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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (Deuxième lecture)

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission

Rappel au Règlement

Commissions (Candidature)

Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles

Articles additionnels avant l'article unique

Article unique

Vote sur l'ensemble

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Division additionnelle avant le titre premier (Suite)

Rappel au Règlement

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels

Décisions du Conseil constitutionnel

Saisine du Conseil constitutionnel

Commission (Nomination)




SÉANCE

du jeudi 21 janvier 2010

61e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 40.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.

Discussion générale

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le 14 décembre dernier, je présentais devant vous ce texte qui constitue la dernière étape de l'ajustement de la carte électorale entamé voici près de deux ans. Je précisais que l'examen de ce texte et son vote par votre assemblée, nécessaires pour que l'ordonnance du 29 juillet 2009 ne soit plus un simple acte administratif mais prenne force de loi, vous plaçait dans une situation inédite sous la Ve République, puisque le Sénat n'avait examiné ni l'ordonnance de 1958, ni le projet de loi de 1986 rétablissant le scrutin majoritaire, et qui fixe les circonscriptions actuelles.

Je ne reviens pas sur l'incident qui s'est produit lors du vote au scrutin public d'un amendement supprimant l'article unique du projet de loi de ratification, ni sur les circonstances qui l'ont entouré. Je souhaite en revanche m'exprimer sur les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale mardi dernier, relatifs au précédent ainsi créé par le rejet du projet de loi de ratification par une majorité fortuite de sénateurs. Que les choses soient bien claires, ces propos ne visaient pas le Sénat dans son ensemble, (rires incrédules sur les bancs socialistes) mais bien, chacun l'aura compris, les sénateurs de l'opposition qui ont fait voter cet amendement. (Exclamations à gauche) Et c'est à leurs collègues députés de l'opposition que mes paroles s'adressaient. Leur attitude a en effet conduit à une nouvelle lecture d'un texte dont l'examen devait être rapide et elle revenait sur une tradition bien établie : celle selon laquelle une assemblée parlementaire ne s'immisce pas dans les questions touchant les membres de l'autre assemblée (On le conteste sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Faisons plus simple, supprimons le Sénat.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je ne me serais pas permis d'invoquer cette tradition si elle n'avait pas été évoquée à plusieurs reprises dans cet hémicycle : lors des débats, en 1986, sur la nouvelle délimitation des circonscriptions législatives, l'ancien président de votre commission des lois, M. Jacques Larché, constatait que le Sénat, par principe, ne remettait pas en cause les choix arrêtés par les députés en la matière, relevant que, sur les neuf lois ayant formalisé ou autorisé les redécoupages précédents, six avaient été adoptées sans modification et trois avec de simples modifications rédactionnelles ou de coordination. II vous avait en conséquence proposé d'opposer la question préalable au projet de loi, ce que vous aviez fait alors, au motif qu'il ne vous appartenait pas de statuer sur les modalités d'élection des membres de l'Assemblée nationale. Plus récemment, lors des débats sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'ajustement de la carte électorale, votre rapporteur, le sénateur Patrice Gélard, (applaudissements sur les bancs UMP) avait estimé dans son rapport que le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, ne devait pas remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral.

« Le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l'Assemblée nationale ! » avait-il dit. « C'est la règle que nous avons toujours appliquée » ; « iI n'y a pas de raison de modifier nos comportements. »

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est triste...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Lisez la Constitution. C'est le Parlement dans son entier qui fait la loi.

M. Bernard Piras.  - Changez donc la Constitution !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Plusieurs orateurs avaient de la même manière évoqué « la courtoisie sénatoriale » ou « nos usages républicains ». Enfin, le président Hyest avait approuvé M. Fauchon quand il avait souligné que cette position des sénateurs se concevait naturellement « sous réserve de réciprocité ».

M. Bernard Frimat.  - Laborieux...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je n'ai donc pas voulu signifier autre chose aux députés de l'opposition : les sénateurs de leurs partis, en votant la suppression de l'article unique...

M. Jean-Pierre Sueur.  - A juste titre.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - ...les obligeaient à nouveau à débattre de leurs conditions d'élection. Et ceci sans qu'ils puissent être assurés de pouvoir à leur tour s'ingérer dans le redéploiement ou la création de sièges de sénateurs ; et sans qu'ils aient le dernier mot puisque le Sénat devait à nouveau en débattre. J'ai relevé le retard pris dans l'achèvement de la nouvelle carte législative demandée par le Conseil constitutionnel depuis vingt ans.

En soulignant la responsabilité des sénateurs dans cet état de fait, je n'ai en aucun cas voulu, je le répète solennellement, mettre en cause le Sénat dans son ensemble, mais seulement relever les conséquences d'un comportement partisan.

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est votre texte qui est partisan !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Sur le fond du projet de loi, je n'ai aujourd'hui rien à retrancher ou à ajouter aux arguments que j'avais avancés en décembre dernier. Ils figurent au compte rendu de vos débats au Journal officiel. Vous n'aviez pu répondre positivement, pour les raisons que l'on sait, à la question que je vous posais alors : l'ordonnance respecte-t-elle les critères fixés par la loi d'habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel ?

M. Jean-Marc Todeschini.  - Non ! Elle est partisane !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Conseil prescrivait une carte fondée sur des bases essentiellement démographiques, avec une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. Telle a été aussi la position du Conseil d'État, qui a donné un avis favorable au projet de loi de ratification. La majorité de votre assemblée estime, me semble-t-il, que le Gouvernement a bien rempli la mission délicate confiée par la loi d'habilitation. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Étant donné la richesse des débats de décembre dernier, en première lecture, je me bornerai à effectuer quelques brefs rappels. Nul n'ignore que l'ordonnance qui modifie les frontières de 339 circonscriptions dans 42 départements répond à un véritable impératif démocratique et constitutionnel.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Tripatouillage !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 l'imposait puisqu'elle a fixé le nombre maximal de membres de l'Assemblée nationale à 577. L'inscription de ce nombre dans la Constitution...

M. Daniel Raoul.  - Une erreur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...a des conséquences. Nous avons dû suivre, par homothétie...

M. Bernard Frimat.  - Pas nous !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et pourtant nous ne sommes persuadés de la pertinence de cette constitutionnalisation. (Exclamations à gauche) Je l'avais dit clairement lors de la révision constitutionnelle.

Il y a eu aussi la création des sièges de députés pour les Français établis à l'étranger. La refonte de la carte législative tend aussi à respecter le principe d'égalité devant le suffrage. Les circonscriptions actuelles sont fondées sur le recensement de 1982 ! Depuis lors, les modifications démographiques ont été nombreuses et la voix de chaque citoyen a aujourd'hui un poids très inégal selon son lieu de résidence. Depuis plus de dix ans, le Conseil constitutionnel invite d'ailleurs le législateur à remédier à cette situation. Les mêmes recommandations avaient été adressées au Sénat, qui a procédé lui-même à cette réforme et qui recommencera régulièrement.

La loi d'habilitation a posé trois critères majeurs à prendre en compte dans les ajustements. D'abord, la population de chaque circonscription ne doit pas s'écarter de la moyenne démographique départementale de l'ensemble des circonscriptions de plus de 20 % ; ensuite, le tracé des circonscriptions doit respecter le principe de continuité territoriale, ce qui signifie que seuls les cantons de plus de 40 000 habitants et les villes de plus de 5 000 habitants peuvent être divisés. Ces deux premiers critères ont été parfaitement respectés par l'ordonnance : aucune circonscription ne présente d'écart excessif par rapport à la moyenne départementale et seuls 42 cantons ont été divisés.

Enfin, l'habilitation prévoyait qu'au moins deux sièges de député seraient attribués à chaque département. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, en dépit d'une tradition très ancienne, car le juge suprême a entendu tenir compte de l'augmentation globale de la population française depuis les années quatre-vingt et de la révision constitutionnelle de 2008.

En conséquence, la Lozère et la Creuse, dont la population est inférieure à 125 000 habitants, auront un seul député. La commission prévue par l'article 25 de la Constitution a rendu deux avis publics sur la question. Le Gouvernement a modifié son projet en conséquence dans 25 départements. Certes, il n'a pas suivi les recommandations de la commission dans treize autres départements ; mais il a justifié ce choix au cas par cas, notamment par un souci prospectif. Ainsi dans un département que je connais bien, la Seine-et-Marne, une circonscription en pleine évolution, la ville nouvelle de Sénart, gagne 8 000 habitants par an.

L'ordonnance est donc conforme aux exigences fixées, c'est pourquoi, en première lecture, votre commission vous a proposé de la ratifier sans la modifier. Nous y étions presque, lorsqu'un incident malheureux est intervenu. Néanmoins, l'ordonnance a été ratifiée par l'Assemblée nationale à deux reprises et sans modification.

M. Bernard Frimat.  - Quelle surprise...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La traditionnelle réserve du Sénat, sur les textes qui concernent exclusivement les députés, doit nous inciter à suivre la position de l'Assemblée sans nous immiscer dans ses choix.

Je veux cependant souligner, monsieur le ministre, que notre Constitution a prévu deux assemblées et requiert un accord entre les deux sur nombre de lois. Le précédent de 1958 que vous avez cité n'a pas de valeur puisque, à cette époque, de nombreuses modifications substantielles ont été apportées par une ordonnance prévue par la Constitution et dont le Parlement n'a pas été saisi. Quant au vote par le Sénat d'une question préalable par deux fois dans le passé lors de l'introduction de la proportionnelle et du retour au scrutin majoritaire, il ne signifiait pas absence de débat ! Le vote sans débat a existé dans une Constitution très ancienne -une assemblée délibérait, une autre votait- et si nous décidions de revenir à cet intéressant système, il faudrait affecter le Sénat à la délibération car il est beaucoup plus raisonnable que l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur divers bancs ; « Belle séance de rattrapage ! » à gauche)

Monsieur le ministre, vous invoquez une jurisprudence en oubliant que, par deux fois déjà, les députés se sont occupés contre notre avis des modalités d'élection au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs UMP) Nous pourrions agir de même à l'égard de l'Assemblée nationale, mais telle n'est pas notre tradition.

Le débat est une chose normale. Nous souhaitons une ratification conforme mais le droit d'amendement et le débat existent. Le Gouvernement aurait pu, du reste, nous demander de voter une question préalable en première lecture... en se référant aux précédents ! Les députés ont eux aussi utilisé les amendements pour obtenir des explications ; la discussion, je crois, s'est plutôt bien passée.

Les députés font parfois des déclarations fracassantes à propos du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous y sommes habitués...

M. le président.  - Mais pas résignés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...et nous répliquons toujours aux affirmations erronées. Monsieur le ministre, vous êtes un parlementaire expérimenté et soucieux du respect de nos institutions. Vos propos ne pouvaient qu'être relevés, même si vous avez admis les avoir tenus dans le feu du débat...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je n'ai rien entendu de tel ! (On renchérit sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vos propos ont dépassé votre pensée. (On en doute à gauche) Le Sénat, deuxième assemblée du Parlement, est égale sur le plan législatif. Il est vrai que le dernier mot va toujours à l'Assemblée nationale, quelquefois en deuxième lecture.

La commission des lois vous propose d'adopter ce texte sans modification. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Tout ça pour ça !

M. Louis Mermaz.  - La chute est moins bonne.

M. Bernard Frimat.  - Cela s'est dégradé en cours de route.

M. Bernard Frimat.  - Le 14 décembre, je terminais mon intervention par ces mots : « Il vous reste, monsieur le secrétaire d'État, à échapper à la malédiction qui finit toujours par s'abattre sur ceux qui manipulent les modes de scrutin. Ce n'est qu'une question de temps ». Je ne pensais pas que la malédiction frapperait si vite et que la ratification de votre ordonnance serait si chaotique. (Sourires à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas de mon fait !

M. Bernard Frimat.  - Vous vous retrouvez une nouvelle fois, à votre corps défendant, devant le Sénat. J'espère que vous le supporterez avec philosophie. Je déplore que vous vous soyez cru obligé de vous livrer devant l'Assemblée nationale, à de violentes attaques contre la présidente Catherine Tasca et contre le Sénat lui-même. Ces attaques étaient si violentes qu'elles ont surpris nos collègues députés, qui n'ont pourtant pas l'habitude de déborder d'affection pour la Haute assemblée.

Vous invoquez constamment la tradition qui voudrait qu'une assemblée parlementaire ne s'immisce pas dans les questions touchant les membres de l'autre assemblée. Votre supposée tradition est à géométrie politiquement variable. Elle est respectée quand il y a identité de majorité politique entre le Sénat et l'Assemblée, ce n'est alors rien d'autre qu'un accord politique. Quand, en 1985, le gouvernement de Laurent Fabius a proposé de substituer le scrutin proportionnel au scrutin majoritaire et d'augmenter le nombre de députés, le Sénat n'a pas invoqué la tradition. Il s'est opposé avec force, c'était son droit et cela ne me choque pas, à cette modification. Quand le gouvernement de Lionel Jospin a proposé d'instaurer le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs, l'Assemblée nationale a imposé au Sénat la solution qui avait sa préférence politique.

En ces circonstances, tant l'Assemblée nationale que le Sénat sont intervenus sur le mode d'élection de l'autre assemblée. C'était leur travail de législateur. Il n'y a pas, au Parlement, de sujet tabou ni de domaine réservé. On ne peut donc pas parler d'une « situation totalement inédite » ; nous n'avons pas créé un précédent.

En tout état de cause, même si le Sénat, avec lucidité et discernement, reconnaissait une nouvelle fois la justesse de nos arguments, la Constitution donne au Gouvernement le pouvoir de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale. C'est bien pourquoi nous jugeons indispensable que le découpage des circonscriptions d'élection des députés soit conforme aux règles élémentaires de l'égalité de suffrage.

Or, j'ai le regret de constater que votre démarche est exclusivement partisane, avec le seul but, inavoué mais évident, de favoriser le plus possible votre parti.

M. Jean-Marc Todeschini.  - En Moselle !

M. Bernard Frimat.  - Bruno Le Roux s'est livré à une analyse détaillée des situations les plus inacceptables. Je ne la reprendrai pas dans le détail mais nous devons expliquer au Conseil constitutionnel en quoi votre ordonnance contrevient aux règles les plus élémentaires de l'égalité des suffrages.

Vous avez même, entre ces deux lectures, aggravé votre cas puisque vous refusez de tenir compte du dernier recensement, vous contentant d'affirmer sans démonstration qu'il ne change rien. En effet, vous ne voulez pas d'accroc dans votre dentelle électorale. En refusant d'utiliser les données les plus récentes, celles qui traduisent avec le plus d'exactitude la réalité démographique du pays, vous ne respectez pas les exigences formulées par le Conseil constitutionnel, qui vous demande de désigner l'Assemblée nationale sur des bases essentiellement démographiques.

De plus, la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent respecter au mieux l'égalité devant le suffrage. Vous avez donc l'obligation de tendre vers un idéal où la voix de chaque citoyen pèse le même poids au moins au sein d'un département. Nous en sommes très loin. Pour vous une circonscription n'est pas une réalité historique, sociologique, économique, cernant au mieux, dans le respect des équilibres démographiques, des bassins de vie et d'emploi. C'est le fief de tel ou tel député qui vous conduit à proposer un découpage intuitu personae pour satisfaire le titulaire actuel ou le candidat que votre parti envisage de présenter.

La révision de la carte électorale, qui devrait être un moyen de représenter de manière juste la population, devient dans vos mains un instrument pour freiner les possibilités d'alternance démocratique. C'est pourquoi nous devons convaincre le Conseil constitutionnel de « carboniser » votre découpage. Nous espérons qu'il censurera au moins les manipulations les plus criantes.

Vous commencez par choisir un mode de répartition avec le système de la tranche commencée qui vous permet de diminuer la représentation des départements les plus peuplés. Cette méthode, qui génère les inégalités les plus profondes entre les départements, n'est utilisée qu'en France mais cela vous importe peu puisque vous la jugez la plus favorable aux intérêts de l'UMP.

Supprimant 33 circonscriptions, vous rayez de la représentation nationale, si l'on s'en tient à leurs titulaires actuels, 23 députés de gauche contre dix de droite, soit -de façon plus éclairante encore- 10 % des 230 députés de gauche et 3 % des 340 députés de droite. Le Nord perd trois députés et le Pas-de-Calais deux. II est vrai que les citoyens de ces départements ont la mauvaise habitude d'élire davantage de députés de gauche que de droite.

Dans un deuxième temps, vous tordez les principes qui président au découpage jusqu'à la limite de la rupture. Si vous respectez la continuité territoriale, et encore pas toujours, c'est au moyen de circonvolutions extraordinaires en ignorant, quand cela vous arrange, les solidarités existant entre les différents territoires du département. Vous transformez la possibilité de scinder un canton de plus de 40 000 habitants, qui ne doit être qu'une exception, en moyen banal de faire fructifier vos petits arrangements partisans. Enfin, l'écart de 20 % en plus ou en moins par rapport à la moyenne départementale est utilisé par vous comme la limite possible de vos manipulations et non comme l'exception justifiée.

Vous faites de toutes ces dispositions une utilisation qui contredit le considérant 26 de la décision du 8 janvier 2009, selon laquelle les dispositions « pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». C'est ce que vous avez fait. Le Conseil constitutionnel ajoute que le non-respect de ces dispositions doit « être réservé à des cas exceptionnels et dûment justifiés. Qu'il ne pourra y être recouru que dans une mesure limitée et en s'appuyant, au cas par cas, sur des impératifs précis d'intérêt général. Que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ». Vous aurez beaucoup de mal à nous persuader que favoriser les intérêts électoraux de I'UMP constitue, au cas par cas, un impératif précis d'intérêt général.

L'usage systématique du confinement des secteurs réputés de gauche au sein d'une même circonscription pour faciliter l'élection de députés UMP dans les circonscriptions limitrophes peut tout aussi difficilement s'apparenter à un impératif précis d'intérêt général. Vous-même n'y croyez pas et ce serait faire injure à vos talents de ciseleur de ne pas mettre en évidence votre activité partisane. Comparés à vos découpes de certaines circonscriptions, les contours des fjords norvégiens apparaissent comme des modèles de simplicité. (Sourires)

Un découpage sincère ne peut être réalisé au profit de tel ou tel député. La qualité démocratique d'un découpage ne se juge pas à l'aune du profit que pourrait en retirer la majorité ou l'opposition, ou tel député de l'une ou de l'autre. Il se juge à la manière dont il offre au citoyen la faculté d'obtenir à l'Assemblée nationale une représentation conforme à ses choix. Il se juge à la manière dont il traduit, dans la composition de l'Assemblée nationale, les changements d'opinion de la population. Il se juge, pour tout dire, à la manière dont il permet à la démocratie de vivre, donc à l'alternance de se produire si le peuple en décide ainsi.

Parce que l'ordonnance ne répond à aucune de ces exigences, j'invite le Sénat, sans recourir à la main de Dieu, (sourires) à rejeter sereinement ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs socialistes, où l'on félicite l'orateur)

M. Jean-Pierre Bel.  - Belle démonstration !

Mme Françoise Laborde.  - Après le rejet de ce texte par le Sénat, dans les conditions que l'on sait, le 14 décembre dernier, l'Assemblée nationale, à nouveau saisie, n'a pas modifié son vote. Les conditions de notre examen, pas plus que les motivations du vote des membres du RDSE, n'ont ainsi changé. Je reprends donc en substance mon intervention de première lecture.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dans ce cas, le J.O. suffit !

Mme Françoise Laborde.  - L'élection au suffrage universel des représentants de la Nation est l'acte fondateur de toute démocratie parlementaire. C'est sur elle que s'appuie la légitimité des lois. La délimitation des circonscriptions électorales et la répartition des sièges de députés ont ainsi une importance singulière au regard de ce qui participe de l'essence d'un État de droit, l'alternance des majorités.

La ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 marque la fin d'un long, trop long processus. La délimitation actuelle, qui remonte à 1986, est fondée sur le recensement général de 1982, dont les données ne correspondent évidemment plus à la réalité démographique d'aujourd'hui. Or le Conseil constitutionnel a posé un principe intangible : l'égalité du suffrage de l'article 3 de la Constitution ne peut être garantie que si la délimitation des circonscriptions se fait « sur des bases essentiellement démographiques ». Ce qui signifie que doit être pris en compte, non pas le nombre d'électeurs d'une circonscription, mais sa population. Exigence qui prend tout son sens pour un département jeune et dynamique comme le mien, la Haute-Garonne.

Certaines situations sont aujourd'hui ubuesques. Le vote d'un électeur de la deuxième circonscription de la Lozère, qui compte 35 000 habitants, pèse six fois plus que celui d'un électeur de la première circonscription du Val-d'Oise, qui en compte 188 000. Lorsque l'on sait que des élections se jouent parfois à quelques voix, et qu'une majorité parlementaire peut être ténue, on comprend que cela pose problème. Un nouveau redécoupage était donc indispensable, d'autant que sont intervenus depuis les recensements généraux de 1990 et de 1999.

Le Conseil constitutionnel, juge de l'élection des députés, avait solennellement attiré l'attention du Gouvernement sur ce point, en 2005 puis en 2007. Sans nécessairement faire référence aux rotten boroughs britanniques ou au gerrymandering qui se pratique encore aux États-Unis, il est difficile de procéder à une nouvelle délimitation de façon absolument neutre et objective. La méthodologie choisie a toute son importance. On peut ainsi s'interroger sur le choix de la méthode par tranches, dite Adams, qui n'est utilisée qu'en France, ou sur le choix d'une tranche de 125 000 habitants, alors qu'en divisant la population française par le nombre de circonscriptions on est plus proche de 113 000.

J'ai conscience que les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d'assurer une représentation correcte de l'outre-mer rendent difficile le choix de la tranche optimale. Mais la différence est ici de 11 %. Pourquoi, en outre, avoir retenu un écart de 20 % entre les circonscriptions d'un même département, alors que le Conseil de l'Europe recommande de s'en tenir à 10 % ? Pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de mieux assurer l'égalité des suffrages ? Si le Conseil constitutionnel a validé ces 20 %, c'est en rappelant qu'il ne devait être qu'un ultime recours fondé sur des raisons d'intérêt général particulièrement circonstanciées.

La difficulté résulte aussi de la révision constitutionnelle de 2008 qui a fixé à 577 le nombre maximal de députés ; disposition dont l'utilité ne me paraît pas certaine, même si je comprends que le constituant ait voulu empêcher toute inflation d'élus. L'existence de ce plafond explique notamment pourquoi a été censurée la vieille tradition républicaine selon laquelle tout département métropolitain disposait au moins de deux sièges. Onze sièges de députés représentant les Français de l'étranger ont en outre été créés, mais leur répartition géographique est plutôt surprenante, pour ne pas dire saugrenue. L'un d'entre eux sera élu par nos compatriotes résidant en Suisse et au Liechtenstein, tandis qu'un autre devra, pour faire campagne, courir l'Asie et l'Océanie. Voilà un découpage dont on se doute qu'il n'est pas tout à fait innocent...

La commission de l'article 25, présidée par Yves Guéna, a été saisie à deux reprises par le Gouvernement et a fait des recommandations, qui tendaient à renforcer le principe d'égalité du suffrage ou la continuité et la cohérence territoriales des découpages retenus. Mais le Gouvernement est passé outre, qu'il s'agisse des Alpes-Maritimes, du Cher, de la Loire, du Tarn, des Yvelines, ou encore de la cinquième circonscription des Français de l'étranger. Je conviens que le redécoupage des circonscriptions est une tâche complexe, et qu'y procéder avec impartialité est une gageure. Les deux camps qui structurent notre vie politique sont touchés -certes de façon inégale ; satisfaits et insatisfaits sont des deux bords. L'ancien redécoupage avait lui aussi été très critiqué en son temps, mais il n'a pas empêché l'alternance.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Voilà !

Mme Françoise Laborde. - La discussion de ce texte a donné à certains de nos collègues députés l'occasion de se livrer à de savants calculs, extrapolations et projections électorales. On a pu entendre que la gauche devrait désormais obtenir 51,4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l'Assemblée nationale... Mais ces calculs oublient que le vote des électeurs n'est pas figé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Bravo !

Mme Françoise Laborde.  - L'évolution sociologique est, par définition, un phénomène contingent, qui empêche d'enfermer l'arithmétique électorale dans des schémas reproductibles. Les calculs politiciens d'aujourd'hui ne seront certainement pas valables demain.

Ce projet de loi concerne avant tout les députés. Pour cette raison, mais aussi en cohérence avec le choix de nos collègues radicaux de gauche de l'Assemblée nationale, la grande majorité des membres du groupe RDSE ne prendra part à aucun vote.

M. Jean Louis Masson.  - Je parlerai, comme en première lecture, de l'incroyable charcutage de la ville de Metz auquel le Gouvernement s'est livré. Le nouveau découpage, qui passe en zigzag entre les blocs d'immeubles du canton de Metz III, est une opération blanche du point de vue démographique : il n'a d'autre justification que de favoriser votre ami, M. Grosdidier, au détriment de Mme Zimmermann et de Mme Filippetti. L'opération se résume à la permutation des treize bureaux de vote les plus à gauche et des onze bureaux les plus à droite.

Plus grave, la Moselle est le seul département pour lequel vous avez transmis à la commission de contrôle des chiffres de population totalement faux. La sous-estimation est tellement grossière qu'il ne s'agit probablement ni d'une erreur, ni d'un hasard. Votre dépeçage est tellement tordu qu'à fin mai, l'Insee n'avait pas encore calculé la population concernée. Pour faire sa propre estimation, le Gouvernement disposait pourtant d'au moins cinq chiffres : ceux des recensements de 1990, 1999 et 2006 pour l'ensemble du canton de Metz III, soit respectivement 38 198, 40 058 et 40 987 habitants ; et ceux des recensements de 1990 et 1999 pour les seuls bureaux de vote transférés à votre ami, M. Grosdidier, soit 15 279 et 16 057 habitants. Ces chiffres montrent que la population du canton de Metz III et celle des bureaux dépecés au profit de M. Grosdidier sont en croissance régulière et parallèle. Une simple règle de trois aurait permis d'obtenir une bonne estimation, dont je ne peux imaginer que votre collaborateur en charge du découpage, diplômé de Polytechnique, ne soit pas capable. Il a même consacré tant de temps à la ville de Metz qu'il y a découvert ce que personne n'avait vu avant lui.

Cet artiste de la topologie a découvert en l'espèce un chemin de halage le long d'un canal désaffecté qui forme un étranglement assurant la continuité territoriale entre les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier et le reste de sa circonscription. Or, incroyable mais vrai, votre chiffre sous-estime comme par hasard, de 2 000 habitants la population charcutée dans cette partie du canton de Metz III. A croire qu'il y a eu soudain une explosion de la mortalité, une épidémie de peste ou de choléra. De plus, si cette partie du canton de Metz III avait effectivement perdu 2 000 habitants, cela voudrait dire que, pour assurer mathématiquement la croissance démographique globale du canton de Metz III, sa partie restante aurait au contraire connu une explosion de la natalité. Eh bien, rassurez-vous, monsieur le ministre, il n'y a pas eu d'épidémie de choléra dans les bureaux de vote que vous avez dépecés. De même, les habitants de l'autre partie du canton de Metz III ne se sont pas mis non plus à se multiplier comme des lapins.

Il était facile de trouver les chiffres exacts, avec une bonne approximation. Je ne ferai pas l'injure à votre collaborateur, ni à vous-même, d'imaginer un seul instant que vous ne savez pas faire une règle de trois. J'en conclus donc que l'on est en présence d'une manipulation délibérée des chiffres de population pour minimiser les lacunes démographiques de votre charcutage électoral. Plus grave encore, monsieur le ministre...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il s'en moque, il n'écoute pas.

M. Jean Louis Masson.  - ...vous avez-vous-même reconnu que, dès le début juillet, l'Insee vous avait communiqué les chiffres exacts de population. Malgré cela, vous avez laissé l'Assemblée nationale délibérer en première lecture sur la base des chiffres inexacts, grossièrement sous-estimés. D'ailleurs, si moi-même en première lecture au Sénat, puis Mme Filippetti et Mme Zimmermann en seconde lecture à l'Assemblée nationale, n'avions pas soulevé ce lièvre, vous vous seriez bien gardé, encore aujourd'hui, de dire quoi que ce soit. ll y a là un vice de forme rédhibitoire qui entache toute la procédure. Il y a en plus, une atteinte grave à la loyauté dont le Gouvernement devrait faire preuve à l'égard du Parlement. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour la bonne organisation de nos travaux je demanderai de suspendre la séance à midi et demi pour que la commission examine les amendements qui auraient été déposés depuis sa réunion de 9 heures. Bien entendu, si nous avions achevé l'examen des motions avant, nous devrions suspendre la séance pour quelques minutes.

M. le président.  - C'est de droit.

M. Michel Charasse.  - Il faudrait quand même que Pignard soit là ! (Sourires)

Mme Catherine Troendle.  - Ce débat résulte non, comme certains se plaisent à le sous-entendre d'une supposée opposition, mais d'une erreur matérielle.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Rendez-nous Pignard !

Mme Catherine Troendle.  - Comme je l'ai exposé le 14 décembre, ce projet de ratification est l'aboutissement d'un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé il y a plus de dix-huit mois. (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Personne ne le croit !

Mme Catherine Troendle.  - Je tiens à saluer l'équilibre, la sincérité et la rigueur du travail opéré par M. Alain Marleix, secrétaire d'État chargé des collectivités territoriales, (applaudissements à droite ; rires ironiques à gauche) ainsi que par notre rapporteur, le président Jean-Jacques Hyest (« Très bien ! » à droite). Ce texte suit scrupuleusement, ne vous en déplaise, la mission assignée au Gouvernement, par la loi d'habilitation du 13 janvier 2009. Quatre objectifs avaient été fixés : prendre en compte de manière homogène les chiffres du dernier recensement ; modifier la répartition des sièges entre les départements et les collectivités d'outre-mer ; délimiter les circonscriptions dans les départements et collectivités d'outre-mer où le nombre de sièges a été modifié ; et créer les sièges des Français établis hors de France, résultant de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Force est de constater que ces objectifs ont été atteints.

Tout cela résulte d'un travail nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace. Aucun gouvernement, depuis plus de vingt ans, ne s'était attelé à cette question, ignorant ainsi les évolutions démographique et les observations réitérées du Conseil constitutionnel en 2003 et en 2005. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, aucun ajustement des circonscriptions n'avait été entrepris. De plus, cette réforme s'inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle de 2008, qui a plafonné l'effectif global des députés à 577 et créé des représentants des Français établis hors de France à l'Assemblée nationale.

L'objet même de la réforme et la difficulté des questions à résoudre justifiaient le recours à la procédure des ordonnances, mais cette ordonnance a fait l'objet d'un contrôle sans précédent lors de son élaboration : elle a été habilitée dans les conditions fixées à l'article 38 de la Constitution et elle est aujourd'hui soumise à notre ratification. Puis, ce projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de contrôle, prévue à l'article 25 de la Constitution.

Il s'agit d'un redécoupage contrôlé, public et équitable. C'est pourquoi, le groupe UMP soutiendra ce texte avec détermination. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - C'est un scoop !

M. Bernard Frimat.  - C'est certes un redécoupage contrôlé.

M. Richard Yung.  - Ce deuxième débat nous donne l'occasion de remettre l'ouvrage sur le métier et de développer de nouveaux arguments. J'ai été choqué par votre intervention, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, le 12 janvier, où vous vous en êtes pris directement au Sénat, au point qu'un hebdomadaire a pu titrer : « Quand Alain Marleix attaque le Sénat ». Je le tiens à votre disposition, il s'agit d'un journal spécialisé et sérieux. On nous oppose l'argument d'une prétendue « tradition républicaine ». J'ai regardé la Constitution, je n'y ai rien vu de tel. C'est une tradition, d'accord, mais elle n'est pas républicaine. Et je comprendrai plutôt la règle inverse, à savoir que les députés ne discutent pas du découpage de leurs circonscriptions parce qu'ils sont alors juges et parties. Mais pourquoi vouloir interdire au Sénat d'en discuter ? Les bras m'en tombent ! D'autant qu'il est question des circonscriptions des Français de l'étranger et que, jusqu'à présent, comme nous étions seuls à les représenter, nous avions toute légitimité à donner notre avis. Et, d'ailleurs, tous les sénateurs ont leur mot à dire dans la mesure où vous avez voulu maintenir l'ensemble des cantons des circonscriptions.

Vous avez donc qualifié le Sénat d'assemblé de second ordre.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je n'ai jamais dit ça !

M. Richard Yung.  - Vous avez dit qu'il n'était élu qu'au suffrage indirect.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est un fait...

M. Richard Yung.  - Les deux circonscriptions de l'Amérique présentent un écart de + 30 % par rapport à la moyenne pour celle du nord et de - 30 % pour celle du sud. On aurait pu envisager un autre découpage, rattachant la Californie et le Texas à la circonscription d'Amérique du sud.

La délimitation de la 5e circonscription, qui englobe la péninsule ibérique et la Principauté de Monaco, n'est pas non plus acceptable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les Bourbons ont régné sur Monaco !

M. Richard Yung.  - Oui, mais ce micro-État est beaucoup plus proche de l'Italie que de la péninsule ibérique ? Le principe de continuité territoriale n'a pas tenu face au fait que les Français de Monaco ont voté à 83 % pour Nicolas Sarkozy, tandis que l'Espagne vote plutôt à gauche -les Français d'Espagne, mais les Espagnols aussi d'ailleurs...

Dans la 8e circonscription, le non-respect du principe de continuité territoriale est encore plus flagrant. A Rome et Athènes vous avez rattaché Tel-Aviv, séparée de Beyrouth, qui, elle, est rattachée à la 10e circonscription. En d'autres termes, le député qui représentera les Français du Liban représentera également nos concitoyens d'Afrique méridionale et de l'Océan indien. Monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, vous avez mis en avant un argument peu convaincant : une forte communauté franco-libanaise résiderait en Afrique. Mais il y a aussi une forte communauté franco-indienne en Afrique ; elle n'est pas pour autant rattachée à celle de l'Inde. Autre argument très discutable, qui vous a été soufflé par le ministère des affaires étrangères : dans une circonscription englobant l'ensemble des pays du Proche-Orient, il serait difficile pour les candidats et le futur député de circuler entre Israël et les pays arabes voisins. Il y a pourtant des points de passage à partir de la Jordanie. En isolant Israël du reste du Proche-Orient, vous envoyez un bien mauvais message... Mais nous ne sommes pas dupes : vous avez en réalité des visées purement électoralistes et, ici aussi, vous cherchez à noyer les voix de gauche des circonscriptions de Rome et Athènes parmi les nombreuses voix que la droite recueille en Israël où lors du second tour de l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy a rassemblé 90,7 % des suffrages exprimés -alors qu'auparavant on y votait à 80 % pour François Mitterrand...

Les deux circonscriptions sur le continent africain sont également déséquilibrées : 126 098 contre 93 000 inscrits. La circonscription la plus peuplée est très à gauche, alors que la circonscription la moins peuplée est très à droite. Elle vise également à sanctuariser, pour la droite, une circonscription où la gauche fait de très bons scores -Tananarive, Nairobi, etc.

Nous avions proposé un autre découpage, plus fair play. Le vôtre reproduit l'injustice du mode de représentation à l'Assemblée des Français de l'étranger, où l'Europe, qui accueille la moitié des Français expatriés, ne dispose que du tiers des sièges !

Nous défendrons des amendements inspirés du compromis conclu avec M. Cointat, afin de garantir les principes d'équilibre démographique et de continuité territoriale. A moins qu'ils ne soient adoptés, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Certains événements déterminent l'engagement politique d'un homme. Pour moi, ce fut le gigantesque charcutage électoral de M. Pasqua, qui me révoltait parce qu'il attentait au principe même de la démocratie. Vingt-trois ans après, cela recommence. Certes, M. le ministre s'est voulu plus discret que M. Pasqua, afin d'éviter le scandale. Il n'a jamais accepté le débat. Il aurait pourtant fallu trouver un consensus sur une procédure de redécoupage claire et équitable, afin que pour être majoritaire à l'Assemblée nationale, il fallût être majoritaire en voix : car l'Assemblée nationale représente la Nation tout entière. Il fallait respecter ce principe fondamental de la démocratie : un homme, une femme, une voix. Mais désormais une voix de gauche vaudra moins qu'une voix de droite. En vertu du découpage actuel, déjà, il fallait à la gauche 50,4 % des voix pour être majoritaire ; il lui en faudra 51,4 % selon l'étude jamais démentie du député M. Bruno Le Roux. Sur les 33 circonscriptions qui disparaissent, 23 étaient à gauche, dix à droite. Sur les 33 créées, neuf sont susceptibles d'être emportées par la gauche, 24 par la droite. L'UMP raflera seule la mise.

Vous aviez escompté que cette réforme passerait inaperçue, les Français étant trop occupés par les conséquences de votre politique économique et sociale inefficace et injuste. Mais la machine s'est grippée : la presse et l'opinion se sont émues, et ici même le texte a été inopinément rejeté. Votre mandat consiste à faire triompher l'UMP coûte que coûte, et pour cela vous ne manquez pas d'imagination : après avoir charcuté les circonscriptions législatives, vous vous apprêtez à faire de même pour les cantons. Les conseillers généraux et régionaux sont-ils majoritairement à gauche ? Qu'à cela ne tienne, vous entendez les remplacer par des conseillers territoriaux élus au suffrage uninominal à un tour, afin d'avantager l'UMP, hégémonique dans son propre camp mais qui ne dispose d'aucune réserve de voix au second tour. Un candidat UMP pourrait ainsi être élu avec 30 % des voix, voire moins !

Notre démocratie mérite mieux que ces réformes de convenance. Paris fait l'objet d'une attention particulière de la part de votre Gouvernement et de la Présidence. Par le biais du redécoupage et du grand Paris, vous cherchez à récupérer le pouvoir autrement qu'en convaincant les électeurs. Paris perd trois députés ; le nombre d'habitants par circonscription y sera l'un des plus élevé de France. Si vous n'en aviez supprimé que deux, cette proportion serait à peu près équivalente à la moyenne nationale... Vous avez décidé d'emblée que la gauche ferait les frais de ce redécoupage. La première circonscription de Mme Billard, dont la population était équivalente à la moyenne parisienne, se trouve pulvérisée. Vous avez cherché à déplacer vers le nord la onzième circonscription de M. Bloche, en lui adjoignant des quartiers acquis à la droite du sixième arrondissement et en en excluant le sud du quatorzième arrondissement, plus à gauche. Vous n'avez pas hésité à créer des circonscriptions surpeuplées à l'est et sous-peuplées à l'ouest. Vous n'avez tenu aucun compte de la jurisprudence du Conseil d'État, selon laquelle les frontières des circonscriptions doivent être aussi proches que possible de celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Au nord-ouest de Paris, vous deviez supprimer une des circonscriptions du seizième arrondissement, sous-peuplées ; pour ne pas faire perdre un siège à la droite, vous avez cherché à noyer les voix de gauche dans la dix-septième circonscription de Mme Lepetit, en y rattachant le huitième arrondissement. Vous y avez finalement renoncé, devant l'avis défavorable de la commission Guéna et du Conseil d'État.

Sachez que si le Conseil constitutionnel valide ce projet, nous continuerons à alerter les Français et notamment les Parisiens. Car cette réforme est un appel lancé aux électeurs, afin qu'ils soient encore plus nombreux à voter à gauche s'ils veulent l'alternance. Et ils la voudront, je n'en doute pas, pour sanctionner votre politique économique et sociale injuste et votre mépris de la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vos démonstrations préjugent le vote des électeurs, c'est extraordinaire !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - M. le président Hyest a rappelé les contraintes qui s'imposaient au Gouvernement : le plafonnement du nombre de députés depuis la dernière révision constitutionnelle, qui obligeait à supprimer des circonscriptions métropolitaines si l'on voulait créer des sièges de députés des Français de l'étranger et de deux collectivités d'outre-mer ; la mise à jour de la carte électorale, réclamée par le Conseil constitutionnel ; les règles fixées par la loi d'habilitation ; la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la représentation des petits départements métropolitains et des petites collectivités d'outre-mer. Le Gouvernement s'est également plié aux exigences du parlementarisme et du bicamérisme : afin que le débat s'engage, il n'a pas mis en oeuvre la procédure accélérée ; j'ai moi-même répondu à toutes les interrogations.

Messieurs Frimat et Assouline, vos interventions m'ont paru partisanes. (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Bernard Frimat.  - Vous vous y connaissez !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La méthode de la tranche, traditionnelle, a été validée par le Conseil constitutionnel. Sur les 33 circonscriptions supprimées, dix-huit sont de gauche, quinze de droite.

M. David Assouline.  - C'est faux !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Pour vous convaincre et au risque d'être fastidieux, je vais vous en dresser la liste, qui figure dans le rapport du député M. de la Verpillière. Page 130, troisième circonscription de l'Allier : député socialiste. Page 135, quatrième circonscription de la Charente : député socialiste. Page 136, troisième circonscription de la Corrèze : député UMP. Page 137, les première et deuxième circonscriptions de la Creuse fusionnent : un député UMP disparaît. Page 143, troisième circonscription de l'Indre : député socialiste. Page 145, sixième circonscription de la Loire : député UMP, M. Pascal Clément. Page 147, les première et deuxième circonscriptions de la Lozère fusionnent : un député UMP disparaît. Page 147, quatrième circonscription de la Manche : député UMP. Page 148, troisième circonscription de la Marne : député UMP. Page 149, troisième circonscription de la Meurthe-et-Moselle : député UMP.

M. Jean-Marc Todeschini.  - N'oubliez pas M. Féron !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Page 150, huitième circonscription de la Moselle : députée socialiste. Page 150, troisième circonscription de la Nièvre : député socialiste. Page 151, troisième circonscription du Nord : député socialiste. Page 151, douzième circonscription du Nord : député socialiste. Page 152, vingt-troisième circonscription du Nord : députée UMP, Mme Marin. Page 153, troisième circonscription du Pas-de-Calais : député socialiste. Page 154, onzième circonscription du Pas-de-Calais : député socialiste. Page 154, deuxième circonscription du Puy-de-Dôme : député socialiste.

M. Jean-Marc Todeschini.  - M. Alain Néri, un excellent député !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Ne le plaignez pas trop, il sera candidat aux sénatoriales ! (Exclamations sur les bancs socialistes) Page 155, première circonscription des Hautes-Pyrénées : député socialiste. Page 158: troisième circonscription de la Haute-Saône : député UMP. Page 158 : quatrième circonscription de Saône-et-Loire : député socialiste. Page 159, première circonscription de Paris : député de gauche. Page 159, les deuxième et troisième circonscriptions de Paris fusionnent : un député UMP disparaît. Page 161, seizième circonscription de Paris : député UMP.

Page 161, sixième circonscription de Seine-Maritime : député communiste, le seul. Page 162, douzième circonscription de Seine-Maritime : député UMP. Page 164, troisième circonscription des Deux-Sèvres : député UMP. Page 164, quatrième circonscription de la Somme : député socialiste. Page 164, première circonscription du Tarn : député socialiste. Page 166, première circonscription de la Haute-Vienne : député socialiste. Page 169, troisième circonscription de Seine-Saint-Denis : député socialiste. Et page 170, septième circonscription du Val-de-Marne : député UMP.

Faites le compte ! Vous essayez de faire croire qu'il y a un avantage à l'UMP : c'est faux !

M. David Assouline.  - Et les 33 nouvelles circonscriptions ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Selon le Conseil d'État, dans son avis du 2 juillet 1998, « il importe que la détermination des bases démographiques fondant la révision s'appuie sur des données comparables et afférant à la même année ». C'est le cas ici.

Pour ce qui est des écarts démographiques, j'ai exposé en première lecture les raisons pour lesquelles, selon moi, l'ordonnance du 29 juillet 2009 respecte parfaitement les critères fixés par la loi d'habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel. Les écarts démographiques entre nos 577 circonscriptions se situaient dans un rapport de un à 3,6 dans le découpage de 1986, et de un à six au vu du dernier recensement : moins de 36 000 habitants dans la seconde circonscription de la Lozère, plus de 210 000 dans la sixième circonscription du Var ! Avec le nouveau découpage, ils se situeront dans un rapport de un à 2,4. Ce progrès a été relevé par la presse, y compris par des journaux peu favorables à la majorité !

M. Bernard Frimat.  - Il n'y en a pas beaucoup ! (On renchérit sur les bancs socialistes)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - S'agissant des écarts démographiques entre circonscriptions d'un même département, la marge de 20 % en plus ou en moins avait été largement utilisée en 1986 : elle dépassait alors 17,5 % dans sept circonscriptions. Au vu du dernier recensement, elles sont aujourd'hui 69 ; pire, 44 présentent un écart de plus de 20 % ! Avec l'ordonnance, aucune des circonscriptions -autres que trois des circonscriptions des Français de l'étranger- ne s'écarte de plus de 17,5 % de la moyenne.

Vous avez également invoqué l'article 4 de la Constitution, qualifiant le découpage inéquitable parce qu'il faudrait à l'avenir plus de 50 % des voix à la gauche pour obtenir la majorité des sièges. (On le confirme sur les bancs socialistes) Vous le disiez déjà en 1986 -or vous n'avez jamais rien changé, malgré les injonctions du Conseil constitutionnel, que ce soit en 1999 ou en 2000 ! (On s'offusque sur les bancs socialistes). Le découpage de 1986 vous a servis : vous avez remporté les législatives en 1988, ce qui démentait vos affirmations !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je vous renvoie à la réponse que j'ai faite au député Bruno Le Roux : ses opérations arithmétiques mélangeaient le premier et le second tour, autant dire les choux et les carottes ! (Protestations sur les bancs socialistes)

Madame Laborde, la méthode de la tranche est traditionnelle.

M. Bernard Frimat.  - Vous vous payez notre tranche ! (Sourires)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Elle a notamment été utilisée en 1985 : M. Joxe, alors ministre de l'intérieur, l'avait qualifiée de « mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible ». Le choix de cette méthode n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009. Avec une méthode proportionnelle à la plus forte moyenne ou au plus fort reste, le nombre de départements à un seul député aurait explosé, alors qu'il se limite aujourd'hui à deux. Merci de l'honnêteté de votre intervention ; compte tenu de sa croissance démographique, la Haute-Garonne gagnera deux sièges.

Merci à Mme Troendle pour son excellente intervention, et pour son soutien. (« Bravo ! » et applaudissements sarcastiques sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le beau sacrifice !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - En réponse à M. Masson... (On souligne qu'il n'est pas présent dans l'hémicycle), les chiffres transmis à la commission de contrôle n'étaient pas erronés.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous avons simplement joint aux dossiers des différents départements les chiffres fournis par l'Insee pour les cantons entiers, et des estimations des populations des cantons urbains partagés entre plusieurs circonscriptions : nous étions sur ce point tributaires de l'Insee, qui n'a répondu que début juillet à nos demandes de calcul.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Bien sûr !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cette contrainte n'a pas concerné que le canton de Metz III, mais tous les cantons urbains partagés.

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est Metz III que vous avez charcuté !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il était mentionné dans chaque cas qu'il s'agissait d'estimations provisoires. Les chiffres définitifs ont été transmis dès le 2 juillet au Conseil d'État, qui a donc pu vérifier que l'avis de la commission n'avait pas été biaisé par ces approximations. C'est le cas en Moselle, où la commission ne se réfère pas aux estimations dont elle disposait ! Le Gouvernement a fourni à la représentation nationale les raisons détaillées pour lesquelles il n'avait pas suivi l'avis de la commission pour la Moselle. (M. Jean-Marc Todeschini s'exclame) Je regrette que l'on mette en cause les fonctionnaires de l'Insee -d'autant qu'ils viennent d'être délocalisés en Moselle ! (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est vous le responsable du charcutage !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Monsieur Yung, nous avons refusé de faire des députés des Français de l'étranger des députés « à part ». Nous avons voulu que leurs électeurs s'identifient à leur député, le connaissent, puissent faire appel à lui. Personne ne critique les sénateurs des Français de l'étranger, qui font excellemment leur travail ; personne ne s'étonne qu'ils soient les élus du monde entier, c'est-à-dire des onze circonscriptions que nous proposons pour les députés ! Sept de ces onze circonscriptions sont issues d'un projet commun aux sénateurs de la majorité et de l'opposition.

Au reste, ces futurs députés ne seront pas élus par les ressortissants des pays étrangers, mais par les Français qui y résident. Or ces derniers sont concentrés à 85 % dans 25 pays, lesquels forment logiquement le coeur des onze circonscriptions. Ce nombre a été fixé, je le rappelle par le Conseil constitutionnel, le projet de loi initial n'en envisageant que sept. Si étendues que soient ces circonscriptions, les candidats à la députation pourront faire appel, comme les autres, aux moyens modernes de communication pour s'adresser aux électeurs -nous y travaillons. Enfin, ne nous accusez pas de tripatouillage quand personne ne peut prédire dans quel sens voteront les Français de l'étranger !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Si ! Vos ordinateurs !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je compléterai ces informations au cours de la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Nicolas About applaudit aussi)

La discussion générale est close.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).

M. Jean-Pierre Sueur.  - A mon sens, cinq arguments démontrent l'inconstitutionnalité de ce projet de loi. Je ne m'étendrai pas sur le premier, la composition de la commission dite de l'article 25 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ayant déjà évoqué ce sujet. La procédure est archaïque en ce que, dans ce système, le pouvoir en place est toujours juge et partie, contrairement à de nombreux pays européens...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Quel rapport avec la Constitution ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...où l'instance chargée de découper les circonscriptions est...

M. Yannick Bodin.  - ...indépendante...

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...ou réellement pluraliste. D'après le code de bonne conduite en matière électorale adopté par le Conseil de l'Europe en 2003 que la France a ratifié, cette instance doit « comprendre en majorité des membres indépendants » et respecter « une représentation équilibrée des partis » -j'insiste sur le dernier point. Or la commission Guéna comprend six membres, dont trois -cela n'a échappé à personne- sont désignés par des autorités très respectables issues du même parti.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - On ne peut pas dire les choses comme ça !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est pourtant vrai !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Et M. Castagnède ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale et le Président de la République, qui désignent ces trois membres, ne cachent pas leur orientation politique... On aurait pu parfaire la composition de ladite commission. Le code de bonne conduite en matière électorale cite, par exemple, un géographe, un sociologue. On aurait également pu imaginer que cette commission fût totalement indépendante...

M. David Assouline.  - Oui !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...totalement pluraliste...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...proportionnelle !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois.  - Bref, votre premier argument ne tient pas !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'en ai quatre autres ! (Sourires à gauche) Le découpage a été modifié dans trois départements, à la suite du rapport de M. de la Verpillière, sans que la commission ait à en connaître. Il a été modifié dans neuf autres départements, après que le Conseil a donné son avis, sans que la commission ait à en connaître... Soit, douze départements !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et alors ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Monsieur Sueur, pouvez-vous les citer ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela allongerait le débat...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il faut des preuves !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quels que soient les départements concernés, mon raisonnement tient car il n'est pas lié à la nature des départements, mais au fait que l'avis de la commission de l'article 25 est requis sur tout projet de délimitation d'une circonscription, fût-il nouveau. M. Le Roux s'est montré particulièrement éloquent à la tribune de l'Assemblée nationale : « Ce découpage est le premier à intervenir depuis la révision de 2008. Si, donc, à l'occasion de cette première application du dernier alinéa de l'article 25, et parce que vous jugez, monsieur le ministre, le manquement véniel, vous persistez dans cette interprétation insuffisamment rigoureuse de ce nouveau mécanisme institutionnel, d'une part, cela porterait atteinte à celui-ci, déjà sensiblement plus faible que ce que l'on avait pu espérer, d'autre part, un précédent serait créé qui contraindrait tôt ou tard soit à un revirement de jurisprudence, soit à accepter une application laxiste d'une procédure que le constituant a voulue protectrice et qui pourrait cesser de l'être. » Le Conseil constitutionnel censurera le découpage dans ces douze départements en raison du non-respect de la navette entre la commission et le Conseil d'État.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cette navette n'est pas prévue !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout nouveau découpage imaginé par le Gouvernement doit être soumis à la commission.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - Ce n'est écrit nulle part !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si ! C'est la conséquence directe du nouvel article 25 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On ne pouvait pas faire dix allers-retours entre la commission et le Conseil d'État !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'en viens à mon troisième argument.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission.  - Les deux premiers n'étaient pas bons !

M. Jean-Pierre Sueur.  - De toute façon, la commission a décidé de ne rien entendre !

Le Conseil constitutionnel a entendu, par principe, n'écarter aucune méthode de répartition, y compris la méthode dite des tranches.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Merci de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il a, cependant, souligné la nécessité de respecter au mieux le principe d'égalité devant le suffrage à tous les stades de l'adaptation de la carte électorale. Or, monsieur Marleix, vous n'ignorez pas que la méthode des tranches n'est pas la plus juste. Ainsi, le Jura a trois députés avec 2,28 %, soit un député pour 0,28 %.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Ce système profite à la gauche dans d'autres départements !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dans le Jura, on compte 85 000 habitants par circonscription, soit moins 24,1 par rapport à la moyenne nationale. A l'inverse, la sixième circonscription de Seine-Maritime compte 146 000 habitants.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous prenez les extrêmes !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Des disparités allant de 1 à 2 ! A cette tribune, Mme Klès a montré qu'il était tout à fait possible de les éviter tout en conservant cette méthode. Il aurait fallu calculer un quotient réel, soit la population des unités électorales concernées divisée par le nombre de sièges à attribuer. Nous aurions alors instauré une véritable proportionnelle. Monsieur le ministre, vous pouviez le faire, mais vous ne l'avez pas fait car cela arrangeait votre majorité ! En tout cas, on ne peut pas dire que vous avez cherché à travailler « au mieux ! ».

Le troisième argument ayant suscité l'intérêt de M. Gélard, (M. Patrice Gélard, vice-président de la commission, sourit) j'aborde maintenant la question des découpages eux-mêmes. Il est tout à fait possible de faire des agrégats de cantons en grand nombre tout en respectant le critère démographique. Mais pourquoi l'avoir fait dans certains cas, et non dans d'autres ? Je présenterai cet après-midi un amendement concernant mon département du Loiret démontrant que l'on pouvait aboutir à un découpage plus pertinent tant au plan géographique que démographique.

Pourquoi n'adoptez-vous pas cette proposition, meilleure que la vôtre ? La raison en est simple, c'est parce qu'UMP + UMP + UMP = UMP !

M. Nicolas About.  - Le théorème de Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous aurons donc le papillon de l'Hérault, le chameau à trois bosses du Var, des scorpions, des serpents, des hippocampes, des araignées, des scarabées, bref, toute une ménagerie de coléoptères qui font une zoologie électorale menée par l'opportunisme, au détriment de ce qu'une commission indépendante suggère et de ce que le pluralisme appelle : un découpage de bon sens fondé sur un double critère géographique et démographique au lieu d'un projet construit dans le seul but de permettre à une partie de gagner la partie. M. Le Roux a établi qu'avec 50 % des voix, il y aurait 260 sièges à gauche, 317 à droite, ce qui prouve bien que votre projet est contraire au principe d'égalité.

Dernier argument : il faut rendre hommage au génie de M. Pignard, qui a senti dans le tréfonds de son être, que quelque chose allait se produire : l'imminence de la publication des chiffres du dernier recensement. Il était sage, en effet, de disposer de ces données avant de statuer, et c'est ce que son geste remarquable a permis. (On s'amuse à gauche)

Car les positions du Conseil constitutionnel sont très claires. Dans le 21e considérant de sa décision du 8 janvier 2009, il rappelle que l'Assemblée nationale doit être élue sur une base essentiellement démographique, selon un découpage respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. Or, il est clair, au vu du recensement, que le Puy-de-Dôme et la Seine-Saint-Denis doivent avoir un député de plus. (M. secrétaire d'État le conteste)

M. Jacques Mahéas.  - C'est clair comme de l'eau de roche !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il suffit de savoir faire des divisions pour le comprendre. Vous aviez la possibilité, ici même, de proposer un amendement pour que ces données nouvelles soient intégrées.

Si vous ne prenez pas en compte le dernier recensement du 31 décembre 2009, dont nul n'ignore les chiffres, si vous faites fi des considérants du Conseil constitutionnel, qu'il ne vous est pas permis d'ignorer, votre texte, monsieur le ministre, sera à l'évidence inconstitutionnel. (Applaudissements nourris à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Mais il y a un recensement chaque année !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons entendu les mêmes arguments qu'en première lecture. La position de la commission reste la même : rejet.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - L'avis du Gouvernement est le même, mais j'entends répondre aux quatre arguments soulevés par M. Sueur.

L'encadrement des opérations de découpage n'a jamais été si rigoureux. Outre la saisine du Conseil d'État, en amont, et la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel en aval, une commission de contrôle a été instituée par la dernière révision constitutionnelle, qui rassemble trois magistrats de nos plus hautes juridictions, désignés, ce qui n'est pas rien, en assemblée générale, et trois personnalités qualifiées, selon la même formule que pour le Conseil constitutionnel, puisque ce sont le chef de l'État et les présidents des deux chambres auxquels est confiée la responsabilité de leur nomination, elle-même encadrée par le passage devant les commissions des lois des assemblées, ce qui est une première. C'est donc un encadrement sans précédent.

Il est vrai qu'à présent que cette commission est en place, il serait bon, à l'avenir, afin d'assurer le consensus, qu'elle puisse se saisir des chiffres du recensement et faire des propositions. Faut-il rappeler que depuis 2002, la loi Vaillant-Jospin a institué un recensement annuel à la place du recensement décennal : on ne peut procéder à un redécoupage chaque année, pas plus qu'il n'est bon d'attendre 26 ans pour le faire, et d'ignorer l'injonction du Conseil constitutionnel, tout comme les prescriptions de la loi, qui faisaient obligation de dresser une nouvelle carte après le recensement de 1989 et celui de 1999.

Quant aux tranches, elles ont été utilisées en permanence, dès lors que le scrutin était majoritaire, par les gouvernements, de gauche comme de droite. En 1985, sous la présidence de M. Mitterrand, M. Fabius étant Premier ministre et M. Joxe ministre de l'intérieur, n'a-t-on pas eu recours aux tranches ? Vous déplorez les effets de seuil, mais ils sont inévitables. Vous citez les cas extrêmes de la Seine-Maritime et du Jura, qui existent, certes, mais à côté d'autres phénomènes choquants, auxquels le Sénat devrait être sensible. La prise en compte de la seule globalité de la population crée d'autres injustices. C'est ainsi que la Creuse ne compte qu'un député pour 123 000 électeurs, quand Paris en compte un pour 47 000 électeurs. Il y a donc des électeurs qui pèsent plus lourd que d'autres : le Sénat, qui assure la représentation de l'ensemble des collectivités, y compris rurales, pourrait y voir une injustice très forte. (Mme Marie-Thérèse Hermange approuve) Je n'ai pas de solution toute prête, mais j'estime qu'il serait bon d'y réfléchir...

Les agrégats de canton, monsieur Sueur, constituent une obligation légale : on ne peut agréger à partir des communes, qui relèvent du décret et non de la loi. Nous menons, dites-vous, une ménagerie d'étranges coléoptères ? Mais nous n'avons que très peu usé de cette faculté. Sur les 4 000 cantons que compte notre pays, nous n'en avons découpé que 40, alors que le potentiel était de 250 : 1 %, est-ce donc trop pour vous ? Au reste, vous avez cité le « papillon de l'Hérault », créé en 1985, alors que M. Vezinhet était président du conseil général... Depuis 1981, la gauche a procédé à 135 découpages. La majorité actuelle n'en a opéré que dix. Vous avez cité le « scorpion du Gard » : je reconnais que la circonscription a une drôle de forme, mais n'est-ce pas un président de gauche du conseil général, qui l'a lui a donnée ? (Vives protestations à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Que les présidents de conseils généraux font les cantons, c'était peut-être le cas au Moyen-âge.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La ménagerie dont vous parlez n'est pas le fait du découpage de la majorité.

En ce qui concerne le recensement, enfin, ce que le Conseil d'État demande, c'est qu'il soit fait la même référence au même recensement. C'est vous qui avez voté la loi Vaillant-Jospin : mais on ne peut pas découper la carte électorale chaque année.

M. Daniel Raoul.  - En revanche, on peut le faire maintenant, puisque l'on fait une loi électorale...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les propositions faites pour un département ne peuvent être antithétiques à celles fixées sur le fondement du premier décret. C'est ce premier décret qui doit être pris en compte : nous ne faisons qu'appliquer la loi. Il n'y a aucune modification à apporter à l'ordonnance du fait des chiffres publiés. Aucun des départements que vous avez cités ne doit être affecté.

M. Jacques Mahéas.  - Pour la Seine-Saint-Denis, c'est évident ! Reprenez donc ce que dit l'Insee !

M. Jean-Marc Todeschini.  - M. Reiner défendra nos amendements destinés à parer au charcutage que vous opérez sur la Meurthe-et-Moselle. Mais je constate dès à présent que vos arguments sont variables. Vous dites que vous supprimez une circonscription UMP et une circonscription socialiste. Au vrai, la seule circonscription que vous supprimez est celle d'Hervé Féron.

Les autres n'ont en réalité pas été supprimées, vous le savez bien ! Vous avez supprimé en Moselle la circonscription de Mme Filippetti, mais vous vous gardez bien de le mentionner. Mon groupe soutient cette motion car vos réponses à M. Sueur ne nous conviennent pas. Ce n'est que lors du prochain scrutin que nous aurons une bonne connaissance de la population et de ses choix ; mais vos ordinateurs ont tourné à plein régime pour essayer de prévoir ces chiffres ! Votre découpage n'est pas équitable. (« Charcutage ! » sur les bancs socialistes) Il est très partisan. Vous ne dites pas à quel ouvrage de dentelle vous vous êtes livré afin d'empêcher la gauche de reprendre ses circonscriptions.

La majorité « fortuite » au Sénat s'est reformée à la commission des lois de l'Assemblée, car des voix UMP se sont jointes à celles des socialistes pour voter contre votre tripatouillage en Moselle au profit de M. Grosdidier. Ce fut hier la circonscription de M. Terrier, avant-hier, celle de Jean Lorrain. Mais vous ne voudriez pas que la gauche la récupère. Par conséquent, vous y transférez les bureaux les plus à droite. Le grand charcutier de l'UMP a bien travaillé !

M. Christian Cambon.  - Scandaleux !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous avez opéré le redécoupage au profit de l'UMP, reconnaissez-le donc. Un vote bloqué à l'Assemblée nationale : vous faites marcher la majorité UMP au canon et celle du Sénat subit beaucoup de choses... (M.  Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le conteste) Alors ne nous accusez pas d'être partisans ! Vous citez la seule jurisprudence qui vous intéresse quant à l'attitude observée par le Sénat lors des redécoupages. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Monsieur Masson, je ne puis donner la parole qu'à un orateur par groupe. Or, la réunion administrative à laquelle vous appartenez n'est pas un groupe.

M. Bernard Frimat.  - Sauf pour les procurations de vote !

A la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 142
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°3, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Censuré par le Conseil constitutionnel, entaché de lourds soupçons sur l'honnêteté de la démarche, statistiquement infondé, désavoué par le Conseil d'État, refusé en première lecture au Sénat, passé en force à l'Assemblée nationale par le vote bloqué... Aujourd'hui le fameux texte sur le découpage est de retour. Parler de passage en force serait un euphémisme, brutalité institutionnelle est une expression trop tendre. Il s'agit plutôt d'un acte antidémocratique. Monsieur Marleix, on a fait référence à votre rôle dans le triste redécoupage de 1986, considéré comme indépassable en termes manipulation électorale... jusqu'à ce nouvel exploit ! La censure du Sénat le montre bien, votre projet créé un véritable trouble au sein même des élus de droite. Certains des membres de votre majorité n'hésitent pas à dénoncer ce texte ; d'autres restent silencieux car ils reçoivent un lot de consolation. Bien sûr, il n'en va pas de même pour les élus de gauche. Comme pour les conseillers territoriaux, le Gouvernement tente par tous les biais de capter tout le pouvoir, au mépris des principes démocratiques les plus essentiels. Si 35 % des députés socialistes ne sont pas concernés par les ajustements, ils sont 45 % dans les rangs de l'UMP : étrange ! Le texte n'a pas fait non plus l'objet d'une réelle expertise, neutre et objective. Si l'on appliquait les règles du nouveau redécoupage aux dernières élections législatives, l'UMP aurait gagné vingt sièges et serait ainsi l'unique et grand vainqueur de cette manoeuvre. Le Nouveau Centre ne gagnerait aucun député et le groupe socialiste en perdrait onze... Sur les 33 circonscriptions qui seraient créées, neuf iraient à la gauche et 24 à la droite. Enfin, les règles de représentativité démographique ne sont absolument pas respectées. Une circonscription comprendra 60 000 habitants dans les Hautes-Alpes mais 146 000 en Seine-Maritime. Les nombreuses inégalités dénoncées au cours du débat sont très symptomatiques de votre volonté de favoriser telle force politique au détriment de la souveraineté populaire. Il faudrait 51,4 % des voix aux législatives pour que la gauche obtienne la majorité !

Vous mettez en place en toute conscience un système où, malgré les élections, le pouvoir peut rester dans les mains d'une minorité. Cela s'appelle l'oligarchie.

Un découpage vraiment démocratique et transparent devrait être réalisé par une institution autonome et non pas par l'expert du découpage électoral du parti au pouvoir.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je ne le suis plus.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cette institution devrait réfléchir au mode de scrutin à utiliser, à un découpage respectueux de la démographie, à une représentativité au plus près des citoyens. Elle disposerait des plus récentes données statistiques et démographiques. Au lieu de quoi, ce redécoupage a été fait dans la plus totale opacité, sans même que l'on puisse s'accorder sur des données chiffrées objectives.

Nous ne savons même pas sur quelles bases vous avez effectué vos calculs, selon quelle méthodologie, avec quels indices de représentativité, en chargeant quelles personnes de traiter les données, si elles étaient qualifiées pour cette tâche, quels gages d'indépendance elles avaient donnés. En l'absence de réponses circonstanciées et précises à ces questions, il nous paraît impossible de débattre sur ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Une question préalable alors que l'Assemblée nationale a déjà débattu deux fois et le Sénat une, c'est pour le moins paradoxal ! Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Ce redécoupage a été exigé par le Conseil constitutionnel. Rien n'empêchait les gouvernements de 1989 et de 1999 de répondre déjà à cette exigence. Jusqu'à quand aurions-nous dû attendre encore pour respecter la légalité de l'autre chambre ?

Si votre question préalable était adoptée, quelle réponse concrète donnerions-nous au Conseil constitutionnel qui, en 2003, en 2005, en 2008 et en 2009, demandait ce redécoupage ?

Supposons qu'il ne soit pas fait et que l'Assemblée nationale soit dissoute. Élirait-on les nouveaux députés dans les circonscriptions découpées quand la France avait dix millions d'habitants de moins ? Et en cas d'élections partielles ? Vous ne voudriez quand même pas qu'on élise les députés dans des conditions illégales !

M. Jacques Mahéas.  - Cette question préalable est justifiée au moins par le fait que vous refusez de tenir compte du recensement de 2007 qui a pris valeur légale le 1er janvier 2010. A l'heure de l'informatique, vous ne pouvez pas dire que vous n'en connaissiez pas la teneur en préparant ce découpage !

En Seine-Saint-Denis, vous n'aviez aucune raison avouable de supprimer un siège de député -comme par hasard détenu par un socialiste. Notre département dépasse la moyenne des 216 000 habitants par circonscription, et celle que vous supprimez est une des plus peuplées ! Et vous ne comptez pas les SDF qui sont nombreux dans notre département ; dans ma commune, j'en accueille 200.

Je vois que vous ne prêtez aucune attention à mes arguments. J'espère que le Conseil constitutionnel le fera !

A la demande du groupe UMP, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 141
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 219, 2009-2010).

M. Jean Louis Masson.  - Il n'est pas surprenant que le découpage électoral effectué en Moselle ait été au centre des débats à l'Assemblée nationale : notre département regroupe à lui seul toutes les formes de manipulations que l'on peut imaginer. Vous avez transmis des chiffres de population totalement faux. La sous-estimation est tellement grossière qu'il ne peut s'agir d'un hasard : vous voulez masquer le fait que le découpage extravagant effectué à Metz n'a aucune justification démographique. Le rapport en première lecture de la commission des lois de l'Assemblée nationale comporte, pages 95 et suivantes, les observations du Gouvernement concernant les treize départements où il a rejeté en bloc les remarques de la commission de contrôle du redécoupage électoral. C'est à partir de ces observations, les vôtres, monsieur le ministre, que je vais montrer ce que vous avez fait.

Dans la ville de Metz, le nouveau découpage se résume à permuter entre la première et la troisième circonscription treize bureaux de vote très à gauche contre onze bureaux de vote très à droite. Vous enlevez à la première circonscription dont le député est votre ami Grosdidier les treize bureaux de vote du premier canton. Ce canton a pour conseiller général le maire socialiste de Metz et beaucoup de bureaux de vote y sont à près de 70 % à gauche. En échange, vous transférez au profit de votre ami onze bureaux de vote soigneusement sélectionnés à l'intérieur du canton : certains votent à plus de 70 % à droite. Ce sont les plus à droite de toute la ville !

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est tout à fait vrai !

M. Jean Louis Masson.  - On comprendra que Mme Zimmermann, la députée UMP victime de cette opération, soit indignée ; on comprendra aussi que la commission des lois de l'Assemblée nationale -seul cas où elle ait désavoué le Gouvernement- lui ait donné raison en adoptant son amendement rétablissant le statu quo.

Le dépeçage du canton de Metz III n'a aucune justification démographique, dans la mesure où vous vous bornez à une permutation de bureaux de vote et où l'actuelle circonscription de Mme Zimmermann n'a que 9,66 % d'habitants de moins que la moyenne départementale -c'est dire qu'elle entre largement dans les critères. Vous avez refusé la suggestion de la commission de contrôle de revenir aux limites existantes en prétextant que cet écart était excessif. Mais vous avez aussi refusé, à Sarreguemines, toujours en Moselle, sa recommandation de réduire un écart de 13 % au motif qu'un tel écart était normal. Dans vos observations annexées au rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, vous dites ainsi tout et son contraire. Quelle bonne foi, monsieur le ministre !

Pour couronner le tout, votre acharnement à sélectionner les bureaux de vote de droite est à l'origine d'un découpage au tracé extravagant. La limite historique entre les première et troisième circonscriptions est parfaitement régulière -c'est le lit de la Moselle. Avec votre charcutage, elles seront enchevêtrées de manière inextricable. Les bureaux de vote transférés dans la première formeront une hernie qui lui sera seulement rattachée par un étranglement d'environ 200 mètres de large, qui correspond à un ancien chemin de halage le long d'un canal désaffecté. Vous prétendez que ce découpage est pertinent puisqu'il s'arrête sur une voie ferrée ; mais cette explication ne justifie en rien la création de la hernie, ni l'existence des tentacules qui vont avec. J'ajoute que de l'autre côté de cette voie ferrée, les bureaux de vote sont très à gauche -raison évidente pour laquelle le découpage s'arrête là.

Afin de sauver les apparences, vous auriez dû au moins instaurer une égalité de population quasi parfaite entre la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale : il vous suffisait de ne rattacher que le nombre de bureaux de vote nécessaire, soit sept. Au lieu de quoi, à seule fin de favoriser votre ami M. Grosdidier, vous en avez rattaché onze, créant un écart démographique totalement injustifiable. Pour tenter de cacher cette turpitude, vos collaborateurs ont grossièrement et délibérément sous-évalué les chiffres de population. Dès le départ vous saviez très bien ce que vous faisiez. Vous avez caché la vérité. A chaque fois qu'un parlementaire de la région messine a contacté votre cabinet pour connaître le tracé du charcutage ou la population prise en compte, votre principal collaborateur était soi-disant absent. Il devait toujours rappeler mais ne l'a jamais fait. C'est la lecture du Journal Officiel du 27 juin 2009 qui nous a enfin éclairés. La manipulation des chiffres était si flagrante qu'elle m'a aussitôt sauté aux yeux ; environ 2 000 habitants avaient mystérieusement disparu. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il suffisait d'une règle de trois... Nous avons été plusieurs parlementaires à réclamer des explications, mais personne n'a jamais accepté de nous répondre. Nos questions écrites à l'Assemblée nationale et au Sénat n'ont pas eu plus de succès.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est faux !

M. Jean Louis Masson.  - Vous disposiez pourtant, dès juillet, des chiffres exacts de l'Insee. C'est seulement grâce à la procédure des questions signalées à l'Assemblée nationale, fin octobre, qu'acculé vous avez dû reconnaître bon gré mal gré, dans la réponse publiée au Journal officiel du 20 octobre 2009, l'ampleur de la sous-estimation. Mais, pour tenter de faire croire en votre bonne foi, vous y précisiez que vous aviez transmis dès juillet les chiffres exacts au Conseil d'État. Vous vous êtes ainsi tiré une balle dans le pied, car cela prouve que vous avez laissé travailler les députés, en première lecture, sur des chiffres faux.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il y a eu une deuxième lecture !

M. Jean Louis Masson.  - Vous vous êtes bien gardé de les prévenir de l'erreur que vous aviez commise à l'insu de votre plein gré ...Toute la procédure est ainsi entachée d'un vice de forme rédhibitoire.

La vérité est que dans toute cette affaire, vous voulez empêcher la députée socialiste Aurélie Filippetti de se porter candidate en région messine ; vous voulez la tuer politiquement au seul profit de votre ami M. Grosdidier. Et Mme Zimmermann est la victime collatérale de cette manoeuvre.

L'incident du 14 décembre est une chance car il m'aura permis de détailler en deuxième lecture les manipulations du découpage électoral à Metz, manipulations qui étayeront la future saisine du Conseil constitutionnel. Je ferai pour conclure cinq constats. Un : la Moselle fait partie des treize départements pour lesquels le Gouvernement n'a pas tenu compte des observations de la commission de contrôle. Deux : la ville de Metz est l'un des 21 cas pour lesquels le Gouvernement est passé outre à la double recommandation de la commission de contrôle et du Conseil d'État. Trois : le découpage à l'intérieur de la ville de Metz est cité par la presse nationale comme l'un des cinq cas les plus flagrants de charcutage. Outre des articles dans Le Figaro et Le Monde, on a pu lire dans Le Canard Enchaîné : « En Moselle, les circonscriptions dessinées par Marleix prennent des allures de fiords norvégiens ou de carte des Balkans. Pour renforcer l'UMP François Grosdidier, ce travail de dentelière a été réalisé au détriment de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann. » Quatre : la ville de Metz est le seul cas pour lequel le Gouvernement a transmis à la commission de contrôle des chiffres de population inexacts. Cinq : la ville de Metz est le seul cas pour lequel la commission des lois de l'Assemblée nationale a désavoué le Gouvernement.

Je déplore cette procédure totalement dévoyée. Si nul ne peut vous reprocher votre amitié pour M. Grosdidier, il est inadmissible que la cohérence et l'honnêteté du découpage aient été sacrifiées à ses seuls intérêts. Le samedi de la publication de l'avis de la commission de contrôle au Journal Officiel, le 27 juin 2009, M. Grosdidier convoquait une conférence de presse et proclamait : « Dès lundi, nous rectifierons les choses. Il est clair que le Gouvernement ne tiendra pas compte de la position de la commission ». C'est bien lui qui tire toutes les ficelles depuis le début ! Cette collusion est inacceptable...

Mme Raymonde Le Texier.  - Il y a conflit d'intérêts !

M. Jean Louis Masson.  - ...d'autant que vous connaissez le climat délétère qui règne à Metz. Le lendemain de l'adoption de l'amendement par la commission des lois, M. Grosdidier déclarait sur France 3 Lorraine : « Mme Zimmermann a une circonscription où n'importe qui, avec l'étiquette UMP, même une chèvre, peut se faire élire ».Voilà les propos que vous cautionnez ! Voilà la personne que vous soutenez à Metz ! C'est affligeant.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut saisir la Halde !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous connaissons déjà cette argumentation. Je n'aime pas beaucoup, d'ailleurs, que des noms soient cités...

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est la réalité !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons refusé tous les amendements, l'un d'entre eux créait même une circonscription sans en supprimer une autre. On a beaucoup parlé de la Moselle, presque trop...

M. Daniel Reiner.  - C'est un cas d'école !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il le restera pour la commission des lois... Le renvoi ne s'impose en aucune façon.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. J'ai déjà répondu à M. Masson, même s'il n'a pas daigné être présent tout à l'heure pour m'écouter.

M. le président.  - J'ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP. (Exclamations à gauche)

M. Patrice Gélard.  - C'est la réponse du berger à la bergère !

A la demande du groupe UMP, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 141
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur.  - Depuis quelques jours, les présidents de séance prononcent une phrase nouvelle après la clôture du vote : « Chacun a-t-il voté comme il l'entendait ? ». J'espère bien qu'ici chacun vote comme il l'entend, que ce soit à main levée, à la tribune ou en scrutin public. Et je n'imagine pas qu'on pose une telle question lors de municipales ou de cantonales après que l'électeur a déposé son bulletin dans l'urne. Nous votons librement et il n'y a pas lieu de nous interroger, après notre vote, sur sa sincérité. Cette formule qui semble désormais rituelle est donc superflue. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement. C'est vraisemblablement une précaution destinée à éviter les erreurs...

La séance est suspendue à midi trente-cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 40.

Commissions (Candidature)

M. le président.  - J'informe le Sénat que le groupe CRC-SPG a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Bel depuis le 21 juillet 2009.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Discussion des articles

Articles additionnels avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'unique article, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le mode de représentation proportionnel garantit le pluralisme dans les assemblées élues.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les assemblées élues étant peu représentatives de la diversité politique, nous rappelons que seule la proportionnelle assurera le pluralisme. Nous ne voulons pas d'un mode de scrutin à l'anglo-saxonne, même si le Gouvernement suit cette mode dans bien des registres, y compris dans la justice. Les citoyens participeront davantage aux scrutins s'ils ont le sentiment que leur voix compte, ce que garantit davantage la proportionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons déjà rejeté cet amendement en première lecture, c'est un cavalier législatif, sans force de loi. Et contrairement à ce que dit Mme Mathon-Poinat, le scrutin majoritaire, à certaines conditions, permet l'expression du pluralisme. Avis défavorable.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis. La proportionnelle n'a été utilisée qu'une fois pour les législatives, au service d'une tactique politicienne qui a eu le résultat escompté : 35 députés du Front national à l'Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs socialistes) Je suppose que tel n'est pas votre objectif ! Le Gouvernement n'est cependant pas opposé à une certaine dose de proportionnelle dans les élections locales, nous y reviendrons.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP. (Exclamations à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ils ont la majorité ou pas ?

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°7 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 206
Majorité absolue des suffrages exprimés 104
Pour l'adoption 25
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Bernard Frimat.  - Nous en sommes depuis hier au septième scrutin public consécutif demandé par l'UMP, dont les membres ne sont pas assez présents.

Ayant présenté 28 amendements le groupe socialiste n'a pas l'intention de subir systématiquement pareille plaisanterie tout l'après-midi.

Je demande donc une brève suspension, afin notre groupe prenne position sur la suite de la séance, en espérant que des sénateurs UMP auront ainsi le temps de rejoindre l'hémicycle. Nous n'allons quand même pas être contraints de nous absenter pour vous permettre d'être majoritaires !

Je suis désolé pour les présents : dans la meilleure tradition ecclésiastique, les malheureux qui sont venus se feront morigéner à la place des absents, bien tranquilles, calés dans leur cumul de mandats, en train de régler leurs affaires dans leurs territoires et d'assurer leur réélection pour un mandat qu'ils n'exercent pas.

La séance, suspendue à 14 h 50, reprend à 14 h 55.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il semble que notre collègue M. Frimat ait été entendu lorsqu'il a souligné que la multiplication des scrutins publics posait problème...

Je me dois toutefois de revenir sur l'objet du rappel au Règlement que j'avais formulé à la fin de la séance du matin pour attirer l'attention du président de séance, qui avait utilisé à l'occasion de chaque scrutin public une formule que vous venez de reprendre pour la septième fois : « Chacun a-t-il voté comme il l'entendait ? » Cette interrogation est humiliante, car les citoyens de la République française votent toujours comme ils l'entendent ! (M. Alain Gournac manifeste sa désapprobation)

Monsieur le président, je ne sais si vous demandez à chaque électeur de Rambouillet s'il a bien voté comme il l'entendait, mais je crois plus sage de ne plus utiliser ici une formule dont nous ne saisissons pas la signification républicaine.

M. Alain Gournac.  - Amen !

M. le président.  - Sept est un chiffre biblique et symbolique, vous le savez... La Conférence des Présidents s'est mise d'accord sur cette formule conformément à un avis de 1987 du Conseil constitutionnel, que je vous ferai parvenir.

M. Nicolas About.  - Pour appuyer vos propos, monsieur le président, je rappellerai que lors des élections au suffrage universel, un procès-verbal est établi où chacun peut exprimer ses réserves.

M. le président.  - Au Sénat c'est de la responsabilité des secrétaires.

Amendement n°5, présenté par M. Masson.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement ayant fourni à la Commission de contrôle du redécoupage électoral des chiffres de population grossièrement sous-estimés pour les quartiers redécoupés à l'intérieur du canton de Metz III, la présente loi ne s'applique pas au département de la Moselle.

En conséquence, les dispositions concernant le département de la Moselle contenues dans les tableaux n° 1 et 2 annexés à l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés sont supprimées. La délimitation des circonscriptions de ce département sera définie ultérieurement.

M. Jean Louis Masson.  - Le redécoupage des circonscriptions messines est géographiquement extravagant et sans aucun fondement démographique. Le Gouvernement aurait pu sauver les apparences en rattachant à la troisième circonscription tout juste assez de bureaux de vote pour que sa population soit égale à la moyenne départementale. Il a au contraire maintenu un écart démographique important, qu'il a cherché à masquer en transmettant des chiffres faux à la commission de contrôle du redécoupage électoral : M. le ministre a été contraint de le reconnaître en réponse à la question écrite d'un député publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 20 octobre 2008. Il est à présent établi que la population de cette circonscription est inférieure d'environ 5 % à la moyenne. La première circonscription, à laquelle sont rattachés onze bureaux de vote du canton de Metz III au lieu des sept nécessaires, dessine désormais une hernie au sein de la troisième.

L'ordonnance est donc entachée d'un vice de forme, et constitue un abus de pouvoir.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur  - Cet amendement est irrecevable, puisque son libellé conduirait à rétablir un dixième siège de député en Moselle. En outre l'Assemblée nationale et le Sénat l'ont déjà rejeté pour les raisons que l'on sait. Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis : je me suis souvent expliqué à ce sujet.

M. Jean Louis Masson.  - Il est surréaliste d'entendre que je souhaite rétablir un siège supplémentaire en Moselle. Je m'élève seulement contre un découpage malhonnête et propose que la délimitation des circonscriptions soit fixée ultérieurement. Je ne suis pas seul de cet avis : la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement du même ordre.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Masson.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le tableau n° 2 annexé à l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, les modifications ci-après sont apportées en ce qui concerne la Moselle :

1° Pour la première circonscription de la Moselle, les mots : « Metz III (partie non comprise dans la troisième circonscription) » sont remplacés par les mots : « Metz I ».

2° Pour la troisième circonscription de la Moselle, les mots : « Metz I, Metz II, Metz III (moins la partie située à l'ouest de la voie ferrée de Nancy à Thionville) » sont remplacés par les mots : « Metz II et Metz III ».

M. Jean Louis Masson.  - Cet amendement propose un découpage des circonscriptions messines sur lequel tous les députés de Moselle se sont accordés, sauf celui de la première circonscription qui souhaite prendre aux circonscriptions voisines des bureaux de vote de droite et se délester de bureaux de gauche. Cette manipulation est contraire à tous les principes démocratiques. La commission des lois de l'Assemblée nationale a voté un amendement pour corriger cette anomalie, citée dans la presse de toutes tendances politiques comme le symbole du charcutage électoral. La première circonscription de Moselle est l'une de celles pour lesquelles le Gouvernement n'a tenu compte ni de l'avis de la commission de contrôle, ni de celui du Conseil d'État, à en croire ses déclarations dans Le Figaro et Le Monde. La Moselle est quant à elle l'un des départements pour lesquels il a fait fi des recommandations de la commission, d'après le premier rapport de M. de la Verpillière. Enfin les chiffres relatifs à la population de Metz transmis à la commission ont été grossièrement falsifiés : je parle bien des chiffres de 2006. On ne s'en serait pas rendu compte sans la question écrite d'un député.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le tableau n°1 annexé au code électoral est ainsi modifié :

1° dans la 1ère circonscription de la Moselle, les mots : « Metz III (partie non comprise dans la 3ème circonscription) » sont remplacés par les mots : « Metz I »

2° dans la 3ème circonscription de la Moselle, les mots : « Metz I, Metz II, Metz III (moins la partie située à l'ouest de la voie ferrée de Nancy à Thionville) » sont remplacés par les mots : « Metz II et Metz III ».

M. Daniel Reiner.  - Le Gouvernement propose de fractionner le canton de Metz III en deux parties séparées par la voie ferrée de Nancy à Thionville. C'est ignorer l'histoire de la région messine, rattachée à la France en 1918, où le lit de la Moselle a toujours servi de limite entre les première et troisième circonscriptions.

Des bureaux de votes sont transférés d'une circonscription à l'autre sans aucune justification démographique. Le nombre d'électeurs n'étant pas égal au nombre d'habitants, il est impossible de dire quelle population cela représente.   La commission de contrôle du redécoupage électoral et le Conseil d'État ont émis un avis défavorable à ce redécoupage et préconisé le maintien des limites existantes. Ce charcutage a pour seul but d'avantager M. Grosdidier.

Nous proposons donc de maintenir dans leur intégralité les cantons de Metz I et Metz III respectivement dans la première et la troisième circonscription de Moselle.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Malgré la différence des arguments employés pour les défendre, plus ou moins personnels, ces amendements ont le même objet. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont déjà prononcés à leur sujet, et la commission maintient son avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Mais favorable à M. Grosdidier !

M. Jean Louis Masson.  - Non, monsieur Hyest, l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée sur ces amendements : sa commission des lois avait voté une disposition semblable, mais le Gouvernement a imposé aux députés un vote bloqué.

M. David Assouline.  - C'est scandaleux !

M. Jean Louis Masson.  - Si ces derniers avaient été amenés à voter sur l'article, rien ne dit qu'ils auraient validé ce redécoupage partial. Beaucoup s'y opposaient, même à l'UMP : car ce projet s'inscrit dans une guerre de clans au sein du parti.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Entre deux députés.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis du même avis que nos collègues socialistes. Le problème n'est pas selon moi que les circonscriptions soient délimitées par une voie ferrée, mais que l'on ait créé une hernie au sein de la troisième circonscription, une zone rattachée à la première par une bande de terre de 200 mètres de large. Bref, le Gouvernement a fait tout son possible pour assurer la réélection de M. Grosdidier.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Peu importe ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale. Le Sénat a rejeté cet amendement en première lecture...

M. Jean Louis Masson.  - Faux ! (M. Daniel Reiner acquiesce) Cet amendement n'a pas été mis au vote, le Sénat, dans sa grande sagesse, ayant adopté un amendement qui rejetait l'ensemble du projet de loi. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le nie vivement)

M. Jean Louis Masson.  - Je rends, d'ailleurs, hommage à M. Pignard d'avoir bien voté.

M. Nicolas About.  - Arrêtez !

M. Jean Louis Masson.  - Je n'arrête pas ! Ceux qui sont en cause, dans cette affaire, sont les absents, et non M. Pignard ! (M. Nicolas About exprime vivement sa désapprobation)

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

M. le président.  - Le groupe CRC-SPG s'est abstenu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le groupe RDSE également !

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième colonne du tableau n° 1 annexé à l'article L. 125 du code électoral est ainsi modifiée, en ce qui concerne le département du Tarn :

1° À la ligne correspondant à la 1ère circonscription, les mots : « cantons de Alban, Albi Centre, Albi Est, Albi Sud, Anglès, Brassac, Castres Est, Castres Sud, Lacaune, Montredon-Labessonnié, Murat-sur-Vèbre, Réalmont, Roquecourbe, Vabre, Valence-d'Albigeois Villefranche d'Albigeois » sont supprimés et sont insérés les mots : « cantons de Albi-Centre, Albi-Est, Albi Nord-Ouest, Albi-Ouest, Albi-Sud, Carmaux-Nord, Carmaux-Sud, Cordes, Monestiés, Pampelonne, Valdériès, Valence d'Albi, Vaour, Villefranche d'Albi » ;

2° À la ligne correspondant à la 2ème circonscription du Tarn, les mots : « cantons de Albi Nord-Est, Albi Nord-Ouest, Albi Ouest, Cadalen, Carmaux Nord, Carmaux Sud, Castelnau-de-Montmiral, Cordes-sur-Ciel, Gaillac, Graulhet, Lisle-sur-Tarn, Monestiés, Pampelonne, Rabastens, Salvagnac, Valdériès, Vaour » sont supprimés et sont insérés les mots : « cantons de Alban, Anglès, Brassac, Castres-Est, Castres-Nord, Castres-Ouest, Castres-Sud, Labruguière, Lacaune, Mazamet Nord-Est, Mazamet Sud-Ouest, Montredon-Labessonnié, Murat sur Vèbre, Réalmont, Roquecourbe, St-Amans-Soult, Vabre » ;

3° À la ligne correspondant à la 3ème circonscription du Tarn, les mots : « cantons de Castres Nord, Castres Ouest, Cuq-Toulza, Dourgne, Labruguière, Lautrec, Lavaur, Mazamet, Nord-Est, Mazamet Sud-Ouest, Puylaurens, Saint-Amans-Soult, Vielmur-sur-Agout » sont supprimés et sont insérés les mots : «cantons de Cadalen, Castelnau de Montmirail, Cuq Toulza, Dourgne, Gaillac, Graulhet, Lautrec, Lavaur, Lisle sur Tarn, Puylaurens, Rabastens, St Paul Cap de Joux, Salvagnac, Vielmur ».

Mme Jacqueline Alquier.  - Le Tarn, qui va perdre un député, a fait l'objet d'un redécoupage électoral sans tenir compte de l'avis de la commission consultative du redécoupage électoral et même celui, semble-t-il, du Conseil d'État. Certes, monsieur le secrétaire d'État, vous avez respecté le critère démographique afin de passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Mais la logique retenue sert, d'abord, les intérêts du parti majoritaire au mépris des villes du Tarn : une même circonscription regroupe une partie d'Albi et une partie de Castres, soit la préfecture et la sous-préfecture du département, au mépris des intercommunalités existantes et au mépris des spécificités économiques. Les circonscriptions de gauche sont les plus touchées au profit d'une circonscription, créée en 1986, liant Lavaur et Mazamet, deux villes qui n'ont presque rien commun, si ce n'est leur couleur politique. Trois de nos quatre députés, de nombreux élus locaux ainsi que les commentateurs extérieurs à notre département ont stigmatisé ce charcutage électoral. Comme nous, la commission Guéna propose d'en revenir aux grandes lignes du redécoupage de 1958. Nous vous invitons donc à adopter cet amendement pour éviter un double charcutage, le nouveau découpage des cantons devant s'appuyer sur celui des circonscriptions législatives.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission maintient l'avis défavorable qu'elle avait donné à cet amendement en première lecture.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Rejet également. Madame Alquier, le redécoupage du Tarn retenu par le Gouvernement respecte les prescriptions du Conseil constitutionnel. (M. Bernard Frimat ironise) Nous avons pris en compte le critère démographique -vous l'avez souligné- en nous fondant sur les données de l'Insee, mais également le critère du bassin d'emploi et de vie. Nous avons partagé l'ouest du département, le plus dynamique, en deux circonscriptions garantissant l'équilibre démographique du redécoupage. Il n'y a pas plus d'inconvénient à partager la ville de Castres, aujourd'hui, qu'il n'y en avait pour la ville d'Albi, hier. Et le maire de Castres ne s'y oppose pas.

M. Bernard Frimat.  - Le maire de Castres est à l'UMP ? (On le lui confirme sur les bancs socialistes)

Mme Jacqueline Alquier.  - Le secrétaire d'État étant sourd à nos arguments, je maintiens ma position !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est normal...

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le tableau n°1 ter annexé au code électoral est ainsi modifié :

1° Dans la 1re circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « États-Unis : 3e circonscription : circonscriptions consulaires de Houston, La Nouvelle-Orléans ; » et « États-Unis : 4e circonscription : circonscriptions consulaires de Los Angeles, San Francisco. » sont supprimées.

2° Dans la 2e circonscription électorale des Français établis hors de France, après les mots « Trinité-et-Tobago. », sont ajoutées les lignes : « États-Unis : 3e circonscription : circonscriptions consulaires de Houston, La Nouvelle-Orléans ; » et « États-Unis : 4e circonscription : circonscriptions consulaires de Los Angeles, San Francisco. »

3° Dans la 3e circonscription électorale des Français établis hors de France, après la ligne : « Lituanie, Norvège, Suède. » est insérée une ligne ainsi rédigée : « Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine. »

4° Dans la 5e circonscription électorale des Français établis hors de France, après la ligne : « Portugal. » est ajoutée la ligne : « Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège. »

5° Dans la 7e circonscription électorale des Français établis hors de France, après le mot : « Slovaquie. » est insérée la ligne : « Chypre, Grèce, Turquie. »

6° Dans la 8e circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège ; » et « Chypre, Grèce, Turquie ; » sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées : « Egypte, Soudan ; », « Irak, Jordanie, Liban, Syrie ; » et « Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen ; »

7° Dans la 9e circonscription électorale des Français établis hors de France, les lignes : « Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal, Sierra Leone ; » et « Côte d'Ivoire, Liberia. » sont supprimées.

8° Dans la 10e circonscription électorale des Français établis hors de France, la ligne : « Egypte, Soudan ; » est supprimée et les lignes : « Irak, Jordanie, Liban, Syrie ; » et « Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen. » sont remplacées par les lignes : « Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Sénégal, Sierra Leone ; » et « Côte d'Ivoire, Liberia. »

9° Dans la 11e circonscription électorale des Français établis hors de France, la ligne : « Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine ; » est supprimée.

M. Richard Yung.  - Cet amendement reprend des propositions que j'avais formulées avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage en première lecture. Ces modifications permettraient de mieux respecter l'équilibre démographique des circonscriptions des futurs députés des Français de l'étranger, notamment entre les deux circonscriptions nord-américaines qui représenteraient respectivement 125 000 et 120 000 habitants, et la continuité territoriale avec le rattachement de Beyrouth, Abou Dhabi et Tel-Aviv à la huitième circonscription, ce qui en ferait la circonscription du Proche-Orient. Cet amendement, dénué de tout esprit partisan, est raisonnable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'avis est défavorable comme en première lecture.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous avons effectué le découpage des circonscriptions des députés des Français de l'étranger avec le souci de ne pas diviser les circonscriptions de l'Assemblée des Français de l'étranger, lesquelles ont été établies par le gouvernement Mauroy en 1982... En outre, ce projet, qui reprend sept des onze propositions des sénateurs représentants les Français de l'étranger, a été validé par la commission dite de l'article 25 de la Constitution. Voilà tout ce que je peux vous dire aujourd'hui !

M. Bernard Frimat.  - C'est bien peu !

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :

1° Dans la deuxième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : «Saint-Mandrier-sur-Mer, La Seyne-sur-Mer, Six-Fours-les-Plages, Toulon II.»

2° Dans la troisième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Hyères-Est, Hyères-Ouest, La Crau (moins la commune de La Londe), La Garde. »

3° Dans la quatrième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Le Beausset, Ollioules, Toulon III, La Valette-du-Var.»

4° Dans la cinquième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Fayence, Fréjus, Le Muy (moins la commune du Muy), Saint-Raphaël. »

5° Dans la sixième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Barjols, Besse-sur-Issole, Brignoles, Cotignac, La Roquebrussanne, Rians, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. »

6° Dans la septième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Collobrières, Cuers, Grimaud, Saint-Tropez, Solliès-Pont, commune de La Londe des Maures. »

7° Dans la huitième circonscription du Var, après les mots : « cantons de : », la fin de la dernière colonne est ainsi rédigée : « Aups, Callas, Comps-sur-Artuby, Draguignan, Le Luc, Lorgues, Salernes, Tavernes, commune du Muy. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le débat de cet après-midi est une parfaite illustration de ce que devient le Parlement dans une république consulaire ! Cet amendement concerne le redécoupage dans le Var. Sachant d'avance la réponse qui me sera faite, je m'épargne une présentation précise de l'amendement. Comment a-t-on créé une huitième circonscription dans le Var ? Le préfet a réuni les députés, qui appartiennent tous à l'UMP et chacun d'entre eux a donné un petit bout de sa circonscription. Résultat, une circonscription allant des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône au Vaucluse et aux Alpes-de-Haute-Provence dont le territoire s'étend sur 150 km sans communications directes ! Soit, celui décidé par le Gouvernement respecte les critères du Conseil constitutionnel, mais l'on peut toujours mieux respecter les bassins de vie, les intercommunalités et les moyens de communication. Je comprends trop bien pourquoi le Gouvernement fait la sourde oreille. L'argument selon lequel ma proposition reviendrait à donner au préfet le pouvoir de fixer les circonscriptions est stupide -je n'y reviens pas. Le Gouvernement pouvait tenir compte de mes remarques qui n'avaient aucune incidence politique. De toute façon, pour faire élire automatiquement des représentants de la gauche dans le Var, il faut être doué. Même M. Marleix n'y parviendrait pas ! (M. Alain Marleix, secrétaire d'État, sourit). Nous sommes réduits au silence, et ce, y compris sur les questions techniques. Si vous trouvez que c'est cela notre rôle de parlementaire, eh bien, bravo !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission prévue à l'article 25 a, comme d'ailleurs le Conseil d'État, émis un avis favorable au découpage, indiquant que la circonscription du Var présentait un profil équilibré au plan démographique et que le Gouvernement avait choisi l'option la plus favorable pour la répartition (M. Pierre-Yves Collombat ironise) Je ne vois pas pourquoi on irait plus loin. Cet amendement a été rejeté par le Sénat en première lecture. Je lui propose de confirmer ce vote : défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis. J'écoute toujours vos propositions, monsieur Collombat, avec intérêt, mais vous nous suggérez là de ne pas respecter la loi. Le Conseil constitutionnel n'a émis aucune restriction quant aux limites des intercommunalités, et cela se comprend d'autant mieux qu'il ne s'agit pas là de circonscription pour des élections locales, mais nationales. La loi est formelle : le canton est le seul critère à prendre en compte.

M. Charles Pasqua.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pourra-t-on un jour avoir autre chose qu'un dialogue de sourds ?

M. Jean Bizet.  - Tout dépend de la question. Je n'ai jamais dit que tenir compte des intercommunalités était une obligation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - D'autant plus qu'elle peuvent changer.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'ai dit que dans le Var, on pouvait, tout en respectant les critères à retenir pour le découpage, tenir compte des bassins de vie et des moyens de communication. J'ai posé la question à M. Guéna lorsqu'il est venu devant la commission pour recevoir notre bénédiction ; il m'a répondu, en substance, que c'était en effet une bonne chose que de tenir compte de ces critères supplémentaires pour peu que les critères de base fussent respectés. Sa réponse figure au bulletin des commissions. Entre temps, il a oublié : sans doute à cause de son indépendance...

J'ai dit qu'il serait préférable d'avoir des circonscriptions correspondant à la vie des gens plutôt que d'en rester à des découpages « hors sol » : ce n'est pas « à la place » des critères retenu, c'est un plus.

Mais je constate qu'il ne nous est pas même permis de discuter du troisième chiffre après la virgule, et que nous ne sommes rien de plus qu'une chambre d'enregistrement. Je le regrette, car ce n'est pas ma conception du rôle du Parlement.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Lozach et Mme Nicoux

Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :

- Creuse : deux circonscriptions

- Lozère : deux circonscriptions

Mme Renée Nicoux.  - Le redécoupage proposé fait perdre un siège à la Creuse et à la Corrèze. Sans doute le Conseil constitutionnel, fondant sa décision du 8 janvier 2009 sur le principe intangible d'égalité des citoyens devant le suffrage a-t-il limité les exceptions « à la règle fondamentale selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques », mais il reconnaît que le législateur peut tenir compte, « dans une mesure limitée », d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale.

Le maintien d'au moins deux circonscriptions, ce qui ne concernerait que deux départements, constitue bien une mesure limitée, tandis qu'une disposition contraire pénaliserait les habitants de la Creuse, qui, avec un seul député pour un territoire de plus de 5 565 km2, comportant 260 communes et 124 500 habitants -et ce chiffre, qui ne tient pas compte du dernier recensement, n'est pas loin du seuil fatidique des 125 000- ne trouveraient pas leur juste représentation.

Réduire la représentation de la Creuse à un seul député affecterait profondément ce département fragile que la crise agricole, la fermeture de services publics, la diminution des moyens des collectivités et les atteintes portées aux principes de péréquation et de solidarité nationale frappent de plein fouet. Pour sauver, à l'heure actuelle, un service de radiothérapie, il ne faut pas moins que l'intervention de deux députés, sur lesquels le département de la Creuse a toujours pu compter depuis sa création.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est bien ce que prévoyait la loi d'habilitation : au moins deux députés par département. Si le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, nous n'y sommes pour rien. Ni la Creuse, ni la Corrèze n'atteignent le seuil. Si nous adoptions cet amendement, nous serions censurés par le Conseil. D'autant que créant deux sièges supplémentaires sans proposer la suppression d'aucun autre, alors que la Constitution fixe à 577 le nombre maximum des députés, votre proposition est doublement inconstitutionnelle.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable pour les mêmes raisons. Le Conseil constitutionnel a de fait cassé une disposition de la loi d'habilitation qui reprenait notre tradition. Ce n'est pas nous qui l'avons saisi, mais vous : vous vous êtes tiré une balle dans le pied, comme disent les chasseurs.

M. Bernard Frimat.  - Admirable argumentaire.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La population de ces deux départements n'atteint donc pas le seuil qui leur permettrait d'envoyer chacun deux députés à l'Assemblée nationale. La Creuse se retrouve avec une circonscription de plus de 100 000 électeurs, la plus importante de France, comptant deux fois plus d'inscrits que la moyenne d'une circonscription à Paris ou dans sa proche banlieue. C'est en effet paradoxal, mais seule une révision constitutionnelle pourrait modifier les choses dans le sens que vous souhaitez et qui est aussi celui que je souhaite. Je crois savoir qu'une proposition de loi est à l'étude. Si elle recueille un avis favorable de la commission Guéna, et si un projet de révision constitutionnel intervenait avant le prochain renouvellement de l'Assemblée nationale, ce qui n'est nullement inimaginable, elle pourrait trouver à s'accomplir.

Mme Renée Nicoux.  - J'observe que votre position est moins rigoureuse que lors de la précédente lecture et vous en remercie. D'autant que les résultats du dernier recensement, qui décompte 460 habitants supplémentaires, nous rapprochent encore du seuil des 125 000.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais ce recensement fait aussi remonter la moyenne.

Mme Renée Nicoux.  - Sans doute, mais il montre que la tendance s'est inversée dans la Creuse, et que la démographie fléchissante, depuis un siècle, de ce département, qui perdait jusqu'il y a peu 1 000 habitants par an, s'est redressée, durablement je l'espère. Si la suppression d'un député est votée, nous ne pourrons y revenir avant une nouvelle loi électorale, sinon par une modification de la Constitution, et c'est pourquoi l'un de nos collègues de l'Assemblée nationale a déposé un amendement...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On ne peut pas modifier la Constitution par amendement.

Mme Renée Nicoux.  - ...pour que l'on revienne, comme nous y autorise le Conseil constitutionnel, qui permet de déroger aux règles « de manière limitée », ce qui est bien le cas ici, sur le nombre de députés de la Creuse, s'il se trouve un moyen de le faire en respectant la limite fixée par la Constitution au nombre de députés, qui pose en effet problème : il ne peut être question, pour créer un siège de député, d'en supprimer un ailleurs. J'espère que nous trouverons ensemble une solution.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Adnot.

Le tableau n° 1 annexé au code électoral est ainsi modifié :

1° Dans la première circonscription de l'Aube, les mots : « Méry sur Seine » sont supprimés.

2° Dans la troisième circonscription de l'Aube, ajouter les mots : « Méry sur Seine III ».

M. Philippe Adnot.  - Cet amendement n'a aucune portée politique et ne menace aucun équilibre. Il vise seulement à faire triompher le bon sens. L'Aube va conserver trois circonscriptions. L'une était moins importante que les autres par la population, un rééquilibrage était donc nécessaire. Nous avons cru que l'on consulterait les parlementaires du département : mais il y a eu zéro concertation ! Finalement, nous nous retrouvons avec une circonscription qui regroupe plus de la moitié des communes ! Et la circonscription qui en avait le moins en perd.

Les trois circonscriptions se rejoignant à Troyes, il suffisait de déplacer un canton urbain. Mais c'est mon canton rural, de 9 000 habitants, qui a dû rejoindre la plus vaste circonscription. Personne n'y comprend quoi que ce soit. Certes, avec la solution de bon sens M. Baroin aurait perdu quelques voix ; qu'on se rassure, il n'a rien à craindre ! Est-ce, alors, un mauvais coup contre moi ? Je ne crois pas que ma modeste personne justifie une telle manipulation. En tout cas le nouveau découpage heurte le bon sens. Doit-on toujours raisonner avec des arrière-pensées politiques ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement est nouveau, il n'a pas été présenté en première lecture.

Le Gouvernement a été contraint par la commission nationale de contrôle et par le Conseil d'État de rééquilibrer les circonscriptions dans l'Aube, alors qu'il ne l'avait pas fait. Le député est-il le chef de la circonscription ? Il est ici question de circonscription électorale, non de périmètre d'une communauté de communes. En 1986, je me suis trouvé dans une circonscription aux frontières très bizarres, cela ne m'a pas empêché d'être élu. Dans le cas de l'Aube, le rééquilibrage démographique a été demandé par la commission. Il ne plaît pas à d'éminents parlementaires du département, qui ne partagent pas l'avis de la commission... Avis défavorable, car le Sénat ne souhaite pas que l'on repasse en revue toute la carte.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable également. Les écarts actuels de population sont sensibles, entre 83 000 habitants et 112 245. Le Gouvernement conservait cependant le découpage de 1986, qui remontait à 1958, car le seuil de 20 % était malgré tout respecté. Le transfert de Méry-sur-Seine a été proposé par la commission nationale et le Conseil d'État a poussé dans le même sens. Je précise qu'il s'agissait bien d'une « proposition », non d'une « suggestion »... Nous l'avons donc appliquée, malgré les inconvénients ; l'écart démographique de 30 % a été déterminant dans notre décision. Certes, une autre solution existait mais elle aurait eu de lourdes conséquences. Le rééquilibrage via le transfert d'un canton à Troyes a été soumis à la commission par un député, mais celle-ci ne l'a pas retenu. Rejet.

M. Philippe Adnot.  - L'explication ne tient pas. Nous ne contestons pas la nécessité d'un rééquilibrage démographique mais on pouvait le faire à Troyes. Désormais, une circonscription aura 220 communes, une autre, 100 ! Quel mépris à l'égard des citoyens... Mon amendement avait pour but de vous l'entendre dire : l'avis des gens ne vous importe nullement, ni le bon sens. Le transfert d'un canton urbain était simple, vous l'avez écarté avec des arrière-pensées politiques. L'histoire vous jugera.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La situation étant similaire dans le Var, je voterai l'amendement.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Article unique

L'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le ministre conteste la légitimité de nos débats. Le passage devant le Sénat, juridiquement nécessaire, devrait être rapide. La tradition, indique-t-il, veut qu'une assemblée parlementaire ne « s'immisce pas » dans les textes qui concernent l'autre assemblée. Sic !

Dès lors qu'on touche aux contours, le redécoupage a des incidences sur le Sénat. Les nouveaux cantons sont-ils taillés tout exprès pour les nouveaux conseillers territoriaux ? Quoi qu'il en soit, le Sénat est invité à voter sans débattre. Sommes-nous revenus à la République consulaire ? L'une des chambres avait à cette époque l'initiative des textes. Aujourd'hui, c'est le journal de 20 heures qui tient ce rôle.

Méchant Sénat, a dit en substance le ministre aux députés : il a rejeté le projet de loi voté par les députés. Comme si c'était le débat, et non un incident, qui avait provoqué cela ! On accuse la Haute assemblée de déstabiliser la représentation nationale, de s'ériger en arbitre des conditions d'élection des députés, dérive qui desservirait l'Assemblée, seule chambre à être élue au suffrage universel direct. Autrement dit, pour faire passer le vote bloqué, on a dit aux députés : vous devez être gentils, sinon les sénateurs vont venir manger dans votre gamelle... Les élus au suffrage universel direct auraient-ils une légitimité supérieure à celle des représentants élus au suffrage universel indirect ? Sommes-nous les indigènes de la République ?

M. Louis Mermaz.  - Le Gouvernement persiste à défendre son projet alors que la discussion, dans les deux assemblées, a montré qu'il portait lourdement atteinte aux principes démocratiques.

Le Gouvernement aurait pourtant pu saisir l'occasion du recensement publié le dernier jour de l'année 2009 pour revoir sa copie. En reprenant ainsi totalement la procédure, il aurait pu respecter l'exigence constitutionnelle d'égalité des citoyens devant le suffrage. Il a préféré passer en force et recourir mardi dernier, à l'Assemblée nationale, au vote bloqué.

Nous l'avons déjà dit mais nous le répétons car mieux vaut se répéter que se contredire, notre groupe s'élève contre l'obstination du Gouvernement à choisir une méthode de calcul qui, par un effet de seuil, favorise les départements les moins peuplés au détriment de ceux où la population se concentre désormais. Lors du premier débat d'habilitation devant l'Assemblée nationale le secrétaire d'État a usé de cette formule à la fois cynique et cocasse : « Nous ne sommes pas à la recherche du meilleur système de répartition ». Le remodelage des circonscriptions à l'intérieur des départements obéit, on l'a compris, à une tout autre logique, celle que dicte l'intérêt exclusif de l'UMP dont le Président de la République, confondant les genres, est de fait le chef, et en accordant quelques miettes au Nouveau Centre.

Peu importe qu'il faille pour cela casser des villes ou des cantons, tourner le dos aux réalités administratives ou simplement à celles de la vie quotidienne. Puisqu'il faut refouler les électeurs réputés de gauche dans des circonscriptions de sûreté, dans des réserves, pour conforter les circonscriptions plutôt de droite, on les redessine quand nécessaire ou on les crée. Et le tour est joué. Pour les représentants des Français vivant hors de France, le Gouvernement a vu large, puisque leurs circonscriptions enjamberont les continents et les océans sur des milliers de kilomètres.

Faut-il que le Président et le Gouvernement soient inquiets pour l'avenir de leur majorité ! Vos échecs économiques sont patents, les inégalités se creusent ; vous tentez de vous prémunir contre un rejet du pays en vous barricadant et en vous attaquant aux droits des collectivités locales, à l'indépendance de la justice, à la liberté de la presse, au droit d'asile. Un ministre s'en prend au Conseil constitutionnel parce qu'une décision a déplu. Mardi, ce fut le tour du Sénat, accusé devant l'Assemblée nationale de se mêler de ce qui ne le regarde pas.

Nous avons apprécié sur tous les bancs de notre assemblée la mise au point du président Hyest sous l'oeil pétillant du président du Sénat. (Sourires) A entendre le secrétaire d'État, le Sénat n'aurait pas à se préoccuper de ce qui touche au mode d'élection de l'Assemblée nationale. Comme si les lois électorales ne relevaient pas constitutionnellement d'un vote dans les deux assemblées ! Comme si le Parlement n'était pas un, composé de deux assemblées, dont chacune a pour mission de veiller à l'équilibre des institutions, au respect de la démocratie ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Fauchon.  - J'applaudis aussi !

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La partialité de ce découpage est évidente. Tout est fait dans l'intérêt d'un seul parti sans respecter le principe d'égalité des citoyens devant la loi.

J'espère que cet amendement de suppression aura le même destin favorable qu'en première lecture !

M. le président.  - Amendement identique n°9, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Bernard Frimat.  - J'attire l'attention du Sénat sur le fait que le vote de cet amendement de suppression peut représenter pour le Sénat un moment tonique. J'insiste pour que chaque sénateur soit attentif à la couleur de son bulletin et ne confonde pas le bleu et le blanc ! (Sourires à gauche)

Cet article fait un usage spécieux et partisan du considérant 21 du Conseil constitutionnel. Celui-ci considère en effet la variation de 20 % comme une limite ; vous en faites une norme. En outre, vous utilisez la méthode de la tranche alors qu'en 1958 on avait retenu celle du plus fort reste.

Enfin, vous ne tenez pas compte du dernier recensement en vertu duquel la Seine-Saint-Denis devrait conserver ses treize députés et le Puy-de-Dôme ses six. Vous refusez de changer tous les ans ? Sans doute mais ce découpage-ci n'est pas voté, il n'existe pas encore. Vous avez donc toute possibilité de mieux répartir les sièges, en tenant compte du dernier recensement. Tel est le service que nous vous rendons en supprimant cet article.

M. le président.  - Comme l'a suggéré M. Frimat, il va y avoir un scrutin public, demandé par l'UMP.

M. Jack Ralite.  - Nous nous exprimons contre votre chambardement des circonscriptions électorales, votre volonté de précariser les votes de l'opposition, et même de séparer un ensemble humain qui vous dérange, de le traiter plus mal que l'ensemble des citoyens.

Il en est ainsi de la Seine-Saint-Denis, que vous ne cessez de discriminer. Certes, notre département bouge, mais c'est à son aptitude à la solidarité active et à la rébellion constructive qu'il le doit. Dans le cadre de votre politique de régression, de destruction des services publics, que vous osez appeler « réforme », vous en arrivez, vous qui chiffrez tout dans la vie, à biffer des électeurs et électrices. Si votre loi passe, un député de l'opulente Hauts-de-Seine représentera 117 846 électeurs, un député de la rude et tendre Seine-Saint-Denis 125 240. Pourquoi ? Parce que les champions du chiffre que vous êtes sont aussi pour le chiffre comme écriture secrète. Troussons donc l'arithmétique séquanodionysienne.

Le 1er janvier 2009, votre date de référence, il y avait treize députés en Seine-Saint-Denis pour une population de 1 491 970 habitants. Or, vous avez décidé que pour garder les treize parlementaires, il fallait 1 500 000 habitants. II manque donc 8 030 habitants. Mais la réalité, et vous le savez, est tout autre. Dix ans auparavant, ce département avait 1 382 861 habitants ; il a donc augmenté sa population de 109 109 habitants. Or cette progression continue, on le constate au guichet des services municipaux.

Depuis le 1er janvier 1999, l'augmentation est donc en moyenne de 10 000 habitants par an. Au moment où vous avez mitonné votre projet, on pouvait évaluer notre population à 1 502 880 habitants, contre 1 532 000 dans les Hauts-de-Seine. Mais si l'on compte une augmentation moyenne de 10 000 habitants par an, nous serions 1 691 970, soit presque le seuil retenu pour quatorze députés. Pourquoi un député de moins alors que la Seine-Saint-Denis est le département francilien dont la population a le plus augmenté ? Vous-même avez un chiffre plus récent que votre référentiel, celui de l'Insee au 1er janvier 2007, soit 1 502 340 habitants. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas validé ce chiffre trois ans après ? A cause de la dotation globale de fonctionnement qui devrait être revalorisée ? Encore une ségrégation.

Vous n'aimez pas le réel qui vous dérange, mais la population est là, comptée comme je viens de le faire, avec un député de moins. C'est de la discrimination, du mépris, qui sera ressenti comme tel.

Vous n'avez trouvé rien de mieux que de supprimer la circonscription d'Aubervilliers, une ville que je connais bien, où je vis, que je représente depuis 1959 à travers divers mandats, dont celui de maire. Elle a besoin d'être écoutée et entendue en tant que telle. C'est une histoire, cela ne se malmène ni ne se blesse. Aubervilliers va même devoir quitter son arrondissement, celui de Saint-Denis ! Vous la privez d'un de ses moyens de représentation qu'elle affectionnait. Je vais vous dire, je me demande si, quand vous avez fait ce mauvais travail antidémocratique, vous ne nous avez pas considérés comme des étranges étrangers de France !

Que faites-vous de notre dignité ? Nous ne nous plaignons pas, nous portons plainte ! Je voterai contre cet abus de pouvoir.

M. Jean Bizet.  - Pathétique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Un amendement ultérieur nous permettra sans doute d'entendre à nouveau ce discours... (Protestations à gauche) La commission s'oppose fermement aux amendements de suppression.

M. Jean Bizet.  - Fermement !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

A la demande du groupe UMP, les amendements identiques s8 et 9 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 142
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°6 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de la Seine-et-Marne.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Yannick Bodin.  - Parlons un peu de la Seine-et-Marne. Le ministre nous a expliqué que la règle était de ne toucher aux cantons que s'ils comptaient plus de 40 000 habitants et à la condition que des circonstances particulières l'exigent. Une dizaine de cantons sont ainsi modifiés ; nous sommes chanceux, puisque trois d'entre eux -Thorigny-sur-Marne, Dammartin-en-Goële et Lagny-sur-Marne- sont en Seine-et-Marne... Ce qui n'empêche pas que subsistent des écarts à la moyenne importants : moins 16,77 % pour le moins peuplé et plus 15,13 % pour le plus peuplé.

Il n'était nullement nécessaire de diviser ces cantons pour parvenir à l'équilibre démographique et géographique. Pourquoi alors le Gouvernement a-t-il procédé de la sorte ? La seule commune dirigée par la droite dans le canton de Combs-la-Ville, dont le conseiller général est de gauche, c'est le chef-lieu, Combs-la-Ville, dont le député-maire est UMP. Il fallait sauver le soldat Geoffroy, vous l'avez fait en rattachant sa commune à la circonscription voisine. Nous sommes alors dans un jeu de dominos : il fallait trouver un autre canton à rattacher pour créer la nouvelle circonscription ; ce sera celui de Savigny-le-Temple, le seul à voter à gauche dans une circonscription dont le député est de droite...

Et le jeu continue. Prenez la deuxième circonscription, celle de Melun nord que connaît bien M. Hyest...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je les connais toutes !

M. Yannick Bodin.  - ...où il fallait aussi faire un effort. Malheureusement, tous les cantons y votent à gauche. On en a détaché le moins vindicatif pour le rattacher à la première circonscription. Et ainsi de suite jusqu'à la onzième...

C'est dire que le découpage n'a à voir ni avec la démographie, ni avec la géographie. Selon le dernier recensement, l'expansion démographique en Seine-et-Marne est une des plus rapides de France. Le nombre de sénateurs y est d'ailleurs passé de quatre à six.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Yannick Bodin.  - Il faut revoir les circonscriptions en en tenant compte et en considérant que cette expansion n'est pas uniforme sur tout le territoire du département.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable, comme en première lecture. La Seine-et-Marne aura deux députés supplémentaires, il fallait bien redécouper les circonscriptions. La seule objection que nous avions présentée concerne la circonscription de Sénart, qui compte moins d'habitants que les autres ; mais le Gouvernement a fait valoir qu'elle était en pleine expansion -ce que confirme le dernier recensement- et qu'elle rattraperait rapidement la moyenne départementale.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - J'ai la même analyse que le rapporteur. Le découpage tient compte de la dynamique démographique interne au département. L'écart à la moyenne qui subsiste dans la onzième circonscription est appelé à se résorber rapidement. Je reconnais que les propositions de la commission Guéna étaient plus équilibrées dans leur forme, mais elles auraient conduit dans un futur proche à des déséquilibres importants. Le choix du Gouvernement est un choix d'avenir, dont la justesse est confirmée par le dernier recensement.

M. Yannick Bodin.  - Je ne conteste pas ces explications. Mais pourquoi a-t-on déplacé Combs-la-Ville, dont le député est UMP, et non Moissy-Cramayel ou Lieusaint ? Si ces communes avaient été de droite, ce sont elles qu'on aurait rattachées...

Je partage votre argument démographique, mais je note que c'est un député UMP qui en tire seul avantage !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il était hostile au nouveau découpage !

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de la Moselle.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés. Ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Daniel Reiner.  - En Moselle, contrairement aux promesses, le Gouvernement n'a pas tenu compte de l'avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral, ni de l'avis du Conseil d'État. Cette commission a constaté le caractère « géographiquement peu satisfaisant » du découpage de la ville de Metz et du canton de Metz III. Le Gouvernement ne se soucie pas de démographie, puisque la troisième circonscription compte 10 % d'habitants de moins que la moyenne départementale alors que la circonscription de Sarreguemines, inchangée, a une population inférieure de 13 % à la moyenne départementale, et que le nouveau découpage laisse subsister d'importantes disparités entre circonscriptions.

De plus, l'ordonnance divise les cantons de Metz I, Metz III et Yutz, alors que le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il fallait éviter la division de cantons sans motif d'intérêt général.

Nous en tenons compte, pour un redécoupage cohérent et non partisan.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le Sénat a déjà repoussé cet amendement en première lecture, d'autant qu'il est irrecevable, comme l'amendement n°5 de M. Masson, pour la simple et bonne raison que pour ajouter un siège en Moselle, il faudrait en prélever un ailleurs.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. Hugues Portelli.  - Rappel au Règlement : je suis gêné d'entendre nos collègues nous parler seulement de leur département, ils en deviennent juge et partie ! (Exclamations sur divers bancs)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est tout de même la situation que chacun connaît le mieux !

M. Hugues Portelli.  - J'ajoute que le découpage d'un canton ne saurait être un argument, puisque nous allons bientôt voter une loi qui supprime les cantons ! (Mme Catherine Procaccia applaudit)

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Berthou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de l'Ain.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

Monsieur Portelli, en prenant pour exemple leurs départements, nos collègues nous parlent de ce qu'ils connaissent et ils sont les mieux placés pour démontrer en quoi ce découpage est partisan ! Ils n'y ont pas d'intérêt personnel, puisqu'ils sont déjà élus ; c'est le ministre, en fait, qui est juge et partie : c'est lui qui ne nous communique pas les simulations dont il dispose et qui lui servent à avantager son parti ! De notre côté, chacun ne fait que décrire la situation qu'il connaît le mieux, pour en informer au moins le Conseil constitutionnel, car nous ne voulons pas croire que vous vous tromperez de vote une nouvelle fois ! Votre indignation simulée était donc parfaitement déplacée !

Mme Nicole Bricq.  - Et feinte !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Bernard Frimat.  - Pourquoi ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le redécoupage tient compte de la démographie du département de l'Ain, grand territoire où l'attraction de la métropole lyonnaise s'affirme, tout comme celle de la Suisse. La création d'une circonscription respecte l'organisation du territoire et a reçu un avis favorable de la commission de contrôle.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département du Rhône

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Louis Mermaz.  - Je présente cet amendement pour Mme Demontès, empêchée. Le redécoupage électoral morcèle la ville de Saint-Priest, dans le Rhône, commune que je connais bien puisque j'en ai été l'élu en 1967, à une période où vous deviez encore être à l'école, monsieur le ministre ! (Sourires) Elle compte 41 000 habitants, qui seront séparés en deux portions pour les seules législatives au gré du découpage du canton. Vous faites comme Ubu roi que le peuple dérange et qui dissout le peuple : le canton vous gêne, vous le découpez ! L'argument de ce qu'une loi prochaine pourrait supprimer les cantons n'impressionnera certainement pas le juge constitutionnel : personne n'est dupe, monsieur Portelli !

Les électeurs voteront dans différents cantons selon les élections : comment n'auraient-ils pas le sentiment qu'on les promène ?

Le Gouvernement n'est pas constant : il juge nécessaire de modifier la treizième circonscription du Rhône, où l'évolution démographique reste inférieure à 20 %, tout en expliquant, pour la sixième circonscription où la situation démographique est très proche, qu'un redécoupage compliquerait les choses et porterait atteinte à l'unité du canton !

Une alternative existe pourtant : il suffit d'intégrer la ville de Mions à la quatorzième circonscription, pour que la treizième entre dans le rang démographique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis défavorable, comme en première lecture. Le redécoupage est parfaitement conforme à la loi d'habilitation.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis. Dans le département du Rhône, très important sur le plan démographique, plusieurs options étaient possibles. Le Gouvernement a choisi un remodelage a minima, qui a recueilli un large consensus de la majorité et de l'opposition, à l'exception de la mairesse de Saint-Priest. La quatorzième circonscription excède de très peu le seuil démographique.

La solution retenue repose sur le fractionnement de Saint-Priest, initialement situé en totalité dans la 13e circonscription, où l'on constate un excédent démographique de 16,5 %. S'ajoute la fin du fractionnement de deux autres cantons, tous deux habités par moins de 40 000 personnes. Je signale que les deux députés concernés siègent, l'un au groupe communiste, l'autre au groupe de l'UMP. Le transfert de la partie ouest du canton, où 30 867 personnes résident selon l'Insee, apporte un équilibre démographique bien plus satisfaisant que les disparités actuelles.

M. Louis Mermaz.  - On aurait obtenu le même résultat en transférant vers la 13e circonscription la commune de Moins, sans charcuter Saint-Priest.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département des Yvelines.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

Mme Catherine Tasca.  - Au risque de décevoir M. Portelli, je vais parler des Yvelines, département où je suis le seul parlementaire de l'opposition.

Monsieur le secrétaire d'État, si nous avions dû respecter la prétendue tradition républicaine à propos des circonscriptions législatives, vous auriez traversé allègrement ce débat à l'abri des douze députés de droite, sans être interpellé sur les Yvelines. Heureusement, ainsi que M. Hyest vous l'a dit, nous ne partageons pas votre conception quant au rôle du Sénat, car dans ce département comme dans bien d'autres, vous proposez un remodelage partisan.

Modifiant sept circonscriptions sur douze, votre découpage n'élimine pas les déséquilibres démographiques, tout en laissant subsister de nombreuses anomalies remontant à 1986.

Contrairement aux objectifs affichés, trois circonscriptions réunissent deux secteurs non contigus. Ainsi, l'exigence de continuité territoriale n'est pas respectée.

Il en va de même pour la cohérence territoriale, puisque la ville des Mureaux par exemple demeure dans une circonscription rurale.

Plus grave, votre découpage introduit de nouvelles anomalies, puisque les écarts à la moyenne départementale peuvent atteindre 15,83 % dans la neuvième circonscription, qui excède la moyenne nationale de 19,24 %, ce qui est inacceptable.

En outre, six cantons sont divisés entre plusieurs circonscriptions, ce que l'ordonnance devait éviter.

Toutes ces anomalies satisfont en fait une même volonté : démanteler la douzième circonscription et conforter la onzième.

Le sort de la douzième circonscription à des causes trop obscures ou trop évidentes ! Vous la démantelez, bien qu'avec 116 317 habitants elle soit la plus proche de la moyenne départementale. Simultanément, la commune du Mesnil est opportunément intégrée à la onzième circonscription, pour y sécuriser le siège du parti majoritaire. Vous n'en avez jamais assez !

Vous proposez une cohérence exclusivement politique.

M. Nicolas About.  - Et territoriale !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les écarts à la moyenne départementale sont très inférieurs au seuil maximum autorisé, puisqu'ils ne dépassent jamais 15 %. Les critères de la loi d'habilitation ont été respectés. Le découpage des Yvelines a été dûment justifié par le Gouvernement dans la fiche explicative annexée au rapport remis à l'Assemblée nationale.

La commission est donc défavorable à l'amendement.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement aussi.

Un député a voté contre le projet du Gouvernement : M. Étienne Pinte. J'y vois le signe d'un découpage équilibré.

Il est vrai que ce département est largement remodelé, car de très forts déséquilibres démographiques existent à ce jour, avec trois circonscriptions excédant de 20 % la moyenne départementale. Il a donc fallu remodeler sept circonscriptions sur douze. Même la neuvième circonscription respectera la fourchette admise par le Conseil constitutionnel. J'ajoute qu'aucune circonscription n'est formée de secteurs non contigus.

La commission de contrôle a seulement recommandé de transférer Houdan de la neuvième circonscription vers la douzième, pour atténuer les écarts démographiques. Aux termes de l'ordonnance, la neuvième circonscription réunit quatre cantons habités chacun par moins de 40 000 habitants. Lui enlever Houdan et ses 25 000 habitants n'était guère envisageable, car cette ville est le chef-lieu de la circonscription.

Mme Catherine Tasca.  - Ce n'est sans doute pas un hasard si le remodelage de la 12e circonscription conforte les espoirs de réélection de M. Douillet. Ne nous prenez pas pour des naïfs absolus tombés de la dernière pluie. Il n'y a pas de hasard dans vos découpages : la logique des chiffres est au service de la logique politique !

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de la Meurthe-et-Moselle.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des

départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Daniel Reiner.  - Je vais à mon tour désespérer M. Portelli, car cet amendement concerne la Meurthe-et-Moselle, département où je suis élu. Il perdra un siège. J'ai été surpris d'entendre ce matin M. le secrétaire d'État déclarer que le siège supprimé était celui d'un député UMP. Certes, la cohérence géographique commandait de supprimer la troisième circonscription, la moins peuplée, mais vous n'en avez rien fait, puisqu'elle est la seule intacte ! Vous avez redistribué la circonscription d'un député socialiste, pourtant la plus peuplée, la plus proche de la moyenne départementale et malgré sa parfaite cohérence territoriale, réunissant la banlieue est et sud de Nancy.

La commission de contrôle du découpage a donc formulé plusieurs propositions de rectification, que vous avez partiellement suivies, avec un sens très particulier de la géométrie variable. Ainsi, vous avez déplacé un canton de la deuxième circonscription vers la quatrième, si bien que le député-maire socialiste concerné n'aura plus sa ville dans sa circonscription législative. C'est contraire à un engagement que vous aviez pris devant l'Assemblée nationale. Avez-vous appliqué le même traitement ne serait-ce qu'à un seul député-maire UMP ? Simultanément, un canton urbain a rejoint une circonscription rurale. Quel rapport y a-t-il entre un aéroport, un stade et les communes rurales et montagneuses avoisinantes ? Il n'y a là aucune logique de bassin de vie !

La commission de contrôle a proposé de transférer un canton de la quatrième circonscription vers la cinquième, celle où est élue Mme Morano, secrétaire d'État à la famille. Vous avez prétendu que cela compromettrait la cohérence géographique de cette circonscription. Vérité en deçà, mensonge au-delà ! Deux poids, deux mesures !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je pourrais me contenter de dire que cet amendement est irrecevable, puisqu'il conduirait à maintenir un siège de député excédentaire. Mais j'ajouterai que le raisonnement de M. Reiner, suivant lequel il ne faudrait pas séparer d'une circonscription le canton du député-maire, est assez choquant : il faudrait donc tenir compte des mandats locaux pour dessiner les circonscriptions législatives et maintenir les gens en place ?

M. Bernard Frimat.  - Vous ne vous en privez pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En outre le projet de redécoupage respecte la cohérence territoriale, puisqu'il calque la quatrième circonscription sur l'arrondissement de Lunéville : on revient ainsi au traditionnel scrutin d'arrondissement.

Je le répète : cet amendement aboutirait à ce qu'il y ait 578 députés.

M. Bernard Frimat.  - Ce problème pourrait être résolu au cours de la navette !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous ne pouvons pas voter une disposition inconstitutionnelle !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je suis perplexe : Mme Aubry et les instances du parti socialiste clament leur opposition au cumul des mandats, et vous défendez ceux d'un député-maire ? D'autres, y compris dans la majorité, ont subi dans le passé le sort du maire de Tomblaine !

En Meurthe-et-Moselle, le Gouvernement a suivi la proposition de la commission de contrôle et rattaché à la quatrième circonscription le canton de Tomblaine. En revanche il a souhaité maintenir dans cette circonscription le canton de Bayon, pour préserver l'unité d'un bassin de vie et respecter un souhait largement partagé.

Contrairement à ce que dit M. Reiner, c'est la troisième circonscription, détenue par une députée UMP, Mme Rosso-Debord, qui disparaît.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Elle s'en est d'ailleurs plainte !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La nouvelle deuxième circonscription comporte davantage de cantons provenant de la circonscription de Mme Rosso-Debord que de celle de M. Féron ! Faites le compte !

M. Daniel Reiner.  - Il n'est pas question dans notre esprit de créer un siège de député supplémentaire (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le conteste) mais de modifier la délimitation d'une des circonscriptions. Contrairement à ce qu'il avance, M. le ministre n'a pas suivi les recommandations de la commission de contrôle : il a rattaché un canton à la quatrième circonscription sans en séparer un autre. Où est la logique de cette opération, sinon de favoriser vos amis politiques ?

M. Jacques Mahéas.  - M. le rapporteur prétend que si l'un de nos amendements a pour résultat de créer un siège supplémentaire, il faut en supprimer un autre ailleurs. (M. le rapporteur le confirme) Mais quand le Conseil constitutionnel censurera les anomalies de ce projet de loi, exigerez-vous qu'il indique les sièges à supprimer pour compenser ceux qu'il aura préservés ? Non : c'est le Gouvernement qui devra revoir sa copie.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous ne sommes pas dans la même situation : nous sommes législateurs !

M. Jacques Mahéas.  - Votre position est illogique et peu conforme aux habitudes du Sénat.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et un alinéa ainsi rédigés :

à l'exception des circonscriptions électorales des Français établis hors de France

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des Français établis hors de France » faisant mention de ces circonscriptions sont abrogés et ces circonscriptions feront l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Richard Yung.  - Je serai bref, puisque j'ai déjà défendu cet amendement lors de la discussion générale et de l'examen des amendements portant articles additionnels. Mais je souhaite dire à M. Portelli que son argumentation me laisse rêveur : si les sénateurs n'ont pas leur mot à dire sur le redécoupage électoral parce qu'ils sont élus dans les départements, que dire des députés eux-mêmes, directement concernés ? Qui donc serait apte à en discuter ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Voilà qui prouve l'utilité des ordonnances...

M. Hugues Portelli.  - Ne soyons pas hypocrites : les carrières des sénateurs et des députés sont entremêlées, et le personnel politique forme un tout. Je ne conteste pas qu'il faille imposer des critères de délimitation des circonscriptions, mais cela me gêne que nous entrions dans le détail du redécoupage. Peut-on d'ailleurs examiner le sort des départements dont les sénateurs sont absents aujourd'hui ? (Exclamations à gauche)

M. Bernard Frimat.  - Nous sommes d'accord pour reporter le débat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je me suis déjà exprimé sur cet amendement. Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis. En délimitant les circonscriptions des Français de l'étranger, nous avons cherché à ne pas bouleverser les équilibres politiques et à respecter les limites des circonscriptions valables pour l'élection des représentants au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, avec l'accord du Conseil constitutionnel. Les deux circonscriptions d'Amérique sont certes déséquilibrées au plan démographique, mais le Conseil a admis les délimitations fondées sur des critères géographiques, et il aurait été peu compréhensible de créer une circonscription allant de Seattle à Ushuaia. De même, la onzième circonscription est très étendue et sous-peuplée, mais le Conseil a admis un tel écart dans sa décision du 8 janvier 2009. La huitième circonscription, en Méditerranée orientale, correspond à une entité historique et englobe toutes les grandes capitales des civilisations arabo-musulmanes et européennes de la région. La cinquième comprend la péninsule ibérique à laquelle nous avons adjoint Monaco, pour atteindre un seuil de population acceptable.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - M. le ministre a dit ne pas vouloir bouleverser les équilibres qui prévalent au sein de l'AFE. Je parlerais plutôt de déséquilibres : le découpage des circonscriptions pour les élections à l'AFE est aberrant, notamment en Afrique, et favorise outrageusement la droite. A l'élection présidentielle, les voix des Français de l'étranger se sont pourtant réparties équitablement entre la gauche et la droite. Le Gouvernement cherche à préserver la domination de la droite, qui ne correspond plus aux tendances politiques de l'électorat.

M. le ministre a également déclaré vouloir préserver des aires culturelles cohérentes. Cela revient à dire qu'Israël ne fait pas partie du Proche-Orient ! Ce redécoupage est inspiré par des considérations géopolitiques qui devraient y être étrangères et sont d'ailleurs dangereuses pour Israël.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots de l'alinéa suivants :

à l'exception du département du Loiret.

En conséquence les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur.  - N'en déplaise à M. Portelli, cet amendement concerne un département dont je suis l'élu depuis 29 ans et dont je connais chaque canton et presque chaque commune : le Loiret. Je propose un redécoupage différent de celui du Gouvernement. Monsieur le ministre, pouvez-vous avancer un seul argument qui justifie que vous préfériez votre projet au mien ? Sinon, je ne doute pas que vous vous rangerez à mon avis.

Votre projet crée un écart de population de 25 % entre les circonscriptions, que le mien ramène à 10 %.

Voix sur les bancs socialistes.  - C'est mieux !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Conseil constitutionnel, je le rappelle, veille au respect de l'équilibre démographique. Au plan géographique, votre redécoupage comporte quelques bizarreries. Le canton de Fleury-les-Aubrais jouxte Orléans : la gare des Aubrais-Orléans est l'une des deux gares qu'empruntent les Orléanais. Mais vous proposez de rassembler au sein d'une même circonscription ce canton et ceux, très agréables je l'avoue, de Puiseaux, Malesherbes, Beaune-la-Rolande, au-delà de la Beauce et près de l'Ile-de-France. M. Pasqua s'était déjà engagé dans cette voie. Où est la cohérence territoriale de ce projet ? Peut-être sert-il des ambitions politiques...

Monsieur le ministre, je suis prêt à vous emmener sur le terrain pour que vous y mesuriez, vous-même, l'incongruité de la chose. Pourquoi regrouper La Ferté-Saint-Aubin avec Briare et le centre-ville d'Orléans avec la magnifique cité de Lorris ? Il y a là décidément une bizarrerie. Je vous propose un découpage présentant six entités géographiques naturelles et un meilleur rapport démographique. Si vous n'avez aucun argument à lui opposer, ralliez-vous y ! J'y verrai un signe de bonne entente républicaine auquel chacun sera sensible.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - M. Sueur nous a fait voyager dans de magnifiques sites du Loiret, mais il propose seulement de remettre le redécoupage à plus tard !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je cite votre amendement : « ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Soit, mais j'ai formulé une proposition...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dire, ce n'est pas écrire ! (M. Charles Pasqua acquiesce) Les circonscriptions du Loiret présentent un écart inférieur à 20 %, le maximum étant de 14,5 % dans la deuxième circonscription. (M. Jean-Pierre Sueur le nie vivement) Elles respectent les critères fixés dans la loi d'habilitation tout en tenant compte de l'évolution probable de la population afin d'aboutir à un redécoupage pérenne. Rejet.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis, bien que j'eusse aimé faire plaisir à M. Sueur.

M. Charles Pasqua.  - Pas trop tout de même !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les nouvelles délimitations des circonscriptions du Loiret respectent parfaitement les termes de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, les écarts maximaux étant compris entre 9,88 et 14,5 %. La deuxième circonscription reste inchangée. Et si elle dépasse la moyenne de 14,5 %, sa population, d'après les derniers chiffres, est globalement stable. D'une façon générale, le Gouvernement a cherché, quand il y était autorisé par la loi, à ne pas modifier les circonscriptions, que ce soit au profit d'un député de l'opposition ou d'un député de la majorité. De fait, le Conseil constitutionnel et le texte de la loi d'habilitation précisent qu'il s'agit d'un « ajustement » de la carte électorale -j'y insiste.

M. Jacques Mahéas.  - « Ajuster », rendre plus juste ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous avons maintenu pas moins de 240 circonscriptions sur 577, qui appartiennent aussi bien à la majorité qu'à l'opposition.

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas une réponse !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous propose un écart démographique de 10 %, plus conforme à la démographie qu'un écart de 25 %.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Peut-être ! Mais le territoire est alors trop étendu !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, vous avez modifié les périmètres de la cinquième circonscription de Pithiviers et Fleury-les-Aubrais. Votre raisonnement choit puisque vous en avez retranché deux cantons : celui de Ferrières-en-Gâtinais, rattaché à Montargis, et celui de Lorris.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est logique !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Soit, monsieur Hyest. Mais, dans ce cas, pourquoi rattacher une part de l'agglomération orléanaise au nord de la Beauce, si ce n'est qu'elle ne vote pas selon votre bon plaisir ? Expliquez-moi pourquoi des personnes qui habitent à 200 mètres d'Orléans devraient voter avec les habitants d'un territoire qui jouxte le nord de l'Essonne ?

Il existe toujours plusieurs manières de découper. Celle que vous avez retenue est partisane, elle n'a rien à voir avec la géographie et la vie quotidienne des électeurs ! Je n'ai donc toujours pas de réponse à ma question !

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de la Seine-Saint-Denis.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Jacques Mahéas.  - Monsieur le ministre, vous allez me faire plaisir, ne serait-ce que pour ne pas transgresser vos propres règles ! La Seine-Saint-Denis est un cas d'école qui montre tout l'arbitraire de vos coups de ciseaux. Heureuse conséquence du rejet de ce projet de loi en première lecture, nous pouvons nous appuyer sur le recensement de 2007, validé par l'Insee le 1er janvier 2010. Le département compte 1 502 340 habitants. La suppression d'un siège n'est donc plus justifiée. D'autant que, outre l'expansion démographique, le département, comme l'a montré mon collègue Ralite, compte de nombreuses personnes hébergées non recensées par l'Insee, de même que des SDF. Un député y a donc beaucoup de travail !

Deuxième argument, deuxième anomalie. La commission Guéna a relevé l'important déficit démographique dans la huitième circonscription -107 786 habitants, moins 13,74 %- aux contours pourtant inchangés. D'une manière générale, l'ordonnance ne tient pas compte de l'avis de cette dernière, des fonctionnaires départementaux et du Conseil d'État qui a pointé le risque d'inconstitutionnalité.

Troisième argument, troisième anomalie. Les véritables enjeux de ce redécoupage sont politiques, voire politiciens. Vous avez systématiquement favorisé les bastions de l'UMP et du Nouveau centre. Pour exemple, la huitième circonscription, celle de Gagny, est laissée inchangée pour conforter son député UMP alors qu'elle compte 107 786 habitants contre respectivement 133 240 et 136 366 habitants dans les quatrième et septième circonscriptions. L'écart de 20 % n'est donc pas respecté.

Quatrième argument, quatrième anomalie. A l'inverse, vous taillez dans la troisième circonscription dont la population est de 123 880 habitants, soit près du chiffre prétendument idéal de 125 000 habitants.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jacques Mahéas.  - Le préfet a lui-même souligné la nécessité de ne pas modifier les circonscriptions dont la population est proche de cette moyenne. Mais peu vous importe puisque la troisième circonscription est tenue par un député socialiste ! (Mme Catherine Procaccia marque son agacement)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le découpage de la Seine-Saint-Denis a été validé par la commission de l'article 25. Elle a émis, non des réserves, mais des suggestions, ce qui est totalement différent ! Les écarts sont très limités, au plus de 14 % dans la huitième circonscription. Il y a peu de départements où l'on obtient d'aussi bons résultats !

M. Jacques Mahéas.  - C'est faux ! On atteint les 35 % !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Également. Les derniers chiffres du recensement ne remettent pas en cause la distribution des sièges prévue dans l'ordonnance pour la Seine-Saint-Denis comme pour le Puy-de-Dôme visé à l'amendement suivant et les autres départements. Le Conseil d'État est très clair sur ce point : les bases démographiques sont établies sur des données afférentes à la même année.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Eh oui !

M. Jacques Mahéas.  - Peut-être, mais, moi, je travaille pour le Conseil constitutionnel !

Je profite de l'explication de vote pour compléter la présentation de l'amendement n°21.

Cinquième argument : monsieur le ministre, vous prônez l'unité des cantons présentant une solution de continuité. Or le canton du Bourget est divisé entre trois circonscriptions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il y a une piste au milieu !

M. Jacques Mahéas.  - On ne définit pas des critères pour les contourner aussitôt ! Vous ajoutez une partie du Bourget à une circonscription Nouveau Centre et -pure coïncidence !- le maire du Bourget est également Nouveau centre.

Sixième argument, sixième anomalie. Vous malmenez l'unité des communes dont vous vous réclamez. Bondy notamment subit ce triste sort. Est-ce parce que la députée, Élisabeth Guigou, et le maire, Gilbert Roger, sont socialistes ?

Le redécoupage électoral est, certes, un exercice complexe. Mais rien ne justifie que son exécution en Seine-Saint-Denis passe outre aux critères fixés dans le but de défavoriser mes collègues socialistes. Il faut se fonder sur le recensement de 2007 validé en 2010...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela ne change rien !

M. Jacques Mahéas.  - Donc, nous avons droit à treize circonscriptions.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

Dans le tableau annexe définissant le nombre de circonscriptions dans les départements, pour le Puy-de-Dôme, le nombre : « 5 » est remplacé par les mots : « sans changement ».

Dans le tableau annexe définissant les circonscriptions législatives, pour le département du Puy-de-Dôme, le descriptif est remplacé par les mots : « sans changement ».

M. Bernard Frimat.  - Je parlerai avec moins de compétence que Mme André des réalités locales du Puy-de-Dôme, qu'elle connaît comme personne. Faut-il oui ou non prendre en compte le recensement ? Il est clair que votre réponse est négative. Ce n'est pas notre avis, et le Puy-de-Dôme, pour nous, devrait avoir une sixième circonscription. Si vous le contestez, fournissez-nous des chiffres, et le Conseil constitutionnel tranchera.

Il faut dire que vous réalisez un exploit : tout en réduisant le nombre des circonscriptions, ce qui devrait mécaniquement entraîner une augmentation de la population dans chacune d'elles, puisque le diviseur est moindre, vous en délimitez pourtant une qui voit sa population réduite : il n'est pas difficile de savoir pourquoi. La preuve est faite que les finalités partisanes l'ont emporté sur le bon sens.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le ministre vous expliquera pourquoi le résultat du recensement ne change rien pour les circonscriptions et par conséquent pour le Puy-de-Dôme. Les écarts sont bien plus limités qu'auparavant, dans l'ancien découpage : 12,3 % au lieu de 20 %. Quant aux motifs pour lesquels le Gouvernement n'a pas entièrement suivi les recommandations de la commission prévue à l'article 25, ils sont exposés dans le rapport annexé.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Comme en 1986, où l'on avait procédé au découpage sur la base du recensement de 1982, soit un écart de quatre ans, notre base de recensement est ici celle de 2006, conformément à la loi d'habilitation. Il est vrai que le recensement opéré au 1er janvier 2007 pourrait permettre de prendre en compte des références démographiques différentes. Mais le calcul est simple : la population de la France ayant augmenté de 0,66 %, le montant de la tranche passerait de 125 000 à un peu plus de 126 000. Partant de là, il n'y aurait aucun changement ni pour la Seine-Saint-Denis ni pour le Puy-de-Dôme ni ailleurs.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales de Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution » faisant mention de ces collectivités et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ces collectivités feront l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - Je vais aggraver mon cas. Car j'ai du mal à comprendre que l'on ait pu envisager de doter les deux îles de Saint-Martin -8 000 habitants- et Saint-Barthélémy -35 000 habitants- d'un département chacune. Le Conseil constitutionnel a en tout cas considéré que le statut de collectivité d'outre-mer ne donnait pas automatiquement droit à un parlementaire, lequel droit doit être lié à des raisons essentiellement géographiques, sauf cas d'éloignement particulier. Or, nous connaissons fort bien ces cas d'éloignement : il s'agit de celui de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, dont la situation géographique ne laisse aucune possibilité de rattachement.

Tel n'est pas le cas de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, qui partagent une histoire commune avec la Guadeloupe dont elles ne sont éloignées, respectivement, que de 225 et de 240 kilomètres. Rien ne justifie donc le sort particulier qui leur est fait, et qui désole d'ailleurs l'île la moins peuplée, qui voit s'échapper la perspective d'avoir son député. Leur sénateur est déjà élu par un nombre d'électeurs qui ferait passer notre présence d'aujourd'hui dans cet hémicycle pour un grand meeting populaire. L'Assemblée nationale, qui avait accepté le principe de deux députés, est revenue dessus et votre projet ne s'en tient plus qu'à un député. Encore un effort, monsieur le ministre, et vous observerez enfin les prescriptions du Conseil constitutionnel. Cet effort vous donnera certes un peu de travail, mais vous semblez vous livrez à cet exercice de découpage avec un tel ravissement que je ne me sentirai pas coupable de vous l'infliger.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je rappelle que le Parlement avait voté le principe d'un député par collectivité d'outre-mer, et que le Conseil constitutionnel, qui n'avait d'abord pas soulevé d'objection, est revenu sur son avis.

C'est bien l'éloignement de la Guadeloupe qui fait que Saint-Martin et Saint-Barthélémy sont devenues collectivités d'outre-mer, parce qu'elles ressentaient, quelle que soit la qualité des députés qui les représentaient alors, un sentiment d'abandon. Au reste, l'environnement géographique des grandes et des petites Antilles n'est absolument pas le même. Il eût sans doute été difficile de comprendre que ces deux collectivités obtiennent deux députés, mais il est normal, et conforme aux critères posés par le Conseil constitutionnel, qu'elles en aient au moins un. La commission est défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis, pour les mêmes raisons. M. Frimat pose une question importante et récurrente, à laquelle je vais m'efforcer d'apporter une réponse précise. La loi organique du 21 février 2007 relative à l'outre-mer a érigé les deux îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en collectivités d'outre-mer et prévu qu'elles seront représentées à l'Assemblée nationale. Les sièges ont d'ailleurs été créés, mais non pourvus.

Or, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 janvier 2009, a jugé qu'« aucun impératif d'intérêt général n'impose que toute collectivité d'outre-mer constitue au moins une circonscription électorale » et qu'« il ne peut en aller autrement, si la population de cette collectivité est très faible, qu'en raison de son particulier éloignement d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer ».

Une distance de plus de 230 kilomètres, soit plus de 45 minutes d'avion en passant au-dessus des Antilles néerlandaises, ou de plus de 40 kilomètres de bateau, peut être considérée comme un éloignement particulier, et le projet du Gouvernement respecte la décision du Conseil. Cette création n'a au reste pas plus suscité de remarque particulière de la part de la commission indépendante que du Conseil d'État. La population cumulée des deux îles, qui atteint 40 000 habitants, est largement supérieure à celle de Saint-Pierre-et-Miquelon -6 325 habitants- ou de Wallis-et-Futuna -14 300 habitants- qui disposent déjà d'un siège de député chacune : il n'y a donc là rien de scandaleux.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département du Pas-de-Calais.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - La situation du Pas-de-Calais est particulièrement intéressante. Le département qui compte quatorze députés, douze de gauche et deux de droite, n'en comptera plus que douze, et perd donc deux sièges. La commission, que nous persisteront à appeler « commission de l'article 25 » à la différence du Gouvernement, qui s'obstine à la qualifier de « commission indépendante », commission dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a pas fait preuve d'une grande sévérité à son égard, avait pourtant, sur la première version du texte, émis un avis défavorable, au motif que le projet laissait intact un déficit significatif affectant la neuvième circonscription.

A la suite de cet avis, le Gouvernement a opéré quelques modifications, loin cependant d'être suffisantes puisque des écarts importants subsistent. Mais il semble que cela suffise à la commission de l'article 25. Faut-il donc croire que vous aviez un intérêt personnel à préserver en attirant l'attention sur la neuvième circonscription ? Vous préservez ainsi, tout benoîtement, deux députés de droite, quitte à maintenir un écart démographique et à casser la logique du bassin de vie minier.

Le Conseil constitutionnel lira l'exposé de nos amendements, il disposera des conclusions de la commission. Je voulais, comme l'ont fait des députés du Pas-de-Calais, attirer son attention sur ce cas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les écarts sont très faibles par rapport à la moyenne nationale, 14,74 % au plus. En outre, il faudrait trouver où supprimer deux sièges.

M. Bernard Frimat.  - Je n'ai pas demandé que l'on change le nombre de députés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Si les dispositions du projet de loi sont supprimées, on revient au nombre actuel !

M. Bernard Frimat.  - Il y a la CMP pour ajuster cela.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est vrai que vous avez déjà trouvé un siège à Saint-Barth et à Saint-Martin...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - On passe de quatorze à douze circonscriptions dans le Pas-de-Calais et le Nord en perd trois. Les écarts étaient supérieurs à 17 % et il fallait revoir l'ensemble des circonscriptions pour répartir au mieux les cantons des circonscriptions supprimées. Vous citez souvent le Conseil d'État : il était favorable à ce découpage.

M. Bernard Frimat.  - Il ne faut pas travestir mes paroles. La commission a donné un avis défavorable au nouveau projet, parce qu'il « laisse intact le déficit significatif affectant la neuvième circonscription ». Donc, lorsque vous dites que, pour le nouveau découpage, vous avez fait au mieux, vous pratiquez une césure dans les propos et vous auriez dû ajouter : « de nos intérêts ».

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de Haute-Garonne.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

L'amendement n°25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département du Nord.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - Encore un département auquel on a volé sa représentation, comme le Pas-de-Calais, les Bouches du Rhône, Paris. C'est un hold-up organisé par tranches. D'autres répartitions de sièges auraient donné d'autres résultats. La commission a timidement formulé deux propositions de remodelage et trois suggestions de redécoupage. Les propositions ne résorbaient pas l'ensemble des écarts, mais les réduisaient sensiblement. Or, dans la logique du Conseil constitutionnel, « faire au mieux » inclut « résorber », même partiellement. Hélas, le Gouvernement est resté sourd à ces timides remarques, il n'en a pris aucune en compte. On mesure en quelle considération il tenait cette commission... Il avait son but, très clair du reste : placer son camp dans la meilleure configuration possible pour les prochaines élections. L'étape suivante consistera peut-être à retirer le droit de vote à quelques-uns d'entre nous ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - A chaque modification du mode de scrutin on a entendu annoncer que cela allait empêcher l'alternance et cela n'a jamais été le cas.

M. Bernard Frimat.  - Sauf au Sénat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Tiens ! Vous n'en parliez plus depuis deux ans !

Si vous voulez que les parlementaires eux-mêmes se prononcent sur les circonscriptions ou le mode de scrutin, enfermez-les avec interdiction de sortir pendant trois mois ! L'avis de la commission a été partiellement suivi par le Gouvernement. Le découpage est conforme aux critères de la loi d'habilitation. Nous n'allons pas passer en revue l'ensemble des circonscriptions ! Défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable. Supprimer trois circonscriptions est une opération lourde, mais cela est dû au recul démographique. Je note du reste qu'aucun député de gauche du Nord n'a présenté d'amendement, contrairement à ce qui s'est passé pour de nombreux autres départements. Le découpage est une entreprise compliquée, nous avions donné instruction aux préfets de recevoir l'ensemble des parlementaires. La concertation a été bien menée par le préfet de région. On aurait pu parvenir à un meilleur découpage sur tel ou tel point, mais après le congrès de Reims, le climat a changé, ordre a été donné aux parlementaires socialistes de ne plus se rendre aux réunions des préfectures. Je le regrette car les échanges étaient fructueux.

M. Bernard Frimat.  - Là où la concertation a eu lieu, vous n'en avez pas tenu compte ! En outre, ce n'est pas la seule évolution démographique, mais aussi votre choix de répartition des sièges, qui a conduit à la suppression de trois circonscriptions. Enfin, vous appréciez la réaction de la commission lorsqu'elle vous approuve mais devenez étrangement distrait ou amnésique dans le cas contraire.

M. Jean Desessard.  - Les Verts ne participaient pas au congrès de Reims et vous avez jugé important de les rencontrer à cause de la question de la proportionnelle. Mais pour quel résultat ? Reims ou non, tout était joué d'avance et cela n'avait pas d'intérêt de se prêter à la mascarade de la concertation. Consulter, c'est tenir compte du dialogue noué ! Sinon, à quoi bon ?

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Mermaz et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :

à l'exception du département de l'Isère.

En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.

M. Louis Mermaz.  - La population en Isère a augmenté et ce département bénéficie donc d'un dixième siège. On s'en réjouirait, si l'opération n'avait donné lieu à une véritable charcuterie. Avec M. Pasqua, au moins, c'était de la charcuterie fine ; ici, c'est l'équarrissage. Vous ne maîtrisez même pas l'art de manier le ciseau avec subtilité...

J'ai représenté l'Isère pendant 25 ans. Je note que l'on va retirer trois municipalités d'Union de la gauche du canton de Roussillon. On aurait pu faire autrement, en déplaçant un canton que je ne nommerai pas et qui se trouve tout au nord de la huitième circonscription, tourné vers la ville nouvelle de l'Isle d'Abeau. Mais il est plus à droite et vous avez préféré le laisser rattaché à Vienne Nord. A la place, vous avez charcuté Roussillon, au point que la septième circonscription ressemble à ce que le docteur Rabelais eût qualifié de boyau culier. (Marques d'étonnement) Le canton a été coupé en deux. Je crois pour ma part qu'il faut respecter le bassin de vie de Vienne nord et de Vienne sud, mais aussi celui de Roussillon. Et revoir entièrement le découpage dans le département.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je ne connaissais pas cette figure de Rabelais. Le boyau... ?

M. Louis Mermaz.  - « Culier ». Rabelais était médecin.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ceux qui connaissent la médecine...

M. le président.  - Ç'en est une spécialité particulière.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Défavorable. L'Isère pourrait se réjouir d'avoir un dixième député. La découpe des cantons est permise s'ils ont plus de 40 000 habitants.

M. Louis Mermaz.  - A titre exceptionnel !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cet amendement me surprend. Le sujet n'a pas été évoqué à l'Assemblée nationale. Il n'en a pas été question en Isère ; je n'ai rien lu dessus dans le Dauphine libéré. Le président du conseil général ne m'a fait aucune observation. Nous avons eu un avis favorable du Conseil d'État.

M. Louis Mermaz.  - Vous avez mauvaise mémoire. Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 12 janvier, notre collègue Bruno Le Roux s'est longuement étendu sur le sujet. Je le cite.

« C'est dans le nord-est du département que l'évolution démographique a conduit à redessiner cette carte. Cependant, à cette fin, le Gouvernement a éclaté deux cantons, ceux de Roussillon et Vizille, ce qu'aucune exigence ni géographique ni démographique ne commandait. Première conséquence : la cinquième circonscription hérite d'une fraction du canton scindé de Vizille, se retrouvant avec une population sensiblement plus élevée que la moyenne départementale dont elle était pourtant très proche. Deuxième conséquence : la septième circonscription se voit dotée d'un tracé singulier, tout en longueur, qui la distingue de façon pour le moins suspecte de ses voisines.

Or, tout ceci est d'autant plus troublant qu'aucun gain substantiel n'est accompli, même au prix de ces acrobaties, en termes d'équilibre démographique puisque la population des troisième et cinquième circonscriptions serait supérieure de plus de 10 % à la moyenne départementale, tandis que la population de la sixième serait inférieure de plus de 11 % à cette même moyenne. »

Notre collègue a donc conclu en disant que « s'il n'est pas modifié, le découpage de l'Isère encourt évidemment la censure, notamment parce que des scissions de cantons ne sont pas dûment justifiées ».

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - J'attire votre attention sur le fait que le vote sur l'article unique équivaut à un vote sur l'ensemble du projet de loi.

M. Jean Desessard.  - Vous n'avez guère entendu les Verts lors de ce débat, même si la moitié de nos députés sont victimes de votre élagage. Pourquoi n'avoir rien dit ? Un chiffre va vous le faire comprendre : nous avons quatre députés sur 577.

M. Jean Bizet.  - C'est trop !

M. Jean Desessard.  - Cela fait 0,69 % à comparer aux 16 % que nous avons obtenus aux européennes et que nous comptons bien obtenir aux régionales.

M. Jean Bizet.  - Ne rêvez pas !

M. Jean Desessard.  - Avec 0,69 % des sièges, nous n'en sommes plus à entrer dans le détail des cantons ! Vous craignez la proportionnelle à cause du Front national ? Faut-il en déduire que le Parlement européen ne serait pas une assemblée respectable ?

Nous sommes pour une proportionnelle intégrale, inspirée du système allemand : la moitié des députés serait élue au scrutin uninominal dans des circonscriptions territoriales, l'autre moitié serait désignée sur des listes nationales de manière à compenser -je dis bien compenser- les injustices du scrutin uninominal.

M. Nicolas About.  - Cela ne fait pas deux moitiés !

M. Jean Desessard.  - Cela permettrait la représentation de tous les courants, et aussi le respect de la parité. C'est bien parce que le scrutin est proportionnel sur des listes départementales que le nombre de sénatrices s'est accru.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est vrai.

M. Jean Desessard.  - Et si l'on veut atteindre une parité complète, il faut des listes nationales.

M. le président.  - Le groupe UMP a demandé un scrutin public.

M. Bernard Frimat.  - Le Sénat a fait son travail. Il a débattu -du moins avec le rapporteur et le ministre, car la majorité a choisi le mutisme avec le vote conforme. Il est sans doute difficile d'être là et de n'avoir rien à dire ni à faire... Et ce n'est pas non plus en commission que la majorité se sera exprimée. L'erreur humaine qui s'est produite lors de notre première lecture nous aura donné le plaisir de passer cette journée en votre compagnie, monsieur le ministre. Cela aura été pour vous un moment de sérénité, d'autant que nous n'avons pas donné au débat un rythme anormal, nous n'avons pas multiplié les amendements -nous réservons notre dynamisme pour le sujet suivant.

Il était important de vous dire que la manière dont on répartit les sièges de député n'est pas une fatalité. Quand on retient le scrutin par circonscription, il faut toujours s'interroger sur la méthode la plus à même de respecter l'égalité des suffrages. Vous savez comme nous que, plus la tranche augmente, plus aussi les écarts augmentent. C'est un vrai problème, qu'il faudrait traiter à froid.

La démonstration qu'a faite notre collègue Le Roux devant l'Assemblée nationale était irréfutable. Nous ne nous attendons certes pas à ce que le Conseil constitutionnel soit pris d'une frénésie démocratique qui lui fasse modifier ce texte de fond en comble, mais il ne pourra rester insensible devant certaines situations particulièrement choquantes. C'est bien parce que vous craignez une telle censure que vous êtes si pressés.

Maintenant que vous disposez de toutes les statistiques nécessaires, vous allez peut-être enfin lever le mystère et dire à M. Mercier combien de conseillers territoriaux vous prévoyez par département ! (Sourires)

Je pense que vous avez fait des calculs qui ne vous sont pas défavorables.

M. Louis Mermaz.  - M. Mercier, avec qui nous avons construit le magnifique musée de Saint-Romain-en-Gal, pourrait vous dire ce qu'il pense de la soustraction des communes de Salaise, Roussillon et Péage-de-Roussillon du canton de Roussillon pour les noyer dans un gros morceau de campagne... Mais je ne lui demanderai pas de commentaire public... (Sourires)

Nos concitoyens commencent à comprendre ce qu'il en est de votre découpage et le sort qu'on leur fait. Nous verrons ce qu'en dira le Conseil constitutionnel. Je veux en attendant mettre en garde le Gouvernement en lui narrant ce que j'ai vécu dans le Lot en 1986, après le découpage Pasqua. J'étais dans ce département pour soutenir le maire de Figeac, Martin Malvy, qui était désespéré qu'on ait ajouté à sa circonscription un canton réputé très à droite. Arrivé sur la place du chef-lieu avec Maurice Faure, président du conseil général, nous avons constaté la présence de 2 000 ou 3 000 personnes. Maurice Faure a dit : « Tu vois, Martin, ils sont déjà là ! » Il n'est pas dit que vous ne payiez pas un jour le juste prix de vos manoeuvres. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout Gouvernement est tenté, procédant à un découpage, d'en tirer quelque avantage. Les remèdes, nécessaires, ce sont la démocratie et le pluralisme. Ce vote intervient alors que nous examinons la réforme des collectivités territoriales, avec la création d'un nouvel élu, le conseiller territorial, dont nous ne savons encore rien. Le Gouvernement devrait y réfléchir à deux fois avant de mettre la charrue avant les boeufs. (Applaudissements à gauche)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ce texte répond à une exigence démocratique, la carte électorale actuelle reposant sur les données démographiques du recensement de 1982. Il tend à assurer une plus juste et plus égale représentation de nos concitoyens à l'Assemblée nationale.

La tâche à laquelle le Gouvernement s'est attelé était sensible et complexe. Je remercie et félicite M. Marleix...

M. Bernard Frimat.  - C'est bien normal !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - ...qui a su entourer son travail de garanties sans précédent, qui a écouté, informé, associé tant les parlementaires que les représentants des associations d'élus et de la société civile. Nous souscrivons à l'esprit de cette ordonnance. Le projet de découpage répond aux critères de la plus grande objectivité. (On s'amuse sur les bancs socialistes) Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle l'élection des députés doit se faire essentiellement sur des bases démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage.

M. Bernard Frimat.  - Au mieux !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les Français établis hors de France, qui l'attendaient depuis des décennies, auront enfin une représentation dans les deux chambres du Parlement. C'est une avancée historique. Ils se sentiront enfin des citoyens à part entière.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de ratification. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe UMP, l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l'adoption 167
Contre 144

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Je remercie tous les orateurs, avec une mention particulière pour le président de la commission des lois et M. le ministre. (Applaudissements à droite)

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Réforme des collectivités territoriales (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Discussion des articles (Suite)

Division additionnelle avant le titre premier (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons les explications de vote sur l'amendement n°346 créant une division additionnelle avant le titre premier.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - M. Collombat regrettait hier soir, avec la naïveté du jeune sénateur (sourires), d'entendre dans notre hémicycle deux discours s'énoncer parallèlement plutôt qu'un véritable débat. De fait, l'amendement n°346 a été rejeté d'un revers de la main, au motif fallacieux, entendu trop fréquemment, que son contenu ne serait pas normatif. Mais cet amendement très important précise les missions générales confiées à chaque niveau de collectivités locales, ainsi que les conditions de leur concertation, dans le sens indiqué par le rapport Belot et soutenu par toutes les composantes politiques de notre assemblée, jusqu'à la création du conseiller territorial... Vous n'êtes du reste pas constants, puisque vous acceptez un amendement si peu normatif de M. About : c'est deux poids, deux mesures !

Vous nous dites encore que nous anticipons la loi à venir sur la répartition des compétences, mais ce n'est pas le cas puisque nous proposons un cadre général, indiquant par exemple que le département a en charge la solidarité sociale, cadre où il sera ensuite loisible de décliner les interventions.

La concertation est une étape importante. Vous la cantonnez à des réunions entre le président de la région et ceux des départements, qui se regarderaient en chiens de faïence. Nous l'organisons pour l'approfondir et la rendre harmonieuse ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Nous nous félicitons que nos collègues socialistes demandent plus de clarté, comme nous l'avions fait avec notre question préalable. Cependant, une refonte globale des compétences décentralisées nécessiterait des travaux préparatoires, des consultations, un véritable débat, et bien sûr le bilan de la décentralisation que le Gouvernement refuse de faire. Aussi, en définissant seulement les missions essentielles des collectivités, cet amendement risque-t-il d'être trop restrictif, d'autant qu'il ne rappelle pas le rôle essentiel de l'État, qu'il ne réaffirme pas la clause de compétence générale pour toutes les collectivités locales, et qu'il reprend à son compte la notion de pôle métropolitain, outil dirigé contre le département. Nous nous abstiendrons.

M. Michel Boutant.  - L'article premier met la charrue avant les boeufs. Puisque les conseillers territoriaux siégeront au conseil régional et au conseil général, il est indispensable de préciser leur rôle au sein de chaque assemblée. Votre réforme va considérablement diminuer le nombre de conseillers à l'échelon départemental, pour des compétences inchangées, et ce sera l'inverse pour l'échelon régional : ne s'agit-il pas, en reprenant l'idée de M. Balladur, de diluer le département dans la région, en transférant à celle-ci des compétences que les conseillers territoriaux ne parviendront plus à assumer à l'échelle du département ?

C'est pourquoi j'invite chacun de mes collègues attaché aux mandats de proximité, à examiner de près cet amendement important, qui met de l'ordre dans ce projet de loi incohérent !

M. Yves Daudigny.  - L'article premier est proprement surréaliste puisqu'il créé le conseiller territorial, partagé entre la région et le département, dont on saura seulement dans un an quelles seront les compétences, et plus tard encore comment il sera élu, encore que, de l'aveu du Président du Sénat lui-même, le texte prévu par le Gouvernement pour le mode de scrutin serait « invotable ». Si ce texte était une dissertation scolaire, elle recueillerait une bien triste note, pour incohérence et manque de fond ! Vous nous dites que c'est bien plus sérieux, puisqu'il s'agit de la loi : raison de plus pour être cohérent !

Pourquoi tant d'incohérence ? Tout simplement parce que votre objectif n'est pas l'acte III de la décentralisation, qui renforcerait la démocratie locale, l'efficacité des politiques publiques, votre objectif n'est pas de mieux associer la société civile -les associations ont été écartées de la commission Balladur, ne l'oublions pas !-, votre objectif n'est pas de construire, mais de détruire ce qui existe, de désorganiser nos territoires, l'action locale, pour dépenser toujours moins d'argent public, pour moins de services et moins d'équipements ! (Exclamations à droite)

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°346 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 128
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour la troisième fois aujourd'hui, je dois rappeler qu'il est humiliant de s'entendre demander, avant le dépouillement, si chacun a voté comme il l'entendait.

Mon deuxième rappel au Règlement sur ce thème s'est adressé à M. Gérard Larcher qui a mentionné une décision du Conseil constitutionnel, en date du 23 janvier 1987 : il a eu la courtoisie de me le communiquer.

Pourquoi il a fallu attendre l'an de grâce 2010 pour prendre en compte une décision rendue en janvier 1987 ? Si le but est de se prémunir contre de nouveaux incidents analogues à ceux que nous avons connus, ce rappel est inopérant. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré : « la circonstance que, dans le cadre d'un scrutin public, le nombre de suffrages favorables à l'adoption d'un texte soit supérieur au nombre de députés effectivement présents au point de donner à penser que les délégations de vote utilisées, tant par leur nombre que par les justifications apportées, excèdent les limites prévues par l'article 27 précité, ne saurait entacher de nullité la procédure d'adoption de ce texte que s'il est établi, d'une part, qu'un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d'autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n'aurait pu être atteinte ».

Je pense avoir compris le sens de cette observation, mais pas en quoi elle ferait obligation au président de séance de demander systématiquement aux sénateurs s'ils ont voté comme ils l'entendaient à l'occasion d'un scrutin public. Respectons la liberté de chacun, sans admonester les votants !

Nous voulons voter librement, sans explication superfétatoire portant atteinte à notre honneur.

M. Jean Desessard.  - Monsieur le président, la particularité d'un scrutin public étant de faire voter les absents, ceux-ci ne peuvent vous entendre. Votre interrogation s'adresse-t-elle aux fauteuils vides ?

M. le président.  - Monsieur Sueur, le président Larcher a dit que le sujet serait évoqué en Conférence des Présidents. Vous pourrez soumettre vos observations via votre président de groupe.

En attendant, j'institue d'autorité un moratoire sur cette phrase.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci pour votre écoute.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales.

M. Bernard Vera.  - Que reste-t-il de la libre administration d'une collectivité territoriale dont les compétences seraient encadrées ? Jusqu'ici, la clause de compétence générale n'a jamais été mise en cause par le législateur, ce qui permet aux collectivités de mettre en oeuvre les politiques locales nécessaires à la population.

Certes, un autre projet de loi portera spécifiquement sur leurs compétences, mais l'article 35 du présent texte aborde déjà le sujet, auquel d'autres articles font référence à propos des transferts de compétences, notamment en direction des métropoles.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois.  - L'amendement assimile le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales avec la clause générale de compétence, de nature purement législative.

Selon une décision que le Conseil constitutionnel a rendue le 7 juillet 2005, le principe de subsidiarité, auquel il est parfois fait référence, exige seulement que la compétence d'une collectivité ne soit pas manifestement violée.

La loi peut donc limiter la clause générale de compétence. Ainsi, le Conseil d'État a admis en 2000 qu'en attribuant une compétence à une collectivité, la loi limite corrélativement la clause générale de compétence des autres collectivités.

Le principe de libre administration exige seulement que les collectivités exercent des attributions effectives. Dans le même esprit, l'article 3 de la Charte européenne de l'autonomie locale, ratifiée par la France, dispose que les collectivités locales doivent pouvoir régler et gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part effective des affaires publiques.

Le projet de loi ne porte nullement atteinte à ce droit. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - M. Vera confond le principe constitutionnel selon lequel aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur un autre, et la clause de compétence générale, qui n'a pas de fondement légal mais résulte de la jurisprudence et s'exerce sous le contrôle du juge. Il ne me semble pas souhaitable d'ériger la compétence générale en principe législatif, ce qui donnerait à certaines collectivités une tutelle sur d'autres. Avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Lors des débats au sein de la mission Belot, M. Retailleau a très bien expliqué pourquoi les notions de compétence générale et de collectivité territoriale sont intimement liées. Je ne crois pas que la clause de compétence générale existe dans notre droit. Mais la Constitution dispose que les collectivités sont compétentes pour toutes les affaires d'intérêt local, ce qui revient au même.

Le rapport Belot-Krattinger, sans aborder explicitement la question de la compétence générale, préconisait d'instaurer des règles de concertation entre les différents niveaux de collectivités et de laisser à chacune une faculté d'initiative. Que se passera-t-il si une collectivité refuse d'exercer une compétence qui lui est confiée par la loi, par exemple parce qu'elle n'en a pas les moyens ? La faculté d'initiative permettrait à une autre collectivité de se substituer à elle. Mais vous n'en voulez pas.

Ce texte n'est ni fait, ni à faire. Vous confondez constamment les notions de collectivité territoriale et d'établissement public. Votre objectif, c'est de fondre les communes dans les EPCI : certes vous préférez la méthode douce à la brutalité, et M. Mercier fait preuve de sa rondeur habituelle... Autre exemple : si des communes veulent fusionner, pourquoi maintenir des communes déléguées au sein des communes nouvelles ? C'est que dans votre esprit les communes nouvelles sont des sortes d'EPCI, tout comme les métropoles.

Pourtant un EPCI n'est pas une collectivité territoriale mais une coopérative de communes, selon l'excellente expression de M. Chevènement. Refuser aux départements et aux régions la compétence générale, c'est les transformer en espèces d'EPCI.

M. Jean Desessard.  - Que pouvez-vous répondre à cela, monsieur le ministre ?

M. Michel Boutant.  - Le Gouvernement considère-t-il la solidarité comme une forme de tutelle ? En milieu rural, la compétence générale permet aux collectivités de s'entraider. Faut-il rayer de la carte les communes où manquent les médecins ou d'autres services ? Prenons l'exemple de l'assainissement de l'eau : la loi sur l'eau fait obligation de rejeter des eaux propres dans la nature. Lorsqu'a été supprimé le Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE), c'est grâce à la clause de compétence générale que certaines communes, aidées par les départements et les régions, ont pu se mettre aux normes. Quand les fournisseurs d'accès à internet ou les opérateurs de téléphonie mobile refusent d'investir dans les zones reculées, quand les déserts médicaux s'étendent, cette clause permet aux grandes collectivités de venir en aide aux plus petites. L'État lui-même ne sollicite-t-il pas les départements, les régions et les communautés de communes sur tel ou tel projet de ligne à grande vitesse ?

Une collectivité de taille intermédiaire comme le département doit pouvoir mener tout un éventail d'actions, car il y a une forme d'osmose ente les départements, les intercommunalités et les communes. Je voterai donc cet amendement. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Vera.  - Peut-on garantir la libre administration des collectivités locales en leur déniant la compétence générale ? Non. Comme l'a dit M. Collombat, c'est la compétence générale qui distingue une collectivité territoriale d'un établissement public, caractérisé par la spécialisation. On lit les mêmes conclusions dans un document de travail publié sur le site du comité Balladur, qui rappelle que la compétence générale n'a été accordée aux régions que lorsqu'elles se sont vu reconnaître le statut de collectivité territoriale.

En vertu de l'article 72 de la Constitution, « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon » : c'est le principe de subsidiarité. Il faut appeler un chat un chat : la suppression de la compétence générale des régions, des départements et insidieusement des communes les prive de leur autonomie et les réduit au rang d'administrations chargées de mettre en oeuvre les politiques décidées à Paris.

M. Pierre Fauchon.  - Paris n'est pas Moscou ! (On s'agace de cette remarque sur les bancs CRC)

M. Bernard Vera.  - Parce que ce projet remet en cause les principes mêmes de la décentralisation, nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le comité Balladur, composé d'éminents juristes, s'est montré très réservé sur la remise en cause de la compétence générale des collectivités, considérant qu'elle leur est consubstantielle. Il est légitime que leurs assemblées délibérantes, élues par le peuple au suffrage universel, aient toute latitude pour agir comme elles le souhaitent au service de leurs administrés. Cela va de pair avec l'autonomie financière, comme vous le disiez en 2002. Certes, on pourrait se contenter d'élire un Président de la République ayant la mainmise sur tous les autres pouvoirs publics.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce serait plus simple !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas encore le cas.

Vous voyez que la Constitution n'est pas aussi limpide que vous le dites, et qu'il peut y avoir des divergences d'interprétation.

Vous accordez la compétence générale aux métropoles, des collectivités déguisées -puisque, pour des raisons d'opportunité, vous n'avez pas voulu réviser la Constitution- tout en la refusant aux collectivités reconnues dans notre loi fondamentale. Où est la cohérence ?

M. Philippe Adnot.  - La capacité de nos territoires à être réactifs aux besoins de leur population étant liée à la compétence générale, je voterai cet amendement. Je propose à ses auteurs de le rectifier afin d'écarter tout risque de tutelle par l'ajout suivant : « dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité. » Chers collègues, vous devrez rendrez compte de la liberté d'initiative que vous avez laissée à vos départements !

M. Bernard Vera.  - Rectification acceptée.

M. Michel Mercier, ministre.  - D'une part, nul besoin de réviser la Constitution pour créer une nouvelle collectivité. Je vous rappelle l'article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Tout autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. » D'autre part, les conseils généraux tirent leur compétence départementale de la loi Rocard de 1982, intitulée « loi portant réforme de la planification ».

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Non, ils l'avaient bien avant !

M. Michel Mercier, ministre.  - Monsieur Peyronnet, je remercie la gauche d'avoir voté cette loi. Mais peut-être ne l'avez-vous pas voté ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Moi si !

M. Michel Mercier, ministre.  - Normal, monsieur Sueur, c'était une loi Rocard...

Cette compétence figure depuis dans le code général des collectivités territoriales. Ne jouons pas à nous faire peur ! Voulez-vous que je vous lise le code ? Cette compétence est inscrite à l'article L. 3211-1 du code.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Monsieur Mercier, en tant que président de conseil général, vous savez, comme moi, que les délibérations de nos assemblées, notamment celles concernant des subventions aux associations, sont prises au nom de l'intérêt départemental que la loi Rocard n'a fait que généraliser...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je voterai cet amendement n°109 rectifié. Monsieur le ministre, je n'ai jamais voté automatiquement une loi parce qu'elle était de M. Rocard. J'éprouve beaucoup d'amitié pour lui mais il n'a jamais désiré qu'on lui fût inféodé et a toujours respecté la liberté de ses amis : c'est une grande qualité. Merci, monsieur le ministre, de m'avoir donné l'occasion de lui rendre cet hommage.

M. le président. - L'amendement n°109 rectifié sera ainsi rédigé.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l'application de la règle de subsidiarité.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°109 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 144
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.

Mme Éliane Assassi.  - Notre groupe est très attaché au scrutin proportionnel qui seul permet l'application du principe de parité consacré dans la Constitution et garantit une expression politique vraiment pluraliste, contrairement au scrutin majoritaire qui limite le champ d'expression politique à un choix binaire.

James Bryce, juriste et homme politique britannique affirmait que si les institutions sont au corps politique ce que le squelette est à l'organisme humain, les partis politiques en sont les muscles et les nerfs. Il est de notre responsabilité de favoriser l'émergence de modes de scrutin reflétant le vote de la population et de ne pas décharner le squelette de nos institutions, ou ce qu'il en restera après le dépeçage en règle que vous opérez, en assurant l'égalité des voix, c'est-à-dire l'égalité de chaque citoyen devant les choix politiques et le respect de la parité, que nous avons élevée au rang de principe constitutionnel.

Le scrutin majoritaire, qui ne présente qu'un candidat et son suppléant, le premier étant le plus souvent un homme, tandis que le rôle de suppléant est réservé aux femmes, n'assure qu'un semblant d'égalité entre les sexes. Seuls les conseillers régionaux et les conseillers municipaux des villes de plus de 3 500 habitants sont issus d'une application stricte de la parité. Alors que ce projet réduit la représentation des régions et des départements à un conseiller territorial commun et prive les communes de leurs compétences, le risque de recul de la représentation féminine est réel.

C'est donc par souci d'équité et pour le bon fonctionnement de la démocratie que nous demandons que la proportionnelle soit garantie dans les exécutifs des collectivités.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Cet amendement, comme plusieurs autres déposés aux articles 1 à 3, porte sur des dispositions relevant de la loi électorale. La commission ne conteste pas, sur le fond, leur légitimité, mais estime qu'il doit en être débattu lors de nos discussions sur la future loi électorale.

Mme Éliane Assassi.  - Je ne suis pas surprise par ces propos : il est toujours urgent d'attendre. En refusant d'inscrire ici le principe de la proportionnelle, le Gouvernement tente de limiter toute forme d'opposition politique. Un système de représentation injuste présenterait une image déformée des différences sociales de notre pays, décridibiliserait l'application de la parité et porterait une atteinte grave à la démocratie.

En matière d'élection, les réalités sociales l'emportent sur le mode de scrutin. L'Histoire a rarement donné raison aux majorités qui ont pris des libertés avec le découpage électoral et le mode de scrutin. Nous n'aurons de cesse de dénoncer des réformes antidémocratiques, qui écrasent la diversité du peuple français en restreignant l'expression politique.

M. Jean Desessard.  - Nous soutiendrons l'amendement de nos camarades communistes. Nous sommes favorables à la représentation proportionnelle et à la parité entre les hommes et les femmes. Avec un scrutin de liste, on approche l'égalité de représentation entre les sexes alors que le scrutin uninominal ne porte aux responsabilités que 5 à 10 % de femmes.

Quant à la représentation de la diversité politique, les Verts sont bien placés pour en parler. Dans nombre de conseils généraux, élus au scrutin uninominal, la représentation des écologistes ne dépassent pas 0,5 %. Aux élections régionales, en revanche, elle est de 8 %, ce qui correspond à notre score aux dernières élections.

L'amendement n°112 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°645 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe UC.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi crée le mandat de conseiller territorial. Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l'expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité.

M. Nicolas About.  - Le titre premier dont nous abordons l'examen, portant rénovation de l'exercice de la démocratie locale, crée le conseiller territorial, mesure emblématique de ce texte.

Cet amendement, déposé par l'ensemble des membres du groupe de l'Union centriste, vise à poser dès à présent les grands principes qui doivent selon nous, conformément à nos postions constantes, présider à l'élection de ces conseiller, et auxquels il ne saurait être question de déroger.

Ces principes sont simples, ils sont à nos yeux fondamentaux : garantir la représentation de nos territoires, et le scrutin uninominal le permettra le mieux ; affirmer dès à présent le caractère mixte du scrutin grâce à l'existence d'une part de proportionnelle, ainsi que la double exigence d'expression du pluralisme et de participation des partis à la vie politique.

Chacun l'aura compris, il ne s'agit nullement de préjuger des modalités de l'élection mais bien de fixer les grands principes sans lesquels notre groupe ne saurait se prononcer sur la création du conseiller territorial.

M. le président.  - Amendement n°685 rectifié, présenté par MM. Collin et Mézard et Mme Escoffier

Second alinéa de l'amendement n°645 rect., seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le mode d'élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

M. Jacques Mézard.  - Nombreux sont ceux d'entre nous qui ont déjà dénoncé l'inconvénient du saucissonnage des textes. Ainsi, les modalités de l'élection du futur conseiller territorial, contre la création duquel nous nous sommes élevés en déposant un amendement de suppression, relèvent-elles d'un autre texte que celui-ci.

Nous estimons que la question du suffrage doit être posée dès à présent. Le groupe centriste le fait par un amendement, qui constitue cependant la quintessence du compromis, lequel ne résout que rarement les questions fondamentales et autorise toutes les confusions.

Notre sous-amendement pose donc le principe du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, seul moyen de garantir la représentation de la diversité des territoires et d'assurer la proximité des électeurs et de leurs élus. Au-delà du clivage entre majorité et opposition, en existe un autre sur la question du scrutin proportionnel, auquel nous sommes opposés dans la mesure où il dilue le lien entre les électeurs et leurs élus : il ne saurait y avoir d'élus sans territoires.

L'amendement du groupe de l'Union centriste laisse la possibilité de ne prévoir qu'un tour de scrutin, quand on sait qu'un scrutin uninominal à deux tours permet seul de laisser s'exprimer toutes les expressions au premier, pour réserver le choix politique au second.

Nous sommes opposés au scrutin proportionnel, qui dilue le lien entre un élu et un territoire. Et le scrutin à un tour est contraire à notre tradition républicaine.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - L'amendement n°645rectifié ne traite pas des modalités mais des grands principes sur lesquels est fondée l'élection des conseillers territoriaux. Il rappelle les orientations à suivre, les exigences à concilier. L'article 35 faisant de même s'agissant des compétences des collectivités locales, notre avis est favorable.

La commission n'a pu examiner le sous-amendement n°685, mais il me semble contraire à la position de la commission et il rompt l'équilibre de l'amendement. En outre, il tranche la question du mode de scrutin qui ne relève pas de ce texte. Défavorable à titre personnel.

M. Michel Mercier, ministre.  - L'amendement prend acte de la création des conseillers territoriaux et il fixe les principes du scrutin : je ne peux y être défavorable. Quant au sous-amendement, je ne peux lui donner un avis favorable : le conseiller territorial assure la représentation des citoyens plutôt que celle des territoires.

M. Philippe Adnot.  - Je suis défavorable à la création des conseillers territoriaux, je voterai donc contre le sous-amendement et l'amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Même chose pour nous ! Le sous-amendement préconise le scrutin uninominal et l'amendement entérine les choix du Gouvernement.

M. Yves Daudigny.  - Je demande à comprendre : lorsque mon groupe dépose un amendement pour fixer des principes généraux dans la loi, on nous répond qu'il est sans objet. Et à présent on découvre une utile nuance entre principes et modalités... M. Adnot a raison de ne pas vouloir voter sur le mode d'élection du conseiller territorial qui après tout n'est pas encore créé ! Vous nous avez répété que les modalités de l'élection feront l'objet d'un texte spécifique : quel accord a donc été pris pour que cet amendement soit présenté et reçu favorablement ? Où se situe la limite entre les principes et les modalités ? Nous ne sommes plus dans une discussion parlementaire, mais dans un labyrinthe, voire dans le pudding !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On se moque de nous.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Chaque fois que nous posons une question sur le mode d'élection des conseillers territoriaux, on nous répond : « hors sujet » ou « pas encore le moment ». Monsieur Mercier, vous ne pouvez nier que le gouvernement auquel vous appartenez a constamment dit cela. Et tout d'un coup, patatras, cette position s'effondre et il devient possible d'examiner l'amendement About et le sous-amendement Mézard, parce qu'ils ne traitent pas des modalités mais des principes des modalités ou des modalités des principes.

La vérité, c'est qu'il y a eu une demande des centristes, pour accepter en contrepartie d'avaler les conseillers territoriaux. Vaine demande, monsieur About, vous n'obtenez rien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le texte comporte déjà une part de proportionnelle et une part de scrutin majoritaire.

M. Nicolas About.  - Cela a-t-il été voté ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Votre amendement ne vous apporte aucune garantie, avec votre formulation on ne peut préjuger de rien.

M. Nicolas About.  - Alors où est le problème ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne voterons aucun amendement ni sous-amendement entérinant la création des conseillers territoriaux. Soit on entre dans un débat électoral et on décide comment le conseiller sera élu, combien de sièges seront affectés à chaque département et chaque région, etc. Soit on n'en parle pas. Mais, monsieur le ministre, on ne peut tenir deux discours en même temps. Dites-nous quelle est la position du Gouvernement et cessez de nous mener en bateau. Il y va de la dignité du débat parlementaire.

Mmes Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat.  - Très bien !

M. Jean Desessard.  - Pourquoi nous présente-t-on un sous-amendement qui cannibalise l'amendement ? Imaginons que les Verts déposent nombre d'excellents amendements : la majorité, hostile, n'aurait qu'à défendre des sous-amendements en sens contraire ? Il n'est pas normal d'accepter des sous-amendements contraires à l'amendement auquel ils s'appliquent.

Sous le gouvernement Jospin, comme responsable des élections chez les Verts, j'avais organisé un colloque sur la proportionnelle. Y participaient les communistes, les écologistes, qui étaient pour la proportionnelle ; les socialistes, plus partagés ; et les radicaux de gauche, dont je n'avais pas compris la position et qui se disaient favorables à une proportionnelle « à l'irlandaise ». Je comprends à présent qu'ils sont contre la proportionnelle...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pourquoi mon amendement et celui de M. About ont-ils reçu des réponses différentes ? Parce que c'est moi, parce que c'est lui ! L'amendement n°645 rectifié est une fausse-barbe, ou un « bon Jean », comme disait ma grand-mère pour désigner un remède contre les aigreurs d'estomac. Il s'agit de faciliter la digestion de ce projet de loi par les centristes.

Ce n'est pas autre chose. Il n'y a pas de raison que nous nous prêtions à cette mascarade.

M. Nicolas About.  - Dites-le, que vous êtes contre la proportionnelle !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais non : nous défendons l'actuel scrutin régional.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quand la commission s'oppose au sous-amendement, elle est logique avec elle-même et avec la position du Gouvernement, selon laquelle on ne discute pas de mode de scrutin dans ce projet de loi. Mais quand elle accepte l'amendement About, les bras m'en tombent. J'ai eu une absence en commission ; il n'est pas facile d'être toujours présente quand on est dans un groupe aussi petit que le mien.

M. Jean Desessard.  - Et pour nous donc !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Voici donc que maintenant on peut parler du mode de scrutin dans ce projet de loi. Il suffit pour cela que le président du groupe centriste le demande ! Ce que fait ainsi M. About est remarquable : il va dans le sens des voeux du Gouvernement.

M. Nicolas About.  - Allons ! Lisez notre amendement rectifié !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et la commission cautionne le fait que l'on parle maintenant du mode de scrutin dans ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard.  - Merci pour la proportionnelle « irlandaise » ! Il ne s'agit pas de pêche au saumon mais seulement de pêche aux voix.

Il y a dans cet amendement une hypocrisie manifeste. Nous avons vu le but de la manoeuvre et nous avons voulu appeler un chat un chat. On ne peut pas nous dire qu'on ne parle du mode de scrutin dans ce projet de loi et accepter un tel amendement. C'est pour dénoncer cela que nous avons déposé ce sous-amendement !

A la demande du groupe RDSE, le sous-amendement n°685 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 17
Contre 316

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous étions contre le sous-amendement parce que nous considérons que le scrutin régional actuel présente beaucoup d'avantages : il permet à la fois une représentation des minorités et un exécutif stable...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et la parité !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ainsi, en effet, que la parité.

Je redis notre colère : comme Mme Borvo, nous ne pouvons pas comprendre que vous changiez ainsi d'avis sur le mode de scrutin. L'amendement About ne donne aucune garantie supplémentaire par rapport au projet Sarkozy. L'Union centriste n'a obtenu qu'un plat de lentilles, dans lequel en outre il n'y a que fort peu de lentilles.

M. Nicolas About.  - Nous négocierons les lentilles.

M. Pierre Fauchon.  - Il y a du fer dans les lentilles, cela donne de l'énergie !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous étions contre le sous-amendement car nous ne voulons pas du conseiller territorial : nous voulons des régions fortes. Nous sommes contre cet amendement qui témoigne d'un revirement inadmissible et qui présuppose l'existence de ce conseiller territorial dont nous ne voulons pas. Telle est notre position. Elle est claire et nette.

M. Jean Desessard.  - Personne ne s'est plaint du mode d'élection des conseils régionaux...

M. Nicolas About.  - Vous dites vouloir le système allemand, c'est cela !

M. Jean Desessard.  - Le seul inconvénient pour la droite, c'est que vingt régions sur 22 lui échappent ! L'amendement About n'apporte rien par rapport à ce que propose le Gouvernement. La part de proportionnelle ne sera que de 20 % au mieux.

M. Pierre Fauchon.  - Ce n'est pas encore voté !

M. Nicolas About.  - Les modalités, c'est après !

M. Jean Desessard.  - C'est un chèque en blanc ! Signez-m'en un, je l'endosse. (Sourires)

Mettons une assemblée de 200 membres, avec un groupe qui recueille 8 % des voix. Je ne sais pas d'où je prends ce chiffre.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Il est prémonitoire ?

M. Jean Desessard.  - Prenons les 20 % prévus par le Gouvernement : cela fait 40. Si ces 40 sont compensateurs, s'ils servent à attribuer des sièges aux petites formations, ce n'est pas inintéressant ; mais ce n'est pas ce qui est envisagé. Mes 8 % de tout à l'heure joueront sur les 40, non sur les 200 !

M. Nicolas About.  - Mais non !

M. Jean Desessard.  - Mais si !

M. Nicolas About.  - Faites-nous confiance ! Nous n'avons pas encore débattu des modalités !

M. Jean Desessard.  - Vous n'avez aucune garantie avec un texte aussi flou !

M. Hervé Maurey.  - Cet amendement, qui est celui du groupe centriste unanime, je le rappelle ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous l'avions bien compris !

M. Hervé Maurey.  - ...ne fixe pas les règles relatives au mode de scrutin...

M. Hervé Maurey.  - ...mais des principes.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Hervé Maurey.  - Ce qui, dans mon esprit, écarte totalement le mode de scrutin que propose le Gouvernement, qui n'est pas mixte mais un scrutin-alibi, un leurre destiné à broyer le pluralisme. De cela nous ne voulons pas ; la dose de proportionnelle envisagée n'est aucunement corrective. Ce que nous voulons, c'est un scrutin véritablement mixte, équilibré, avec une part majoritaire pour représenter les territoires et une part substantielle de proportionnelle qui permette de corriger les effets du scrutin uninominal et assure pluralisme politique, parité et représentation démographique. Ces principes, j'en conviens, ne seront pas faciles à mettre en application, surtout pour les petites assemblées. Il est bon que nous disposions d'un peu de temps d'ici la loi électorale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - M. Maurey est un grand naïf ! M. le ministre ne me démentira certainement pas, le mode de scrutin envisagé par le Gouvernement est parfaitement compatible avec l'amendement du groupe centriste.

M. Nicolas About.  - Certes, mais les modalités ne sont pas encore définies !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Relisez l'exposé des motifs du texte du Gouvernement !

M. Nicolas About.  - Nous n'avons jamais parlé de 20 % !

M. Pierre Fauchon.  - Ne désespérez pas Billancourt !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ces façons de faire sont inadmissibles. Quand nous parlons de proportionnelle, on nous dit qu'il faut attendre un autre texte ; et quand le groupe centriste évoque un scrutin mixte, on lui donne satisfaction sans autre forme de procès !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - C'est en effet scandaleux. On nous renvoie systématiquement à des textes à venir, et là ... Je ne sais si M. Maurey a en tête ce mot de Clémenceau : « appuyons-nous sur les principes, ils finiront bien par céder » ... L'UMP va appuyer, et vous céderez, j'en prends le pari. Vous n'avez pas la moindre garantie. Nous avons là un modèle d'hypocrisie de la part du Gouvernement et un modèle de naïveté de la part du groupe centriste. Le marchandage qui se déroule sous nos yeux est un peu honteux.

M. Yves Daudigny.  - Quand la gauche parle de scrutin à deux tours, c'est une modalité ; quand le groupe centriste parle de scrutin uninominal, c'est un principe ! Comprenne qui pourra ! Nous ne voterons pas cet amendement pour une question... de principe : il n'y a aucune logique à l'adopter avant que le conseiller territorial n'existe. Nos concitoyens ne supportent pas cette façon manoeuvrière et politicienne de faire de la politique.

M. Michel Boutant.  - Le président Larcher a dit, il y a quelques semaines, qu'il n'y avait pas ici de majorité pour la réforme des collectivités territoriales ni pour la création du conseiller territorial. Les choses sont simples : après la séance de charcutage de cet après-midi, voici la séance de marchandage. Compte tenu des réticences de certains élus de la majorité, il fallait bien lâcher quelque chose ; ce seront donc des principes, prix du ralliement et du reniement.

M. Claude Biwer.  - La réflexion au sein de notre groupe a été sereine. Si nous acceptons la création de conseillers territoriaux, c'est justement pour que les territoires soient représentés. Le scrutin uninominal garantit la représentation des territoires ruraux ; mais il faut aussi tenir compte de la population. L'existence des conseillers territoriaux n'empêchera pas les départements de vivre, étant entendu qu'il faudra sans doute plus d'élus dans certains d'entre eux. Contrairement à celles d'autres groupes, nos propositions tentent de répondre à toutes les questions à la fois.

A la demande du groupe UC, l'amendement n°645 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 181
Contre 157

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Nous allons suspendre la séance pour reprendre à 22 h 30.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pourquoi ne pas continuer une heure, pour ne pas revenir ?

M. le président.  - Puisque personne ne s'y oppose, nous allons poursuivre... mais après une brève suspension.

La séance, suspendue à 20 h 35, reprend à 20 h 50.

M. le président.  - Amendement n°357 rectifié bis, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 193 du code électoral est ainsi rédigé

« Les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel direct dans une circonscription qui respecte le périmètre des communautés urbaines, d'agglomération et d'une ou plusieurs communautés de communes. »

II. Une loi fixe le nombre d'élus représentant les habitants de chaque communauté au sein du conseil départemental en prenant en compte le respect des équilibres démographiques et de la représentation des territoires.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, vous allez certainement recourir à votre jurisprudence habituelle en arguant que cet amendement, relevant d'une modalité électorale, est hors sujet. Mais nous ne nous inscrivons pas dans votre logique car nous refusons les conseillers territoriaux. Par cet amendement, nous vous proposons, pour l'élection des conseillers départementaux, de tenir compte de la réalité des intercommunalités dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il faut la généraliser à l'ensemble du territoire. Soyons clairs : un même canton peut compter deux ou trois communautés de communes, phénomène qu'il faut prendre en compte dans une communauté d'agglomération ou une communauté urbaine afin d'éviter les dysharmonies, la concurrence que l'on observe parfois aujourd'hui entre le fait communal et le fait communautaire. L'intercommunalité est aujourd'hui une réalité montante, vivante et dynamique !

M. le président.  - Amendement n°583 rectifié, présenté par Mmes Voynet et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Blandin et M. Muller.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 193 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 193. - Les conseillers généraux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

II. -  Le premier alinéa de l'article L. 192 du même code est ainsi rédigé :

« Les conseillers généraux sont élus pour six ans. »

III. - L'article L. 191 du même code est abrogé.

M. Jean Desessard.  - Nous voulons calquer le mode de scrutin utilisé pour les élections cantonales sur celui utilisé actuellement pour l'élection des conseillers régionaux afin de faire progresser la parité en politique. Après l'obtention du droit de vote en 1944, les femmes, soit la moitié des citoyens français, ont dû attendre 1999 pour que le principe de la parité soit inscrit dans la Constitution et 2000 pour que celui-ci trouve une traduction législative concrète avec la loi sur la parité en politique. Or la parité n'est pas seulement un mot ! Proposer un scrutin uninominal non soumis à des mesures paritaires contraignantes pour l'élection des conseillers territoriaux, c'est inverser la vapeur pour aller, de surcroît, dans le sens contraire de la Constitution ! Les faits parlent d'eux-mêmes : les élections cantonales de mars 2008 ont permis l'élection de 12,3 % de femmes seulement, contre 47,6 % pour les élections régionales de mars 2004. Plutôt qu'un retour en arrière, je propose de poursuivre la marche vers une démocratie, certes imparfaite, mais toujours plus aboutie !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - L'amendement n°583 rectifié est contraire à la solution du conseiller territorial...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une évidence !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - ...que nous soutenons. L'avis est logiquement défavorable. Quant à l'amendement n°357 rectifié bis, les communautés d'agglomération chevauchant parfois plusieurs départements, voire plusieurs régions, il semble difficilement applicable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Proposez un sous-amendement !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Rejet.

M. Michel Mercier, ministre.  - L'idée défendue par l'amendement n°357 rectifié bis est intéressante puisqu'il s'agit de faire en sorte que le découpage respecte les limites des communautés d'agglomération. Elle me paraîtrait même excellente si vous acceptiez de remplacer le terme de conseillers départementaux par celui de conseiller territoriaux... Je vous propose d'y revenir lors de la discussion de la loi électorale. Même remarque sur l'amendement n°583 rectifié, qu'une modification dans le même sens rendrait acceptable. Pour l'heure, le mode de scrutin que vous proposez s'applique à des élus dont le mandat va être transformé : je ne peux qu'émettre un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'est pas suffisant, monsieur le rapporteur, d'exciper de quelques situations particulières pour rejeter l'idée qui est la nôtre. Ces situations peuvent trouver une solution. Si une communauté d'agglomération se trouve sur deux départements, comme en son sein il y aura plusieurs périmètres, on peut imaginer une disjonction.

Je remarque que M. le ministre juge notre idée intéressante.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Cela s'arrête là.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais je ne peux souscrire à sa proposition de modifier la dénomination de conseiller départemental : nous sommes opposés à la création de conseillers territoriaux et le restons.

L'amendement n°357 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Le ministre me dit aussi qu'un changement de dénomination rendrait mon amendement acceptable. Peut-il me le confirmer, car sa proposition mérite réflexion (Agacement au banc des commissions)

J'aurais également besoin, monsieur le ministre, d'une fourchette. Que les centristes aient déjà négocié prouve bien que vous travaillez déjà aux modalités. Vous n'allez pas me dire que le Président de la République, qui entreprend avec une telle énergie de régler le problème mondial du changement climatique et n'hésite pas à intervenir auprès de la Chine, des États-Unis et de l'ensemble de la planète, enverrait devant le Sénat un tel projet sans avoir envisagé en rien le mode de scrutin qui doit l'accompagner ? Que vous ne nous présentiez pas quelque chose de parfaitement précis, soit, mais vous devez pouvoir nous dire plus ou moins ce qui est dans les tuyaux ?

L'amendement n°583 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°348, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement des conseillers généraux et régionaux, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d'un pourcentage supplémentaire égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. »

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Cet amendement vise à renforcer les sanctions applicables aux partis qui ne respectent pas la parité dans les candidatures aux élections départementales et régionales. De telles sanctions existent pour les élections nationales. Il s'agit, pour pallier les effets négatifs du scrutin uninominal sur la parité, d'appeler les partis à prendre leurs responsabilités. La parité a du mal à s'établir partout, mais, dans le domaine politique en particulier, la France se signale par ses manquements parmi les démocraties occidentales. Aux élections municipales, 87 % d'hommes sont tête de liste. Aux élections cantonales, 77 % des candidats sont des hommes. Il n'est pas sûr que le système du ticket ait résolu le problème. Les femmes devront-elles donc attendre le décès des candidats dont elles sont les suppléantes, si ce n'est l'espérer ? Voilà qui est un peu macabre.

Reste également posée la question des fonctions. Les femmes participent peu aux exécutifs locaux et au Sénat, il a fallu attendre 2009 pour qu'une femme accède à la présidence d'une commission.

La gauche a fait des efforts. Il ne s'agit pas cependant de jeter l'anathème sur les autres partis : notre responsabilité est collective. L'Observatoire de la parité relève qu'en 2008, on ne comptait que treize femmes pour 61 nouveaux élus à gauche et cinq femmes pour 47 élus à droite. Aux partis de se discipliner. Les sanctions peuvent les mener à la sagesse.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - L'amendement soulève une très importante question, dont nous devrons débattre au cours de l'examen de la loi électorale. Pour l'heure, retrait ou défavorable.

M. Michel Mercier, ministre  - Je rappelle l'engagement du ministre de l'intérieur devant le Sénat, il y a quelques jours, de rechercher avec les parlementaires le mode de scrutin qui assurera le mieux la représentation des territoires, les réalités démographiques, qui garantira le pluralisme et l'objectif de parité. Le texte électoral permettra de reprendre cette discussion.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Je m'attendais à la réponse, et du rapporteur et du ministre. Mais comme nous ne sommes pas centristes, nous voudrions du concret. (On s'amuse à gauche) Les belles promesses non normatives de M. Hortefeux ne sauraient nous satisfaire.

Mme Nathalie Goulet.  - L'amendement n°665 de M. About, auquel il me semble qu'il est fait allusion, pose certaines conditions qui garantissent que le principe de parité sera respecté. Il est vrai qu'il eût été préférable de prendre connaissance des deux textes en même temps : on a vu les acrobaties auxquelles il a fallu se livrer pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et la définition des circonscriptions, mais c'est bien pourquoi vous pouvez être assurés que l'on ne se laissera pas piéger deux fois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne sommes pas très favorables aux sanctions financières, mais il faut bien faire respecter les règles dont certains partis s'affranchissent volontiers. Nous voterons cet amendement qui fixe un principe, et je ne comprends pas pourquoi MM. le rapporteur et le ministre renvoient ce sujet à plus tard.

M. Jean Desessard.  - Peut-être comptent-ils modifier le code pénal ?

L'amendement n°348 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°347 rectifié, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code électoral est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du titre IV du livre Ier du code électoral est abrogé ;

2° L'intitulé du chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral est ainsi rédigé :

« Dispositions relatives au scrutin »

II. - Pour toutes les communes de moins de 500 habitants, les candidatures isolées sont interdites. Néanmoins, les électeurs conservent le droit de déposer dans l'urne des bulletins dont la liste est incomplète.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement novateur vise à étendre à toutes les communes le mode de scrutin actuellement en vigueur dans les villes de plus de 3 500 habitants, qui garantit la parité. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, moins d'un tiers des conseillers municipaux sont des femmes, contre près de la moitié dans les autres.

Vous direz que ce mode de scrutin est difficile à appliquer dans les petites communes. Mais les élections municipales y réservent parfois bien dans surprises : des personnes y sont élues sans être candidates, des maires ayant refusé des permis de construire en paient les conséquences, etc. L'Association des maires ruraux, au sein de laquelle M. Collombat joue un rôle éminent, approuve notre projet. L'amendement interdit les candidatures isolées mais autorise les listes incomplètes, par pragmatisme.

Cette réforme ne nuirait aucunement à la vie démocratique des communes, même là où elle ne s'organise pas selon les clivages politiques habituels. Elle permettrait à toutes les sensibilités de s'exprimer et, je le répète, garantirait la parité. Ne nous dites pas que nous y reviendrons plus tard : nous ne sommes pas des centristes !

Mme Nathalie Goulet.  - Oh !

M. Jean Desessard.  - Quel coup dur !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Cet amendement aborde le problème important du mode d'élection dans les communes de moins de 3 500 habitants, mais n'a pas sa place dans ce texte. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le projet de loi organisant le système électoral des collectivités territoriales, afin que vous puissiez en prendre connaissance dès à présent. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) Mais on ne peut pas discuter de tout en même temps ! Le projet du Gouvernement prévoit d'étendre le mode de scrutin des villes de plus de 3 500 habitants à toutes les communes de plus de 500 habitants, en accord avec l'Association des maires de France. L'Association des maires ruraux est prête à aller plus loin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas les maires ruraux dans leur ensemble : l'Association ne représente qu'une petite minorité.

M. Michel Mercier, ministre.  - Profitons du temps qui nous reste pour trouver un terrain d'entente entre les associations d'élus. Mais respectons l'ordre naturel de la discussion. Retrait, sinon rejet.

M. Hervé Maurey.  - Je suis opposé au projet du Gouvernement et plus encore à l'amendement de M. Sueur. Je suis très étonné d'entendre que les associations de maires y sont favorables, car j'ai des échos tout à fait différents : les élus que j'ai rencontrés sont tous farouchement opposés à l'extension du mode de scrutin des grandes villes à toutes les communes de plus de 500 habitants, qui politiserait la vie politique locale.

La seule chose qui me paraisse intéressante dans l'argumentation de M. Sueur, c'est l'idée de corriger certaines anomalies du mode de scrutin des petites communes afin d'empêcher que quelqu'un puisse être élu sans être candidat ou que l'on puisse être candidat sur plusieurs listes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai lu avec attention le projet de loi que le Gouvernement a bien voulu nous faire parvenir. Il comporte bien des lacunes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. -  Nous les comblerons !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il ne précise pas, par exemple, combien il y aura de conseillers territoriaux dans la région Rhône-Alpes ou le département du Rhône... (Sourires)

Monsieur Maurey, nous nous honorons de présenter des propositions plus audacieuses que celles du Gouvernement : c'est pour nous une raison d'être et de persister ! J'ajoute qu'il faut prêter une attention particulière au mode de scrutin dans les petites communes. J'en connais une où un nouveau venu s'est porté candidat à la demande d'autres habitants, bien qu'il ne connût personne, et il a obtenu le grand nombre de suffrages puisque personne n'avait encore aucun grief contre lui. Le maire, qui avait défendu certains principes républicains et refusé d'accorder des permis de construire de convenance, a été durement sanctionné. C'est la démocratie, me direz-vous. Mais cet exemple montre que notre proposition n'est pas sans intérêt, le moindre de ses avantages n'étant pas de garantir la parité dans les petites communes.

Conformément à la jurisprudence About, nous maintenons notre amendement. Ce qui nous distingue de M. About, cependant, c'est que nous n'avons pas de plat de lentilles. (Sourires) Notre proposition n'est pas négociable : nous la soumettons à la sagesse de l'assemblée.

M. le président.  - Evitons de parler de nourriture à cette heure tardive.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il faut avoir une conception bien étroite de la politique pour dire que la vie municipale des petites communes est apolitique... La politique, c'est la vie de la cité !

Nos collègues centristes font la preuve qu'ils tiennent bien peu à la parité : ils s'opposent à toutes les mesures qui pourraient la renforcer. Méfions-nous des amendements qu'ils font voter avec la complicité du Gouvernement : ils manquent de sincérité.

J'ignore si l'Association des maires ruraux est représentative, mais je sais qu'elle est favorable à cet amendement, que nous voterons.

M. Claude Biwer.  - Chacun s'exprime à propos des petites communes, sans toujours les connaître. Étant maire d'une commune de 500 habitants, je sais que politiser davantage le scrutin n'arrangerait rien. La politique s'exprime au niveau national, par les partis politiques et dans les orientations économiques et sociales. A-t-elle sa place dans nos petites communes ?

Je préside l'Association des maires de mon département. Les maires ruraux ne sont pas toujours d'accord avec l'AMF. M. le ministre invite les associations d'élus à se mettre d'accord, alors que les maires demandent au Sénat de se prononcer.

Le mieux est de laisser les petites communes s'exprimer humainement avant de leur imposer quelque doctrine que ce soit.

Mme Dominique Voynet.  - Notre légitimité n'a pas de rapport avec les strates démographiques communales. Monsieur Biwer, vous serez légitime pour débattre des métropoles, tout comme l'est Mme Borvo Cohen-Seat à propos des communes rurales.

Nous voulons simplement que M. le ministre confirme que le mode de scrutin ne mettra pas en cause de façon larvée l'égale représentation des hommes et des femmes. La politique est une activité respectable et les petites communes n'ont pas à la redouter. Je ne souhaite pas que l'on soit élu en fonction de sa famille, de son patrimoine ou juste pour assurer le statu quo.

Plusieurs amendements tendent à garantir une parité réelle. Les principes ne doivent pas être contredits ou violés par des dispositions législatives. On l'a vu dans d'autres domaines : le développement durable est un thème important, mais une taxe carbone écologiquement inefficace, injuste et mal ficelée a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Monsieur le ministre, je vous trouve ambigu à propos de la parité. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°347 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une consultation nationale des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Bouleversant l'organisation territoriale, votre projet de loi suscite la vive opposition de nombreux parlementaires et de très nombreux élus locaux. Toutes leurs associations ont formulé de sévères critiques envers cette réforme. Même le Mouvement national des élus locaux a exprimé des réserves, dont les échos parviennent jusqu'à notre assemblée.

Les désaccords proviennent de personnes connaissant par expérience la gestion d'une ville, d'un département ou d'une région, qui savent ce que signifient l'exercice de la démocratie et le dévouement à intérêt général. Leurs critiques sont solidement étayées.

Vous avez refusé notre proposition d'organiser un référendum populaire. Certes, la discussion a lieu ici, mais il serait plus démocratique de consulter les élus concernés.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Un vaste débat s'est déroulé en amont, avec toutes les associations d'élus. Celle que vous proposez viendrait après le vote de la loi. Avis défavorable.

L'amendement n°111, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le conseil national de la fonction publique territoriale est consulté avant la promulgation de la présente loi.

Mme Éliane Assassi.  - Après la suppression de la taxe professionnelle, la création du conseiller territorial et des métropoles aura des incidences dangereuses pour les services publics.

Vos réformes aggraveront la dégradation de la situation matérielle et morale des trois fonctions publiques, avec les réductions d'emplois et le recours accru à la contractualisation. Ajoutons la mainmise présidentielle via les nouveaux pouvoirs attribués au préfet de région pour mieux soustraire les régions à l'opposition, et il apparaîtra clairement nécessaire de soumettre le projet de loi au conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On lui demanderait son autorisation ! Épatant !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Comme je l'ai dit, un vaste débat s'est déroulé alors que cette consultation interviendrait après le vote, avant la promulgation... J'ai d'ailleurs entendu le président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale. La commission est donc défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - A cette heure tardive, je serai bref.

Le groupe CRC-SPG souhaite que la loi votée soit soumise à l'avis du conseil supérieur de la fonction publique territoriale avant d'être promulguée. Il est normal de consulter avant le vote parlementaire, mais la Constitution n'autorise que le Président de la République à demander une seconde délibération. Avis très défavorable.

L'amendement n°114 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente une étude d'impact sur les conséquences de la réforme des collectivités territoriales notamment en matière de parité, de pluralisme et de coût financier et social. 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous savons que la commission est défavorable, mais M. le ministre est peut-être d'un avis différent...

La Constitution impose qu'une étude d'impact soit présentée à l'appui de tout projet de loi. On nous a dit qu'elle a été réalisée, mais ce travail partiel, voire partial, fait l'impasse sur des sujets comme la parité ou le pluralisme.

Pour nous prononcer sur la réforme proposée nous avons besoin d'une vue d'ensemble. Il faudrait ainsi connaître le nombre de conseillers territoriaux et les conséquences pour le service rendu aux usagers ou la parité.

Et quelles seront les conséquences pour les agents des trois fonctions publiques ? Seront-ils transférés, réduits en nombre, répartis différemment sur le territoire ? Il est encore possible, puisque la réforme n'aboutira pas avant l'été, de nous fournir des éléments plus précis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Ne multiplions pas les rapports. Le Parlement, dans ses nouvelles prérogatives de contrôle, participera au suivi de la réforme ; et une étude d'impact existe. Défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le Gouvernement s'est conformé aux prescriptions de la Constitution en présentant une étude d'impact. J'ajoute qu'elle fait 125 pages et qu'elle est très détaillée ! Défavorable.

L'amendement n°113 n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous n'allons pas entamer à cette heure tardive l'examen de l'article premier sur lequel dix orateurs souhaitent prendre la parole et seize amendements ont été déposés. Nous l'examinerons mardi. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Merci à tous ceux qui ont participé à cette séance...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Depuis ce matin !

M. le président.  - ...et qui ont accepté qu'elle soit prolongée. Merci également aux services des comptes rendus pour leur dévouement et la résistance physique de leur personnel. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Sénat a reçu du Conseil constitutionnel les textes de deux décisions, qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique autorisant Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, ainsi que de la loi organique modifiant les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à Saint-Martin.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 janvier 2010, par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Commission (Nomination)

M. le président.  - Le groupe CRC-SPG a proposé une candidature pour siéger à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. La présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai prévu par l'article 8 du Règlement, je déclare cette candidature ratifiée et proclame Mme Marie-Agnès Labarre membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à la place laissée vacante par M. Jean-Pierre Bel.

Prochaine séance, mardi 26 janvier 2010, à 9 h 30.

La séance est levée à 21 h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 26 janvier 2010

Séance publique

A 9 HEURES 30

1. Questions orales.

A 14 HEURES 30

2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 169, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).

DE 17 HEURES A 17 HEURES 45

3. Questions cribles thématiques sur « Copenhague et après ? »

A 18 HEURES ET LE SOIR

4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.