II. LA MAJORITÉ PÉNALE EN AMÉRIQUE DU NORD

1. Etats-Unis

Le régime américain ne relève pas de l'État fédéral mais des États fédérés, il existe donc autant de modèles qu'il existe d'États. On a retenu à titre d'exemple la Californie, le Dakota du sud, le Montana, l'État de New-York et l'Utah.

a) Californie

Le gouverneur de Californie a approuvé le 30 septembre 2018 17 ( * ) une loi intégrant dans le Welfare and Institutions Code un âge minimal en-deçà duquel un mineur ne peut être déféré devant une juridiction pour mineurs, sauf cas exceptionnel. Auparavant, aucune limite basse n'existait, toute personne de moins de 18 ans pouvait donc être théoriquement traduite devant une juridiction pour mineurs. À partir du 1 er janvier 2020, date d'entrée en vigueur de la loi, un mineur de moins de 12 ans ne pourra être poursuivi devant une juridiction pour mineurs sauf s'il se rend coupable de graves infractions (meurtre, viol ...).

Un mineur âgé de 12 à 17 ans, quant à lui, pourra être déféré devant la justice des mineurs ou, dans certains cas, devant la justice de droit commun. En effet, il est possible, en l'état actuel de la législation, et ce point n'a pas été modifié par la loi 439, de transférer devant une juridiction pour adultes un mineur de 14 ans qui se rendrait coupable de certaines infractions graves telles que meurtre ou tentative de meurtre, incendie volontaire d'un bâtiment non vide, vol avec arme, viol, enlèvement (article 707) 18 ( * ) .

Un mineur transféré devant un tribunal pour adultes peut être envoyé dans une prison pour adultes. En cas de condamnation à une peine d'emprisonnement dans une prison pour adultes, il ne pourra l'être qu'à partir de ses 18 ans. Dans l'intervalle, il restera au sein de la division de la justice juvénile, qui gère un programme fermé mêlant éducation et traitement. De même, si la fin de la peine d'emprisonnement est prévue avant les 21 ans du mineur condamné, il pourra effectuer la totalité de sa condamnation auprès de la division de la justice juvénile et non pas dans une prison pour adultes 19 ( * ) .

Enfin, la Californie applique la règle du « un adulte un jour, un adulte toujours » (Once an Adult, Always an Adult) qui consiste à considérer un mineur délinquant comme un adulte lors de la commission d'éventuelles infractions ultérieures lorsqu'il a auparavant été considéré comme un adulte, et donc transféré devant une juridiction pour adultes, dans une procédure antérieure.

b) Dakota du sud

Le recueil des lois codifiées du Dakota du sud indique, en son article 26-8C-2 20 ( * ) , qu'est considéré comme un « enfant délinquant » tout enfant âgé de 10 ans ou plus qui, peu importe l'infraction commise, a violé une loi ou un règlement fédéral, de l'État ou local, violation pour laquelle un adulte serait puni d'une peine de nature pénale.

Les juridictions pour mineurs connaissent des infractions commises avant l'âge de 18 ans. Toutefois, dans certaines circonstances, un mineur peut être déféré devant une juridiction pour adultes. Cela est fonction notamment des circonstances de l'infraction, de l'impératif de protection de la population, des antécédents de l'auteur de l'infraction (article 26-11-4). Aucun âge minimal n'est défini dans cet article pour un transfert devant une cour pour adultes.

Un mineur transféré devant une juridiction pour adultes ou poursuivi en tant qu'adulte peut être détenu dans un centre fermé ou une prison pour adultes s'il est physiquement séparé des prisonniers adultes. S'il est condamné pour crime, il purgera sa peine dans une prison ou un centre fermé pour adultes 21 ( * ) .

Enfin, le Dakota du sud applique lui aussi la règle du « un adulte un jour, un adulte toujours » (Once an Adult, Always an Adult) .

c) Montana

L'article 41-5-103 22 ( * ) du recueil des lois (statutes) du Montana définit un jeune comme toute personne de moins de 18 ans. Tout auteur d'infraction entrant dans cette catégorie d'âge est, sauf cas exceptionnels, jugé par un tribunal pour mineurs. Il semblerait qu'aucun âge minimal à partir duquel un jeune pourrait être considéré comme délinquant n'ait été défini par les lois du Montana.

Dans certaines circonstances, un jeune peut être déféré devant un tribunal pour adultes, l'âge minimal à partir duquel c'est possible variant en fonction de la gravité de l'infraction :

- à partir de 12 ans s'il commet certaines infractions graves (viol, homicide volontaire, tentative de meurtre, agression d'un agent de police) ;

- à partir de 16 ans pour d'autres crimes graves (homicide par négligence, vol, possession d'explosifs, ...).

L'article 41-5-348 définit comme lieu de détention un placement dans un centre de détention de court-terme, un centre de détention juvénile, y compris un centre de détention régional, ou un centre de détention sécurisé à l'extérieur de l'État.

Le Montana applique également le « statutory exclusion » , qui transfère de fait à la justice pour adultes tout mineur au-delà d'un âge défini (17 ans pour le Montana) s'il se rend auteur d'une infraction préalablement listée comme faisant partie des cas excluant les auteurs mineurs du bénéfice de la justice pour mineurs.

d) New-York

L'article 301.2 23 ( * ) de la loi sur le tribunal des affaires familiales ( Family court ) de l'État de New-York définit comme délinquant juvénile passible d'être traduit devant une cour pour mineurs l'auteur d'une infraction âgé de plus de 7 ans et de moins de 16 ans jusqu'au 1 er octobre 2018, de plus de 7 ans et de moins de 17 ans entre le 1 er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, et de plus de 7 ans et de moins de 18 ans à partir du 1 er octobre 2019.

Lorsque l'auteur d'une infraction a au moins 17 ans (actuellement) ou 18 ans (à partir du 1 er octobre 2019) lors de la commission de l'acte, il est déféré devant la justice pour adultes. Toutefois, le renvoi devant une cour ou une autre dépend aussi de la qualification de l'acte. Les délits commis par des jeunes de moins de 17ans/18 ans (2019) sont traités par le tribunal des affaires familiales, tout comme les actes criminels sans violence qui sont transmis sous 30 jours au tribunal aux affaires familiales sauf en cas de « circonstances extraordinaires » justifiant le maintien devant la cour criminelle pour adultes. Les affaires criminelles avec violence sont en général traitées par la cour criminelle pour adultes sauf si le tribunal estime qu'il y a des circonstances atténuantes pour transférer le cas au tribunal aux affaires familiales. Certains types de crimes avec violence ne peuvent être transférés au tribunal aux affaires familiales 24 ( * ) .

Outre la modification de l'âge au-delà duquel un mineur peut être jugé comme un adulte, l'État de New-York a modifié les conditions de détention des mineurs condamnés pour qu'ils ne puissent plus être placés dans des prisons pour adultes. Depuis le 1 er octobre 2018, ils doivent être placés dans des centres de détention juvénile spécialisés certifiés autant par les services de la ville de New-York que par ceux de l'État chargés des enfants 25 ( * ) .

e) Utah

L'article 78-A-6-105 du code de l'Utah définit comme « enfant » (child) toute personne âgée de moins de 18 ans et comme « mineur » toute personne qui est soit un enfant, soit âgée de plus de 18 ans mais de moins de 21 ans et qui est sous la juridiction du tribunal pour mineurs. Il semblerait qu'aucun âge minimal à partir duquel un jeune pourrait être considéré comme délinquant n'ait été défini par les lois de l'Utah.

Un mineur est en principe passible d'être déféré devant un tribunal pour mineurs en cas de commission d'une infraction. Il est toutefois possible de le transférer devant une cour pour adultes. C'est par exemple le cas si le mineur a commis une infraction qui serait considérée comme un acte criminel s'il avait été commis par un adulte. L'Utah applique également le « statutory exclusion » (voir supra ) pour les mineurs de 16 ans ou plus ayant commis une infraction qui serait qualifiée de meurtre ou meurtre aggravé si elle avait été commise par un adulte, ainsi que « once an adult, always an adult » (voir supra ).

Les centres de détention pour mineurs ou pour adultes sont en principe séparés. Si un mineur devait toutefois être détenu dans un centre pour adultes, la séparation entre les espaces, autant visuels que sonores, devrait être importante.

2. Canada

La question de la justice des mineurs au Canada est traitée par la loi de 2002 sur la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 26 ( * ) . Son article 2 définit un adolescent comme « Toute personne qui, étant âgée d'au moins douze ans, n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans ou qui, en l'absence de preuve contraire, paraît avoir un âge compris entre ces limites. Y est assimilée, pour les besoins du contexte, toute personne qui, sous le régime de la présente loi, est soit accusée d'avoir commis une infraction durant son adolescence, soit déclarée coupable d'une infraction. (young person) » et comme enfant « Toute personne âgée de moins de douze ans ou, en l'absence de preuve contraire, paraissant ne pas avoir atteint cet âge. (child) » .

Le tribunal pour adolescents « a compétence exclusive pour toute infraction qu'une personne aurait commise au cours de son adolescence » (article 14). Le procureur peut demander au tribunal pour adolescents « l'assujettissement de l'adolescent à la peine applicable aux adultes si celui-ci est ou a été déclaré coupable d'une infraction commise après avoir atteint l'âge de quatorze ans et pour laquelle un adulte serait passible d'une peine d'emprisonnement de plus de deux ans » (article 64).

Si le Canada a longtemps figuré parmi les pays occidentaux ayant un taux d'incarcération des jeunes parmi les plus élevés, les diverses modifications législatives, en particulier la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents de 2002, ont permis de faire diminuer ce taux. Le principe, aujourd'hui, est qu'un juge qui impose une peine à un adolescent doit tout d'abord opter pour une mesure non privative de liberté, sauf en cas de meurtre 27 ( * ) .


* 17 https://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billNavClient.xhtml?bill_id=201720180SB439

* 18 http://leginfo.legislature.ca.gov/faces/codes_displayText.xhtml?lawCode=WIC&division=2.&title=&part=1.&chapter=2.&article=17 .

* 19 https://www.cdcr.ca.gov/Juvenile_Justice/index.html

* 20 http://sdlegislature.gov/Statutes/Codified_Laws/DisplayStatute.aspx?Type=Statute&Statute=26-8C-2

* 21 http://sdlegislature.gov/Statutes/Codified_Laws/DisplayStatute.aspx?Type=Statute&Statute=26-7A-26

* 22 https://leg.mt.gov/bills/mca/title_0410/chapter_0050/part_0010/section_0030/0410-0050-0010-0030.html

* 23 https://codes.findlaw.com/ny/family-court-act/fct-sect-301-2.html

* 24 Article 720-10 du code de procédure pénale des lois de New-York

* 25 https://www.governor.ny.gov/news/governor-cuomo-signs-legislation-raising-age-criminal-responsibility-18-years-old-new-york

* 26 https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/Y-1.5.pdf

* 27 https://bdp.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/200823E ?

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