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Table des matières



Lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

Candidatures à une éventuelle CMP

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 5

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 7

ARTICLE 7 BIS

ARTICLE 8

Mme Nathalie Goulet

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 9

M. Gaëtan Gorce

ARTICLE 10

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 13 BIS

ARTICLE 14

ARTICLE 15

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 15 QUINQUIES

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 18

Questions d'actualité

Lutte contre le terrorisme

M. Alain Richard

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Attitude du Gouvernement envers le Sénat

M. Vincent Capo-Canellas

M. Manuel Valls, Premier ministre

Rôle de la Turquie

M. Bruno Retailleau

M. Manuel Valls, Premier ministre

Épidémie d'Ebola

Mme Françoise Laborde

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Ecotaxe

M. Jean Desessard

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Renationalisation des autoroutes

M. Jean-Pierre Bosino

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Lutte contre la pauvreté

M. Yannick Vaugrenard

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Finances locales

M. François Baroin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Demi-journée de formation des maîtres

M. Hugues Portelli

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

Apprentissage

M. François Patriat

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Avis sur un projet de nomination

Dépôt d'un rapport

Lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

Nominations à une éventuelle CMP

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Mercier

M. Christophe-André Frassa

Mme Leila Aïchi

Mme Éliane Assassi

Mme Nathalie Goulet

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Esther Benbassa

M. François Fortassin

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances

M. François Fortassin

M. Vincent Capo-Canellas

M. Francis Delattre

M. André Gattolin

M. Éric Bocquet

M. Jacques Chiron

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Nathalie Goulet

M. Éric Bocquet

ARTICLE 2 BIS

M. Éric Bocquet

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 3

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 8

M. Éric Bocquet

ARTICLE 24

Interventions sur l'ensemble

M. Francis Delattre

M. Éric Bocquet

M. André Gattolin

Mme Nathalie Goulet

Ordre du jour du mardi 21 octobre 2014

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 16 octobre 2014

6e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaire : M. Christian Cambon.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Candidatures à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - La commission des lois a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du présent projet de loi.

Cette liste a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article introduit l'incrimination d'entreprise terroriste individuelle, qui conduit à pénaliser une intention sans même qu'il y ait eu un commencement d'exécution...

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur de la commission des lois.  - Mais non !

Mme Cécile Cukierman.  - L'incrimination d'association de malfaiteurs dans un contexte de terrorisme répond à la situation. Les risques de dérive sont évidents. Le droit pénal doit être limité par les bornes claires de la légalité et de la proportionnalité, respecter la présomption d'innocence.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - L'association de malfaiteurs ne couvre pas les entreprises individuelles terroristes. Le dispositif est parfaitement encadré : il y a l'intention, mais aussi des préparatifs, des éléments matériels. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.  - Avec la création du délit d'entreprise individuelle terroriste, nous avons souhaité adapter le droit à un phénomène qui s'est atomisé. Il peut s'agir d'un individu seul, qui peut avoir suivi un entraînement sur un théâtre d'opérations et être renvoyé sur notre sol avec pour mission de passer à l'acte sans plus entretenir de relations avec ses commanditaires. Il peut suivre des mots d'ordre généraux relayés par des sites Internet, agir seul sans échange matérialisant l'association. Il existe des cas n'entrant pas dans le cadre de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

Il est reproché à la nouvelle incrimination de laisser un juge condamner une simple intention, lui confier une mission de neutralisation préventive, pour reprendre les termes du syndicat de la magistrature. En droit commun, l'incrimination d'association de malfaiteurs existe depuis 1810 ; voilà longtemps que le législateur a compris la nécessité d'intervenir en amont. En matière de terrorisme, l'association de malfaiteurs est la pierre angulaire du dispositif ; c'est cette incrimination qui permet en effet, nous l'assumons, une neutralisation préventive des projets criminels avant le passage à l'acte. Si la pénalisation des actes préparatoires n'a pas été validée en tant que telle par le Conseil constitutionnel, elle a été indirectement examinée par lui à trois reprises, en 1996, en 2004 et en 2010 ; elle n'est pas contraire à la Constitution.

L'entreprise individuelle terroriste ne pénalise pas une simple intention mais bien un projet terroriste, une ferme résolution objectivée par des faits matériels, dont la possession de moyens dangereux associée à d'autres comportements. Ce fut le cas d'un ancien militaire d'extrême droite qui préparait un attentat contre une mosquée ; fallait-il le laisser faire ?

Il faut donc au moins un élément d'intention et un élément matériel. Le Gouvernement propose un amendement pour améliorer encore la rédaction des rapporteurs. La réalisation d'une seule condition ne suffit pas à constituer le délit, la consultation habituelle des sites les plus odieux n'est pas pénalisée en elle-même mais est un élément parmi d'autres ; c'est la méthode du faisceau qui est retenue et forgera la conviction du juge judiciaire, présenté hier comme le garant absolu des libertés. Il s'agit bien de respecter le principe de légalité des délits et des peines. La rédaction est précise. Avis défavorable.

M. Michel Mercier.  - Je voterai contre l'amendement de suppression. M. le ministre de l'intérieur vient de définir précisément la nouvelle incrimination pénale. Seule question : où est le ministre de la justice dans cette affaire ?

Mme Cécile Cukierman.  - Bonne question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce texte est porté par le ministère de l'intérieur, il a fait l'objet d'une validation interministérielle. Il y a entre la Chancellerie et le ministère de l'intérieur non seulement un accord complet, mais une osmose parfaite.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Comme toujours !

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 7

1° Supprimer les mots :

de rechercher,

2° Après le mot :

danger

insérer le mot :

grave

Mme Esther Benbassa.  - Selon l'article 5, constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'un acte de terrorisme, notamment lorsque cette préparation est caractérisée par le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui.

Comme le souligne la CNCDH, le terme « rechercher » « évoque une conduite fort imprécise car située trop en amont du commencement d'exécution de l'infraction », au contraire des autres actions mentionnées dans l'alinéa 7. En outre, les objets ou substances doivent être de nature à présenter un danger grave pour autrui, sauf à ce que le dispositif s'applique à un nombre très important d'objets et de substances.

Mme la présidente.  - Amendement n°63, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

de rechercher,

Mme Cécile Cukierman.  - Monsieur le ministre, votre argumentaire n'est pas imparable. Notre logique est différente, même si nous partageons le constat des dangers qui menacent les plus jeunes. Nous n'y apportons pas la même réponse et doutons que l'article, qui attente aux libertés individuelles, soit efficace face à des comportements qu'on peut difficilement anticiper. Cette nouvelle incrimination n'est pas satisfaisante.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - L'action de rechercher est un élément matériel, qui sera apprécié par le juge. Et l'adjectif « grave » n'apporte pas grand-chose à la définition du délit. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Quel est le dispositif concret que vous proposez en droit pour faire face au comportement de ceux qui, autoradicalisés, projettent de commettre un attentat sur le sol national, sachant que l'incrimination d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ne leur est pas applicable ?

Mme Cécile Cukierman.  - La réponse ne peut être seulement pénale. Je reste intimement convaincue que les comportements s'adapteront et contourneront cette loi dès sa promulgation. Si la réponse à la barbarie résidait dans ce texte-là, ce serait trop facile. (Mme Esther Benbassa renchérit)

Personne dans mon groupe ne cautionne ce qui se passe dans différentes parties du monde. Nous manifestons simplement notre désaccord avec l'analyse du Gouvernement.

L'amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°63.

Mme la présidente.  - Amendement n°64, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

l'un

par les mots :

l'ensemble

Mme Cécile Cukierman.  - Il est défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Cet amendement rend cumulatif les quatre éléments prévus aux alinéas 9, 10, 11, ce qui rendrait l'incrimination inopérante. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°75, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Remplacer le mot :

éléments

par le mot :

faits

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les comportements visés s'analysant comme des agissements, la notion de faits matériels, déjà présente dans la définition de l'association de malfaiteurs, doit être substituée à celle d'éléments matériels.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Favorable.

L'amendement n°75 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf lorsque l'entraînement ou la formation résulte de l'exercice normal d'une profession

Mme Nathalie Goulet.  - Au fur et à mesure qu'avance la législation, ceux qui s'attaquent à notre République et notre démocratie trouveront d'autres moyens de la contourner. Hélas, les intentions sont souvent suivies d'effets. C'est pourquoi cette incrimination est nécessaire. Mon amendement est de précision.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - L'incrimination créée à l'article 5 résulte d'un cumul d'éléments. Une telle précision n'est pas nécessaire. Retrait.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°11 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°76, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - rechercher, se procurer ou fabriquer des moyens matériels distincts de ceux visés au a) permettant ou facilitant la commission de l'acte terroriste ;

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Votre commission a enrichi la rédaction de l'incrimination d'entreprise terroriste individuelle par un nouveau fait matériel : « effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en oeuvre les moyens de destruction mentionnés au a) », ce qui permet de viser dans les actes matériels l'ensemble des comportements ou des situations tendant à mener à bien le projet terroriste. Cette rédaction a cependant pour effet de supprimer l'exigence de cumul de deux éléments matériels distincts dès lors que le fait d'effectuer des préparatifs logistiques est déjà compris dans « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui ».

L'amendement distingue ainsi clairement ce qui relève de l'élément matériel indispensable, visé au a), de ce qui relève de l'élément matériel alternatif, visé à l'alinéa 11. Celui-ci pourra consister, par exemple, en l'achat ou la location de matériels, de boxes ou de véhicules.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - La précision est utile pour préserver le cumul. Avis favorable.

L'amendement n°76 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Sera considérée comme relevant de l'entreprise terroriste individuelle la consultation de sites provoquant ou faisant l'apologie d'actes de terrorisme, ce qui revient à sanctionner la consultation habituelle de sites terroristes. L'alinéa 12 vise également la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie, pour inclure notamment les livres.

Ces notions sont floues, incertaines, voire contraires aux principes de légalité et de proportionnalité.

Actuellement, seule la consultation d'images pédopornographiques peut être punie de deux ans de prison. Pénaliser la consultation de contenus idéologiques ou la possession d'ouvrages est une innovation qui pose de nombreuses questions constitutionnelles ou conventionnelles. Si, par curiosité intellectuelle, je consulte un tel site, je pourrais être poursuivie. Il faut être raisonnable.

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

ou en faisant l'apologie

Mme Esther Benbassa.  - Amendement de repli, ne concernant que l'apologie des actes de terrorisme. Le fait de consulter des sites ou de posséder des ouvrages faisant l'apologie d'actes de terrorisme, si odieux soient-ils, ne saurait caractériser à lui seul la préparation d'un acte de terrorisme, contrairement à la consultation de sites provoquant au terrorisme.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice

Mme Nathalie Goulet.  - Je le retire après les explications déjà données par le rapporteur.

L'amendement n°12 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Non, l'alinéa 12 n'incriminera pas en tant que telle la consultation de ces sites. Elle doit s'accompagner d'autres éléments pour caractériser l'incrimination.

Mme Esther Benbassa.  - Vous ne voulez pas réfléchir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Réfléchissons tous ensemble... Ce que vous dites est faux.

Mme Esther Benbassa.  - Comme d'habitude !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - L'incrimination est caractérisée par un cumul d'éléments. Votre crainte n'est pas fondée. Retrait ?

Mme Esther Benbassa.  - J'ai tout à fait confiance en vous, monsieur le ministre. Je vous sais humaniste et déterminé à lutter contre le terrorisme. Mais n'ayons pas la mémoire courte. Si, sous un autre régime, j'achète des livres gauchistes, ou consulte des sites révolutionnaires, cette incrimination s'appliquera-t-elle ou non ? On sait ce qui se passe quand la liberté d'expression est limitée. Vous souriez ? Moi pas.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Le texte est assez clair. Il ne vise pas à interdire à un chercheur de chercher. Il faut le cumul de deux faits pour caractériser l'incrimination : premièrement, le fait « de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui » ; deuxièmement, l'un des éléments matériels énumérés au b) de l'article.

Ce que vous voulez éviter, est évité par la rédaction même de l'article. Je vous suggère de retirer votre amendement, car il est satisfait.

L'amendement n°47 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°48.

Mme Leila Aïchi.  - Je vote contre l'article 5.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 132-79 du code pénal, après le mot : « utilisé » sont insérés les mots : « ou lorsqu'il y a eu usurpation d'identité sur un réseau de communication au public en ligne ».

Mme Françoise Laborde.  - L'usurpation d'identité concerne quelque 300 000 personnes chaque année. Internet en a accru considérablement le risque, avec l'essor, en particulier des réseaux sociaux. Les peines prévues ne sont pas à la hauteur des conséquences subies par les victimes de tels agissements.

Dans le cas des infractions terroristes, l'usurpation d'identité est fréquente. Cet amendement suit l'une des recommandations de Marc Robert sur la cybercriminalité. Il élargit la liste des circonstances aggravantes. Le terrorisme appelle par ailleurs une réflexion plus large du Parlement sur la cybercriminalité.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Votre amendement aggrave de façon générale les peines en cas d'usurpation d'identité. Or celle-ci est déjà punie en tant que telle. Retrait ou rejet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - L'amendement est intéressant. Le droit à l'oubli est extrêmement difficile à mettre en oeuvre sur Internet, ne serait-ce qu'à cause de l'association d'un nom à d'autres noms sur les moteurs de recherche. J'en sais quelque chose. Quand, malgré des dizaines de procédures, votre nom est associé au mot « assassin », vous restez sur crime.fr le reste de votre vie.

L'usurpation d'identité sur Internet a des conséquences très dommageables. Soit, cela ne convient pas au rapporteur...

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Ce n'est pas la question !

Mme Nathalie Goulet.  - ... mais il faudra y revenir.

M. François Fortassin.  - Je soutiendrai aussi cet amendement. Les conséquences pour les victimes d'usurpation d'identité sont considérables. Il y a, de plus, à l'évidence, préméditation. On n'usurpe pas l'identité d'autrui par erreur.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - L'amendement ne répond pas à votre objectif. Il est fait de l'usurpation d'identité une circonstance aggravante alors qu'elle est punie en tant que telle. Il convient de conserver une cohérence d'ensemble des dispositions du code pénal. Cela dit, le rapport de Marc Robert devra faire l'objet d'un approfondissent législatif. Avis défavorable, je le répète.

L'amendement n°22 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 5 bis demeure supprimé.

L'article 6 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le fait pour une personne de se rendre à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France.

M. Jean-Patrick Courtois.  - Il s'agit de suspendre le bénéfice des prestations sociales pour les personnes se rendant à l'étranger dans le but de participer à des activités terroristes.

Dans certaines villes belges, les maires ont décidé de radier d'office des registres les habitants qui ont choisi de se rendre en Syrie pour faire le djihad, ce qui entraîne la perte de leurs droits sociaux.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - L'idée est intéressante, mais pose des difficultés pratiques. Comment les organismes sociaux sont-ils informés ? Par les services de renseignement ? Il faudrait en outre un dispositif ad hoc dans le code de la sécurité sociale. Cet amendement me paraît difficilement applicable. Retrait ou rejet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

M. Christophe-André Frassa.  - Nous avons voulu lancer le débat. Il y a beaucoup de Français à l'étranger qui bénéficient de prestations sociales. Les terroristes peuvent continuer à en bénéficier. Nous ciblons ceux qui s'engagent vraiment pour commettre des attentats, pas les familles. Nous pourrions le retirer pour poursuivre la réflexion et par exemple, le déposer à nouveau lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Qu'en pense le Gouvernement ?

La question de la double nationalité n'a pas été abordée. Comment admettre qu'un binational qui s'engage dans le djihad, qui combat des soldats français, qui projette des attentats sur le sol français puisse continuer à être français ? Nous n'avons pas déposé un amendement à cet effet, il eût mieux valu que le Gouvernement en prît l'initiative. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit)

M. Jean-Yves Leconte.  - L'objet de l'amendement ne correspond pas à son texte. Les journalistes qui vont sur les théâtres d'opération terroriste seront-ils visés ?

La question de la fraude aux allocations ne relève pas d'un texte sur le terrorisme.

La déchéance de nationalité ? Que de tels actes soient commis par des Français est toujours une blessure pour la communauté nationale. Le problème n'est pas celui de la double nationalité, il est plus profond. La vraie question est : pourquoi nos jeunes vont faire le djihad ? Il est heureux que ce texte ne traite pas du code de la nationalité.

M. Gaëtan Gorce.  - Prenons garde à la confusion des sujets. À vouloir modifier le code du séjour, le code de la nationalité, on entre dans un débat malsain.

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Gaëtan Gorce.  - Les personnes visées par ce texte sont bien françaises. Seul le juge pénal peut porter un jugement sur le comportement de nos nationaux. Attention à ne pas ouvrir certains débats - on sait à qui ils profitent. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et écologistes)

Mme Éliane Assassi.  - Absolument.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je suis entièrement de l'avis de M. Gorce. Les prestations sociales sont versées sous conditions strictes de résidence. Il n'est pas bon d'évoquer ces questions pour susciter des clivages et alimenter de mauvaises polémiques. (Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi applaudissent)

M. Jean-Patrick Courtois.  - Ce n'est pas notre intention. Mais il faut bien poser cette vraie question, à propos du terrorisme. Nous le ferons dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les binationaux qui font le djihad s'en prennent aux Français : c'est plus qu'une blessure, c'est une honte. Il ne s'agit pas de créer des clivages, mais de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

ARTICLE 7

Mme la présidente.  - Amendement n°49, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 706-16 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions d'évasion prévues au paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal, des infractions d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450-1 du même code lorsqu'elles ont pour objet la préparation de l'une des infractions d'évasion précitées, des infractions prévues à l'article L. 624-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'infraction prévue à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, si elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen ou réclamée dans le cadre d'une extradition pour des actes de terrorisme mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. »

Mme Esther Benbassa.  - L'article 7 étend la compétence concurrente de la juridiction parisienne aux infractions commises en détention, aux délits d'évasion et de non-respect de l'assignation à résidence ainsi qu'à la violation de l'interdiction administrative de sortie du territoire d'une personne détenue, prévenue, condamnée ou recherchée pour des actes de terrorisme.

Cette centralisation n'est pas justifiée pour l'ensemble des délits commis en détention.

Les délits commis par une personne condamnée pour des faits de terrorisme n'ont pas à relever automatiquement du parquet antiterroriste.

Cet amendement propose donc de ne laisser la compétence concurrente de la juridiction parisienne que pour les délits liés au non-respect des obligations de la personne condamnée pour terrorisme.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Cet amendement viderait l'article 7 de sa substance. Les magistrats antiterroristes y tiennent. La juridiction parisienne est déjà compétente pour le suivi de l'application des peines des personnes condamnées pour terrorisme. La compétence concurrente est un dispositif souple ; la saisine n'est en aucun cas automatique. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 7 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°93, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

chapitre III

par les mots :

chapitre IV

L'amendement de coordination n°93, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 bis est adopté.

ARTICLE 8

Mme Nathalie Goulet .  - Ce texte ne comporte presque aucune mesure de contrôle financier. La commission d'enquête du Sénat sur la fraude et l'évasion fiscale a pourtant montré combien blanchiment et terrorisme étaient liés. C'est aussi à l'ancien ministre du budget que je m'adresse !

L'article 8 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 133-8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-... ainsi rédigé :

« Art. L. 133-8-... Aucun ordre de paiement pour l'achat d'un billet d'avion ne peut être passé si le paiement est effectué en monnaie métallique ou fiduciaire. »

Mme Nathalie Goulet.  - Le signalement d'un paiement en espèces d'un billet d'avion à Nice a permis d'éviter le départ d'une jeune fille vers la Syrie cet été. Je vous propose simplement d'interdire l'achat de billets d'avion en espèces. Les compagnies aériennes pourraient utilement faire figurer le mode de paiement sur le billet. Quand le mot « cash » figure sur un billet à destination des États-Unis, vous pouvez être sûrs que vous aurez droit à une feuille et à un interrogatoire approfondis à votre arrivée !

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les compagnies aériennes qui exercent sur le territoire national ont l'obligation, lors de l'émission d'un billet, d'indiquer de façon visible sur le billet son mode de payement.

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement de repli.

M. Alain Richard, co-rapporteur de la commission des lois.  - Nombre de touristes qui visitent la France et contribuent pour une part non négligeable à notre PIB, payent leur billet d'avion en liquide. Une réflexion internationale est en cours. Le Groupe d'action financière (Gafi) travaille à compléter la directive antiblanchiment. Il serait prématuré de légiférer isolément sur ce point-là. Le signalement des acquisitions en liquide de billets vers certaines destinations existe déjà.

L'amendement n°3 est retiré, ainsi que l'amendement n°9.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 133-8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-... ainsi rédigé :

« Art. L. 133-8-... Aucun ordre de paiement ne peut être passé sur le territoire national au moyen d'une carte de paiement prépayée rechargeable dès lors que cette carte n'est pas rattachable à un compte effectif dont le bénéficiaire est identifiable. »

Mme Nathalie Goulet.  - Conformément aux préconisations de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux, il s'agit d'interdire - proposition 17 - les cartes de paiement prépayées. Les petits ruisseaux font les grandes rivières...

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Il faudra s'y pencher, mais pas dans le présent projet de loi. Avis défavorable pour ce motif de méthode.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vais le retirer, mais nous aurons à en reparler.

L'amendement n°4 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 561-2-2 du code monétaire et financier est complété par les mots : « et détermine les conditions dans lesquelles ces mêmes personnes morales s'assurent de l'existence physique et de l'identité de ce même bénéficiaire. »

Mme Nathalie Goulet.  - Dans le même esprit, cet amendement renforce les dispositions relatives à la vérification de l'identité et de l'existence physique des titulaires de comptes auprès des institutions visées dans le code monétaire et financier.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - L'amendement est satisfait par le paragraphe I de l'article L. 561-5 du code monétaire et financier : les établissements bancaires identifient leurs clients et vérifient cette identification par tout document écrit probant.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 561-9 du code monétaire et financier est abrogé.

Mme Nathalie Goulet.  - Victoire de l'optimisme sur l'expérience, dit-on à propos du mariage...

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Du remariage !

Mme Nathalie Goulet.  - Oui. Peut-être cet amendement aura-t-il un sort plus heureux que les précédents.

L'article L. 561-9 du code monétaire et financier dispose : « lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 peuvent réduire l'intensité des mesures prévues à l'article L. 561-6 ».

Je m'interroge sur le maintien de cette disposition. En matière de terrorisme, le risque n'est pas plus faible ici qu'à l'article 5...

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Ne supprimons pas cet élément de souplesse. La troisième directive antiblanchiment a été longuement débattue. L'approche est proportionnée à l'appréciation des risques. Les professionnels vérifient que les contrôles qu'ils exercent sont adaptés au risque.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Ce volet financier sera abordé par la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes.

L'amendement n°5 est retiré.

ARTICLE 9

M. Gaëtan Gorce .  - Il ne s'agit pas de contester le bien-fondé des mesures de blocage des sites, mais d'en examiner les modalités. L'intervention de la juridiction administrative, plutôt que du juge judiciaire se justifie par le fait qu'il s'agit de protéger en amont et non de sanctionner.

L'argument est recevable. L'intervention du juge judiciaire se justifie au motif qu'il est le juge des libertés. Comme dirait Saint-Just, les terroristes ne peuvent se prévaloir de la liberté d'expression qu'ils cherchent à détruire, certes, mais il s'agit d'éviter une interprétation trop extensive de la notion de terrorisme, qui conduirait à empêcher, à l'avenir, dans un contexte moins serein que celui d'aujourd'hui, nos concitoyens à exprimer un point de vue sur ce qui se passe sur les théâtres d'opérations.

Ceux qui suivent l'action de l'Hadopi savent que la logique législative, confirmée par les deux assemblées, va plutôt à privilégier le rôle du juge judiciaire par rapport au contrôle administratif ; la mission interministérielle sur la cybercriminalité est arrivée à la même conclusion. Pourquoi ne pas prévoir la saisine du juge, civil ou pénal, pour procéder à ces blocages des sites ? Il n'y a dans mes propositions aucun esprit polémique. Il est dommageable que la position de la représentation nationale sur ce sujet varie selon les circonstances. Une attitude plus cohérente aurait le mérite d'apaiser le débat.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Navarro.

Supprimer cet article.

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'est pas douteux qu'Internet est un agent recruteur des terroristes.

Il y a trois ans, le rapport de l'Assemblée nationale sur la neutralité d'Internet rappelait la nécessité du blocage de sites et ses effets pervers. L'éclatement des bases légales est facteur de confusion. Mieux vaut prévoir d'emblée l'intervention systématique du juge pour protéger la liberté d'expression.

Le blocage des sites avec DNS est facile à contourner - par une modification des paramètres de configuration - comme l'a montré l'épisode du blocage de Twitter en Turquie - c'est à la portée de tout le monde. En France, nos fournisseurs d'accès sont raisonnables et bloquent d'eux-mêmes les sites.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°65, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Éliane Assassi.  - L'Assemblée nationale a prévu de confier à une personnalité qualifiée de la Cnil la mission de contrôler le blocage des sites.

La commission des lois a amélioré la procédure, mais celle-ci n'offre pas de garantie suffisante : seule l'intervention du juge judiciaire rendrait légitime une telle procédure. Selon l'article 66 de la Constitution, c'est l'autorité judiciaire qui est gardienne des libertés individuelles.

Enfin, les experts s'accordent pour dire que le blocage n'est pas techniquement réalisable : 80 % des contenus visés circulent sur les réseaux sociaux...

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - La commission des lois a cherché à améliorer le texte. Il y a un appel à la responsabilité des hébergeurs avant le blocage éventuel. Le dispositif est équilibré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Internet est devenu un vecteur très important dans le basculement des jeunes dans le terrorisme. Les familles confrontées au départ de leurs membres pour le djihad pointent toutes le rôle déterminant d'Internet. Le phénomène s'est accru depuis les précédentes lois antiterroristes.

Les opérateurs et hébergeurs eux-mêmes procèdent au retrait de blogs, d'images, de vidéos qu'ils estiment dangereux. Cela a encore eu lieu, pas plus tard qu'hier, avec le retrait d'une vidéo appelant à la commission d'actes terroristes en France.

Les hébergeurs sont tout à fait conscients de la responsabilité qui leur incombe et disposés à l'exercer. Cet article vise donc à les accompagner. Ceux-ci sont alertés et ont 24 heures pour retirer le contenu visé. Si rien n'a été fait au bout de 24 heures, nous préconisons le blocage, sous contrôle du juge administratif, garant des libertés. Pourquoi pas le juge judiciaire ? Compte tenu de son indépendance, il ne peut agir que de lui-même. Or il n'a pas la connaissance nécessaire pour le faire.

Vous avez évoqué les risques de surblocage. Il y a trois modalités de blocage. Bloquer le serveur, qui peut contenir plusieurs centaines de sites, entraîne un risque de surblocage, c'est vrai, je ne peux le nier. Deuxième piste : le blocage par l'adresse URL qui est intrusif car il nécessite un filtrage préalable. Le blocage par DNS est la méthode la plus acceptable ; il concilie efficacité et respect des libertés publiques.

Enfin, le juge judiciaire peut à tout moment se saisir du sujet : alerté, il pourra judiciariser la procédure s'il l'estime nécessaire.

Dès lors, avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce débat n'est pas facile. Premier argument : les positions de tel ou tel ont évolué sur le sujet. C'est vrai ; il est naturel que les positions évoluent, au vu de la situation dramatique de la présence en Syrie et en Irak d'un millier de Français, de la prise en main de centaines d'adolescents manipulés et désinhibés par les réseaux terroristes.

M. Roland Courteau.  - Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On ne peut reprocher au Gouvernement d'agir face à une telle situation.

Deuxième débat : juge administratif ou juge judiciaire ?

Peut-on soutenir que le juge administratif, par essence, n'est pas capable de défendre les libertés ?

Le troisième argument tient à la matérialité d'Internet. Il n'est pas facile, techniquement, de retirer des contenus d'Internet et les contournements sont toujours possibles. Faut-il dès lors que le droit s'arrête là où l'Internet commence ? Le droit d'auteur serait pulvérisé sur Internet ; la propriété intellectuelle détruite, on ne pourrait plus rien faire par rapport à la diffamation, à l'injure sur Internet...

Mme Nathalie Goulet.  - Hélas, non !

M. Jean-Pierre Sueur.  - On ne pourrait rien faire contre ces sites qui diffusent des images atroces de décapitation, de crucifixion ? Je ne m'y résous pas. Je voterai cet article, car je ne me résigne pas à une telle abdication du droit.

M. Jean-Claude Leconte.  - Ce n'est pas parce que nous votons que la croissance est à 3 % qu'elle le sera, monsieur Sueur ! Idem pour Internet. Je ne voterai pas cet article ni le suivant - sauf les alinéas 1 et 2, qui complètent utilement la loi sur l'économie numérique. En revanche, le blocage administratif n'est pas adapté. Même dans les pays totalitaires, on ne sécurise pas les réseaux - comme le fait le Sénat - pour ne pas bloquer l'activité économique. Dès lors que l'on bloque des sites, il y forcément des contournements. Voter une loi qui n'est pas opérationnelle, qui est contraire à la réalité technique, n'est pas crédible.

Cela ne contribuera pas à faire des internautes des citoyens d'Internet. Mieux vaudrait pouvoir suivre ceux qui consultent des sites terroristes que les inciter à se mettre dans l'illégalité.

Enfin, rappelons que dans beaucoup de pays totalitaires, Internet a permis d'accéder à l'information : c'est un grand progrès.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est vrai.

Les amendements identiques nos1 rectifié et 65 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°52, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Le Conseil constitutionnel a déjà noté « la difficulté fréquente d'apprécier la licéité d'un contenu ». C'est particulièrement vrai pour l'apologie d'actes de terrorisme. En 2012, si la plateforme du ministère de l'intérieur a recueilli 120 000 signalements, seulement 1 329 ont été transmis pour enquêtes à la police nationale ou à la gendarmerie.

Cessons de modifier cette partie de la loi de 2004 sur la responsabilité pénale des hébergeurs. En janvier dernier, le Gouvernement avait promis une consultation et un projet de loi avant toute nouvelle modification.

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Supprimer les mots :

et de leur apologie

II.  -  Alinéa 4, première phrase

Supprimer les mots :

ou l'apologie de tels actes

Mme Esther Benbassa.  - Amendement de coordination avec l'amendement n°44 à l'article 4.

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Simple coordination.

Mme la présidente.  - Amendement n°90, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

I.  -  Alinéas 3 à 7

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;

II. - Alinéas 8 à 10

Supprimer ces alinéas.

III.  -  Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Au dernier alinéa, les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».

IV.  -  Après l'alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. -  Après l'article 6 de la loi n° 2004-575 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1.  -  Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227-23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l'article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la présente loi.

« En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l'autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l'accès à ces adresses. Toutefois, en l'absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l'autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.

« L'autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s'assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l'autorité administrative d'y mettre fin. Si l'autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.

« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l'autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. 

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs. 

« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l'article 6. »

V.  -  Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

II.  -  Le premier alinéa du 1 du VI de l'article 6 de la loi n° 2004-575 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « , cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;

2° Après les mots : « 7 du I », sont insérés les mots : « ni à celles prévues à l'article 6-1 de la présente loi » ;

3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Proposition de réécriture complète, plus claire que les multiples renvois actuels.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°95 à l'amendement n°90 de M. Hyest, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 90, alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

vingt-quatre heures

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avec un délai de 48 heures, on laisse le temps au transfert d'un certain nombre de contenus, ce qui pourrait nous faire entrer dans un cycle de démarches sans fin.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°92 à l'amendement n°90 de M. Hyest, au nom de la commission, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase

Après le mot :

désignée

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les députés ont décidé de confier à la Cnil le soin de désigner une personnalité qualifiée, dont l'indépendance et la compétence sont reconnues. Cette personne doit être désignée au sein de la Cnil. En effet, il serait étrange de confier à une Autorité administrative indépendante le soin de désigner une personnalité étrangère à elle-même.

Je rends hommage à cette occasion à M. Patrice Gélard, qui s'est attaqué à la prolifération de ces autorités administratives indépendantes ; il a déposé tout à la fin de son mandat sénatorial deux proposition de loi en la matière qu'il m'a demandé de cosigner.

Gaëtan Gorce est un membre éminent de la Cnil. Pourquoi ces personnalités qualifiées ne désignent-elles d'autres personnes ou autorités ? Ne nous éloignons pas trop des principes simples énoncés par Montesquieu.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°94 à l'amendement n°90 de M. Hyest, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 90, après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Une telle disposition existe déjà pour les jeux en ligne.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Leconte et Gorce.

Alinéas 3 à 12

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Yves Leconte.  - La coopération avec les grands opérateurs est importante. Les médias sont sans doute totalitaires mais ils ont aussi le mérite d'obliger les États à repenser leurs rapports avec la société civile. N'ayons pas une attitude telle que notre pays serait vu comme ne comprenant pas les réalités d'Internet.

Un blocage administratif serait facile à détourner, ce n'est pas la solution. Faisons plutôt le pari de l'intelligence des opérateurs de réseau, convainquons-les qu'ils n'ont pas intérêt à faire certaines propagandes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°51, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Même chose.

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par MM. Gorce et Leconte.

Alinéas 3 à 7

Supprimer ces alinéas.

M. Gaëtan Gorce.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421-2-5 du code pénal ou les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227-23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant de demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Cette ordonnance autorise l'autorité administrative à informer simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.

« Une personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. Cette personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait, ainsi que des recommandations. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

Mme Françoise Laborde.  - Le blocage administratif est contestable juridiquement et au regard de son efficacité. Après la Loppsi, les négociations entre pouvoirs publics et acteurs d'Internet ont achoppé. Les arguments à l'encontre de cette procédure ne peuvent être balayés d'un revers de main. Il y a par exemple le fait que la persistance de certains sites est utile pour les Renseignements généraux.

Nous proposons de remplacer ce blocage administratif par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris, sur le modèle du blocage des sites de jeux d'argent et de hasard. Nous modifions, en conséquence, les missions confiées à la personnalité qualifiée nommée à la Cnil.

Mme la présidente.  - Amendement n°69, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

l'autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la détention

II.  -  Alinéa 5, première et dernière phrases

Remplacer les mots :

l'autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la détention

Mme Leila Aïchi.  - Comme l'indique la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ce blocage administratif est de nature à brouiller la distinction classique entre police administrative et police judiciaire. Le blocage d'un site étant une ingérence grave dans la liberté d'expression et de communication, l'intervention d'un juge est nécessaire. Seul le juge des libertés, par son indépendance, est à même d'assurer une réelle protection de la liberté d'expression, en accord avec la décision de la Cour de cassation et avec les exigences de la Cour européenne.

Mme la présidente.  - Amendement n°77, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

vingt-quatre heures

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je m'en suis déjà expliqué.

Mme la présidente.  - Amendement n°53, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 5

Après le mot :

heures

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ou en l'absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées à ce même III, l'autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner aux personnes mentionnées au 1 du présent I d'empêcher l'accès sans délai aux adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Après une demande de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures selon les modalités prévues à la première phrase du présent alinéa, l'autorité administrative peut également notifier aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne qui reprendraient le contenu des adresses dont l'accès aurait été interdit par la décision prévue à la phase précédente et auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai. L'autorité administrative peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du contenu par un moteur de recherche ou un annuaire.

Mme Esther Benbassa.  - Le blocage ne doit pas être décidé par l'autorité administrative, mais par un juge. L'amendement s'inspire du dispositif retenu pour le blocage des sites illégaux de jeux d'argent en ligne, via l'Arjel.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par MM. Navarro et Adnot et Mme N. Goulet.

Alinéa 5, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et sans que cela ne puisse porter atteinte aux obligations pesant sur ces personnes au titre de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques

Mme Nathalie Goulet.  - La solution technique que devront mettre en oeuvre les opérateurs de réseau ne doit pas affaiblir leur capacité à assurer un service sans perturbation. Cet amendement assure le respect de l'ordre public tout en évitant tout risque de surblocage.

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par M. Gorce.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

M. Gaëtan Gorce.  - Je souhaite supprimer l'intervention de la Cnil, discutable sur la forme et aussi sur le fond. Le blocage est une mesure symbolique, utile à ce titre. Dussé-je déplaire au président Sueur, je crains que son ambition de rendre ainsi Internet plus respectueux du droit risque d'être déçue. Il faut procéder autrement. Le ministre, en évoquant son choix de la méthode la moins intrusive, montre qu'il est conscient du problème.

En l'état de la loi de 1978, la mission confiée par le projet de loi à la Cnil ne relève pas de sa vocation. Certes, le législateur peut toujours compléter la loi. Mais on demande en fait à l'autorité de servir de garant, en l'absence du juge judiciaire. S'agit-il de protéger les contenus ? C'est une tâche difficile.

On ne peut pour autant s'en remettre en la matière aux seuls hébergeurs, qui peuvent relever de cultures politique et juridique différentes de la nôtre. Il faut, sans doute, réfléchir à un autre mécanisme de régulation.

Il serait souhaitable que nous réfléchissions à l'ensemble du problème, en y incluant la prévention. En l'affaire, l'Assemblée nationale a fait preuve d'une certaine improvisation.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 6, première phrase

Après le mot :

désignée

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Défendu.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°52 : contrairement à ce que croit son auteur, une mise en responsabilité des hébergeurs, un échange amiable sont prévus. Après un débat prolongé, la commission s'est convaincue qu'il n'était pas réaliste de séparer la provocation de l'apologie, qui sont des délits jumeaux : avis défavorable à l'amendement n°50.

Quant au sous-amendement n°95, je tiens que 48 heures est un meilleur délai : il vaut mieux laisser un peu plus de temps aux hébergeurs, si l'on appelle à leur responsabilité. Je crains que ceux qui s'organisent pour le faire puissent faire migrer leurs sites en 24 heures. Je répercute l'avis défavorable de la commission, mais si le Sénat suivait le Gouvernement, cela ne nuirait pas à la cohérence du texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Quant au sous-amendement n°92, il paraît devoir être suivi, à condition qu'il soit complété par l'ajout d'une durée de cinq ans non renouvelable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - D'accord.

Mme la présidente.  - En voici la nouvelle rédaction : Sous-amendement n°92 rectifié à l'amendement n°90 de M. Hyest, au nom de la commission, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase

Après le mot :

désignée

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Le déréférencement est une mesure efficace. Le sous-amendement n°94 compense une petite lacune : avis favorable. Défavorable à l'amendement n°8 rectifié : la mise en demeure et en responsabilité des hébergeurs doit être assortie d'une sanction. Même avis sur les amendements nos51 et 28.

L'intervention du juge judiciaire, prévue par l'amendement n°23 rectifié, expose à des délais difficilement maîtrisables qui laisseraient ouverte la possibilité de réitération des contenus : avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°69.

L'avis de la commission des lois est défavorable à l'amendement n°77. Pour ma part, je ne verrais pas d'inconvénient à ce que le Sénat le vote. Avis défavorable à l'amendement n°53. L'amendement n°6 rectifié ter est satisfait. Les dispositions du code des postes et télécommunications restent en vigueur, ce projet de loi ne les met nullement en cause.

C'est après un débat approfondi que la commission des lois s'est fait une conviction sur l'amendement n°29. Point là d'« improvisation ». Que M. Gorce veuille bien faire le crédit à d'autres qu'ils réfléchissent avant d'agir, même s'ils ne partagent pas son avis.

M. Gaëtan Gorce.  - Je n'ai jamais dit le contraire.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Si. Vous avez eu une formule pour le moins désobligeante. Cela peut arriver à tout le monde.

M. Gaëtan Gorce.  - Je me corrigerai !

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - La commission confirme qu'il faut un représentant de la Cnil, mais qu'il préserve aussi son indépendance personnelle. Avis défavorable à l'amendement n°29.

L'amendement n°33 rectifié n'a plus d'objet : retrait.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bien sûr !

L'amendement n°33 rectifié est retiré.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les positions du rapporteur recouvrent en tout point celles du Gouvernement.

L'amendement n°52 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°50.

L'amendement n°84 rectifié est adopté.

Le sous-amendement n°95 n'est pas adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, le sous-amendement n°92 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - À l'unanimité !

Le sous-amendement n°94 est adopté.

L'amendement n°90, ainsi sous-amendé, est adopté.

Les amendements nos8 rectifié, 51, 28, 23 rectifié, 69, 77, 53, 6 rectifié ter, 29 n'ont plus d'objet.

M. Gaëtan Gorce.  - Je voterai contre cet article. Je ne suis pas contre le blocage par principe mais on commet une erreur en ne le confiant pas au juge judiciaire.

M. Jean-Yves Leconte.  - Moi aussi. Cet article contribue négativement à l'image de la France et à l'évolution souhaitable d'Internet, que nous voulons humaniste.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ferai comme mes deux collègues.

L'article 9, modifié, est adopté.

ARTICLE 10

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, dans les conditions de perquisition prévues au présent code,

Mme Françoise Laborde.  - Les restrictions propres au régime de la perquisition sont inadaptées à ce type d'action purement informatique et alourdit inutilement la procédure. La dématérialisation appelle de nouvelles procédures, tout aussi protectrices des libertés publiques, mais plus efficaces.

Mme la présidente.  - Amendement n°70, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 5 

Après le mot :

judiciaire

insérer les mots :

, sur autorisation donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention,

Mme Leila Aïchi.  - Une telle procédure exceptionnelle doit être encadrée par le juge des libertés et de la détention, seul à même d'assurer une protection des données et de la vie privée, en accord avec la décision de la Cour de cassation et avec les exigences de la Cour européenne.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. Je me suis moi-même interrogé. Je crois que l'on peut conserver le terme inséré dans le code de procédure pénale. L'amendement n°24 rectifié, à la réflexion, ne se justifie pas. Concernant l'amendement n°70, il faut veiller à ne pas accumuler les interventions du juge des libertés et de la détention, pour la bonne administration de la justice. En fin d'instruction, la procédure sera appréciée par le juge ; des abus pourraient faire tomber toute la procédure ; c'est une garantie.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°70.

L'article 10 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa de l'article 60-1, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations » ;

2° À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations ».

Mme Françoise Laborde.  - J'ai été prise de court, je voulais retirer notre amendement précédent.

Si la Cour de cassation privilégie une interprétation large de la notion de documents numériques, il faut adapter davantage le code de procédure pénale à la lutte contre la cybercriminalité, préciser l'objet des réquisitions numériques afin de tenir compte à la fois des réalités relatives à ces saisies et de la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Avis favorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°25 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 60-1 et au quatrième alinéa de l'article 60-2 du code de procédure pénale, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par les mots : « 75 000 euros et, en cas de récidive, de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ».

Mme Françoise Laborde.  - L'amende de 3 750 euros est trop peu dissuasive. Cet amendement reprend une recommandation du rapport de M. Marc Robert sur la cybercriminalité, afin de renforcer la répression de ce type d'actes qui portent atteinte à l'enquête pénale.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Il faut maintenir la cohérence de l'échelle des peines. S'agissant de l'inobservation d'une procédure, une telle amende est disproportionnée. Je vous suggère de ne pas insister dans ce domaine. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

Les articles 11, 11 bis, 12, 12 bis et 13 sont successivement adoptés.

ARTICLE 13 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°87, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 706-35-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les références : « 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 » sont remplacées par les références : « 225-4-1 et 225-4-8 à 225-4-9, 225-5 à 225-6 » ;

b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; ».

2° Après le 2° de l'article 706-47-3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; »

II.  -  L'article 59 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est ainsi modifié :

1° Au 2°, les mots : « des données » sont remplacés par les mots : « les éléments de preuve et les données » ;

2° Après le même 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. »

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°87, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient l'article 13 bis.

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°78, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - La possibilité pour le juge d'instruction d'autoriser les OPJ à mettre en place des dispositifs de captation des données, dits « chevaux de Troie informatiques », a été prévue par l'article 36 de la loi du 14 mars 2011.

Pour répondre aux inquiétudes de la Cnil, ces dispositifs sont soumis à une autorisation administrative afin de contrôler le matériel et les logiciels qui, par nature, portent atteinte à la vie privée et au secret des correspondances.

Votre commission des lois a supprimé cette autorisation administrative. Il en résulte que magistrats et OPJ pourront recourir à des logiciels qui n'auront pas été expertisés par l'Anssi et il sera ainsi techniquement possible, pour un vendeur négligeant ou malveillant, de concevoir un dispositif apte à prendre le contrôle des systèmes d'information des OPJ qui l'utiliseront. Le logiciel pourrait également être configuré pour diffuser les données captées à d'autres personnes que celles autorisées à en connaître. On pourrait ainsi compromettre les systèmes d'information de la police judiciaire et porter une atteinte grave à la vie privée des personnes mises en cause.

Mme la présidente.  - Amendement n°89, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Alinéa 3

Après le mot :

experts

insérer les mots :

figurant sur une liste fixée par décret

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Le risque technique invoqué par le ministre existe. Nous pensions pouvoir le réparer par décret. De nombreux interlocuteurs judiciaires ont fait état de la lenteur de la procédure d'agrément de l'Anssi. Pourriez-vous nous rassurer sur la diligence de l'Anssi ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Je comprends votre inquiétude et vous donne toute l'assurance souhaitée.

L'amendement n°89 est retiré.

L'amendement n°78 est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Leila Aïchi.  - L'article 15 porte le délai de conservation de données personnelles numériques dans le cadre d'une procédure judiciaire dans la lutte contre le terrorisme de 10 à 30 jours. La commission des lois a restreint cette mesure « à titre exceptionnel ». En dépit de cette avancée, un tel délai entraîne un risque non négligeable de déperdition, voire de divulgation du renseignement. On risquerait ainsi de remettre en cause le contrôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, ce, pour un nombre limité d'interceptions liées au terrorisme.

Ces nouvelles dispositions pourraient porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée garanti à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - La commission préfère son propre texte. Le délai de conservation des écoutes non transcrites reste de dix jours, il peut être porté à trente jours lorsque le décryptage ou la traduction posent des difficultés particulières. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°79, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. - Au premier alinéa de l'article L. 242-6 du même code, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « trente ».

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Cet amendement rétablit la durée de conservation des interceptions de sécurité à trente jours, compte tenu des difficultés de la transcription de ces interceptions de sécurité dans les dix jours pour les langues dans lesquelles les interprètes sont peu nombreux, et de l'éclairage nouveau que ces interceptions peuvent connaître à la lumière de faits inconnus dans le délai de dix jours.

Le contrôle de la CNCIS est effectif, puisque celle-ci est rendue destinataire des transcriptions. Toutefois, ajouter à cette transmission une procédure d'autorisation formelle rendrait ce dispositif complexe et peu opérant.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur.  - Nous avions déjà eu cette discussion lors de la loi de 1991. Le délai de transcription peut poser problème dans quelques affaires seulement. Le terrorisme ne représente que 17 % des interceptions contrôlées, même si ce pourcentage augmente. C'est la transcription qui permet de valider le motif de l'interception. Notre système est performant par rapport à celui d'autres pays, car il concilie efficacité et contrôle des interceptions. On ne peut pas généraliser les trente jours : ce serait déséquilibrer un dispositif qui fonctionne à la satisfaction générale. Les Premiers ministres ont toujours suivi les avis de la CNCIS. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Ce débat a déjà eu lieu en commission. Depuis la loi de 1991, le contexte a évolué, avec l'essor de la société numérique et l'émergence de phénomènes nouveaux. Pour un certain nombre d'interceptions en matière de terrorisme, un délai supplémentaire s'impose. Ce n'est pas une question de confort. Je suis comme vous viscéralement attaché à la nécessité d'un équilibre et au contrôle de la CNCIS, mais il s'agit de répondre à un problème opérationnel concret. Je prends acte que, pour l'heure, nous n'avons pas pu trouver d'accord.

L'amendement n°79 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

L'article 15 ter est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac.

Après l'article 15 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 726-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans l'hypothèse où la personne détenue a été condamnée pour des actes de terrorisme définis aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, la personne est placée dans une cellule dédiée, isolée des autres détenus, lors de son entrée en prison. »

M. Christophe-André Frassa.  - La prison reste l'un des principaux lieux de radicalisation, en raison des contacts entre détenus. Afin d'éviter le prosélytisme et l'endoctrinement islamiste, il conviendrait de repenser l'organisation des prisons et d'isoler systématiquement tout individu condamné pour des actes de terrorisme.

Ne vous méprenez pas sur notre intention. Il n'est pas question, comme cela a été dit en commission, de prévoir une forme de double peine, mais une mise à l'écart pour éviter l'endoctrinement. Par ailleurs, il faut former les imams qui interviennent auprès des détenus.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Défavorable. La loi pénitentiaire répond à votre préoccupation.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

M. Christophe-André Frassa.  - Je retire l'amendement, mais l'application de la loi pénitentiaire est encore imparfaite. La mise à l'écart de prisonniers dangereux me paraît indispensable. Nous verrons, à l'usage, si la loi est si efficace...

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Si chacun fait un effort de concision, nous pourrons terminer la discussion des articles avant la suspension...

Mme la présidente.  - Le vote sur l'ensemble devra avoir lieu après, compte tenu des demandes d'explication de vote.

L'amendement n°54 n'est pas défendu.

L'article 15 quater demeure supprimé.

Mme la présidente.  - Amendement n°82, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 15 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6341-... ainsi rédigé :

« Art. L. 6341-.... - En cas de menace pour la sécurité nationale, l'autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d'aérodromes étrangers la mise en oeuvre de mesures de sûreté dont la durée d'application ne peut excéder trois mois. Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.

« Les mesures de sûreté mentionnées au premier alinéa sont celles dont la mise en oeuvre peut être imposée aux entreprises de transport aérien en application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002, des règlements pris pour son application par la Commission européenne et des normes de sûreté prévues par la réglementation nationale.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - L'évolution de la menace terroriste, notamment à l'encontre de l'aviation civile, et la vulnérabilité de certains aéroports étrangers rendent indispensables des mesures de sûreté complémentaires sur des vols desservant la France depuis des escales jugées sensibles.

L'amendement n°82, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 15 QUINQUIES

Mme la présidente.  - Amendement n°88, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le titre IV du livre Ier est ainsi rédigé :

« TITRE IV

« DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

« Chapitre Ier

« Dispositions générales

« Art. L. 141-1.  -  La déontologie des personnes exerçant des missions ou activités de sécurité est précisée par voie réglementaire.

« Chapitre II

« Défenseur des droits

« Art. L. 142-1.  -  Le Défenseur des droits accomplit sa mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les conditions fixées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;

2° Le titre III du livre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Déontologie de la police et de la gendarmerie nationales

« Art. L. 434-1.  -  Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d'État. » ;

3° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est abrogé ;

4° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont complétés par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Au titre VII : l'article L. 271-1. » ;

5° L'article L. 285-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Le deuxième alinéa de l'article L. 271-1 est ainsi rédigé :

« ?Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française précise les zones dans lesquelles cette obligation s'applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.? » ;

L'article L. 286-2 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Le deuxième alinéa de l'article L. 271-1 est ainsi rédigé :

« ?Un arrêté du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie précise les zones dans lesquelles cette obligation s'applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.? » ;

7° L'article L. 287-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :

« 11° L'article L. 271-1 est ainsi modifié :

« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« ?Un arrêté de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna précise les zones dans lesquelles cette obligation s'applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.? » ;

« b) Le dernier alinéa est supprimé. » ;

Le 9° de l'article L. 645-1 est ainsi rédigé :

« 9° L'article L. 614-1 est complété par les mots : ? dans sa rédaction applicable en Polynésie française ? ; »

Le 10° de l'article L. 646-1 est ainsi rédigé :

« 10° L'article L. 614-1 est complété par les mots : ? dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie? ; »

10° Le 9° de l'article L. 647-1 est ainsi rédigé :

« 9° L'article L. 614-1 est complété par les mots : ? dans sa rédaction applicable dans les îles Wallis et Futuna? ; »

11° Le dernier alinéa des articles L. 251-2 et L. 252-2 est supprimé ;

12° À la seconde phrase de l'article L. 262-1, la référence « III » est remplacée par la référence « II » ;

13° Les deux dernières phrases du second alinéa de l'article L. 634-4 sont ainsi rédigées :

« Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Le code de la sécurité intérieure a été adopté sous forme d'ordonnance mais le projet de loi de ratification, déposé, n'a pas encore été examiné par le Parlement. Le Gouvernement propose, de façon un peu audacieuse, de procéder à la ratification dans ce texte.

Si nous en sommes d'accord, l'amendement n°88 apporte quelques corrections, d'importance inégale, au texte du code. Nous avons ainsi revu les mesures concernant la vidéosurveillance, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°96 à l'amendement n°88 de M. Hyest, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 88, alinéa 36

Supprimer cet alinéa.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Les dispositions permettant aux commerçants d'installer des dispositifs de vidéo-protection sur la voie publique, pour assurer la protection immédiate des abords de leurs bâtiments dans des secteurs particulièrement exposés, ont une réelle utilité. Elles respectent précisément la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

J'ajoute que le plafonnement des amendes au niveau proposé n'est guère dissuasif.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - Avis favorable au sous-amendement.

Le plafonnement des amendes est une exigence constitutionnelle. Et nous ne parlons pas ici d'infractions financières, mais d'infractions de sécurité. Nous ne pouvons suivre le ministre.

Lorsqu'on procède à la ratification d'un code entier de cette manière, mieux vaut modérer au maximum les ajouts et modifications que nous y apportons...

Le sous-amendement n°96 est adopté.

L'amendement n°88, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'article 15 quinquies, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°81, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 15 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le dernier alinéa de l'article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure est supprimé.

II.  -  Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers est supprimé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Dans une logique d'adaptation de la législation à la menace terroriste, le Gouvernement propose des dispositions en matière de transport.

M. Alain Richard, co-rapporteur.  - De telles mesures doivent-elles être ou non à durée déterminée ? L'efficacité de ces dispositions, déjà reconduites à deux reprises et conformes à notre état de droit, justifie qu'on les pérennise. Avis favorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Difficile, on le sait, de concilier liberté et sécurité. Ce texte est bien équilibré : je le voterai, comme les autres membres du RDSE.

M. Gaëtan Gorce.  - Je m'abstiendrai sur l'amendement n°81. Il est bien délicat de voter pareilles dispositions dans ces conditions.

L'amendement n°81 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 16 est adopté, ainsi que l'article 17.

ARTICLE 18

Mme la présidente.  - Amendement n°91, présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer la référence :

15 ter

par la référence :

15 sexies

L'amendement de coordination n°91, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

L'amendement n°37 n'est pas défendu.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Lors de sa réunion du 9 octobre, la Conférence des présidents a décidé, sur ma proposition, de reconduire à titre conservatoire le dispositif retenu jusqu'à présent.

J'ai invité les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits à engager une concertation en vue, le cas échéant, d'adapter la répartition des questions à l'évolution des effectifs des groupes et de rénover leur organisation.

Cette concertation concernera également les questions cribles thématiques qui ont suscité des interrogations.

Pour l'heure, je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente, qu'ils doivent respecter afin que tous les intervenants bénéficient de la retransmission audiovisuelle.

Lutte contre le terrorisme

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous terminons cet après-midi le débat sur le projet de loi relatif au terrorisme. Je salue l'esprit de responsabilité qui s'est manifesté sur tous les bancs pour appuyer la démarche législative du Gouvernement.

Au cours de ce débat, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez signalé des faits préoccupants : un millier de Français se sont engagés en Irak ou en Syrie sur les théâtres d'opération dont une centaine sont revenus en France ; le phénomène d'endoctrinement et d'enrôlement sur Internet est préoccupant. Une vidéo postée hier sur YouTube a montré, s'il en était besoin, l'actualité de la menace. Outre ce projet de loi, l'État s'est doté d'outils opérationnels pour prévenir et contrer le terrorisme. Pouvez-vous nous décrire ces moyens ? (Applaudissements sur les bancs socialistes, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Je me félicite de la qualité de nos débats au Sénat, rendue possible par celle du travail des deux rapporteurs de votre commission des lois.

Les Français qui partent en Syrie ou en Irak risquent d'y trouver la mort et, à leur retour, de menacer la sécurité de leurs compatriotes. Nous avons d'abord mis en place une plateforme de détection de la radicalisation pour venir en aide aux familles.

Le texte en débat va plus loin : il interdit la sortie du territoire lorsque le risque existe ; il autorise le blocage des sites Internet et sensibilise les hébergeurs, sans, pour autant, menacer la liberté d'expression et en évitant les risques de surblocage ; il crée une infraction nouvelle d'entreprise terroriste individuelle ; il renforce enfin la coopération internationale, ouvrant la voie à l'amélioration du Système d'information Schengen (SIS) et à la création d'une base de données européenne du type PNR des passagers aériens. Nous faisons tout pour protéger nos concitoyens des menaces, réelles, qui existent. (Applaudissements sur les bancs socialistes, ainsi que sur quelques bancs au centre et à droite)

Attitude du Gouvernement envers le Sénat

M. Vincent Capo-Canellas .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. À l'occasion du renouvellement du Sénat, les élus locaux ont exprimé leur incompréhension devant les réformes annoncées par le Gouvernement, et leur inquiétude face à la baisse des dotations. Le Sénat doit être mieux associé à la réforme territoriale. L'inquiétude se nourrit aussi de la situation économique et sociale : les mauvaises nouvelles s'accumulent. Le projet de budget suscite l'appréciation négative du Haut Conseil des finances publiques, de l'Eurogroupe et peut-être demain, de la Commission européenne. La dette a franchi la barre des 2 000 milliards d'euros, les réformes du marché du travail ou de relance de la compétitivité et de la croissance ne sont pas au rendez-vous. La question n'est pas de savoir qui est fautif, de dénoncer l'héritage mais comment le pays va s'en sortir. La nouvelle majorité sénatoriale, où l'UDI-UC jouera tout son rôle, s'est engagée dans la voie d'une opposition lucide, donc constructive comme l'a annoncé le président Larcher.

Il faut parler un langage de vérité, certes, mais surtout agir. Ce sont des actes que nous attendons, monsieur le ministre. Le dialogue avec la majorité du Sénat peut permettre d'améliorer le projet de réforme territoriale et le projet de budget et d'engager les réformes structurelles nécessaires. Êtes-vous prêt à engager ce dialogue, ou préférez-vous ne vous adresser qu'à ceux qui sont le plus à gauche et qui refusent les réformes ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je salue la présence du Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Depuis les élections du 28 septembre, il ne m'a pas échappé qu'il y avait une nouvelle majorité au Sénat. Je félicite d'ailleurs Gérard Larcher pour son élection. Je ne doute pas que nous puissions engager un dialogue fructueux. Le Gouvernement entend respecter le Sénat comme je l'ai toujours fait à ma place. Quels que soient les contours de sa nouvelle majorité, le Sénat doit poursuivre son travail et participer à l'écriture de la loi. La qualité des débats sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme, que j'avais déjà appréciée il y a deux ans, montre que nous sommes capables d'avancer ensemble, dans l'intérêt du pays.

Sur la réforme territoriale, je souhaite débattre sereinement avec vous. Sur la proposition du président Larcher je viendrai donc devant votre assemblée le 28 octobre pour une déclaration, suivie d'un débat, sur cette réforme, sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution. J'ai entendu les doutes, les inquiétudes. Nous débattrons de cette réforme majeure, juste avant que vous n'abordiez la réforme de la carte des territoires, dont j'espère que vous vous saisirez pleinement cette fois, avant d'examiner le projet de loi sur la répartition des compétences, à la fin de l'année.

Dans les prochaines semaines vont venir le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. Le Gouvernement est prêt à entendre les propositions de la majorité sénatoriale sur l'avenir de notre pays. Il faut éclairer le pays par le débat. La majorité, comme la minorité sénatoriale, apporteront une précieuse contribution. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE et UDI-UC)

Rôle de la Turquie

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC) Je remercie le Premier ministre pour sa réponse à nos collègues du centre. Le 27 janvier, à Ankara, le président de la République a fait une déclaration sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, afin de permettre à ce grand pays de « faire son évolution et de montrer de quoi il est capable ». Nous le voyons aujourd'hui : la Turquie est capable de fermer ses frontières aux Kurdes, qui veulent sauver leurs frères ; de fermer ses bases aériennes aux avions de la coalition dont il est membre; de fermer les yeux sur la tragédie, le martyre d'une ville syrienne voisine. Les images des chars massés, immobiles, à la frontière, spectateurs indifférents du drame annoncé, nous choquent, nous terrifient. J'ai recueilli en Irak les témoignages insoutenables des réfugiés chrétiens ou yazidis. Dans cette ville frontalière, il y a des femmes, pas toutes combattantes, et des civils.

Ils essaient d'échapper à une mort certaine. Qu'on ne se méprenne pas, la Turquie est un grand peuple, un pays de l'Otan, qui frappe à la porte de l'Europe mais se montre indifférent à la barbarie de l'État islamique.

Nous soutenons les efforts de la France. Mais est-il bien raisonnable, monsieur le Premier ministre, d'envisager encore l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ? Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient bloqué le processus il y a un an. Il faut clarifier l'attitude du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs UMP et plusieurs bancs UDI-UC)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Vous venez de décrire une situation dramatique, celle de Kobané, symbole du martyre du peuple kurde, avec lequel nous avons des liens forts et que nous soutenons dans cette guerre civile qui ravage la Syrie.

Nous voyons les conséquences de cette guerre pour les Kurdes, les Chrétiens d'Orient, ainsi que d'autres minorités comme les Yazidis ; nous sommes inquiets aussi pour le Liban, peuple ami et frère.

Les Kurdes livrent une lutte désespérée, loin des caméras aussi, contre la progression des djihadistes et du régime de Bachar el-Assad.

La Turquie a proposé une zone de sécurité. Nous y sommes favorables. Nous l'appelons à tout faire pour protéger les populations de Kobané, en ouvrant ses frontières aux réfugiés. Les frappes qui ont ralenti la progression de Daesh vont se poursuivre.

La Turquie est engagée dans un processus de négociation avec l'Union européenne, de long terme, qui répond à l'intérêt commun de l'Union européenne et de la Turquie.

Les négociations doivent se poursuivre. Le peuple français sera appelé, le moment venu, à se prononcer. Nous ne devons pas envoyer un message d'isolement, mais un message de responsabilité, à la Turquie qui fait face à ses frontières à une menace qui concerne l'Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes, M. Jean-Marie Bockel applaudit aussi)

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

Épidémie d'Ebola

Mme Françoise Laborde .  - L'épidémie d'Ebola qui a fait 5 000 victimes en Afrique de l'Ouest, pourrait se propager hors d'Afrique de l'Ouest ; l'OMS prévoit 5 000 à 10 000 nouveaux cas par semaine avant la fin de l'année. Les capitales de la Sierra Leone, du Liberia, de la Guinée, déjà touchées, s'attendent à une explosion du nombre de malades. MM. Obama, Hollande, Mme Merkel, M. Cameron ont qualifié cette épidémie de « plus grande urgence sanitaire de ces dernières années ». Pour MSF la situation est hors de contrôle.

Comment empêcher la propagation de cette épidémie en France ? Il est de votre responsabilité de l'envisager. Les contrôles renforcés dans les aéroports ne suffiront pas, non plus que les précautions prises pour l'heure.

Comment réagir aux premiers cas qui pourraient être détectés sur notre territoire ? Nos hôpitaux sont-ils suffisamment équipés ? Quid des traitements expérimentaux ? En aura-t-on en quantité suffisante, sans aller jusqu'à constituer des stocks de vaccins comme contre la grippe aviaire ?

Bref, la France est-elle prête ? Le sera-t-elle ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE, ainsi que sur plusieurs autres bancs)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Touraine, réunie à Bruxelles avec ses homologues pour évoquer ce sujet, précisément.

Il s'agit d'une épidémie majeure qui a connu une explosion des cas en Sierra Leone et au Liberia. L'expansion du virus suit en effet une courbe exponentielle. Nous n'en resteront pas à 9 000 cas et à 4 500 morts - chiffre sous-évalué sans doute.

La France est engagée dans la bataille et a envoyé des spécialistes en Afrique de l'Ouest. Nous lançons un appel aux volontaires pour ouvrir un troisième centre de soins dans la Guinée forestière, avec la Croix rouge et MSF. Je tiens à rendre hommage aux soignants qui, au péril de leur vie s'engagent auprès des malades - comme cette infirmière, aujourd'hui heureusement guérie.

La France a les moyens d'enrayer la menace sur son sol. En cas de fièvre, de retour d'une zone touchée, il faut appeler le 15. Un numéro vert, le 0800 13 00 00, a été mis en place, ainsi qu'un site Internet. Mardi prochain Marisol Touraine informera tous les professionnels de santé, libéraux et hospitaliers. Dès samedi, les contrôles aériens des vols en provenance de Guinée seront renforcés.

En tant qu'infectiologue, je peux vous dire à propos des traitements qu'ils sont uniquement symptomatiques : la réhydratation reste la réponse la plus efficace, et elle a pu être pratiquée en Europe avec succès, ce qui n'est pas le cas en Afrique.

La France tient toute sa place dans la lutte contre l'épidémie et prend ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; et divers bancs au centre)

Ecotaxe

M. Jean Desessard .  - C'est l'histoire d'une taxe acceptée par tous, mais que personne n'a le courage d'appliquer : la taxe poids lourds. Adoptée à la quasi-unanimité par la droite et la gauche - les écologistes et les communistes s'abstenant (rires à droite) non par principe mais au regard des modalités retenues.

La taxe poids lourds est vertueuse, elle décourage les plus pollueurs. Elle est appliquée avec succès en Allemagne - au kilomètre - ou en Grande-Bretagne - au forfait. Elle devait rapporter 1,2 milliard d'euros par an ; 760 millions d'euros à l'Afitf, 230 millions à Ecomouv, 160 millions aux collectivités et 150 millions à l'État par les recettes de TVA.

Il faut en finir avec l'idée de taxation punitive : je préfère parler de taxation réparatrice.

Nous avons un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros par an, et un dédit de 1 milliard. Comment compenser ce manque à gagner ? Par une nouvelle taxation ? Laquelle ? Et quand sera-t-elle mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et UDI-UC)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - C'est aussi l'histoire d'une taxe dont le recouvrement avait été confié à une société privée ; c'est aussi l'histoire d'une taxe qui avait prévu 40 % de frais de fonctionnement ; c'est aussi l'histoire d'une taxe qui partait d'un bon principe : pollueur-payeur. Mais pour la faire voter, on y avait introduit une bombe à retardement : ce n'étaient pas les transporteurs qui la paieraient in fine, mais les chargeurs.

Ce Gouvernement n'est pas pour grand-chose dans la signature du contrat, que nous avons tenté de bonne foi de mettre en oeuvre...

M. Éric Doligé.  - Vous l'aviez voté.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Face à l'opposition très forte qui s'est exprimée...

M. Gérard Longuet.  - Comme pour le mariage !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - ... nous avons décidé de surseoir sine die.

Le gouvernement souhaite garantir les revenus de l'Afitf et faire participer les transporteurs au financement des infrastructures. Ce matin, j'ai réuni le premier groupe de travail prévu par l'accord et j'ai annoncé que deux amendements au projet de loi de finances majoreront de 4 centimes la contribution des transporteurs, soit 320 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 200 millions d'euros supplémentaires déjà alloués à l'Afitf.

M. Éric Doligé.  - C'est injuste !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Ainsi, les financements seront garantis, et les transporteurs associés aux efforts. Nous poursuivrons les discussions avec eux pour parler de compétitivité et de dumping social. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Renationalisation des autoroutes

M. Jean-Pierre Bosino .  - Le Gouvernement est à la recherche de nouveaux financements, après la disparition de l'écotaxe. À l'évidence, la privatisation des autoroutes fut une faute économique, politique et financière. Pourtant, notre proposition de loi pour une renationalisation des concessions n'a été soutenue que par les écologistes. Le manque à gagner pour nos finances publiques s'élèvera à 37 milliards jusqu'en 2032 : au lieu de financer nos infrastructures, cet argent ira dans les poches des actionnaires de Vinci, Eiffage et autres. Il est temps que cesse ce racket. La renégociation de ces contrats est difficile, tant ils sont bien ficelés et permettent à ces sociétés d'exiger des compensations financières considérables.

Nous affirmons que seule la nationalisation apportera la clarté politique et la sécurité juridique.

M. Michel Sapin, ministre.  - On se croirait en juillet 1981 !

M. Jean-Pierre Bosino.  - De même, nous ne pouvons admettre que l'écotaxe soit à son tour remplacée par une augmentation de la fiscalité sur le diesel, faisant peser encore une fois le financement des revendications du patronat sur les ménages. Est-ce cela, une politique de gauche ?

Allez-vous enfin envisager une renationalisation des concessions autoroutières ? L'investissement public est gage de progrès économiques et sociaux, contrairement au nouveau plan de libéralisation porté par Bercy. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La privatisation des autoroutes en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin a fait l'objet en 2008 et 2013 d'observations de la Cour des comptes : prix de cession inférieur à certaines évaluations, dispositif déséquilibré au profit des sociétés concessionnaires, hausses des péages supérieures à l'inflation.

M. Simon Sutour.  - Eh oui !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Le 18 septembre, l'Autorité de la concurrence a souligné la rentabilité exceptionnelle des concessions qui s'apparente à une rente - pour 100 euros de péage, entre 20 et 24 sont du bénéfice net pour le concessionnaire - et formule 13 recommandations. Le Gouvernement a déjà limité au maximum la hausse des tarifs en 2014 et a augmenté de 100 millions, soit de 50 %, la redevance domaniale, dès 2013. Une mission d'information de l'Assemblée nationale travaille sur la question ; son rapport sera publié vers le 15 novembre.

Le Gouvernement tirera toutes les conséquences de l'avis de l'Autorité de la concurrence. Une première rencontre avec les sociétés d'autoroutes est intervenue dès cette semaine, sous la présidence du Premier ministre. Il s'agit de favoriser l'investissement, le pouvoir d'achat des usagers, et à terme l'emploi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Lutte contre la pauvreté

M. Yannick Vaugrenard .  - La journée mondiale du refus de la misère sera célébrée demain, 17 octobre, comme chaque année depuis 1997. Monsieur Larcher, vous allez recevoir les responsables des associations caritatives de notre pays, comme l'a fait votre prédécesseur : bravo pour ce bel exemple de continuité républicaine.

Nos divergences sont parfois vives : c'est le signe d'une démocratie vivante ; mais nous arrivons à nous réunir quand l'inacceptable est à nos portes. C'est le cas de la misère, qui est une atteinte directe aux droits humains.

M. Yannick Vaugrenard.  - Les hommes, femmes et enfants qui sont touchés par la misère ne sont pas des assistés, mais des ayants droit. Or la politique d'aide sert trop souvent de variable d'ajustement. « Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale », disait Simone de Beauvoir, « c'est qu'on s'y habitue ».

Soyons les porte-parole de ces sans-voix ! Un plan d'action contre la pauvreté a été adopté en 2013. Où en est-il ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Oui, demain, le 17 octobre, sera la journée mondiale de lutte contre la misère. Je sais combien cette lutte vous tient personnellement à coeur. Je salue la qualité de votre travail sur le sujet et celle des débats ici.

Le plan pluriannuel de janvier 2013 mobilise tous les ministères. Son budget a été maintenu, ce qui représente un geste fort du Gouvernement.

Le RSA augmente chaque année avec l'inflation. L'allocation de solidarité familiale a augmenté de 5 % en un an, soit 100 euros par an pour les familles les plus fragiles ; 7 000 places d'hébergement ont été créées, 117 000 nouveaux logements sociaux ont vu le jour en 2013, puis 134 000 cette année. Des mesures concrètes ont été prises, comme le chèque énergie. La couverture de la CMU a été élargie, ainsi que l'accès à l'aide à une complémentaire santé, soit 550 000 nouveaux bénéficiaires. Les crédits européens et nationaux, 32 millions d'euros par an, ont été sanctuarisés.

La garantie jeune, qui concerne huit départements, sera élargie à 40 départements en 2015. Nous travaillons à la simplification des formulaires et de l'accès au droit.

Nous ne pourrons éradiquer la pauvreté, mais nous devons la combattre ; comme l'a dit le président de la République, c'est une humiliation pour la République. Le Gouvernement est mobilisé et tous les engagements seront tenus. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Finances locales

M. François Baroin .  - (Applaudissements sur les bancs UMP et quelques bancs UDI-UC) L'économie française est en panne sèche. Vous avez préparé un projet de budget visant, et c'est heureux, à engager un processus de réduction des dépenses publiques et des déficits. Or les collectivités locales supportent l'effort le plus important de réduction des dépenses, alors qu'à 230 milliards, leurs dépenses totales sont inférieures à celles de l'État - 280 milliards - ou de la sécurité sociale - 600 milliards. Demander aux collectivités locales, c'est toucher au poste le plus faible et flatter un certain populisme qui rend les collectivités locales responsables de la gabegie de la dépense publique... (Applaudissements à droite, exclamations sur les bancs socialistes) Un effort de 38 milliards sur trois ans, c'est intenable. Combien d'emplois dans le BTP vont-ils être détruits ? Quel sera l'impact sur la croissance ? Êtes-vous prêt à piloter un groupe de travail pour discuter un calendrier de répartition de l'effort des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Vous êtes pleinement dans vos fonctions - et peut-être dans vos futures fonctions ! (Sourires) Oui, j'ai des informations, depuis mon passage au ministère de l'intérieur ! (Nouveaux sourires)

Oui, il faut faire un effort. Les chiffres sont connus : 50 milliards sur trois ans, 21 milliards pour 2015. L'État, l'assurance maladie, les collectivités territoriales doivent y prendre leur part.

Aucun ici n'a entendu un membre du Gouvernement s'en prendre aux collectivités territoriales. (On en doute à droite)

M. Didier Guillaume.  - C'était avant !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Les Français sont très attentifs à la dépense publique. Ceux qui invoquent le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses de l'État fustigent son rapport sur celles des collectivités territoriales... Je suis à l'écoute des élus, des professionnels du BTP. Je l'ai dit jeudi à Lille : je souhaite que les élus qui innovent et investissent soient encouragés et aidés. Au-delà des économies, au-delà des indispensables réformes de structure, l'investissement et la préparation de l'avenir sont nos priorités. Les contrats de plan y contribueront ; ils mobiliseront plus de 12 milliards d'euros sur six ans, dont un milliard consacré au volet territorial de ces contrats de plan.

La hausse du FCTVA ne sera pas compensée au sein des concours aux collectivités territoriales, soit une sanctuarisation de 166 millions d'euros. Le Gouvernement acceptera la majoration de son taux, proposée par l'Assemblée nationale. Je suis enfin ouvert à la discussion sur la création d'un fonds de soutien à l'investissement local, tout en restant attentif à l'équilibre budgétaire de nos comptes et aux engagements de la France. Certains de vos amis proposent une réduction drastique de la dépense publique, à hauteur de 150 milliards ; reste à voir comment, et sur qui... Quoi qu'il en soit, je vous ai entendu : rencontrons-nous vite pour travailler ensemble pour préserver l'investissement des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Demi-journée de formation des maîtres

M. Hugues Portelli .  - Hier, les maires de très nombreuses communes de France ont dû prendre en charge les enfants des écoles maternelles et élémentaires pendant une demi-journée. Il semble que cela doive se reproduire au moins deux fois cette année, en raison d'une consultation des enseignants sur les nouveaux programmes sur le temps scolaire.

Les maires ont assumé les charges liées aux nouveaux rythmes scolaires. Mais il est inacceptable que de surcroît ils doivent se substituer à l'éducation nationale et prendre en charge le temps scolaire, sur décision unilatérale de l'État. Le temps de service des enseignants comprend 108 heures dédiées à de telles actions hors heures de cours. Les maires demandent, par la voix de l'AMF, que l'éducation nationale rembourse aux communes les frais générés par cette situation, afin que l'État ne se défausse plus sur les communes, placées devant le fait accompli, pour acheter la paix sociale avec les enseignants. Ils demandent une concertation entre l'éducation nationale et les maires. (Applaudissements et « très bien » sur les bancs UMP)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Veuillez excuser Mme Najat Vallaud-Belkacem, en partance pour la Guyane. Le ministère de l'éducation nationale a engagé une vaste concertation sur les programmes qui engagent l'avenir de la Nation, de ses jeunes. Elle est d'une ampleur exceptionnelle. Les deux tiers des académies sont mobilisées, et 800 000 membres du personnel concernés, y compris les agents territoriaux qui relèvent du personnel communal.

Des consultations entraînant une demi-journée banalisée ont été menées précédemment sur des réformes menées dans les lycées et collèges. Les recteurs ont préconisé une concertation sur les dates des prochaines consultations afin de tenir compte des contraintes, notamment en milieu rural. Des contestations ont eu lieu devant les juges administratifs et certains médecins, aussi la tenue de certaines de ces consultations sont-elles susceptibles d'évoluer, en fonction des réserves, qui ont été entendues. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Apprentissage

M. François Patriat .  - Relancer l'apprentissage, c'est relancer l'emploi et redonner espoir aux jeunes. (Exclamations à droite) Or l'apprentissage va mal : le nombre d'apprentis a baissé en 2013 et 2014. (On le déplore sur les mêmes bancs) Le 16 septembre, lors des Assises de l'apprentissage, le président de la République a annoncé la relance de l'apprentissage avec 100 millions pour les filières et 80 millions pour l'hébergement ; le 19 septembre, le Premier ministre a annoncé une prime de 1 000 euros attribuée aux entreprises employant jusqu'à 250 salariés s'ajoutant aux 1 000 euros versés à celles qui ont moins de 11 salariés. Ce dispositif s'applique-t-il dès maintenant ?

Les normes de sécurité relatives aux apprentis mineurs sont trop draconiennes. Comptez-vous les alléger, comme François Rebsamen s'y est engagé, afin de ne pas dissuader les jeunes de s'engager dans ces filières d'avenir ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser l'absence de François Rebsamen, retenu à Luxembourg pour un Conseil européen pour l'emploi.

L'apprentissage est une priorité. Malgré des résultats excellents, le nombre d'apprentis a diminué de 8 % en un an.

Le président de la République a réuni une grande conférence pour y remédier. Dans le prochain budget figureront 300 millions d'euros supplémentaires pour financer la prime de 1 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et celle de 2 000 euros pour les très petites entreprises.

Des dispositions de simplification sont en cours de mise en oeuvre. Les conditions de travail en hauteur ont été assouplies, notamment pour les couvreurs. Le Gouvernement entend néanmoins maintenir les mesures de protection de la sécurité des jeunes ; une concertation est en cours à ce sujet. Le ministre du travail saisira en novembre le Conseil d'orientation sur les conditions de travail ; des réponses seront apportées le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.

Avis sur un projet de nomination

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre, par lettre en date du 12 septembre 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de Mme Stéphane Pallez pour exercer les fonctions de président-directeur général de La Française des jeux. Cette demande d'avis a été transmise à la commission des finances.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation. Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission des lois.

Lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, il va être procédé à la nomination des membres de celle-ci.

La liste des candidats a été publiée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire : en tant que titulaires : MM. Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Jean-Patrick Courtois, Michel Mercier, Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Mme Éliane Assassi ; en tant que suppléants : Mme Esther Benbassa, MM. Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Jacques Mézard, François Pillet.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Mercier .  - Notre discussion a été de grande qualité, grâce au travail efficace des rapporteurs et de M. le ministre. On a évoqué l'exigence d'équilibre entre sécurité et protection des libertés. Le problème ne se pose pas en ces termes car il n'y a aucune contradiction entre les deux. L'exercice des libertés suppose l'éradication du terrorisme. Il faut pour cela utiliser les armes de la démocratie ; nous avons su le faire.

Restera à la CMP à éclaircir les points restant en débat. Notre groupe votera ce texte.

M. Christophe-André Frassa .  - Le groupe UMP votera ce texte. La lutte contre le terrorisme est un impératif permanent des pouvoirs publics. La commission des lois a effectué un travail remarquable, et je remercie Alain Richard et Jean-Jacques Hyest pour leur engagement.

Ce projet de loi remplira ses objectifs. Nous regrettons que des questions telles que la déchéance de nationalité, la fraude aux prestations sociales ou les conditions d'incarcération des personnes condamnées pour terrorisme n'aient pas été abordées. L'équilibre sécurité-liberté est toutefois garanti ; ce qui est l'essentiel.

Mme Leila Aïchi .  - Je regrette que M. le ministre ait pu être blessé par les propos que j'ai tenus hier et retire la référence à Éric Zemmour et à Marine Le Pen.

À M. Sueur je veux toutefois dire que la diversité de notre assemblée tient à nos origines différentes mais aussi à la divergence de nos opinions. Nos débats sont parfois vifs, cela ne justifie pas que l'on insinue que je pourrais cautionner un seul instant le départ de ces jeunes vers des actions de mort. Le prétendre est indigne.

Je maintiens que les exigences constitutionnelles sont fondamentales et que les dispositions de ce texte leur portent une atteinte disproportionnée. L'interdiction de sortie du territoire doit rester le monopole de l'autorité judiciaire. Le Syndicat de la magistrature, l'Ordre des avocats de Paris, le Syndicat des avocats de France, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, Human Rights Watch et de nombreuses organisations s'en inquiètent.

Si la lutte contre le terrorisme est une priorité, pourquoi ne pas prioritairement augmenter les moyens des services ? Monsieur le ministre, je vous propose de vous accompagner dans les beaux quartiers comme dans les quartiers en difficultés pour parler de terrorisme avec les Français.

Vous l'aurez compris, je ne voterai pas ce texte.

Mme Éliane Assassi .  - Aucune complaisance avec le terrorisme n'est admissible. Mais le concept est flou, comme en témoigne l'affaire de Tarnac. Et nombre de personnes qualifiées de terroristes finissent ensuite encensées par l'Histoire, à l'image de Nelson Mandela.

Élaboré et présenté dans l'urgence, ce texte n'aborde pas le démantèlement des réseaux terroristes et l'assèchement de leurs ressources. Comment se fait-il que l'on ne fasse rien contre certains États pourtant bien identifiés ? Tant que nous n'attaquerons pas le terrorisme au coeur, il continuera à profiter de la mondialisation financière et des facilités qu'apportent les technologies de l'information et de la communication. Notre future commission d'enquête devra aborder ces questions.

Après le rejet de tous nos amendements, nous voterons contre ce projet de loi, cheval de Troie d'une nouvelle extension de la législation sécuritaire.

Mme Nathalie Goulet .  - J'aurais aimé que nous soyons plus nombreux pour débattre de ce texte important. Mme Assassi évoque les circuits financiers. J'ai déposé des amendements à ce sujet. La commission d'enquête qui sera mise en place dans quelques jours répondra, j'en suis sûre, à de nombreuses questions. N'oublions pas les nombreuses conventions internationales qui sont en attente d'examen.

Reste que le débat a été de grande tenue. Nous votons aujourd'hui un texte de circonstance et d'urgence.

Je reviens d'Arabie séoudite ; ce pays, non sans schizophrénie, pense qu'il faut des années pour venir à bout du problème posé par les repentis du djihadisme. Autant dire que nous devons nous préparer à un combat long qui ne sera pas gagné avec seulement des mesures répressives.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Madame Aïchi, je suis habitué à des débats d'un certain ton, fondés sur le respect réciproque. J'ai réagi hier car vos propos à l'égard de M. Cazeneuve, le comparant à la fois à M. Bush, à M. Zemmour et à Mme Le Pen, n'étaient pas acceptables. (Mme Esther Benbassa proteste) Je n'y serais pas revenu si Mme Aïchi ne venait de le faire.

Il y aura une commission d'enquête, c'est une bonne chose. Nous travaillerons sur la prévention dans les établissements scolaires et dans les quartiers, ainsi que sur les circuits financiers.

Le groupe socialiste apporte un soutien total à ce texte. Certains de nos amendements s'éloignaient des positions du Gouvernement : c'était pour mieux protéger les libertés. Nous y sommes tous attachés, comme nous sommes attachés à la lutte contre le terrorisme. Il serait irresponsable de ne rien faire. Ce texte ne règlera pas tout, mais nous aurons fait notre possible.

Nous sommes attachés à la liberté d'expression sur Internet aussi, mais le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie, l'apologie du terrorisme ne sauraient échapper à la sanction légalement prévue du seul fait qu'ils s'expriment sur Internet. (Mme Esther Benbassa applaudit)

Mme Esther Benbassa .  - Ni la commission des lois, ni le ministre n'ont souhaité sortir de leurs platebandes pour protéger davantage les libertés, et je ne parle pas de celle des terroristes. Notre groupe rend hommage à votre volontarisme, monsieur le ministre, dans la lutte contre cette menace. Mais pourquoi avons-nous passé tant d'heures en commission sans parvenir à vous convaincre de préserver les libertés ?

Sans prévention, pas de remède. Une loi n'a jamais mis fin à la folie ou à la violence. Sortons de l'affichage. Évitons de faire tomber nos concitoyens dans la peur. Il faut des actes, plus que des mots, pour éviter que la dérive totalitaire ne menace les générations suivantes.

Nous voterons contre ce projet de loi.

M. François Fortassin .  - Le RDSE se félicite de l'adoption de nouvelles mesures de lutte contre le terrorisme. Le Sénat a choisi le respect du principe du contradictoire. Nous espérons que l'IST n'ouvrira pas de brèche dans notre droit. Cette sanction doit compléter les mesures de prévention et d'assistance - numéro vert, plateforme d'assistance, etc.

L'adaptation du droit à des réseaux transnationaux est un défi pour aujourd'hui comme pour demain. Internet ne peut rester un no man's land juridique.

Le groupe RDSE approuvera majoritairement ce texte.

À la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente - Voici le résultat du scrutin n°2 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 317
Contre 28

Le Sénat a adopté le projet de loi.

(M. Jean-Pierre Sueur applaudit)

M. Bernard Cazeneuve, ministre .  - Je remercie sincèrement tous les parlementaires qui se sont mobilisés. Les débats ont été de qualité, et ont permis d'améliorer le texte. Chacun a pris la mesure du risque. L'équilibre de ce texte est préservé, entre protection des Français et protection de leurs libertés. Il est toujours délicat à trouver. Mais je n'aurais jamais défendu ce texte si j'avais pensé qu'il pût menacer, fût-ce à la marge, les libertés individuelles. Au contraire, il arme notre démocratie contre la peur car celle-ci serait une victoire du terrorisme. Ce texte nous en préserve. Encore merci à tous.

Adaptation au droit de l'Union européenne (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

Discussion générale

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - J'ai l'honneur de vous présenter ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne. Ce n'est pas le premier de ce type. Le précédent date toutefois d'il y a deux ans, et celui-ci est le plus riche dont la commission des finances ait eu à connaître. Je remercie M. Yung pour son remarquable travail.

La crise financière a conduit a de substantielles avancées juridiques en matière économique et financière au sein de la zone euro. Ce projet de loi en prend acte et autorise le Gouvernement à procéder, sur certains points, par ordonnances. Vous n'en serez pas moins associés à la rédaction précise de certaines dispositions.

3

Les articles premier et 2 transposent les directives relatives à la résolution bancaire et à la garantie des dépôts, publiées au printemps. Ces directives parachèvent l'Union bancaire, avec le règlement relatif au mécanisme de résolution unique pour la mise en oeuvre duquel le Gouvernement sollicitera une habilitation par voie d'amendement. Cette Union bancaire repose sur plusieurs piliers. Ce fut d'abord un mécanisme de supervision unique pour les 120 plus grands groupes bancaires de la zone euro. Une deuxième étape a été franchie avec la finalisation d'un mécanisme de résolution unique organisant un cadre de faillite ordonnée pour les établissements financiers. Grâce à quoi seront définis l'ordre et le montant des pertes devant être supportées, en cas de résolution, par les diverses parties concernées.

Sur notre insistance a également été créé un Fonds de résolution unique dont les modalités de fonctionnement sont encore en discussion. Un projet de loi de ratification de l'accord qui l'institue vous sera bientôt soumis.

Les règles prudentielles ont en outre été renforcées. Les normes dites CRDIV seront bientôt intégralement transposées, tout comme la directive « Solvabilité II », qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016. La transposition de la directive « Transparence » profitera aux PME ; elle allonge à trois mois le délai de publication des informations de gestion ; supprime l'obligation d'information trimestrielle, qui incite au court-termisme.

Une directive comptable unique a en outre été adoptée en juin 2013, qui simplifie les normes comptables d'1,5 million d'entreprises. L'adaptation de notre code de commerce est nécessaire : elle se fera à principes constants.

Cette directive accroît aussi la transparence des entreprises extractives et leur responsabilité sociale : elles devront publier annuellement toute information sur leur lien financier avec les pays dans lesquels elles exercent leur activité. La France promeut l'adoption de telles règles pour tous les pays du G20 et l'extension de ces mesures à la publicité sur Internet.

Ce texte transpose aussi des directives renforçant la protection des consommateurs en matière de crédits immobiliers. L'activité d'intermédiaire sera mieux encadrée. Les recours amiables des consommateurs seront facilités grâce à la médiation conventionnelle.

Ce projet de loi est cohérent avec les orientations politiques du Gouvernement : canaliser la finance, simplifier la vie des entreprises tout en les appelant à la responsabilité, protéger les Français, notamment les plus modestes, dans leur vie de consommateurs. Ces dispositions reflètent les travaux poursuivis au niveau européen et répondent aux besoins de nos compatriotes.

Je sollicite par conséquent leur adoption. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances .  - Notre texte répond au doux nom de « DDADUE ». Son contenu est plus âpre que son titre : il s'agit tout simplement d'adapter notre droit à celui de l'Union européenne, dont l'évolution a été rendue nécessaire par la crise.

Les choses, en effet, ont avancé. Nous avons beaucoup progressé, notamment grâce au commissaire Michel Barnier. Une quarantaine de textes importants ont été pris à Bruxelles, qu'il nous revient à présent de transposer.

Tous les secteurs de la régulation, tous les produits sont concernés - jusqu'au shadow banking. Certains sujets ont été consensuels, d'autres moins.

Les directives doivent être transposées en droit national, les règlements étant, eux, d'application directe mais exigeant parfois des textes de mise en oeuvre. Or l'Union européenne est de plus en plus directive, si j'ose dire, en imposant « l'harmonisation maximale », soit, pour nous, minimale. Notre marge de manoeuvre est faible.

Le projet d'Union bancaire visait à briser le lien entre les banques et les dettes souveraines. Premier pilier, le mécanisme de surveillance unique (MSU) entre en vigueur le 4 novembre. Il s'agit de faire surveiller les 120 plus grandes banques de la zone euro par une unité spéciale de la BCE. Les équipes multinationales sont déjà au travail et étudient en ce moment le bilan des banques.

Deuxième pilier : le mécanisme de résolution unique (MRU), soit l'ensemble des règles et procédure de gestion et de financement des crises bancaires. Nous ne voulons plus qu'on en appelle au contribuable, comme le Royaume-Uni l'a fait pour Northern Rock ou la Royal Bank of Scotland. C'est la directive dite « BRRD », qui harmonise les procédures. Si les choses empirent, elle fixe un ordre d'appel des créanciers ; et si cela ne suffit pas, on passe au fonds de résolution.

Ce mécanisme de résolution repose sur un règlement et sur les modalités de répartition de ce fonds, abondé à hauteur de 55 milliards d'euros sur huit ans par les banques européennes.

L'article 2 bis adapte notre droit au règlement MRU. Pour qu'il soit effectif, l'accord intergouvernemental (AIG) devra être ratifié. C'est un compromis entre les États et la Commission, dont il faut espérer qu'il marchera. Le mécanisme est censé permettre une décision dans les 32 heures - par exemple entre le vendredi 17 heures et la réouverture des marchés le lundi...

La question du financement est en cours de négociation à Bruxelles. Pour l'instant, le principal critère retenu pour la répartition serait le total du bilan, ce qui n'est guère favorable à la France, dont le système est centralisé autour de grandes banques -  celles-ci participeraient à hauteur de 30 %. On peut en imaginer d'autres, dont le risque bancaire. Nous soutenons le Gouvernement dans la négociation, afin de pondérer de manière plus raisonnable la participation des banques françaises. D'où notre amendement, qui soumet notre ratification de l'AIG à la connaissance des critères de répartition retenus. Le Parlement français doit jouer pleinement son rôle.

Je ne reviens pas sur le troisième pilier, le fonds de garantie des dépôts, qui devient en partie communautaire.

La directive Solvabilité II, très complexe, vise à renforcer les fonds propres des assureurs et le mode de calcul de leur risque. Bien qu'ils aient poussé de hauts cris, in fine, l'accord paraît globalement satisfaire toutes les parties.

Le paquet « MIF II », vise à favoriser la concurrence et faire baisser les prix sur les marchés financiers.

L'article 8, enfin, est un instrument pour lutter contre la corruption et non contre l'évasion fiscale, dans les industries minières, extractives et forestières qui ont parfois des pratiques discutables.

Ce projet de loi compte nombre d'habilitations autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Le Parlement ne les aime guère et reste sourcilleux sur le dessaisissement de ses prérogatives législatives. J'ai examiné l'opportunité de chaque habilitation. Pour l'essentiel, les demandes du Gouvernement sont raisonnables et justifiées au regard de la grande technicité des textes. Les actes d'exécution que doit prendre Bruxelles tardent, ce qui ne facilite pas les choses.

La commission des finances a adopté plusieurs amendements, sur le MRU, la restriction du champ de certaines habilitations, les contrats d'assurance-vie et les délais des décisions de la cour d'appel de Paris sur les décisions de l'AMF. J'y reviendrai.

Je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin .  - Il a fallu la crise majeure de dettes souveraines pour que l'Union européenne comprenne la nécessité d'une interprétation économique plus poussée. Le RDSE a soutenu tous les textes allant dans le sens de l'harmonisation et de la régulation, à commencer par le projet de loi de séparation bancaire.

Plusieurs articles de ce projet de loi visent à transposer des directives européennes, certains par la voie des ordonnances. La technicité des mesures le justifie. Le contribuable ne doit plus être le dindon de la farce. Près de 400 milliards d'euros ont été versés pour la recapitalisation et le sauvetage d'actifs au sein de la zone euro. Les contribuables européens n'ont pas à faire les frais des appétits des financiers et de l'irresponsabilité de quelques-uns. On ne peut plus faire confiance à l'autorégulation.

Les trois premiers articles du projet de loi placent le contribuable comme contributeur de dernier ressort. Il faudra veiller à une juste répartition des contributions au fonds de résolution, les plus vertueux ne devant pas être les plus gros contributeurs. Le critère de répartition actuel n'est pas favorable à la France, on l'a dit. Au moment où notre économie a plus que jamais besoin du soutien de ses banques, il serait anormal que les établissements français, parmi les plus vertueux et les plus solides, soient pénalisés. Le plus vertueux serait le payeur ? Oui à la solidarité, mais aussi à l'équité dans l'effort.

Ce projet de loi DDADUE répond à plusieurs de nos engagements européens. Le RDSE l'approuve sans réserve. L'assainissement du secteur financier de la zone euro doit avant tout viser à soutenir la croissance et l'emploi. Soutenir les banques, oui, à condition qu'elles remplissent leur mission : dynamiser l'économie réelle.

M. Vincent Capo-Canellas .  - Ce projet de loi est une victoire pour l'Union européenne et la construction de l'Union bancaire, rendu pleinement opérationnel deux ans seulement après les premières propositions de M. Barnier. Le groupe UDI-UC se félicite de l'émergence d'un droit financier européen ambitieux. Cela fait six ans que la faillite de Lehman Brothers a révélé le risque systémique, avec à la clé une crise bancaire sans précédent. La crise du monde de la finance s'est propagée à l'économie réelle, en France et ailleurs. Les banques ne sont pas comme les États, elles sont mortelles. Et l'information a manqué. En 2011, Dexia avait passé haut la main le stress test européen avant de s'effondrer deux mois plus tard...

Ce projet de loi répond aux enjeux majeurs de stabilisation du secteur financier en transposant pas moins de 13 directives ou règlements. Un cadre juridique intégré est nécessaire au retour de la confiance dans le système financier. Le groupe UDI-UC se réjouit de l'aboutissement de cet important travail.

Quelques réserves néanmoins. Nos débats en commission des finances sur la consolidation du FRU méritent d'être poursuivis. La France est la grande perdante pour le moment des négociations en cours. Le système bancaire français est très concentré, quand le système allemand s'appuie sur un réseau beaucoup plus diffus, avec des établissements dont la solidité financière pose parfois question. Les banques françaises seraient donc davantage mises à contribution. Est-ce légitime ? L'Allemagne n'a pas à avoir un comportement de passager clandestin.

La méthode de transposition massive, dans un seul projet de loi, de textes européens est-elle la plus pertinente ? Pareil paquet législatif aurait pu donner lieu à deux voire trois textes, et donc à un débat parlementaire plus approfondi.

Enfin, le recours aux ordonnances pose toujours problème. La commission des finances a trouvé un équilibre satisfaisant.

Je remercie le rapporteur pour son travail. Nombre d'autres directives sont toujours en chantier, le débat a vocation à se poursuivre.

Dans l'attente, le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. (Applaudissements au centre)

M. Francis Delattre .  - Le monde d'aujourd'hui est multipolaire : les États-Unis et la Russie ne sont plus seuls, la Chine et d'autres sont devenus plus qu'émergents, submergents. L'Union européenne, première économie du monde, est souvent remise en cause par de forts relents nationalistes. C'est une cathédrale admirable, mais construite sur des fondations mal ancrées... L'euro a été créé sans union bancaire, sans vision politique commune, sans harmonisation fiscale. Il a fallu l'électrochoc de la crise financière et des dettes souveraines pour prendre conscience de la fragilité de l'édifice.

L'Union bancaire vise à le consolider. Elle repose sur trois piliers : le MSU, le MRU, le FRU. Le MSU a été mis en place en 2013 avec des stress tests européens. Le MRU doit l'être au 1er janvier 2016 après la ratification de l'AIG. Il concernera 6 000 banques et sera financé par un fonds, le FRU, alimenté par celles-ci. C'est une étape essentielle de la construction d'un cadre commun devant permettre à l'Union européenne de faire face, financièrement et politiquement, à des défaillances lourdes.

La directive BRRD de 2014 sur la résolution prévoit que les épargnants doivent être le dernier recours, après les actionnaires et les créanciers. Le financement du FRU repose sur les banques elles-mêmes, à hauteur de 55 milliards d'euros. Des négociations sont en cours entre les États et la Commission pour définir la méthode de calcul de la répartition des contributions : c'est le point d'achoppement. Sans prise en compte du risque, les banques françaises seraient les premières contributrices, à hauteur de 2 milliards d'euros par an, bien plus que les banques allemandes, alors que le PNB de notre voisin est supérieur de 30 % au nôtre. Cela impacterait leur capacité à financer notre économie. En France, nous n'avons pas de fonds de pension : 90 % des investissements des entreprises se font via des crédits bancaires. Or Bâle III a déjà conduit les banques à restreindre leurs crédits.

L'Allemagne, c'est l'industrie ; la France, c'est les services, la banque, l'assurance. N'écornons pas une des forces de notre économie. Le Gouvernement doit plaider pour une méthode de calcul qui ne pénalise pas notre économie. Peut-il s'engager en ce sens ? Où en sont les négociations ? La commission des finances a utilement conditionné le MRU à la ratification de l'AIG. Nos amis allemands aiment volontiers s'abriter derrière la position du Bundestag ou de la Cour de Karlsruhe ; le Gouvernement peut dire : j'ai un Parlement, moi aussi... Le Parlement s'intéresse à l'AIG mais aussi à la négociation avec la Commission. Une étude d'impact des risques économiques serait d'ailleurs bienvenue.

Le texte ne touche pas qu'à la régulation, d'autres dispositions sont intéressantes comme la garantie des dépôts - la réduction du délai d'indemnisation des déposants est une innovation bienvenue - ou la transposition de la directive « Solvabilité II », d'une grande technicité, par ordonnance. On peut regretter que le Parlement en soit dessaisi, le texte refond tout le régime prudentiel des activités d'assurance et de réassurance en Europe.

Autre transposition importante, celle de la directive « Transparence ». L'obligation de publication annuelle des sommes versées, projet par projet, par les entreprises extractives et forestières aux autorités publiques des États où elles exercent sera très utile. Plusieurs autres mesures bienvenues concernent la protection des consommateurs, comme l'édiction de règles de bonne conduite des prêteurs immobiliers ou le renforcement de la médiation.

Si les ordonnances ont le mérite de la rapidité, elles dessaisissent le Parlement de ses prérogatives. Je félicite M. Yung (exclamations), eh oui !, qui a proposé à la commission des finances de limiter le champ des habilitations.

Ce projet de loi est un peu fourre-tout, d'autant que le Gouvernement a ajouté de nouveaux articles par amendement à l'Assemblée nationale. Le groupe UMP s'abstiendra, en attendant le résultat des négociations en cours. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. André Gattolin .  - Les lois de transposition du droit européen sont toujours d'abord assez ardu, surtout en matière économique et financière. Celui-ci est largement d'habilitation à légiférer par ordonnance. Certes, les sujets sont très techniques, mais le Parlement ne doit pas pour autant se dessaisir de ses prérogatives. Cela vaut d'ailleurs aussi au niveau européen - je vous renvoie à l'excellent rapport de M. Sutour sur l'abus des actes délégués.

Je me félicite que les députés aient supprimé l'habilitation de l'article 21 relative à l'utilisation des données du secteur public, sujet qui mérite un vrai débat au Parlement.

Les règles de calcul de la participation au fonds de résolution unique sont en l'état trop défavorables aux banques françaises. Sur la forme, je soutiens la position du rapporteur, qui conditionne la ratification à celle de l'AIG. On ne peut décider tant que toutes les données ne sont pas sur la table. Reste que nos banques sont exposées à des risques importants - quatre des vingt plus grandes banques au niveau mondial sont françaises. Il serait déplacé de ne pas tenir compte de leur participation au risque systémique. De plus, avec la déductibilité des contributions de l'impôt sur les sociétés, c'est bien l'État, in fine, qui financera le FRU...

L'article 8 traite de la transparence de l'activité des industries extractives et forestières. L'exploitation des ressources naturelles se solde trop souvent par des atteintes à l'environnement, la spoliation des populations et des conflits armés. La publication régulière des paiements aux autorités publiques est une avancée, mais la formulation reste ambiguë. J'ai déposé un amendement sur cet article.

L'article 5, relatif à la responsabilité civile des exploitants nucléaires, a retenu l'attention de l'écologiste que je suis. Cette responsabilité est limitée à 91 millions d'euros ; un texte vieux de dix ans et qui n'est jamais sorti, prévoyait de la porter à 700 millions d'euros. Montant dérisoire comparé au coût d'un accident modéré, 70 milliards, et plus encore d'un accident de type Fukushima, évalué par l'IRSN entre 600 et 1 000 milliards. C'est donc l'État qui est l'assureur final. Quid de la compatibilité avec le droit de la concurrence ? Et l'article 34 de la Lolf prévoit que les garanties d'État sont décidées en loi de finances. Quelle est l'analyse du Gouvernement ?

Malgré ses manques, le processus de régulation est en marche au niveau européen, nous nous en félicitons. Nous voterons ce texte. Faisons preuve de volontarisme ! J'espère donc que vous réserverez un sort favorable à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Bocquet .  - Le sujet est d'importance : il s'agit de renforcer la transparence et la régulation. La transposition de ces directives est une belle occasion pour exiger un reporting, pays par pays, pour les industries extractives et forestières. Nous ne pouvons être plus frileux que l'Union européenne en la matière !

Nous avons, avec les groupes écologiste et centriste, déposé des amendements étendant l'obligation de reporting à tous les territoires, y compris les paradis fiscaux. Rappelons que la banque de Wallis et Futuna n'est qu'une filiale de BNP-Paribas, banque systémique, capable de faire face, sans trembler, à une amende record...

C'est donc de vigilance extrême qu'il nous faut faire preuve, lorsque la régulation recule, alors que les États-Unis, la Norvège ont adopté des normes tendant à imposer la publicité des paiements effectués par les entreprises extractives aux États, et que le Canada l'envisage. La France doit fixer un standard très ambitieux pour les banques aussi. Un maximum d'informations - noms, chiffres d'affaires, subventions publiques - devront être rendues publiques. En commission des finances, M. Yung nous a incités à adopter des dispositions qui ne soient pas très « intrusives ». Qu'est-ce à dire ? Jusqu'où doit aller la transparence ? Il faudra trancher ce débat.

Quant aux ordonnances, nous ne pouvons nous en satisfaire. La commission d'enquête a souhaité que les parlementaires soient associés à la rédaction des ordonnances, sur les règles prudentielles et assurantielles, comme sur le mécanisme de résolution mutuelle. (Mme Nathalie Goulet applaudit)

La crise de 2008 fut un accident industriel de la régulation financière tous les risques n'ont pas disparu, loin de là, alors que le nombre de millionnaires est toujours plus grand, 35 millions selon Les Echos. Faute de reprise de nos amendements, nous nous abstiendrons, comme sur la loi bancaire de 2013. (Applaudissements ; M. André Gattolin et Mme Nathalie Goulet applaudissent aussi)

M. Jacques Chiron .  - Les dispositions de ce texte sont diverses, variées et complexes. M. Yung les a bien exposées.

Deux avancées sont particulièrement intéressantes, sur l'Union bancaire et sur les obligations de transparence imposées aux industries minières, extractives et forestières.

Les États ont estimé qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de sauver les banques, après la crise de 2008, parce qu'il n'y avait pas de MRU à l'époque : c'est le contribuable qui a payé. La réponse ? C'est l'Union bancaire, dont le projet de loi transpose deux piliers en droit français. Le quatrième pilier sur la mutualisation sera prochainement examiné en commission des finances. Il faut que la contribution au FRU ne pénalise pas les établissements français. Les autorités de régulation seront dotées de pouvoirs d'autant plus importants que la situation sera grave.

Les dispositions relatives à l'Union bancaire sont assez consensuelles. Elles répondent à la légèreté de certaines banques, qui se pensaient trop importantes pour que le contribuable se désintéresse de leur sort.

Ce dispositif va dans le sens d'une finance assainie, un peu moralisée.

L'Union européenne répond aux demandes exprimées par les ONG pour améliorer la transparence des industries minières, pétrolières, etc. En Afrique, les conditions d'installation des grands groupes occidentaux sont parfois scandaleuses.

M. Richard Yung, rapporteur.  - C'est vrai.

M. Jacques Chiron.  - Ainsi le PIB par habitant de la Guinée équatoriale est-il proche de celui de la Pologne, alors que deux tiers de sa population vit avec moins de un dollar par jour. Il n'est un secret pour personne que le Royaume-Uni et l'Allemagne n'étaient guère enthousiastes. Il faut savoir gré à M. Barnier d'avoir pris à bras-le-corps le problème.

Je me félicite que le projet de loi complète le texte initial, en précisant certaines dispositions afin qu'elles ne facilitent pas le contournement des règles de transparence - ainsi de la double publicité. Cette demande a été formulée à plusieurs reprises devant la commission d'enquête du Sénat par les ONG.

Il est probable que les moyens de contrôle soient insuffisants. Néanmoins, ce texte est une première pierre. Le cap doit être tenu. Il instaure la transparence comme idéal. Il entre dans le cadre global de la lutte contre les firmes multinationales hors-sol qui échappent à leurs obligations à l'égard des territoires où elles développent leurs affaires.

J'évoque quelques bonnes nouvelles. Le gouvernement irlandais a annoncé la fin du système fiscal très avantageux dont bénéficient les entreprises sur son sol. L'échange des données avec le Luxembourg, l'Autriche, le Lichtenstein, et la Suisse, que la France s'emploie à accélérer, doit aussi être mentionné. Monaco et Andorre devraient suivre. Nous assistons au retour du politique en matière financière et fiscale. Les lignes bougent, grâce à la coalition d'États, d'organisations internationales et d'ONG, dans un souci de transparence, pour une plus grande justice.

Je félicite le rapporteur.

Le groupe socialiste votera ce texte. (MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent)

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État .  - Merci pour votre contribution approfondie à l'élaboration de ce texte de transposition. J'insiste sur l'avancée que constitue le FRU, qui protègera mieux le contribuable, pour la zone euro, conformément au voeu de notre nouveau prix Nobel d'économie. Monsieur Capo-Canellas, le Gouvernement s'implique dans la négociation en cours entre la Commission et les États membres. Notre modèle sera préservé. Le Gouvernement est déterminé à trouver un accord équitable pour le secteur bancaire.

Nous veillons à ce que le résultat des négociations soit équilibré et ne pénalise pas notre secteur bancaire. Nous veillerons à ce que les financements intergroupes ne soient pas doublement fiscalisés, à reconnaître les accords de compensation sur les contrats dérivés et à limiter les effets des variations de taux liés au passage d'un fonds national à un fonds européen.

Sur l'article 8, le Gouvernement français a joué un rôle très actif à Bruxelles, pour aboutir à un dispositif ambitieux. Nous avons été en tête sur ce sujet cher aux ONG et à la société civile. Nous sommes allés au-delà des exigences de la directive, en prévoyant la publication sur Internet. Certaines dispositions ont été alourdies à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement est allé le plus loin possible, tout en préservant un équilibre qui fut difficile à obtenir au niveau européen. Aller plus loin, pénaliserait les entreprises françaises par rapport aux autres entreprises européennes.

Il est déjà très significatif d'obliger les grandes sociétés à publier des rapports consolidés, que leur activité d'extraction soit exercée par une filiale ou non. Merci, monsieur Chiron, pour votre soutien.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Nathalie Goulet .  - Voici un texte important, qui engage la vie économique, en présence de sénateurs qui ont de la suite dans les idées, pour avoir participé à la commission d'enquête sur l'évasion fiscale, même si nous l'examinons rapidement. Nous continuons notre bonhomme de chemin. J'ai dans mon parapheur une lettre au président du Sénat, demandant, conformément à la recommandation de la commission d'enquête, la création d'une délégation permanente sur la fraude et l'évasion fiscales, à laquelle son prédécesseur n'avait pas donné suite. Je l'envoie à M. Gérard Larcher aujourd'hui même.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de porter atteinte, ni à l'économie nationale, ni à celle de plusieurs pays qui sont victimes de certaines pratiques non transparentes.

Sur Internet aussi, le blanchiment sévit. Nous venons de voter un texte relatif au terrorisme. Les deux sujets sont connexes. Madame la ministre, il faut aussi suivre ce sujet, sur lequel la France pourrait être très en avance.

M. Éric Bocquet .  - Je ne reviens pas sur la procédure. Il faudrait éviter que l'Union bancaire s'inspire du principe simpliste : « Faites comme bon vous semblera quand la crise viendra ».

Ce débat pose la question de l'affectation des ressources du crédit à l'économie réelle, au regard de la prétendue « création de valeurs », dont se gargarisent trop souvent les spéculateurs.

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 2 BIS

M. Éric Bocquet .  - Cet article porte sur le MRU destiné à prévenir toute crise bancaire systémique. BNP, CA, SG, figurent dans le top 10 européen : cela ne peut être sans conséquence sur les contributions qui leur sont demandées.

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« X.  -  Les contributions au Fonds de résolution unique, telles que visées à la section 1 du chapitre 2 du règlement (UE) n° 806/2014, ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »

M. André Gattolin.  - Depuis l'introduction de l'euro, jusqu'en 2008, la dette publique en moyenne était de 70 % du PIB. Depuis, on en est à 90 % en moyenne, pour solder la crise bancaire et la crise des subprimes aux États-Unis, aux frais du contribuable.

La contribution au FRU n'est pas une charge, mais une réserve.

Si l'on retient comme ordre de grandeur de la part française 30 % des 55 milliards, la déductibilité fiscale actuellement prévue représente environ 5,5 milliards de manque à gagner pour l'État sur huit ans.

M. Éric Bocquet.  - Très bien ! Tout à fait d'accord.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Argument réel. Une perte fiscale de 650 millions mérite qu'on s'y arrête. J'ai hésité, sur cet amendement.

On ne peut pas parler de réserves : les versements vont au fonds, lequel doit devenir progressivement un fonds unique. Il n'est pas prévu de ramener ces réserves aux banques. Les banques françaises contribuent déjà pour un peu plus d'un milliard à la taxe systémique, destinée au budget général, que ne supportent pas les banques allemandes.

Le taux de l'impôt sur les sociétés étant de l'ordre de 33 %, les pertes sont évaluées à 650 millions d'euros. Les banques allemandes ont d'autres mécanismes de compensation. Le taux de 33 % se ramène à 24 % ou 25 %... La commission a décidé de ne pas suivre l'amendement, bien qu'il ait quelque mérite.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes.  - Ce texte n'est pas approprié à l'ouverture de ce débat. Ces contributions sont encore en discussion, comme l'a rappelé Mme Lemaire. Nous n'en connaissons pas précisément le montant. Surtout, les questions de fiscalité relèvent de la loi de finances.

Bien sûr, il faudra être attentif aux effets du mécanisme sur la fiscalité.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Delattre.

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exclusion des activités des mutuelles de santé relevant du code de la mutualité 

II. - Alinéa 3

Supprimer les mots :

, des mutuelles et unions relevant du code de la mutualité

M. Francis Delattre.  - Les prestations fournies par les mutuelles de santé sont variables selon les ressources disponibles. Solvabilité II prévoit des exemptions. Les professionnels concernés pensent qu'il y a là matière à discussion.

Les critères retenus pour les exceptions laissent à penser que les mutuelles santé pourraient être exemptées de l'ensemble du dispositif. Ce n'est peut-être pas le moment d'en parler mais les professionnels aimeraient bien être fixés.

M. Richard Yung, rapporteur.  - La commission des finances a demandé le retrait de l'amendement. Les petites mutuelles qui encaissent moins de 5 millions d'euros annuels sont exclues du dispositif. De plus, les mutuelles santé ne sont pas une catégorie spécifique du code de la mutualité.

Cet amendement serait dérogatoire au droit européen. Mes contacts avec les représentants de la mutualité française m'ont montré qu'ils ne demandent pas à bénéficier de cette dérogation.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Cet amendement n'est pas conforme au champ de la directive. Solvabilité II cite bien les mutuelles relevant du code de la mutualité comme entrant dans son champ. Elle prévoit des exclusions en fonction du seuil de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui concerne les organismes les plus petits. Avis défavorable.

M. Francis Delattre.  - Vu le seuil indiqué, cela doit pouvoir s'arranger. La mutualité est un vaste domaine...

L'amendement n°3 est retiré.

L'article 3 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par MM. Germain et Chiron.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au sixième alinéa de l'article L. 132-5-2 du code des assurances, les mots : « de plein droit » sont remplacés par les mots : « , pour les souscripteurs de bonne foi, ».

M. Jacques Chiron.  - Le code des assurances autorise tout souscripteur d'une assurance-vie à renoncer à son contrat dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la conclusion du contrat. La compagnie d'assurance doit lui restituer en entier les sommes déjà versées.

Cela conduit à des effets pervers dans le cas d'investisseurs avertis qui se saisissent, aidés par des conseils spécialisés, de la moindre faute formelle dans les documents remis par l'assureur pour faire annuler leurs pertes éventuelles. Certains investissent ainsi plusieurs centaines de milliers d'euros sur des contrats risqués, puis engrangent les plus-values et renoncent au contrat en cas de pertes reportées sur l'ensemble des autres assurés - petits et moyens épargnants.

Cette situation dissuade les assureurs de proposer des contrats comportant une part de risque en capital, alors que ces contrats, pour partie investis en actions et profilés pour une détention longue, sont les plus favorables au financement de l'économie. Il en va ainsi du nouveau contrat « Euro croissance ». C'est pourquoi nous réservons la prorogation du délai au souscripteur de « bonne foi », notion classique du droit civil, laissée à l'appréciation du juge.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement, qui comble un trou de la législation, qui est détournée de son esprit.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement y est favorable également : il clarifie le droit existant, tout en protégeant les souscripteurs de bonne foi. Cette notion étant présumée en droit civil en vertu de l'article 2274 du code civil, il appartiendra à l'assureur qui contesterait une telle prorogation de prouver la mauvaise foi de l'assuré. Bien sûr, cette disposition ne sera pas rétroactive.

L'amendement n°1 est adopté et devient un article additionnel.

Les articles 4, 4 bis, 5 et 6 sont successivement adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. de Montgolfier, Commeinhes, del Picchia, Sido, J. Gautier, Revet, Dallier et Doligé, Mme Des Esgaulx, MM. Malhuret, Cambon, B. Fournier, Bizet, Longuet, de Nicolaÿ, Bas, Magras, Houpert et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Trillard, Gremillet, Milon et Mandelli, Mme Primas, MM. Gournac, Charon et Pellevat et Mme Deseyne.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les recours mentionnés à l'alinéa précédent visent une décision individuelle de l'Autorité des marchés financiers relative à une offre publique mentionnée à la section 1, à la section 2 ou à la section 3 du chapitre III du titre III du livre IV du présent code, la juridiction saisie se prononce dans un délai de cinq mois à compter de la déclaration de recours. »

M. Albéric de Montgolfier.  - Cet amendement améliore la compétitivité de la place de Paris. En effet, les offres publiques d'achat (OPA), y compris amicales, portant sur une société cotée sur la place de Paris sont soumises à une décision de conformité de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Les délais des recours formés contre ces décisions de la compétence de la cour d'appel de Paris nuisent à telle compétitivité.

C'est pourquoi nous encadrons la décision de la cour d'appel dans un délai.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement estime également que cet amendement va dans le bon sens. Les délais de contentieux récents étaient trop longs et préjudiciables à l'attractivité de la place de Paris. Avis favorable.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. Éric Bocquet .  - Nous arrivons au passage clé de ce texte, dont témoigne le nombre d'amendements déposés : l'initiative citoyenne surgit au sein de notre débat parlementaire.

Modification en effet substantielle du code de commerce que cet article qui concerne les industries forestières et extractives. Cet amendement aura d'autant plus de portée qu'il aura été amélioré par ces amendements.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

exercent ces activités

par les mots :

ont des entités incluses dans leur périmètre de consolidation

M. Éric Bocquet.  - En application de la loi d'orientation et afin de détecter des pratiques d'évitement et de fraude fiscale, les obligations de reporting doivent être étendues à tous les territoires où les entreprises ont des implantations pour mettre en lumière ou éviter les éventuelles pratiques de transferts de bénéfices au profit des juridictions offshore.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°9, présenté par Mme N. Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport prend en compte pour chaque société les paiements effectués par l'ensemble des entités incluses dans son périmètre de consolidation.

M. André Gattolin.  - Ces amendements se ressemblent mais ne sont pas identiques. Il s'agit de lever une ambigüité qui n'était pas dans la loi Canfin que nous avons adoptée en juillet. Il faut viser l'ensemble des activités et des filiales dans les pays en question, conformément aux initiatives lancées au G8 de Deauville en 2011, y compris par des pays extracteurs comme les États-Unis.

Transposons et respectons notre propre droit, en nous conformant à la loi Canfin dans cette transposition.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis défavorable. M. Gattolin fait référence à la loi Canfin, mais nous transposons le droit européen. Ainsi nos deux approches ne coïncident-elles pas. Il s'agit ici de lutter contre la corruption. Ce n'est pas une approche fiscale, mais pour la transparence et la moralité. L'obligation de reporting s'appliquera à toutes les sociétés françaises, dès lors qu'elles possèdent une filiale dans le secteur de l'extraction.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Ces amendements étendent le champ des obligations de transparence. La détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude fiscale est totale, mais ce n'est pas l'objet du présent article. L'inclusion des filiales non extractives est peu pertinente en pratique et conduirait probablement à réduire l'efficacité du dispositif en mélangeant des sources diverses.

Il n'est pas question que des sommes soient dissimulées en transitant par une filiale dans un pays tiers. La rédaction actuelle empêche déjà un tel contournement. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable, non par désaccord de fond.

Les amendements identiques nos4 et 9 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que des informations favorisant la transparence, telles que celles mentionnées au III de l'article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires

M. Éric Bocquet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°10, présenté par Mme N. Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Les montants des flux entre filiales incluront-ils les prix de transfert ? Cette question nous préoccupe beaucoup.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements, qui vont au-delà de la directive et font courir un risque de distorsion de concurrence. À nouveau, il s'agit ici de lutte contre la corruption, non contre l'évasion fiscale.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Les prix de transfert entre filiales ne sont pas concernés par ce texte.

L'amendement n°5 procède à une extension, que nous ne souhaitons pas, des obligations de transparence, par rapport à la directive et à la loi de séparation bancaire. Elle brouillerait le message que nous souhaitons envoyer.

Les amendement identiques nos5 et 10 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que des informations favorisant la transparence, telles que celles mentionnées au III de l'article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires

M. Éric Bocquet.  - Défendu !

M. Richard Yung, rapporteur.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 24

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Le rapport sur les paiements prévu au I donne également, pour chacune des entreprises concernées et leurs entités, pays par pays et projet par projet, des informations sur :

« 1. Le nom de leurs implantations et la nature de leurs activités ;

« 2. Le chiffre d'affaires ;

« 3. Les effectifs, en équivalent temps plein ;

« 4. Les bénéfices ou perte avant impôt ;

« 5° Le montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables ;

« 6° Les subventions publiques reçues.

M. Éric Bocquet.  - En 2013 la France promouvait la publication de ces données. Le 10 avril 2013, François Hollande a souhaité que l'obligation de reporting pays par pays soit appliquée au niveau européen et étendue aux grandes entreprises.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°11, présenté par Mme N. Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Obstinons-nous, ouvrons la voie au niveau européen ! Ainsi, nous montrerons que les conclusions de nos travaux en commission d'enquête débouchent sur des mesures législatives effectives. Aller au-delà de la directive n'est pas un mal : nous ne sommes pas une chambre d'enregistrement et nous pouvons montrer notre singularité dérangeante.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous avez cité le président de la République...

M. Éric Bocquet.  - C'est une référence !

M. Richard Yung, rapporteur.  - Certes. Il souhaite simplement que tout le monde avance du même pas. Vous voulez que la France éclaire le monde, ce qui est louable. En attendant, nous devons nous soucier de l'intérêt de nos entreprises.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Nous sommes en train de transposer une directive relative aux industries extractives. Les banques sont visées ailleurs. Merci d'avoir mentionné le président de la République : notre objectif reste d'aller le plus loin possible. Progressons dans l'ordre : transposons, et convainquons nos partenaires européens d'avancer.

Les amendements identiques nos7 et 11 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 25

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Les principaux marchés conclus entre les sociétés mentionnées au I et l'Etat qui énoncent les principales dispositions et conditions régissant l'exploitation d'une ressource, ainsi que tout avenant important dudit marché font l'objet d'une publication gratuite, accessible au public et dans un format permettant leur utilisation sur le site internet de la société.

M. Éric Bocquet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°12, présenté par Mme N. Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Défendu.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis défavorable. Publier des informations sur les marchés n'est pas anodin. N'affaiblissons pas nos entreprises. Tout le monde doit avancer du même pas.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Cet amendement va au-delà de la publicité sur les sommes versées : il porte atteinte au secret des affaires. Cette surtransposition strictement française n'est pas opportune. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Vous m'avez convaincue : je retire mon amendement.

L'amendement n°12 est retiré.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 25

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Les principaux marchés conclus entre les sociétés mentionnées au I et un État, qui énoncent les principales dispositions et conditions régissant l'exploitation d'une ressource, ainsi que tout avenant important dudit marché, sont transmis dans un délai d'un mois au ministre en charge de l'industrie, au ministre en charge de l'environnement, ainsi qu'aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

M. André Gattolin.  - Cet amendement est de repli. J'ai bien compris l'argument selon lequel des obligations excessives feraient perdre à nos entreprises les marchés exigeant la confidentialité. Mais rendre ces hautes personnalités gouvernementales et parlementaires destinataires de ces informations est une garantie minimale de transparence.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Cette proposition...

M. Francis Delattre.  - Démagogique.

M. Richard Yung, rapporteur.  - ... est potentiellement dangereuse. Avis défavorable.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Les informations sont internes, privées. Les autorités nationales n'ont pas à y avoir accès. Seules la justice le cas échéant, et des autorités de régulation, nationales ou européennes, dans les limites de leurs prérogatives, pourraient avoir à en connaître. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne voterai pas l'amendement, mais j'observe qu'on veut imposer davantage de contraintes aux entreprises qu'aux partis politiques.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté, ainsi que l'article 9.

Les articles 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, sont successivement adoptés.

L'article 21 demeure supprimé.

Les articles 22, 23, 23 bis sont adoptés.

L'article 23 ter demeure supprimé.

Les articles 23 quater, 23 quinquies, 23 sexies et 23 septies sont adoptés

ARTICLE 24

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 4

Supprimer la référence :

23 quater,

II.  -  Après l'alinéa 5

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'ordonnance prévue à l'article 23 quater est prise avant le 3 juillet 2016.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Cet amendement fait coïncider le délai d'habilitation accordé au Gouvernement pour procéder par ordonnance suivant les termes de l'article 23 quater avec le délai de transposition prévu par la directive européenne « Marché d'instruments financiers ». L'ampleur des travaux de transposition de ce texte essentiel à la régulation des marchés financiers en Europe le justifie.

En outre, la première échéance dans les travaux de transposition de la directive est liée à son article 91, qui doit être transposé en droit interne avant le 3 juillet 2015. Les dernières échéances viendront des normes techniques d'exécution, qui doivent être adoptées en mai 2016 par la Commission européenne. Ce calendrier très étendu implique que les travaux de transposition doivent commencer dès que possible et vont devoir s'étaler sur l'intégralité du délai prévu par la directive, soit jusqu'au 3 juillet 2016.

M. Richard Yung, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°16 est adopté.

L'article 24, modifié, est adopté.

L'article 25 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Francis Delattre .  - Nous nous abstiendrons avec bienveillance. La répartition de la partie la plus sensible des charges au sein du système bancaire européen ne nous convient pas, entre les établissements bancaires français - sollicités à ce jour à hauteur de 30 % - et allemands. Les charges s'accumulent, relatives au risque systémique national, désormais européen, puis mondial...

Les investissements des entreprises aujourd'hui, qui sont les emplois de demain, se trouvent, je le rappelle, largement financés par le système bancaire.

La régulation européenne, c'est très bien. Mais le marché est mondial. Il est temps de s'intéresser aux hedge funds. Ce secteur prend de l'ampleur, est plus libre, moins transparent, donc plus incontrôlable que le système bancaire, avec des capacités financières dix fois supérieures. Discutons avec nos amis anglais.

M. Éric Bocquet .  - Je confirme l'abstention du groupe CRC, non pas boudeuse, mais d'encouragement à aller plus loin. On transpose comme on nous le demande, mais le risque demeure.

Il y a quelques jours, une simulation de faillite d'un établissement américain, censément too big to fail, a eu lieu à Arlington, en présence de régulateurs britanniques et américains haut placés. Exercice inédit, car une telle simulation n'aurait jamais concerné des responsables de ce niveau. Preuve aussi qu'il reste beaucoup à faire.

M. André Gattolin .  - Le groupe écologiste votera ce texte, même si nous pensons qu'il faut aller plus loin.

Dans les classements des banques spéculatives, nos établissements sont bien placés. J'ai conseillé une grande banque mutualiste française avant la crise. J'ai vu comment s'était ainsi créée Natixis, avec le succès que l'on sait : la ruine de nombreux épargnants après le transfert de leur Livret A sur des fonds spéculatifs. Si ces établissements, issus des confédérations de banques régionales, avaient persisté dans leur ancrage régional comme font les banques allemandes, nous n'en serions peut-être pas arrivés là.

Mme Nathalie Goulet .  - Nous voterons ce texte car il constitue un progrès. C'est une politique des petits pas. La marge de progrès est encore grande, mais il faut envoyer un signal à nos partenaires, et aussi aux Français, à qui nous devons donner des preuves de l'utilité de l'Europe. Il reste beaucoup à faire, à l'évidence.

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance mardi 21 octobre 2014, à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 45.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 21 octobre 2014

Séance publique

À 9 h 30

Présidence : M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

1. Questions orales

À 14 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat

Mme Isabelle Debré, vice-présidente

2. Allocution du Président du Sénat

3. Débat sur le bilan du crédit d'impôt compétitivité emploi

4. Débat sur les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur le suivi de la mission d'information de 2005 sur l'amiante (n° 668, 2013-2014)

À 21 h 30

Présidence : M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

5. Projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution (n° 288, 2011-2012)

Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 29, 2014-2015)

Texte de la commission (n° 30, 2014-2015)

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 2 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :345

Pour :317

Contre :28

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (143)

Pour : 143

Groupe socialiste (112)

Pour : 112

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 43

Groupe CRC (18)

Contre : 18

Groupe du RDSE (13)

Pour : 12

Abstention : 1 - M. Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (9)

Pour : 7

N'ont pas pris part au vote : 2  -  MM. David Rachline, Stéphane Ravier