B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : VERS UN NOUVEAU STATUT
1. Une autonomie encore renforcée
Aux
termes du nouveau statut de la Polynésie, prochainement examiné
par la Haute Assemblée, la Polynésie, comme l'a souligné
le président de la République lors de son déplacement dans
le Pacifique Sud en juillet dernier sera «
la collectivité
qui dispose de plus vastes attributions, sans autre équivalent sur le
territoire de la République
».
L'architecture institutionnelle du territoire ne devrait pas néanmoins
connaître de changements majeurs. Elle s'articule autour de
l'Assemblée territoriale de Polynésie française et le
Gouvernement.
Au 1
er
septembre 2003, les 49 conseillers territoriaux se
répartissent de la manière suivante :
- Tahoeraa (parti de M. Gaston Flosse) :
29 sièges ;
- Tavini (parti indépendantiste de M. Oscar Temaru) :
10 sièges ;
- Fetia/Api (parti autonomiste) : 6 sièges ;
- Non inscrits : 4 sièges.
Il convient de rappeler que la loi organique du 15 janvier 2001 a permis
un rééquilibrage de la représentation au sein de
l'Assemblée. En effet, la circonscription des îles du Vent qui
représentait près de 165.000 habitants au dernier
recensement de 1996 représentait près de 74 % de la population
mais ne disposait que de 53,6 % des sièges (22 sièges).
La nouvelle répartition a permis d'accorder 10 sièges
supplémentaires aux îles du Vent
3(
*
)
. Le projet de statut ne modifie pas
cette répartition.
Le
gouvernement de Polynésie française
compte
16 membres appartenant au Tahoeraa ou proches de M. Gaston Flosse,
réélu en mai 2001 à la présidence du
gouvernement à la suite du renouvellement général de
l'assemblée de Polynésie française.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi du 27 février 2002
relative à la démocratie de proximité a étendu aux
communes ne comportant pas de communes associées les dispositions du
régime mixte en vigueur en métropole dans les communes de
3.500 habitants et plus (soit 9 communes sur 48 dont 8 sont
situées dans l'île de Tahiti). Ce mode de scrutin qui entrera en
vigueur en 2007 lors du prochain renouvellement des conseils municipaux,
permettra d'introduire une représentation pluraliste et de favoriser de
véritables débats sur les politiques municipales. Les autres
communes resteront régies, comme toutes les communes de moins de
3.500 habitants en métropole et dans les départements
d'outre-mer, au scrutin majoritaire avec une possibilité de panachage en
fait peu utilisée.
- Les grandes lignes de la réforme statutaire à venir.
Le statut de la Polynésie française est défini par les
dispositions de la loi organique et de la loi ordinaire du 12 avril 1996.
Ces textes ont élargi les compétences des autorités
territoriales et modernisé le fonctionnement des institutions.
La révision de la Constitution du 28 mars 2003 a donné un
fondement constitutionnel au statut d'autonomie. Un projet de loi organique et
un projet de loi simple ont été élaborés en
concertation avec les autorités territoriales. L'assemblée de
Polynésie française qui a été saisie pour avis le
20 juin 2003 s'est prononcée favorablement sous réserve de
propositions énumérées par la délibération
du 2 juillet 2003.
Le Conseil économique, social et culturel saisi par le président
du gouvernement de la Polynésie française le 9 juillet 2003
a émis un avis favorable le 12 août 2003 en formulant
toutefois des objections négatives sur 13 des 194 articles du projet de
loi organique.
Dans le cadre du projet de loi organique les acquis des
précédentes lois statutaires sont confortés et la
Polynésie française pourra affirmer sa personnalité et ses
intérêts propres au sein de la République.
La Polynésie française sera dotée de compétences
nouvelles dans de nombreux domaines (droit civil, droit commercial, droit du
travail, desserte aérienne, hydrocarbures...). Elle pourra, comme le
prévoit l'article 74 de la Constitution, participer à
l'exercice de certaines compétences de l'Etat, sous son contrôle.
Certains actes de son assemblée délibérante intervenant au
titre des compétences exercées dans le domaine de la loi
pourraient recevoir un statut quasi-législatif et seront, en application
de la Constitution, soumis à un contrôle juridictionnel
spécifique du Conseil d'Etat. La collectivité pourra prendre des
mesures spécifiques en faveur de sa population dans le domaine de
l'emploi, du droit d'établissement pour l'exercice d'une activité
économique et de la protection du patrimoine foncier.
Le fonctionnement des institutions de la Polynésie française
demeurera pour l'essentiel celui défini par la loi organique du
12 avril 1996.
Le projet de loi organique renforce par ailleurs les garanties
démocratiques, introduit des dispositions confortant les droits des
élus minoritaires et étend la compétence du
médiateur de la République et du défenseur des enfants. Il
organise le droit de pétition et le référendum
décisionnel sur les affaires locales et conforte le contrôle de
légalité.
Un projet de loi ordinaire sera pris en application du dernier alinéa de
l'article 74 de la Constitution. Il comporte des dispositions relatives au
haut-commissaire de la République et à l'action de l'Etat,
à la fonction publique de l'Etat, aux communes et à leurs
groupements, dispositions très attendues par les responsables
communaux.
2. La pérennisation des contreparties financières à l'arrêt des essais nucléaires
Les deux
principaux ressorts de l'économie polynésienne n'ont pas
renoué avec la croissance en 2002 : les exportations de perles
noires, principal poste d'exportation du territoire, se sont stabilisées
après s'être réduites de 27 % en 2001 ; le nombre
de touristes a, quant à lui, continué de décroître
(189.050 touristes en 2002 contre 250.000 en 2000) et la contribution des
activités touristiques à l'économie polynésienne
estimée à 320 millions d'euros en 2000, n'a sans doute pas
dépassé 250 millions d'euros en 2002. La pêche, en
revanche, soutenue par un programme de développement territorial, a
échappé à la morosité : les exportations ont
crû de 38 % en volume et de 67 % en valeur pour
représenter 11 millions d'euros.
Dans ce contexte, les transferts de l'Etat jouent un rôle essentiel pour
soutenir l'économie du territoire.
Ils reposent en premier lieu sur le contrat de développement conclu
entre l'Etat et la Polynésie française, signé le
31 octobre 2000 pour la période 2000-2003.
Le contrat de développement porte sur un montant de 341,49 millions
d'euros répartis également entre l'Etat et le territoire, soit
une augmentation de 11,5 % par rapport au contrat
précédent. Il comporte quatre objectifs : promouvoir le
développement économique, réduire les
inégalités entre les populations, poursuivre la
déconcentration administrative et le développement des archipels.
Ce contrat qui avait démarré avec une année de retard en
raison de sa signature tardive -le 31 octobre 2000- est engagé
au 31 décembre 2002 à hauteur de 64 %
(108,51 millions d'euros), soit un niveau d'engagement nettement
supérieur à celui constaté l'an passé
(36,4 millions d'euros - 21,4 % de l'enveloppe initiale).
Les transferts de ressources reposent en second lieu sur les dotations du
fonds de reconversion économique de la Polynésie
française
.
Ce fonds avait été initialement créé pour
10 ans afin de compenser la perte financière que
représentait la fermeture du centre d'expérimentation du
Pacifique.
Le Président de la République, lors de son déplacement en
Polynésie, en juillet dernier, avait indiqué que le territoire
«
pourra utiliser librement cette enveloppe, en fonction de ses
propres choix et non des priorités qui lui seraient dictées par
une planification centralisée
».
Le montant de l'aide financière de l'Etat destinée à
compenser l'arrêt des essais nucléaires reste fixé à
150,92 millions d'euros. En revanche, les modalités de versement
ont été réexaminées et modifiées à
compter du 1
er
janvier 2003.
L'expérience des six dernières années a permis en effet de
souligner les effets positifs du dispositif instauré en 1996 sur
l'économie polynésienne tout en mettant également en
évidence la nécessité de répondre mieux et plus
vite aux aléas conjoncturels de l'économie polynésienne.
En outre, il est apparu que la vulnérabilité spécifique de
l'économie polynésienne appelait des mesures pérennes
d'appui sauf à favoriser des investissements à court terme
s'apparentant plus à la spéculation sur les aides publiques
qu'à un véritable développement durable.
Les fonds sont désormais affectés à la Polynésie
française selon deux rubriques budgétaires :
- une somme de 33,54 millions d'euros valeur 1996, indexée,
soit en 2003 36,64 millions d'euros, est versée à la
Polynésie française à titre de compensation de la perte de
recettes fiscales et douanières. Elle est considérée comme
une recette fiscale non affectée ;
- le complément (soit 114,28 millions d'euros en 2003)
constitue une
dotation globale de développement économique
versée sur la section investissement du budget territorial afin de
permettre la réalisation d'investissements générateurs de
développement économique.
La Polynésie française pourra utiliser librement cette enveloppe,
le contrôle de l'Etat par le biais de la chambre régionale des
comptes n'intervenant qu'
a posteriori
.
3. L'évolution contrastée de la délinquance
Le taux
de criminalité en Polynésie est de 59,8
0
/00
contre 69,3
0
/00 au plan national et 63,41
0
/00
dans les DOM.
Alors que l'année 2001 avait marqué une inversion du mouvement
continu de baisse de la délinquance observé depuis 1996 avec une
augmentation de 12 % des faits constatés, l'année 2002 a
connu une progression de la délinquance limitée à
2,5 % (9.374 faits constatés).
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Faits constatés par la police |
3.551 |
3.441 |
2.849 |
2.780 |
2.708 |
3.329 |
3.268 |
Faits élucidés par la police |
932 |
748 |
612 |
806 |
513 |
682 |
859 |
Faits constatés par la gendarmerie |
6.396 |
6.693 |
6.619 |
5.959 |
5.376 |
5.658 |
5.935 |
Faits élucidés par la gendarmerie |
4.160 |
3.852 |
4.878 |
4.257 |
3.612 |
3.350 |
3.694 |
Total des faits constatés |
9.947 |
10.134 |
9.468 |
8.739 |
8.084 |
8.987 |
9.203 |
Total des faits élucidés |
5.092 |
4.600 |
5.490 |
5.063 |
4.125 |
4.032 |
4.553 |
Cette
augmentation recouvre des évolutions contrastées :
- la délinquance se réduit dans la ville de Papeete, zone de
compétence de la police nationale (- 2,10 %), mais enregistre
une hausse sensible dans la zone gendarmerie, principalement dans la partie
périurbaine de Tahiti et sur les archipels ;
- les vols avec violence -principalement à Papeete- ont fortement
crû (+ 36 %) de même que les vols de deux roues
(+ 26 %) ; en revanche, les atteintes aux personnes se
réduisent (- 9 %) ainsi, surtout, que les affaires de moeurs
(- 17,4 %) ;
- le nombre des affaires de stupéfiants augmente de 5 % ;
les opérations de recherche de plantations de pakalolo (cannabis) dans
les archipels ont conduit à la saisie et à la destruction de plus
de 39.000 pieds et de près de 19 kilos de feuilles
séchées.
L'essentiel des affaires est traité par la gendarmerie même si le
rôle joué par les douanes se renforce en vertu de la
faculté désormais reconnue aux fonctionnaires des douanes de
poursuivre les destinataires de colis suspects provenant de l'extérieur
(article 49 bis du code des douanes).
D'une manière générale, la grande majorité des
faits relève de la petite délinquance d'appropriation et non de
bandes organisées encore inexistantes. La part des jeunes parmi les mis
en cause s'est réduite, passant de 18,5 % à 17,4 %. Les
mineurs sont également touchés par la délinquance en tant
que victimes notamment dans le cadre des affaires de moeurs. La violence des
mineurs et sur les mineurs constitue un sujet de préoccupation
primordial pour les services de police et de gendarmerie.
Le
taux d'élucidation
pour l'ensemble des services de police et
de gendarmerie est de 45,7 %.
- Les établissements pénitentiaires :
Les établissements pénitentiaires de Polynésie
française comptent le centre pénitentiaire de Faa'a, la maison
d'arrêt de Taiohahe (Marquises) et la maison d'arrêt d'Uturoa
à Raiatea, aux îles sous-le-vent.
La population carcérale s'élevait au
1
er
juillet 2003 à 285 détenus soit un
taux d'occupation de 190 % encore en hausse par rapport à l'annonce
précédente (170 %).
Les effectifs de détenus se répartissent de manière
suivante entre les différents établissements
pénitentiaires :
Etablissement |
Capacité |
Effectifs de détenus |
Taux d'occcupation |
Centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania |
126 |
280 |
222,2 |
Maison d'arrêt de Taiohahe (îles Marquises) |
3 |
1 |
33,3 |
Maison d'arrêt d'Uturoa (Raiatea) |
20 |
4 |
20,0 |
Ensemble de la Polynésie française |
149 |
285 |
191,2 |
Une
mission technique pénitentiaire organisée en 1999 avait
élaboré un schéma directeur pluriannuel de restructuration
et de rénovation de ces établissements et en particulier du
centre de Faa'a Nuutania. Dans le cadre de ce schéma, une
troisième tranche de travaux -consacrée à la
sécurisation- a été inscrite en 2003 pour un montant de
191.000 euros.
Par ailleurs, des études ont été engagées pour
permettre l'extension de cet établissement confronté à une
surpopulation chronique.
Les effectifs des personnels pénitentiaires en fonction en
Polynésie française s'élèvent au
1
er
janvier 2003 à 103 agents titulaires.
Il demeure en outre au centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania
14 agents non fonctionnaires de l'administration pénitentiaire qui
n'ont pu bénéficier d'une intégration dans les corps
d'Etat des services déconcentrés de l'administration
pénitentiaire dans le cadre des dispositions prévues par la loi
n° 94-443 du 3 juin 1994. Ils devraient être
néanmoins intégrés prochainement en vertu de l'ordonnance
n° 2003-901 du 19 septembre 2003 portant intégration
dans la fonction publique de l'Etat des agents de l'administration territoriale
de la Polynésie française affectés dans les services
pénitentiaires. La loi procédant à sa ratification devra
être déposée devant le Parlement avant le
31 décembre 2003.
- Les moyens et l'activité des juridictions
L'organisation de la justice judiciaire en Polynésie française
repose sur une cour d'appel dont les bâtiments situés à
Papeete abritent également le tribunal de première instance. Ce
tribunal est pourvu de deux sections situées respectivement à
Uturoa (île de Raiatea aux îles sou-le-Vent) depuis la fin du
siècle dernier et à Taihoae (île de Nuki-Hiva aux
Marquises) depuis 1981. Les archipels du Tuamotu, des Gambier et des Australes
ne disposent pas de section détachée et la justice y est rendue
par des formations foraines.
Le montant des dotations de fonctionnement a continué de progresser en
2003 pour représenter 1.079 millions d'euros (soit une augmentation
de 6,3 % par rapport à 2002).
Ressort de cour d'appel ou de TSA |
Dotation initiale 1998 |
Dotation initiale 1999 |
Dotation initiale 2000 |
Dotation initiale 2001 |
Dotation initiale 2002 |
Dotation initiale 2003 |
Papeete |
971.835 |
999.434 |
1.030.555 |
1.002.962 |
1.015.176 |
1.079.300 |
Par
ailleurs, il convient de noter que les effectifs budgétaires (117) ne
sont pas tous pourvus (effectif réel : 108).
Les statistiques du contentieux devant la cour d'appel montrent que le
tassement observé l'an passé pour les affaires civiles et
commerciales ne s'est pas confirmé en 2002 et que pour le service civil,
le stock s'est accru de 6,2 %.
Le contentieux pénal devant la cour d'appel continue par ailleurs de se
développer (+ 20 %).
- La juridiction administrative
D'après les informations communiquées à votre rapporteur
par le président du tribunal administratif de Papeete, la juridiction a
bénéficié d'un agrandissement de l'ordre de 45 % de
ses locaux, au terme d'un programme de travaux engagé depuis l'an
passé.
Si l'effectif des magistrats reste stable (5), celui du greffe (6) est
jugé insuffisant.
Par ailleurs, l'activité de la juridiction fait apparaître une
forte augmentation des procédures d'urgence : le nombre d'audiences
de référés est passé de 21 en 2001 à 36 en
2002 et, à la date des informations transmises à votre
rapporteur, 40 pour 2003.
- La juridiction financière :
Concernant enfin la juridiction financière, rappelons que sa
création a été décidée, sur une initiative
sénatoriale, par la loi organique n° 99-209 du
19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui a
abrogé les dispositions du code des juridictions financières
prévoyant que les chambres territoriales des comptes de la
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française pouvaient
être présidées par le même président et
dotées des mêmes assesseurs.
La chambre est entrée dans ses locaux en mai 2000 et
l'arrivée du personnel administratif (greffier, assistants de
vérification, agents) s'est faite progressivement jusqu'à la fin
de l'année 2000 si bien qu'aucun jugement, avis ou observations
définitives n'ont été rendus cette année-là.
Le nombre total de collectivités, établissements et organismes
publics concernés par les contrôles effectués en 2002 est
de 117. Ils ont concerné le territoire, 48 communes,
23 établissements publics territoriaux, 12 syndicats
intercommunaux et syndicats mixtes, 2 établissements publics
territoriaux du secteur sanitaire et social, 1 établissement public
territorial du secteur construction-logement et 33 établissements
publics territoriaux du secteur enseignement dont 9 lycées et
22 collèges.
La chambre territoriale des comptes a prononcé 29 jugements
concernant les communes, dont 16 premiers jugements et 13 jugements
concernant les établissements publics territoriaux, 1 jugement
concernant les lycées. Elle a rendu 17 rapports d'observation dont
11 concernant les communes.