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Table des matières



La Poste (Procédure accélérée - Suite)

Rappel au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

Rappel au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

Questions d'actualité

Suppression de la taxe professionnelle

Mme Marie-France Beaufils

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Sécurité des EPR

M. Charles Revet

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Avenir de l'agriculture française

Mme Anne-Marie Escoffier

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Présidence d'EDF

M. Jean Arthuis

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Collectivités locales et concertation

M. Jean-Pierre Bel

M. François Fillon, Premier ministre

Droit à l'image collective

M. Alain Vasselle

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Chômage

M. Claude Jeannerot

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Plan cancer II

M. Alain Milon

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Avenir de la protection sociale

M. Yves Daudigny

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Cumul des mandats

M. Jean Louis Masson

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

La Poste (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

Articles additionnels

Article 2




SÉANCE

du jeudi 5 novembre 2009

17e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. Bernard Saugey, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

La Poste (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée).

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Après le débat pour le moins argumenté d'hier soir durant lequel vous avez mis en exergue, monsieur le ministre, le montant préoccupant de la dette de La Poste -plus de 6 milliards !-, j'ai mal dormi... (exclamations amusées à droite) cherchant la réponse que j'allais donner au ministre ! En fait, dans une véritable démarche comptable, il aurait fallu citer tous les chiffres car si l'on rapporte la somme de 6,2 milliards aux 21 milliards de chiffre d'affaires du groupe, la dette ne paraît plus si terrible !

M. Roland Courteau.  - En effet !

M. Guy Fischer.  - Et par rapport à un actif de bilan de 124 milliards hors livret A, elle l'est encore moins... Quand l'État supporte une dette de 1 000 milliards (exclamations à droite) que deux années de réformes à la cravache et de sarkozysme militant...

Mme Isabelle Debré.  - C'est un festival !

M. Guy Fischer.  - ...ont accru de 200 milliards pour 250 milliards de recettes, finalement tout est relatif ! Puisque vous êtes un peu fâché avec la comptabilité, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que les charges d'intérêts que supporte La Poste représentent 1,4 % de son chiffre d'affaires. Par comparaison, la ville de Nice...

Mme Isabelle Debré.  - Comme par hasard !

M. Guy Fischer.  - ...acquitte 13,5 millions de frais financiers pour des recettes de fonctionnement de 492 millions, soit un taux de 3 % sans que cette situation, à en croire les bulletins d'information municipale, n'émeuve personne.

En outre, avec le changement de statut et les 2,7 milliards que l'État et la Caisse des Dépôts -encore une fois, partenaire obligé- s'apprêtent à mettre dans le capital de l'entreprise transformée en société anonyme, vous allez accroître de 50 % la dette de La Poste. Un apport en capital dans une entreprise, ce n'est pas un don désintéressé, mais une dette nouvelle...

M. Jacques Blanc.  - N'importe quoi !

M. Guy Fischer.  - ...contractée auprès des actionnaires qui en attendent un retour, un dividende.

M. Jacques Blanc.  - Et qui va encaisser les dividendes ? C'est l'État ! (« Très bien ! » à droite)

M. Guy Fischer.  - La Poste a versé 141 millions de dividendes à l'État en 2008 -une goutte d'eau dans l'océan du déficit public de l'ère Sarkozy. En 2009, malgré la contraction de l'activité courrier, La Poste serait prête à lui verser pour le premier semestre 103,4 millions. Dans ces conditions, accroître l'endettement de La Poste n'est pas forcément une bonne idée ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°439 au sein de l'article premier.

Amendement n°439, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est un établissement public à caractère industriel et commercial.

M. Martial Bourquin.  - La Poste est aujourd'hui un Epic. (Exclamations ironiques au banc de la commission) Ce statut protecteur ne procède en rien de la volonté de soustraire le groupe au secteur concurrentiel : avec 70 % de ses activités soumises à la concurrence, La Poste se situe dans le trio de tête dans nombre de secteurs, tout en étant bien perçue par les usagers malgré la détérioration progressive du service postal. L'Epic n'est en rien un statut obsolète, has been, comme on dit, il peut parfaitement s'adapter aux exigences de la modernité, M. Teston l'a montré, dans le respect des principes du service public. Aussi ne comprenons-nous pas l'acharnement du Gouvernement à modifier ce statut. Les Français ont rappelé le 3 octobre leur attachement au service postal et à la nécessité de protéger ce dernier. Le Parlement va-t-il rester sourd à leur demande ? Pour les socialistes, La Poste doit conserver son statut.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie.  - Nous avions compris !

M. Martial Bourquin.  - Quelles que soient les assurances du rapporteur et du ministre sur le caractère 100 % public du capital de La Poste, les Français ont trop d'exemples en tête, notamment EDF ou GDF, pour être convaincus par ces belles paroles.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Temps de parole écoulé !

M. le président.  - Monsieur Bourquin, veuillez conclure.

M. Martial Bourquin.  - N'accroissons pas le fossé entre élus et électeurs et travaillons tous ensemble à la modernisation de La Poste dans le cadre de son statut d'Epic ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Chers collègues, j'invite chacun à respecter strictement les temps de parole. L'hémicycle est désormais équipé de minuteurs qui passent au jaune trente secondes avant la fin du temps autorisé, puis au rouge...

M. Guy Fischer.  - C'est du harcèlement ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°443, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est une personne morale de droit public désignée sous l'appellation d'exploitant public.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La Poste est très liée à l'idéal républicain. Quelles que soient les difficultés actuelles, nous devons tenir compte de notre histoire et de la place qu'occupent les services publics dans le développement de notre pays, avec notamment la construction des grandes infrastructures, et de la démocratie, surtout depuis 1945. (M. Roland Courteau approuve) Le secteur public, si affaibli soit-il, demeure un atout que les socialistes défendront en toutes circonstances.

M. Roland Courteau.  - C'est sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'expérience montre que les privatisations entraînent restrictions et inégalités pour la population et reculs pour les salariés. Si la concurrence fait baisser les prix dans un premier temps, les usagers déchantent rapidement, car les acteurs du marché s'entendent pour maintenir des tarifs élevés : voir les récentes privatisations du gaz ou des renseignements téléphoniques...

Les privatisations privent les pouvoirs publics de leviers d'intervention dans un contexte de mondialisation des capitaux. Enfin, les mutations technologiques, qui augmentent la solidarité entre les peuples, impliquent des relations fondées sur des critères autres que le profit et la rentabilité. Pour toutes ces raisons, La Poste doit rester un exploitant public. (Marques d'approbation à gauche)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous avons largement débattu du sujet... Le statu quo ne permet plus à La Poste d'assurer son développement. La commission approuve sa transformation en société anonyme. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Défavorable.

M. Daniel Raoul.  - Depuis le début de la discussion, vous nous assénez que la recapitalisation est la seule façon d'augmenter les fonds propres de La Poste sans encourir les foudres de Bruxelles. Le Gouvernement a pourtant pu aider les banques à hauteur de plusieurs milliards, tout comme le Royaume-Uni... L'État pourrait facilement abonder l'Epic rien qu'en remboursant sa dette réelle à son égard pour les missions de service public ! Pourquoi ne le fait-il pas ? Y aurait-il des raisons cachées ? Ayez le courage d'assumer vos choix stratégiques ! (M. Roland Courteau approuve). Je n'ose imaginer que les questions de gouvernance et de rémunérations évoquées par M. Desessard puissent être les réelles motivations du changement de statut. Monsieur le ministre, quelle est votre véritable stratégie ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Vera.  - Dans l'Essonne, la votation citoyenne a mobilisé 47 000 votants dans 78 villes. (M. Alain Gournac s'exclame) Pourtant, le Gouvernement reste déterminé à faire adopter le changement de statut de La Poste, prélude à sa privatisation. Notre mobilisation se poursuit donc, ici et sur le terrain, afin de préserver ce service public de proximité.

La Poste assure des missions d'intérêt général mais représente aussi un lien social et un moyen de lutter contre la désertification rurale. Le 20 octobre, lors d'une conférence de presse, nous avons renouvelé notre demande d'un référendum sur l'avenir du service public postal. Nous avons déposé une motion référendaire en ce sens. A chacun désormais de prendre ses responsabilités, et d'expliquer à ses électeurs pourquoi leur bureau de poste ferme...

En 2004, l'Essonne comptait 84 bureaux de poste de plein exercice ; en 2009, ils ne sont plus que 45. Combien en restera-t-il après l'ouverture du capital de La Poste à des capitaux privés obnubilés par leurs dividendes ? Depuis 1997, 250 emplois ont disparu dans mon département. La fermeture du centre de tri de Bondoufle est prévue pour 2011 : 450 personnes sont concernées.

L'État devrait s'engager à donner à La Poste les moyens de poursuivre ses missions de service public au lieu de l'abandonner au privé. La parole de nos concitoyens ne peut être confisquée plus longtemps. Nous refusons le changement de statut, et nous exigeons la tenue d'un référendum.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - J'ai rappelé le lien entre service public et République. Vous ne nous convaincrez pas qu'une société anonyme peut assurer un service public. Le ministre parle des nouveaux défis, des nouvelles technologies, mais oublie l'importance de l'acheminement du courrier, surtout pour les plus défavorisés. Nos conseils municipaux et généraux votent régulièrement des voeux pour s'opposer à la fermeture de bureaux de poste. Dans nos villages, la camionnette jaune du facteur est un élément du lien social, notamment pour les personnes âgées.

L'amendement n°439 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°443.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous doutons de la volonté du Gouvernement de préserver durablement les fonctions et les missions de La Poste, pourtant profondément ancrée dans notre identité nationale. L'ouverture à la concurrence est clairement inscrite dans l'article 129 B du traité de Maastricht. En supprimant cet article premier, nous avons conscience de gêner la privatisation de La Poste à moyen terme. Au moins, demain, personne ne pourra dire : « nous ne savions pas » ! Vous n'avancez aucun argument sérieux pour garantir le maintien et le développement d'un service public postal.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

Mme Annie David.  - En supprimant cet alinéa, nous vidons le projet de loi de son contenu. Votre volonté de privatiser La Poste est patente. Le rédacteur n'a pas cherché à dissimuler ses intentions, n'en déplaise au ministre : « la personne morale de droit public La Poste est transformée en une société anonyme ». Termes qui font les délices des libéraux...

Certes, la phrase suivante rappelle le caractère public de l'actionnariat, mais cela ne nous rassure pas, puisque rien n'indique que les personnes morales de droit public associées au capital exerceront un mandat pérenne avec l'objectif de développer les missions de service public postal. L'expérience nous enseigne d'ailleurs que ces acteurs finissent toujours par user des mêmes armes que les sociétés privées. Sans doute m'objectera-t-on, sur les bancs UMP, que c'est bien là la preuve de la supériorité du marché ? Adage libéral auquel jamais nous ne souscrirons.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Odette Terrade.  - Cet alinéa, qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme au 1er janvier prochain, soit un an avant l'ouverture totale à la concurrence, constitue bien le coeur de ce projet, fruit d'une procédure engagée depuis de nombreux mois, puisque, dès l'automne dernier, le Président de la République chargeait la commission Ailleret d'émettre des propositions sur le statut futur de La Poste. Sans doute sa proposition de transformer l'entreprise publique en société anonyme détenue à 100 % par des personnes publiques constituait un progrès au regard de la mise en cause pure et simple de ce joyau de notre République, mais cela n'a pas suffi à convaincre les 2 300 000 personnes qui se sont déplacées le 3 octobre pour dire leur refus du changement de statut. Car nos concitoyens sont de plus en plus exaspérés par les promesses non tenues. Il n'est pas loin, le temps où Nicolas Sarkozy jurait, la main sur le coeur, que GDF ne serait jamais privatisée... Et que dire de France Télécom... Au cours de cette votation citoyenne, nous avons discuté avec des personnes qui y travaillent. Elles nous ont dit qu'elles étaient là parce qu'elles ne voulaient pas que les agents de La Poste connaissent la même dégradation des conditions de travail. De fait, France Télécom et La Poste sont deux entreprises qui évoluent en parallèle. D'où l'intérêt d'observer de près ce qui s'est passé dans la première : un développement international aux avantages très limités, puisqu'il a entraîné des pertes financières très lourdes ; une logique d'entreprise privée, privilégiant la rentabilité, avec ses conséquences très lourdes sur les personnels ; et tout cela tandis que l'entrée de nouveaux opérateurs n'a pas bénéficié aux usagers, les entreprises ayant noué des ententes. Est-ce cela que vous voulez ? Nous vous appelons à la lucidité !

M. le président.  - Amendement identique n°445, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Roland Courteau.  - Nous sommes ici au coeur du coeur du projet. Je me suis longuement exprimé sur ce changement de statut, dogmatique, qui ouvre la voie à la privatisation, et que rien ne justifie, ni aucune exigence de l'Europe, ni les questions de financement. Changer le statut de La Poste, c'est déposséder les Français du bien commun que constitue cette entreprise, ainsi que le soulignait hier Daniel Raoul.

Hélas, du sort de La Poste, vous aviez décidé dès longtemps, et la commission Ailleret n'a fait qu'entériner des choix préalables.

Personne n'est dupe. Les faux remparts que vous érigez ne stopperont pas le processus de privatisation, qui par nature, conduit à la recherche du profit pour les actionnaires, au détriment des missions de service public.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La commission a approuvé le changement de statut : elle ne peut être que défavorable à ces quatre amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ce projet n'avance que de fausses raisons pour organiser la future privatisation de La Poste. Certes, il s'appuie sur bien des études, bien des rapports. Nous ne contesterons pas la qualité de cette élite qui s'est spontanément mise à votre disposition pour changer le statut de notre Poste afin de la moderniser... Mais faut-il rappeler qu'une votation citoyenne, organisée dans des conditions difficiles mais avec beaucoup de sérieux, a clairement rejeté votre projet, qui doit priver nos concitoyens d'un service de proximité essentiel, souvent le seul qui demeure dans certaines communes puisque vous vous êtes déjà employés à supprimer commissariats, perceptions, tribunaux, subdivisions de l'équipement... Déjà, à La Poste, vous avez progressivement réduit le service offert aux usagers, limité les horaires d'ouverture, remplacé des fonctionnaires par des contractuels corvéables et licenciables. Vous ne proposez plus aux maires que le service minimum postal, en leur offrant temporairement quelques compensations financières. S'il existe toujours 17 000 points de contact, seuls 11 000 sont encore des bureaux de poste, et très peu offrent la totalité des services postaux. En 2007, plus de 600 bureaux ont été perdus. Depuis 2001, 25 000 emplois ont disparu, et la précarité s'étend.

Votre fil conducteur ? La logique libérale. Vous offrez ici un cadre légal à la privatisation, rationnalisant ainsi votre entreprise de destruction. Les conclusions de la commission Ailleret sont à cet égard éclairantes : en transformant La Poste en société anonyme, il s'agit en fait de diminuer les surcoûts liés aux missions de service public, notamment en termes d'aménagement du territoire. L'État, pour atteindre l'équilibre financier dont il a fait sa doctrine, sacrifie donc La Poste. Que ne rembourse-t-il pas plutôt les sommes qu'il lui doit au titre de l'exercice de missions de service public ? Elles suffiraient à sauver l'opérateur public.

Nous avons d'autres ambitions pour La Poste. Nous voulons un grand service public répondant aux attentes des citoyens, des particuliers comme des entreprises, et je pense tout particulièrement aux PME et aux artisans. Nous voulons rapprocher La Poste des besoins de la collectivité nationale.

M. René-Pierre Signé.  - On pousse La Poste à l'autodestruction en installant des bureaux de poste dans les grands magasins, type Carrefour. Chez moi, le directeur départemental se réjouit : c'est le bureau qui fonctionne le mieux. Mais à quel prix ? Les gens sont requis d'aller à La Poste en même temps qu'ils vont faire leurs courses. Du même coup, on déshabille les agences postales rurales. Comment voulez-vous qu'elles restent rentables ? Trente euros seulement de recettes dans la matinée ? Cela justifie une réduction des horaires d'ouverture. Et voilà enclenché le cercle vicieux : tout est fait pour transférer le service postal aux grands magasins.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Vous confondez points poste et agences postales communales, lesquelles sont en place dans les mairies et ne peuvent être mises en cause, en particulier dans les zones de revitalisation rurale : un contrat a été signé, dans le cadre duquel quelque 900 euros sont versés chaque mois. Ces agences postales peuvent même venir renforcer les maisons de service public. (Applaudissements à droite)

Mme Béatrice Descamps.  - Avez-vous une agence postale dans votre commune ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Oui, et nous nous battons pour la conserver.

Mme Béatrice Descamps.  - J'en ai une dans ma commune. Il y a vingt ans, le receveur faisait en sorte que La Poste soit ouverte du matin au soir. Et puis l'activité a diminué et le bureau n'a plus été ouvert que le matin. Quand on nous a annoncé qu'il allait fermer, le conseil municipal a décidé de le garder en l'installant dans la mairie. J'ai signé une convention grâce à quoi me sont remboursés les quatre cinquièmes des frais. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Quel aveu !

Mme Béatrice Descamps.  - On ne vient plus guère à la mairie que pour des permis de construire, puisque nous ne délivrons plus de fiches d'état civil, ni de copie conforme, ni de passeports ; on y vient pour l'agence postale, grâce à quoi nous connaissons nos administrés. Les agences postales sont ainsi un excellent moyen de défense du service public.

M. René-Pierre Signé.  - Elles sont privées de clients.

M. Martial Bourquin.  - Je remercie notre collègue de l'UMP d'avoir aussi bien posé le problème. Les choses se passent effectivement comme Mme Descamps vient de dire : on diminue l'amplitude horaire, donc la fréquentation baisse et l'on vous propose d'ouvrir une agence postale communale. L'étape suivante consistera à confier les activités postales au magasin du coin. La méthode, c'est de diminuer volontairement l'activité.

M. Alain Gournac.  - C'est faux !

M. Alain Fouché.  - C'est votre interprétation.

M. Martial Bourquin.  - C'est ce que je constate dans ma commission départementale de présence postale.

Au début, cela ne touchait que la ruralité. Maintenant sont atteintes des communes de 5 000 habitants et les quartiers sensibles de grandes agglomérations. Avec le passage en société anonyme, ce processus va connaître une accélération. (On le conteste à droite) Mais si, regardez ce qui s'est passé dans les autres pays européens !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous ne sommes pas obligés de faire pareil !

M. Martial Bourquin.  - C'est la logique des choses. J'en suis à me demander si certaines tournées de facteur ne seraient pas mises à la charge des collectivités territoriales ! (Exclamations à droite) Ne mettons pas le doigt dans cet engrenage.

La question de la mobilité va devenir cruciale, avec le vieillissement de la population -qui est, en soi, une bonne chose. On convoque un Grenelle de l'environnement et on va obliger les gens à prendre leur voiture pour aller à La Poste ! Et encore, dans la mesure où, l'âge venu, on pourra encore conduire.

Le facteur joue un rôle social essentiel, et voilà qu'on chronomètre sa tournée !

M. Alain Gournac.  - Et alors ?

M. Martial Bourquin.  - C'est peut-être votre idée de la modernité ; pour nous, ce n'est vraiment pas un progrès. Il y a de moins en moins de facteurs, on supprime des milliers d'emplois. Dans ce monde libéral où règne le chacun pour soi, veut-on encore aggraver cela ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Je partage les arguments du président de la commission : mieux vaut une agence postale communale que rien du tout, mieux vaut un point poste que rien du tout. Président de l'Association des maires de mon département, je me suis battu pour obtenir des points poste ; j'en ai maintenant 65. Il est clair qu'un bureau de poste ne peut être ouvert toute la journée s'il n'a que trois ou quatre clients par jour.

M. Alain Gournac.  - D'accord !

M. Didier Guillaume.  - D'un autre côté, on voit bien que, si les horaires d'ouverture changent tous les jours, les gens ne savent plus quand le bureau est ouvert et ils y vont de moins en moins. Nous avons mis le doigt dans cet engrenage, c'est notre tort à tous. Aller chercher son colis parmi les boîtes de conserve et les paquets de lessive ne va déjà pas de soi, mais que reste-t-il de confidentialité si l'on veut prendre ou déposer de l'argent ?

Nous sommes tous des élus locaux. Nous devons tenir le même discours ici que localement.

M. Alain Gournac.  - Défendre La Poste !

M. Didier Guillaume.  - Le jour où La Poste deviendra société anonyme, la porte sera béante pour une accélération de ce processus car le risque de privatisation sera là.

Ne nous laissons pas prendre dans cet engrenage ! Je parle pour nous tous ici, sans faire de procès d'intention à personne.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Si nous voulons avoir un débat constructif, discutons les sujets au moment où ils apparaissent dans le projet de loi. En l'occurrence, à l'article 2.

En 2002, il y avait 900 agences postales communales ; on en sera à 5 000 fin 2009. Cela signifie que 5 000 délibérations auront été prises en ce sens par des conseils municipaux. Ils n'y sont pas contraints ! Regardez les indices de satisfaction !

Accordez-moi la bonne foi. A l'Observatoire des services publics que je préside, je vois ce qu'il en est.

Les discussions ont lieu au sein des commissions départementales de présence postale : sur les 4 600 agences communales créées, ceux qui ont demandé à bénéficier du statu quo ou de la médiation du préfet n'ont représenté qu'une infime minorité, 1 % des cas. La modernisation est donc déjà en marche.

M. René-Pierre Signé.  - On a compris !

M. Pierre Hérisson, rapporteur  - Concernant la cartographie de la présence postale, tout passe par des négociations. (On le conteste à gauche) La seule chose qui doit compter pour nous, c'est la satisfaction de l'électeur citoyen et contribuable.

Vous nous accusez de vouloir imposer un changement, mais il est déjà en marche ! Il faut maintenant nous donner les moyens de répondre aux aspirations de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Ce sont des contre-vérités !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Article premier ou article 2, peu importe : ce débat est au coeur de nos préoccupations mais aussi de celles des usagers de La Poste. En commission, les uns considèrent que la présence postale communale est un moyen terme intéressant et d'autres, dont je fais partie, estiment qu'une agence postale communale, même si elle rend service, n'est qu'un pis-aller. Cette évolution résulte d'un insuffisant financement du service public. Quand les municipalités acceptent la présence d'une agence communale, elles y voient aussi l'opportunité de justifier la présence de personnels qu'elles ont souvent du mal à payer. Mais, en réduisant la voilure, la clientèle est forcément moins importante.

Un parallèle est manifeste entre le délitement du maillage territorial que l'on constate à La Poste et celui auquel nous avons assisté dans la gendarmerie, lorsqu'une brigade sur deux a été supprimée.

M. Alain Fouché.  - Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Évidemment, les plaintes ont baissé, car les gens ne se déplaçaient plus dans le canton voisin. Les promoteurs du projet ont eu beau jeu de dire que la réforme était justifiée puisqu'on constatait moins de faits délictueux !

Comme l'a dit M. Guillaume, nous sommes pessimistes, car nous constatons la dégradation du service public et elle s'accélèrera inévitablement si le statut de La Poste est modifié. (Applaudissements socialistes)

M. François Fortassin.  - Notre conception de la République diffère. Les maires ne veulent pas être pris en otage : on leur demande s'ils veulent une agence communale ou plus rien du tout.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Non ! Ce n'est pas comme cela que les choses se passent !

M. René-Pierre Signé.  - On fait tout pour fermer les bureaux de poste !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous avez une bien piètre idée du fonctionnement des commissions départementales !

M. François Fortassin.  - Bien entendu, les maires acceptent l'agence communale. Mais si La Poste avait négocié avec les maires pour que ses propres agents assurent le service postal, les choses auraient été bien différentes ! En se contentant de verser son obole, La Poste laisse aux municipalités le soin de faire fonctionner ce service : il s'agit donc bien d'une autre conception de la République. L'opposition n'est pas entre la droite et la gauche, mais entre ceux qui veulent sauvegarder les principes républicains et ceux qui les bradent. Qu'on le veuille ou non, vous faites offense à notre histoire. (Applaudissements socialistes, tandis qu'on le conteste à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si vous voulez nous dire que les collectivités vont suppléer les carences de l'État, vous avez tout à fait raison ! (Exclamations à droite) Mais vous allez finir par les étrangler financièrement.

A Paris, les bureaux de poste ne connaissent pas de désaffection puisqu'il y a la queue aux guichets dont le nombre diminue sans cesse : la déstructuration des services publics est en marche. A Paris, on casse les bureaux de poste qui avaient été refaits il y a trois mois : bonjour le gaspillage ! Le but est de diminuer le nombre de guichets : en voyant des guichets vides, les gens pensaient que les employés s'amusaient dans les bureaux. Maintenant, les seuls guichets qui sont bien apparents, ce sont ceux de la Banque postale. Il n'y a pratiquement plus de guichets d'accueil, mais un agent qui circule parmi ceux qui font la queue pour les orienter vers les automates. A Château-Rouge, dans le 18e arrondissement, les salariés ont fait une grève de quinze jours pour dénoncer les manques d'effectifs. Ils ont fini par gagner. Parallèlement, au métro Simplon, La Poste a ouvert une sorte d'agence pour le retrait des colis. Quel progrès ! D'un côté, on diminue le nombre de postiers, on allonge les queues et, de l'autre, on transforme la RATP en agence postale ! C'est formidable, non ? Avec le changement de statut de La Poste, les choses ne vont certainement pas s'améliorer ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. David Assouline.  - Tout le monde ici estime que La Poste est un service public essentiel. Mais nous différons sur la méthode : dans le contexte de la mondialisation et des rapports de force qui se sont inversés au détriment des services publics, notamment en France, il y a ceux qui pensent qu'il faut laisser aller les choses et faire confiance, et d'autres, dont nous sommes, qui estiment qu'il faut faire très attention car la déstructuration des services publics est déjà en marche. On nous dit que nous sommes pessimistes mais la réalité nous donne quotidiennement raison.

Depuis les débuts de La Poste sous l'Ancien Régime, l'augmentation de la couverture territoriale était signe de progrès. Et soudainement, nous assistons à la tendance inverse, et vous appelez cela la modernisation !

M. Alain Gournac.  - Il n'y a personne dans les bureaux !

M. David Assouline.  - Mais il y a la même insatisfaction lorsque les gens font la queue ! Les personnes âgées ne peuvent plus attendre, elles sont épuisées ! Il y a moins de guichets !

Seul l'Epic peut empêcher la remise en cause du service public. Vous n'en avez peut-être pas conscience mais, nous, nous gardons les yeux ouverts et maintenons nos avertissements car les vingt dernières années nous ont, hélas, toujours donné raison, et France Télécom en est le parfait exemple.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Cette discussion aurait davantage sa raison d'être à l'article 2. Mais tout ce qui vient d'être dit apporte une dimension humaine au débat. Chacun a son expérience vécue particulière de La Poste, la diversité territoriale entraînant la diversité des situations. Je suis moi-même élu local, j'ai été parlementaire plus de vingt ans, et ministre chargé de l'aménagement du territoire lorsque j'ai proposé de créer des pôles d'excellence rurale. Des participations de 5 000 euros ont été proposées pour ouvrir des agences postales dans les commerces, ainsi que des aides du Fonds national pour l'aménagement du territoire. Je vous apporterai d'ici ce soir la liste des maires, toutes étiquettes confondues, qui, depuis cinq ans ont fait appel aux aides de l'État et pioché dans les diverses propositions de La Poste. Dans mon département, dont j'ai longtemps présidé le conseil général, il y a eu, ces dix dernières années, 40 % de services publics en plus : écoles, crèches etc. On y comptait 140 bureaux de postes il ya cinq ans contre 208 aujourd'hui ! M. Collombat m'a blessé, hier, en déclarant ignorer que « le maire de Nice était un maire de la ruralité », alors que j'ai été longtemps le maire d'un petit village, à la limite du Mercantour, que ma circonscription comptait 72 communes rurales plantées principalement de vignes ! Et Paul Blanc, qui m'avait fait inaugurer son agence postale, au pied du Canigou, me confiait que, depuis trois ans, l'activité postale avait doublé dans son village.

M. Daniel Raoul.  - C'est un contre-exemple ! (M. Jacques Mahéas le confirme)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Toutes les expériences sont intéressantes ! Des maires de gauche comme de droite font en sorte que l'usager trouve une activité postale en même temps que son essence, son pain, son lait...

M. Didier Boulaud.  - Et la crémière !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Le seul fait de leur accorder un soutien financier m'a permis de maintenir en activité des épiceries, des petits commerces en même temps que j'y installais des agences postales car cela permettait aux gérants de cumuler deux chiffres d'affaires. C'est ainsi qu'on ramène ou maintient une activité dans une commune rurale.

M. Bourquin prétend qu'on a supprimé « des milliers de facteurs ». L'excès en tout est un défaut. Ne mentez pas ! M. Guillaume prétend qu'on a réduit les horaires d'ouverture de La Poste alors que, dans une épicerie, le courrier peut être disponible six jours sur sept, de 8 à 21 heures ! Mme Borvo brosse un tableau catastrophique des zones urbaines alors que les situations y sont très diverses : deux petits bureaux aux horaires inadaptés ont souvent été remplacés par un grand centre postal beaucoup plus accessible. Et il n'est pas anormal que la RATP ait passé convention avec La Poste afin que l'usager puisse récupérer ou déposer un colis ou un recommandé en même temps qu'il prend le métro. Au lieu de diminuer, l'offre s'est donc diversifiée.

Monsieur Assouline, vous vous plaignez de la disparition de milliers de facteurs, de la longueur des files d'attente, de la diminution des amplitudes horaires. Donc tout va mal ! Et vous voudriez maintenir l'Epic ? Soyez cohérent ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec la SA, ce sera encore plus grave.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°24 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Martial Bourquin.  - Je viens de consulter le site Twitter de M. Estrosi. On peut y lire : « Les sénateurs socialistes et communistes font de l'obstruction mais considèrent qu'ils travaillent trop. Que peuvent en penser les Français ? » Ou encore : « Le référendum d'initiative populaire : socialistes et communistes en ont rêvé, notre majorité l'a instauré ». Si seulement ! On lit aussi : « Patriat PS. Raconter autant de salades en séance, me solliciter pour accompagner ses projets et se coller à moi sur la photo Bourgogne. Gonflé. »

M. Didier Boulaud.  - Drôle de moeurs !

M. Martial Bourquin.  - Poursuivons : « Je commence le bêtisier : Bourquin PS : "efficacité du service publique mais cette efficacité pas au détriment du service publique" ». Même si je suis autodidacte comme vous, monsieur le ministre, je vous fais remarquer que « service public » s'écrit avec un « c », non avec « que » : le Gouvernement se targue d'être le défenseur de l'identité nationale, l'orthographe en fait partie ! (Marques d'approbation à gauche) Il est inadmissible de brocarder ainsi les élus de la Nation ! Acceptez que nous ayons des opinions différentes des vôtres !

MM. Nicolas About et Robert del Picchia.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Martial Bourquin.  - On lit encore : « Minuit et demi. L'opposition n'a rien proposé pour parler d'une Poste moderne et humaine ». M. Teston et plusieurs d'entre nous ont consacré plus de la moitié de leurs interventions à présenter des propositions pour faire évoluer La Poste tout en conservant son statut d'Epic. Ce manque de respect vis-à-vis des élus fait le jeu des extrêmes, à gauche comme à droite, et discrédite notre démocratie. (M. Roland Courteau et Mme Odette Terrade renchérissent)

Je viens de téléphoner à M. Patriat en Bourgogne. Il s'avère que c'est le conseil régional de Bourgogne qui a financé le pylône que vous êtes allé inaugurer : il est bien normal que le président de la région ait assisté à la cérémonie ! Dans son intervention d'hier, M. Patriat n'a fait que s'inquiéter de la persistance des zones blanches : est-ce que ce sont des « salades » ? Je suis profondément indigné par ces allégations qui avilissent notre Haute assemblée et renforcent les extrêmes. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. le président.  - Monsieur Bourquin, votre intervention n'était pas un rappel au Règlement. Je vous ai laissé achever et M. le ministre pourra vous répondre. Mais je demande à tous dorénavant de citer les articles sur lesquels se fondent leurs rappels au Règlement et de respecter leur temps de parole. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Vous avez fait l'observation que je voulais faire, monsieur le président. Pour le reste, chacun est libre de recourir aux medias de son choix pour dire sa part de vérité. (Protestations à gauche) J'invite M. Bourquin à être lui aussi plus respectueux à mon égard.

M. Martial Bourquin.  - Jamais je ne vous ai manqué de respect !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je suis quotidiennement brocardé dans des journaux comme L'Humanité ou Libération et dans certaines émissions de télévision.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne contrôlons pas les médias !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je remercie toutefois M. Bourquin d'avoir fait de la publicité pour les nouveaux médias : souhaitons que cela incite tous les Français à se connecter à Twitter ! (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. Thierry Foucaud.  - La libéralisation du secteur postal engagée par la Commission européenne n'exonère pas le Gouvernement de ses responsabilités, à moins qu'il avoue que sa voix n'est pas entendue à Bruxelles... Cette politique libérale de privatisation a pour seule fin de transformer les services rendus à la population en dividendes pour des actionnaires.

L'actionnaire restera l'État, dit-on. Mais l'exemple de la SNCF n'est pas de nature à nous rassurer : 321 millions d'euros de dividendes versés en deux ans, des salariés en butte à une direction hermétique à tout dialogue social, une gouvernance destinée à faire entrer l'entreprise dans la « modernité » mercantile... Nous ne souhaitons pas voir se poursuivre avec La Poste cette fuite en avant qui met à mal le système social français imaginé par le Conseil national de la Résistance et fondateur du vivre ensemble.

D'ores et déjà, à La Poste, des dizaines de tournées de courrier ont été supprimées, celui-ci n'étant plus distribué à certains endroits que tous les deux ou trois jours ; les horaires d'ouverture des bureaux ont été réduits, en particulier dans les quartiers qui subissent déjà des inégalités criantes en matière de logement, d'emploi et d'accès aux services publics ; une nouvelle gestion patrimoniale conduit à la vente de locaux jugés obsolètes, et ces opérations immobilières lucratives aboutissent à la diminution du nombre de bureaux et à l'installation des agents dans des locaux exigus ; des bureaux ont été fermés à la campagne, les maires se trouvant contraints pour ne pas voir disparaître purement et simplement la présence postale dans leur commune d'ouvrir des « maisons des services publics » où seuls certains services peuvent être rendus par des fonctionnaires territoriaux, en échange d'une dotation de La Poste ; la direction souhaite tarifer l'affranchissement du courrier non plus en fonction du volume ou du poids, mais selon le trafic ; enfin le personnel, comme à France Télécom, est soumis à une exigence de productivité effrénée et à des méthodes de direction propres aux « patrons de choc » chers à Mme Parisot, voire aux dirigeants des ateliers clandestins...

Pour toutes ces raisons, nous voterons l'amendement n° 25.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - Le projet de loi initial disposait : « [La Poste] restera une entreprise publique dont la totalité du capital social sera détenue par l'État ou par des personnes morales appartenant au secteur public ». La commission a remplacé la coordination « ou » par « et ». Mais cela ne suffit pas à garantir la présence de l'État au capital de La Poste. Un amendement déposé par un autre groupe, et qui tendait à énoncer clairement que le capital de La Poste est détenu par l'État et la Caisse des dépôts, a été rejeté par la commission alors qu'il aurait pu apparaître comme une simple formalité.

En revanche, la commission a apporté une autre modification d'importance : elle a considéré que la rédaction initiale était trop large et permettait à des sociétés détenues en partie par des investisseurs privés d'entrer au capital de La Poste : cela montre bien quelles étaient les intentions du Gouvernement.

M. le rapporteur jure que la transformation de La Poste en SA ne présage en rien sa privatisation, citant l'exemple de Radio France et de France Télévisions. Mais le secteur d'activité de La Poste la rapproche bien plutôt de France Télécom et de GDF.

Conformément au résultat de la votation citoyenne du mois dernier, nous demandons donc au Gouvernement de renoncer au changement de statut de La Poste et soutenons l'amendement n°28.

M. Didier Guillaume.  - Nous voterons également cet amendement, car la transformation de La Poste en SA est dangereuse. (M. Jean-Paul Emorine, président de la commission, s'impatiente) Dans les départements, nous faisons en sorte que le service public soit assuré aussi bien que possible. En tant que président de conseil général, j'aide financièrement les mairies qui installent une agence postale ou un point poste dans leur mairie : j'ai inauguré jeudi un multiservices où, grâce à la présence de La Poste, l'équilibre entre les services public est préservé.

Créer un commerces multiservices réunissant en un seul lieu épicerie, bureau de tabac, bistrot et point poste peut sauver un ou deux emplois dans les petites communes de 500 ou 1 000 habitants. Les subventions versées, notamment par le conseil général ou le conseil régional, permettent de tenir. Il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent aller de l'avant et de l'autre ceux qui s'y refusent, mais ce dispositif ne peut devenir la norme, car une agence postale rend des services plus étendus.

Avec l'Epic, nous avons la certitude de conserver ces points. Comme élu de la Drôme, je veux maintenir l'existant. Avec la mairie, La Poste est souvent le dernier service public local.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Son maintien sera inscrit dans la loi !

M. Alain Fouché.  - On est d'accord !

M. Didier Guillaume.  - N'essayons pas de nous opposer sur tous les sujets. Les divergences sur le statut sont parfaitement respectables, mais nous voulons tous maintenir les services publics !

M. Claude Bérit-Débat.  - Le statut d'Epic permet à La Poste de bien fonctionner et de se moderniser.

M. le ministre a fait le panégyrique de son action sur le terrain. Je ne mets en doute ni sa compétence, ni son expérience du milieu rural, car notre divergence porte sur la conception d'un service public : doit-il être proposé aux habitants et payé par leur commune ou assuré à tous les citoyens quel que soit leur lieu d'habitation ou leur type sociologique ? Cela fait une sacrée différence !

Les moyens mis à la disposition des communes sont bienvenus, mais insuffisants pour éviter les disparités. Lorsque le maintien d'une agence postale est refusé à un maire, celui-ci se résigne au point poste, qui coûte bien plus de 1 000 euros. Mais qui finance ? Le contribuable ! L'aide à l'investissement apportée par le conseil régional ou le conseil général n'évite pas le transfert insidieux de charges.

Le rôle dévolu à l'État pour assurer l'égalité républicaine est le fondement de la politique.

Entre rien et un minimum, les élus optent pour le minimum, mais cet engrenage soulage le budget de l'État au détriment des finances locales. A la longue, la création de la SA supprimera le service public.

M. Alain Gournac.  - C'est faux !

M. Claude Bérit-Débat.  - Laissez-moi parler !

M. Alain Gournac.  - Ce que vous dites n'est pas vrai !

M. Claude Bérit-Débat.  - Cessez de cornaquer les orateurs !

M. Roland Courteau.  - En applaudissant le rapporteur lorsqu'il a dit que le nombre d'agences postales communales était passé de 900 à 4 600, nos collègues ont en fait approuvé le désengagement de La Poste.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le volontarisme des maires, mais savez-vous comment cela se passe le plus souvent ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - Oui.

M. Roland Courteau.  - Le directeur départemental de La Poste dit à un maire qu'il a le choix entre la fermeture de l'agence postale, une réduction massive de ses plages horaires de fonctionnement et la création d'un point poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Envoyez-le nous !

M. Roland Courteau.  - Que peut répondre le maire ? Est-ce du volontarisme ? Comment qualifiez-vous ce comportement ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean Bizet.  - Je ne m'étais guère exprimé jusqu'à présent, car je n'estimais pas avoir l'expertise de mes collègues. Je souhaite néanmoins m'exprimer au nom de la commission des affaires européennes pour lever l'incompréhension sur le changement de statut.

Je m'abstiens d'évoquer des postures intellectuelles, sachant qu'il n'y a qu'un pas vers l'imposture. (Exclamations à gauche) Je refuse de franchir ce pas.

M. Roland Courteau.  - Vous venez de le faire ! (M. Jean-Pierre Caffet le confirme)

M. Jean Bizet.  - Tout d'abord, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre garantira les services publics. Quelle sécurité supplémentaire pourriez-vous désirer ?

M. David Assouline.  - Avec Barroso !

M. Jean Bizet.  - La Commission européenne a engagé contre la France une procédure motivée par la garantie illimitée dont bénéficie La Poste en tant qu'Epic. La transformation en société anonyme permet à la France d'éviter une lourde amende. Dans ce cadre, la Caisse des dépôts pourra jouer le rôle d'investisseur avisé permettant à La Poste de se développer dans le cadre du service public.

Ensuite, la dernière directive postale reconnaît le service public sur tout le territoire national, jusqu'à la plus petite commune rurale.

Pourquoi notre débat est-il si difficile ? Nous examinons un montage financier rationnel permettant à La Poste de rester au service de nos concitoyens.

Monsieur Guillaume, la mutualisation des points postaux et des commerces ouvre une ère nouvelle pour La Poste, mais exige beaucoup d'argent. Le montage proposé est le seul permettant de réussir ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Nous abordons là un débat plus général. C'est une question de volonté politique.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Absolument !

M. David Assouline.  - Lorsqu'ils sont acculés à choisir entre rien et un bureau communal, les élus locaux de gauche ne pratiquent pas la politique du pire. Il reste que le transfert de charges sur les collectivités territoriales est patent.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Non !

M. David Assouline.  - Vous serez tous concernés par la suppression de la taxe professionnelle et par la réforme des collectivités territoriales.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - C'est un autre débat !

M. David Assouline.  - Ce sont d'autres facettes du même sujet.

Ne nous accusez pas de surenchère. Ce n'est pas notre choix, mais la tendance de long terme imposée par l'Europe et l'ouverture aux marchés exigent beaucoup de volonté politique pour sauvegarder les services publics.

Or le statut d'Epic est justement celui qui peut contrer cette dérive générale tout en modernisant La Poste via les abondements de l'État. Quel dommage que ce débat soit segmenté ! L'enjeu est le même pour l'AFP, dont nous parlerons bientôt. Son PDG, que j'ai auditionné, m'a expliqué que le statut de société anonyme avec 100 % de capitaux public était la solution pour que l'Agence se modernise. Mais, que je sache, l'Agence est bénéficiaire et n'est pas au bord de la banqueroute. Pourquoi donc a-t-elle besoin de capitaux ? Non pas pour affronter la concurrence, m'a répondu son PDG, mais pour prendre des participations dans d'autres agences ici et là et sous-traiter ce qu'il est possible de faire, rétorquent les salariés, sans modifier le statut de l'entreprise.

Mme Nathalie Goulet.  - Sans parler de RFI !

M. David Assouline.  - Le changement de statut a des effets secondaires que ni vous ni moi ne pouvons prédire car, la marche du monde continuant, nous serons confrontés à des choix tels que celui de fermer ou non le bureau communal...

Voix à droite.  - A nous d'être vigilants !

M. David Assouline.  - Aujourd'hui, la mission de La Poste est de tout faire pour que les Français continuent d'utiliser ses services après l'ouverture à la concurrence.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - Soit, il faut des capitaux, mais pour financer les missions de service public...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Temps de parole écoulé !

M. David Assouline.  - Avancer comme seul argument justifiant le changement de statut la nécessité, pour La Poste, de prendre des participations dans des entreprises et de concurrencer les autres opérateurs à l'étranger...

M. Pierre Hérisson, rapporteur, et M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - N'importe quoi !

M. David Assouline.  - ...c'est un peu court !

L'amendement n°28, identique à l'amendement n°445, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°440, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Gisèle Printz.  - Plutôt que de vilipender la votation citoyenne du 3 octobre à laquelle nous sommes fiers d'avoir participé, la majorité devrait en tenir compte. Rien ne justifie le passage en société anonyme : l'Europe ne l'impose pas et, avec le statut d'Epic, elle est une des entreprises les plus compétitives de son secteur avec 500 millions de bénéfices cette année, malgré la crise. Ne joignons pas les mensonges à la mauvaise foi ! Aujourd'hui, La Poste peut déjà nouer des partenariats à l'étranger -la RATP le fait déjà avec succès- pour compenser la perte du secteur réservé et emprunter à condition de présenter un plan d'expansion crédible aux créanciers. C'est peut-être là que se situe, d'ailleurs, le véritable débat mais vous préférez, par idéologie, noyer le poisson en limitant la discussion à des questions de forme. Les missions de service public, de cohésion sociale et d'aménagement du territoire commandent de conserver à l'entreprise son statut protecteur d'Epic. La Poste n'est pas une entreprise comme les autres !

M. le président.  - Amendement n°448, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise publique qui exerce ses missions pour le compte de la collectivité.

M. David Assouline.  - La Poste doit faire face à de nombreux défis : (M. Jean Bizet ironise) la libéralisation du marché postal en 2011, la banalisation du livret A, la concurrence des modes de communication dématérialisés. Le groupe socialiste est convaincu -que tous les sénateurs et M. le ministre se le mettent dans la tête !- que La Poste doit évoluer, innover, se moderniser tout en assurant ses missions de service public. La solution de cette équation réside, selon le PDG de La Poste, dans le changement de statut. Mais pourquoi le groupe a-t-il besoin de 2,7 milliards ?

M. Charles Revet.  - Pour se moderniser !

M. David Assouline.  - Malgré les nombreuses auditions auxquelles ils ont procédé cette année, les sénateurs socialistes n'ont pas trouvé de réponse à cette question. L'objet, d'après un communiqué d'août 2008, est de tirer la croissance du groupe par « l'acquisition ou le développement d'opérateurs alternatifs de courrier en Europe » ainsi que par « des acquisitions ciblées hors d'Europe » ; mais, d'après M. Bailly auditionné par la commission, l'enjeu est surtout de moderniser les systèmes d'informations de son groupe et l'activité de colis express. En un an, le discours, les priorités, les montants ont changé. Au regard de cette grande opacité, le passage en force vers la société anonyme relève davantage du dogmatisme que d'une véritable nécessité : l'État peut parfaitement aujourd'hui, par dotation publique, apporter à La Poste les moyens de se préparer à l'ouverture à la concurrence. (Mme Nathalie Goulet acquiesce) Ce ne serait que justice quand il n'a jamais véritablement compensé les missions de service public de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°449, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise en totalité publique.

M. Yannick Botrel.  - Malgré vos explications, monsieur le ministre, les Français ont bien compris que le changement de statut ouvrait la voie à la privatisation de La Poste. Ce changement de statut serait une obligation européenne. Faux ! Et le capital à 100 % public de La Poste n'offre aucune garantie, comme l'a montré l'exemple de GDF. La privatisation, dans les pays où elle a été actée, s'est faite aux dépens des salariés et des usagers. D'où la nécessité de garantir le caractère public de La Poste, ce que ne permet pas cet article premier. Le passage en société anonyme serait une décision anachronique qui remettrait en cause les missions de service public. Chers collègues, si vous êtes réellement opposés à la privatisation et que votre posture dans les médias n'est pas politicienne, vous devez vous opposer à ce changement de statut en votant cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°450, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger comme suit cette phrase :

La Poste demeure la propriété collective de la nation.

M. Roland Courteau.  - Permettez-moi de rappeler le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel : « tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les qualités d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Cela fait, je veux rappeler que le secteur réservé, dont M. Jospin avait négocié le maintien, permettait, par péréquation, d'offrir un tarif identique pour une lettre du VIe au XXe arrondissement de Paris et de la Corse au îles du ponant. Ensuite, rien ne permet de garantir, dans ce texte, que l'État ne se désengagera pas du capital de La Poste, comme il l'a fait pour GDF. En outre, La Poste a dégagé un milliard de bénéfices l'an passé et 500 millions cette année sans que cela coûte au contribuable. Or le passage en société anonyme équivaudrait à faire financer l'entreprise par le contribuable. Les sénateurs socialistes ne s'expliquent pas cette logique « perdant-perdant ». Maintenons le statut d'Epic ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°451, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste demeure la propriété de la collectivité.

M. Claude Bérit-Débat.  - Amendement de principe. La Poste est un service public national qui appartient à notre patrimoine. M. Courteau a cité l'alinéa 9 du Préambule de 1946, notre pacte social fondateur. Les activités de service public doivent relever de la collectivité. La Nation doit à ses citoyens un service public de qualité, sur tout le territoire.

A vous croire, le marché ferait aussi bien que le service public, avec les bénéfices en plus ! La pratique dément la théorie, et les pays qui ont privatisé leurs services publics, comme le Japon, font aujourd'hui marche arrière... La privatisation ne profitera pas aux citoyens, surtout dans les zones rurales. La collectivité doit avoir le monopole des missions de service public indispensables au bon fonctionnement de la société. C'est pourquoi La Poste doit rester propriété des citoyens, et non de capitaux privés. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2035

M. Thierry Foucaud.  - Si votre objectif n'est pas de privatiser La Poste, pourquoi la transformer en société anonyme ? France Télécom, EDF, GDF : nous voyons les conséquences de la privatisation pour les salariés comme pour les usagers, devenus « clients ». M. Sarkozy avait pourtant juré que jamais GDF ne serait privatisée... Voici une nouvelle preuve de votre volonté de marchandiser toutes les activités humaines, de remettre en cause tous les services publics.

La modernisation de La Poste n'implique pas un changement de statut. Rien n'interdit un partenariat financier, par exemple avec la Caisse des dépôts. Pourquoi ne pas imaginer un pôle financier public qui financerait la modernisation des services publics ? Nous sommes de ceux qui ont lutté pour la mise en place de services publics dans notre pays. Aujourd'hui, La Poste adopte les modes de gestion du privé : on en voit déjà les conséquences en milieu rural... (Marques d'impatience à droite, où l'on signale que l'orateur a dépassé son temps de parole)

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2030

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - M. Darcos a déclaré que s'il avait dû participer à la votation citoyenne, il aurait voté contre la privatisation de La Poste, affirmant qu'il ne s'agit pas de privatiser...

M. Jean Bizet.  - Et oui !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Mais les faits sont têtus. L'ouverture à la concurrence du secteur postal a été décidée par une directive du 15 décembre 1997. Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a demandé à la Commission d'accélérer cette libéralisation. Le 15 octobre 2001, à Luxembourg, les Quinze s'accordaient pour poursuivre l'ouverture à la concurrence, repoussant toutefois la déréglementation totale à 2009. En octobre 2006, la Commission européenne exigeait de la France « la suppression de la garantie étatique illimitée en faveur de La Poste », considérant que celle-ci créait « une distorsion de concurrence sur un marché en voie de libéralisation ».

Les conséquences ne se sont pas fait attendre. La mise en orbite capitalistique de La Poste a été précédée d'une profonde transformation de l'entreprise : techniques de management agressives, précarisation du personnel, dégradation du service, fermeture de bureaux, culte du profit. Pourtant, la majorité et le Gouvernement nient l'évidence et rétorquent que le changement de statut de La Poste ne signifie pas sa privatisation...

M. le président.  - Stop !

Amendement n°17, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2025

Mme Odette Terrade.  - Amendement de repli. L'article premier transforme l'Epic en société anonyme, preuve que le Gouvernement entend bien privatiser La Poste, sans que cela soit imposé par le droit communautaire et contre la volonté du peuple. La majorité préfère le terme de « sociétisation ». Dans son rapport d'information sur la loi relative à France Télécom, M. Larcher nous explique ce néologisme : il s'agit de la transformation en société anonyme détenue majoritairement par l'État dans des conditions garantissant de manière pérenne le statut et l'emploi des personnels de l'entreprise publique, tout en leur ouvrant de nouveaux droits. Bref, pas de quoi s'inquiéter...

Dix ans après la privatisation de France Télécom, où en sommes-nous ? Les effectifs sont passés de 165 000 agents fonctionnaires en 1997 à 95 000 en 2008, dont 25 000 de droit privé. La préretraite maison, ouverte dès 55 ans, a été utilisée, de gré ou de force, par 40 000 agents. Sa suppression, fin 2006, n'a pas mis fin à la saignée des effectifs, mais les méthodes d'incitation au départ se sont musclées : à la fin de l'année, l'opérateur devrait afficher 90 000 salariés.

La précarité a explosé avec le développement de la sous-traitance. L'ouverture à la concurrence s'est faite au détriment des usagers. Les opérateurs s'entendent pour maintenir des tarifs élevés. La couverture du territoire n'est pas assurée ; les suppressions d'emplois, les incessantes réorganisations, l'insuffisance des investissements font que France Télécom n'est plus capable d'entretenir son réseau. Seuls les actionnaires se frottent les mains, car les résultats financiers sont au rendez-vous...

Évitons à La Poste de connaître les mêmes dérives !

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2020

M. Thierry Foucaud.  - Ces amendements de repli sont aussi des amendements d'appel : ce débat doit être l'occasion de dresser ensemble un état des lieux. Il faut impérativement repousser la date d'entrée en vigueur de ce projet de loi. Comment envisager que tout puisse être en place dans moins de soixante jours ?

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2015

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La directive européenne prévoit la mise en concurrence, pas la privatisation. Elle ne vous oblige en rien à précipiter la transformation du statut de La Poste en société anonyme. Pourquoi refuser de prendre en compte la votation citoyenne, alors que 75 % des Français sont opposés à la privatisation de La Poste ? Votre choix est idéologique, comme il le fut pour France Télécom et GDF. Il conduira à la recherche de la rentabilité à tout prix, au détriment des missions de service public et des conditions de travail des personnels. Dans certains départements, on en a déjà l'avant-goût : agents remplacés par des commerciaux, contractuels remplacés par des automates, filiales s'imposant lors de restructurations, au prix de méthodes douteuses... Et tout ceci au détriment de la qualité du service rendu.

Repousser la date permettrait au moins de tenter de mettre un terme à cette politique néfaste.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2014

Mme Odette Terrade.  - Laissez La Poste développer ses activités postales publiques, fruits d'une tradition d'excellence qui remonte aux relais de poste de Louis XI et a permis d'assurer un réel maillage du territoire, un véritable service public de proximité.

Un délai de quatre ans permettra à La Poste de prendre part aux assises de la ruralité annoncées par le ministre lors de son audition. La loi de régulation des activités postales du 20 mai 2005 exige qu'au moins 90 % de la population ait accès à un point de contact à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes de distance. 88 % des habitants des communes rurales sont concernés et restent très attachés à cette présence postale. Le ministre lui-même déclarait lors de son audition que ce dispositif, qui a fait la preuve de son efficacité, devrait servir de modèle à tous les opérateurs qui ont signé la charte du service public. Il est donc essentiel que La Poste participe à ces assises.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2013

M. Thierry Foucaud.  - L'Union européenne, si elle impose une ouverture à la concurrence qui met hélas le plus souvent en concurrence rentabilité et qualité du service rendu, n'impose cependant pas le changement de statut. Pourquoi cette obsession, et pourquoi cette urgence ? L'exposé des motifs de votre projet indique que le statut d'établissement public de l'entreprise, qui fait dites-vous figure d'exception en Europe, ne lui permet pas d'être concurrentielle. Autrement dit, La Poste ne serait pas capable de faire face à la concurrence avec les seuls moyens de l'État. Mais quel autre financement, alors que son capital resterait « 100 % public » ? Il est clair que l'engagement d'aujourd'hui sera remis en cause demain, pour assurer une concurrence libre et non faussée, violente et destructrice. Et c'est ainsi que vous préparez le terrain pour faire entrer au capital de La Poste des fonds privés, tout en jurant que vous ne le ferez pas.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2012

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Repousser le changement de statut à 2012 permettrait au moins de mener à bien l'étude indispensable sur les conséquences de la libéralisation du secteur sur les conditions de travail et la qualité des prestations. Les seules mesures dont nous disposions aujourd'hui sont les exemples étrangers et les autres services libéralisés, chez nous. Ils ne présagent rien de bon. Travaillons donc au moins à éviter une dégradation brutale de la qualité du service, en particulier dans les zones enclavées et ménageons-nous un sursis qui permettra, tout en se mettant en conformité avec la directive, d'en renégocier les termes au Conseil européen. Le combat n'est pas perdu contre l'idéologie libérale : employons-nous à défendre une autre conception, celle d'un service public qui participe au respect des droits de chacun, au lien social, à la solidarité. Ne sacrifions pas notre conception française d'un service public garant de l'égalité des citoyens au désir aveugle du marché, le désir de l'enrichissement.

M. le président.  - Amendement n°432, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dont le capital demeure en totalité public

M. Michel Teston.  - Il est défendu.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°440, au reste peu cohérent puisqu'il laisse subsister les dispositions relatives à la détention du capital. Même avis sur le n°448 et le n°449. Que La Poste demeure propriété collective nationale reste vrai, mais dans la mesure où l'amendement n°450 substitue cette assertion aux dispositions relatives à la transformation de l'établissement en société anonyme, la commission ne peut lui être favorable. Même avis sur le n°451. Quant à repousser le changement de statut, comme le prévoient decrescendo les amendements n°s19 à 12, ce serait dangereux : il est urgent que La Poste soit mise en état de recevoir la dotation en capital dont elle a besoin pour se moderniser. Défavorable, enfin, à l'amendement n°432.

M. Christian Estrosi, ministre.  - 2035, et pourquoi pas l'éternité ? Avis défavorable sur l'ensemble.

M. Martial Bourquin.  - Nous voterons ces amendements. Le ministre va répétant que tout ce qui est excessif est dérisoire et que j'ai tort d'annoncer la suppression de milliers de postes. J'éviterais donc toute subjectivité pour dire les raisons de notre attachement au service public de La Poste. En 2007, il y a eu 10 000 suppressions nettes d'emploi. Si l'on y ajoute les 7 000 suppressions recensées dans le bilan social 2008, cela fait 17 000 en deux ans. Vous voyez que nous n'exagérons pas ! Nous ne faisons que lire le bilan social. Pour 2009, nous nous fondons sur la stratégie de la direction de La Poste : elle vise le non-remplacement d'un départ en retraite sur cinq, contre un sur deux ou sur trois ces dernières années. Tout ceci permet de tracer une courbe.

En 2003, La Poste comptait 315 364 équivalents temps plein travaillé et 295 742 en 2008 ; dans le même temps, le nombre d'emplois précaires est passé de 114 500 à 143 455. On est là au coeur du débat ! Avec la transformation en société anonyme, cette stratégie va recevoir un coup d'accélérateur.

M. Alain Gournac.  - Le statut d'Epic ne l'a pas freinée.

M. Martial Bourquin.  - Ces emplois supprimés, ce sont des facteurs en moins, des guichets fermés, des files d'attente qui s'allongent. Tous ces problèmes que nous, élus, tentons de résoudre jour après jour. Le ministre nous dit qu'il crée des emplois dans les services publics des Alpes-Maritimes. Tous les départements n'ont pas la même richesse par habitant !

M. Alain Gournac.  - Il va nous faire pleurer !

M. Martial Bourquin.  - Avec les services publics, nous défendons l'emploi. Si l'on continue à déménager ainsi le territoire, on le paiera très cher. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Je veux apporter ma pierre au débat. (Rires à droite)

Avec mes nuits à Saint-Exupéry, avec mes rencontres avec les postiers, j'ai appris beaucoup de choses. Par exemple que, dans le VIIIe arrondissement de Lyon, on a supprimé sept postes de facteur sur vingt-et-un. Et cette belle organisation vient de cadres semblables à ceux qui ont oeuvré comme on sait à France Télécom.

M. Alain Gournac.  - Des cadres comme ça !

M. Guy Fischer.  - Qui font un véritable harcèlement.

M. Jean Bizet.  - Besancenot est toujours là !

M. Daniel Dubois.  - Nous sommes tous d'accord pour vouloir un service public de qualité, je veux dire : un service rendu au public. Monsieur Fischer, le courrier continue-t-il à être acheminé après la suppression des sept postes ?

M. Guy Fischer.  - Oui...

M. Daniel Dubois.  - C'est donc que ces facteurs étaient en trop. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Martial Bourquin.  - Cinq millions de chômeurs !

M. Alain Fouché.  - Je ne vis pas à Lyon mais dans ma région je ne vois pas le nombre de facteurs diminuer.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Quelle est la grande entreprise qui, sur vingt ans, n'a pas connu de modernisation, avec les conséquences qu'on imagine en termes de ressources humaines ?

M. Alain Gournac.  - Même ma mairie !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Il est sain qu'une grande entreprise comme La Poste diversifie ses activités : pour créer des emplois demain.

M. Bourquin a comparé des chiffres sur un an. Si l'on regarde sur une plus longue durée, l'impression qui se dégage est tout autre. Je comparerai plutôt le chiffre de 2008 avec celui de 1991 : il y avait alors 308 608 emplois. Cela signifie qu'en dix-neuf ans on est resté autour de 300 000, avec des moments de diminution et d'autres de remontée. Combien d'entreprises font aussi bien en termes d'emploi ? En 1997, le chiffre était descendu jusqu'à 286 000, et puis il est remonté. En 2008, il y a eu 8 300 embauches, dont 90 % en CDI.

M. Guy Fischer.  - Sous statut privé !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Quant aux suppressions depuis 2006, elles sont surtout dues à des départs volontaires en retraite, qui ont été 7 000, mais avec 5 000 embauches. Telle est la réalité des chiffres.

L'amendement n°440 n'est pas adopté, non plus que le n°448.

M. Yannick Botrel.  - Vous affirmez que, nonobstant le changement de statut, le caractère public de La Poste ne sera pas affecté. Dans ces conditions l'amendement n°449 est consensuel.

L'amendement n°449 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos450 et 451.

M. Thierry Foucaud.  - La dégradation du service postal est déjà bien entamée, et cela ne peut qu'aller s'aggravant sous l'empire de la concurrence et de la rentabilité exigée. Les exemples de France Télécom et de GDF sont parlants.

On ferme des bureaux, on installe des agences postales dans des boutiques où les règles minimales de sécurité et de confidentialité ne sont pas respectées.

Chaque jour, La Poste, soumise à des exigences de rentabilité, réduit ses services. Nous savons d'ailleurs ce qu'il en est dans d'autres entreprises, comme France Télécom.

Vous vous cachez derrière l'Europe, mais elle n'impose pas de changement de statut. La directive impose l'ouverture des services postaux à la concurrence, mais pas de statut particulier aux entreprises. Il est donc possible de reculer la date d'entrée en vigueur du nouveau régime.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - La privatisation de La Poste a été décidée par l'Union : depuis deux décennies, en effet, l'Europe s'est attaquée aux marchés non concurrentiels des grands services publics historiques.

Le 1er octobre, alors que la votation citoyenne se poursuivait en France, le journal The Guardian rappelait que des lobbies avaient dépensé près de 400 millions de dollars pour lutter contre le projet de réforme de l'assurance maladie aux États-Unis. L'opposition du Sénat américain se base sur une prétendue inégalité entre un secteur public qui coûterait moins cher aux assurés et le secteur privé. Or, l'accord général sur le commerce des services s'oppose à l'existence de services publics, les services devenant des marchandises comme les autres. Le même problème se pose en Europe : depuis vingt ans, les services publics y sont systématiquement démantelés.

La privatisation de France Télécom est très avancée tandis que celle de la recherche se met en place. La privatisation de l'électricité en France a provoqué une forte augmentation de son prix. Or, nos concitoyens s'opposent dans leur grande majorité à la libéralisation à marche forcée de tous les services publics. L'Union fait en effet reculer le modèle européen.

M. Thierry Foucaud.  - D'autres pays européens ont déjà franchi le cap de la privatisation et les résultats sont catastrophiques.

Ainsi, la poste néerlandaise, groupe TPG, a été privatisée à 66 % en 1989. Elle a, depuis, procédé à des licenciements massifs. En octobre 2003, alors qu'elle souhaitait racheter la poste belge, son directeur exécutif déclarait : « Nous sommes une entreprise cotée en bourse, nous devons montrer tous les ans à nos actionnaires que nous avançons ». TPG s'intéresse à la poste belge « pour occuper le marché avant les concurrents allemand et français, car demain ne resteront en Europe que quelques grands acteurs » Le PDG du groupe précisait que « la poste belge devrait subir une sévère rationalisation en quatre ans, avant la libéralisation complète du marché. Ce ne sera pas possible avec des départs naturels et les restructurations nécessaires, nous voulons bien les faire nous-mêmes, nous en avons l'expérience ».

En Suède, la libéralisation du courrier postal date de 1993. Depuis, les effectifs ont baissé de 25 % mais les prix des services postaux ont, selon un rapport gouvernemental, augmenté de 7 % entre 1993 et 2003.

Au Royaume-Uni, Royal Mail est devenu en 2001 une société anonyme à capitaux d'État. Elle renoue avec les bénéfices cette année après avoir lancé, en 2002, un plan de licenciements de 30 000 de ses 200 000 employés ! Le nombre de bureaux de poste a également été réduit. Les usagers se plaignent de la dégradation du service. Le président du conseil de surveillance de La Poste déclarait le 31 août que « lors des trois dernières années, les clients ont payé plus chers des services qui se dégradent ». Royal Mail devra verser à ses clients un dédommagement de l'ordre de 50 millions de livres, somme que devrait prendre en charge son actionnaire unique, le gouvernement britannique.

La Deutsche Post illustre parfaitement le passage d'une entreprise publique à une entreprise internationale à vocation commerciale. En quelques années, la Deutsche Bundespost, poste publique allemande, est devenue la Deutsche Post World Net, une compagnie internationale dont le bénéfice a atteint 1,31 milliard en 2003. L'analogie avec le cas français est particulièrement frappante : en 1989, le parlement allemand vote la loi régissant la structure des postes et des télécommunications qui précise que la nouvelle entreprise doit rester publique. En 1997, une nouvelle loi transforme la Deutsche Post en société par actions. Le Gouvernement s'engage à conserver l'intégralité des actions dans un premier temps, et à y rester majoritaire pendant au moins cinq ans. La loi met fin au recrutement de nouveaux fonctionnaires, introduit la concurrence en deux étapes ainsi que la notion de service postal universel, et elle crée l'Agence fédérale de la poste et des télécommunications qui assume des fonctions de surveillance et de coordination. En 2000, la Deutsche Post est introduite en bourse : 29 % de son capital est vendu, puis 2 % supplémentaires en 2001. En 2003, le patron de la Deutsche Poste prévoit une privatisation totale de son entreprise en quatre ans. Dans le magazine Capital, il déclare : « Je m'imagine bien que l'État fédéral va réduire à zéro sa part d'ici 2007 ». Pendant ce temps, l'entreprise s'est lancée dans une politique d'expansion internationale. Le bilan social est sévère : selon la direction, entre 1990 et 1996, les effectifs sont passés de 380 000 à 285 000 employés. Le nombre de bureaux de postes est passé de 26 000 à 13 000 dont 7 000 sont devenus des points de contact.

M. Guy Fischer.  - Voilà ce qui nous attend !

M. Thierry Foucaud.  - Et leur nombre va encore diminuer : la direction de la Deutsche Post a annoncé, le 22 septembre, la fermeture supplémentaire de 1 000 bureaux, surtout dans les zones rurales.

La démonstration est limpide : la libéralisation et la privatisation partielle ou totale des monopoles historiques ont permis aux entreprises de gagner en rentabilité financière pour le compte de quelques-uns, mais au détriment de l'emploi et de la qualité du service public.

M. Guy Fischer.  - Voilà une belle démonstration !

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°18 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Daniel Raoul.  - C'est bien dommage !

Mme Odette Terrade.  - La majorité ne cesse de nous répéter que le changement de statut de La Poste est nécessaire pour la survie de l'entreprise publique, que les personnels et les usagers ne doivent pas s'inquiéter car il ne s'agit que d'une ouverture de capital. On nous dit aussi que le statut des agents et les missions de service public seront préservés. Pourtant les 2,3 millions de personnes qui ont voté contre ce changement de statut n'ont pas été convaincues et pour cause ! Il y a dix ans, les mêmes arguments ont été utilisés pour France Télécom. Les discours d'aujourd'hui ressemblent furieusement à ceux de M. Juppé en 1996.

A l'époque, on nous disait aussi que les missions de service public étaient garanties, que l'État resterait à plus de 50 % du capital. Or la participation de l'État, de 79 % après la première ouverture, a chuté à 62 % en 1998 avant qu'en 2003, la droite vote une loi autorisant l'État à passer sous les 50 %, ce qui marque la privatisation au sens propre. Aujourd'hui, l'État détient moins de 30 % du capital de France Télécom, qui fonctionne comme n'importe quelle entreprise privée. Pas étonnant qu'aucun bilan officiel n'ait été tiré de cette expérience, puisque la seule conclusion possible serait de renoncer à toute privatisation.

Voilà ce qui va se passer pour La Poste au détriment des salariés et des usagers, pendant que les actionnaires seront grassement rémunérés. Cet amendement de repli tend à repousser le changement de statut.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. Thierry Foucaud.  - Depuis plusieurs années votre majorité et la direction de La Poste se sont ingéniées à transformer cette entreprise nationale en une entreprise commerciale, presque comme une autre. Des secteurs postaux ont d'ores et déjà été ouverts à la concurrence et des entités publiques privatisées L'esprit de service public ne souffle plus à La Poste : vous avez fermé des milliers de bureaux de poste et vous avez appliqué des techniques managériales fondées sur la mise en concurrence des agents et non sur des objectifs partagés d'un service de qualité à rendre à chaque usager. Vous pensiez faire comme avec de nombreuses entreprises et services publics : réduire les moyens et les coûts en réduisant les missions et la qualité du service rendu ; créer l'insatisfaction envers un service qui se détériore ; puis privatiser ce qui peut être rentable en faisant miroiter à nos concitoyens une amélioration des prestations servies. Seulement cette fois-ci ça ne marche pas : la population a compris votre stratagème. Vous n'avez pas mesuré l'attachement de nos concitoyens au service postal car, pour paraphraser une chanson populaire, « on a tous en nous quelque chose de La Poste ». La majorité des Français ne souhaite pas la transformation annoncée et le dépeçage à venir de cette encore belle entreprise nationale, qui a de beaux restes et les potentialités d'un renouveau du service public. Il faut donc donner la parole au peuple au cours d'un grand débat national sur l'avenir du service public postal, se terminant par un référendum.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15.

M. Guy Fischer.  - La crise actuelle impose, plus que jamais, que La Poste demeure un service public de proximité pour tous les citoyens, qui réponde aux besoins de la population tout en jouant un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire. Sa transformation en société anonyme et l'ouverture de son capital doivent être différées pour laisser « le temps au temps ». Temps nécessaire pour s'assurer que les quatre missions publiques de La Poste -le service universel du courrier, l'aménagement du territoire, l'accessibilité bancaire et la distribution de la presse- sont maintenues et confortées sur l'ensemble de notre territoire sans conditions ni critères de flexibilité et de rentabilité.

Ce changement de statut dans l'urgence intervient alors qu'aucune directive n'oblige à la privatisation. L'Union européenne est souvent montrée du doigt quand on cherche un responsable du démantèlement des services publics. Or, si les différentes directives postales ont effectivement ouvert les services postaux à la concurrence, elles n'imposent pas un statut particulier aux opérateurs puisque l'Union n'a aucune compétence en matière de régime de propriété. Si l'Europe est responsable de la libéralisation avec l'ouverture à la concurrence, vous êtes responsables de la privatisation avec ce changement de statut. Au niveau européen, il n'existe pas de définition minimale du service public. Les directives garantissent uniquement un ensemble commun d'obligations qui constituent le service universel, avec par exemple une distribution et une levée du courrier, au minimum cinq jours sur sept à un prix abordable sur l'ensemble du territoire. Les États sont donc libres de choisir les modalités de son financement, ainsi que de donner une définition plus large du service postal. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°14 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

Mme Odette Terrade.  - L'alinéa 2 signifie une privatisation de La Poste qui aura pour conséquence de la soumettre aux règles comptables et sociales des entreprises privées. Il n'y a pas d'exemple d'un établissement public transformé en société anonyme qui n'ait été privatisé et n'ait fait disparaître ses missions de service public. Le capital sera à 100 % public, aux mains de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ? Cette garantie n'est pas suffisante car, ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. Et la qualité publique d'un actionnaire est toute relative quand il s'agit d'une société anonyme soumise aux lois du code du commerce. Par exemple Icade, détenu à 60 % par la CDC, et qui fut un des premiers bailleurs sociaux, cède aujourd'hui la plupart de ses activités de service et la totalité de son patrimoine social, mettant 2 000 employés en danger. Lorsqu'elle agit en tant qu'investisseur privé, la Caisse des dépôts exige elle aussi un retour sur investissement substantiel. Et rien ne lui interdira de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste. C'est pourquoi nous vous invitons à voter l'amendement n°12.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du gouvernement aux questions d'actualité.

Suppression de la taxe professionnelle

Mme Marie-France Beaufils .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Vous avez inscrit dans la loi de finances la suppression de la taxe professionnelle, annoncée en février par le Président de la République. Ainsi, les entreprises gagneront une capacité de trésorerie supplémentaire de 11 milliards d'euros, puis de 5,8 milliards chaque année. Que peut-on attendre d'une telle décision pour notre économie ? Une plus grande part de la valeur ajoutée créée par les entreprises sera-t-elle consacrée à l'emploi et à l'investissement ?

Le rapport demandé par Nicolas Sarkozy nous a rappelé qu'en vingt ans cette valeur ajoutée a profité aux seuls actionnaires. Toutes les activités seraient gagnantes avec la nouvelle cotisation, mais les banques, les assurances et la grande distribution l'étaient déjà depuis de nombreuses années grâce à la faiblesse de leur cotisation -1,5 % de la valeur ajoutée. C'est cet écart avec le secteur industriel qu'il aurait fallu rectifier.

Une fois de plus, les grandes perdantes seront les familles, qui devront compenser cette perte de recettes. Les collectivités territoriales sont complètement déstabilisées.

M. Paul Raoult.  - Exact !

Mme Marie-France Beaufils.  - Elles préparent les budgets 2010, mais les projets ne se financent pas sur un seul exercice. Cette absence de visibilité est inquiétante pour les collectivités territoriales et leurs habitants, mais aussi pour les entreprises car 73 % des investissements publics sont réalisés localement. Pourquoi tant de précipitation ? Pourquoi n'écoutez-vous pas les élus locaux ? (Protestations à droite)

M. Roland Courteau.  - Elle a raison !

Mme Marie-France Beaufils.  - Pourquoi refusez-vous d'engager une réflexion sur cet impôt et l'ensemble de la fiscalité locale en même temps que la réforme des institutions et des compétences de chaque niveau, l'État compris ? Allez-vous retirer le projet de suppression de la taxe professionnelle, dangereux pour notre économie et nos services publics, et contraire à l'intérêt général ? (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est la vérité !

M. le président.  - La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Jean-Pierre Michel.  - Du chômage !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Face à la crise économique actuelle, nous devons améliorer la situation de l'emploi et la compétitivité des entreprises. Madame Beaufils, comme nous vous établissez clairement le lien entre emploi et entreprises.

M. René-Pierre Signé.  - Et pouvoir d'achat !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La réforme vise à restaurer la compétitivité des entreprises, soutenir l'économie française et assurer la fiscalité de tous les niveaux de collectivités territoriales. (Protestations à gauche)

M. Paul Raoult.  - Vous n'y croyez pas !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La méthode adoptée est la même que pour la loi de finances. Elle consiste à dialoguer, écouter, nous concerter.

M. René-Pierre Signé.  - Elle a échoué.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - J'ai reçu pour en parler un certain nombre d'entre vous, et je voudrais remercier plus particulièrement les sénateurs Hervé, Guené, de Montgolfier, qui ont participé au travail de concertation engagé il y a sept mois, quand le Président de la République a ouvert la Conférence nationale des exécutifs.

M. Paul Raoult.  - Et la solidarité nationale ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Comme les objectifs et la méthode, le calendrier est très simple. La crise n'attend pas, et la réforme doit entrer en vigueur le 1er janvier 2010 pour les entreprises.

M. Paul Raoult.  - C'est l'asphyxie des collectivités territoriales !

M. Guy Fischer.  - C'est trop tôt !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Vous savez que l'impôt voté doit être attribué. Il est donc légitime que la contribution économique territoriale, qui se substituera à la taxe professionnelle, soit mise en place avec un délai suffisant en 2010.

Voix à gauche.  - Et après ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il nous faut effectuer des simulations afin de vérifier que les curseurs sont bien placés et, s'il le faut, effectuer les modifications nécessaires courant 2010, afin qu'au 1er janvier 2011 la réforme marche sur deux jambes : une pour les entreprises, l'autre pour les collectivités territoriales. (Protestations à gauche, applaudissements à droite)

Sécurité des EPR

M. Charles Revet .  - Lundi, les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont émis des réserves sur les systèmes de sûreté des réacteurs nucléaires EPR, et ont demandé que leur conception initiale soit améliorée. Grâce à ces réacteurs, la France conserve, avec les États-Unis, une place de leader mondial en matière énergétique et environnementale. Certes, des avancées importantes permettent de développer la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, mais plus de 78 % de notre production d'électricité est toujours d'origine nucléaire.

Je suis d'autant plus sensible à ce sujet que le département de Seine-Maritime compte deux centrales nucléaires, Paluel et Penly, et que le Président de la République a annoncé la construction d'un EPR à Penly, débutant en 2012 pour une mise en service en 2017. Le chantier mobilisera près de 2 500 salariés. 300 emplois directs permanents seront créés pour assurer le fonctionnement du réacteur, auxquels s'ajouteront de très nombreux emplois induits.

Comme la majorité des élus de Seine-Maritime, je suis favorable au développement de l'EPR, mais je suis aussi conscient du risque humain d'une telle entreprise, principal enjeu du débat nucléaire. Le contrôle par deux autorités garantit la transparence des processus, mais la trop grande interconnexion des deux systèmes de contrôle, censés être indépendants, est critiquée.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur les tenants et aboutissants de la controverse sur l'EPR afin de répondre aux interrogations légitimes suscitées par les informations récentes ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports .  - Ces évènements montrent tout l'intérêt d'une autorité de sûreté, gage de transparence, fiable techniquement et libre de parole. Ils apportent la preuve d'un dialogue nourri entre l'autorité et les exploitants ; de ces échanges sont nées des solutions. Toutes les prises de position de l'autorité sont rendues publiques. La représentation nationale peut également être satisfaite de la bonne coordination entre les autorités française, britannique, finlandaise, car la France a souhaité développer les coopérations en ce domaine.

Il est normal que des éclaircissements techniques soient demandés aux industriels et l'autorité joue en cela le rôle que lui a confié le législateur. Les observations concernent le contrôle-commande. Nous avons reçu l'assurance que EDF et Areva s'étaient engagées à fournir toutes les réponses nécessaires  et qu'aucun retard ne serait à déplorer dans l'achèvement des ouvrages. J'ajoute que les fondamentaux ne sont pas en cause. Nous devons songer à la sûreté mais aussi à la performance. Or nous disposons d'un bon outil de production électrique, au service des industries comme des particuliers. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avenir de l'agriculture française

Mme Anne-Marie Escoffier .  - A la création de la Communauté européenne et dans les négociations ultérieures, la France et l'Allemagne se sont engagées à défendre l'agriculture et les industries. Or si les secondes sont relativement protégées, l'agriculture a le triste sentiment d'être abandonnée, en dépit du discours du Président de la République à Poligny la semaine dernière. (M. Didier Boulaud renchérit) Le chef de l'État n'a pas convaincu les organisations professionnelles. Les sénateurs de la France rurale mesurent la légitime colère de ceux qui, dans toutes les filières, ne tirent pas de leur production des prix couvrant les charges et un salaire décent. Il fut un temps où l'on ne voulait pas « désespérer Billancourt ». Mais aujourd'hui, a-t-on conscience de la détresse des Français chargés de nourrir le pays sans juste retour alors que paradoxalement prospèrent l'agro-alimentaire et la grande distribution ? Souligner la noblesse de la terre et de ceux qui la travaillent ne change rien et annoncer un énième plan sans financement ne suffit pas.

L'avenir de l'agriculture se joue en Europe et à l'OMC. Or la PAC se démantèle au fil du temps. Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre l'objectif prioritaire du Président de la République, une nouvelle régulation des marchés dans l'ensemble des filières ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche .  - Nous sommes conscients de la détresse du monde agricole, je l'ai souligné maintes fois. Nous entendons apporter des réponses concrètes. Le Président de la République a annoncé un plan d'aide immédiate en faveur de toutes les filières, d'une ampleur sans précédent...

M. Didier Boulaud.  - C'est ce que vous dites à chaque fois !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ...de 1,650 milliard d'euros. Dès la semaine prochaine, un milliard d'euros de prêts seront disponibles, sur la base d'une convention de prêt bonifié...

M. Didier Boulaud.  - Les agriculteurs sont déjà endettés jusqu'au cou.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ...et 650 millions de crédits budgétaires seront débloqués pour prendre en charge des intérêts d'emprunt, alléger les cotisations à la MSA et apporter une aide directe à ceux qui en ont besoin. C'est un plan sans précédent dans l'histoire de l'agriculture française, il est concret et approprié à la situation. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Quant aux mesures structurelles, elles sont l'objet du projet de loi de modernisation de l'agriculture sur lequel nous travaillons depuis quelques mois. Et nous menons bataille depuis juillet dernier, avec à nos côtés l'Allemagne et vingt-et-un autres États membres, pour imposer une régulation du marché du lait, puis une régulation de l'ensemble des marchés agricoles. Nous travaillons sans relâche et hier encore, le Président de la République et le Premier ministre polonais ont signé une déclaration conjointe sur la régulation des marchés et l'avenir de la PAC. Nous ne céderons pas d'un pouce sur la régulation européenne des marchés agricoles, ni sur une redéfinition de la PAC dans l'intérêt des agriculteurs français. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Paul Raoult.  - L'agriculture va crever !

Présidence d'EDF

M. Jean Arthuis .  - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie et de l'emploi.

M. Jean-Pierre Michel.  - Du chômage !

M. Jean Arthuis.  - Nous avons appris il y a quelques semaines que M. Henri Proglio serait proposé à la présidence d'EDF.

M. René-Pierre Signé.  - Cumulard !

M. Guy Fischer.  - Scandaleuse histoire.

M. Jean Arthuis.  - Il en a toutes les compétences. Mais nous avons aussi eu la surprise d'entendre qu'il ne renoncerait pas, s'il était nommé à EDF, à la présidence qu'il exerce actuellement, celle de Veolia. Ce ne sont pas des petites entreprises : 64 et 36 milliards de chiffres d'affaires, 160 000 et 340 000 salariés... Quelle cohérence y a-t-il dans une présidence conjointe d'une entreprise contrôlée par l'Etat et d'une société cotée en bourse ? Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les risques de conflits d'intérêt. Certains pourraient penser que l'on songe à nationaliser Veolia ou à privatiser EDF ; cela crée une confusion.

Le Gouvernement a fait application des nouvelles dispositions de la Constitution et les commissions compétentes des Assemblées ont auditionné les candidats en vain, puisque la loi organique n'a pas paru ; j'aimerais que vous nous précisiez la doctrine du Gouvernement en matière de gouvernance des entreprises publiques. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite, vifs applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Votre souci est légitime. EDF est une grande entreprise qui joue un rôle important dans la vie quotidienne de tous les Français. (On s'exclame à gauche, où l'on juge le propos banal) Le mandat de son président arrive à échéance le 22 novembre. L'État a soutenu la candidature de M. Proglio ; celui-ci a été entendu par les commissions compétentes des deux Assemblées et a été notamment interrogé sur la compatibilité de ses deux mandats.

M. Proglio est administrateur d'EDF depuis 2004 et n'a jamais eu à connaître de conflits d'intérêt depuis cette date. Le conseil d'administration d'EDF s'est engagé à éviter toute situation qui pourrait y être apparentée. (Vives exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Nous voilà rassurés !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ensuite, M. Proglio ne sera pas un président à mi-temps. (On en doute bruyamment à gauche) S'il est nommé, il exercera à EDF l'intégralité des fonctions opérationnelles, fonctions qu'il ne conservera pas à Veolia (Les railleries à gauche couvrent la voix de l'oratrice)

Enfin, auditionné par les commissions des Assemblées, M. Proglio a indiqué que sa rémunération chez Veolia le plaçait au 28e rang des dirigeants du CAC 40. (On feint de s'apitoyer à gauche, où l'on crie au scandale ; les protestations redoublent) Il n'est pas question de cumul de rémunérations : il n'en percevra qu'une à la tête d'EDF, qui sera fixée lors de sa nomination. (Huées à gauche et applaudissements à droite)

Collectivités locales et concertation

M. Jean-Pierre Bel .  - Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas constater l'émotion considérable que soulèvent les projets du Gouvernement. Et cette émotion n'est pas le fait de la seule opposition, nombreux sont les élus de la majorité, dont des personnalités de premier plan, qui l'expriment. Tous sont affligés par l'impréparation, l'absence d'anticipation et même de simulations qui président à la suppression de la taxe professionnelle -il y va quand même de 26 milliards d'euros. Tous savent qu'il en sera fini de la libre administration des collectivités locales.

Émotion des élus, mais aussi émotion des citoyens, qui ont bien compris que la baisse de la fiscalité des entreprises, 11 milliards d'euros en 2010 et 8 les années suivantes, se paiera par une augmentation de l'impôt qui pèse sur les ménages (on approuve vivement à gauche), une augmentation de près de 30 % : c'est considérable.

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez déclaré que la France était en faillite, pensez-vous que la situation catastrophique des comptes publics vous autorise à charger la barque de 11 milliards supplémentaires en 2010 ? Le déficit budgétaire atteint déjà 140 milliards, celui de la sécurité sociale 28 ; la dette représentera l'an prochain plus de 84 % du PIB. Comment justifiez-vous les 50 milliards de cadeaux fiscaux consentis depuis 2002 ?

Mes chers collègues, nous devrons, vous devrez en payer le prix, réduire drastiquement les services publics de proximité, augmenter les impôts locaux.

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

M. Jean-Pierre Bel.  - Les problèmes que vous avez avec votre majorité vous appartiennent, mais ils ne doivent pas vous empêcher de répondre sur le fond : pourquoi mettre comme vous le faites la charrue avant les boeufs ? Pourquoi refusez-vous de définir les compétences des collectivités locales avant de régler les questions de financement ? Dites-nous si en ces temps tumultueux vous resterez droit dans vos bottes ou si vous laisserez le temps à la concertation, à la réflexion, en un mot au débat démocratique ? (Applaudissements à gauche et sur certains bancs du groupe du RDSE)

M. François Fillon, Premier ministre .  - Pour juger de l'efficacité d'une politique économique, il faut la comparer avec celle des autres pays développés ou avec les politiques alternatives éventuelles. Je constate qu'en 2009, dans un contexte de récession sévère, la France fera deux fois mieux en terme de croissance que les autres pays de la zone euro -l'Allemagne est à moins 5 % ; la Grande Bretagne à moins 4,9 %, l'Italie à moins 4 %. Pour 2010, l'Union européenne nous prédit une croissance de 1,2 %, le double de ce qu'elle prévoit pour la zone euro. Ces résultats sont dus aux décisions que nous avons prises (on le nie vivement à gauche) pour sauver le système financier et mettre en oeuvre le plan de relance, surtout aux politiques structurelles décidées depuis 2002 pour améliorer la compétitivité de notre économie. (Exclamations à gauche, où l'on invite l'orateur à répondre à la question posée) J'avais compris que vous vouliez parler économie, compétitivité, création de richesse ; vous ne parlez que collectivités locales ! (Protestations indignées à gauche)

M. Paul Raoult.  - Il ose dire ça au Sénat !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Quant aux politiques alternatives... Depuis le début de la crise, vous proposez une baisse de la TVA ; le seul pays qui l'a fait s'en mord aujourd'hui les doigts et a les plus mauvais résultats de l'Union ! Vous persistez à demander une hausse de la fiscalité des entreprises, alors que son niveau est justement un obstacle à leur développement ! (On le nie à gauche où les protestations redoublent) Si vous n'écoutez pas, comment pouvez-vous prôner la concertation et le dialogue ? (Applaudissements à droite)

MM. David Assouline et Didier Boulaud.  - Répondez aux questions !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Prenons l'exemple du secteur automobile. Au début des années 1980, la part de marché de l'industrie automobile française au niveau mondial était de 10 %, elle est tombée à 5 %.

Voix sur les bancs socialistes.  - Vive la globalisation !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Cessez de faire le procès de la globalisation. Dans le même temps, la part de marché de l'industrie allemande a seulement reculé de 11 % à un peu plus de 10 %.

M. Paul Raoult.  - Le problème, c'est le ferroviaire !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Cela montre que notre pays souffre d'un défaut de compétitivité, notamment vis-à-vis de son voisin et concurrent d'outre-Rhin. (On s'exclame à gauche)

Comment y remédier ? En baissant les charges sociales ? Les gouvernements successifs s'y sont essayés depuis des années ; seules les cotisations retraite et chômage sur les bas salaires peuvent encore être diminuées, mais personne n'envisage une telle solution. Ainsi, pour créer des richesses et faire en sorte que les communes que vous représentez disposent encore d'une base industrielle, il faut supprimer la taxe professionnelle. (Vives exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Taxez plutôt les revenus des actionnaires !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Nous en profiterons pour réaliser cette péréquation tant réclamée depuis des années, mais que personne n'a jamais mise en oeuvre. (Exclamations indignées à gauche) Les communes et les intercommunalités en bénéficieront, et cela corrigera les injustices auxquelles vous n'avez pas plus que nous su remédier par le passé. (Applaudissements à droite et au centre ; Mme Anne-Marie Escoffier et M. Raymond Vall applaudissent également)

Droit à l'image collective

M. Alain Vasselle .  - Ma question s'adresse à Mme Bachelot-Narquin et concerne le droit à l'image collective (DIC). (Exclamations à gauche) Ma boîte e-mail est surchargée depuis quelques jours, le monde sportif est en ébullition et la polémique enfle.

M. Didier Boulaud.  - Comme la dette !

M. Alain Vasselle.  - L'Assemblée nationale a adopté un amendement supprimant cette exonération en vigueur depuis 2004 ; dans le cadre de la dernière loi de finances, nous avions décidé de redéployer les moyens en faveur des clubs sportifs et de mettre un terme à cet avantage le 1er juillet 2012. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale ramène cette échéance au 31 décembre 2009. Les députés ont pu arguer du montant faramineux du salaire de certains sportifs, de l'inefficacité du dispositif et des conclusions très négatives de la Cour de comptes, qui recommandait dans son rapport de 2009 de supprimer cet avantage. Mais certains se plaignent que cet amendement change inopinément les règles du jeu, qu'il risque d'affaiblir la visibilité des clubs français et d'être source d'insécurité juridique. (On le confirme sur certains bancs socialistes)

Il faut tordre le cou à ces arguments. C'est à vous que je m'adresse, madame, car vous êtes à la fois ministre de la santé et ministre chargée des sports.

Plusieurs voix à gauche.  - Et Rama Yade ?

M. le président.  - Il est temps de poser votre question, monsieur Vasselle.

M. Alain Vasselle.  - Or le ministère de la santé doit 10 millions d'euros à la sécurité sociale, alors que cet avantage fiscal en coûte 28. Il est donc temps d'y mettre un terme, même si j'ai déposé un amendement tendant à reporter l'échéance au 1er juillet 2010. Quel est votre sentiment ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - Vous avez excellemment posé le problème. Le Gouvernement a donné un avis favorable à l'amendement de M. Yves Bur tendant à avancer le terme de cette mesure qui consiste à exonérer de cotisations sociales une partie du salaire des sportifs les mieux rémunérés jouant dans des clubs professionnels. Cette disposition s'est révélée inefficace, puisqu'elle ne suffit pas à aider les clubs à résister à la concurrence de certains clubs étrangers qui rémunèrent quatre ou cinq fois plus leur joueurs ; elle est injuste, puisqu'elle favorise certains clubs au détriment des autres -l'Olympique lyonnais touche 6 millions d'euros, le club de Boulogne 127 000 euros ; enfin elle n'est plus contrôlable, puisque son coût est en augmentation exponentielle : vous avez évoqué la dette du ministère des sports vis-à-vis de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Or le DIC, qui devait coûter 28 millions d'euros cette année, en coûtera finalement 38, soit 15 % du programme « Sport ». Le président de la Ligue de rugby m'a informée hier qu'il me présenterait une facture de 10 millions d'euros au lieu de 3.

Le Premier ministre ni moi-même ne méconnaissons les difficultés auxquelles font face les clubs sportifs. Nous cherchons à y remédier, notamment en rénovant les enceintes sportives qui sont souvent très vétustes dans notre pays : elles ont parfois plus de soixante ans. Le Premier ministre a décidé d'y consacrer une enveloppe de 150 millions d'euros dans l'optique de l'Euro 2016, et nous cherchons à faire accepter des règles de fair play financier, en accord avec le président de l'UEFA Michel Platini et les instances européennes.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - D'autres mesures sont envisageables, et nous avons réuni une commission de travail à ce sujet.

Bien entendu, pour aligner notre calendrier sur celui des clubs, nous sommes prêts à reporter la fin du DIC jusqu'au 30 juin 2010. (Applaudissements au centre et à droite)

Chômage

M. Claude Jeannerot .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ma question s'adresse à madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Les chiffres du chômage ne sont pas bons : le nombre de demandeurs d'emplois a encore augmenté au mois de septembre, la hausse atteignant 25 % en un an. Quant aux chômeurs de moins de 25 ans, leur nombre a augmenté de 30 % : plus d'un jeune sur quatre est aujourd'hui sans emploi. La situation varie fortement selon les territoires : en Franche-Comté, ma région, qui est très touchée, cette proportion atteint 35,5 %. Quant aux offres d'emploi recueillies par Pôle emploi, leur nombre a chuté de 17 %.

Cette hausse du chômage, qui traduit la violence de la crise, dégrade fortement nos comptes sociaux et hypothèque l'avenir. Derrière ces chiffres, il y a des visages d'hommes et de femmes qui peinent à subvenir à leurs besoins quotidiens. Ils ne veulent pas d'une allocation, mais réclament un emploi pour vivre dignement. Vous avez entendu le constat dressé ce matin par le Secours Catholique, qui donne tort à M. le Premier ministre. Seuls comptent les résultats. A mi-parcours du mandat présidentiel, n'est-il pas temps d'élaborer, comme vous y invite le Bureau international du travail, une véritable stratégie en faveur de l'emploi qui aille bien au-delà du faible plan de relance ? N'est-il pas temps de revenir sur les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches ? N'est-il pas temps d'en finir avec une politique du coup par coup et de repenser tout notre système fiscal avec pour double objectif l'efficacité économique et l'équité sociale ? (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Merci d'avoir décrit notre situation économique de manière équilibrée. Quand l'heure est grave, c'est la seule bonne approche. Revenons sur les chiffres. Ceux de septembre montrent, certes, une légère aggravation par rapport à ceux d'août, mais l'évolution au cours des trimestres indique un mouvement légèrement favorable. Ce n'est en rien une victoire car les demandeurs d'emploi seront plus nombreux encore en 2010, même avec la reprise, telle que l'a décrite M. le Premier ministre, et une politique attentive à l'emploi, qui est notre priorité. Tout simplement, parce qu'il dans la nature des crises d'amorcer d'abord la reprise pour recréer, ensuite, de l'emploi.

M. David Assouline.  - Et pour maintenant ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - En 2009, la moyenne mensuelle était de 81 200 chômeurs supplémentaires au premier trimestre, 25 400 supplémentaires au deuxième et 16 800 supplémentaires au troisième. (Exclamations à gauche) Je n'en tire aucune gloire.

M. René-Pierre Signé.  - Et les chômeurs cachés ? Et les RMIstes ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - On observe donc une réduction tendancielle de l'augmentation des demandeurs d'emploi.

Face à cette situation, nous devons impérativement mobiliser tous les leviers de notre politique de lutte contre le chômage. Premièrement, le Fonds d'investissement social, mis en place avec les partenaires sociaux, a été doté de 1,4 milliard supplémentaire pour le maintien de l'emploi. Deuxièmement, nous devons mieux indemniser le chômage partiel et durant des périodes plus longues -sur ce point, la comparaison avec l'Allemagne est éclairante- pour que les entreprises maintiennent les contrats et les réactivent lors de la reprise. Troisièmement : les contrats de transition professionnelle, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, dans votre département. Pas moins de 41 existent sur tout le territoire et permettent une indemnisation à 100 % durant douze mois avec des périodes de formation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Enfin, les jeunes, qui sont, effectivement, les plus touchés par le chômage. Notre plan pour la jeunesse prévoit le placement de 500 000 jeunes par tous les moyens, de l'apprentissage à l'alternance.

Nous devons continuer à mettre en place ces mesures, nous devons être à l'écoute du marché pour aller chercher les emplois là où ils sont. Pour ce faire, l'attractivité du territoire est importante et la taxe professionnelle y joue un rôle. (Applaudissements à droite ; sarcasmes à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Elle est bien bonne !

M. René-Pierre Signé.  - Comme par hasard, la taxe professionnelle ne vient qu'en conclusion !

Plan cancer II

M. Alain Milon .  - Lundi dernier, le Président de la République a donné le coup d'envoi du Plan cancer II, lequel vient consolider le premier plan lancé sous M. Chirac qui avait fait de la lutte contre cette maladie un des chantiers prioritaires de son quinquennat. Près de 750 millions supplémentaires seront dégagés sur cinq ans...

M. Didier Boulaud.  - Où va-t-il trouver l'argent ?

M. Alain Milon.  - ...pour réduire les inégalités sociales et géographiques dans le traitement de cette maladie qui touche 350 000 français chaque année, avec pour objectif nouveau de mieux préparer la vie des patients.

Du dépistage aux moyens de communication, de la recherche aux soins, les principes de ce plan donnent entière satisfaction aux médecins et aux associations, j'y insiste.

M. René-Pierre Signé.  - Faux !

M. Alain Milon.  - Élément nouveau et, à mes yeux considérable, ce plan, davantage tourné vers l'aspect humain et social de la maladie que le précédent, propose des mesures pour améliorer la vie pendant et après le cancer ainsi qu'une prise en charge spécifique, en particulier psychologique, du cancer de l'enfant, de l'adolescent et du jeune adulte. Aujourd'hui, avec une personne sur deux guérissant d'un cancer -puisse ce pourcentage augmenter encore !-, la vie après le cancer ne doit plus être taboue.

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

M. Alain Milon.  - Aussi faut-il décomplexer la vision du cancer et penser à un accompagnement des personnes guéries ou en rémission. Madame la ministre, pouvez-vous conforter mes propos en précisant le Plan cancer II ? (Applaudissements à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - Cher Alain Milon (M. Didier Boulaud ironise), M. le Président de la République a annoncé à l'Institut Paoli-Calmettes de Marseille, cher à M. Jean-Claude Gaudin, un plan de lutte contre le cancer extrêmement ambitieux de 2 milliards, dont 750 millions de mesures nouvelles. Le fil rouge de ce plan est la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat en doute) Nous devons élaborer une approche spécifique pour le cancer de l'enfant qui touche 1 700 enfants de moins de 15 ans chaque année avec une prise en charge personnalisée et des consultations pluridisciplinaires pour assurer le passage de la médecine pédiatrique à la médecine adulte. Autre sujet, améliorer la vie après le cancer car, vous l'avez rappelé, une personne sur deux guérit aujourd'hui de cette maladie. Pour éviter aux anciens malades la relégation sociale, il faut notamment moderniser la convention d'assurance, Mme Hermange l'a souligné. Les personnes guéries doivent sortir de la prise en charge des affections de longue durée (ALD) tout en gardant les 100 % de remboursement pour les examens de contrôle... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)

M. Guy Fischer.  - Votre seul but : faire des économies !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - ...pour mieux se réinsérer en termes social et professionnel mais aussi en termes de logement. Tout cela est au coeur de notre plan cancer ! (Applaudissements à droite)

Avenir de la protection sociale

M. Yves Daudigny .  - Comment ne pas s'interroger, madame la ministre, sur les choix de votre Gouvernement en matière de santé publique ? Les déficits sont abyssaux, sidérants, terrifiants : 10 milliards en 2008 pour le régime général, 23,5 milliards en 2009 ; toutes les branches déficitaires et un déficit de la branche maladie multiplié par deux et demi ; un plafond historique de 65 milliards d'emprunts pour l'Acoss en 2010. Ce déficit est, certes, creusé par la crise mais il est structurel. En témoigne le président de la Cour des comptes pour lequel « le déficit très important, qui pourrait atteindre 30 milliards, est de nature à compromettre la pérennité de la protection sociale ». Et, pourtant, votre projet de loi de financement de la sécurité sociale est indigent, surréaliste. A cette coupable passivité, vous ajoutez encore l'injustice sociale !

Aujourd'hui, 27 % de nos concitoyens retardent leurs soins ou y renoncent ; 5 millions n'ont pas de couverture complémentaire. Cela entraîne des pathologies plus graves dont la prise en charge coûte cher...

Vous faites supporter aux ménages le coût de ce déficit : augmentation du forfait hospitalier et du coût des complémentaires, déremboursements des médicaments ; vous envisagez même de taxer les indemnités versées aux victimes d'accident du travail ! Vous multipliez les fermetures de blocs opératoires, et vous refusez de sortir la CRDS du bouclier fiscal, comme le demande votre propre camp !

Quel est le dessein du Gouvernement ? Est-ce d'accompagner l'effondrement financier de la sécurité sociale pour liquider définitivement l'héritage du Conseil national de la Résistance ? (Exclamations à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pour mieux l'étrangler !

M. Yves Daudigny.  - Est-ce de substituer aux valeurs de solidarité et de mutualisme les principes de concurrence, de rentabilité, d'individualisme ? (On s'impatiente à droite) Est-ce de confier au marché notre protection sociale ? Quand allez-vous dire enfin la vérité aux Français ? (Applaudissements nourris à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - Vous avez allègrement mélangé les chiffres entre les différentes branches de la sécurité sociale. (Protestations à gauche) En 2009, la branche maladie a su tenir les objectifs fixés et contenir les dépenses : j'en remercie les acteurs de l'assurance maladie. Pour 2010, nous garantissons une progression des dépenses de 3 % : dans les circonstances actuelles, c'est un réel effort d'investissement pour la santé. Nous garantissons le taux de prise en charge le plus élevé du monde, et le reste à charge le plus faible ! (Applaudissements à droite)

Nous adaptons les prises en charge aux plus fragiles. Nous améliorons l'accès à la couverture complémentaire : il augmente de 75 % pour les 50 à 60 ans, grâce à M. Méhaignerie, et double pour les plus jeunes, avec 100 euros supplémentaires ! Nous luttons également contre les dépassements d'honoraires. (Exclamations à gauche) Le dernier protocole d'accord signé le 15 octobre avec le secteur optionnel va en permettre le contrôle et obliger les médecins à offrir des soins à tarifs opposables.

M. Guy Fischer.  - On en reparlera !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Nous luttons contre le refus de soins, en prévoyant des sanctions. (M. Guy Fischer s'exclame)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous les refusez !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - A l'hôpital, nous orientons la tarification à l'activité vers la prise en charge des plus faibles : 100 millions sont accordés aux établissements qui accueillent des personnes en situation de précarité. La lutte contre les inégalités sociales est le fil rouge de notre politique ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Langue de bois !

Cumul des mandats

M. Jean Louis Masson .  - Suite aux récentes péripéties à l'Assemblée nationale, la presse a relancé la polémique sur l'absentéisme parlementaire. (On se moque à droite, en estimant que l'orateur est mal placé pour en parler) Pour y répondre, les commissions de l'Assemblée obligent désormais les députés à émarger. De nombreux députés de droite comme de gauche ont jugé cette mesure « ridicule », imputant l'absentéisme au cumul des mandats.

M. René-Pierre Signé.  - Comme Proglio !

M. Jean Louis Masson.  - Le problème est surtout celui du cumul d'un mandat parlementaire avec de lourdes fonctions exécutives locales. (Exclamations moqueuses à gauche) La charge de travail d'un simple conseiller municipal ou général n'est pas celle d'un maire de grande ville, d'un président de conseil général, de conseil régional ou de communauté d'agglomération, qui sont des activités à plein temps.

M. Didier Guillaume.  - Et ceux qui sont à la fois maire et ministre ?

M. Jean Louis Masson.  - Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein temps (Exclamations moqueuses à droite comme à gauche)

Le Président Sarkozy s'est déclaré hostile à un cumul excessif. Le parti socialiste s'est engagé fermement sur le sujet. (On s'amuse à droite)

M. Didier Guillaume.  - Doucement ! (Sourires)

M. Jean Louis Masson.  - Autant de déclarations de bonnes intentions, mais rien dans les faits. A la veille de la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement va-t-il enfin proposer des mesures concrètes pour renforcer la limitation du cumul des mandats ? (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes, où l'on souligne que l'orateur n'est pas applaudi)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales .  - La réponse est non : le Gouvernement n'a pas l'intention de modifier la législation en la matière (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

La réforme des collectivités territoriales prévoit la création de conseillers territoriaux, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional. (Exclamations à gauche) Moins nombreux, ils seront élus dans les cantons au scrutin majoritaire pour 80 % d'entre eux, par répartition proportionnelle au plus fort reste pour 20 %. Les petits départements compteront au minimum quinze élus et seront donc mieux représentés qu'aujourd'hui au sein des régions. (Brouhaha à gauche) Ces conseillers territoriaux seront titulaires d'un mandat unique, même s'ils siègent dans les deux assemblées.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est un tour de passe-passe !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Leur suppléant, qui sera obligatoirement de sexe opposé (Exclamations à gauche, où l'on revendique l'instauration de la parité)... pourra siéger dans les organismes extérieurs où il représentera la région ou le département.

S'agissant du cumul d'un mandat parlementaire et de la présidence d'un exécutif local, je doute que les divergences aient disparu entre l'Assemblée nationale et le Sénat et qu'un consensus puisse émerger. Nombreux sont ceux, sur tous les bancs, qui refuseraient une telle interdiction.

M. Didier Guillaume.  - Absolument.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cela pourrait en outre affaiblir le rôle de votre Haute assemblée, dont la fonction est de représenter nos collectivités territoriales. (Applaudissements à droite et sur certains bancs socialistes)

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 20.

La Poste (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus, au sein de l'article premier, aux explications de vote sur l'amendement n°432.

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. Michel Teston.  - L'attachement que nous manifestons au maintien du statut actuel de La Poste tient à trois raisons : il est adapté à l'ouverture à la concurrence, aucune législation cadre européenne n'oblige à un changement de statut et le renforcement des fonds propres de l'établissement est possible, puisque outre sa participation à l'effort de présence postale, l'État pourrait accompagner davantage le transport et la distribution.

Notre amendement n°432, de repli, prévoyait que le capital, en cas de changement de statut, reste à 100 % public. Car en dépit des dénégations du rapporteur, il est clair qu'il s'agit bien, dans un premier temps, de faire sauter le verrou de l'Epic pour pouvoir, dans un second temps, ouvrir le capital quand l'opportunité s'en présentera. Si nous avions le moindre doute là-dessus, l'avis défavorable du ministre et du rapporteur à notre amendement prouve assez que le Gouvernement ne veut pas s'engager sur le caractère public du capital. Cela suffit à nous détourner de toute position de repli, et nous conduit à réaffirmer notre volonté de voir maintenu le statut actuel de La Poste.

L'amendement n°432 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'intégralité du capital reste la propriété de l'État. Il est réputé incessible.

Mme Odette Terrade.  - Seule la maîtrise publique du capital assure la poursuite de l'intérêt général, loin de tout régime de marchandisation des services que prône la Commission européenne.

Avec la transformation en société anonyme, qui ouvre à la privatisation, nous craignons la précarisation des personnels, la détérioration du service public, une présence territoriale incomplète et inégalitaire. La destruction des réseaux, une fois devenue réalité, est, sachez-le, irrémédiable.

La privatisation des services postaux, à laquelle appelle la Commission européenne, a déjà été largement entamée, et avec zèle, par la direction de La Poste, où l'on privilégie les grands opérateurs au détriment des petites entreprises, où les tarifs augmentent à mesure que le colissimo, privé, remplace le colis ordinaire, encore public, tandis que les bureaux disparaissent et que les facteurs se font de plus en plus rares : ils assurent pourtant un lien essentiel, et favorisent bien souvent le maintien à domicile des personnes âgées.

Avec ce projet de loi, l'État pourra se trouver, à terme, en position minoritaire et l'amendement présenté par la commission au sujet du conseil d'administration n'est pas fait pour nous rassurer. Nous réaffirmons, par cet amendement, notre volonté de voir l'État conserver la pleine maîtrise de l'opérateur.

M. le président.  - Amendement n°447, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le capital de la société est entièrement détenu par l'État.

M. Michel Teston.  - C'était là un amendement de repli, nous le retirons, comme nous retirerons les suivants, pour les raisons que j'ai exposées.

L'amendement n°447 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Frassa.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

Son capital, détenu par l'État, peut-être ouvert à d'autres institutions financières publiques françaises qui exercent des activités d'intérêt général pour le compte de l'État, à l'exception de...

M. Christophe-André Frassa.  - Cet amendement visait à garantir que seul l'État et la Caisse des dépôts pussent entrer au capital, mais eu égard aux assurances qui ont été données au cours du débat, et celles que j'ai reçues par lettre du ministre, je le retire.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°431, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

de la société

insérer les mots :

en totalité public

M. Michel Teston.  - Même remarque que pour les amendements n°s432 et 447. M. le ministre et M. le rapporteur y verront sans doute la preuve que nous ne faisons pas d'obstruction. Eux qui doutaient de notre volonté d'avancer dans ce débat, voilà une preuve supplémentaire qu'il n'en est rien. En revanche, nous attendons toujours que vous nous apportiez la preuve que l'Epic ne peut pas permettre à La Poste de se moderniser !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - On l'a fait !

L'amendement n°431 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°567, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Amoudry, Deneux, C. Gaudin, Merceron et Biwer, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. Zocchetto et Soulage.

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

État

insérer les mots :

, actionnaire majoritaire,

M. Jean-Claude Merceron.  - Quatre jours après le début de ce débat, je vais enfin pouvoir présenter le premier amendement de notre groupe.

M. Thierry Repentin.  - Bravo !

M. Jean-Claude Merceron.  - Cet article ne garantit pas que l'État puisse peser d'un poids substantiel dans la gestion de La Poste. A la différence des autres personnes morales de droit public, seul l'État assure certains services publics et garantit l'aménagement du territoire. Il doit donc rester l'actionnaire majoritaire.

M. le président.  - Amendement n°266, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

et par d'autres personnes morales de droit public.

M. Jacques Muller.  - La notion de personne morale de droit public regroupe l'État, les collectivités locales, certains établissements publics et la Caisse des dépôts et consignations. Seule cette dernière sera à même d'investir dans La Poste : « de par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l'intérêt général, elle joue un rôle de tiers, de confiance au service des acteurs publics du développement local ».

Si La Poste devient une SA, la Caisse des dépôts pourra toujours investir, mais sa logique ne sera plus la même : elle voudra un retour sur investissement. Rien n'empêchera donc demain la Caisse des dépôts de revendre ses actions si elle juge leur rendement insuffisant. Pour éviter tout risque de privatisation rampante, il convient donc d'écarter la Caisse des dépôts du capital de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

l'État

supprimer la fin de cette phrase.

M. Thierry Foucaud.  - L'État doit être le seul détenteur du capital de La Poste. Les autres personnes morales de droit public risquent en effet de céder à terme leurs actions. Le service postal doit rester la propriété de l'État.

Les exemples ne manquent pas de promesses non tenues, de mensonges éhontés qui ont fait passer des entreprises publiques sous le contrôle de capitaux privés. Ces entreprises sont devenues des machines à fabriquer du retour sur investissement pour le plus grand bénéfice des actionnaires et au détriment des services rendus aux usagers et des conditions de travail des salariés.

En outre, il existe de véritables fractures statutaires au sein de La Poste : les agents qui sont entrés il y a plusieurs décennies sont des fonctionnaires mais ceux qui ont été embauchés plus récemment l'ont été sous contrats de droit privé, parfois précaires. Tout ceci ressemble furieusement à ce qui s'est passé à France Télécom. Ni les salariés, ni les parlementaires ne peuvent passer sous silence ces cruelles expériences.

Nous défendons donc le service public postal car les salariés et les usagers ne doivent pas être sacrifiés.

M. le président.  - Amendement identique n°265, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

M. Jacques Muller.  - Puisque vous persistez à prétendre que le changement de statut juridique est la meilleure solution pour l'entreprise La Poste, la moindre des choses serait que l'État soit le seul détenteur de son capital afin de garantir un service public de qualité pour les usagers et de protéger les conditions de travail des salariés qui y travaillent.

En effet, le changement de statut risque de se faire au détriment du personnel de La Poste dont les effectifs sont passés, entre 2004 et 2008, de 280 000 à 257 000 agents : le nombre des fonctionnaires a diminué de plus de 20 % tandis que celui des contractuels augmentait, dans le même temps, de 16,5 %.

La dégradation des services de La Poste est partout observable, à la ville comme à la campagne. Le changement de statut fait craindre la poursuite des licenciements et la suppression de nouveaux bureaux de poste au nom de la rentabilité. Le fonctionnement d'un service public de qualité ne pouvant s'accommoder de la réduction des effectifs, La Poste ne doit donc pas quitter le giron de l'État.

M. le président.  - Amendement identique n°441 rectifié, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous ne voulons pas que La Poste soit transformée en société anonyme. Une telle évolution ne se justifie pas économiquement et elle risque d'accroître les inégalités entre les Français. La menace de privatisation est bien réelle et vous voulez entraîner La Poste dans une course à la rentabilité et à la concurrence, ce qui ne peut se faire qu'au détriment des usagers. En outre, rien n'obligeait le Gouvernement à ouvrir ce secteur à la concurrence et à privatiser.

La Commission européenne sur les services d'intérêt général a déclaré le 26 septembre 1996 que : « la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels est garantie par l'article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut public ou privé des entreprises chargées des missions d'intérêt général et n'impose donc aucune privatisation ». Il s'agit donc bien d'un choix idéologique de votre part : nous ne pouvons y souscrire.

La Poste n'est pas une entreprise comme les autres : elle incarne le service public auquel les citoyens ont montré leur attachement le 3 octobre. Vous vous trompez donc de combat, monsieur le ministre. C'est pour cette raison que nous voulons supprimer l'actionnariat du personnel : les salariés de La Poste sont guidés par l'intérêt général. En faire des actionnaires n'est pas compatible avec les valeurs qu'ils défendent. Ce n'est pas en les achetant ainsi que vous les ferez changer d'avis.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

après les mots :

de droit public

Supprimer la fin de cette phrase.

Mme Éliane Assassi.  - Les salariés ne doivent pas prendre part au capital de La Poste. Comment prétendre que cette entreprise va rester publique si une partie de son capital est détenue par des salariés qui pourront, dans deux ans, céder leurs actions à tout un chacun ?

Vous n'avez pas jugé utile de préciser qu'ensuite les salariés ne pouvaient revendre leurs actions qu'à d'autres salariés ou à l'État afin de conserver l'architecture initiale ; il est simplement indiqué que cette participation doit être minoritaire. Il est donc possible que 49,9 % des actions soient données dans un premier temps à des salariés, et que deux ans plus tard cette part du capital appartienne à des personnes privées uniquement intéressées au profit réalisé par l'entreprise. Cette disposition pernicieuse ouvre la porte à la privatisation.

Nous nous sommes toujours prononcés contre ce type de dispositif car la participation et l'intéressement individualisent davantage encore les rémunérations et se substituent le plus souvent aux augmentations de salaires -d'autant que ceux des postiers ne sont pas mirobolants... L'actionnariat salarié concerne généralement des cadres dirigeants et fait partie de leurs rémunérations. Pour les autres, il s'agit plutôt d'une épargne forcée. Les entreprises font ainsi miroiter des gains à leurs employés pour qu'ils se serrent la ceinture. Si l'actionnariat salarié fait naître un monde de petits boursicoteurs, les grandes entreprises bénéficieront de sources de financement fiables et peu exigeantes en matière de rentabilité financière. Cette disposition, qui ne fera pas gagner un euro de plus aux postiers, déconstruira encore les relations de travail et les négociations collectives.

M. le président.  - Amendement identique n°267, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

M. Jacques Muller.  - Le capital de La Poste ne doit être détenu que par l'État et d'autres personnes morales de droit public. La directive n'oblige pas à ouvrir le capital de La Poste à d'autres entités. Cela n'apporte rien à son fonctionnement ni aux usagers, et la cession d'actions aux personnels peut faciliter à terme une privatisation partielle. Seul l'État doit financer le fonctionnement d'un service public par essence comme La Poste.

Le personnel de La Poste est rémunéré dans le cadre d'un statut de la fonction publique ou dans un cadre contractuel. Les agents ne sont pas censés boucler ou arrondir leurs fins de mois en fonction de la rentabilité du service public postal, dont l'esprit est menacé par cette dérive. Quid alors de la présence postale, du prix unique du timbre, de l'accessibilité ?

Le salaire moyen d'un postier tourne aux environs de 1 200 euros. Peut-on boursicoter avec un tel revenu ? (Marques d'approbation sur les bancs CRC) Cette mesure profondément injuste ne concernerait que la frange la mieux rémunérée des employés de La Poste. Si l'objectif est de faire une fleur aux agents, il serait plus juste d'augmenter les salaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement identique n°433 rectifié, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est redondant avec l'amendement n°441 rectifié, déjà défendu.

L'amendement n°433 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°268, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

A l'exception de la part détenue au titre de l'actionnariat de ses personnels, 100% du capital de La Poste est public.

M. Jacques Muller.  - Il s'agit encore d'un amendement de repli. Si la personne morale de La Poste est transformée en société anonyme, la totalité du capital de La Poste doit demeurer public. La ministre de l'économie a récemment déclaré lors d'une interview que « les acteurs qui vont entrer au capital [de La Poste] seront des acteurs publics, notamment la Caisse des dépôts et consignations ». Nous souhaitons inscrire clairement cette garantie dans la loi car nous ne pouvons nous contenter des paroles du Gouvernement dans les médias, d'autant que nombre de ses engagements ne sont pas tenus. Par cette proposition, nous faisons une concession.

M. le président.  - Amendement n°269, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parts du capital de La Poste sont incessibles à d'autres catégories d'acteurs que les trois susnommées.

M. Jacques Muller.  - La sphère publique est mouvante. L'exemple de France Télécom en témoigne : le capital détenu par l'État s'est progressivement réduit à 27 %. S'il est initialement prévu que le capital de La Poste soit détenu en totalité par l'État, ces statuts pourront ensuite être modifiés par décret en Conseil d'État. Nous souhaitons garantir que l'État, d'autres personnes morales de droit public ou les personnels actionnaires conservent leurs parts sociales.

En tant qu'actionnaire principal, l'État a un véritable rôle à jouer dans la gestion de l'opérateur historique. Pour éviter les problèmes rencontrés par la société anonyme France Télécom, les pouvoirs publics doivent assumer pleinement leur responsabilité économique, financière, sociale et écologique. Si cet amendement n'est pas adopté, la voie de la privatisation est largement ouverte.

M. le président.  - Amendement n°270, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité.

M. Jacques Muller.  - Le 15 juin 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, a déclaré que EDF et Gaz de France ne seraient pas privatisées. La situation actuelle est bien différente...

Nous prenons au mot le ministre, qui a déclaré ne pas vouloir privatiser La Poste : il doit donc soutenir notre amendement. La nature publique des actionnaires d'une société anonyme ne garantit en aucun cas un comportement vertueux. Le cas de la Caisse des dépôts et consignations en témoigne. Les salariés de La Poste pourraient eux aussi ne pas résister aux plus-values financières et céder leurs actions. Cette clause d'incessibilité apporterait une garantie juridique supplémentaire pour le maintien de La Poste dans le giron public.

Si le Gouvernement compte bien préserver le caractère public de La Poste, ne pas se dédire ni voir se répéter ces scénarios similaires à celui de GDF, il ne peut qu'être favorable à cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°272, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité jusqu'en 2020.

M. Jacques Muller.  - Cet amendement de repli prévoit une incessibilité temporaire de près dix ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes effectivement dans le repli !

M. Jacques Muller.  - L'incessibilité totale des actions de La Poste nous ayant été refusée, nous essayons de limiter la casse. Ce type de démarche est commun dans la vie des entreprises. Ainsi, Nestlé et la famille Bettencourt ont signé un pacte d'actionnaires pour L'Oréal incluant des clauses de préemption et d'incessibilité temporaire des actions. Pour paraphraser le slogan de cette marque, « Parce que vous le valez bien », si La Poste vaut plus qu'une messe, elle vaut bien a minima une clause d'incessibilité.

M. le président.  - Amendement n°271, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cession d'actions de toute autre catégorie d'acteurs que l'État ouvre droit à préemption de celui-ci sur ces actions.

M. Jacques Muller.  - Je suis convaincu que le ministre et le rapporteur donneront un avis favorable à cet amendement, qui vise lui aussi à garantir le maintien du caractère public de l'actionnariat de la société anonyme La Poste. Vous allez m'opposer que l'on ne peut interdire aux futurs actionnaires de céder leurs actions, mais l'État doit disposer d'un droit préférentiel d'acquisition. Il serait paradoxal que le Gouvernement refuse cette disposition car cette pratique est commune dans le monde des sociétés et des affaires.

M. le président.  - Amendement n°336, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Après le 1er janvier 2010, les parts du capital de La Poste ne seront cessibles qu'à l'État ou à d'autres personnes morales de droit public.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est similaire à l'amendement n°432, déjà défendu.

L'amendement n°336 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°582, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La part de l'État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital.

M. François Fortassin.  - Il s'agit de garantir le caractère d'actionnaire majoritaire de l'État parmi les actionnaires publics. Le texte prévoit que le capital sera public -hormis la part détenue par le personnel- mais ne précise pas quelle part sera détenue par l'État.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Avis défavorable sur le n°31 rectifié, la participation de personnes publiques ne peut en rien être assimilée à une privatisation. Je souhaite l'avis du Gouvernement sur le n°567, qui me paraît de bon sens. L'adoption du n°266 empêcherait La Poste d'obtenir des capitaux indispensables à son développement : retrait ou rejet. Sur les n°s26, 265 et 441 rectifié, je me suis déjà expliqué. Retrait ou rejet.

La participation du personnel au capital est un moyen efficace de motiver ce dernier. (Mme Éliane Assassi s'indigne)

M. Jean Desessard.  - C'est incroyable !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Mais cette part est minoritaire, il n'y a pas lieu de craindre une privatisation. Une société anonyme a la capacité, je vous le rappelle aussi, d'attribuer des actions gratuites ! Retrait ou rejet des amendements n°s27 et 267 : il est dommage d'évoquer un risque qui n'a pas de consistance. (Protestations sur les bancs de gauche) J'ajoute que si les salariés veulent céder leurs titres, ils les vendront à l'État ou aux personnes publiques présentes au capital. M. Desessard a un amendement intéressant sur ce point.

Les amendements n°s268, 269 et 270 sont satisfaits par la rédaction actuelle. Défavorable. La clause d'incessibilité de l'amendement de repli n°272 n'est pas non plus justifiée. Sur le droit de préemption de l'État, à l'amendement n°271, je rappelle que le caractère public du capital est garanti. Le n°336 est contradictoire avec les dispositions ouvrant le capital aux salariés. Enfin, le n°582 est intéressant, qu'en pense le Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - L'État doit-il être le seul actionnaire ? Il serait dommage de priver La Poste des capitaux apportés par la CDC. Défavorable par conséquent au n°31 rectifié. Le n°567 n'apporte rien mais ne comporte pas d'inconvénient. Sagesse. Je m'étonne que vous vouliez supprimer un droit que nous ouvrons aux salariés : pourquoi les priver de pouvoir détenir une part du capital ? Laissez-leur le choix ! Comment pouvez-vous tout à la fois prétendre défendre leurs intérêts et leur refuser l'opportunité de devenir actionnaires ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Versez-leur de meilleurs salaires !

M. Christian Estrosi, ministre.  - De même je suis en désaccord avec vos propositions sur l'incessibilité : les salariés peuvent revendre leurs titres à l'État, à la CDC ou aux autres salariés. C'est pourquoi je suis défavorable aux amendements : cependant celui de M. Desessard, le n°271, sur le droit de préemption, comporte un certain bon sens. Sagesse.

Mme Odette Terrade.  - Si M. le ministre entend rendre La Poste « imprivatisable », pour reprendre son néologisme, nous lui en offrons le moyen avec notre amendement de repli. Si M. Estrosi ne soutient pas le n°31 rectifié, cela prouvera que dans la novlangue sarkozyste, les mots ne renvoient à aucune réalité et que les promesses ne traduisent aucun engagement.

M. Jean-Pierre Bel.  - Le conseil de surveillance de la CDC réuni il y a deux jours n'a été saisi d'aucun projet de participation dans la future société anonyme. Certes, il se réunira à nouveau dans quinze jours. Mais trouvez-vous normal qu'il n'ait pas encore pu discuter de cette question, alors que la transformation de La Poste interviendra très prochainement ?

M. Thierry Foucaud.  - Le texte initial est une provocation, après le succès de la pétition et les nombreuses déclarations du Gouvernement. « A la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l'État. » est-il écrit à l'article premier. Et ensuite ? Le statut de société anonyme autorise la détention d'actions par une SEM. Par quelle magie le Gouvernement pourrait-il garantir que ce ne sera jamais le cas ? En période de crise et face aux injonctions européennes de tout ouvrir à la concurrence, comment certifier que le capital de La Poste sera toujours à 100 % public ? Le Gouvernement donne sa parole pour calmer une opinion publique hostile à la privatisation.

Mais nous en doutons, car l'opération n'est pas une première ; nous avons vu, malgré les promesses, des privatisations totales accompagnées d'une dégradation du service, d'une hausse des tarifs, d'une moindre couverture du territoire, du malaise d'employés contraints de se soumettre à la logique de la rentabilité à tout prix. Nous avons tous en tête l'exemple dramatique de France Télécom, mais il y a aussi GDF ou je ne sais quel morceau de ce qu'on appelait naguère EDF... Pourquoi en irait-il autrement demain avec La Poste ? Les personnels le disent : l'entreprise est déjà prête à être vendue à la découpe, laissant à l'État les activités les moins rentables et abandonnant les conseils et services quotidiens que certains « moutons noirs » rendent encore malgré les pressions. Et ces activités, dont les moyens baisseront sans cesse, seront ensuite purement et simplement supprimées -hypothèse plus crédible que le maintien de la propriété publique du capital...

M. Michel Teston.  - L'amendement de nos collègues du groupe CRC est intéressant, mais nous nous défions comme eux du Gouvernement. Nous redoutons que la disparition de l'Epic n'ouvre la porte à une privatisation ultérieure. Nous ne participerons pas au vote.

M. Hugues Portelli.  - Ce débat est un peu surréaliste.

M. Hugues Portelli.  - Tous les étudiants de première année de droit le savent... (Exclamations indignées à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Restez correct !

M. Hugues Portelli.  - ...une entreprise publique peut avoir plusieurs statuts juridiques. La Poste est au moins depuis 1968 un service public à caractère industriel et commercial, ce qui a des conséquences en termes de missions et de statut des agents. Si pour des raisons historiques, une grande partie de ceux-ci sont fonctionnaires, rien ne l'impose. Les missions de La Poste peuvent en outre varier dans le temps ; le secteur des télécommunications est ainsi sorti du service public.

L'activité postale relève de l'Union européenne, une directive a été votée.

M. Jean Desessard.  - Par vous !

M. Hugues Portelli.  - Et par tous vos amis des partis socialistes européens ! Après une vraie bataille politique, nous avons obtenu, à rebours de la libéralisation totale annoncée, la reconnaissance de la notion de service public universel. Ce n'est pas si mal. Il s'agit maintenant pour les États d'adapter la directive, c'est ce à quoi procède le texte dans un sens conforme à la tradition de notre service public postal. Si nous voulons que La Poste ne meure pas de la concurrence, il faut changer son statut pour lui permettre de se financer. Nous le faisons en nous assurant que le capital restera public. Partout en Europe on a procédé de même. C'est le bon sens financier, le bon sens juridique, le bon sens tout court. C'est faire preuve d'une grande ignorance de prêter des intentions perverses au Gouvernement et à sa majorité. Il y a d'autres statuts que celui qui avait cours au XIXe siècle...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merci de la leçon, monsieur le professeur !

M. Jean Bizet.  - Vous ne l'avez pas écoutée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La seule question qui vaille est celle-ci : la directive oblige-t-elle à changer le statut de La Poste ? (On répond bruyamment par la négative à gauche) Non. Nous soutenons depuis trois jours qu'un Epic peut recevoir des dotations de l'État. Voyez la SNCF, voyez les offices de l'habitat !

M. Thierry Repentin.  - Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Que vouliez-vous démontrer au juste ? Nous entendons toujours les mêmes arguments (rires et exclamations incrédules à droite) sans jamais obtenir de réponse aux nôtres.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Un mot à M. Bel. Le Président de la République a clairement indiqué en décembre 2008 que la Caisse des dépôts participerait au capital de la nouvelle SA. J'ai personnellement eu des contacts avec M. de Romanet sur le sujet et celui de la représentation de la Caisse au conseil d'administration de La Poste -nous débattrons ultérieurement d'un amendement de la commission sur ce dernier point. Je sais que le rapporteur et le président de la commission en ont eu d'autres.

L'amendement n°31 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Merceron.  - Nous somme attachés à l'amendement n°567, qui garantit l'engagement majoritaire de l'État dans la SA.

M. Thierry Foucaud.  - On ne cesse de dire que La Poste n'est pas une entreprise comme les autres, mais nos collègues centristes -pas tous, je le note- font comme s'ils n'avaient rien entendu. Ils proposent de fixer la participation de l'État à au moins 51 %. Ce qui veut dire que l'État pourra se refaire une santé financière en cédant ses parts à la Caisse des dépôts et à d'autres personnes morales de droit public. Pourquoi pas une région ou un département ? Cela s'est vu, sans guère de succès... C'est oublier un peu vite que la Caisse participe au Fonds stratégique d'investissement -qui semble d'ailleurs à ce jour peu efficace. La vérité, c'est que cet article premier ne tiendra pas longtemps lorsque le vent libéral soufflera plus fort. Il suffira d'un amendement de dernière minute pour que tombe le paravent !

Quant à la valeur de La Poste, il est évident qu'elle sera sous-évaluée.

S'il fallait évaluer La Poste, le résultat serait sans doute spectaculaire et bien éloigné de celui de l'évaluation censément indépendante qu'on nous annonce. Croyez-vous vraiment que cet opérateur, qui rend depuis des décennies un service public de grande qualité, ne vaille que 2,258 milliards d'euros ? Sa valeur réelle ne se mesure pas à l'aune des outils de la comptabilité privée ordinaire. Il faudrait prendre en compte le volume des versements effectués par La Poste au budget de l'État du temps où les excédents du budget annexe des postes et télécommunications étaient reversés au budget général, ainsi que les charges qui lui sont imposées indûment par l'État au mépris du contrat de plan, sans oublier la dette contractée par l'État envers l'entreprise : la somme d'1,5 milliard d'euros que vous vous apprêtez à lui verser est inférieure à celle qui lui est due au titre du transport de la presse -1,871 milliard- et du service universel -150 millions chaque année depuis dix-neuf ans... Nous appelons donc à rejeter l'amendement n°567.

M. Michel Teston.  - Cet amendement va plus loin que le projet de loi gouvernemental, en permettant que la part de l'État dans le capital de La Poste descende à 51 %. Sous ses allures protectrices, il risque d'accélérer la privatisation de La Poste.

M. François Fortassin.  - L'amendement de l'Union centriste est à peu près identique au nôtre. Je préférerais qu'il y fût écrit que « la part de l'État dans le capital de La Poste, détenu à 100 % par des personnes publiques, ne peut être inférieure à 51 %. » Mais je me rallie à cette proposition. Je ne vois aucun inconvénient à ce que les collectivités locales puissent devenir actionnaires de La Poste : ce sera une marque de leur attachement à cette entreprise et cela la prémunira contre une éventuelle privatisation.

L'amendement n°567 est adopté.

Mme Odette Terrade.  - C'est mettre le doigt dans l'engrenage !

L'amendement n°266 n'est pas adopté.

M. Thierry Foucaud.  - Il est nécessaire que l'État soit l'unique actionnaire de La Poste, pour qu'elle continue à remplir ses missions de service public et qu'il conserve la propriété du patrimoine de l'entreprise. Des ventes juteuses ont déjà eu lieu : La Poste a cédé un immeuble de 17 000 m2 avenue d'Italie tout en restant locataire d'un tiers de sa surface, y compris le bureau de poste. On peut s'interroger sur la pertinence de telles opérations. Toujours est-il que leur produit revient à l'État. Au contraire, si l'entreprise était une SA, les ventes serviraient à rémunérer les actionnaires. En outre, selon les textes en vigueur, le conseil d'administration doit autoriser toute cession immobilière dont le produit est supérieur à 25 millions d'euros et toute vente de filiale dont le montant excède 12 millions d'euros. Le risque est grand qu'à l'avenir l'État ne soit plus capable de faire entendre sa voix au conseil.

Enfin il est inadmissible de transférer à des actionnaires le patrimoine de l'entreprise sans même l'avoir identifié ni évalué. Le Gouvernement nous demande de le croire sur parole : La Poste, dit-il, restera la propriété de personnes publiques. Mais même si c'est le cas, les biens de l'entreprise deviendront la propriété des actionnaires.

L'amendement n°26 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques n°s265 et 441 rectifié.

Mme Éliane Assassi.  - Il est dangereux de permettre à La Poste de rémunérer ses salariés sous formes d'actions. La direction s'autorisera de cette mesure pour ne pas augmenter les salaires, et les exonérations fragiliseront la protection sociale. Les rémunérations sont déjà faibles à La Poste : un facteur ne touche au mieux que 1 200 euros. Cette disposition ne corrigera pas le déséquilibre entre les revenus du travail et du capital.

L'argument de la participation des salariés à leur entreprise nous est d'ailleurs resservi à chaque privatisation depuis le milieu des années 1980. Mais qu'adviendra-t-il si le cours des actions baisse ? Les employés seront soumis à une double peine : leurs salaires auront été gelés et leur capital se dévaluera. La Deutsche Post n'a-t-elle pas perdu 20 % de sa valeur depuis son entrée en bourse ?

L'épargne salariale existe d'ailleurs à La Poste depuis 2007. Seuls 40 000 salariés y ont souscrit, soit 13 % de l'ensemble : ce dispositif ne profitera donc qu'à ceux qui ont les moyens d'épargner, soit une minorité.

M. Jean Desessard.  - Je suis d'accord avec M. Portelli (intérêt amusé à droite) pour dire que les missions de service public peuvent être remplies de différentes manières. Nous, les Verts, défendons la conception la plus large possible du service public.

M. Jean Bizet.  - Nous l'aurions deviné !

M. Jean Desessard.  - Eh oui, c'est ce qui nous différencie ! Nous ne voulons pas de méthodes managériales du privé à La Poste ! Bientôt on fera cocher aux salariés des cases, on leur demandera quelles tâches ils ont accomplies dans la journée... Ces méthodes propres au privé se sont déjà insinuées à La Poste. Vous persistez à dire qu'il faut que l'entreprise dégage du profit et « motive » ses salariés... Mais le service public, c'est rendre service aux gens même quand cela prend du temps, même quand ce n'est pas rentable ! (M. Michel Teston approuve)

M. Jean Bizet.  - Alors ce n'est pas durable.

M. Jean Desessard.  - Vous dites que le nouveau dispositif augmentera les revenus des postiers. Mais quelle est aujourd'hui la différence de rémunération entre un fonctionnaire et un contractuel ?

M. Jean Bizet.  - M. Besancenot ne veut pas nous le dire !

M. Jean Desessard.  - Cette différence est de 20 % ! Les salaires ont d'ailleurs baissé depuis qu'on emploie des contractuels. (M. le rapporteur le conteste) M. le ministre le sait bien, puisque cela a donné lieu à une grève à Nice et qu'il a fallu accorder une prime de logement aux salariés.

M. Guy Fischer.  - C'est cher de se loger à Nice !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et à Paris donc !

M. Jean Desessard.  - A Paris en effet : il faut aujourd'hui construire des tramways et des RER parce que les gens habitent très loin de leur lieu de travail ! Pourtant le service public, c'est aussi assurer la sérénité sociale dans l'entreprise et permettre aux gens de vivre décemment. La transformation en SA accentuera la précarité des salariés, conduira à la baisse des salaires et à l'instauration du travail à l'objectif... Et dans quelques années on s'étonnera de la souffrance au travail, voire des suicides ! On convoquera M. Bailly pour lui demander : « Que comptez-vous faire ? » Mais c'est aujourd'hui que nous créons les conditions de cette souffrance !

En donnant des actions aux postiers, on cherche à accélérer la privatisation de La Poste : les salariés pourront vendre leurs actions ou quitter l'entreprise, et dans quelques années on dira : « Voyez : beaucoup de gens ont déjà des actions, il n'y a donc pas d'obstacle à ouvrir davantage le capital ! »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Augmentez plutôt les salaires !

M. Jean Desessard.  - Nous sommes donc formellement opposés à la rémunération du personnel sous forme d'actions.

En revanche, nous sommes d'accord pour voter une augmentation du salaire des postiers et des personnels de La Poste ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ce n'est pas du ressort de la loi !

L'amendement n°27, identique aux amendements nos267 et 433 rectifié, n'est pas adopté.

L'amendement n°268 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos269 et 270.

M. Jacques Muller.  - Les Verts, vous l'avez constaté, sont bien présents dans l'hémicycle...

M. Jean Bizet.  - ...sans être encore majoritaires !

M. Jacques Muller.  - ...pour manifester leur refus de la privation rampante de La Poste, comme 98 % des Français qui se sont exprimés lors de la votation citoyenne. (Marques d'agacement à droite) Nous n'avons pas fait de l'obstruction (exclamations ironiques au banc de la commission), mais présenté des amendements de repli pour atténuer le phénomène de privatisation rampante de La Poste. Or tous ces amendements ont été repoussés par la commission et le Gouvernement, signe de leur volonté d'imposer la privatisation de La Poste au forceps et d'une posture idéologique dont nos concitoyens sauront tenir compte !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nos collègues Verts sont, sans doute, plus naïfs que nous... (Murmure de surprise)

M. Jean Bizet.  - C'est noté !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Pour nous, la ligne de partage était le statut d'Epic. Or la majorité se refuse même à limiter la casse, c'est donc qu'elle a des arrière-pensées : l'actionnariat de la Caisse des dépôts, l'actionnariat salarié sont, dans ce texte, comme des chevaux de Troie de la privatisation...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Oh la la ! Trop compliqué pour moi... (Sourires)

M. Jean Desessard.  - Je me réjouis que la naïveté des Verts serve aux socialistes à démasquer le machiavélisme du Gouvernement et de la commission... Si la naïveté peut faire avancer notre planète, nous la conserverons dans notre idéologie et dans notre utopie ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Bizet.  - Au moins, il est clair !

L'amendement n°272 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°271.

M. Jean Desessard.  - En refusant l'amendement n°271 qui avait reçu un avis de sagesse du Gouvernement, la majorité montre clairement son positionnement idéologique !

M. Christian Cambon.  - Non, nous faisons justement preuve de sagesse ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx renchérit)

L'amendement n°582 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°579, présenté par M. Retailleau.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.

M. Bruno Retailleau.  - Que les choses soient claires : oui à la modernisation, non à la privatisation ! Pour lever toute ambiguïté, inscrivons dans la loi en toutes lettres un deuxième verrou, après celui de la commission sur les capitaux entièrement publics du groupe, en nous appuyant sur la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour la première fois le Conseil constitutionnel a affirmé le 30 novembre 2006 que le législateur ne peut pas privatiser un service public national, sauf à lui faire perdre ses caractéristiques de service public national. Depuis quelques jours, j'ai entendu certains de mes collègues à gauche lire cette décision, mais seulement son premier paragraphe...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comme Henri Guaino !

M. Bruno Retailleau.  - ...omettant de dire que le Conseil constitutionnel a également écrit : « Toutefois, ce transfert suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».

J'ai également entendu citer les exemples de France Télécom, que je connais un peu, et de GDF. Or France Télécom a été privatisée seulement parce qu'une loi lui avait précédemment ôté son caractère de service public national ! Le cas de GDF est encore plus flagrant car le Conseil constitutionnel avait posé une réserve d'interprétation dans sa décision de 2006 rappelant que GDF ne pouvait être privatisée avant juillet 2007, date jusqu'à laquelle l'entreprise conservait son caractère de service public national.

Cet amendement est utile. Si la volonté du législateur est explicite, le Conseil constitutionnel en prendra acte et n'aura pas à la reconstituer à partir d'un faisceau d'indices comme l'indique le commentaire à cette décision dans le numéro 22 des Cahiers constitutionnels de 2007. Mais si une loi de privatisation venait à être adoptée sous un gouvernement de gauche par exemple... (Exclamations à gauche)

M. Jean Bizet.  - Cela pourrait arriver !

M. Bruno Retailleau.  - ...il faudrait supprimer la mention introduite par mon amendement. Donc, arrêtons les procès d'intention : cette loi n'est pas de privatisation et elle comporte deux verrous forts : celui de la commission et celui-ci...

M. Jean Bizet.  - Et le traité de Lisbonne !

M. Bruno Retailleau.  - Affirmer le caractère de service public national de La Poste est un geste juridique extrêmement fort !

M. le président.  - Amendement identique n°580, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.

M. François Fortassin.  - A mes yeux, cet amendement est une garantie supplémentaire et, vis-à-vis de l'opinion publique, une avancée sémantique importante.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - M. Retailleau a présenté son amendement, auquel l'amendement de M. Fortassin est identique, dès la première réunion de la commission. Nous en avions alors demandé le retrait pour compléter l'expertise juridique, avant de nous y rallier. Avis très favorable. (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Cet amendement a fait beaucoup parler de lui et j'ai utilisé, à son propos, un terme que certains ont caricaturé quand d'autres y ont vu une forme d'originalité mais qui caractérisait bien l'état d'esprit du Gouvernement par rapport aux inquiétudes des parlementaires.

Je vous ai dit, dès le début du travail en commission, être prêt à accepter des garanties supplémentaires, même si le texte initial me paraissait explicite. J'ai ainsi accepté l'amendement du rapporteur qui précise le caractère à 100 % public de l'entreprise.

Lorsque M. Retailleau a déposé cet amendement en commission, je l'ai jugé intéressant mais lui ai demandé de le retirer, le temps de disposer de toutes les analyses juridiques nécessaires, et de le redéposer le cas échéant en séance : je vous invite à vous reporter au compte rendu de la commission. Je le remercie de l'avoir fait. Entre-temps, j'ai conclu, comme lui, que son amendement rendait La Poste « imprivatisable ».

Pour que toutes les conditions soient réunies pour privatiser La Poste, il faudrait, tout d'abord, un changement de majorité... (Rires à gauche)

M. Guy Fischer.  - Provocation !

M. Christian Estrosi, ministre.  - La majorité qui s'apprête à voter ce texte ne va pas se renier demain. (Exclamations à gauche, où l'on invoque GDF)

M. Roland Courteau.  - Et M. Sarkozy ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - Pour être qualifiée de service public à caractère national, une entreprise doit réunir trois conditions : être chargée d'une mission de service public, décrite dans la loi, et l'exercer sur l'ensemble du territoire. C'est le cas de La Poste, qui assume quatre missions de service public définies dans la loi : la distribution du courrier, l'aménagement du territoire, le livret A et le transport de la presse. Pour rendre La Poste privatisable, il faudrait que les deux assemblées suppriment demain non pas une seule mais ces quatre missions !

La Poste peut être qualifiée de service public à caractère national, ce qui, en application du Préambule de 1946, la rend « imprivatisable ». Avis plus que favorable.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Très bien.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avons une autre interprétation que M. Retailleau de la décision du Conseil constitutionnel : celle de M. Guaino. Mettez-vous donc d'accord, entre partisans de la libéralisation des services publics !

J'ai sous les yeux le considérant 14 de la décision...

M. Bruno Retailleau.  - Il est clair !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas convaincant. Avec l'ouverture à la concurrence, on sort du cadre du préambule de 1946.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Nous sommes en 2009 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a fort à parier que La Poste n'exercera bientôt plus un monopole, et ne sera donc plus un service public national au sens de 1946. Comme GDF, elle pourra dès lors être privatisée : une loi simple suffira à faire passer le capital public de 100 % à 51 %, puis à 30 %, à 0,1 %...

Avant l'article premier, nous avions déposé le même amendement que M. Retailleau, en précisant les missions de service public que doit exercer un service public national. Vous avez voté contre ! Preuve que vous ne voulez pas garantir que La Poste restera un service public national au sens du Préambule de 1946. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Vous voudriez nous faire croire que cet amendement apporte toute garantie, mais il existe une hiérarchie des normes. Il n'y a pas de lois intouchables : en vertu du principe de parallélisme des formes, une loi peut en défaire une autre. Vous ne pouvez donc pas dire que cet amendement rend La Poste « imprivatisable ». Il faudrait au moins l'inscrire dans la Constitution, plus difficile à modifier... Même un proche conseiller du Président de la République partage cette analyse !

La modification du statut de La Poste prive-t-elle l'entreprise des caractéristiques qui en font un service public ? Avec la suppression du secteur réservé au 1er janvier 2011, La Poste perdra son monopole. D'autres opérateurs pourront venir sur le marché, et rien n'empêchera de faire passer la participation publique en deçà de 50 % -soit une privatisation progressive... (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Je remercie M. Retailleau pour ses efforts de pédagogie et je ne doute pas qu'il souhaite de bonne foi verrouiller le système, mais ses arguments ne sont pas convaincants. Selon un éminent constitutionnaliste, le service public national avait autrefois un sens organique.

Mais depuis plus de vingt ans, l'entreprise nationale La Poste assure des activités dont plusieurs sont concurrentielles. Elle pourrait être privatisée tout en conservant de par la loi l'obligation de conserver une activité de service public. Tel est le raisonnement de M. Guglielmi.

M. Bruno Retailleau.  - Je ne désespère pas de vous convaincre. Le ministre a rappelé les conditions dans lesquelles j'ai déposé cet amendement. Je voulais que ce texte ne rende pas possible la privatisation de La Poste. Reconnaissez-moi au moins une qualité, je sais tenir une ligne. Ce que j'ai dit sur la première version de la loi Hadopi l'a suffisamment montré. (On le confirme sur plusieurs bancs socialistes) Je ne suis donc pas suspect de quelque collusion que ce soit.

Les arguments développés par Mme Borvo Cohen-Seat et M. Teston appellent des illustrations complexes. Le monopole suffit-il à caractériser un service public national ? La Française des Jeux, qui est un monopole, n'a pas le caractère de service public national. Et à l'inverse, l'éducation nationale, les hôpitaux, qui sont bien un service public national, ne sont pas en situation de monopole. Il faut donc que le législateur dise explicitement qu'il entend conférer à La Poste le caractère de service public national.

Vous avez cité un collaborateur du Président de la République, pour lequel j'ai une profonde estime. Il ne croit pas à l'éternité de la loi. Moi non plus. Je n'ai jamais dit qu'une loi ne peut pas changer. Mais en usant de cet argument, vous reconnaissez implicitement que le statu quo actuel n'est pas plus protecteur qu'un autre. Il peut être changé par la loi.

M. Michel Teston.  - Plus difficilement.

M. Bruno Retailleau.  - Qui plus est, vous reconnaissez qu'il faut une autre loi pour privatiser : autant dire que cette loi n'est pas de privatisation.

Si l'on devait s'en remettre à votre raisonnement de défiance, on resterait paralysés ! (Applaudissements sur les bancs UMP et au banc des commissions)

Les amendements identiques n°s579 et 580 sont adoptés.

Mme Catherine Procaccia.  - La gauche votant contre, on expliquera aux postiers comment vous les défendez !

M. Martial Bourquin.  - En militant pour que l'on conserve le statut d'Epic.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Fischer.  - Nous ne nous laisserons pas intimider sur le fond, messieurs de la majorité.

De ce troisième alinéa, on nous dit qu'il garantit le maintien du contrôle de l'État. Il n'en est rien, et ce texte est clairement un premier pas vers la privatisation. La politique du Gouvernement s'inscrit fidèlement dans les politiques communautaires successives. Les dirigeants de La Poste, confortés par le rapport Ailleret et le Président de la République, demandent depuis un an le changement de statut. Ils entendent profiter de l'ouverture à la concurrence pour l'imposer. Mais comment le Gouvernement, dix-sept ans après Maastricht, quatre ans après le vote de défiance contre le traité de Lisbonne, peut-il engager une réforme fatale pour le service public français ? Pourquoi cette précipitation dans un débat qui concerne les citoyens, les élus, les salariés, et qui mériterait un référendum ? Nous en appelons à votre sagesse, aux vertus du raisonnement, pour ne pas avancer à marche forcée. Il y a quelques années, notre philosophie était de donner du temps au temps. Aujourd'hui, il faut décider vite, pour ne pas entraver la marche de l'ultralibéralisme. Aujourd'hui, c'est La Poste, demain, ce sera la SNCF, EDF, et c'est ainsi que l'on bradera les joyaux du Conseil national de la Résistance. Mais les citoyens sont plus que réticents. Les résistances se développent.

Il ne s'agirait, à vous en croire, que d'ouvrir à la concurrence une activité en situation de monopole -ce qui n'est d'ailleurs plus le cas, je le constate dans ma ville avec le traitement des colis. Il ne s'agirait que de s'adapter à l'environnement économique, et d'assurer les meilleurs coûts pour les clients. Mais ce terme seul de « clients », substitué à celui d'usagers, en dit plus long que vous ne le pensez sur vos motivations réelles...

M. le président.  - Amendement identique n°435 rectifié bis, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Martial Bourquin.  - Nous entendons par cet amendement réitérer notre opposition à la suppression du secteur réservé, tel que l'a décidée la troisième directive postale, directive contestable, mais hélas implacable dans ses termes. Cette directive ne cesse de stigmatiser le secteur réservé, qui permet bien souvent le financement du service universel.

Nous ne comprendrons jamais pourquoi le Gouvernement, entre 2006 et 2008, période de négociation de cette directive, a renoncé à défendre ce secteur dont le maintien était pourtant une condition affichée du vote positif de la France. Comment comprendre que le Gouvernement ait voté cette proposition sans aucune des assurances demandées ? Nous avons de surcroît deux ans pour nous mettre en accord avec elle : ce délai est cosmétique.

Les citoyens méritent de savoir pourquoi le Gouvernement a si mal négocié.

M. le président.  - Amendement identique n°29, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

A la date

par le mot :

Après

et le mot :

est

par le mot :

demeurera

Mme Odette Terrade.  - La motion adoptée par l'Association des maires ruraux le 25 octobre vaut d'être citée. Rappelant que le changement de statut n'est qu'une nouvelle étape dans un processus engagé dès les années 1990, elle affirme que le risque est grand de voir, à terme, entrer des fonds privés dans le capital de l'entreprise. Les maires qui ont voté cette motion sont-ils victimes de désinformation ? Sont-ils scandaleusement partisans ? Non, ils sont lucides.

Le raisonnement que vous leur opposez n'est pas convainquant au regard de l'histoire des services publics en France et en Europe. Une alternative est possible, qui suppose que l'État assure les financements indispensables. Qu'est-ce que trois milliards et demi au regard des centaines de milliards dépensés pour « sauver » les institutions financières ?

La création d'un pôle public bancaire aurait permis de garantir un véritable service public et d'orienter l'épargne populaire vers les investissements favorisant la cohésion sociale et le développement, tandis qu'un pôle public des télécommunications des activités postales aurait permis d'harmoniser les offres. Le réseau postal est un formidable atout pour lutter contre la fracture numérique.

Alors que d'autres choix étaient possibles, vous allez brader le patrimoine.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Je souhaite le retrait des amendements identiques n°s30 et 435 rectifié bis sinon rejet.

Je demande également le retrait de l'amendement n°29 puisque l'ouverture du capital de La Poste ne sera en rien une privatisation.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis défavorable sur les amendements n°s30, 435 rectifié bis et 29.

M. Michel Billout.  - Le Gouvernement nous dit que le changement de statut est obligatoire pour nous mettre en conformité avec la législation européenne. Il n'en est rien car les normes communautaires n'imposent pas de modification de statut ou de privatisation des opérateurs.

Nous n'avons eu de cesse de dénoncer les dispositions libérales qui figurent dans tous les traités européens depuis le traité de Rome. Nous avons également combattu le traité de Maastricht de 1992, qui est passé de justesse, et le traité établissant une Constitution pour l'Europe qui a été largement repoussé lors du referendum de 2005. Ce revers n'est sans doute pas étranger au refus du Président de la République d'organiser un référendum sur l'avenir de La Poste. Consulter le peuple devient en effet de plus en plus risqué pour le pouvoir car les effets d'annonce ne suffisent plus à abuser l'opinion publique.

J'en reviens aux textes européens qui soi-disant régissent ce projet de loi : les directives de 1997 et de 2002 avaient commencé à libéraliser le secteur postal et celle de 2008 vise « l'achèvement du marché intérieur postal en procédant à la libéralisation totale du courrier en 2011 ». Mais le secteur postal n'est pas traité comme les télécommunications, l'énergie ou les transports. En effet, les textes communautaires définissent de façon ambitieuse le service universel : ainsi, il convient de « tenir compte des besoins des utilisateurs », d'assurer la gratuité pour les aveugles, d'assurer au moins cinq jours ouvrables par semaine la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux, de définir précisément les normes de qualité de service. En outre, ces textes insistent sur les conditions de travail du personnel, le respect strict des conventions collectives, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, l'obligation de décider d'un tarif unique pour tout le territoire national. Enfin, ils ne font jamais référence à des « clients ».

Notre commission de l'économie est embarrassée car elle n'ignore pas ces textes.

Les amendements identiques n°s30 et 435 rectifié bis ne sont pas adoptés.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Mme Odette Terrade.  - Cette loi ne garantit pas un avenir public pour La Poste. Il faut donc que le capital de La Poste demeure dans son intégralité détenu par l'État.

Comme elle le fait pour d'autres Epic, la Caisse des dépôts pourrait aider La Poste à se moderniser, sans pour autant entrer dans son capital. L'État pourrait également financer La Poste sans qu'il s'agisse d'une aide directe : il suffirait de rembourser ce qu'il lui doit au titre de ses missions de service public : un milliard rien que pour cette année !

La Poste doit rester un Epic parce qu'il s'agit d'une forme adaptée à ses missions. Si La Poste change de statut, elle ne sera plus liée par le principe de spécialité qui encadre aujourd'hui ses activités. Elle pourra les diversifier, comme n'importe quelle société anonyme, au gré des actionnaires. Or, une entreprise de service public doit se préoccuper avant tout de l'intérêt général. On ne peut donc transformer les agents du service public en commerciaux alors même que leur mission est déjà de plus en plus complexe entre les activités financières et postales.

D'autre part, pourquoi faire participer la Caisse des dépôts, alors que des projets de privatisation de cette institution circulent dans les couloirs ? A force de vouloir tout privatiser, vous ne savez plus par où commencer ! Nous refusons cette transformation en société anonyme, non pas parce que nous serions restés à l'âge de pierre comme l'affirment certains de nos collègues, mais parce que nous souhaitons que La Poste se modernise, grâce à l'État, garant de l'intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°442, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 4, 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Claude Bérit-Débat.  - L'abandon du statut d'Epic et la transformation de La Poste en SA se traduira par une ouverture du capital à des intérêts privés. Notre rapporteur s'est appuyé sur les arguments du président de La Poste, Jean-Paul Bailly, qui a déclaré au journal La Tribune du 31 octobre : « Le changement de statut résulte avant tout d'une demande forte du président de La Poste et de son conseil d'administration ». La Poste « souhaite se battre à armes égales avec la concurrence ». Or, le même président n'avait pas hésité à la fin de l'été 2008 à demander le changement de statut de La Poste en SA mais aussi l'ouverture de son capital à hauteur de 20 % pour 2011. Pour quelle raison s'arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi le sort de La Poste serait-il différent de celui de France Télécom, d'EDF ou de GDF ? Vous nous affirmez aujourd'hui que le capital de La Poste demeurera 100 % public : ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy déclarait à l'Assemblée nationale le 15 juin 2004 : « Il est en effet clair qu'EDF et GDF doivent pouvoir lutter à armes égales avec la concurrence. (...) Pour cela, nous devons les transformer d'établissements publics en sociétés anonymes ». « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées ». Aujourd'hui, l'État ne détient que 35  % de GDF qui a fusionné avec Suez.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Et ça marche !

M. Claude Bérit-Débat.  - Pourquoi devrait-on croire à nouveau à de telles promesses ? Le changement de statut d'Epic en SA permettrait d'apporter de nouveaux capitaux à La Poste, nous dit-on. L'État apporterait 1,5 milliard et la Caisse des dépôts 1,2 milliard, le changement de statut devant intervenir le 1er janvier. Mais quelle sera l'attitude de la Caisse des dépôts si elle entre au capital de La Poste ? Ces fonds ne sont-ils généralement pas destinés à être transitoires ? La transformation de La Poste en société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d'un Epic, propriété collective de la Nation, à une société : nous y sommes bien évidemment opposés. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement n°32, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Claude Danglot.  - Cet alinéa transfère le patrimoine national détenu par La Poste à la nouvelle entreprise privée, opérant ainsi une spoliation des intérêts et des biens de la Nation. Le patrimoine de La Poste est considérable. Il consiste en une mission, une relation, une organisation, un savoir-faire, un savoir-être, un métier, une logistique et un capital humain uniques qui en font sans doute la plus importante entreprise de notre pays. Ce formidable outil économique, indispensable à la bonne marche de notre société a été façonné, adapté et développé. En l'offrant à une société privée, vous l'offrez à ses actionnaires, quels qu'ils soient, sans même en demander la valeur. Plusieurs siècles d'investissement public ne valent-ils rien à vos yeux ?

Chacun d'entre nous peut se sentir atteint par cette spoliation. Vous dirigez les affaires publiques, mais vous n'êtes pas les propriétaires du pays. La Nation appartient à son peuple, comme ses biens. Vous dites rêver d'une France de propriétaires, alors n'oubliez jamais que nous sommes tous propriétaires des services et des biens de la Nation. Leur gestion vous est confiée aujourd'hui, mais vous ne pouvez que vendre ou louer un bien public, non pas en réduire la valeur à zéro.

M. le président.  - Amendement identique n°437, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Yves Chastan.  - Ce texte est l'aboutissement de la logique que vous défendez depuis près de quinze ans. Au pouvoir, la gauche comme la droite ont demandé le report de l'ouverture à la concurrence du secteur postal : les socialistes au nom de la défense du service public et du renforcement du service universel postal, la droite afin de préparer La Poste à être une entreprise comme les autres, quitte à réduire le service universel à une peau de chagrin.

Ainsi, dans son rapport de décembre 2000 sur la deuxième directive postale, Gérard Larcher reprochait au gouvernement socialiste de ne pas avoir mis à profit le délai obtenu pour réformer La Poste afin de la rendre compétitive dans le nouveau contexte européen. Le changement de statut était donc déjà accepté et programmé. Aujourd'hui, Pierre Hérisson écrit dans son rapport qu'il s'agit de préparer La Poste à la menace représentée par les grands opérateurs historiques d'autres États membres, désormais privés, et aux nouveaux défis comme le développement du courrier international.

Si le secteur réservé n'existe plus et si le service universel est réduit aux zones rentables, nous ne pouvons que nous inquiéter. Ainsi, le rapport de la Commission européenne du 22 décembre 2008 sur l'application de la directive postale note que le secteur réservé, qui représente encore la plus grande partie des volumes postaux dans la plupart des États membres, gêne l'expansion des opérateurs privés. Les économies d'échelle jouant un rôle important dans les activités postales, les nouveaux entrants rencontrent des difficultés pour atteindre des volumes suffisants afin d'en profiter. La Commission européenne estime que le secteur réservé, lorsqu'il fonctionne bien, comme en France, fait obstacle à la concurrence libre et non faussée. Faudrait-il leur offrir La Poste sur un plateau ? Souhaitez-vous vraiment la jeter dans la gueule des loups et fragiliser le secteur public comme c'est le cas en Grande-Bretagne ?

M. le président.  - Amendement n°438, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est la conséquence logique de notre opposition au basculement de La Poste dans le droit commun de la société anonyme, position que nous défendons depuis plusieurs mois.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5.

Supprimer cet alinéa.

Mme Éliane Assassi.  - Cet alinéa constitue une première étape vers la privatisation totale. La libéralisation du secteur postal a été préparée par des restructurations de ses activités, avec notamment la création de grandes plateformes de tri automatisées et la mise en place d'une nébuleuse de filiales.

La loi de 2005 relative à la régulation des activités postales transposait avec zèle deux directives communautaires, préparant l'ouverture à la concurrence tout en délimitant un secteur réservé à l'opérateur historique. Avec l'ouverture du capital, l'État confirme son désengagement. Ce choix purement idéologique s'inscrit dans la ligne de la réduction des dépenses publiques. Demain les actionnaires fixeront la loi à La Poste, le personnel sera soumis à l'obsession du rendement, les automates se multiplieront, comme les agences communales et les relais postaux chez les commerçants. Les files d'attente s'allongeront dans les rares bureaux de plein exercice. Les usagers, devenus des clients, attendront en vain le facteur dans les zones rurales ou les banlieues. L'emploi et les conditions de travail sont déjà touchés par cette évolution : 40 000 emplois ont été supprimés en cinq ans, ainsi que des tournées de facteurs, et des bureaux de poste ont été fermés.

La situation de La Poste et le service rendu aux usagers se dégradent depuis des années en préparation de la privatisation. Cette évolution s'accentuera avec la transformation en société anonyme et l'ouverture aux capitaux privés. Les missions de service public de La Poste justifient le maintien d'un régime juridique spécifique.

M. le président.  - Amendement identique n°444, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Roland Courteau.  - Je vous rappelle que rien n'oblige à privatiser La Poste. Vous vous en défendez, mais vous demandez au Parlement de vous faire un chèque en blanc. Rien ne vous empêcherait ensuite de réduire la participation du Gouvernement au capital de l'entreprise publique.

Alors commissaire européen chargé de la concurrence, Mario Monti a déclaré le 10 juin 2003, au sujet du changement de statut d'EDF, que ce projet allait au-delà des exigences de la Commission européenne. La Commission ne critiquait pas le choix du gouvernement français, mais ne l'imposait pas non plus. Nous sommes dans une situation similaire. Selon la communication de la Commission européenne sur les services d'intérêt général du 26 septembre 1996, le traité instituant la Communauté européenne garantit « la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels » et « La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d'intérêt général, et n'impose donc aucune privatisation ». Toujours selon Monti, le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises. La Commission ne peut donc demander leur privatisation ou, inversement, leur nationalisation.

Rien non plus, dans la nouvelle communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 sur les services d'intérêt général, ne suggère une telle option. Le rapporteur conservateur du Parlement européen, Markus Ferber, fervent partisan de la libéralisation totale du secteur postal, a indiqué que l'Union européenne avait été capable de garantir à tous les citoyens le maintien du service postal universel dans un environnement libéralisé, soulignant qu'il s'agissait bien d'une libéralisation et non d'une privatisation. Ne soyez pas plus libéral que cet ultralibéral !

Nous nous opposons au changement de statut afin d'empêcher la privatisation de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Mme Odette Terrade.  - Le secteur postal représente un immense potentiel économique. La Commission européenne l'a bien compris, tout autant que les acteurs privés déjà sur ce marché. En 2007, les vingt-sept gouvernements de l'Union européenne ont trouvé un accord sur l'ouverture totale à la concurrence, repoussée à 2011. Aujourd'hui, le Gouvernement propose de transposer la directive de 2008 et de libéraliser totalement le secteur postal. Nous sommes donc plus que sceptiques lorsque le Gouvernement explique que La Poste restera entièrement publique alors qu'il défend la libéralisation du secteur postal devant ses partenaires européens.

Le Gouvernement et La Poste n'ont pas hésité à anticiper l'ouverture à la concurrence. Fermetures de bureaux, transformation en points contact offrant un service minimal, multiplication des contrats de droit privé pour diminuer les coûts : la logique libérale européenne est déjà à l'oeuvre. Les règles du droit commun des sociétés s'appliquent, donc également celles du code de commerce. Mais La Poste n'est pas une entreprise comme les autres : prétendre le contraire, comme le fait le Gouvernement, c'est lui interdire d'assumer ses missions de service public ou d'appliquer une péréquation tarifaire. Car tels ne sont pas les buts d'une entreprise privée et celle-ci abandonnera les services les moins rentables. On verra en France, comme on a vu en Suède, le désert postal s'étendre et les prix flamber. Les usagers ne veulent pas devenir des clients ! Ils réclament plus de moyens, plus de guichetiers. Nous refusons que La Poste soit transformée en société anonyme soumise à des dispositions du code du commerce.

M. le président.  - Amendement identique n°446 rectifié bis, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le passage à la société anonyme prédispose à l'application de dispositions du code de commerce. Nous ne le voulons pas !

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Billout.  - Amendement de conséquence. Vous prétendez « donner sa chance à La Poste » : la chance de réduire les services et l'accueil, de supprimer des emplois, d'augmenter les tarifs, pour satisfaire les actionnaires ! Vous ne donnez pas leur chance aux usagers ni aux élus... Après avoir perdu leur tribunal d'instance, leur conseil de prud'hommes, leur gendarmerie, leur sous-préfecture, ils perdent leur bureau de poste. Tous les participants à la votation craignent une désertification rurale ; ils veulent des bureaux qui offrent de nombreux services, y compris dans les nouvelles technologies ; ils veulent un aménagement du territoire équilibré.

M. le président.  - Amendement identique n°275, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous pourrions retirer cet amendement, si le ministre nous fournit des explications rassurantes. La Poste sera une société anonyme mais avec un régime dérogatoire par rapport à certaines dispositions du code de commerce. Lesquelles et pourquoi ? Ne sera-ce pas le moyen de contourner certaines obligations sociales et comptables ?

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Claude Danglot.  - Amendement de cohérence. Le désengagement des territoires a déjà commencé. Fermetures et réductions du nombre de levées en témoignent. Le projet de loi accélère le processus. L'accès au service public postal est remis en cause. La péréquation est contraire à la logique de rentabilité : la distribution du courrier dans les chemins creux ou le prix unique du timbre disparaîtront bientôt. Déjà le texte ouvre une brèche, avec une distinction tarifaire entre France métropolitaine et DOM.

Société anonyme, La Poste ne pourra pas remplir ses missions de service public ni garantir une présence postale sur tout le territoire car elle aura un objectif de rentabilité.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous suivez avec constance votre logique de maintien d'un Epic. Avis globalement défavorable à tous ces amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même chose. Nous avons des dispositions techniques à prendre en conséquence du changement de statut. Tel est l'objet des alinéas que vous supprimez. Défavorable.

L'amendement n°442 n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Danglot.  - Vous procédez à une spoliation des biens de la Nation et un détournement du droit du travail. Par une simple phrase, vous indiquez que la transformation n'a aucune incidence sur les droits, obligations, contrats... Cela inclut les contrats de travail ! Les agents n'ont-ils pas plus de valeur qu'une boîte à lettres ou une bicyclette ? (On trouve l'argument outrancier à droite) Tout salarié a des droits quand on transfère la propriété de l'entreprise qui l'emploie à une autre personne morale.

Mme Odette Terrade.  - Le patrimoine immobilier de La Poste a été construit ou acquis grâce aux impôts et taxes payés par tous les citoyens. Certains bâtiments ont été cédés gratuitement par les communes, appartements des receveurs inclus. La valeur de ces biens est immense aujourd'hui. Or elle est niée puisqu'il n'y a pas de cession, pas même pour un euro symbolique. Le transfert ne porte pas seulement sur la jouissance mais aussi sur la propriété. Or les biens de la Nation nous appartiennent à tous. Une autorité administrative peut certes les vendre, mais en l'occurrence ils sont donnés sans contrepartie !

Les amendements n°s32 et 437 ne sont pas adoptés, non plus que le n°438.

Les amendements n°34 et 444 ne sont pas adoptés.

Les amendements n°33 et 446 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. Michel Billout.  - Nous n'avons toujours pas eu d'explications sur le fait que la future SA sera dispensée de certaines dispositions du code de commerce. Le Gouvernement défend avec obstination le changement de statut malgré les questions non résolues, malgré l'hostilité des organisations syndicales, celle de nombreuses associations et partis politiques, et surtout celle des 2,3 millions de Français qui ont participé à la votation du 3 octobre. Ce changement de statut préfigure évidemment une privatisation à plus ou moins court terme. Ce n'est pas une certitude idéologique mais le fruit de l'expérience de France Télécom ou de GDF. Ce projet privilégie la logique financière de rentabilité au lieu de la satisfaction de l'intérêt général. Les petits bureaux de poste ne sont certes pas rentables, mais ils assurent des missions de service public. C'est cette logique de solidarité, la présence de La Poste sur tout le territoire que nous défendons. Nous refusons le changement de statut.

Les amendements identiques n°s35 et 275 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Danglot.  - Ce texte ne répond aux attentes ni de la population, ni des élus, ni des postiers, ni des communes rurales déjà touchées par le désengagement de La Poste. Rien n'oblige à un changement de statut qui n'apporte aucune garantie en termes de services rendus aux usagers. Le 3 octobre, les Français ont montré leur attachement à un service public qu'ils considèrent comme essentiel ; ils ont exprimé le souhait d'un véritable service public postal moderne et rénové, qui garantisse l'avenir de La Poste et l'emploi de ses personnels. Un service public réduit à de simples points de contact ne peut garantir l'accessibilité et l'égalité de traitement de tous. Nous refusons de voir La Poste soumise à une logique étrangère à l'intérêt général.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article premier. Y a-t-il des explications de vote ? (Plusieurs sénateurs de gauche lèvent la main ; marques d'agacement à droite) Que cela vous plaise ou non, je fais ce que je dois faire.

M. Jean-Claude Danglot.  - Je vois que la majorité se réveille !

M. Gérard Cornu.  - Essayez de parler sans papier ! Chiche !

M. Alain Fouché.  - Changez de disque !

Mme Odette Terrade.  - Rien ne vous empêche de vous exprimer, mes chers collègues !

M. Jean-Claude Danglot.  - Beaucoup de choses ont été dites sur l'article premier. (Rires las à droite)

Mme Colette Mélot.  - Toujours les mêmes !

M. Jean-Claude Danglot.  - Nous voulons dissiper le brouillard diffusé par le Gouvernement pour masquer ses véritables objectifs. Parlons de la confiance. Nous l'avons démontré depuis lundi : rien n'empêchera de poursuivre le processus de privatisation. Le concept d'entreprise imprivatisable a fait long feu. Chacun sait qu'une loi peut défaire ce qu'une autre a fait, ce n'est pas M. Guaino qui me démentira. Si demain La Poste reste publique, ce sera parce que nous l'aurons voulu et non par je ne sais quelle virtualité juridique.

Comment faire confiance au Président de la République, au Gouvernement et à sa majorité ? Le changement de statut de GDF fut une tromperie. Dois-je rappeler l'excellent rapport publié en octobre 1997 par le Président Larcher, où on pouvait lire ceci : « Est-ce à dire que, comme pour France Télécom, la sociétarisation présenterait un intérêt pour les postiers, La Poste, la Nation ? Il ne semble pas. »

Les directives européennes n'imposent pas de changement de statut. On sait que les Epic peuvent recevoir des aides de l'État. La mondialisation financière, le règne de l'argent roi aiguise les appétits. Après la crise qui a vu s'envoler des centaines de milliards, le capital a besoin de nourriture. La Poste est en ligne de mire. Pour Nicolas Sarkozy et ses amis, les services publics sont à vendre. Et il y a beaucoup de clients.

Nous voulons que La Poste reste un bien commun. Nous refusons la nouvelle société anonyme, celle où les intérêts privés prendront le pas sur l'intérêt général. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Nous nous sommes efforcés depuis lundi de faire prendre conscience à nos collègues de la majorité des dangers de l'adoption de l'article premier. Le changement de statut, c'est un verrou qui saute ; quoi qu'en disent le Gouvernement et le rapporteur, il sera demain possible d'ouvrir le capital de La Poste aux intérêts privés. La Poste sera bien devenue privatisable.

Notre opposition est totale, nous le disons depuis des mois. La preuve n'a pas été apportée que La Poste ne pouvait pas se développer sous son statut actuel. Aucune règle communautaire nous impose d'en changer, que d'autres pays l'aient fait n'y change rien. Le renforcement des fonds propres ne passe pas nécessairement par la transformation en SA : l'Union européenne autorise les États à apporter des aides aux postes pour l'exercice de deux de leurs missions, la présence postale et le transport et la distribution de la presse. Or l'État n'a jamais dégagé les moyens nécessaires pour la première et a toujours consacré des sommes insuffisantes à la seconde. Qu'il le fasse à l'avenir ne posera pas de problème à Bruxelles.

Le changement de statut correspond donc bien à la volonté politique du gouvernement français ; c'est un choix dogmatique, une réponse idéologique. Nous voterons résolument contre l'article premier. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Demeurée un Epic, La Poste peut-elle trouver en interne ou en externe les moyens de son développement ? Souvenez-vous de la loi d'orientation pour les transports intérieurs (Loti) : c'est celle qui a transformé la société d'économie mixte SNCF en Epic. Contrairement à ce qu'a dit hier M. Longuet, la SNCF, comme RFF, est bien un Epic. Pourtant libérale, la directive n'a jamais imposé de faire des opérateurs du service universel des sociétés anonymes. La mise en oeuvre de la fameuse concurrence libre et non faussée n'a jamais emporté la nature juridique des entreprises intervenant dans les services publics. L'article 24 de la Loti prévoit que la SNCF reçoit des concours de l'État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées ; elle peut aussi recevoir des concours des collectivités territoriales, notamment en application de l'article 22 de la même Loti et de l'article 67 de la loi du 9 février 1995. Or, comme La Poste, la SNCF a une mission d'aménagement du territoire.

Rien, encore une fois, n'empêche La Poste de bénéficier de ressources publiques pour se moderniser ou de faire appel à l'endettement -lequel, de l'ordre de 15 %, en 2008 reste relativement faible rapporté à son encours- solution moins onéreuse que l'attribution de dividendes. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à rejeter l'article premier ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Si le débat s'est manifestement apaisé depuis hier soir, les lignes n'ont pas bougé : d'un côté, le ministre et la majorité tentent de faire croire que le changement de statut est seulement une modification technique destinée à garantir l'efficacité du service ; de l'autre, nous pensons que ce changement est une rupture politique avec notre conception du service public, avec l'histoire et le peuple de notre République. En adoptant cet article premier, nous mettons le doigt dans l'engrenage : par souci de rentabilité, le bureau de poste se transformera bientôt en agence communale puis allez savoir quoi...

Mme Nathalie Goulet.  - ...en dépôt de pain.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La recherche du profit aura des conséquences directes sur la qualité du travail, les conditions de travail et le nombre de postiers. (M. Guy Fischer approuve) Raison pour laquelle nous sommes fermement opposés au changement de statut. Aussi avec conviction voterons-nous mécaniquement contre cet article premier !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - « Mécaniquement », c'est le mot !

M. Martial Bourquin.  - Durant ces deux jours de débat, je n'ai pas eu un seul moment l'impression qu'il y avait une volonté de pourrir la semaine. Nous avons eu un débat sérieux : nous avons échangé des arguments, tenté de convaincre l'autre et écouté...

M. Alain Milon.  - Oui ! Nous vous avons beaucoup écoutés ! (Sourires)

M. Martial Bourquin.  - Tout ce temps, La Poste, comme dit la publicité, elle le vaut bien.

Je regrette toutefois que le Gouvernement avance masqué sur ce dossier : le passage en société anonyme n'est qu'une première étape. M. le ministre nous donne l'assurance qu'il n'engagera pas la privatisation de La Poste, comme un autre l'avait fait avant lui pour une autre entreprise, mais son successeur ne se sentira peut-être pas tenu par cet engagement.

M. Alain Milon.  - C'est pour cela que nous avons voté l'amendement Retailleau !

M. Martial Bourquin.  - Dans les semaines qui viennent, vous allez voir, nous observerons une accélération des fermetures de bureaux de poste (« Non ! » à droite) Monsieur le ministre a eu raison -c'est tout l'art de la rhétorique- de présenter les suppressions d'emplois sur un temps long, mais la vérité est que 17 000 emplois ont été supprimés ces deux dernières années.

M. Guy Fischer.  - Le mouvement s'accélère !

M. Martial Bourquin.  - Les électeurs donneront tort à ceux qui soutiennent le passage en société anonyme et chacun prendra alors ses responsabilités.

L'Epic, comme l'a remarquablement démontré M. Teston, est une protection dans ce monde si marqué par le règne du chacun pour soi où les services publics sont dévorés par l'ultralibéralisme ; une protection pour les salariés, les usagers et la société. Or cette protection va être détruite par un vote car, après le temps de la distribution d'un argent public que l'État n'a pas, viendra le temps de la résorption des déficits où l'on vendra les bijoux de famille au Mont de Piété...

M. Christian Cambon.  - C'était le temps de Jospin !

M. Martial Bourquin.  - ...dont La Poste. Soyez lucides : les engagements pris aujourd'hui ne seront pas tenus. Le statut d'Epic fonctionne pour la SNCF et la RATP. Alors pourquoi le modifier pour La Poste ? Il y a anguille sous roche : on prépare une future privatisation, une purge libérale de La Poste. Nous sommes contre ! Nous n'avons pas voulu vous pourrir la semaine, mais vous parler avec passion de La Poste que nous aimons, de ces facteurs qui, par tous les temps, distribuent le courrier...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Et c'est reparti pour Zola !

M. Martial Bourquin.  - ...de ces guichetiers qui accueillent tous les Français. Nous savons que cette poste-là n'existe plus là où elle a été privatisée comme en Allemagne. Et pour cela, le peuple sera en droit de vous demander des comptes ! (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, de la commission et du groupe CRC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 187
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°276, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'engagent à prendre en compte dans l'ensemble de leurs activités, les préoccupations environnementales. La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'efforcent de développer l'usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l'utilisation du courriel. Ils veillent à limiter leurs émissions de déchets. La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'engagent à financer la recherche en matière de développement durable.

Amendement n°277, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le groupe La Poste s'engage à prendre en compte, dans l'ensemble de ses activités, les préoccupations environnementales. Le groupe La Poste s'efforce de développer l'usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l'utilisation du courriel. Il veille à limiter ses émissions de déchets. Le groupe La Poste s'engage à financer la recherche en matière de développement durable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'un des deux principaux concurrents de La Poste, le Hollandais TNT, compte 120 sites et affirme expédier chaque jour plus de 350 colis en France et à l'étranger. Avec sa nouvelle stratégie de développement durable, La Poste a déjà pris de nombreuses décisions en faveur de la protection de l'environnement. Mais il convient d'aller plus loin en engageant tous les opérateurs du secteur postal à procéder à une véritable révolution écologique de leurs pratiques.

Cet impératif écologique doit être étendu à l'ensemble des opérateurs du secteur postal, pour éviter que la concurrence ne soit faussée, qu'il s'agisse de nécessités de transport ou de conditions de travail.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La Poste a pris conscience de l'objectif de préservation de l'environnement, à laquelle le code des postes et des communications électroniques contraint tous les opérateurs postaux. Ceux-ci sont soumis, comme toutes les entreprises, aux lois relatives à la protection de l'environnement et à la Charte de l'environnement. Défavorable aux deux amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Tout prestataire de services postaux doit respecter l'objectif de protection de l'environnement. La Poste s'emploie à réduire les émissions de CO2 avec des mesures comme l'éco-conduite ou le recours aux véhicules électriques et au fret TGV. Enfin, encourager l'usage des courriels est en décalage avec le métier historique de La Poste. Défavorable.

M. Jean-Claude Danglot.  - Les préoccupations environnementales sont au coeur de la démarche des entreprises publiques. Depuis longtemps, La Poste montre l'exemple : ainsi, les enveloppes des services financiers sont en papier recyclé, et les relevés de compte hebdomadaires papier sont désormais facturés.

Le plan « cap qualité courrier » consiste à fermer les centres de tri départementaux et à regrouper les opérations de tri sur une quarantaine de sites industrialisés, plus performants. Or, contrairement aux centres de tri départementaux qui étaient en général situés à proximité immédiate des principales gares SNCF, les nouveaux centres de tri « cap qualité courrier » ne sont pas desservis par le train -ce qui suppose le recours au transport routier ! Si ces centres sont parfois primés pour leur usage de matériaux recyclés, les personnels sont soumis à des horaires atypiques et décalés, et contraints d'utiliser leur véhicule personnel faute de transports en commun adaptés.

La logique économique du traitement du courrier est incompatible avec la responsabilité environnementale et le respect des engagements du Grenelle et de la Charte de l'environnement. Nous voterons évidemment ces deux amendements qui devraient faire l'unanimité.

L'amendement n°276 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°277

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Article 2

L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. - La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité.

« I. - Les missions de service public sont :

« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;

« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l'article 6 de la présente loi ;

« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

« 4° L'accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.

« II.  -  La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises.

« La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier.

« La Poste est habilitée à exercer en France et à l'étranger, elle-même et par l'intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts. »

M. Michel Teston.  - Cet article énumère les quatre missions de service public confiées à La Poste : le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire.

Leur inscription est prévue par la directive postale, qui définit le service postal universel comme « une offre de services postaux de qualité déterminée, fournie de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

Cet article est contradictoire avec l'article premier, puisque devenue société anonyme La Poste devra privilégier la rentabilité économique.

Énumérer des missions n'est pas assurer leur financement pérenne à la hauteur des besoins. Le projet de loi maintient pour quinze ans le rôle de La Poste comme prestataire universel, mais l'absence de nouveaux moyens contraindra la future société anonyme à réduire ses coûts, donc à supprimer des emplois et restreindre la présence postale.

La fin programmée du secteur réservé n'augmentera pas le financement du service postal universel. Il va être créé un fonds de compensation alimenté par l'ensemble des opérateurs postaux au prorata de leur chiffre d'affaires, mais l'expérience de la téléphonie fixe incite à la circonspection, puisque le fonds y est principalement financé par l'opérateur historique, dont les concurrents contestent souvent leur quote-part malgré la décision prise par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). On voit bien les limites du dispositif.

Je suis inquiet pour l'avenir du partenariat entre La Poste et les collectivités territoriales : la création d'agences postales fait aujourd'hui l'objet de conventions négociées avec les collectivités territoriales ; à l'avenir, les délégations de service public pourraient passer par des appels d'offres et nous n'avons aucune garantie que les communes soient retenues. Comment vont réagir les concurrents de La Poste devenue société anonyme... du moins si ce projet de loi est voté dimanche soir ou ultérieurement ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article revient sur les missions de La Poste et de ses filiales. Nous avons suffisamment demandé que La Poste ne devienne pas une entreprise comme les autres ; la Banque postale ne doit pas non plus devenir une banque comme les autres.

La Banque postale s'est abstenue des placements à risques effectués par les autres banques, à l'origine de la crise financière. La Société générale cherche à se rapprocher d'elle alors que cette banque n'est vraiment pas l'archétype d'une banque responsable animée par un esprit de service public.

Déjà la Banque postale est à la recherche de la rentabilité, au point que le personnel disponible dépend non pas du nombre d'opérations réalisées, mais de leur montant. Résultat : de plus en plus d'agences bancaires ferment. Garantir 17 000 points de contact est très bien, mais ni un commerce, ni une agence communale ne pourront jouer le rôle d'une banque ! Les usagers ne pourront y obtenir aucune garantie de pérennité, sans parler de la confidentialité des opérations.

La présence de la Banque postale doit être une réalité dans les territoires ruraux et dans les zones urbaines sensibles.

Une vaste partie de Monopoly international se joue actuellement : La Poste tend à se placer au premier rang pour participer au démantèlement des postes étrangères, dépossédant ainsi les populations locales de leurs services publics. La Banque postale est privatisable depuis 2005. Si La Poste participe à la privatisation d'opérateurs étrangers, comment refuser demain la sienne ?

Les sénateurs Verts ne veulent pas que la Banque postale se laisse grignoter par des groupes à la morale douteuse. Aujourd'hui, l'accessibilité bancaire n'est garantie que dans le texte, pas sur le terrain. Au lieu de brader la Banque postale, il faut garantir un service bancaire universel. Nous avons besoin d'un pôle financier public pour impulser une véritable politique financière décidée par l'État, notamment en matière de logement social, d'environnement et de crédit.

Mme Odette Terrade.  - Simple compilation de dispositions existantes, cet article a pour unique objectif d'afficher que La Poste restera chargée de mission de service public même après sa transformation en société anonyme.

Vous prétendez que ces missions seront renforcées grâces à l'article 2, ce dont nous doutons, car elles ne seront plus financées. En effet, le secteur réservé est supprimé par ce texte au nom de la concurrence communautaire, alors que le fonds de compensation institué par la loi de régulation bancaire n'a toujours pas été créé. Après l'échec constaté en Italie, on peut au demeurant mettre en doute sa capacité à financer le service universel.

L'aménagement du territoire aussi est financé par un fonds, malheureusement insuffisant puisque 100 millions d'euros restent chaque année à la charge de La Poste pour assurer la présence postale. Qu'en sera-t-il lorsque votre majorité aura supprimé la taxe professionnelle ? Le fonds est abondé par l'exonération dont bénéficie La Poste...

L'aide à la presse va décroître de manière conséquente à partir de 2015. Ne parlons même pas de la fameuse accessibilité bancaire, dont les objectifs ont été laminés par la loi de 2005, qui a remplacé l'obligation d'offrir des services bancaires à tous par celle de satisfaire les besoins du plus grand nombre.

Que manque-t-il à La Poste pour remplir ses missions de service public ? Un financement pérenne. Or, seule une intervention ponctuelle est prévue ici. D'ailleurs, la somme que l'État doit investir dans La Poste, soit 1,2 milliard d'euros, équivaut au manque à gagner qu'il lui inflige depuis des décennies.

Comment atteindre l'équilibre ? Au détriment de l'aménagement du territoire, de la présence postale, de l'accessibilité bancaire et de l'aide à la presse. Le passage à la société anonyme et l'ouverture à la concurrence priveront l'opérateur des moyens d'assumer les missions de service public.

Vous rappelez que La Poste est un groupe public. Mais jusqu'à quand ? On connaît la chanson. Sans compter que cela signifie simplement que la part détenue par des personnes publiques doit rester supérieure à 50 %. Où est la garantie pour l'avenir alors que La Poste est aujourd'hui détenue à 100 % par l'État ? Nous ne pouvons cautionner un tel recul et défendrons des amendements à cet article 2 visant à préciser les missions de service public assurées par La Poste, notamment en ce qui concerne les réseaux de points de contact. Sur le fond nous maintenons notre condamnation de la fin du service public à la française.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La Poste est soumise à des droits et obligations au titre de ses missions de service public. Le code des postes et des communications électroniques dispose que le service universel postal doit être assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale, qu'il doit garantir à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité, et donc que la distribution du courrier doit être effectuée dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne, physique ou morale.

Ceci signifie que le courrier doit être distribué dans chaque boîte aux lettres, y compris dans les voies de lotissements ou les voies dites privatives, à partir du moment où ces voies sont ouvertes à la circulation publique.

Or, certains bureaux de poste ont récemment décidé, de manière arbitraire et subite, de ne plus distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres de certaines voies dites privatives.

Les riverains devront donc faire installer, à leur frais, une batterie de Cidex à l'entrée de ces voies, ce que la maire que je suis ne peut voir d'un bon oeil. Surtout, cela signifie que le principe d'égalité n'est plus respecté, pas plus que ceux de continuité et d'adaptabilité, et encore moins les obligations de La Poste en matière de qualité du service.

En conséquence, je me permets, monsieur le ministre, de vous demander de bien vouloir nous confirmer que vous veillerez à ce que les obligations de service public de La Poste, dans leur principe d'égalité entre tous les citoyens, seront toujours respectées, et qu'il ne peut y avoir de régression dans les normes de qualité des services de La Poste, ce qui serait contraire aux objectifs poursuivis par le ce texte.

Les 2,7 milliards ne sont pas un chèque en blanc à La Poste. Les élus veulent l'assurance d'une amélioration du service public de La Poste, que chaque Français réclame.

M. Guy Fischer.  - Très bien, madame Des Esgaulx !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Dans cet article, conséquence directe de l'article premier, sont détaillées les missions de service public qui relèvent de La Poste. Ces dispositions sont donc fondamentales et je veux insister sur l'une d'elles : la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire. Lui reconnaître cette mission, c'est admettre, monsieur le ministre, que l'activité postale n'est pas une simple activité marchande, mais bien une activité incontournable pour le maintien et la préservation du lien social et de l'identité des territoires. La Poste est de plus en plus souvent le dernier service de proximité de nos campagnes. Lorsque l'école a fermé, elle demeure le dernier symbole de la présence de l'État, le dernier rempart contre la désertification institutionnelle.

De fait, La Poste est plus qu'une entreprise comme les autres. Elle incarne le lien entre l'État et le citoyen. Elle symbolise la République. C'est pourquoi elle doit être présente dans tout le pays. Quelle image enverrions-nous alors aux citoyens si nous acceptons la disparition de La Poste des zones territoriales les plus défavorisées, les plus reculées, les moins bien équipées ?

Inscrire dans ce texte ce que sont ses missions de service public n'aurait pas de sens si les moyens nécessaires n'étaient pas assurés. Nous défendrons donc des amendements visant à préserver un niveau important d'accessibilité aux services postaux, sans lequel l'égalité entre les citoyens ne serait pas préservée. Où que l'on habite, quelle que soit sa condition sociale, on ne doit pas se sentir abandonné par l'État. La Poste doit fonctionner partout, avec des horaires d'ouverture suffisants.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si nos désaccords de fond persistent, nous sommes cependant tous d'accord sur un point, rappelé dans cet article 2 : le groupe public La Poste remplit des missions de service public. Cela signifie que La Poste a des obligations qu'un opérateur dont l'ensemble des activités s'exerce dans le cadre concurrentiel ne remplirait pas parce qu'elles lui feraient perdre de l'argent. L'exercice du monopole par l'établissement public La Poste a permis longtemps de financer ces obligations de service public.

Mais dès lors que l'essentiel de son activité s'est exercé dans le cadre concurrentiel, s'est posé le problème du financement de ce qu'il faut bien appeler désormais le « surcoût de service public » mis à sa charge.

Nous défendrons des amendements visant à consacrer le principe d'obligation de financement intégral et pérenne des missions de service public de La Poste et à en décliner les modalités.

Il est indispensable, pour assurer le service universel postal et la présence postale sur l'ensemble du territoire, de donner une existence réelle et non virtuelle au Fonds postal national de péréquation territorial en le sortant des comptes de La Poste, et de lui assurer des ressources réelles, étant entendu que l'équivalent d'exonérations fiscales n'est pas une ressource, mais un simple signal envoyé à Bruxelles pour n'être pas accusé de servir des avantages concurrentiels.

Quelle que soit sa position, chacun peut partager le souci de voir assurée une présence postale sur l'ensemble du territoire.

Il faut en finir avec le bricolage actuel. Les élus ruraux ne comprendraient pas que le Sénat ne réponde pas à leur attente. Avec cet article 2 sonne l'heure de vérité. Graver dans le marbre les missions de service public de La Poste en lui refusant les moyens identifiables et pérennes de les remplir serait pure hypocrisie. C'est dans cette catégorie que l'on peut ranger les propositions qui s'obstinent à gager le Fonds de péréquation sur des exonérations fiscales fussent-elles supérieures à celles d'aujourd'hui.

M. Georges Patient.  - La question des missions de service public de La Poste se pose avec acuité outre-mer, en raison de la configuration géographique et de la situation économique de ces territoires, de leur marché restreint et de leur éloignement de la métropole. C'est pourquoi les DOM ont été inscrits comme zones prioritaires au titre de la mission d'aménagement du territoire de La Poste.

Pourtant, la situation est loin d'être satisfaisante. Le ministre, en réponse aux interventions sur la motion référendaire, a cité la Guyane pour illustrer le souci du Gouvernement d'élargir le maillage territorial de La Poste dans toutes les zones du territoire français, surtout les plus isolées comme celles qui se situent à la frontière amazonienne.

La Guyane est un territoire continental immense avec beaucoup de zones enclavées, accessibles seulement par voie fluviale ou aérienne. Or, en dépit des déclarations du ministre, elle accuse un sérieux retard structurel en matière postale. Les chiffres sont éloquents : un bureau de poste pour 7 000 habitants, contre un pour 4 000 en métropole.

Depuis plusieurs années, la direction de La Poste guyanaise nous parle d'ouverture à la concurrence, de la mondialisation et des réorganisations nécessaires. Sa logique d'intervention ou d'implantation est celle de n'importe quelle entreprise qui vise la rentabilité financière.

Aucune des quatre missions de service public qui figurent dans ce texte n'est remplie dans ce département.

La présence postale et le service de distribution de la presse, déjà en difficulté, souffrent de la mutualisation forcée et illogique des moyens comme de l'ouverture de relais poste en lieu et place d'agences postales. Les usagers sont contraints d'effectuer de nombreux kilomètres sur les routes et les fleuves. La grogne monte, comme on l'a vu dans la commune d'Apatou, commune enclavée située le long du fleuve Maroni.

Et que dire de la mission d'accessibilité bancaire ? La Banque postale reste souvent pour les plus démunis la seule banque où ouvrir un compte. Mais la question se pose aujourd'hui de la pérennisation de la Banque postale en raison de mutualisations, là aussi très fréquentes, de certaines activités avec les Antilles et la métropole.

Au centre financier, le traitement des dossiers prend plusieurs semaines.

En outre, il n'y a toujours pas de réelle accessibilité bancaire. D'où un mouvement de protestation en septembre à Apatou.

La mission d'aménagement du territoire prend tout son sens dans les zones fragilisées qui connaissent des problèmes d'isolement et d'enclavement. En Guyane, le nombre insuffisant de points poste rend les conditions de travail des agents très difficile : ils doivent parcourir de nombreux kilomètres sur route, en pirogue ou à pied. Récemment, deux facteurs de 40 ans sont décédés de crise cardiaque, dont l'un durant son service. Sans tirer de conclusions hâtives, on peut toutefois s'interroger.

La privatisation ne fera qu'aggraver une situation déjà fragile et pénalisera, une fois de plus, les ultramarins, pourtant très attachés à un des derniers services publics garantissant à chacun un accès à un bureau de poste, à la distribution du courrier ou encore à un guichet bancaire.

Alors, au nom des principes d'égalité, d'équité, « d'unité de la Nation, de solidarité entre citoyens et d'intégration des populations » qui figurent dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) de 1995, La Poste doit poursuivre ses missions de service public sur l'ensemble du territoire français et l'État doit assurer leur financement. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Cet article est au moins aussi important que l'article premier puisqu'il traite des quatre missions de service public de La Poste. Comme l'a souligné notre rapporteur, La Poste est un acteur majeur de l'aménagement du territoire par son réseau de points de contact : elle joue donc un rôle social indispensable en milieu rural.

Les élus des collectivités territoriales souhaitaient, à juste titre, que figurent dans la loi des garanties sur le maintien des missions de ce service public : cet article leur donnera satisfaction. Ils voulaient également obtenir des garanties sur le volume et la pérennité du Fonds postal de péréquation territoriale qui concourt à l'aménagement du territoire et, bien entendu, ils attendent le maintien des bureaux de poste ou des points de contact en milieu rural. Notre groupe a donc proposé de sanctuariser le nombre de points de contact de La Poste. Je remercie notre rapporteur d'avoir été sensible à notre demande en acceptant de défendre un amendement qui prévoit que le réseau de La Poste devra compter au moins 17 000 points de contact. Il proposera également d'abonder le Fonds de péréquation territoriale de 65 millions supplémentaires pour renforcer la mission d'aménagement du territoire de La Poste. J'aimerai que M. le ministre nous rassure sur ce point.

Dans mon département, nous avions pensé que les milieux périurbains risquaient d'être encore plus pénalisés que les zones rurales et nous y avions maintenu un certain nombre de bureaux de poste. Hélas, nous avons été rappelés à l'ordre.

Après avoir approuvé l'article premier renforçant le caractère public de La Poste, le Sénat aura fait oeuvre utile et répondu aux principales préoccupations des uns et des autres en votant les articles 2 et suivants. J'espère que le débat va retrouver toute sa sérénité pour que nous puissions préparer, tous ensemble, l'avenir de La Poste. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Martial Bourquin.  - Nous voulons, monsieur le ministre, travailler et non pas « pourrir la semaine » du Gouvernement comme l'a prétendu un ministre. (Marques d'agacement à droite) Ce n'était pas vous mais on dit que le gouvernement est un...

Cet article est très important : nous connaissons des mutations sociologiques, économiques et écologiques décisives. La continuité des services publics sur tout le territoire mérite donc une attention particulière. Nombreux sont nos concitoyens qui se sentent seuls ou exclus. Nous assistons à une envolée de la pauvreté et de la précarité et le rapport du Secours Catholique est extrêmement inquiétant. Ne sous-estimons donc pas cette situation qui risque de nous revenir comme un boomerang. Les services publics, et La Poste en tout premier lieu, restent souvent le seul lien social pour certaines personnes.

Face à la concurrence qui va se mettre en place, soit on l'affrontera en modernisant La Poste, soit on cherchera la rentabilité à tout prix en transformant La Poste en une société classique qui privilégiera la rentabilité et donc la réduction des coûts et des effectifs. La Poste se coupera alors d'une grande partie de la population, et c'est malheureusement ce qui se passe déjà dans toute l'Europe. La singularité française, c'est de faire rimer modernisation avec maillage du territoire. L'aménagement du territoire doit être utilisé comme une force et non perçu comme une faiblesse. Or, la direction actuelle de La Poste semble considérer qu'il s'agit plutôt d'un handicap...

En pleine crise financière, la Banque postale n'aurait-elle pas dû mener une campagne pour dire qu'elle n'avait pas trempé dans cette bulle spéculative, que ses placements étaient sûrs, bref, qu'elle n'était pas une banque comme les autres ?

Nous allons défendre des amendements pour éviter toute restriction du service postal et défendre la continuité du service public en toutes circonstances. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Repentin.  - Le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Le processus d'ouverture progressive à la concurrence postale n'implique nullement le changement de statut de La Poste. Ce changement de statut n'annonce-t-il pas une privatisation qui ne dit pas encore son nom ?

La majorité tente de justifier sa démarche en invoquant une condition nécessaire à la concurrence. Mieux vaut se répéter que se contredire : la concurrence n'implique pas le changement de statut de La Poste. Aucune entreprise privée ne souhaitera remplir les missions de service public de La Poste. Est-ce bien là ce que nous voulons ? L'article 2 cherche à sauvegarder l'essentiel des missions de service public : il s'agit donc d'un aveu. Le statut de société anonyme menace l'avenir de La Poste : elle se retrouvera opposée à des concurrents qui se positionneront sur des secteurs d'activité à forte valeur ajoutée. Bien sûr, les missions de service public de La Poste restent un dernier rempart face aux dérives prévisibles, mais pour combien de temps ? Ce changement de statut entraînera inévitablement des fermetures de bureaux de poste et des réductions d'effectifs. C'est sans doute pour cette raison que le conseil général de la Savoie a récemment refusé à l'unanimité le changement de statut de La Poste et s'est prononcé pour le maintien des services publics. L'assemblée départementale est présidée par l'ancien ministre, Hervé Gaymard, et compte dans ses rangs le député Michel Bouvard, membre de la Caisse des dépôts et notre collègue Jean-Pierre Vial.

Les élus de ce département subissent déjà les effets de la dernière modification de La Poste, dont nous avions dénoncé les risques. Rappelez-vous l'intervention en séance de notre ancien collègue Pierre-Yves Trémel, qui s'était battu pour le service public de La Poste.

En tant qu'élu d'un département de montagne, je mesure les difficultés créées par le retrait du service postal. Je suis en outre élu dans un canton où se trouve une zone urbaine sensible, dont l'agence postale a été victime de deux agressions. Les agents ont fait valoir leur droit de retrait, et après un an de discussion avec La Poste, nous allons peut-être déboucher sur une solution pour que ce service soit à nouveau assuré. Qu'en sera-t-il quand nous aurons en face de nous une entreprise privée ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

M. Thierry Repentin.  - Qui, sur le long terme, assurera l'accessibilité aux services bancaires dans des territoires où de nombreuses personnes n'ont plus de compte chèques et ne disposent que d'un livret A, dont l'ouverture est gratuite et obligatoire -ce que n'indique pas l'article 2 ? Je me réfère à ma connaissance des territoires et non à une approche dogmatique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Bel.  - J'ai apprécié les interventions précédentes, et notamment celle de Marie-Hélène des Esgaulx, qui a mis en avant les nécessités de service public que démontrent les exemples pris dans nos territoires.

Je suis sans doute le seul ici à avoir démissionné d'un comité départemental de présence postale, comme l'a également fait mon successeur lorsque nous avons remis en place ce comité. Dans mon département, l'Ariège, nous rencontrons certains problèmes qui n'ont, hélas, rien d'exceptionnel. Il s'agit, tout d'abord, du déclassement des bureaux de poste : on comptait 85 bureaux de plein exercice il y a cinq ans, il n'en reste aujourd'hui qu'une douzaine. Ils sont remplacés par des agences postales communales et des points de contact, mais cette dégringolade a un impact significatif dans le département.

Comment en arrive-t-on là ? On commence par diminuer l'amplitude horaire pour l'ouverture du bureau. Un exemple : le canton de Quérigut, qui est l'un des plus petits de France, dans la partie de l'Ariège proche de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. J'ai été pendant douze ans maire d'une petite commune de ce canton très enclavé, dans une zone de montagne à près d'une heure de la ville d'importance la plus proche, et qui compte 450 habitants l'hiver. Ce qui tient lieu de bureau de poste n'est plus ouvert qu'un jour et demi par semaine. La Poste n'est pas seule en cause car des problèmes similaires touchent d'autres services publics, mais il est de plus en plus difficile de vivre dans ce territoire. En outre, les maires sont exaspérés par les conditions qu'on leur impose : dans certains bureaux de montagne, les personnels malades ou en congé ne sont plus remplacés.

M. Roland Courteau.  - Exact !

M.Jean-Pierre Bel.  - Sans parler du courrier qui n'arrive plus, ou très tard.

Tout cela nous amène à nous interroger sur la signification même de la notion de service public car, en principe, l'habitant d'un canton isolé a droit aux mêmes services qu'une personne vivant dans un territoire plus favorisé. Depuis quelques mois, nous travaillons contre le service public, qui subit une rétrogradation inquiétante. Dans mon département, personne n'aurait compris que je n'évoque pas ce cas particulier au moment où nous débattons de La Poste. Nous devons redonner au service public son véritable sens. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Guy Fischer.  - Bel exemple !

M. Michel Mercier, ministre.  - Il n'est pas d'usage pour le ministre de répondre après les interventions sur l'article, mais, par égard pour les membres du Sénat, je souhaite répondre aux interrogations exprimées par les orateurs. Nous allons travailler cette nuit et demain toute la journée et, grâce à votre attachement au service public et à l'aménagement du territoire, nous pourrons clore ce débat le plus tôt possible, dans l'intérêt de La Poste.

M. Guy Fischer.  - Ne nous mettez pas la pression !

M. Michel Mercier, ministre.  - Jamais ! Avec moi, tout est proposé, rien n'est imposé. (Sourires)

M. Gérard Cornu.  - C'est comme au Club Med ! (Sourires)

M. Michel Mercier, ministre.  - Rien n'imposait au Gouvernement d'inclure dans ce texte des dispositions relatives aux missions de service public de La Poste, qui ne seront pas obérées par le changement de statut.

Madame des Esgaulx, vous êtes juriste et élue de la Gironde. La conception matérielle des missions de service public a été fixée par le maire de Bordeaux, Léon Duguit, et a toujours été confirmée par le tribunal des conflits et le Conseil d'État. Monsieur Mirassou, vous êtes élu de Toulouse, où officiait le doyen Hauriou, tenant de la définition institutionnelle du service public. Notre pays a toujours privilégié la première conception, celle du contenu, qu'il s'agisse du service public ou de la Nation. Le Gouvernement s'inscrit dans cette ligne en confiant à une société anonyme des missions de service public.

Cette conception, qui n'est pas nouvelle, a été confirmée à de multiples reprises par le Conseil d'État, notamment dans l'arrêt Société Unipain de 1972. Avec La Poste, nous perpétuons cette grande tradition du service public.

La Poste a un statut de société anonyme.

M. Martial Bourquin.  - Non, c'est un Epic !

M. Guy Fischer.  - Vous anticipez.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le Sénat a voté l'article premier, qui sera examiné par l'Assemblée nationale. On retrouve les mêmes dispositions pour beaucoup de services publics, il n'y a rien ici de très nouveau.

M. Repentin estime que la mise en concurrence ne nécessitait pas un changement de statut, mais il sait très bien que celui-ci est imposé par le régime des aides européennes, et La Poste a besoin d'argent. (Protestations à gauche, notamment de M. Martial Bourquin)

Monsieur Bourquin, laissez-moi exposer ma position comme vous avez exposé la vôtre. A défaut, vous penserez que vous avez raison même quand vous avez tort. (Rires à droite) Acceptez le dialogue, même si ma thèse est différente de la vôtre.

M. Martial Bourquin.  - J'exposerai donc l'antithèse.

M. Michel Mercier, ministre.  - Et moi je suis toujours pour la synthèse, ce qui vous manque en ce moment ! (Sourires)

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Michel Mercier, ministre.  - La Banque postale n'est pas une banque comme les autres. (Marques d'approbation à gauche)

M. Guy Fischer.  - Oui !

M. Michel Mercier, ministre.  - La moitié de sa clientèle perçoit des minima sociaux. C'est la seule banque qui assure l'accessibilité bancaire et elle continuera à remplir cette mission de service public.

Monsieur Teston, le financement des missions de service public est assuré, des dispositions sont inscrites dans trois articles, en particulier l'article 2 ter ; et votre commission, qui a beaucoup travaillé sur ce point, a fait des propositions. Nous trouverons une solution et si vous êtes impatients de la connaître, il faut arriver rapidement à l'examen de l'article 2 ter. (Sourires) Il y a certes des problèmes dans les DOM, et singulièrement en Guyane, mais il existe tout de même au moins un bureau de poste par commune. Monsieur Repentin, reconnaissez qu'il y a montagne et montagne ; et en Savoie, c'est en haute montagne que La Poste fait ses meilleurs chiffres -mieux qu'en plain- elle n'a donc aucune intention de quitter ces lieux ! Je suis ouvert au dialogue. Ensemble, nous ferons en sorte que La Poste, devenue une société anonyme (M. Martial Bourquin se désole), détenue par l'État et ses excroissances, assume totalement ses missions de service public (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Jean-Claude Danglot.  - Cet article essentiel consacre La Poste comme entreprise. Nous refusons la transformation, nous voulons donc supprimer l'article. Mais plus précisément, nous n'acceptons pas que les missions de service public soient placées sur un même plan que les autres activités. Pourquoi ne pas les détailler dans un article spécifique ? Nous n'acceptons pas que vous fassiez l'impasse sur les objectifs et les moyens.

La rédaction de cet article laisse penser que la définition du service universel relève de la loi. Or ce n'est pas si simple et vous le savez bien. Le code des postes, sur le service universel postal, est si flou que vous prévoyez un décret en Conseil d'État, pris après consultation de La Poste et après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Ce décret précisera les caractéristiques du service universel ; autrement dit, La Poste entreprise privée et ses actionnaires privés participeront bientôt à la définition du service universel. Et vous pourrez par décret restreindre le service universel. C'est dire l'étendue des garanties de service public contenues dans ce projet de loi ! Incohérences, imprécisions, dispositions dangereuses : nous y reviendrons.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - L'article conforte les missions de service public, service universel postal, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire, aménagement du territoire. La Poste n'est pas une entreprise comme les autres car elle exerce des missions de service public à la française, dont le contenu est défini dans divers textes de loi. Il n'y avait aucune obligation de les rappeler ici. Le Gouvernement a fait ce choix, que je salue. Défavorable aux amendements.

M. Michel Mercier, ministre  - Chiche, supprimons l'article : plus de garantie sur les 17 000 points de contact, plus de contrat de missions de service public ! Nous avons tous envie d'approfondir ces questions, de préciser comment est financé l'aménagement du territoire. Défavorable.

M. Jean-Claude Danglot.  - Supprimons surtout le projet de loi. (Murmures à droite) Vous faites l'impasse sur les moyens. Ce n'est pas un oubli.

Les agents du service public sont à la disposition des usagers, pour les aider : on sait le rôle essentiel que joue le facteur, il ne se contente pas de glisser des lettres dans la boîte six jours sur sept, mais dans telle maison, il sonne et il attend que le citoyen vienne à sa rencontre car il sait que celui-ci voit mal et qu'il faudra lui lire son courrier. Il rend un service désintéressé, non rentable, qui n'est pas mentionné dans le service universel mais qui est une pratique quotidienne. Celle-ci perdurera-t-elle ? Impossible, car la recherche de rentabilité l'interdira. N'enfermons pas le service public dans la définition froide d'un service universel totalement déshumanisé.

M. Bernard Vera.  - La mention du service public des envois postaux a disparu. On prétend nous faire croire que service public et service universel sont synonymes et que l'on passe indifféremment de l'un à l'autre. Mais le service universel n'est qu'un service au rabais pour les plus démunis. Et rien sur le financement !

Les opérateurs privés se soucieront-ils de service public ? La Poste société anonyme privilégiera-t-elle la rentabilité sociale sur la rentabilité financière ? Vous restez sourds aux besoins de la population, vous ne songez qu'à couler le pays dans le moule libéral, à obéir aux règles de l'OMC et de l'Accord général sur le commerce et les services : toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence. L'entreprise publique, débridée par les politiques communautaires et encouragée par le Gouvernement, a déjà commencé à mener une politique néfaste. Voyez ce qu'il en est de la mission d'aménagement du territoire : il y a là un exemple inquiétant de la dégradation du service public postal.

Il faut assurer un contenu substantiel aux services publics ; vos politiques ne cessent de les vider de leur contenu. Ouverture totale à la concurrence, fin du secteur réservé, préparation de la privatisation : tout cela pèse lourd sur le service public. On assiste à une marchandisation des activités postales. L'article 2 n'a plus grand sens.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°37 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue des suffrages exprimés 113
Pour l'adoption 37
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°195 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. - La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et des communications électroniques :

« - d'assurer, dans les relations intérieures et internationales, le service public du courrier sous toutes ses formes, ainsi que celui du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications ;

« - d'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de transport et de distribution d'objets et de marchandises ;

« - d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transferts de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et contribue au développement de l'épargne populaire, notamment par la collecte du Livret A. Elle participe ainsi à la lutte contre l'exclusion bancaire et à la mise en place du droit au compte défini au titre Ier du livre III du code monétaire et financier. À cet effet, elle est partie prenante d'un pôle financier public l'associant à la Caisse des dépôts et consignations, au réseau des caisses d'épargne, à OSEO et à tout établissement financier doté d'une mission de service public. »

Mme Marie-France Beaufils.  - Avec cet amendement nous entendons revenir au texte originel de la loi de 1990. Selon celui de la commission, « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité. » Derrière cette rédaction se dissimule une conception réductrice du rôle et des missions de service public de La Poste, bien éloignée de celle qui a été affinée en soixante ans sur le fondement du programme du Conseil national de la Résistance. Tandis que la loi de 1990, adossée au code des postes et télécommunications, était construite sur mesure pour tenir compte des spécificités de l'opérateur public, le texte qu'on nous propose fait des missions de service public l'accessoire et des activités ouvertes à la concurrence l'essentiel, avec pour référence première le code de commerce. Nous ne voulons pas de cette apparence de service public qui semble programmer sa propre disparition.

Je reviendrai en explication de vote sur l'intégration de la Banque postale au pôle financier public que nous appelons de nos voeux.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Cette rédaction est moins précise que celle de la commission et oublie la mission d'aménagement du territoire de La Poste. Je suis quant à moi très attaché au réseau de points de contact. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Même avis. La mission d'aménagement du territoire est essentielle.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je reconnais cette lacune, preuve que nous n'avons pas eu le temps suffisant pour préparer le débat...

Notre amendement portait aussi sur l'intégration de la Banque postale au périmètre de sa société mère, La Poste. La Banque postale a une mission de service public, mentionnée à l'article 2 dans un alinéa particulièrement bref. Cette mission ne comprend pas la gestion de comptes courants, ni la mise à disposition de prêts immobiliers à vocation écologique, de prêts particuliers ou de conventions d'assurance au moindre coût. Elle ne porte pas plus sur le développement des produits d'épargne logement mais est strictement limitée à l'accessibilité bancaire des déposants dont personne d'autre ne veut gérer la clientèle : pour aller vite, l'accueil des clients effectuant des retraits inférieurs à 10 euros ... Nous n'avons pas cette vision rabougrie et misérabiliste du service public, à qui on laisse en réalité tout ce qui ne rapporte pas. Il est niché dans notre droit financier un droit au compte, La Poste peut fort bien être chargée de le mettre en pratique.

Nous voulons aussi faire de La Poste une des composantes d'un véritable pôle public financier, où seraient associés la Caisse des dépôts, le réseau des Caisses d'épargne et celui d'Oseo, un pôle chargé de missions de service public et d'intérêt général. Ce pôle pourrait financer la construction de logements, notamment locatifs ou en accession sociale grâce à la mise à disposition des ménages de prêts moins coûteux qu'aujourd'hui. Il pourrait financer les PME en proposant des prêts à taux d'intérêt réduit. Il pourrait encore financer les économies d'énergie dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il pourrait enfin gérer l'encours des 40 ou 100 milliards d'euros du grand emprunt dont l'idée a été reprise par le Président Sarkozy.

Mme Odette Terrade.  - L'article 2 consacre la réduction des missions de service public de La Poste au strict minimum. Nous aurons donc demain une société anonyme dont le capital sera, dans un premier temps, détenu par l'État et d'autres personnes morales de droit public. C'est la Caisse des dépôts qui est ainsi visée, bras séculier de l'État dont on attend une participation au capital de 1,2 milliard d'euros. Au moment de la création de la société anonyme, une partie du capital, minoritaire, sera distribuée au personnel de La Poste et de ses filiales. On peut supposer que cet actionnariat populaire contraint sera heureux de traduire les gains de productivité qui lui seront imposés en généreux dividendes -3 % ou 4 % de la valeur de l'action, sans doute- à défaut d'augmentations de salaires ou de primes...

Parlons maintenant des missions de service public. Le service public universel du courrier ? Il sera limité à la seule circulation du courrier de caractère administratif. L'accessibilité bancaire ? Limitée à la seule diffusion d'une sorte de livret A du pauvre. Les points de contact ? Transformés peu à peu en agences communales ou en simples relais chez les commerçants -la qualité et la quantité des opérations qu'on pourra y faire n'y gagneront évidemment rien. Le transport et la distribution de la presse ? Chaque jour davantage à la charge de La Poste, parce que l'État entend réduire dans les années qui viennent la part du budget de la mission Médias qui finance cette mission d'intérêt général. Et tant pis pour la démocratie et la diffusion des idées : la régulation budgétaire passe avant tout ! Nous ne voulons pas de ce service public rabougri.

M. Thierry Repentin.  - Cet amendement est intéressant car il sauvegarde l'essentiel.

Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur le statut. Le passage en société anonyme n'est pas une nécessité puisque l'Europe accepte déjà la définition des services sociaux d'intérêt général et des services d'intérêt économique général et les aides de l'État, budgétaires ou fiscales, quel que soit le statut de l'entreprise bénéficiaire. A ce titre, l'État français accorde déjà des avantages fiscaux à La Poste pour la délivrance du livret A, mais aussi aux offices départementaux de HLM (sourires entendus) pour la construction de logements sociaux et, même, l'accession sociale à la propriété. (« Très bien » sur les bancs CRC-SPG) Monsieur le ministre, on ne prévoit pas, que je sache, de transformer tous les offices de HLM en société anonyme ! (M. Martial Bourquin applaudit)

M. Michel Mercier, ministre.  - Il va défendre et Courchevel et les pauvres !

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe CRC-SPG. (Marques d'impatience à droite)

L'amendement n°195 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°198 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1 

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, les sommes collectées par La Poste au titre de l'article L. 221-2 du même code sont intégralement reversées au fonds défini à l'article L. 221-7 du même code.

M. Bernard Vera.  - Cet amendement est le premier d'une série...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Oh là là !

M. Bernard Vera.  - ...sur l'épargne populaire, dont La Poste était, avec la Caisse d'épargne, un acteur attitré avant la funeste loi de modernisation de l'économie. La banalisation du livret A -qui, par parenthèse, a précédé la création du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne voulue par le Président de la République- a été marquée par un phénomène jusqu'alors peu connu : la loi ne s'applique pas à tous avec la même rigueur. Ainsi, La Poste et la Caisse d'épargne, opérateurs historiques, ont dû respecter un taux de centralisation particulièrement élevé et apporter l'essentiel des 160 milliards attendus.

Cet amendement exige de La Poste la centralisation intégrale des ressources du livret A et du livret de développement durable. Pris isolément, il peut paraître sévère, mais nous proposerons ensuite d'autres amendements visant à établir une plus grande égalité de traitement entre La Poste et les autres établissements assurant la collecte de ces produits d'épargne défiscalisée à haute valeur ajoutée.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Pourquoi soumettre la Banque postale à un régime différent de celui des autres établissements de crédit ? Le dispositif introduit par la loi de modernisation de l'économie est équilibré. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - L'amendement est important : la banalisation du livret A constitue un véritable pillage de l'épargne populaire, un détournement de l'épargne populaire de sa finalité sociale au profit, notamment, des entreprises -je ne dis pas que cela soit mauvais de financer les entreprises, mais il s'agit d'un détournement. En tant qu'élus, nous devrions être particulièrement vigilants. De fait, lorsque nous devions financer des investissements, nous avions traditionnellement un rendez-vous avec la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse d'épargne. Mais, compte tenu des instructions gouvernementales et de disponibilités de plus en plus réduites, nous devons parfois emprunter dans des conditions plus difficiles, qui pèsent sur le budget des communes et, donc, sur la fiscalité locale. Pour financer le logement social notamment, les conditions se sont dégradées de manière magistrale ! (« Très bien ! » sur les bancs CRC-SPG)

M. Bernard Vera.  - Depuis sa création en 1818, le livret A, avec 45 millions de titulaires, est le symbole de l'épargne populaire. Tous les gouvernements se sont attachés à préserver son mode distribution et la centralisation de ses fonds au nom du logement social, qu'il finance à 80 %, et de la lutte contre l'exclusion bancaire, dont il est le dernier outil. Nous en avons plus que jamais besoin quand six millions de personnes seraient mal logées en France selon la Fondation Abbé Pierre en 2007 pour un million de demandes de HLM non satisfaites ; quand l'exclusion bancaire toucherait, selon l'estimation faite en 2004, environ cinq millions de Français. Produit sans équivalent international, le livret A a fait la preuve de sa solidité depuis des décennies.

En 190 ans d'existence, jamais aucun épargnant n'a été spolié. Il est le moins coûteux d'Europe pour les finances publiques. Son utilisation rationnelle et responsable est une exigence sociale. La centralisation de la collecte doit être exemplaire. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

L'amendement n°198 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Même idée qu'à l'amendement précédent ; seule change la part de collecte centralisée. Depuis le 1er janvier 2009, comment les banques se sont-elles comportées ?

M. Guy Fischer.  - Avec la banalisation, l'encours global de la collecte du livret A et du livret de développement durable a atteint 250 milliards fin septembre 2009. Or on observe une décollecte d'environ 9 milliards par rapport à l'année précédente, preuve d'un siphonage du livret A par les établissements bancaires. Le droit au compte, le financement du logement social et des investissements des collectivités territoriales sont remis en cause. L'accessibilité bancaire se dégrade. Dans les grands quartiers populaires, aux Minguettes par exemple, des queues impressionnantes se forment aux guichets de la Banque postale, car les plus démunis se déplacent souvent pour retirer quelques dizaines d'euros !

M. le président.  - Pouvons-nous considérer que vous avez défendu les deux amendements suivants, qui sont presque identiques ?

M. Guy Fischer.  - Soit, si mes camarades sont d'accord... (Sourires)

Mais ce délitement du lien social qu'assurait La Poste auprès des plus fragiles est un grave problème.

M. le président.  - Amendement n°201, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux sept dixièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux trois quarts des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ces amendements concernent l'ensemble du système bancaire et excèdent largement le champ du projet de loi. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le débat sur le livret A a déjà eu lieu. Ces amendements sont des cavaliers : avis défavorable.

L'amendement n°199 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s201 et 200.

Prochaine séance demain, vendredi 6 novembre 2009, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 6 novembre 2009

Séance publique

À 9 HEURES 30, À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).