PREMIÈRE PARTIE :

LA DÉCENTRALISATION DU REVENU MINIMUM D'INSERTION

I. UNE COMPÉTENCE NOUVELLE CONFIÉE AUX DÉPARTEMENTS

Le présent projet de loi contribue à réduire l'enchevêtrement des compétences entre l'Etat et les départements en confiant à ces derniers le pilotage intégral du revenu minimum d'insertion (RMI).

La décentralisation de cette prestation ne sera pas totale : le montant et les conditions d'attribution de l'allocation resteront fixés à l'échelon national. Par ailleurs, les partenaires locaux des départements (communes, associations, caisses d'allocations familiales - CAF -, caisses de mutualité sociale agricole - CMSA - ...) continueront à instruire les demandes, liquider et payer le RMI.

A. UNE CLARIFICATION DES COMPÉTENCES

1. Le constat d'échec du copilotage de l'insertion par l'Etat et les départements

L'article 2 du présent projet de loi réalise le transfert de la compétence relative au dispositif du revenu minimum d'insertion (RMI) en supprimant la mention de l'allocation de RMI dans l'énumération des charges de l'Etat au titre de l'aide sociale, et en supprimant la mention selon laquelle « le financement de l'allocation est à la charge de l'Etat » dans le code de l'action sociale et des familles.

De manière générale, le présent projet de loi tend à mettre fin à l'enchevêtrement actuel des compétences en confiant aux départements le pilotage local et l'insertion sociale et professionnelle des allocataires. Le président du conseil général disposera du contrôle des instances locales consultatives.

La charge de la dépense relative au RMI et les compétences relatives aux décisions individuelles d'attribution, de renouvellement et de suspension du versement de l'allocation seront transférées de l'Etat au département.

Il est attendu de cette réforme une plus grande lisibilité, une clarification des responsabilités et une plus grande efficience dans la gestion du dispositif d'insertion, désormais confié au seul département.

L'article 34 de la loi du 1 er décembre 1988 dispose que « le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général conduisent ensemble et contractuellement l'action d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI ». Or, le rapport public 2001 de la Cour des comptes rappelait, dans son étude consacrée à l'insertion des bénéficiaires du RMI, que « le copilotage [du dispositif] par l'Etat et les départements reste souvent formel. Les crédits départementaux d'insertion sont fréquemment engagés malgré l'absence de convention entre les partenaires. Les commissions locales d'insertion sont souvent cantonnées dans l'enregistrement des contrats individuels et les pratiques de reconduction limitent la diversification des possibilités d'insertion » 1 ( * ) .

Plus loin, ce même rapport indique que « l'exercice effectif du copilotage semble (...) incertain. Dans le Nord, aucun programme départemental d'insertion [PDI] n'a pu être adopté en 1991, 1992, 1993, 1995, 1997, 1999 et 2000. Le conseil du Pas-de-Calais n'a pu adopter aucun PDI entre 1992 et 1995 ni depuis 1996. Le dispositif départemental ne permet alors ni d'élaborer un diagnostic global, ni d'évaluer l'ensemble des actions, ni d'en assurer la cohérence » 2 ( * ) .

Le présent projet de loi prend donc acte de l'échec du copilotage de l'insertion des RMIstes par l'Etat et les départements, les résultats en matière d'insertion étant, de l'avis de tous, décevants. Le rapport de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) sur l'acte II de la décentralisation 3 ( * ) évoque à cet égard « les travers de la cogestion, aujourd'hui unanimement condamnée à cause de l'opacité et de l'inefficacité qu'elle engendre ».

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, indiquait, lors de son audition par la commission des affaires sociales, le 14 mai 2003, que quinze ans après sa création, le dispositif, conçu au départ comme une aide momentanée, était devenu une prestation sociale de « masse » et d'assistance dans la durée : le filet de sécurité qu'instituait le RMI est, en réalité, devenu un filet qui retient.

Il a mentionné plusieurs signes qui témoignent de cette évolution : la proportion des personnes en contrats aidés parmi les allocataires du RMI a diminué, pour revenir de 21 % en 1996 à 13 % en 2001 ; le nombre des allocataires âgés de 35 à 60 ans depuis plus de deux ans au RMI témoigne d'un phénomène « d'installation », voire d'enfermement, dans l'assistance ; le taux de contractualisation stagne à 50 %, voire à 35 %, dans les départements à forte densité d'allocataires.

* 1 In Rapport public 2001 de la Cour des comptes, deuxième partie : observation des juridictions financières, janvier 2002, page 10.

* 2 In Rapport public 2001 de la Cour des comptes, deuxième partie : observation des juridictions financières, janvier 2002, page 17.

* 3 « Décentralisation et action sociale : Clarifier les responsabilités », février 2003, page 9.

Page mise à jour le

Partager cette page