EXAMEN EN COMMISSION

Réunie, le mercredi 19 mai 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Adrien Gouteyron sur le projet de loi n° 299 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées .

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a indiqué que le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées trouvait son fondement dans la « réforme de solidarité et de fraternité pour les personnes dépendantes », annoncée par le Premier ministre le 6 novembre 2003, qui constituait une approche globale de la prise en charge de la dépendance. Il a précisé qu'elle visait, notamment, à garantir le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Il a indiqué que le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées mettait en oeuvre le financement de ce programme, en instituant une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, chargée de garantir l'affectation de certaines ressources aux programmes en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Il a toutefois souligné qu'il ne s'agissait que d'un « projet de loi de transition », dans la mesure où une mission de réflexion, confiée à MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, était en cours et, où un projet de loi ultérieur, qui devrait être présenté au Parlement d'ici la fin de l'année, devrait donner un contour définitif aux missions de la Caisse et préciser ses ressources, ainsi que ses charges. Il a remarqué, en outre, que certaines dispositions du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées auraient un impact sur les charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Après avoir présenté le statut de cette caisse, M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a noté que ses missions étaient pour le moment assez vagues, dans l'attente des conclusions de la mission de réflexion confiée à MM. Raoul Briet et Pierre Jamet et des orientations du gouvernement, et a estimé que la rédaction actuelle n'était pas totalement satisfaisante. Il a également relevé que l'organisation de la Caisse demeurait imprécise.

Il a relevé l'ambiguïté de l'intitulé même de « Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie », cette appellation faisant référence au vocabulaire employé dans le domaine de la sécurité sociale. Il s'est interrogé sur la pertinence de la notion de « cinquième risque » et a estimé que le terme d'« agence » aurait pu davantage convenir à cet établissement.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a rappelé que le financement des droits nouveaux prévus par la réforme annoncée par le Premier ministre se fondait sur le fruit du travail d'une journée supplémentaire non rémunérée pour les salariés, et de l'institution de deux contributions, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : une contribution des employeurs, dont le taux était fixé à 0,3 % et dont l'assiette était identique à celle des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et une contribution additionnelle au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.

S'agissant de la contribution sur la masse salariale pesant sur les entreprises et les collectivités publiques, il a relevé que son taux avait été calculé à partir de l'évolution attendue de la valeur ajoutée et fixé à 0,3 %, de façon à ne pas dégrader le taux de marge des entreprises et de tenir compte de l'usure du capital. Il a toutefois estimé que certaines entreprises pourraient être pénalisées par ce prélèvement supplémentaire. Puis il a relevé que le mécanisme retenu pour cette cotisation revenait à exclure, du champ de la contribution, les personnes retraitées et les travailleurs indépendants.

Il a indiqué que, d'après les premières estimations effectuées, le secteur privé devrait contribuer à hauteur de 1,2 milliard d'euros et les collectivités publiques, à hauteur de 400 millions d'euros.

S'agissant de la contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et des produits de placements, il a relevé que le taux de cette contribution semblait plus motivé par une volonté de parallélisme des formes avec le taux de la contribution patronale que fondé sur une justification économique.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a ensuite décrit les dispositions particulières applicables à la contribution sur les revenus du patrimoine et les produits de placements en 2004. Il a relevé que le texte initial du projet de loi posait un problème de rétroactivité fiscale s'agissant de la contribution sur les produits de placements, mais que cette question avait été résolue par le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il a précisé que la taxation des revenus du patrimoine de l'année 2003 aurait pu soulever des questions de principe, mais a indiqué que la solution retenue reflétait la volonté de tenir compte des modalités différentes de recouvrement du prélèvement sur les revenus du patrimoine et de celui sur les produits de placements, afin de faire débuter la taxation de ces deux catégories en 2004, ce qui paraissait équitable.

Il a estimé que cette hausse de la fiscalité de l'épargne appelait toutefois une clarification des objectifs de la politique de l'épargne, qui devait être appréciée au regard de la « doctrine » de la commission des finances en la matière. Il a rappelé que celle-ci préconisait de favoriser l'épargne de long terme et le risque, plutôt que l'épargne liquide et les placements réglementés, ce qui n'était pas l'orientation des mesures contenues dans ce projet de loi.

Il a souligné que les recettes attendues de ces deux prélèvements devraient être moindres que celles initialement envisagées, pour atteindre environ 900 millions d'euros en 2004 et entre 1,84 et 1,87 milliard d'euros en 2005. Il a précisé que les recettes devraient tendre vers 2,1 milliards d'euros en 2008.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a indiqué qu'à côté de ces deux prélèvements, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie percevrait également une fraction de 0,1 % du produit de la contribution sociale généralisée, ainsi qu'une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, ces deux recettes étant jusqu'à présent affectées au Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonome.

Il a précisé que les recettes affectées à la Caisse seraient réparties entre différentes sections et décrit l'affectation des recettes aux différentes charges supportées par la Caisse. Il a toutefois précisé que les ressources et les charges prévues à compter de 2005 ne donnaient pas une vision claire de l'avenir de ladite Caisse, dans la mesure où ses missions, ses recettes et ses charges seraient précisées dans le cadre d'un futur projet de loi.

Evoquant la montée en charge des dépenses de la Caisse, il a indiqué que les charges liées à la médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées seraient plus faibles que les recettes, au départ, ce qui susciterait la constitution de réserves, mais que le coût irait croissant et excèderait ensuite les recettes nouvelles. Il a fait part de la difficulté d'apprécier, à ce stade, la montée en charge des dépenses en faveur des personnes handicapées, compte tenu des incertitudes liées à la prestation de compensation du handicap.

Il a relevé que le projet de loi ne précisait pas les éventuels mécanismes de report des crédits, alors que ceux-ci devraient être importants au cours des premières années. A cet égard, il a relevé que l'esprit du présent projet de loi semble plaider pour que les crédits non utilisés d'une section viennent abonder les crédits de la même section l'année suivante, même si cela pouvait susciter quelques interrogations dans une période de déficit budgétaire massif.

Il a estimé que la Caisse ne devrait financer ses missions que dans la limite des ressources qui lui étaient affectées et qu'il conviendrait de préciser ce point, afin d'instaurer une sorte de « garde-fou » en cas de dérive des dépenses, dont les prévisions étaient, pour l'heure, très incertaines.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a ensuite décrit les modalités de répartition du concours versé par la Caisse aux départements au titre de la prise en charge d'une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il a indiqué que les effets sur les départements dépendraient des conditions fixées par voie réglementaire.

Il s'est enfin interrogé sur le contrôle exercé par le Parlement sur cette Caisse, dont les ressources seraient constituées de prélèvements obligatoires.

Il a indiqué que, à ce stade, les ressources et les dépenses de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne seraient retracées ni dans la loi de finances, ni dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui constituait une atteinte au principe d'universalité budgétaire. Il a estimé que l'information du Parlement sur les comptes de cette Caisse devrait donc être significativement améliorée.

Il a relevé que l'article 7 bis du projet de loi précisait que la Caisse était soumise au contrôle des autorités compétentes de l'Etat, mais qu'il ne précisait pas les modalités de contrôle du Parlement.

Il a estimé que les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, constituées de prélèvements obligatoires, pourraient être prises en compte lors du débat annuel sur les prélèvements obligatoires, qui offrait une vision consolidée des finances publiques.

Il a en outre indiqué que l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances devrait permettre à la commission des finances de suivre la situation de cet établissement public.

A l'issue de cette présentation, M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur pour avis pour la clarté de son propos et a également fait part des réserves que lui inspirait ce projet de loi.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général , après avoir souligné la clarté de la présentation faite par le rapporteur pour avis, a estimé que le sujet était confus dans son approche, alors que la réforme de l'assurance maladie n'était pas encore intervenue. Il a rappelé qu'il avait jadis réfléchi à la mise en place de la prestation spécifique dépendance et indiqué que l'évolution vers un cinquième risque de la sécurité sociale lui semblait une solution à écarter. Il a précisé que des facteurs de modération de charge avaient été alors imaginés, au départ, comme la récupération sur succession, mais que ce système avait été ensuite abandonné, ce qui entraînait une dynamique préoccupante de la dépense.

Il a ensuite relevé qu'il fallait traiter le problème posé par la dépendance, mais que le financement proposé par ce projet de loi ne correspondait pas aux principes définis par la commission des finances.

Il a estimé que les dépenses de la caisse devraient être limitatives et a indiqué que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie entrait dans le champ de contrôle de la commission des finances au titre des dispositions de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Il s'est interrogé sur les modalités d'action de la Caisse, s'agissant notamment des crédits accordés pour l'aide à domicile. Puis il a précisé que les contributions de 0,3 % sur la masse salariale et sur les revenus du patrimoine et les produits de placements constituaient de nouveaux prélèvements obligatoires et estimé que le lien effectué avec la création de valeur ajoutée supplémentaire résultant d'une journée de travail supplémentaire était, selon lui, incertain.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a exprimé son accord avec les propos tenus par le rapporteur général et souligné que ce texte avait été commandé par l'urgence.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que les parlementaires ne devaient pas siéger au conseil de surveillance des organismes qu'ils contrôlaient et a souhaité que cette position soit appliquée de façon constante par la commission des finances.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a indiqué que la désignation de parlementaires au sein du conseil de surveillance de différents organismes était une position traditionnelle.

Faisant part de sa propre expérience, M. Yann Gaillard a confirmé l'analyse du président, n'estimant pas indispensable la présence de parlementaires au sein des conseils de surveillance.

M. Michel Moreigne a remercié le rapporteur pour avis pour la qualité de son intervention et a souhaité obtenir des précisions sur la situation du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il a estimé qu'il était paradoxal de soumettre les conseils généraux à la contribution de 0,3 % de leur masse salariale, alors qu'ils intervenaient, au premier chef, dans la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes dépendantes. Il a fait valoir qu'il aurait été judicieux de les en exonérer.

M. Eric Doligé a estimé qu'il aurait été plus judicieux d'affecter directement les sommes en cause aux départements que de les affecter à une nouvelle Caisse et a regretté le caractère confus du système proposé.

M. François Marc a indiqué qu'il rejoignait l'analyse du rapporteur général et estimé important que les textes proposés au Parlement s'intègrent dans un cadre général d'action.

Il a souhaité que soit effectué un bilan de l'allocation personnalisée d'autonomie et de son application et s'est interrogé sur le dispositif de répartition du concours versé par la Caisse aux départements.

M. Michel Mercier a fait part de ses réserves à l'égard de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, mais a souligné que le texte comportait un élément positif, dans la mesure où il réglait le problème du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il a rappelé le mode de fonctionnement du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, ainsi que ses modalités d'action s'agissant de l'aide à domicile. Puis il a souligné la modicité des sommes actuellement prévues en faveur des personnes handicapées, alors que le coût de la prestation de compensation du handicap pouvait être important.

M. Jean Arthuis, président , a constaté, au vu des différentes interventions des commissaires, que la position de la commission, à l'égard de ce projet de loi, était très réservée. Il a estimé qu'il aurait été préférable de prévoir une dotation inscrite au budget de l'Etat plutôt que la création d'un nouvel établissement public.

Il a indiqué que le seul objet de ce texte était d'assurer une recette et que la création d'une Caisse était critiquable, notamment dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Puis il a critiqué l'institution d'une nouvelle contribution de 0,3 % pesant sur la masse salariale, estimant qu'il s'agissait là d'un nouveau facteur propre à encourager le « nomadisme économique », et partant, à favoriser les délocalisations.

Après que M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , eut souligné la volonté de garantir les recettes au profit des actions en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées, M. Jean Arthuis, président, a estimé que la création d'une Caisse ne constituait pas un gage de sécurité des crédits.

En réponse aux différents intervenants, M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a observé que nombre d'interventions reflétaient un certain scepticisme.

Il a relevé que le projet de loi prévoyait qu'un rapport serait établi par le gouvernement, afin de faire le point sur la mise en oeuvre de la loi instituant l'allocation personnalisée d'autonomie, puis il a précisé les modalités du dispositif de répartition du concours versé, aux départements, au titre de cette allocation.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'opportunité de supprimer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis , a estimé qu'il était préférable de tenter d'améliorer le dispositif à ce stade, tout en faisant part des grandes réserves qu'il inspirait à l'ensemble de la commission des finances.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis.

A l'article 7 (création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), la commission a adopté un amendement tendant à une meilleure rédaction des missions de la Caisse et précisant que celle-ci ne contribuait au financement des actions qui lui étaient confiées que dans la limite des ressources qui lui étaient affectées.

A l'article 7 bis (statut de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général , la commission a adopté un amendement précisant les pouvoirs de contrôle du Parlement.

A l'article 7 ter (organisation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), après l'intervention de M. Jean Arthuis, président , la commission a adopté deux amendements. Le premier amendement visait à préciser que les représentants des conseils généraux siégeaient au conseil d'administration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et à supprimer la disposition prévoyant que les parlementaires siégeaient au sein de l'un des organes de la Caisse. Le second amendement tendait à prévoir que le conseil d'administration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie transmettait, chaque année, au Parlement et au gouvernement, un rapport destiné à améliorer leur information sur les comptes de l'établissement.

La commission a ensuite adopté un amendement à l'article 8 (ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), précisant les modalités de participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Enfin, la commission a adopté un amendement rédactionnel à l'article 10 (charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à compter de 2005).

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

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