de cette politique culturelle », dit M. Sarkozy.

M. Henri de Raincourt.  - Il a raison !

M. Jack Ralite.  - Commentaire : c'est une instrumentalisation de la culture et de la création. D'autres expressions le corroborent : « « évaluer les artistes », « l'union de l'utilité et de la beauté », « J'ai besoin de résultats »... Le Président juge la commande publique « à l'aune de l'excellence artistique de l'oeuvre conjuguée à une forme de générosité pour permettre son accès le plus large ». « C'est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière », conclut-il.

Quelle différence avec André Malraux, quand il disait : « Les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde, ils en sont les rivaux » !

Au moment où le ministère de la culture est minoré, dédoublé, qu'on envisage même sa suppression, 224 536 pétitionnaires réclament à Barack Obama un ministère de la culture aux États-Unis !

Triste ironie !

Deuxième remarque : le CSA a eu 20 ans hier ; au cours de la réception, son président M. Boyon a prononcé un discours dont j'ai retenu cette phrase, alors qu'on prétend que le financement de l'audiovisuel public est assuré : « l'audiovisuel français est en situation de sous-financement ». M. Sarkozy devait s'exprimer, mais il n'a fait que passer sans dire un mot, donnant l'impression aux 1 000 personnes qui étaient là d'une présence absente. A analyser...

C'est dans ce contexte que j'aborde la CMP à laquelle j'ai participé en tant que suppléant, c'est-à-dire parlant mais non votant. Ce texte est grave pour cinq raisons : les conditions de nomination par le Président de la République du président de France Télévisions ; l'insuffisance du financement de l'audiovisuel public, aléatoire jusqu'en 2011 et béant au-delà ; un pluralisme étriqué quasiment défini par le pouvoir politique -il n'est que de voir l'exposé des motifs et le cahier des charges ; une politique de la création sous-financée, non pérennisée, contrainte par l'esprit des affaires plutôt que par les affaires de l'esprit ; enfin les menaces de licenciement qui pèsent sur les personnels si l'on en croit certains membres de l'UMP.

Les pressions de l'Élysée et de Matignon ont porté leurs fruits, presque toutes les avancées obtenues par le Sénat, auxquelles nous nous étions associés, ont disparu. Pourtant, lors du vote, il n'y a eu ici que onze voix d'avance pour soutenir le Gouvernement, les abstentions de certains valant, disaient-ils, encouragement pour les deux avancées principales du Sénat, la redevance et la nécessité de tenir compte de l'avis de l'opposition en cas de révocation du président de France Télévisions. Il y aurait grand intérêt pour le Sénat, déjà bafoué par l'affaire du 5 janvier, à refuser le texte de la CMP : à rester debout.

Les jours que nous vivons confirme ce que je dis inlassablement. Un article paru hier dans La Tribune est terrible pour les laudateurs de la loi qui répètent à l'envi que l'État compense à l'euro près ; on peut en effet y lire que les 450 millions d'euros ne seront que 325 et même cette année, la taxe sur la publicité n'étant pas encore effective, 270. Les lobbies, qui se sont beaucoup manifestés ici et à l'Assemblée nationale, ont obtenu une sorte d'échelle mobile de la taxe et un rabotage discret mais efficace de celle frappant les opérateurs de télécommunication. Dès cette année, l'audiovisuel public entame sa marche vers l'abîme, ce que personne ne peut plus ignorer. Il faut rejeter le texte.

L'avancée sur la redevance qu'avait concoctée les deux rapporteurs est sortie vivante de la CMP, mais très affaiblie. L'augmentation de la redevance n'a rien à voir avec son indexation. M. Copé, après avoir malencontreusement affirmé que lui vivant il n'y aurait pas d'augmentation, a obtenu pour survivre un bougé du vocabulaire.

M. Michel Mercier.  - C'est vrai !

M. Jack Ralite.  - Il n'y a plus augmentation, mais indexation.

M. Henri de Raincourt.  - C'est vrai !

M. Michel Mercier.  - C'est faux !

M. Jack Ralite.  - Autant dire qu'il n'y aura pas d'argent en plus. (Marques d'approbation à gauche) Et les lobbies ont obtenu des cadeaux substantiels.

Les rapporteurs ont aussi cédé sur la révocation du président de France Télévisions. L'argument qui l'a emporté, c'est celui, habituel, de la rumeur : le Conseil constitutionnel « retoquera » ce qu'ils proposaient. Curieux argument ! La chose s'est déjà passée lors de loi Trautmann. M. Messier, qui dirigeait alors Vivendi, qui gagnait partout et savait tout, disait-il, s'opposait à la composition proposée du capital des chaînes privées ; il a demandé une étude à des juristes et fait savoir que selon cette étude le Conseil constitutionnel ne validerait pas. La proposition de Mme Trautmann a été retirée et nous n'avons eu ni étude, ni décision du Conseil constitutionnel... Moi, quand je participe à une réunion, j'affirme ma position et je la confronte à celle des autres, si je les respecte ; je n'y vais pas avec l'idée que ces autres ont le droit pour eux... Étrange conception de la transparence juridique...

Le Sénat bafoué n'a qu'une solution : être un Sénat libéré qui vote ce qu'il croit être sa vérité.

La loi est marquée par l'étatisme et l'affairisme. Le cas de RFO est emblématique, qu'on sacrifie au nom de l'équilibre entre public et privé. Ce type de manoeuvre est décidément dans les gènes de certains ! On déshabille le public et on offre une belle garde-robe au privé... On fragilise l'un et on renforce l'autre.

Encore un mot sur la CMP. Au cours de la réunion, M. Copé a demandé une suspension pour qu'UMP et centristes se mettent d'accord ; les autres, et les journalistes, ont attendu. Lorsqu'il est revenu, tout heureux, il a donné à la télévision les résultats des tractations. A un journaliste qui lui faisait remarquer qu'il n'en avait pas encore parlé avec l'opposition, il a eu ce mot : ce sera comme je vous le dis. Il nous a ensuite informés, je n'ose pas dire consultés. La partie de ping-pong entre l'urgence et la non-urgence sur la loi organique prouve l'improvisation à laquelle a conduit l'agitation élyséenne.

Un mot ensuite du recours que nous avons formé devant le Conseil d'État. Lors de l'audience, M. Renar, nos avocats et moi avons démontré que la lettre de Mme Albanel au conseil d'administration de France Télévisions était une injonction ; la preuve en est qu'on peut lire dans la délibération du conseil du 16 décembre : « le conseil prend acte du courrier ministériel arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité (...) et confie à son président la responsabilité de leur mise en oeuvre. » C'est bien ainsi que les choses se sont passées : le Gouvernement a joué à saute-mouton par dessus le Sénat ; cet agréable jeu d'enfant est intolérable dans la cour démocratique.

Dans ces sortes d'audience, les avocats présentent leurs arguments par écrit et les commentent en réponse aux questions du président. Ceux du ministère ont mis en avant un arrêt Joxe selon lequel un sénateur ou un groupe de sénateurs ne peut poser une question telle que celle qui constituait notre recours ; mais si cet arrêt ne les habilite pas à recourir contre tout, elle ne leur ferme pas la possibilité de faire un recours contre une décision qui concerne le fonctionnement du Sénat. Plusieurs juristes ont confirmé cette interprétation. A l'audience, les avocats du ministère se sont ainsi contentés d'arguments procéduraux, l'intérêt pour agir et autres épuisements des effets, bref, c'est trop tard. Dernier argument : ils ne peuvent dire que la décision est illégale puisqu'ils ne la considèrent pas comme une décision... D'une atteinte aux libertés on tente de faire un jeu de société : nous n'y jouerons pas. Nous sommes législateurs, nous entendons protéger nos droits.

Tout prouve aujourd'hui que cette loi n'est pas celle dont avait besoin le service public de la télévision. Il méritait un texte d'ensemble concernant en même temps le secteur privé ; à cette étape du développement des nouvelles technologies, à cette étape de la déterritorialisation des images et des sons, à cette étape d'inégalité d'accès à la culture et à la création vécue comme un chagrin par beaucoup, il méritait qu'on examinât comment mettre au jour et en oeuvre une responsabilité publique en matière de culture et des mesures d'intérêt général dont devrait tenir compte le secteur privé. Quand l'ensemble de l'audiovisuel atteint 98,5 % d'audience, il y a bien la place pour un rapport social entre cet audiovisuel et la société. Je sais que ce rapport s'est abîmé ; à nous de le faire revivre en n'oubliant pas les immenses interrogations combatives de tous les mouvements sociaux et culturels qui se manifestent aujourd'hui dans notre pays, qui cherchent avec passion à établir leur horizontalité, la question de l'organisation du travail étant en leur coeur même.

Nous refusons une société de boxeurs manchots, nous voulons la liberté, les libertés qui ne peuvent s'épanouir dans une France considérée comme une entreprise où les seules règles seraient celles du marketing, du management, de la performance, de l'obligation de résultats et de la comptabilité.

J'étais la semaine dernière à Biarritz, au Festival international de programmes audiovisuels (Fipa). Une nouvelle fois, ce fut un bouquet de pluralisme audacieux. A l'évidence, et France Télévisions n'y est pas extérieur, le matériau d'une programmation surprenante et riche est à portée de petit écran.

Charles Péguy disait : « Je n'aime pas les gens qui réclament la victoire et qui ne font rien pour l'obtenir, je les trouve impolis. » Je voudrais que, ce soir, le Sénat fasse un excès de politesse, et même de courtoisie, qu'il se respecte et reste debout. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier.  - Il est enfin intéressant d'être sénateur ! (Sourires) Lors de l'examen de ce texte, le Sénat a fait son travail : il s'est réveillé, a agi, voté. Cela lui a valu une certaine reconnaissance : on l'a parfois critiqué, mais on l'a écouté. Nos longs débats ont été particulièrement intéressants, il n'y a pas eu d'obstruction. A leur issue, une décision a été prise.

Le texte issu de la CMP mérite-t-il autant d'honneurs ou de critiques ? D'un point de vue statistique, les sénateurs peuvent s'estimer satisfaits : 36 articles ont été conservés dans la rédaction du Sénat, un seul dans celle de l'Assemblée. Vingt-quatre ont été réécrits. Mais se limiter à ce point de vue serait un peu factice.

M. David Assouline.  - Ce ne sont que des statistiques... On n'est pas à l'Insee !

M. Michel Mercier.  - Cher collègue, même quand vous voulez prendre le ton du procureur, ça ne marche pas car vous n'en avez pas le physique ! Chacun défend sa position, respectez la mienne comme je respecte la vôtre. (Applaudissements à droite et au centre)

Les sénateurs centristes sont favorables à une télévision publique autonome, maîtresse de ses ressources et de sa programmation. Elle doit, pour cela, disposer d'une gouvernance et d'un budget qui lui permettent de réaliser le projet défini par son cahier des charges.

Conformément aux critères définis par la législation européenne, seule une ressource affectée et pérenne peut garantir son financement. Une télévision publique devant bénéficier de recettes publiques, nous avons soutenu, et voté, une augmentation de la redevance. Cette taxe, qui s'élevait à 116 euros. Dans la loi de finances rectificative de la fin de 2008, nous sommes passés à 118 euros, puis à 120 euros sur proposition de nos deux rapporteurs. Le compromis trouvé par la CMP s'apparente à une sortie par le haut puisque la redevance sera de 122 euros en 2010. Les termes qui le qualifient varient pour préserver l'égo de chacun : rebasage, ajustement, indexation...

Cette augmentation de 6 euros demeure modeste à l'échelle européenne et comparée aux 14,50 euros de taxe facturés par les fournisseurs d'accès à internet. Ce sont 20 millions par euro de redevance supplémentaire qui bénéficieront directement à la télévision, à la radio publiques et à l'INA. En assurant à ces sociétés de nouvelles ressources pérennes, nous avons franchi un grand pas vers une télévision maîtresse de ses moyens. En outre, la loi de finances leur garantit un versement de 450 millions d'euros quelles que soient les sommes perçues par l'État. Et n'oublions pas que la redevance n'avait pas été modifiée depuis dix ans.

L'autre aspect de l'indépendance de la télévision, c'est sa gouvernance. Le Gouvernement avait proposé un système simple pour la révocation du président de France Télévisions : un décret motivé après avis du CSA. L'Assemblée nationale a ajouté à la procédure la convocation des deux commissions parlementaires compétentes. Le Sénat a précisé que le CSA devait se prononcer à la majorité de ses membres et que les commissions parlementaires statueraient par une majorité des trois cinquièmes, mais la CMP est revenue sur cette dernière modification. Sur ce point, je partage l'opinion de Jack Ralite : cette décision a été prise en vertu d'une inconstitutionnalité potentielle, mais seul le Conseil constitutionnel jugera. La solution retenue risque tout autant d'être censurée que la disposition votée par le Sénat. La seule garantie en ce sens consisterait à ne pas saisir le Conseil... Au cas où celui-ci censurerait le texte, la révocation se fera par décret simple après avis du CSA.

Après s'être beaucoup interrogé sur la position à adopter sur le texte de la CMP, notre groupe a estimé que l'essentiel était d'assurer le financement public de la télévision publique. En outre, nous apprécions que, conformément à notre proposition, puissent être déduits de l'assiette de la taxe sur la publicité les efforts accomplis pour la couverture des territoires en téléphonie mobile et en internet haut débit. Nous maintenons donc notre vote sur ce texte.

Je salue le travail des rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Catherine Morin-Desailly et Michel Thiollère, sans oublier M. Retailleau et tous les sénateurs, qui ont véritablement joué un rôle de législateur. Au-delà de la coproduction législative, chère à certains, je retiendrai plutôt la position commune à l'ensemble de notre Haute assemblée sur la redevance audiovisuelle, la seule que puissent tenir les défenseurs d'un service public audiovisuel indépendant et de qualité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Le groupe RDSE a eu vis-à-vis de ce texte une position constante, mais jamais figée. Ce texte ne nous plaît pas, mais il contient d'importantes avancées pour la réforme, nécessaire, de France Télévisions.

Je voudrais tout d'abord rappeler l'affront fait au Sénat par le Gouvernement, qui lui a demandé de délibérer sur un texte déjà partiellement appliqué, bien que la disposition en question relève d'un texte réglementaire. Ensuite, j'ai contesté la procédure de nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France. D'autres méthodes plus modernes, plus en phase avec la société démocratique actuelle, étaient préférables.

J'avais également estimé que la redevance devait devenir le principal pilier du financement de l'audiovisuel public.

Enfin, je m'étais interrogé sur l'opportunité de cette loi, qui plus est examinée en urgence. Est-il économiquement sain de prendre au budget 450 millions d'euros s'ajoutant aux 57 milliards de déficits ? Faut-il créer une nouvelle taxe en période de crise ? Cette interrogation est d'autant plus pertinente que le produit supplémentaire sera noyé dans le budget de l'État, comme M. Mercier l'a souligné.

Aujourd'hui, il apparaît que notre assemblée a réalisé un travail considérable, en premier lieu grâce à ses rapporteurs...

M. Charles Revet.  - De bons rapporteurs.

M. Jean-Pierre Plancade.  - ... mais aussi grâce au président de la commission et à l'ensemble des collègues qui se sont exprimés avec compétence et conviction, même si le ton fut parfois vif.

Madame la ministre, je vous remercie pour le calme, le sang-froid et la patience dont vous avez fait preuve. Le groupe du RDSE a apprécié que vous ayez toujours pris le temps de répondre à ses questions.

En conclusion de la discussion générale, j'avais insisté sur l'importance du verrou des trois cinquièmes introduit par le Sénat en accord avec le groupe UMP, sur le rôle majeur de la redevance audiovisuelle et sur l'outre-mer. Parmi ces trois points majeurs, un seul demeure satisfait aujourd'hui : l'affirmation du rôle de la redevance. La suppression de la publicité sur RFO aura de regrettables conséquences économiques et sociales. Mais surtout, le verrou des trois cinquièmes a sauté.

Tout à l'heure, j'ai évoqué l'affront fait au Sénat. Notre assemblée a relevé la tête en votant l'amendement des trois cinquièmes. En définitive, celui-ci a été retiré. Je le regrette, sans faire de procès à qui que ce soit, mais la majorité aurait pu aller jusqu'au bout sur ce point, quitte à s'en remettre au Conseil constitutionnel.

Pour ces raisons, la majorité du groupe RDSE ne votera pas les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur la plupart des bancs du RDSE et un grand nombre des bancs socialistes)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Depuis la révision constitutionnelle, le Parlement change. Ainsi, les lois de réflexion et les textes culturels passent en urgence ; ils s'appliquent avant d'être votés ; enfin les conclusions de la CMP sont annoncées sur France Inter avant même sa réunion. Bienvenue dans la démocratie française du XXIe siècle !

Voici donc la fin d'un épisode peu glorieux pour la démocratie et porteur de sombres auspices pour l'audiovisuel public. Entamé avec les déclarations unilatérales du Président de la République, poursuivi au conseil d'administration de France Télévisions sous la menace de son principal financeur -j'ai du mal à dire « actionnaire »- achevé dans cet hémicycle bafoué qui devait examiner une mesure appliquée depuis la veille, ce processus législatif humiliant est inédit pour la Haute assemblée.

Nous nous sommes battus en vain pour ce qui nous tenait à coeur : une véritable ambition pour la télévision, avec un financement digne et durable. Mais nous avons obtenu quelques succès portant sur la protection des journalistes, le rôle central de la redevance et l'existence de rédactions distinctes, outre un encadrement éthique de la révocation et l'éradication du mot « race ». C'est une petite pépite pleine d'espoir dans le bourbier d'un paysage audiovisuel partagé entre le pilotage politique vertical et des parts juteuses du marché publicitaire pour TF1 et M6, dont les dirigeants sont proches du pouvoir.

C'était le dernier espoir pour faire valoir le rôle du Sénat, dont Jules Ferry disait qu'il veillait « à ce que la loi soit bien faite ». Or, loin de défendre ses arbitrages en CMP, la majorité sénatoriale a opté pour la reddition face aux députés de la majorité. (On le conteste à droite) Ainsi, les prudences sur la révocation se sont évaporées. Ce ne fut guère une surprise pour nous, qui avions entendu au réveil les radios annoncer les décisions prises par la CMP qui devait se réunir à 16 heures ! Exit l'extension de la redevance, emportée par le même coup de balai.

Il faut reconstituer ce triste chemin qui porte en lui le résultat auquel le Gouvernement a veillé en mobilisant ses amis parlementaires.

Nous aboutissons à une télévision publique n'ayant pas les moyens de ses missions, dont les ressources ne sont pas garanties dans le temps, dont le financement est mal assis puisque la taxe sur les opérateurs est déjà contestée.

La loi va jusqu'à priver le service public de son identité en supprimant le nom de ses chaînes. Les usagers ne disent pas qu'ils regardent le service public, mais Antenne 2, RFO, France 5 ou France 3, qui suscite un attachement considérable. Ceux qui opteront pour TF1 ou M6 auront droit au mépris des coupures publicitaires multipliées.

Les mutations attendues en synergie avec les professionnels, les usagers et les acteurs de la culture ? Rien n'a été fait ni réfléchi pour l'offre culturelle, hormis la contrainte féroce sur les moyens et l'obligation écrite d'équilibrer le budget.

Méfiez-vous, car le peuple peut imposer les mêmes objectifs, voire la révocation, à un autre président !

La reconnaissance des talents et des savoir-faire n'a jamais été au centre des débats.

Vos paroles d'autosatisfaction ne sont qu'un exercice d'auto-persuasion, alors que vous venez de donner le départ d'une course effrénée après avoir noué les chevilles du service public.

Parce que les Verts sont hostiles à la loi de la jungle, parce qu'ils ont une autre ambition pour la culture, ils s'opposeront à votre projet destructeur.

J'espère que nous serons nombreux à relever l'honneur du Sénat ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, lorsque le Sénat examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce pas un seul vote sur l'ensemble des conclusions, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 15

L'article 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° A  À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « culturelle et sociale, », sont insérés les mots : « à la lutte contre les discriminations par le biais d'une programmation reflétant la diversité de la société française, » ;

1° La dernière phrase du premier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu'une de ces sociétés édite plusieurs services de communication audiovisuelle, le cahier des charges précise les caractéristiques et l'identité des lignes éditoriales de chacun de ces services. Il précise également la répartition des responsabilités au sein de la société afin que ses acquisitions, sa production et sa programmation assurent le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et la diversité de la création et de la production de programmes. Il prévoit que les unités de programme de la société comprennent des instances de sélection collégiales. » ;

1°bis Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout nouveau cahier des charges est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, tout nouveau cahier des charges est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions peuvent formuler un avis sur ce cahier des charges dans un délai de six semaines.

« Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges est transmis chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. » ;

2°   Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces sociétés peuvent faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges, à l'exception des émissions d'information politique, de débats politiques et des journaux d'information. Les émissions relatives à la santé publique ne peuvent être parrainées par les entreprises et les établissements pharmaceutiques visés aux articles L. 5124-1 à L. 5124-18 du code de la santé publique. Les sociétés parrainant les émissions doivent être clairement identifiées en tant que telles au début ou à la fin de l'émission parrainée.

« Les cahiers des charges précisent les conditions dans lesquelles les sociétés et services mentionnés à l'article 44 assurent la promotion de leurs programmes. » ;

3°  Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le cahier des charges de la société visée au I de l'article 44 précise les conditions dans lesquelles elle met en oeuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les oeuvres de fiction qu'elle diffuse, sa mission de promotion de l'apprentissage des langues étrangères prévue à l'article 43-11.

« Le cahier des charges de la société visée au I de l'article 44 précise les conditions dans lesquelles, à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette société met en place les services de médias audiovisuels à la demande permettant la mise à disposition gratuite au public de l'ensemble des programmes qu'elle diffuse, à l'exception des oeuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs, pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l'antenne. »

II.- La perte de recettes résultant, pour les sociétés visées par le I de l'article 44 et par l'article 49 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, du sixième alinéa de l'article 48 de ladite loi est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Il s'agit de lever le gage.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Avis favorable.

Le vote est réservé.

Article 19 ter

I. - Le I de l'article 1605 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les mots : « , d'une part, » sont supprimés ;

2° Les mots : « et, d'autre part, jusqu'au 31 décembre 2011, au profit du groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée » sont supprimés.

II. - Le VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par le mot : « public » ;

b) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° En dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés et à l'établissement public visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; »

2° La deuxième phrase du premier alinéa du 2 est supprimée.

III. - Le présent article s'applique à compter du 1er janvier 2010.

IV. - La perte de recettes résultant pour le groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée des I à III est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le IV de cet article.

Mme Christine Albanel, ministre. - Même objet.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Avis favorable.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Au terme de ce débat, je souligne que la richesse de nos travaux donnera au service public de l'audiovisuel les moyens d'accomplir ses missions. La commission des affaires culturelles éprouve une satisfaction historique pour avoir enfin gagné le combat engagé depuis 2004 en faveur d'une redevance revalorisée. Pour nous, la question fondamentale concernait le financement pérenne de France Télévisions, afin d'enrichir l'offre culturelle des téléspectateurs.

Sans revenir sur les nombreux apports du Sénat à cette loi refondant l'audiovisuel public, j'insiste sur l'application de ce texte, que votre commission des affaires culturelles suivra de près.

Le comité de suivi aura un rôle essentiel pour évaluer le financement dont l'audiovisuel public aura besoin. A travers le rapport de ce comité, nous essaierons d'apprécier si les sources de financement doivent être modifiées, notamment en fonction du marché publicitaire.

Nous devrons aussi nous assurer que l'argent public attribué à France Télévisions sera bien utilisé. Nous vérifierons la réalité des indispensables efforts devant conduire à la constitution de l'entreprise unique.

Nous nous prononcerons sur le projet de cahier des charges. Puisque nous n'avons pas pu charger le CSA d'évaluer les besoins de financement de France Télévisions, le Sénat se saisira de cette question en vertu des pouvoirs de contrôle conférés par la loi organique sur les lois de finances (Lolf).

J'ai d'ores et déjà saisi le président de la commission des finances d'une demande de contrôle conjointe des deux commissions dans ce secteur.

La commission des affaires culturelles enfin a pris, au cours de ce débat, des engagements et ouvrira prochainement des chantiers sur certaines questions qu'il lui semblait prématuré d'ouvrir dans ce texte, notamment celle de la circulation des oeuvres audiovisuelles et celle de l'éventuelle régulation d'internet.

Pour l'heure, le texte issu des travaux de la CMP, qui pose la première pierre de l'édifice, lui semble équilibré et elle vous invite, pour en préserver les acquis, à l'adopter.

A la demande des groupes UMP et socialiste, les conclusions de la CMP, assorties des deux amendements du Gouvernement, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 177
Contre 159

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les bancs UMP ; Mme Muguette Dini applaudit aussi))

Protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de l'Albanie et de la Croatie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République d'Albanie et de la République de Croatie.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Comme vous le savez, les Alliés ont pris la décision, lors du sommet de l'Otan à Bucarest, d'inviter l'Albanie et la Croatie à les rejoindre en avril 2008. C'est là une nouvelle manifestation de la politique de « porte ouverte » de l'Alliance, qui a permis l'entrée dans l'Otan de dix pays depuis la fin de la guerre froide. L'Alliance assure ainsi l'extension de son aire de sécurité et contribue à la stabilisation globale de la zone euro-atlantique.

L'entrée de ces deux pays de la région des Balkans occidentaux, zone de conflit il y a encore dix ans, qui vont désormais participer à la sécurité de l'Europe, constitue un symbole fort et trace la voie pour leurs voisins.

Les gouvernements successifs, soutenus par la population, ont su mener à bien des réformes considérables, transformant en profondeur les institutions politiques et de sécurité de leurs pays. Ce travail de rapprochement avec les standards de l'Otan est le fruit d'un engagement dans la durée, puisque l'Albanie et la Croatie préparent activement leur intégration dans le cadre du plan d'action pour l'adhésion depuis, respectivement, 1999 et 2002.

La France soutient ce processus, tout en restant claire sur ses exigences. Ces deux pays ont démontré leur volonté de respecter les principes politiques fondateurs de l'Alliance -démocratie, liberté individuelle, État de droit- par des réformes d'ampleur de leurs institutions politiques et judiciaires. Car entrer dans l'Otan, ce n'est pas simplement entrer dans une alliance militaire, c'est aussi rejoindre une communauté de valeurs. Ils ont aussi réformé en profondeur leur outil de défense, non sans des efforts financiers considérables, qu'ils se sont engagés à poursuivre en même temps qu'ils assureront leur contribution aux budgets communs, civil et militaire, de l'Otan.

Ils avaient déjà entrepris de contribuer à la sécurité internationale et pris leur part du fardeau en participant aux opérations de l'Otan, notamment en Afghanistan.

Dans le cadre de leur rapprochement avec l'Union européenne, ils s'intéressent de près à la politique européenne de sécurité et de défense et partagent notre conception d'une complémentarité et d'un renforcement mutuel de l'Union européenne et de l'Otan. C'est ainsi qu'ils ont mis à disposition des personnels pour l'opération Eufor au Tchad.

Autant de témoignages d'une détermination sans faille à rejoindre l'Alliance et de preuves de leur volonté et de leur capacité à assumer pleinement l'ensemble des obligations découlant du Traité de l'Atlantique Nord. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent !

M. le président.  - Je salue la présence dans nos tribunes de M. l'ambassadeur de la République d'Albanie et de M. l'ambassadeur de la République de Croatie. (Applaudissements)

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Votre commission a pleinement approuvé ce projet de loi. L'intégration dans les structures européennes et euro-atlantiques est une priorité forte de la politique étrangère de l'Albanie comme de la Croatie.

Pour leur part, l'Union européenne, comme l'Otan, accordent depuis plusieurs années une attention soutenue à la stabilité et au développement de la région des Balkans occidentaux. Depuis la fin de la guerre froide, l'Alliance atlantique s'attache à mettre en oeuvre la politique de la « porte ouverte », en vertu de laquelle elle s'est déclarée disposée à accueillir en son sein les démocraties européennes désireuses et capables d'assumer les responsabilité et les obligations liées au statut de membre, conformément au principe posé dès 1949 dans l'article 10 du Traité de Washington. Cette politique repose, sinon sur des critères d'adhésion détaillés, du moins sur un certain nombre de principes permettant d'évaluer les pays candidats.

Le « Plan d'action pour l'adhésion » le MAP, qui fixe des objectifs adaptés à chacun de ces pays, comporte bien entendu un volet militaire, destiné à permettre aux nouveaux membres de contribuer aux missions de l'Alliance et à garantir l'interopérabilité avec les forces des autres pays alliés. L'Albanie et la Croatie ont engagé, avec le soutien de l'Otan, une profonde réforme de leur politique de défense et de leurs forces armées. En voie de professionnalisation, les armées albanaise et croate ont considérablement réduit leurs effectifs pour atteindre un niveau de mobilité, d'entraînement et d'équipement leur permettant de s'insérer dans les opérations multinationales menées avec les pays alliés. L'effort important consacré par les deux pays -1,8 % du PIB pour la Croatie et 2 % pour l'Albanie- a commencé à porter ses fruits et leur permet de contribuer à l'opération de l'Otan en Afghanistan, comme à l'opération européenne Eufor au Tchad.

Les pays candidats sont également évalués au regard d'objectifs politiques ou stratégiques portant sur le fonctionnement des institutions, sur l'état de droit, mais aussi sur le règlement pacifique de tout différend international, de toute querelle ethnique ou de tout litige territorial externe, de manière à ne pas importer dans l'Alliance un conflit préexistant. Là encore, les deux pays ont entrepris au cours des dernières années des efforts importants, les processus de rapprochement à l'Union européenne et à l'Otan se confortant mutuellement. Ces efforts ont permis à la Croatie d'obtenir en 2004 le statut de pays candidat à l'Union européenne et d'entrer dans la phase ultime des négociations d'adhésion, tandis que l'Albanie a signé en 2006 un accord de stabilisation et d'association.

Pour cet ensemble de raisons, l'adhésion de l'Albanie et de la Croatie à l'Otan a réuni un large consensus lors du sommet de l'Alliance à Bucarest l'an dernier. On ne peut évoquer ce sommet sans regretter qu'une décision analogue n'ait pu être prise en faveur de la Macédoine dont l'adhésion a été repoussée en raison du litige bilatéral avec la Grèce, alors qu'elle remplissait pleinement elle aussi les conditions requises. Une délégation de notre commission qui s'est rendue l'an dernier en Macédoine a conclu qu'un blocage durable de ses perspectives d'intégration ferait courir un grand risque à la stabilité de ce pays encore fragile. Il faut trouver une issue rapide à cette situation.

L'entrée prochaine de l'Albanie et de la Croatie dans l'Alliance atlantique revêt une portée symbolique importante. L'Albanie, après des décennies d'isolement qui ont accentué son retard sur le reste du continent, voit la première récompense de ses efforts. La Croatie, marquée par la guerre meurtrière qui s'est déroulée sur son sol de 1991 à 1995, s'engage désormais sur la voix de la paix et de la sécurité. Enfin, l'adhésion à l'Otan de ces deux pays est un jalon important vers la stabilisation et l'intégration des Balkans occidentaux. Elle s'inscrit dans un mouvement plus large impliquant la quasi-totalité des États de la région qui sont désormais impliqués, à des stades divers, dans un rapprochement avec les institutions européennes et euro-atlantiques. Au cours de ces dernières années la France a pleinement soutenu cette démarche et il est donc logique qu'elle ratifie rapidement les protocoles d'accession de ces deux pays. La commission des affaires étrangères et de la défense vous demande donc d'adopter le projet de loi autorisant cette ratification. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Quels objectifs poursuit l'Alliance atlantique en s'élargissant à l'Albanie et à la Croatie ? L'intégration de ces deux petites armées -respectivement 14 500 et 17 500 hommes- aux équipements obsolètes et dont l'entraînement laisse à désirer ne renforcera que marginalement la dimension militaire de l'Alliance. Non, les objectifs ne sont pas militaires mais politiques. En critiquant ces accessions, c'est à la politique de l'Otan, notamment dans cette région du monde, que nous nous opposons.

La ratification de ces deux protocoles d'adhésion est l'aboutissement d'un Plan d'action pour l'adhésion. Une invitation des pays membres a été adressée à l'Albanie et à la Croatie lors du sommet de l'Otan à Bucarest en avril 2008 de continuer les pourparlers en vue d'une adhésion à l'Alliance. Cette invitation s'est ensuite concrétisée, en juillet de la même année, par la signature à Bruxelles des protocoles d'adhésion au traité de l'Atlantique Nord. Ce processus est la traduction d'un nouveau concept stratégique défini en avril 1999 lors du sommet de Washington, concept qui légitimait alors les interventions militaires du début des années 90 en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, et préfigurait les opérations en Afghanistan à partir de 2001. Toutes ces interventions marquaient un tournant dans l'histoire de l'Otan et consacraient l'abandon de sa vocation initiale de défense du territoire de ses membres, pour lui substituer la gestion de crises se déroulant en dehors de ses frontières naturelles.

L'adoption de cette nouvelle stratégie sera précisément l'un des principaux enjeux du prochain sommet de l'Organisation prévu début avril à Strasbourg et à Kehl. Officialiser à cette occasion, comme le Président de la République a l'intention de le faire, le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'Otan, serait accepter ce changement de concept stratégique. Monsieur le ministre, avant que ces décisions ne soient officiellement annoncées, nous vous demandons, conformément aux nouveaux droits du Parlement en matière de défense, que le Gouvernement organise un débat sur la place et le rôle de notre pays dans cette organisation. Pour notre part, nous nous opposons au retour de notre pays dans le commandement militaire intégré, car cela limiterait notre souveraineté, serait le signe d'un alignement sur l'administration américaine et banaliserait la singularité de la France au plan international. En toute logique, nous nous opposons donc également au changement de vocation de l'organisation militaire de l'Alliance atlantique.

Mais d'autres raisons expliquent aussi que nous soyons contre l'adhésion de ces deux pays. Certains des critères militaires et politiques nécessaires à leur adhésion ne sont qu'imparfaitement respectés. Pour l'Albanie, bien qu'elle ait réalisé de réels progrès pour moderniser ses matériels et professionnaliser son armée, nous sommes encore loin du compte. L'explosion d'un dépôt de munitions qui, en mars 2008, avait fait neuf morts et 250 blessés civils alentour, en est un triste exemple. Quant à la lutte contre la corruption, les trafics et le crime organisé, il n'est qu'à voir le rôle joué par les mafias albanaises dans les réseaux de prostitution en Europe pour avoir quelques doutes sur l'efficacité des politiques menées dans ces domaines.

La Croatie est peut-être plus fiable d'un point de vue militaire, mais en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé et, surtout, de protection des minorités, nous sommes bien loin des critères européens.

Enfin, l'un des arguments invoqué pour justifier ces adhésions est que leur intégration à l'Alliance atlantique préviendrait de nouveaux désordres et consoliderait la paix dans les Balkans. Nous pensons, au contraire, que leur développement économique, l'instauration d'un véritable État de droit et la démocratisation de leurs institutions contribueraient plus efficacement à les stabiliser. Leurs réformes seraient grandement facilitées si leurs perspectives d'association, puis d'adhésion à l'Union européenne étaient plus nettes.

Ces deux adhésions risquent de provoquer dans la région de fortes tensions plutôt que la stabilisation attendue. Elles ne favoriseront pas la nécessaire reprise du partenariat entre l'Otan et la Russie, sérieusement mis à mal par le récent conflit avec la Géorgie. Le dernier sommet de l'Otan avait pourtant adopté une position de sagesse et d'apaisement en différant l'obtention du Plan d'action pour l'adhésion pour l'Ukraine et la Géorgie. Mes chers collègues, je vous invite à la même démarche. N'anticipons pas sur le débat que souhaitons avant le prochain sommet de l'Otan sur l'avenir de l'Alliance et sur la place de notre pays dans celle-ci.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

La discussion générale est close.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.

Explications de vote

M. Robert del Picchia.  - L'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Otan concrétise une politique d'élargissement mise en place à la fin de la guerre froide, notamment à l'issue du somment de l'Otan à Bruxelles en 1994. Cette politique d'ouverture s'est traduite par deux grands mouvements d'adhésion entre 1999 et 2004. De douze membres fondateurs en 1949, l'organisation est passée à 26 membres aujourd'hui.

Conformément à l'article 10 du traité de Washington, ces pays peuvent rejoindre l'Organisation sous réserve qu'ils se conforment aux principes fondamentaux de l'Alliance : la démocratie, le respect des libertés individuelles et de l'état de droit ; la contribution à la sécurité de la région nord Atlantique, à l'efficacité et à la cohésion de l'Alliance, et, enfin et surtout, à la défense commune. Ces principes ont été rappelés en 1999, lors du sommet de Washington, après que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque aient rejoint l'Organisation.

Un Plan d'action pour l'adhésion a été mis en place à l'intention des futurs candidats à l'accession. Les critères d'adhésion vont bien au-delà du seul volet militaire. Être capable d'assurer sa propre défense, disposer de capacités militaires suffisantes et fournir des forces pour les opérations de maintien de la paix ne saurait suffire. Les volets économiques, juridiques et politiques sont aussi déterminants.

Lors du sommet de Bucarest en 2008 la Croatie et l'Albanie ont été invitées à rejoindre l'Organisation sous réserve de la réalisation des objectifs qui leur ont été fixés. Aujourd'hui, ces deux pays les remplissent pleinement. L'Albanie a procédé aux réformes nécessaires tant dans le domaine politique que dans le domaine militaire. Depuis 2005, le gouvernement albanais a engagé de nombreux efforts pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée, pour améliorer son système judiciaire et il s'est engagé dans une future révision de son système électoral. Ce pays consacre 2 % de son PIB à la défense. Sa contribution dans les opérations de l'Otan en Afghanistan, et au Tchad dans les opérations européennes Eufor, est un argument à prendre en compte.

La République de Croatie a su répondre elle aussi aux critères nécessaires. Son gouvernement a mis en oeuvre une véritable réforme des ses armées en relevant son effort de défense à hauteur de 1,8 % de son PIB avec l'objectif d'atteindre les 2 % en 2010. Comme l'Albanie, la Croatie, a participé aux opérations de maintien de la paix en Afghanistan. Elle a fait de nombreux efforts pour améliorer ses relations avec la Serbie et pour favoriser la stabilité régionale.

Le groupe UMP est favorable à ce projet de loi. Ces accessions sont un symbole pour la paix dans les Balkans et en Europe.

Mme Michèle André.  - Rejoignant les propos du rapporteur et de notre collègue, je veux me féliciter, au nom du groupe socialiste, des efforts de l'Albanie et de la Croatie vers l'Union européenne, à laquelle elles appartiennent en réalité depuis longtemps par leur culture. Il faut les encourager et soutenir leur demande. Reconnaissons aussi les efforts accomplis depuis les combats dans les Balkans; la Croatie est d'ailleurs favorable à un débat avec ses voisins.

Le groupe socialiste votera le projet.

M. Adrien Giraud.  - Le groupe centriste, qui a participé aux débats en commission sur ce projet, le votera. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs à droite)

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Accords avec l'Australie et avec le Conseil fédéral suisse (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen selon la procédure simplifiée des projets de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière.

Les deux projets de loi sont successivement adoptés.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance, suspendue à 17h 35, reprend à 18 h 5.

Dépôt du rapport de la Cour des comptes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans la salle des séances selon le cérémonial d'usage)

Monsieur le Premier président, c'est aujourd'hui la cinquième fois que vous venez dans cet hémicycle pour la remise du rapport annuel de la Cour des comptes, mais c'est la première fois que je vous accueille ici ; vous m'avez accueilli de manière fort amicale et courtoise la semaine passée lors de l'audience solennelle. Je vous souhaite très cordialement la bienvenue, au nom de tous mes collègues.

Loin d'être une routine, imposée par l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, le dépôt de ce rapport est un moment fort qui marque la collaboration entre la Cour et le Sénat.

La révision constitutionnelle de juillet dernier a permis de conforter la Cour des comptes, en inscrivant dans la Constitution sa mission générale d'assistance au Parlement dans ses tâches de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques. Cette évolution s'inscrit dans la suite logique de la consécration de la fonction de contrôle et d'évaluation du Parlement.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, ne me démentiront pas : demain plus encore qu'aujourd'hui, le Sénat pourra s'appuyer sur vos travaux pour exercer pleinement cette fonction fondamentale, deuxième pilier de l'activité parlementaire.

C'est donc avec un grand intérêt que nous allons maintenant, monsieur le Premier président, vous écouter présenter votre rapport.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes.  - En application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour. (M. le Premier président dépose le rapport entre les mains de M. le Président, qui l'en remercie)

La remise de ce rapport constitue le rendez-vous le plus ancien de la Cour avec le Sénat, mais c'est loin d'être le seul : depuis la Lolf et la dernière révision constitutionnelle qui ont confirmé notre mission d'assistance au Parlement, il marque le coup d'envoi d'une série de contributions à vos travaux.

Nous avons voulu répondre à vos attentes. Le rapport livre d'abord une expertise sur les finances publiques, plus que jamais nécessaire en cette période de crise : c'est l'objet du premier chapitre et ce n'est pas par hasard. Nous y convenons qu'à une situation économique exceptionnelle doit répondre une politique budgétaire exceptionnelle, mais nous y insistons aussi sur le fait que des réformes structurelles sont toujours nécessaires pour favoriser une gestion moderne et plus respectueuse des deniers publics.

Dans l'immédiat, nos craintes les plus vives portent moins sur le déficit, qu'un effort raisonnable pourrait ramener à de plus justes proportions une fois la croissance revenue, que sur l'évolution -hélas trop prévisible- de la dette. Sur la base des hypothèses les moins pessimistes, le supplément de dette en 2010 par rapport à 2007 pourrait être de 250 milliards d'euros. La dette coûtait cher, elle coûtera encore plus cher. Il est indispensable de la stabiliser, puis de la réduire.

Le rapport cite plusieurs pistes à explorer, comme la refonte trop longtemps différée des bases cadastrales, ou la meilleure maîtrise des opérations de cessions immobilières que l'État mène parfois de façon précipitée et trop peu rigoureuse. Au-delà de ces contrôles ciblés, nous avons voulu dresser un bilan des premières initiatives de l'administration pour dégager des économies et nous sommes intéressés à la campagne d'audits de modernisation, qui a fait prendre la mesure de la difficulté de donner une suite à l'exercice. Il est d'autant plus indispensable de tenir le cap que même si nous n'abandonnons rien en chemin, le compte n'y sera pas. On nous laisse entrevoir 6 milliards d'économies d'ici à 2012 grâce à la révision générale des politiques publiques, mais ce n'est pas du tout à la hauteur des enjeux.

Le secteur local n'est pas négligé avec cette année la publication de trois contrôles ciblés et de deux enquêtes transversales, la première sur la modernisation en cours du contrôle de gestion, la seconde sur les ravages des emprunts dits « structurés ». Puisqu'il paraît que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne permet pas d'interdire purement et simplement de tels emprunts -ce qui serait pourtant salutaire- il nous semble à tout le moins indispensable qu'avant de s'engager dans de telles opérations, les exécutifs en mesurent les risques et en informent de manière détaillée leurs assemblées délibérantes.

M. Roland du Luart.  - Encore faudrait-il qu'ils en fussent eux-mêmes informés par les prêteurs !

M. Philippe Séguin, Premier président.  - Enfin, ce rapport public est le reflet de nos travaux sur les politiques publiques : nous avons notamment étudié cette année les modes de régulation du secteur financier qui eussent été beaucoup plus efficaces si l'Autorité des marchés financiers, la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles eussent travaillé de façon moins cloisonnée et disposé de pouvoirs de sanction plus solides.

Nous évoquons également la gestion immobilière des universités, qui reste à inventer ; l'étonnant financement, sous forme d'exonération de charges, du droit à l'image collective des sportifs professionnels, sur un budget dédié au développement des pratiques sportives ; ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - En effet.

M. Michel Charasse.  - Ce sont les intermittents du sport !

M. Philippe Séguin, Premier président.  - ... le 1 % logement, pour lequel il faudrait réduire le nombre de collecteurs ; le droit individuel à formation et le congé individuel de formation, véritables bombes financières pour le budget de l'État, qui ne bénéficient même pas à ceux qui en auraient le plus besoin ; l'audiovisuel extérieur, la création de France 24 n'ayant pas entraîné une remise en cause des dispositifs préexistants.

Je ne saurais vous détailler les quelque mille pages de ce rapport, mais je souhaite que ces observations nourrissent utilement vos travaux.

La question récurrente de l'utilité de la Cour trouve une réponse dans le deuxième tome, consacré aux suites réservées aux interventions de la Cour.

M. Michel Charasse.  - Il y a des doutes ?

M. Philippe Séguin, Premier président.  - Le travail du Sénat, notamment sur la base de nos rapports, tient évidemment une grande place dans ces résultats. Nous savons gré aux rapporteurs du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale d'avoir pris en considération certaines de nos recommandations.

Les responsables des établissements ou services contrôlés réagissent souvent avec célérité aux remarques de la Cour. Conformément à nos voeux, le statut des conservateurs des hypothèques va ainsi être entièrement revu ; le service de gestion des pensions des fonctionnaires se réforme, tout comme l'Institut national du cancer, Météo France, le musée Rodin, l'Inao, la Caisse des congés spectacles pour les intermittents ou encore la Société d'encouragement aux métiers d'art. Le renforcement de la Commission de surveillance de la CDC et la réforme de la tutelle des chambres de commerce et d'industrie engagée depuis 2005 reposent également en bonne partie sur nos préconisations. Certaines structures comme l'Agence nationale d'indemnisation des Français d'outre-mer vont être supprimées.

En matière d'emploi et d'insertion, nous avons notamment obtenu la suppression de certains allégements de charges ciblés à l'efficacité discutable. La loi sur le RSA fusionne le contrat d'avenir et le contrat d'insertion du RMI en un seul contrat, suivant l'une de nos recommandations constantes.

Un indicateur, en cours d'élaboration, vous permettra d'apprécier l'efficacité des interventions de la Cour. Sur 475 recommandations en 2006 et 2007, 340 ont été acceptées dans leur principe et près de 300 réformes ont été lancées. Seize de nos recommandations ont toutefois essuyé un refus explicite, et 118 sont restées sans réponse. Nous ne resterons pas inertes pour autant. Par exemple, les progrès en matière de péages autoroutiers sont par trop modestes.

Certains chapitres de ce deuxième tome ont exigé des investigations plus poussées, comme les suites de notre contrôle sur la politique en faveur des personnes âgées dépendantes. Je salue à cet égard le travail de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance, en souhaitant que vos efforts aboutissent à une réforme ambitieuse de cette politique.

M. Michel Charasse.  - Il faut récupérer sur succession !

M. Philippe Séguin, Premier président.  - S'agissant des personnels des établissements publics de santé, les recommandations de notre rapport thématique de 2006 ont été en partie entendues, mais il reste des progrès à faire ; nul doute que nos travaux vous serviront lors du débat sur le projet de loi « Hôpital, santé, patients et territoire ».

La rationalisation du paysage de l'intercommunalité passe par des fusions et par la suppression du plus grand nombre possible de Sivu ou Sivom, comme je l'ai rappelé devant le comité présidé par M. Balladur.

L'article 47-2 de la Constitution dispose que nous vous assistons désormais dans l'évaluation des politiques publiques. Or nous ne sommes pas encore en mesure de remplir cette mission. Rares sont les politiques publiques qui ne sont pas partagées entre les niveaux national et locaux, et le principe des blocs de compétences qui justifiait l'organisation actuelle des juridictions financières s'est atténué au fil du temps. Ayant trop longtemps différé la réorganisation à prévoir en conséquence, nous avons dû décliner un certain nombre de vos demandes, comme celle concernant le travail de M. Bélot, celle sur les fonds européens ou celle sur la continuité territoriale. Vous-mêmes êtes privés d'un accès direct aux chambres régionales des comptes, juridictions autonomes.

La situation actuelle est absurde : les rapporteurs de la Cour n'ont pas accès aux comptes des collectivités territoriales. Comment dès lors contrôler la formation professionnelle ou la politique de lutte contre l'exclusion ? A l'inverse, une chambre située à moins de 100 mètres d'une préfecture de région n'y a pourtant aucun pouvoir d'investigation ! Résultat, les services déconcentrés de l'État échappent très largement à notre contrôle.

Nous avons bien imaginé des usines à gaz pour faire travailler ensemble Cour et chambres régionales, mais nous demeurons des juridictions distinctes. Chaque enquête commune est une véritable course à handicap qui peut conduire un même élu à répondre à maintes reprises aux mêmes questions. Et surtout, il faut compter deux à trois ans pour aboutir à un résultat...

Notre adaptation est donc une ardente obligation.

Les avant-projets actuellement soumis à la concertation interministérielle ne suppriment pas le réseau des chambres régionales ; ils cherchent seulement à supprimer les obstacles au travail commun. Même si, parallèlement, le contrôle à l'échelon local devra continuer à évoluer. Les collectivités territoriales ont accompli en quelques années des progrès significatifs en matière de gestion. Les sujets traités sont désormais éminemment complexes et les enjeux financiers sans commune mesure avec ce qu'ils étaient il y a 25 ans.

Notre objectif est de vous apporter, dans des délais raisonnables, la contribution à l'évaluation des politiques publiques que vous attendez ; de garantir aux élus locaux une plus grande homogénéité dans les contrôles, donc une plus grande équité de traitement ; enfin, d'apporter un service utile aux collectivités contrôlées. Nous ne sommes pas là pour épingler, stigmatiser. Nous avons à rappeler les règles et parfois à sanctionner les manquements, mais nous souhaitons d'abord apporter un concours utile à nos interlocuteurs.

Loin de nous le désir d'abandonner le contrôle organique, mais ces contrôles, plus ciblés, seront programmés au terme d'une analyse de risques mieux étayée. Surtout, nous pourrons concevoir des campagnes de contrôles sur un vaste échantillon de collectivités, afin non pas de dresser un tableau de chasse mais de repérer les bonnes pratiques et les risques. C'est une révolution dans l'approche du contrôle. Tous les jours, les collectivités territoriales font face à des entreprises privées puissantes. Les juridictions financières ont donc un rôle majeur à jouer pour leur permettre de défendre les intérêts des citoyens.

Nous aurons également à traduire pour les collectivités territoriales le principe constitutionnel de sincérité des comptes publics.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Annuels !

M. Philippe Séguin, Premier président.  - Notre ambition est de vous fournir l'expertise que vous êtes en droit d'attendre et un service utile à nos interlocuteurs. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs à gauche)

M. le président.  - Acte est donné du dépôt de ce rapport.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La remise du rapport de la Cour s'inscrit cette année dans un contexte particulier. Nous sommes à la veille de l'entrée en vigueur des dispositions de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la fonction de contrôle du Parlement et l'assistance que la Cour des comptes peut lui apporter.

La réforme constitutionnelle a consacré explicitement les fonctions de la Cour des comptes dans le contrôle et la certification des comptes de l'État. La commission des finances a elle-même participé à cette reconnaissance, en étant à l'initiative de l'introduction de la notion de sincérité des comptes dans le nouvel article 47-2 de la Constitution. Le second alinéa de cet article dispose ainsi que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. » Son premier alinéa reprend de son côté les trois piliers sur lesquels s'appuie la mission de la Cour des comptes : contrôler, certifier, évaluer. La fonction de juger me semble d'une nature différente. Il y a quelque ambiguïté à mes yeux à confier aux mêmes personnes, qui ont statut de magistrat, des fonctions d'évaluation, de certification et de jugement ; il pourrait y avoir entre elles un soupçon de conflit. Je fais confiance à la Cour pour mettre en place les garde-fous nécessaires et les bonnes pratiques. Nous l'y aiderons dans le cadre de notre propre activité de contrôle.

La dernière réforme constitutionnelle constitue également pour le Parlement un défi à relever : la mise en oeuvre effective de sa mission de contrôle de l'exécutif. La nouvelle rédaction de l'article 48 entre en vigueur le 1er mars 2009 ; il dispose qu'une « semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques ». Nous exerçons déjà notre mission de contrôle, comme en témoignent les travaux d'investigation et de suivi menés par nos commissions permanentes et nos missions d'information. J'avais eu l'honneur de présenter, l'année dernière, un bilan des travaux de contrôle de la commission des finances qui mettait en évidence leur retentissement et les suites concrètes qui leur ont été données. La révision constitutionnelle donnera un nouvel élan à notre mission de contrôle. C'est une chance qu'il faut saisir et un défi qu'il faut relever.

La qualité des liens que nous avons tissés ces dernières années avec la Cour nous y aidera. Les travaux qui nous sont transmis, dont nous apprécions la qualité et la diversité, sont une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour nourrir notre réflexion et alimenter nos débats. Au premier rang de ces travaux figurent les enquêtes de l'article 58 de la Lolf. Quatre d'entre elles ont donné lieu en 2008 à des auditions pour suite à donner, ouvertes à nos collègues et à la presse, ainsi qu'à la publication de rapports d'information. Ces enquêtes ont porté sur la gestion et la comptabilisation des créances d'aide publique au développement par la Coface, les refus d'apurement communautaire dans le domaine agricole, les questions budgétaires liées à l'école maternelle et les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats. Nous organiserons le 18 février 2009 la même procédure de publicité pour la dernière enquête reçue au titre de 2008, qui est relative aux engagements du Centre national d'études spatiales (Cnes) dans les programmes de l'Agence spatiale européenne.

Pour 2009, la commission des finances vous a saisi de cinq enquêtes à la demande des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : les crédits de la présidence française de l'Union européenne, la gestion du projet informatique Copernic du ministère du budget, la gestion des centres de rétention administrative, l'articulation des dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles, enfin l'Office national des forêts.

Notre collaboration repose aussi sur la faculté qui nous est ouverte par l'article 58-1 de la Lolf de demander l'assistance d'un magistrat de la Cour des comptes. En 2008, nous l'avons utilisée à deux reprises, sur le fonctionnement des administrations chargées de la gestion de l'immigration économique -sujet qui a fait l'objet d'un rapport d'information de notre commission- et les ressources financières des chambres des métiers et de l'artisanat dont les conclusions devraient être connues au cours de cette année. Les référés et les rapports particuliers transmis par la Cour sont également une source d'inspiration fructueuse.

La commission des finances sera certainement amenée à puiser dans ces documents des thèmes de contrôles qu'elle proposera au titre des nouvelles procédures constitutionnelles.

Les relations établies entre la Cour des comptes et le Sénat ne se limitent pas à ces transmissions et à leur suivi ; elles prennent aussi la forme de rencontres moins formelles, mais de plus en plus fréquentes, entre les rapporteurs spéciaux et les présidents de chambre ou de section. Ces rencontres s'inscrivent parfois dans le cadre des enquêtes demandées et permettent aux rapporteurs spéciaux de préciser leurs attentes. Elles autorisent également une information régulière sur les travaux menés par la Cour dans leurs domaines de compétence ; elles sont devenues une habitude à l'occasion de l'examen de la loi de règlement.

Ces rendez-vous témoignent de la très grande attention portée par la Cour à l'étendue et à la qualité de l'information des parlementaires et de sa volonté de jouer le jeu de la collaboration affirmée par la Constitution. La réussite de la réforme constitutionnelle sera grandement conditionnée par la qualité de cette collaboration.

C'est dans cette perspective que nous prendrons connaissance avec beaucoup d'attention des observations du rapport annuel de la Cour. Je relève sur tous les thèmes que vous avez évoqués une profonde convergence avec les travaux de la commission des finances.

Vous avez évoqué le rôle des chambres régionales. Il nous faudra ouvrir le débat sur la certification des comptes des collectivités territoriales, qui appelle de profonds changements. Les chambres ne pourront plus intervenir tous les trois ou quatre ans dès lors que la certification sera devenue annuelle. Vaste programme... Je souhaite que nous puissions engager la discussion avec vous sur ce sujet. (Applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs à gauche)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Je salue à mon tour l'importance, la qualité et l'utilité des travaux réalisés par la Cour et j'en remercie son Premier président. La synthèse des travaux que vous venez de nous présenter est impressionnante et confirme le rôle éminent de la Cour au service d'une meilleure gestion des deniers publics.

Nous examinerons le contenu de ce nouveau rapport avec une grande attention. Je perçois déjà que nos observations vont sans doute se rejoindre sur des sujets qui nous tiennent à coeur, tels la remise en ordre de l'Institut national du cancer, le dossier médical personnel ou les multiples dispositifs de soutien à l'emploi. Sur l'adoption internationale, nos travaux menés conjointement avec la commission des finances sont en cours de finalisation. Vos analyses viennent de façon très opportune conforter notre éclairage et rendre plus fructueux le débat que nous souhaitons organiser en séance publique sur ce thème dans les prochaines semaines. Ce sera pour nous un bon moyen de mettre en oeuvre les nouvelles modalités offertes par la Constitution pour promouvoir un contrôle parlementaire renforcé des actions du Gouvernement, avec l'assistance active de la Cour des comptes.

L'objectif que vous poursuivez d'améliorer la gestion des deniers publics est également le nôtre. Je me félicite de la très grande qualité des liens que la commission des affaires sociales et, au sein de celle-ci la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ont pu nouer avec vous-même comme avec les magistrats de la Cour. Je salue votre disponibilité et votre écoute. Les relations étroites et très fructueuses que nous avons établies avec vous sont la preuve que la Cour remplit pleinement son rôle d'assistance à nos travaux de contrôle parlementaire.

Des rendez-vous réguliers permettent d'entretenir ces relations, en particulier la publication, au mois de septembre, du rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette année encore, il proposait un éclairage détaillé sur nombre de sujets d'importance, dont celui des niches sociales sur lequel notre commission, qui y avait déjà réfléchi, s'est largement appuyée pour entériner la création du forfait social mais aussi approfondir le débat sur l'ensemble des allégements de charges sociales et autres exemptions d'assiette. De même, la situation très dégradée du Fonds de financement des prestations sociales agricoles appelait une solution urgente, comme notre commission et M. Vasselle l'ont maintes fois réclamée. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fait disparaître ce fonds, ce que vous appeliez de vos voeux. Là encore nous nous rejoignons, ce qui témoigne du poids que peuvent avoir nos efforts conjoints.

Un deuxième rendez-vous régulier est désormais institué : celui de la publication au mois de juin du rapport de certification des comptes de la sécurité sociale. Le deuxième, publié l'année dernière, s'est révélé comme le premier extrêmement constructif. Notre commission a exercé un contrôle attentif et régulier des moyens mis en oeuvre par les caisses, notamment la Cnaf, pour répondre aux observations de la Cour. La Mecss va d'ailleurs publier un rapport à ce sujet dans les tout prochains jours.

D'autres rencontres ont lieu à l'occasion de la remise des travaux que nous commandons à la Cour. Cette année, l'enquête de la Cour sur la répartition des charges entre les assurés, l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires ont grandement contribué à étayer notre réflexion sur le sujet et permis d'insérer dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale une disposition renforçant l'information sur l'activité des organismes d'assurance complémentaire.

Nous sommes certains que les prochaines demandes d'enquête, sur le bilan du plan « Hôpital 2007 » et l'utilisation des fonds consacrés au sida, seront également riches d'enseignements.

Je souhaite que 2009 soit tout aussi fructueuse pour la Cour des comptes que cette année et que nous poursuivions nos travaux communs pour le meilleur profit de nos concitoyens. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs à gauche)

M. le président.  - Je remercie le Premier président et ses collaborateurs pour la présentation de ce rapport. (M. le Premier président quitte l'hémicycle avec le cérémonial d'usage)

La séance est suspendue à 18 h 45.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 21 heures 30.

Conférence des Présidents

Mme la présidente.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

JEUDI 5 FÉVRIER 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

- Suite du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

Ordre du jour prioritaire :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

VENDREDI 6 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

MARDI 10 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 10 heures :

- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

A 16 heures et le soir :

- Explications de vote et vote sur le projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

- Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

MERCREDI 11 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 10 heures 30 :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l'article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Ordre du jour réservé :

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille.

- Proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées, présentée par Mme Bariza Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants.

JEUDI 12 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 9 heures 30 et à 15 heures :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;

A 22 heures :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 72-4 de la Constitution, sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité.

MARDI 17 FÉVRIER 2009

A 10 heures :

- Dix-huit questions orales.

Ordre du jour prioritaire :

A 16 heures et le soir :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

MERCREDI 18 FÉVRIER 2009

Ordre du jour prioritaire :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

- Projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (Urgence déclarée).

JEUDI 19 FÉVRIER 2009

A 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

- Suite de l'ordre du jour de la veille.

A 15 heures et le soir :

- Questions d'actualité au Gouvernement.

Ordre du jour prioritaire :

- Suite de l'ordre du jour du matin.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Grenelle de l'environnement (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Discussion des articles (Suite)

Mme la présidente.  - Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 27.

Article 27

La surveillance des milieux aquatiques sera renforcée afin de répondre aux obligations liées à l'information environnementale et à l'accès à cette information et de préparer, à partir de 2012, les programmes de mesures pour la période 2016-2021 en application des objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Elle permettra de mieux évaluer les impacts à la fois des pollutions historiques, notamment dans les sédiments, des pollutions émergentes et des modifications de l'hydromorphologie des masses d'eau.

A cet effet, une aide budgétaire supplémentaire de 10 millions d'euros par an pourra être allouée par l'État.

Les résultats des réseaux de surveillance des milieux aquatiques seront mis à disposition des partenaires concernés et du public dans un délai d'un an après la réalisation de la campagne de mesure.

Des interfaces de mise à disposition plus simples d'utilisation seront développées par l'État et les agences de l'eau. 

Mme la présidente.  - Amendement n°418, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :

répondre aux obligations

insérer les mots :

notamment celles de la convention d'Aarhus signée par la France en 1998,

Mme Odette Herviaux.  - La France a signé en 1998 la convention d'Aarhus qui fixe un cadre précis pour la surveillance des milieux aquatiques. Par cet amendement, nous voulons lui rappeler ses engagements internationaux.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Si nous mentionnons la convention d'Aarhus dans la loi, pourquoi ne pas citer également la Charte de l'environnement qui lui est supérieure dans la hiérarchie des normes ? En outre, l'amendement est satisfait par l'article 27 qui prévoit explicitement la publicité des résultats des réseaux de surveillance. Retrait, sinon défavorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - Même avis. J'ajoute que les décrets d'application de cette convention ont été pris et intégrés au code de l'environnement, ce qui vous donne toute satisfaction.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Certes, mais les États parties à la convention se sont engagés en 2005 à ratifier l'amendement modifiant l'article 6, paragraphe 11, relatif à l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et à la justice en matière d'environnement ; amendement qui a été approuvé par le Conseil de l'Union européenne. La France aurait dû respecter cet engagement avant le 1er février 2008. Ce texte est l'occasion de le rappeler, comme cela se pratique pour d'autres accords internationaux.

L'amendement n°418 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°401 rectifié, présenté par M. S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le dernier alinéa de cet article, après le mot :

agences

insérer les mots :

ou les offices

M. Serge Larcher.  - Amendement de précision : les offices sont propres aux régions d'outre-mer.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Favorable à cette utile précision.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°401 rectifié est adopté.

L'article 27, modifié, est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°419 rectifié, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La politique agricole organise des modes de production capables de garantir la sécurité alimentaire de la France, le renouvellement des générations en agriculture, et de répondre aux besoins en alimentation de la planète dans le respect des hommes, particulièrement de leur santé, des écosystèmes et de la biodiversité.

Mme Odette Herviaux.  - Cet amendement, qui paraît au premier abord redondant avec l'article 28, réaffirme la nécessité de mener une politique agricole qui soit cohérente avec le Grenelle de l'environnement. De fait, cela n'est pas toujours le cas, comme en témoignent le dernier budget et certaines orientations retenues pour la prochaine réforme de la PAC.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Certes, il n'est pas interdit de tenir des propos généraux dans une loi de programme, voire une loi de programmation -un amendement va dans ce sens... Mais n'oublions pas que l'on reproche souvent à nos lois d'être trop bavardes. Si l'on ne peut qu'acquiescer au principe qu'énonce cet amendement, il alourdit inutilement le texte puisque des objectifs similaires sont énoncés au premier alinéa de l'article 28. Retrait, sinon rejet.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis. Il s'agit d'un amendement d'appel. Le Gouvernement vous a entendue, madame : la rédaction de l'article 28 vous satisfait.

Mme Odette Herviaux.  - Madame le ministre, c'est un peu plus qu'un amendement d'appel, car nous demandons la mise en cohérence des politiques avec le Grenelle de l'environnement, je le maintiens donc.

Mme Marie-Christine Blandin.  - L'objectif de sécurité alimentaire va de soi. En revanche, il en va autrement du renouvellement des générations en agriculture. Tout le monde semble s'accorder sur le principe, mais notre politique agricole, fondée sur la mécanisation et l'apport d'intrants chimiques, va à son encontre. Écrivons-le donc dans la loi au nom du « Grenellement volontaire »... (Sourires) Quant à « répondre aux besoins en alimentation de la planète », il ne s'agit pas de nourrir le reste du monde, mais de mener une politique d'exportation et d'importation qui préserve l'autonomie alimentaire des autres peuples.

L'amendement n°419 rectifié n'est pas adopté.

Article 28

La vocation première et prioritaire de l'agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir. Le changement climatique, avec ses aléas et sa rapidité, impose à l'agriculture de s'adapter, de se diversifier et de contribuer à la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre.

Cependant les processus intensifs de production font peser des risques parfois trop forts sur les milieux, menaçant aussi le caractère durable de l'agriculture elle-même.

Au-delà des importantes évolutions des pratiques agricoles mises en oeuvre depuis une dizaine d'années, un mouvement de transformation s'impose à l'agriculture pour concilier les impératifs de production quantitative et qualitative, de sécurité sanitaire, d'efficacité économique, de robustesse au changement climatique et de réalisme écologique : il s'agit de produire suffisamment, en utilisant les fonctionnements du sol et des systèmes vivants et, leur garantissant ainsi une pérennité, de sécuriser simultanément les productions et les écosystèmes. L'agriculture contribuera ainsi plus fortement à l'équilibre écologique du territoire, notamment en participant à la constitution d'une trame verte et bleue, au maintien de la biodiversité, des espaces naturels et des milieux aquatiques, et à la réhabilitation des sols.

À cet effet, les objectifs à atteindre sont :

a) De parvenir à une production agricole biologique suffisante pour répondre d'une manière durable à la demande croissante des consommateurs et aux objectifs de développement du recours aux produits biologiques dans la restauration collective publique ou à des produits saisonniers à faible impact environnemental, eu égard à leurs conditions de production et de distribution. Pour satisfaire cette attente, l'État favorisera la structuration de cette filière et la surface agricole utile en agriculture biologique devrait atteindre 6 % en 2012 et 20 % en 2020. À cette fin, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique sera doublé dès l'année 2009 afin de favoriser la conversion des exploitations agricoles vers l'agriculture biologique ;

b) De développer une démarche de certification environnementale des exploitations agricoles afin que 50 % des exploitations agricoles puissent y être largement engagées en 2012. Des prescriptions environnementales pourraient être volontairement intégrées dans les produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine. Une incitation pour les jeunes exploitants s'installant en agriculture biologique ou en haute valeur environnementale sera étudiée ;

c) De généraliser des pratiques agricoles durables et productives. L'objectif est, d'une part, de retirer du marché, en tenant compte des substances actives autorisées au niveau européen, les produits phytopharmaceutiques contenant les quarante substances les plus préoccupantes en fonction de leur substituabilité et de leur dangerosité pour l'homme, trente au plus tard en 2009, dix d'ici à la fin 2010, et, d'autre part, de diminuer de 50 % d'ici à 2012 ceux contenant des substances préoccupantes pour lesquels il n'existe pas de produits ni de pratiques de substitution techniquement et économiquement viables. De manière générale, l'objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques et des biocides en dix ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives sous réserve de leur mise au point. Un programme pluriannuel de recherche appliquée et de formation sur l'ensemble de l'agriculture sera lancé au plus tard en 2009, ainsi qu'un état des lieux de la santé des agriculteurs et des salariés agricoles et un programme de surveillance épidémiologique. Une politique nationale visera la réhabilitation des sols agricoles et le développement de la biodiversité domestique, cultivée et naturelle dans les exploitations. La politique génétique des semences et races domestiques aura pour objectif de généraliser, au plus tard en 2009, le dispositif d'évaluation des variétés, d'en étendre les critères aux nouveaux enjeux du développement durable et d'adapter le catalogue des semences aux variétés anciennes, y compris les variétés de population, contribuant à la conservation de la biodiversité dans les champs et les jardins, et aux semences de populations, et de faciliter leur utilisation par les professionnels agricoles. Un plan d'urgence en faveur de la préservation des abeilles sera mis en place en 2009 et s'appuiera notamment sur une évaluation toxicologique indépendante relative aux effets, sur les abeilles, de l'ensemble des substances chimiques ;

c bis)  De réduire la dépendance des systèmes de production animale aux matières premières importées entrant dans la composition des produits d'alimentation animale et notamment les protéagineux et les légumineuses ;

d) D'accroître la maîtrise énergétique des exploitations afin d'atteindre un taux de 30 % d'exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d'ici à 2013 ;

e)  D'interdire l'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques, sauf dérogations.

L'État mettra en place un crédit d'impôt pour la réalisation d'un diagnostic énergétique de l'exploitation agricole. Il s'agira de suivre de manière précise la consommation et de réaliser des bilans énergétiques des exploitations agricoles afin de réaliser des économies d'énergie directes et indirectes (tracteurs et machines, bâtiments et serres, consommation d'intrants). Il faudra produire et utiliser des énergies renouvelables dans les exploitations agricoles (expérimentation, méthanisation, mobilisation du bois agricole, adaptation de la fiscalité sur l'énergie). 

L'État agira par une combinaison d'actions : l'encadrement des professions de distributeurs et d'applicateurs de produits phytopharmaceutiques par des exigences en matière de formation, d'identification ou de séparation des activités de vente et de conseil, dans le cadre d'un référentiel vérifiable d'enregistrement et de traçabilité des produits ; un renforcement des crédits d'impôt et des aides budgétaires pour aider les agriculteurs à développer l'agriculture biologique ; des instructions données à ses services en matière de restauration collective ; la promotion d'une organisation des acteurs agricoles et non agricoles pour mettre en oeuvre des pratiques agricoles avancées sur l'ensemble du territoire concerné ; une réorientation des programmes de recherche et de l'appareil de formation agricole pour répondre d'ici à 2012 aux besoins de connaissance, notamment en microbiologie des sols, et au développement des pratiques économes en intrants et économiquement viables, notamment par un programme de recherche renforcé sur les variétés et itinéraires améliorant la résistance aux insectes et aux maladies ; l'objectif est qu'au moins 20 % des agriculteurs aient bénéficié de cette formation en 2012 ; la généralisation de la couverture des sols en hiver en fonction des conditions locales ; l'implantation progressive, pour améliorer la qualité de l'eau et préserver la biodiversité, de bandes enherbées et zones végétalisées tampons d'au moins 5 mètres de large le long des cours d'eau et plans d'eau. Ces bandes enherbées contribuent aux continuités écologiques de la trame verte et bleue.

En outre, la France appuiera au niveau européen une rénovation de l'évaluation agronomique des variétés candidates à la mise sur le marché pour mieux prendre en compte les enjeux de développement durable et notamment la réduction progressive de l'emploi des intrants de synthèse.

M. Didier Guillaume.  - La vocation première de l'agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population. Un célèbre poète bigourdan, François Fortassin, (sourires) nous disait hier soir qu'il était un militant de l'eau. Je veux vous dire, ce soir, que je suis un militant du bio ! (Sourires) C'est en participant à des expérimentations que l'État et les collectivités locales pourront faciliter l'émergence d'une filière bio de qualité.

Dans les départements engagés dans le bio, on observe d'ailleurs des signes encourageants : un taux de conversion significatif de l'agriculture traditionnelle vers le bio, une notoriété importante des territoires qui sont entrés dans cette dynamique, une attente des citoyens de plus en plus importante, le développement de filières économiques et la mise en place de formations en ce domaine. Ces signaux nous encouragent à aller plus loin et ce texte milite en faveur de l'agriculture biologique.

Mais nous devons aussi nous méfier des clichés : il faut arrêter d'opposer les agriculteurs bio à ceux qui pratiquent une agriculture conventionnelle. C'est un combat d'arrière-garde qui ne sert à rien et qui ne favorise ni les uns, ni les autres. Les agriculteurs bio ne sont pas tous des post-soixante-huitards travaillant sur de petites parcelles et ne sachant pas valoriser leurs productions, et les agriculteurs conventionnels ne sont pas tous d'affreux pollueurs abusant des intrants. Si nous voulons nourrir l'ensemble de la population, nous aurons besoin des deux agricultures, l'une, si je puis dire, se nourrissant de l'autre. D'ailleurs, les techniques de l'agriculture bio sont aussi utilisées par l'agriculture conventionnelle.

Deuxième cliché : l'éternel débat entre les OGM en plein champ et l'agriculture bio. Je suis intimement persuadé qu'il n'y a aucune compatibilité entre les deux ! Si l'on veut favoriser le bio, il faut interdire sur le même territoire les champs OGM.

Pour que l'agriculture bio puisse se développer, l'État doit aider les collectivités locales à organiser de véritables circuits de distribution qui permettent à nos concitoyens d'acheter des produits bio. En outre, il ne faudrait pas que cette agriculture soit réservée aux consommateurs qui en ont les moyens. Nous devrons faire en sorte que l'évolution des techniques ne soit pas freinée par des prix trop élevés.

Pour arriver à 20 % de bio dans la restauration scolaire, il faudra que les marchés publics autorisent de s'adresser à des producteurs locaux qui pratiquent des prix modérés. Nous devrons aussi faire en sorte que les centrales d'achat, les départements et les communes puissent s'approvisionner selon des circuits les plus courts possibles.

Enfin, il faut organiser les filières de la recherche. La demande de produits bio est aujourd'hui supérieure à l'offre. Ainsi, la Drôme, qui est le premier département bio de France, cultive de nombreuses plantes aromatiques. Ce n'est pourtant pas suffisant puisque les producteurs de parfum sont obligés d'importer du tilleul et d'autres plantes aromatiques de Hongrie ou de Bulgarie. Nous devrons donc réorganiser ces filières.

Le Gouvernement devra lancer des programmes nationaux de recherche, car seuls les progrès techniques permettent d'avancer. La tâche est immense. C'est pourquoi notre politique devra fixer des objectifs clairs et prévoir des crédits importants.

Mme Odette Herviaux.  - C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai participé au groupe 4 du Grenelle au titre de l'Association des régions de France et j'ai constaté que des personnes qui n'avaient pas l'habitude de parler ensemble ont fait des efforts pour se comprendre. Le moment est venu de concrétiser.

Depuis de très nombreuses années, le nombre des agriculteurs n'a cessé de diminuer. Ils sont devenus très minoritaires même si, dans certaines régions, comme mon département, ce secteur reste incontournable. Pourtant, les problèmes des agriculteurs sont souvent méconnus, voire incompris. J'espère que cette loi permettra à nos concitoyens de mieux comprendre les problèmes de ce secteur.

Un constat inquiétant : les prix des produits alimentaires de base ont flambé dans le monde, notamment dans les pays en développement. Selon la Banque mondiale, les prix alimentaires de base ont progressé ces trois dernières années de 83 %. En France, l'augmentation de certains prix alimentaires a suscité de nombreux débats sur le pouvoir d'achat, avant même la crise actuelle. Pourtant, de nombreux experts et spécialistes n'ont cessé, depuis plus de vingt ans d'alerter sur l'insécurité alimentaire mondiale. Tout le monde a semblé redécouvrir l'importance stratégique de l'agriculture, alors que nous sommes à la veille d'un défi impressionnant : nourrir, en 2050, une population mondiale qui aura augmenté de 50 %, alors que les terres arables ont tendance à diminuer, surtout les meilleures terres, autour des grandes villes. Il nous faudra donc être capables de doubler la production alimentaire mondiale d'ici 40 ans alors que le changement climatique se précise, que les réserves d'eau diminuent et que les sols s'érodent.

Grâce à l'innovation et à l'intelligence des hommes, l'agronomie et l'agriculture peuvent répondre à ces défis en combinant les techniques anciennes et les nouvelles technologies. Mais nous devrons aussi promouvoir d'ambitieuses politiques publiques agricoles capables de réguler les à-coups inhérents à l'agriculture : il faudra à la fois protéger les agriculteurs et garantir une production agricole régulière, non spéculative et respectueuse de l'environnement. C'est tout l'enjeu d'une agriculture diversifiée, de qualité, productive et durable.

Les missions que remplissent les agriculteurs sont multiples : garantir l'alimentation de nos concitoyens, entretenir le territoire, assurer des productions non alimentaires, diversifier les produits et les activités. Ces missions multiples répondent à des besoins qui se diversifient et qui appellent des types d'agricultures complémentaires.

Comme le disait M. Guillaume, il ne faut pas chercher à opposer les différentes formes d'agriculture entre elles, ni tenter de hiérarchiser qualité et quantité. On peut dénoncer les dérives d'une agriculture productiviste mais pas au prix de la sécurité alimentaire. Réduire l'agriculture à des circuits courts et à des méthodes plus artisanales, c'est risquer d'abandonner irrémédiablement toute ambition économique alors qu'il s'agit d'une activité vitale pour l'aménagement du territoire. C'est en insistant sur la nécessaire alliance entre les différentes formes d'agriculture que nous parviendrons à répondre aux défis qui se posent à nous.

Conformément à l'esprit du Grenelle, une politique agricole ambitieuse devra reconnaître et promouvoir l'ensemble des agricultures écologiquement responsables. A cette condition seulement, notre pays garantira sereinement sa sécurité alimentaire, contribuera à réguler efficacement les soubresauts spéculatifs d'une mondialisation aveugle et sera un acteur majeur du développement durable et solidaire entre le Nord et le Sud et entre les générations actuelles et à venir.

M. François Fortassin.  - L'agriculture doit, avant tout, subvenir aux besoins alimentaires des populations. Notre production doit donc être quantitativement suffisante et qualitativement satisfaisante. Je milite pour une agriculture raisonnée et raisonnable et je n'oppose pas l'agriculture biologique à l'agriculture traditionnelle. Nous devrons réduire la consommation d'intrants, mais nous ne pourrons le faire que par pallier. Aujourd'hui, la réduction d'intrants réduit automatiquement les rendements.

Tous les ans, notre pays perd environ 60 000 hectares de terres agricoles, soit une production non négligeable. Les agriculteurs devront prendre conscience qu'en utilisant certains produits non seulement ils mettent sur le marché des produits médiocres mais font courir un risque à leur santé.

Il y a des symboles : s'occuper des abeilles peut sembler, à première vue, anodin. Mais c'est essentiel, car la survie des abeilles marquera le retour à une agriculture moins polluante.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. François Fortassin.  - Nous devrons rapidement interdire les épandages aériens : il ne s'agit pas de se montrer sectaire en la matière mais nous avons besoin de produits irréprochables.

Il faut aussi préserver le paysage : et pour y parvenir, rien ne vaut une agriculture fondée sur les méthodes traditionnelles. Il est normal que les herbivores mangent de l'herbe : je vous expliquerai pourquoi en défendant un amendement à cet article. (Sourires)

Je regrette que l'article 28 ne traite pas de la sylviculture. La tempête a récemment mis à mal la forêt landaise. La forêt n'est rentable que sur la durée et une catastrophe naturelle peut anéantir la production pour de nombreuses années. Si les propriétaires ne peuvent pas vivre de leur forêt, leurs terrains sont bradés, livrés à la spéculation foncière et immobilière.

En montagne, il est judicieux d'éviter, dans certaines zones, de construire des routes ou d'ouvrir des pistes. Il y aurait bien la traction animale, mais peu d'exploitants savent conduire des mulets. Quant à l'exploitation par câbles, elle est dans le massif pyrénéen limitée par le manque de professionnels formés : elle dépend de câblistes autrichiens, qui viennent quand ils ne sont pas occupés ailleurs. Des pans entiers de la forêt seront détruits ; la forêt est vouée à être anéantie si elle n'est pas exploitée. L'arbre naît, vit et meurt.

Quelques mots enfin de la neige de culture : certaines années, elle garantit le bon déroulement de la saison de ski. Elle est aussi nécessaire que l'irrigation dans les pays secs ! Et si les opérations sont menées correctement, elles reviennent ni plus ni moins à stocker de l'eau.

M. Jacques Muller.  - Nous sommes heureux que le constat, dans cet article, corresponde à la réalité : les processus intensifs comportent des risques. Il est bon de le reconnaître dans la loi. Le cap proposé mérite la plus grande attention. « Produire suffisamment », ce n'est pas « produire toujours plus » et je me réjouis de cette évolution. Que l'agriculture participe à la constitution des trames bleue et verte et au maintien de la biodiversité, qu'elle soit invitée à un mouvement de transformation, ce sont des idées que nous partageons.

Les difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit d'entrer dans le détail : la dimension sociale et socio-territoriale est absente du texte, alors qu'elle est partie intégrante de l'agriculture durable. Ce document du ministère de l'agriculture, (l'orateur brandit un fascicule) diffusé dans tous les lycées agricoles, expose les « indicateurs de durabilité des exploitations agricoles ». Cette étude comporte une définition de l'agriculture durable : c'est celle qui est à la fois économiquement viable, écologiquement saine et socialement équitable. Il est donc recommandé de préférer l'installation des jeunes à l'agrandissement et de veiller au maintien de l'emploi sur le territoire. La course à l'agrandissement se traduit par une dévitalisation du territoire, la contribution à l'emploi doit être appréciée précisément, conclut la brochure. Hélas, cet aspect fait totalement défaut dans le projet de loi. La priorité ne va pas seulement à la protection de l'environnement mais aussi au ménagement et à l'aménagement du territoire.

En tant qu'agronome, j'estime que le principe de transformation affiché n'est pas suffisamment précisé dans cet article. Jusqu'à présent, l'agriculture était fondée sur la mécanisation et la chimie, qui ont amélioré l'efficacité agricole. Nous voulons et devons aujourd'hui prendre un tournant : il faut donc affirmer dans la loi que les éco-systèmes et la biodiversité ne sont pas des contraintes mais des facteurs de production. Et cela porte un nom : l'agriculture intégrée. Elle n'est pas bio à 100 % mais repose sur une valorisation des éco-systèmes. J'y reviendrai à l'occasion d'un amendement.

Cessons de traiter les agriculteurs en boucs émissaires. Ils travaillent selon ce que leur ont prescrit les politiques publiques. Si nous reconnaissons aujourd'hui qu'il y a des problèmes, les solutions sont à chercher dans une inflexion des politiques agricoles menées jusqu'ici. Nous n'avons pas les moyens de changer seuls la PAC, mais faisons au moins en sorte que la déclinaison française respecte autant que possible les objectifs du texte !

Label rouge, labels bio, et tant d'autres, les consommateurs sont noyés sous les certifications. Point n'est besoin d'en créer toujours de nouvelles, appuyons-nous sur ce qui existe.

J'y insiste : le document du ministère fournit tous les éléments pour évaluer le caractère durable des systèmes d'exploitation agricole : il suffit d'infléchir la répartition des aides en conséquence !

M. Daniel Soulage.  - Les récents évènements dans le sud-ouest ont eu des conséquences néfastes pour nos concitoyens mais aussi pour l'économie locale, et au premier rang l'agriculture. La région est régulièrement le théâtre de catastrophes naturelles. Du reste, mon intervention concerne à la fois l'article 28 et l'article 39 relatif à la prévention des risques majeurs.

La loi du 13 juillet 1982 a fait de l'assurance contre les catastrophes naturelles une extension obligatoire des contrats dommages aux biens et pertes d'exploitation. Ce régime mixte associe l'État et les assureurs. Il est alimenté par une cotisation additionnelle, fixée par arrêté, égale pour 2009 à 12 % du montant des cotisations de base des contrats. Or, une partie des sommes ainsi allouées au régime « catastrophes naturelles » va au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, créé en 1995. Initialement de 2 %, le taux de prélèvement atteint à présent, je l'ai dit, 12 %. Cette augmentation reflète les dérives intervenues, car depuis 1995, les missions du Fonds n'ont cessé de s'étendre. Il était initialement consacré à l'indemnisation des personnes faisant l'objet d'une mesure d'expropriation de leurs biens exposés aux risques naturels prévisibles. Depuis lors, on lui a confié l'information des citoyens, les études et travaux relatifs aux plans de prévention des risques, les opérations de reconnaissance des cavités souterraines ou des marnières... Comme l'indique un récent rapport de la Direction générale de l'environnement, le Fonds intervient de plus en plus en substitution des crédits budgétaires de la prévention des risques naturels.

L'essor des cofinancements traduit une débudgétisation d'ampleur non négligeable. Cette dérive des missions conduit inéluctablement à l'épuisement rapide des réserves du Fonds et à l'inadéquation entre recettes et dépenses Augmenter le taux de prélèvement ne constitue qu'une solution d'appoint, reflet d'une politique au fil de l'eau.

L'article 154 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit une augmentation des dépenses du Fonds de 74 millions par an alors que les ressources annuelles du Fonds sont augmentées de l'ordre de 53 millions !

Si l'objectif, en termes de prévention, est louable, le dispositif actuel implique un choix arbitraire entre prévention et indemnisation. Le code de l'environnement prévoit actuellement un prélèvement interne sur les primes additionnelles catastrophes naturelles des contrats d'assurance. En conséquence, ce qui va au Fonds Barnier est perdu pour les victimes de catastrophes naturelles. A l'heure du changement climatique, dont le sud-ouest vient de subir les effets, comment ne pas s'interroger sur cette dissonance entre prévention et indemnisation ?

La contribution de plus en plus significative du Fonds Barnier à la politique publique de prévention rend nécessaire une réforme structurelle qui en retrace les contours et lui redonne une lisibilité politique et technique.

C'est pourquoi, je vous demande de nous éclairer sur le financement futur de ce Fonds et sur ses missions.

Mme la présidente.  - Amendement n°221, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

population,

insérer les mots :

en s'appuyant sur les principes de souveraineté et de sécurité alimentaire,

M. Gérard Le Cam.  - Affirmer que « la vocation première et prioritaire de l'agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population » est un retour au bon sens, on pourrait dire au bon sens paysan. II y a deux ans, le discours ambiant n'était pas le même : les agro-carburants allaient révolutionner l'agriculture et abonder le revenu de la ferme France, les OGM se chargeaient du reste par des volumes de production inespérés. C'était oublier le monde impitoyable des spéculateurs. La suite, nous la connaissons : une crise alimentaire mondiale, une flambée des cours de céréales, la quasi-totalité des secteurs de production en crise.

Les précisions qu'apporte cet amendement sont loin d'être superflues. Quand 923 millions, voire un milliard de personnes sont sous-alimentées, il faut une autre conception des agricultures nationale, européenne et mondiale. Chaque pays doit pouvoir produire en priorité de quoi se nourrir. Certes les biotopes, les climats, le niveau de développement agronomique, ne permettent pas tout, tout de suite, mais tel doit être le but. Là où les cultures d'exportation ont remplacé les cultures vivrières, la misère et la famine se sont accrues.

C'est pays par pays qu'il faut agir pour atteindre la souveraineté alimentaire. Regardez l'Asie : elle héberge 75 % des personnes souffrant de malnutrition, elle ne possède que 30 % des terres cultivées et 14 % des terres cultivables mondiales. Avec plus d'un milliard de paysans, elle est le continent le plus sous-alimenté.

La sécurité alimentaire requiert à la fois la quantité et les stocks, et la qualité. Les stocks, quand ils existent, sont l'objet privilégié des spéculateurs et de la politique agressive des pays qui prônent la guerre alimentaire mondiale. Quand les stocks n'existent pas il est de la responsabilité des pays de les constituer.

Nous sommes loin de cette vision de l'agriculture mondiale et ce n'est pas l'OMC qui résoudra les problèmes : elle les exacerbe en mettant en concurrence les pays, les agriculteurs, les industries, les services.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Vous participez à l'oubli de la « souveraineté limitée » ! On ne peut que souscrire à la volonté de défendre la souveraineté et la sécurité alimentaire. Cependant, l'article 28 y fait déjà référence, en parlant de la nécessité de « répondre aux besoins alimentaires de la population », d'« impératifs de production quantitative », de « sécurité sanitaire » et de « produire suffisamment ». Il paraît sage de ne pas surcharger le texte inutilement. Retrait.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - On pourrait aussi faire appel à la Charte de l'environnement, au principe de préservation de l'environnement et de réparation des dommages. Retrait.

M. Jacques Muller.  - Dès lors que certains font de l'alimentation une arme, il est très important que la souveraineté et la sécurité alimentaires figurent dans le texte : la France doit dire ainsi qu'elle ne joue pas sur ce terrain.

L'agriculture a toujours été la base du développement ; ce fut le cas chez nous, cela pourrait l'être dans les pays du sud. Mais là-bas, dans les pays qui souffrent de la faim, ce ne sont plus les campagnes qui nourrissent les villes, ce sont les villes qui nourrissent les campagnes avec des produits importés !

L'amendement n°221 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°746, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir

M. Jacques Muller.  - Si l'on raisonne quantitativement et non qualitativement, le grand défi auquel notre agriculture est confrontée n'est pas de produire plus, mais de rééquilibrer les productions : nous dépendons du soja importé du Brésil et des États-Unis. Il est là notre problème n°1 ; il ne s'agit pas de produire toujours plus pour inonder de nos produits subventionnés les pays du sud !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Hier soir, dans la nuit, j'ai regardé à la télévision un reportage sur les exportations massives d'huile de palme en provenance d'Indonésie...

La croissance démographique mondiale va contraindre les agricultures à nourrir un nombre croissant de bouches. Je suis très étonné que vous n'en paraissiez pas conscients. Retrait.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Il ne s'agit vraiment pas de multiplier à l'infini nos exportations ! La population française a augmenté de dix millions en une dizaine d'années. Retrait.

M. Jacques Muller.  - Vous ne répondez pas à ma question. Je sais bien que la population mondiale s'accroît ; ce que je vous dis, c'est que chaque pays doit se nourrir lui-même. La France n'a pas à exporter ses produits partout ; son problème, c'est l'équilibre protéinique.

L'exemple indonésien montre bien ce qu'est une agriculture qui, pour exporter, tourne le dos aux cultures vivrières qui doivent nourrir le pays. Pour son indépendance alimentaire, l'Europe a créé la politique agricole commune de 1962, augmenté ses prix intérieurs et relevé ses barrières douanières. Tant que les pays du sud ne pourront pas le faire, ils ne parviendront pas à se développer.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Je suis sidéré de constater une fois de plus la fragilité de la mémoire humaine. Il y a 50 ans, l'agriculture de l'Europe ne suffisait pas à nourrir ses habitants ! Les gens avaient faim. (M. Jacques Muller l'admet) Il faut savoir que l'agriculture européenne est la moins agressivement exportatrice du monde, au contraire de l'Argentine, de l'Australie, du Brésil. (M. Jacques Muller en est d'accord)

Quand l'Indonésie affame sa population -je pèse mes mots- pour exporter de l'huile de palme, la France n'y est pour rien. L'agriculture française est déjà exemplaire : par rapport aux quantités mondiales, le taux de ses excédents exportés est faible.

M. Jacques Muller.  - Je ne nie rien de tout cela.

L'amendement n°746 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°487, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC.

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Pour cela, il est indispensable de préserver les surfaces agricoles, notamment en limitant leur consommation et leur artificialisation. 

M. Daniel Soulage.  - L'agriculture doit faire face à une raréfaction du foncier agricole, avec la perte de 60 000 hectares de terres cultivables chaque année. Ce phénomène s'aggrave chaque jour un peu plus, parce que l'artificialisation est difficilement réversible. Le phénomène est cumulatif et beaucoup d'exploitations agricoles sont rattrapées par l'étalement urbain, le mitage ou la réservation de nouvelles emprises foncières pour des activités non agricoles. L'artificialisation des terres résulte d'abord d'une consommation excessive d'espace agricole. Comment parvenir à un développement durable, assurer l'alimentation humaine, lutter contre le réchauffement climatique, fournir des bioénergies et des biomatériaux et préserver la biodiversité sans un minimum de surfaces agricoles et forestières ? Il est urgent de mener une politique de protection des terres agricoles.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - L'objectif est louable mais le projet de loi comporte déjà des objectifs de préservation des espaces naturels et agricoles. Par exemple, le II de l'article 7 fixe comme objectif au droit de l'urbanisme de « lutter contre la régression des surfaces agricoles et naturelles » et « contre l'étalement urbain ». Sagesse.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Avis favorable. L'artificialisation des sols est un danger tant pour le climat que pour la production agricole.

M. Jacques Muller.  - Tout à fait favorable. En outre, la préservation des terres agricoles permettra aux jeunes de s'installer et aux formes d'agriculture alternatives, en particulier en périphérie des villes, de se développer.

L'amendement n°487 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par MM. César, Bizet, Doublet, Laurent, Cornu, Pointereau, Bailly, Vasselle, Grignon, Lefèvre, B. Fournier et Gilles.

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

M. Rémy Pointereau.  - Cet alinéa, uniquement déclaratif, n'apporte aucune orientation, aucune programmation et donne une image négative de l'agriculture. Compte tenu du coût des intrants, les agriculteurs freinent leur utilisation et tous pratiquent déjà une agriculture raisonnée.

L'amendement identique n°624 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°370, présenté par M. Vasselle.

Dans le deuxième alinéa de cet article, après le mot :

production

insérer les mots :

, auxquels est contrainte la profession agricole pour des raisons économiques,

M. Alain Vasselle.  - Amendement de repli par rapport au précédent qui supprimait ce deuxième alinéa. Il précise pourquoi la profession agricole en est arrivée là. Les agriculteurs ne demandent qu'une chose : retirer un revenu décent de leur activité.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°809 à l'amendement n°370 de M. Vasselle, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°370, remplacer les mots :

est contrainte

par les mots :

a été poussée

et les mots :

pour des raisons économiques

par les mots :

par la politique agricole

M. Jacques Muller.  - Il est impératif de maintenir ce deuxième alinéa mais il faut souligner la raison historique de ce constat. La politique agricole s'est construite dans un contexte de production déficitaire. Nous avons donc augmenté les prix intérieurs pour augmenter les rendements. Les agriculteurs ont augmenté leur production parce qu'on le leur a demandé.

Mme la présidente.  - Amendement n°470, présenté par M. Guillaume.

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

parfois trop forts

M. Didier Guillaume.  - Il faut éviter tout manichéisme. La France a demandé aux agriculteurs de produire et elle est devenue le grenier de l'Europe. Ce deuxième alinéa doit être maintenu car il constate, il ne met pas en cause les modes de production. Nous proposons seulement d'en enlever un qualificatif qui n'apporte rien.

Mme la présidente.  - Amendement n°489, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC.

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

C'est pourquoi il faut poursuivre le développement de l'agriculture raisonnée et de l'agriculture biologique.

M. Daniel Soulage.  - Depuis plusieurs années déjà, les agriculteurs sont engagés dans des démarches de protection de l'environnement. L'agriculture devient une activité extrêmement technique et le consommateur doit savoir que les agriculteurs n'ont pas vocation ni même intérêt à déverser des quantités considérables de coûteux produits phytosanitaires. Désormais ils sont capables, grâce à des prélèvements réguliers, de connaître avec précision les besoins des plantes, tout au long de leur croissance. L'agriculture raisonnée, reconnue depuis 2002 comme un mode cultural respectueux de l'environnement, n'est même pas mentionnée dans ce projet de loi ! Il faut remédier à cette lacune et sortir de l'opposition caricaturale entre agriculture biologique et agriculture intensive !

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°810 à l'amendement n°489 de M. Soulage et les membres du groupe UC, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans le second alinéa de l'amendement n°489, remplacer le mot :

poursuivre

par le mot :

favoriser

et le mot :

raisonnée

par le mot :

intégrée

M. Jacques Muller.  - L'agriculture intégrée, c'est l'agro-écologie, ce n'est pas l'agriculture raisonnée. La seconde utilise la bonne dose d'engrais et de phytosanitaires tandis que la première en utilise le moins possible. Avec l'agriculture raisonnée, on reste dans le schéma classique. Un exemple en Alsace, dans le sud de mon département : on y pratique la monoculture du maïs, plante attaquée par la chrysomèle ; tous les pratiquants de l'agriculture raisonnée ont traité massivement ; de l'autre côté de la frontière...

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Comme Tchernobyl...

M. Jacques Muller.  - ... en Suisse, la chrysomèle est inconnue car on y pratique la rotation des cultures. L'agriculture raisonnée, c'est une invention du syndicalisme agricole et de l'industrie phytosanitaire, laquelle a intérêt à ce qu'on applique la juste dose plutôt que de s'en passer complètement.... Dans le cahier des charges de cette agriculture raisonnée, il y a 50 % de règlementaire et 50 % d'engagement de l'agriculteur ! Comme si on pouvait respecter la moitié du code de la route...

Madame la ministre, votre projet de loi annonce le besoin d'une transformation de l'agriculture. Cela ne signifie pas forcément qu'elle doit devenir biologique mais, au moins qu'elle doit devenir intégrée c'est-à-dire utiliser le moins possible d'intrants.

Allez voir l'Inra ; les experts vous diront qu'elle respecte les éco-systèmes, améliore les paysages et qu'elle est quantifiable.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Je répondrai globalement. M. Muller ne va pas nous donner toute la nuit des leçons d'agronomie, d'économie et d'écologie : il est expert en tout, alors que je ne suis qu'un modeste paysan ! N'ayons pas la mémoire courte : Edgar Pisani a présenté en 1963 à cette tribune sa loi d'orientation de l'agriculture. La France avait faim ou, plutôt, les Français se rappelaient qu'ils avaient eu faim. La PAC n'y est pour rien, qui était encore balbutiante. Il fallait seulement produire pour nourrir les Français puis les Européens, puis l'humanité. Tous les amendements me semblent superflus sauf, peut-être la proposition de M. Soulage, sur laquelle je m'en remettrai à la sagesse. Non, monsieur Vasselle, les agriculteurs n'ont pas été contraints, ils ont fait avec les moyens de l'époque mais cette époque est révolue ; la planète est menacée et nous devons changer notre fusil d'épaule.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Le texte résulte d'un compromis lentement élaboré entre tous les acteurs. Restons-en à l'équilibre de la rédaction initiale. M. Soulage pose des questions intéressantes mais plutôt que d'agriculture intégrée ou durable, plutôt que de certification environnementale, pourquoi ne pas parler d'un « modèle agricole économe en intrants » ?

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Dans ce débat intéressant, certains sont amnésiques. La PAC n'était pas en cause il y a 30 ou 40 ans. Je rends hommage à Jean Monnet qui a souhaité une agriculture européenne intégrée mais je n'oublie pas le rôle de la recherche agricole et des nouveaux matériels : alors que les premiers tracteurs tassaient les sols, ceux d'aujourd'hui permettent de travailler comme des jardiniers. L'augmentation de la production a été obtenue par des intrants, par la recherche et par de meilleurs matériels.

Le texte du Gouvernement est très équilibré. Je suis très sensible à l'agriculture raisonnée qu'évoque M. Soulage. La recherche va d'ailleurs évoluer vers de nouvelles molécules. La rédaction à laquelle aboutira l'amendement de M. Soulage est très bonne alors que j'observe respectueusement que l'on ignore où commencent les intrants et où ils s'arrêtent. Restons-en à la raison et acceptons l'amendement de M. Soulage.

M. Didier Guillaume.  - Ce débat pourrait s'éterniser mais nous débattons du Grenelle de l'environnement et non d'une loi d'orientation pour l'agriculture, même si les deux doivent se conjoindre. Le deuxième alinéa du texte du Gouvernement nous va bien et si la commission et le Gouvernement préfèrent en rester là, nous y sommes disposés. Si on commence à parler des intrants, c'est tout le débat qu'on rouvre. Les agriculteurs ont été amenés à produire pour nourrir la France, puis l'Europe et force est de constater que dans certaines zones, sans intrants, on n'arrive pas à produire. N'opposons pas les uns et les autres et conservons le texte.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Je suis tout à fait de cet avis : restons-en là.

M. Rémy Pointereau.  - Je retire mon amendement, mais il importait de souligner que les agriculteurs ne sont pas fous, qu'ils gèrent avec responsabilité, d'où mon appréciation sur l'amendement de M. Soulage.

L'amendement n°123 rectifié est retiré.

M. Alain Vasselle.  - Je n'arrive pas à me résoudre à m'en tenir à cet alinéa. Il faut expliquer ce qui s'est passé. Or ni le président de la commission, ni le rapporteur, ni la ministre ne l'ont fait. Agriculteur depuis 30 ans, je me rappelle que lorsque je m'opposais à l'emploi de pesticides, le technicien de la Chambre d'agriculture m'expliquait qu'ils étaient indispensables pour assurer le retour sur investissement : pourquoi ne les aurais-je pas utilisés ? Certes, la recherche a permis d'améliorer les rendements, ce qui a déterminé une baisse des cours à laquelle nous n'avons pu faire face que grâce aux aides européennes. Ayons donc le courage de dire ce que nous savons tous afin que les Français qui prendront connaissance du texte en soient informés. Cette disposition n'apporte rien au texte ; le troisième alinéa se suffit à lui-même. Il explique dans quelle direction le Gouvernement souhaite que l'on s'engage.

Il s'agit de tourner le dos à l'agriculture intensive, de favoriser des modes de production plus respectueux de l'environnement et une alimentation saine. Mais il faut aussi permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ! Quel salarié accepterait que l'on diminue son salaire en échange d'une compensation partielle ? C'est ce que l'on veut faire avec les agriculteurs, en refusant de compenser intégralement la baisse des prix agricoles !

J'invite qui le souhaite à venir dans mon exploitation pour y examiner mes comptes : il verra ce qu'il en est. Je ne pense pas que la situation soit tellement différente en Haute-Marne, en Alsace ou en Dordogne. Je sais de quoi je parle !

Le sous-amendement n°809 n'est pas adopté.

L'amendement n°370 n'est pas adopté.

L'amendement n°470 est retiré.

M. Jacques Muller.  - L'amendement n°489 et le sous-amendement n°810 nous placent au coeur du débat. Devons-nous inscrire dans la loi les termes « agriculture raisonnée » ou « agriculture intégrée », ou encore nous en tenir au texte initial ? Mme la ministre proposait de parler d' « agriculture économe en intrants » : cette expression aurait au moins tracé un cap. Mais si M. Soulage maintient son amendement, je maintiens le sous-amendement.

M. Daniel Soulage.  - Je le retire. (M. Bruno Sido, rapporteur, s'en réjouit)

L'amendement n°489 est retiré.

Le sous-amendement n°810 devient sans objet.

M. Alain Vasselle.  - C'est dommage, je l'aurais voté !

M. Paul Raoult.  - L'expression « agriculture raisonnée » est aujourd'hui en vogue dans certains milieux paysans inspirés par la FNSEA. (Protestations à droite) Mais elle n'a pas de sens juridique précis, et si on l'inscrivait dans la loi, il faudrait un décret pour la définir.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - C'est vrai !

M. Charles Revet.  - L'expression « agriculture intégrée » n'est pas mieux définie...

M. Paul Raoult.  - Je connais des agriculteurs qui affichent des panonceaux « agriculture raisonnée » sans faire beaucoup d'efforts pour réduire le volume des intrants !

Mme la présidente.  - Amendement n°222, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

d'efficacité économique

par les mots :

de rémunération équilibrée des exploitants agricoles en tenant compte des coûts de leurs productions

M. Gérard Le Cam.  - La priorité de l'agriculture est de satisfaire les besoins alimentaires de la population. Elle doit respecter des exigences qualitatives et quantitatives. Mais aucun indicateur ne permet d'assurer que la rémunération des exploitants agricoles est en équilibre avec les coûts de production.

La modernisation des techniques agricoles, les nouvelles normes et les crises répétées ont accru les charges des exploitants. Nombre d'exploitations, dans la plupart des créneaux de production, sont aujourd'hui dans une situation économique précaire : M. Soulage connaît bien le cas de la viticulture. Un nombre croissant d'agriculteurs quittent le métier au bout de quelques années, découragés par les astreintes inhérentes à certaines productions et les revenus rendus aléatoires par l'instabilité des marchés. Il convient d'assurer aux agriculteurs une rémunération sécurisée qui tienne compte des coûts de production, afin qu'ils puissent continuer à produire des aliments variés et de bonne qualité. Il faut également rééquilibrer les relations entre producteurs et distributeurs : selon des chiffres parus dans la presse ces derniers jours, les revenus des premiers n'ont cessé de chuter depuis plusieurs décennies, tandis que les marges des seconds augmentaient.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Revenons au texte : l'article fixe pour l'agriculture des objectifs « de production quantitative et qualitative, de sécurité sanitaire, d'efficacité économique, de robustesse aux changements climatiques et de réalisme économique ». On ne saurait être plus clair ! Il serait dommage d'interrompre ce bel élan en y insérant un long syntagme. Avis défavorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Notre objectif est de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. La notion d'efficacité économique ne concerne pas que les exploitations, mais l'ensemble de la filière dont la durabilité est en jeu.

L'amendement n°222 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°751, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, après les mots :

systèmes vivants

insérer les mots :

, en internalisant les impacts et les coûts environnementaux de l'agriculture

M. Jacques Muller.  - On est parvenu lors du Grenelle à la conclusion suivante : il est nécessaire d'internaliser les coûts occasionnés par les dommages à l'environnement provoqués par les activités humaines. On a laissé se développer par le passé une agriculture qui entraîne des coûts très importants pour la collectivité : il a fallu construire et entretenir des stations d'épuration d'eaux polluées par les nitrates ou les pesticides, fermer des captages, etc. L'externalisation des coûts n'encourage pas les pratiques vertueuses.

Il convient donc d'instaurer une fiscalité sur les intrants, différenciée selon la nocivité des produits pour les nappes phréatiques, les sols ou l'air. La diminution du volume des intrants favorise d'ailleurs les économies d'énergie et la réduction des gaz à effet de serre, puisque la fabrication de ces produits consomme beaucoup d'hydrocarbures.

Nous débattons d'une loi cadre et il n'est pas question d'entrer dans le détail des mesures. Mais il convient de tracer les grandes orientations.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Montesquieu a dit : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. » Que M. Vasselle sache qu'il n'est pas le seul agriculteur en activité dans cette assemblée !

Si j'ai bien compris, l'internalisation consiste à faire peser les charges résultant des atteintes à l'environnement sur les agriculteurs qui en sont responsables. Mais cet article a justement pour objet de soutenir les plus vertueux et de décourager ceux qui polluent, par des mesures incitatives ou contraignantes. Il n'est donc pas opportun d'y ajouter la notion d'internalisation des coûts, difficile à définir et dont la traduction réelle serait malaisée et incontrôlable. Retrait, sinon rejet.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - L'ensemble de cet article vise à faire évoluer les modes de production agricole pour les rendre plus respectueux de l'environnement. Cet ajout n'est pas nécessaire. Retrait, sinon rejet.

M. Jacques Muller.  - Je maintiens l'amendement. J'étais naguère professeur dans l'enseignement agricole (exclamations à droite) et j'y utilisais les fascicules publiés par le ministère de l'agriculture sur la durabilité des exploitations. J'ai ici des brochures datées de 2005-2006. (L'orateur brandit ces documents)

Lorsque nous traitions des pratiques agricoles, certains de mes élèves, fils de viticulteurs, se disaient prêts à utiliser des molécules moins dangereuses pour l'environnement. Toutefois, les produits « doux » sont plus chers que les traitements polluants. Les dégâts subis par l'environnement seraient donc gratuits. Il faut, en internalisant les coûts, moins taxer les molécules douces. Si l'on refuse ce principe, on réduit le Grenelle à un bavardage et on ne cherche pas vraiment à en atteindre les objectifs.

L'amendement n°751 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°553, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la dernière phrase du troisième alinéa de cet article, après les mots :

équilibre écologique du territoire

insérer les mots :

notamment en orientant les méthodes culturales vers le principe de rotation des cultures

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je n'oublie pas que ce texte traite de la protection de l'environnement et de la biodiversité, et non de la programmation agricole, et que nous n'avons pas de leçons à donner aux agriculteurs.

M. Philippe Richert.  - Ça change !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Autrefois, ils pratiquaient la rotation des cultures.

M. Charles Revet.  - C'était l'assolement.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cette méthode permet de limiter l'emploi d'intrants artificiels, notamment parce que les parasites varient selon les plantes cultivées. Elle était déjà pratiquée au Moyen Age sous le nom d'assolement triennal !

Nous souhaitons donner un exemple vertueux car les agriculteurs appliquent la rotation des cultures quand ils le peuvent. En outre, les apiculteurs la réclament.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Enfin, on revient au bon sens ! (Sourires) Tous les agriculteurs connaissent cette façon culturale. Aujourd'hui encore, à l'exception de quelques territoires qui se consacrent à la monoculture du maïs -que François Fortassin nous a fort bien décrits hier-, l'assolement se pratique partout.

Nous ne pouvons inclure dans l'article 28 un précis exhaustif de l'art de cultiver les champs : ce n'est pas l'objet de cette loi d'orientation. En outre, comme Alain Vasselle, je pense que les agriculteurs pourraient donner des leçons à beaucoup d'entre nous. Avis défavorable. (MM. Charles Revet et Alain Vasselle approuvent)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. - Il est question ici de l'internalisation des externalités négatives, principe fondateur de ce texte. D'ailleurs, le dernier projet de loi de finances n'a jamais comporté autant de dispositions de fiscalité environnementale, telle l'augmentation de la TGAP phytosanitaire. Après l'agriculture raisonnée, qui nous a permis de dépasser le stade de l'agriculture productiviste, nous progressons vers une agriculture durable.

M. Alain Vasselle.  - Voilà de bonnes paroles !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Nous sommes donc favorables au principe de la rotation des cultures, mais il ne s'agit que d'une des techniques possibles. Comme nous ne pouvons les citer toutes, je demande le retrait de l'amendement n°553.

M. Jacques Muller.  - Le principe de l'agriculture raisonnée a induit une prise de conscience de l'ensemble du monde agricole, mais ce n'est pas un concept scientifique, contrairement à l'agriculture intégrée. La méthode des indicateurs de durabilité des exploitations agricoles (Idea) a été validée par le ministère. La rotation des cultures est au coeur des mécanismes d'efficience environnementale de l'agriculture. On n'a pas voulu citer l'agriculture intégrée, mais on pourrait au moins évoquer la rotation des cultures.

L'amendement n°553 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°426, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la dernière phrase du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

au maintien de la biodiversité

par les mots :

au maintien et à la restauration de la biodiversité sauvage et domestique

Mme Odette Herviaux.  - Nous proposons de rendre la rédaction de cet article cohérente avec celle de l'article 20 où il est écrit que « maintenir et développer la biodiversité sauvage et domestique exige des mesures de protection, de valorisation, de réparation et de compensation des milieux. »

Cette priorité a été inscrite dans la loi de 2008 relative à la responsabilité environnementale transposant la directive européenne du 21 avril 2004, qui donne un cadre concret à l'application du principe de réparation et de compensation en faveur de la biodiversité.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Cette précision est opportune. Avis favorable.

L'amendement n°426, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°471, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, supprimer les mots :

ou à des produits saisonniers à faible impact environnemental

M. Didier Guillaume.  - Je souhaite revenir au texte initial du projet de loi : dois-je rectifier mon amendement ?

Dans mon département, la restauration scolaire dans les collèges utilise 20 % de produits biologiques. Nous souhaitons également encourager la consommation de produits saisonniers, mais cela n'est pas toujours possible, pour des raisons de coût notamment. Les mentionner au même titre que les produits biologiques réduit la portée de cet alinéa.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Comme vous, j'estime le texte limpide, c'est pourquoi la commission n'a pas présenté d'amendements sur cet article. Vous pouvez retirer votre amendement.

M. Didier Guillaume.  - Je le maintiens car je souhaite revenir au texte du Gouvernement, avant son examen par l'Assemblée nationale. Nous voulons donner un signal à la restauration en faveur des produits biologiques, mais il est trop tôt pour passer aux produits saisonniers -dont beaucoup sont, par ailleurs, biologiques.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - L'Assemblée nationale a ajouté cette possibilité car les productions de l'agriculture biologique ne peuvent actuellement satisfaire la demande de la restauration ; il est nécessaire d'en importer la moitié. Cet ajout permet d'encourager les approvisionnements locaux, provenant notamment des Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap). L'importation de fruits à contre-saison produit du CO2.

Apprenons à consommer des fruits et des légumes de saison : manger des fraises en hiver n'est pas bon pour la planète ! La formulation retenue à l'Assemblée nationale ne réduit pas l'importance accordée à l'agriculture biologique pour laquelle nous nous fixons, en outre, des objectifs très précis en matière de surface agricole. Il s'agit de donner davantage de liberté aux collectivités pour s'approvisionner localement. Notre intérêt est de développer les circuits courts !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - J'ajoute que les députés ne pouvaient rédiger autrement cette idée de bon sens que faire venir des fraises ou des melons biologiques -autrement dit, de l'eau parfumée... (Sourires)- du bout du monde n'est pas bon pour l'environnement. Réapprenons aux Français à manger des pommes en hiver et des melons...

M. Didier Guillaume.  - ... de la Drôme !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - ... en été. Si une autre formulation avait été retenue, elle serait tombée sous le coup des réglementations internationales et européennes.

M. Didier Guillaume.  - Nous sommes donc tous d'accord, je n'insiste pas.

L'amendement n°471 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°657, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans la première phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après les mots :

restauration collective publique

supprimer le mot :

ou

M. Jacques Muller.  - Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de Mme le ministre, je m'incline également. Le produit bio n'est pas intéressant en soi. S'il a traversé toute l''Europe, personne n'y gagne.

L'amendement n°657 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°472 rectifié, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans la deuxième phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après le mot :

favorisera

insérer les mots :

la production et

et remplacer les mots :

et la surface

par les mots :

afin que la surface

II. - En conséquence, dans la même phrase, remplacer les mots :

devrait atteindre

par le mot :

atteigne

M. Didier Guillaume.  - L'objectif d'atteindre 6 % de surface agricole utile en agriculture biologique en 2012 et 20 % en 2020 ne doit pas être énoncé dans le texte au conditionnel, mais de manière ferme.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement légitime.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Nous sommes très favorables à la proposition, mais la formulation que vous avez retenue introduit une confusion entre l'objectif de structuration de la filière, dont vous reconnaissez l'importance, et celui d'augmenter les surfaces agricoles consacrées à l'agriculture biologique. Pourriez-vous rectifier votre amendement afin d'éviter cet écueil ?

M. Didier Guillaume.  - Volontiers !

Mme la présidente.  - L'amendement sera donc ainsi rédigé :

I. - Dans la deuxième phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après le mot :

favorisera

insérer les mots :

la production et

et remplacer les mots :

et la surface

par les mots :

pour que la surface

II. - En conséquence, dans la même phrase, remplacer les mots :

devrait atteindre

par le mot :

atteigne

L'amendement n°472 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°223, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter la deuxième phrase du cinquième alinéa (a) de cet article par les mots :

en s'attachant à assurer un maillage dense d'exploitations sur l'ensemble des territoires, notamment en mettant à l'étude les modalités de soutiens spécifiques à l'installation et à la conversion

M. Gérard Le Cam.  - Un mot sur la question du biologique dans la restauration collective que nous connaissons bien en tant qu'élus locaux. Comment inciter les communes à servir ces repas qui coûtent deux fois plus cher que les repas dits ordinaires ? Créer un« Onibio » sur le modèle de l'Onilait pourrait être une solution...

J'en viens à l'amendement. Les objectifs ambitieux fixés dans le texte semblent difficilement réalisables ; ce qui expliquait, au reste, l'emploi du conditionnel... De fait, il faudrait que les commissions départementales d'orientation de l'agriculture accordent des parcelles en cas de cession d'exploitation à l'agriculture biologique. Rien de moins évident quand l'objectif du syndicat agricole majoritaire est d'agrandir les exploitations existantes...

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Quel anti-syndicaliste ! (Sourires à droite)

M. Gérard Le Cam.  - ... et que la conversion à l'agriculture biologique nécessite du temps pour la conversion des terres, la création immédiate de module de formations initiale et continue d'agriculture biologique dans l'enseignement. D'où l'importance de prévoir des aides spécifiques à l'installation et à la conversion, d'organiser des circuits courts et d'assurer à ceux qui se lanceront dans la filière un niveau de vie décent sans quoi l'objectif ambitieux fixé dans la loi sera de pur affichage. A moins qu'il ne s'agisse de considérer comme biologiques des produits cultivés selon des normes moins contraignantes, les fameux « produits à haute valeur environnementale » selon la formulation retenue dans le Grenelle II... (M. Bruno Sido, rapporteur, s'exclame) Soutenons véritablement la filière biologique, moins exigeante en termes de surface et porteuse d'avenir !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - De nombreuses aides de soutien à l'agriculture biologique sont déjà prévues pour favoriser le développement agricole des terres les plus fragiles et les plus reculées. Encore que, avec tous les TGV que nous allons construire, il n'y aura plus de terres isolées ! (Rires) L'amendement alourdit le texte sans l'enrichir : retrait, sinon rejet.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis. Qui plus est, le passage à l'agriculture biologique ne peut qu'être volontaire, car la démarche est longue, difficile et nécessite un apprentissage. Nous ne disposons pas d'outils pour imposer l'agriculture biologique à tous les territoires.

M. Gérard Le Cam.  - Je maintiens l'amendement. Madame le ministre, vous venez de reconnaître que vous ne disposez pas des outils nécessaires : comment les jeunes qui veulent s'installer en agriculture biologique trouveront-ils des terres ? Nous n'arriverons à rien de cette manière ! (Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État, le conteste) Rendez-vous dans cinq ans !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Ce texte reprend scrupuleusement les conclusions du Grenelle de l'environnement, fruit des négociations entre toutes les parties, FNSEA comprise -le président de la Fédération, M. Lemétayer, est d'accord sur le principe du développement de l'agriculture biologique et l'a encore confirmé récemment. Même chose pour les produits à haute valeur environnementale !

M. Paul Raoult.  - Fixer des objectifs ambitieux dans la loi va dans la bonne direction. Toutefois, les agriculteurs de plus de 40 ans, qui font déjà l'effort d'adopter des méthodes culturales moins brutales, ne se convertiront pas instantanément à l'agriculture biologique. L'État devra fournir un effort financier significatif pour que l'on enseigne cette forme d'agriculture. Encore faudra-t-il que l'on trouve suffisamment de personnes capables de s'en charger, ce qui n'est pas certain... Il faut renforcer la formation : on ne s'improvise pas agriculteur biologique !

M. Jacques Muller.  - Je soutiendrai cet amendement, car l'enjeu est le développement d'une agriculture périurbaine biologique. Dans mon village, de plus en plus de jeunes néo-ruraux, qui n'ont donc aucune exploitation agricole à reprendre, veulent se lancer dans l'agriculture biologique parce qu'il y a des débouchés à proximité.

C'est dommage, car cette mesure aurait permis de donner une véritable impulsion : pour démarrer dans l'agriculture, il faut du capital.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°747, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans la dernière phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après les mots :

l'année 2009

insérer les mots :

et une partie des crédits européens issus du premier pilier de la politique agricole commune sera redéployée

M. Jacques Muller.  - Pour en avoir discuté avec les professionnels concernés, il est très difficile de passer de l'agriculture intégrée à l'agriculture bio. Le zéro intrants implique des risques et des coûts importants. Comme les agriculteurs sont des acteurs économiques, ils sont sensibles aux prix mais aussi aux aides.

Or nous disposons de marges de manoeuvre considérables pour aider ces agriculteurs à réaliser ce saut technologique : 9 milliards sont consacrés au premier pilier de la PAC mais la distribution de ces crédits ne prend pas en compte les objectifs du Grenelle. Depuis 2006, les aides européennes sont en effet distribuées dans notre pays selon le principe des droits à paiement unique calculés en fonction des primes servies entre 2000 et 2003. Les parcelles consacrées aux cultures légumières ou arboricoles ne perçoivent donc aucune aide ; celles qui cultivaient de l'herbe touchent 60 euros, et du maïs 490 euros. Ce dispositif perdurera jusqu'à la prochaine réforme.

Cette répartition ne permet pas de répondre au Grenelle. Si nous utilisions une partie de ce premier pilier pour aider l'agriculture bio, nous pourrions atteindre nos objectifs et nous légitimerions le système actuel.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Je ne participerai pas à l'enlisement du débat. M. Muller n'a pas à nous donner des leçons ! Il se présente tour à tour comme enseignant puis comme agriculteur, mais il y a bien des choses qu'il ne sait pas !

Cet amendement anticipe sur les discussions actuelles sur le bilan de santé de la PAC. En outre, il ne relève pas de ce texte d'orientation. L'important, c'est que les crédits consacrés au bio augmentent, ce qui est le cas grâce à loi de finances et à ce texte.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Je souscris au principe de la mobilisation du premier pilier pour soutenir l'agriculture biologique ; M. Barnier, qui conduit actuellement les négociations, partage ce point de vue. Mais nous sommes en plein débat sur le bilan de santé de la PAC et sur son éventuelle renégociation. Il serait donc prématuré d'inscrire ces objectifs dans ce projet de loi.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Il ne faut pas oublier que les cours se sont effondrés cette année. Cet amendement ne tient aucun compte des revenus des agriculteurs ! Demander un transfert du premier pilier sur le deuxième, c'est se moquer du monde agricole !

M. Jacques Muller.  - J'avais prévu de retirer mon amendement, mais je constate qu'il y a un désaccord manifeste entre M. le rapporteur et Mme la ministre. La question n'est pas de faire basculer tout le premier pilier sur le deuxième mais de mobiliser une partie des crédits pour encourager l'agriculture bio ; il ne s'agit pas de donner des leçons mais de répondre aux attentes de nos concitoyens. La distribution des aides est aujourd'hui linéaire et ce n'est plus acceptable.

M. Charles Revet.  - Si les agriculteurs vous entendaient, ils éclateraient de rire. Ce que vous proposez est de la folie !

M. Jacques Muller.  - Ce qui est certain, c'est que le premier pilier verse les aides sans modulation et sans limite. En clair, s'il y avait une redistribution du premier pilier, les plus, grosses exploitations devraient partager avec les autres... Je maintiens donc mon amendement pour clarifier les choses.

L'amendement n°747 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°473, présenté par M. Guillaume et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans la dernière phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après le mot :

favoriser

insérer les mots :

à la fois

II. - Compléter le même alinéa par les mots :

et le recours à des produits biologiques, ainsi qu'à des produits « à faible impact environnemental », eu égard à leurs conditions de production et de distribution, pour l'approvisionnement en restauration collective

M. Didier Guillaume.  - Je n'ai pas souhaité tout à l'heure évoquer les produits saisonniers à faible impact environnemental en tête de chapitre car ce n'était pas un signe à donner et il est préférable de favoriser l'agriculture biologique. Cet amendement vise à développer la filière. Aujourd'hui, nous ne sommes en effet pas capables d'approvisionner la restauration collective en produits bio. C'est pourquoi il convient d'élargir le crédit d'impôt pour encourager le recours aux produits bio et à faible impact environnemental. Ce serait un signal fort pour toute la filière.

M. Thierry Repentin.  - Excellent !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Diluer le premier pilier de la PAC dans le deuxième réduirait le revenu des agriculteurs qui est déjà très faible. Mais il faut être agriculteur pour le savoir, monsieur Muller ! Nous devons donc trouver d'autres ressources pour développer l'agriculture biologique.

Cet amendement diluerait le bénéfice du crédit d'impôt bio au profit de productions à faible impact environnemental. Or, celles-ci ne font l'objet d'aucune définition permettant d'en déterminer le périmètre. D'autre part, à enveloppe constante, cela reviendrait à réduire le financement des exploitations bio. La commission souhaite le retrait de cet amendement.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Ce crédit d'impôt, qui est doublé cette année, concerne les exploitations qui se convertissent à l'agriculture biologique. Il n'est pas prévu d'étendre cette mesure pour le recours à des produits biologiques ou à des produits de saison dans la restauration collective. Avis défavorable.

M. Didier Guillaume.  - J'ai un peu de mal à comprendre la logique des explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Il est difficile d'approvisionner la restauration collective en produits bio car la filière n'est pas assez organisée. Il serait donc intéressant de voter cette mesure incitative. En outre, le crédit d'impôt ne serait pas réduit puisqu'il va doubler cette année. Le but est vraiment de dynamiser cette filière, sinon nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

L'amendement n°473 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°225, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter le cinquième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :

La France s'attache à promouvoir au niveau européen le principe d'une harmonisation des cahiers des charges de l'agriculture biologique, et demande à l'Union européenne de revoir en ce sens le règlement européen (CE) n° 834/2007 du conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et ses règlements d'application.

M. Gérard Le Cam.  - Le 2 juillet 2008, le conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne a adopté un règlement d'application du règlement européen du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits. Le cahier des charges de l'agriculture biologique européenne est bien peu exigeant et il ouvre la possibilité de nombreuses dérogations.

Il en résultera une concurrence accrue entre producteurs des différents pays, des effets d'aubaine, un moins-disant dans les marchés publics, bref des obstacles au développement de la filière biologique française. On recourra aux importations pour atteindre les objectifs fixés par exemple dans la restauration collective d'État.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Il n'est pas normal que les pays membres n'aient pas tous à respecter les mêmes contraintes. Mais le nouveau règlement européen vise précisément à harmoniser les pratiques et l'étiquetage pour l'ensemble de l'Union européenne. En outre, pour valoriser les produits français qui répondent à un plus haut degré d'exigence, la Fédération nationale des producteurs bio étudie la création d'un identifiant à accoler au logo européen. Retrait ou rejet.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis. Le règlement de 2007 est applicable en janvier 2009 : attendons de voir ce qu'il en est.

M. Gérard Le Cam.  - Le bio français est plus exigeant que le bio européen. Je maintiens mon amendement.

L'amendement n°225 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°421, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le cinquième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :

L'État soutiendra toutes les initiatives, particulièrement celles des collectivités locales, en matière de restauration collective en leur permettant d'intégrer les productions sous signe « agriculture biologique » comme critères d'attribution des appels d'offre ;

M. Roland Courteau.  - Il est indispensable de structurer la filière de l'agriculture bio. L'offre se développe. L'objectif de 20 % de surface agricole utile cultivée selon les méthodes bio est bienvenu car la France est très en retard par rapport à ses voisins. Le plan « Agriculture biologique : horizon 2012 » est également un bon outil. Il donne la priorité d'accès au Fonds d'intervention stratégique des industries agroalimentaires et renforce l'action de l'Agence bio qui sera dotée en 2009 d'un fonds de structuration des filières de 3 millions d'euros par an jusqu'en 2012.

Mais l'État doit également assumer ses responsabilités pour offrir plus de débouchés à l'agriculture biologique. Malgré quelques timides engagements -le ministère de l'agriculture montrera l'exemple dans sa restauration collective- et les quelques aménagements prévus dans le texte, le compte n'y est pas. Pourtant, 78 % des parents dont les enfants ne mangent pas bio le déplorent. Affichons cette orientation comme une priorité. Les collectivités locales peuvent offrir d'importants débouchés à la filière et ainsi consolider un modèle économique original. Mais si nous soutenons l'agriculture biologique, nous avons aussi le devoir de laisser les collectivités locales se déterminer librement. L'État doit envoyer un message clair aux collectivités.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Les collectivités peuvent déjà inclure le critère de production biologique dans leurs appels d'offres. Et l'alinéa 5 de l'article répond à votre souci. Retrait ou rejet.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis. Une circulaire de mai 2008 vise précisément à soutenir la filière par la demande et à permettre une baisse des prix grâce à un élargissement des marchés.

L'amendement n°421 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°748, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Rédiger comme suit le sixième alinéa (b) de cet article :

b) De développer une démarche qualitative de notation environnementale des exploitations agricoles fondée sur les indicateurs de développement durable des exploitations agricoles qui servira de support à la répartition des crédits issus du premier pilier de la politique agricole commune. Une incitation pour les jeunes exploitants s'installant en agriculture biologique sera étudiée.

M. Jacques Muller.  - Cette démarche de certification sèmera la confusion chez les consommateurs. Label rouge, label bio, agriculture raisonnée ; et voici une distinction de plus ! Plutôt qu'un label commercial, nous avons besoin d'un outil d'évaluation : et nous le possédons... Toutes les exploitations utilisent les indicateurs de durabilité pour évaluer leurs pratiques, pourquoi les pouvoirs publics ne feraient-ils pas usage de cet outil qu'ils ont forgé ?

Mme la présidente.  - Amendement n°226, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans la première phrase du sixième alinéa (b) de cet article, après les mots :

certification environnementale des exploitations agricoles

insérer les mots :

, tenant compte des contraintes techniques et financières des petites exploitations afin de ne pas les pénaliser,

M. Gérard Le Cam.  - Tenons compte des difficultés techniques et financières des exploitations les plus modestes. Il y va de l'égalité d'accès à la certification, qui reste coûteuse.

Mme la présidente.  - Amendement n°227, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans la première phrase du sixième alinéa (b) de cet article, après les mots :

certification environnementale des exploitations agricoles

insérer les mots :

, incluant notamment l'absence d'utilisation d'organismes génétiquement modifiés,

M. Gérard Le Cam.  - Nous n'allons pas refaire le débat sur les OGM. Mais la généralisation des pratiques agricoles durables est une grande avancée, elle garantit les besoins des générations présentes sans compromettre ceux des générations à venir.

Malheureusement la généralisation de ce type d'agriculture n'est pas encore effective. L'agriculture durable n'a pas les mêmes objectifs que l'agriculture classique ou l'agriculture intensive en place aujourd'hui. Sur les OGM, les chercheurs, les politiques, les paysans étaient partagés. Pollutions par pollinisation accidentelle de terres, risques réels ou supposés pour la santé humaine : il faudrait ajouter les impacts négatifs sur la qualité des sols qui auront hébergé des cultures d'OGM. Quelle agriculture voulons-nous pour les générations à venir ? Une agriculture durable, certes, mais surtout une agriculture de qualité, en accord avec son territoire. La priorité est de nourrir la population et en lui certifiant quelle ne risque rien pour sa santé, non de faire des profits à partir de pratiques encore non certifiées tels que la culture OGM. Cet amendement vise à garantir que la future certification environnementale des exploitations exclura tout recours à des OGM.

Mme la présidente.  - Amendement n°422, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du sixième alinéa (b) de cet article, après les mots :

50 % des exploitations agricoles

insérer les mots :

en sus de celles engagées dans la production biologique,

M. Paul Raoult.  - Lors du Grenelle, un compromis a été recherché entre agriculture et environnement. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas agriculteur mais je possède quelques connaissances du monde agricole. Seuls les agriculteurs ont-ils ici le droit de s'exprimer ? Je ne sache pas que le ministre de l'agriculture soit un agriculteur. Les ministres qui l'étaient ne furent pas les meilleurs, de même que les enseignants ne font pas les meilleurs ministres de l'enseignement, à droite comme à gauche. (Rires)

Il faut que vous écoutiez la parole des agriculteurs et celle des autres ! Il faut trouver un compromis entre la société et les agriculteurs, dont vous faites partie, c'est un honneur.

Nous sommes à un moment de l'histoire qui a vu l'agriculture faire des progrès fantastiques en 30 ans. Je le vois bien dans ma région d'agriculture intensive : pour la betterave à sucre, les choses ont complètement changé, il y a maintenant des graines monogermes dans une gaine en liège, des semoirs de précision... Tout cela ne change pas le fait que l'agression des sols et des sous-sols est bien réelle ; on arrive donc à un stade où l'on doit se poser la question d'un équilibre entre agriculture et environnement.

Quand, dans mon département, nous avons donné des crédits à l'agriculture biologique, les chambres d'agriculture se sont insurgées, et maintenant elles ont des formateurs à cette agriculture ; aujourd'hui, des responsables de la FNSEA font de l'agriculture bio ! Ce texte en prend acte. Si nous pouvons aider l'agriculture à mieux respecter l'environnement, tout le monde y gagnera.

Le problème est de savoir comment faire évoluer les agriculteurs qui ne sont pas bio. Cela a fait l'objet d'un très long débat au Grenelle. S'est dégagé un concept intéressant, celui de certification environnementale. L'immense majorité des agriculteurs est prête à entrer dans une logique de défense de l'environnement, le tout est de la labelliser, pour tous ceux qui ne font pas du bio et qu'on ne doit pas oublier.

Le texte proposé est en retrait du Grenelle, qui avait fixé un objectif de 50 % hors bio pour l'entrée dans un processus de certification environnementale.

Mme la présidente.  - Amendement n°656, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après la première phase du sixième alinéa (b) de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

A cet effet, les procédures de certifications seront spécifiquement adaptées aux contraintes techniques et financières des petites exploitations afin de ne pas les pénaliser et permettront la participation des collectivités territoriales et de la société civile locale à la définition de leurs objectifs et à leurs processus de décision.

M. Jacques Muller.  - Il faut tenir compte des contraintes techniques et financières des petites exploitations. La certification est une charge fixe portant sur des productions plus faibles.

Il faut que cela se fasse avec la participation des collectivités territoriales : celles-ci doivent pouvoir entrer dans une démarche de qualité sans avoir à en référer à Paris.

Mme la présidente.  - Amendement n°420, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la deuxième phrase du sixième alinéa (b) de cet article, remplacer le mot :

pourraient

par le mot :

pourront

M. Paul Raoult.  - C'est dans le même esprit.

Bien sûr il vaut mieux manger des fraises à la saison que d'en importer par avion au mois de janvier, encore que les fruits de saison puissent être pleins de pesticides.

La restauration collective devrait être incitée à cette démarche de qualité. Dans mon parc régional, nous avons beaucoup de mal à faire passer cette idée; j'espère que nous pourrons passer des appels d'offres limités aux produits biologiques ! J'ai vu aussi des producteurs de lait bio se remettre à une marchandisation classique parce qu'ils ne parvenaient pas à bien vendre le bio. Les producteurs bio ont besoin de l'aide de l'État pour développer la filière et parvenir à des prix acceptables pour tous.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - La répartition des crédits PAC se fait en fonction du principe de conditionnalité, et non en fonction du principe du « plus offrant » d'un point de vue environnemental. Le principe de conditionnalité permet déjà de prendre en compte les enjeux environnementaux et s'applique de façon égalitaire ; il n'y a pas lieu de l'abandonner au profit d'un nouveau principe long et compliqué à mettre en oeuvre. Retrait, sinon rejet, de l'amendement n°748.

L'amendent n°226 vise à prendre en compte l'accès à la certification environnementale des petites exploitations, pour lesquelles cela représente des coûts et des complications proportionnellement plus importants. Cependant, l'élaboration des critères de certification, actuellement en cours, tient compte de ces paramètres et veille à ce que les petites exploitations ne soient pas exclues du dispositif. De plus, il importe, pour conserver au dispositif sa lisibilité et son homogénéité, qu'il ne fasse pas l'objet de multiples dérogations. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°227 exclut de la certification environnementale toute entreprise utilisant des OGM, au prétexte que ces organismes auraient des conséquences sanitaires ou environnementales néfastes. Or de telles conséquences ne sont pour l'instant pas prouvées et l'utilisation des OGM, dans certaines conditions, est aujourd'hui autorisée. Sachant enfin que le recours à certains OGM doit permettre de réduire le recours à des traitements phytosanitaires, il semble prématuré d'exclure de façon a priori et systématique les exploitations recourant, dans des conditions légales, aux OGM. Retrait, sinon rejet.

L'objectif de 50 % de certification environnementale doit concerner l'ensemble des exploitations, y compris biologiques : il n'est pas acquis que ces dernières n'aient aucun impact négatif sur l'environnement. De plus, les exploitations bio ne sont que 15 000 sur 600 000 ; leur prise en compte ne change donc rien au dispositif. Retrait, sinon rejet, de l'amendement n°422. Même avis pour le n°656, qui va dans le même sens que le n°226. En revanche, l'amendement n°420 va tout à fait dans le sens du Grenelle : avis favorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - La certification environnementale est en cours d'élaboration, sachant qu'il s'agit bien des exploitations et pas des produits : retrait, sinon rejet, de l'amendement n°748.

Même avis pour le n°226 : une démarche de certification environnementale est testée dans une centaine d'exploitations ; il est prévu d'avoir des indicateurs accessibles à toutes les exploitations. Retrait, d'autant que l'amendement est pris en compte dans la définition actuelle du référentiel.

Même avis que la commission pour l'amendement n°227, ainsi qu'au n°422 : le critère de haute valeur environnementale intégrera aussi des objectifs de performance énergétique. D'ailleurs, M. Barnier a signé hier l'engagement de performance énergétique défini avec l'Ademe. Nostalgie, nostalgie... (Sourires)

Sur l'amendement n°656 : nous intégrons bien ce critère de taille dans la définition de la haute valeur environnementale. Avis favorable au n°420.

M. Jacques Muller.  - Je retire le n°748 à condition que la certification environnementale ne puisse pas être utilisée à des fins commerciales. Il me faudrait un engagement sur ce point.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Sur le produit, je peux m'engager : la haute valeur environnementale ne touchera pas le produit. On est là dans une autre démarche, celle du « prix écologique ».

M. Jacques Muller.  - Parfois, l'agriculture raisonnée a été utilisée à des fins commerciales. Mais votre réponse est claire. Je retire l'amendement.

L'amendement n°748 est retiré.

L'amendement n°226 n'est pas adopté.

L'amendement n°227 est retiré.

M. Paul Raoult.  - Je retire le n°422. Il est vrai que le nombre des exploitations biologiques n'est pour le moment pas important. Et le critère de la qualification environnementale est plus large que celui de l'agriculture biologique.

L'amendement n°422 est retiré.

M. Jacques Muller.  - Compte tenu des explications de la ministre, je retire le n°656.

L'amendement n°656 est retiré.

L'amendement n°420 est adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 5 février 2009, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 5 février 2009

Séance publique

A 9 HEURES 45

- 1. Suite du projet de loi (n°42, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Rapport (n°165, 2008-2009) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques.

A 15 HEURES ET LE SOIR

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. le Premier ministre un projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques.

- M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 183, 2008-2009).

- M. Jean-Claude Etienne un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur :

. la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 146, 2008-2009),

. et la proposition de loi de M. Jean-Claude Etienne, relative à la création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 64, 2008-2009).

- M. Charles Gautier un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de Mme Bariza Khiari, MM. Jean-Pierre Bel, Roger Madec, François Patriat, Yves Daudigny, Jean-Marc Todeschini et Yannick Bodin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Roland Courteau et René Teulade, Mmes Nicole Bricq et Catherine Tasca, MM. Richard Yung, Jacky Le Menn, Didier Guillaume, Serge Larcher, Claude Domeizel et David Assouline, Mmes Christiane Demontès, Michèle André et Claire-Lise Campion, M. Daniel Reiner, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Sueur, Bernard Piras, Jean-Pierre Michel et Claude Jeannerot, Mme Marie-Christine Blandin, MM. André Vantomme, Charles Gautier et Jean-Pierre Godefroy, Mme Josette Durrieu, MM. Yves Krattinger, Daniel Raoul et Robert Badinter, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Alima Boumediene-Thiery et Raymonde Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées (n° 176, 2008-2009).

- de M. Jean-René Lecerf, rapporteur du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008), le texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, ainsi qu'un rapport supplémentaire fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur ce même projet de loi.