ARTICLE 51

Ratification de diverses ordonnances

I. PARAGRAPHE XI

Commentaire : le XI du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives.

Le présent article a pour objet de proposer la ratification de vingt ordonnances, dont la présente s'inscrit dans le champ de compétences de votre commission des finances.

Le XI du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives , prise en application des articles 2, 3 et 7 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit.

Les dispositions de l'ordonnance précitée sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2004 , à moins qu'elles ne s'appliquent pour les impositions établies à partir de 2004 ou pour les délibérations prises à partir de 2004.

A. UN DISPOSITIF ADOPTÉ DANS LE CADRE D'UN LARGE CHAMP D'HABILITATION À SIMPLIFIER LE DROIT FISCAL

A l'exception de l'assouplissement des formalités déclaratives au titre de la formation professionnelle, relevant de l'article 2 de la loi du 2 juillet 2003 précitée, et de la suppression du droit de timbre pour les recours devant les juridictions administratives, explicitement prévue à l'article 3 de la même loi, l'ordonnance du 22 décembre 2003 comporte essentiellement des mesures fiscales , prises en application de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée.

Lors de l'examen de la loi du 2 juillet 2003 précitée, votre commission des finances s'était saisie pour avis de l'article 7 qui habilitait assez largement le gouvernement à prendre des mesures de simplification fiscale :

« I. Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour :

« 1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes ;

« 2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques ;

« 3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;

« 4° Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative et relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt.

« II. - Les ordonnances prises dans le cadre du présent article ne pourront donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles ».

Les dispositions relatives à l'abrogation de dispositions fiscales devenues sans objet, ou à l'adaptation de mesures obsolètes, visées au 1° de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, relèvent de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 dont le XVIII du présent article propose la ratification (cf. infra ).

Le II de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, excluant l'adoption de mesures fiscales nouvelles, avait été adopté sur l'initiative de votre commission des finances . Votre rapporteur pour avis se félicite que l'ordonnance dont il est proposé la ratification, non seulement ne comporte aucune mesure fiscale nouvelle, mais que certaines dispositions prises en application de l'article 7 se traduisent par des économies budgétaires.

En particulier, nonobstant le redéploiement de certaines missions des agents de l'administration fiscale induit par ces mesures, la suppression de l'obligation d'envoi des avis de mise en recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception représente un gain supérieur à 5 millions d'euros , sur la base des 1.760.000 avis de mise en recouvrement édités en 2001. Ce gain est supérieur au coût budgétaire de 1,5 million d'euros résultant de la suppression du droit de timbre devant les juridictions administratives, cette mesure étant prise en application de l'article 3 de la loi précitée - et non de l'article 7 qui excluait l'adoption de mesures fiscales nouvelles.

B. UN DISPOSITIF AUX FINALITÉS MULTIPLES

L'ordonnance du 22 décembre 2003 comporte huit séries de mesures :

- l'assouplissement des formalités à accomplir par les employeurs au titre de la formation professionnelle ;

- la suppression du droit de timbre pour les recours devant les juridictions administratives ;

- des modalités élargies de report des pertes réalisées sur un marché à terme d'instruments financiers ;

- la simplification de la procédure d'enregistrement des actes notariés ;

- la simplification du régime de la TVA sur les débits ;

- l'assouplissement des conditions d'exonération ou d'application des délibérations relatives à certains impôts locaux et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie ;

- l'assouplissement du régime de mensualisation de l'impôt pour les salariés et les travailleurs indépendants ;

- la simplification des règles relatives aux avis de mise en recouvrement.

1. L'assouplissement des formalités à accomplir par les employeurs au titre de la formation professionnelle

L'article premier de l'ordonnance procède à l'assouplissement des formalités déclaratives au titre de la formation professionnelle, en application de l'article 2 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée :

- dans le cadre de la déclaration annuelle relative à l'effort de formation de leurs salariés que sont tenues de souscrire les entreprises de plus de 50 salariés, le I de l'article premier de l'ordonnance prévoit que les employeurs concernés déclarent sur l'honneur qu'ils ont satisfait à l'obligation de consultation du comité d'entreprise ;

- le II de l'article premier de l'ordonnance porte de dix à soixante jours, après la survenance de l'événement visé, les déclarations à effectuer en cas de cession ou de cessation d'entreprise, de décès de l'employeur, de règlement judiciaire ou de liquidation des biens.

2. La suppression du droit de timbre pour les recours devant les juridictions administratives

Depuis 1994, l'ensemble des recours devant les juridictions administratives était soumis à un droit de timbre de 15 euros.

Visant à garantir la gratuité de la justice administrative, cette mesure semble toutefois n'avoir que faiblement contribué à limiter le nombre de recours administratifs. Elle s'est également traduite par des charges de gestion supplémentaires, notamment l'envoi de lettres invitant les requérants ayant omis cette procédure à régulariser leur requête. De surcroît, le gain pour l'Etat que représentait le droit de timbre ( 1,5 million d'euros par an) apparaissait limité au regard de ces enjeux.

L'article 2 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 supprime le droit de timbre devant les juridictions administratives, visé à l'article 1089 B du code général des impôts (CGI), en application de l'article 3 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, adopté par le Sénat sur l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Par coordination, le III de l'article 1090 A du CGI et les articles L. 411-1 et L. 522-2 du code justice administrative ont été abrogés. En outre, l'article 10 de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 instaurant la gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives a été modifié, en supprimant la référence au droit de timbre de 15 euros devant les juridictions administratives, mentionné comme une « exception » au principe de gratuité.

3. Les modalités élargies de report des pertes réalisées sur un marché à terme d'instruments financiers

En application de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, le A de l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 précitée soumet les pertes réalisées par des particuliers sur un marché à terme d'instruments financiers , visées à l'article 150 sexies du CGI, à un régime de report défini comme suit au 11 de l'article 150-0 D du même code :

« Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes ».

Ces dispositions s'appliquent aux pertes subies au titre des revenus déclarés en 2003.

Dans le droit en vigueur jusqu'au 1 er janvier 2004, avant l'entrée en application de ces dispositions, la possibilité de report concernait la « perte nette » (c'est-à-dire le solde net négatif des recettes et des pertes), laquelle était imputable sur les profits nets de même nature réalisés au cours des « cinq » années suivantes. L'ordonnance précitée a porté ce délai à dix ans et permis une imputation des moins-values sur les plus-values réalisées au cours de la même année.

Votre rapporteur pour avis est favorable à cet assouplissement des conditions de report, lequel correspond à l'alignement sur le régime de droit commun en matière de moins-values de cession de valeurs mobilières, en cas de pertes réalisées par des particuliers sur un marché à terme d'instruments financiers, visées à l'article 150 sexies du CGI. En effet, le délai de report des moins-values avait déjà été allongé de cinq à dix ans dans le dispositif de droit commun depuis le 1 er janvier 2002.

4. La simplification de la procédure d'enregistrement des actes notariés

Jusqu'au 1 er janvier 2004, tous les actes notariés donnaient lieu à un enregistrement dans les recettes des impôts sur les originaux, minutes ou brevets des actes (soit deux millions d'actes par an). Les notaires ne pouvant se séparer des minutes des actes, documents uniques comportant les signatures manuscrites, celles-ci étaient portées dans les recettes des impôts par les clercs ou par porteur.

Depuis le 1 er janvier 2004, en application des dispositions de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, le B de l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 permet la transmission postale de ces actes, l'enregistrement étant accompli dans les recettes des impôts à partir d'une copie intégrale de l'acte conforme à l'original signé par les parties.

5. La simplification du régime de la TVA sur les débits

Pour les livraisons de biens effectuées de façon continue dans le cadre de contrats d'abonnement et de prestations de services, les entreprises redevables de la TVA peuvent acquitter la taxe d'après les débits, c'est-à-dire lors de l'inscription des sommes correspondantes au débit des comptes clients.

Jusqu'au 1 er janvier 2004, cette procédure n'était possible qu'après autorisation du directeur des services fiscaux. Le nombre annuel d'autorisations délivrées était estimé entre 1.500 et 2.000.

Depuis le 1 er janvier 2004, en application des dispositions de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, le C de l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 précitée a remplacé la procédure d'autorisation préalable par une option exercée par le redevable.

6. L'assouplissement des conditions d'exonération ou d'application des délibérations relatives à certains impôts locaux et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie

En application des dispositions de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 précitée, l'article 4 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 précitée a assoupli les conditions d'exonération ou d'application des délibérations relatives à certains impôts locaux et à la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie.

Il s'agit des cas suivants :

- en application de l'article 1395 A du CGI, l' exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties , pour une durée maximale de huit ans, des terrains nouvellement plantés en noyers , en cas de délibération en ce sens, « chacun pour sa part », des conseils municipaux, généraux et régionaux et des organes délibérants des groupements de communes à fiscalité propre : le I de l'article 4 de l'ordonnance du 23 décembre 2003 a reporté la date limite de délibération des organes délibérants des collectivités locales ou de leurs groupements du 1 er juillet au 1 er octobre de l'année précédente, pour les délibérations prises à partir de 2004 ;

- conformément aux dispositions du V de l'article 1600 du CGI 68 ( * ) , en cas de création d'une chambre de commerce et d'industrie par dissolution de deux ou plusieurs chambres de commerce et d'industrie, l'application des délibérations prises par les organismes consulaires visant à l' exonération de taxe pour frais de chambre de commerces et d'industrie 69 ( * ) en cas de création d'entreprise ou de reprise d'une entreprise en difficulté : le II de l'article 4 de l'ordonnance du 23 décembre 2003 a reporté du 1 er juillet au 1 er octobre la date postérieurement à laquelle doit être intervenue la création de la chambre de commerce et d'industrie ; ces dispositions s'appliquent pour les impositions établies à compter de 2004 ;

- en application des dispositions du I de l'article 1639 ter du CGI, « les délibérations prises en matière de taxe professionnelle par les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale soumis aux dispositions fiscales [de la taxe professionnelle unique] prévues à l'article 1609 nonies C ne résultant pas d'une substitution ou d'une transformation de groupement préexistant sont applicables :

« a. lorsqu'elles sont prises dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, aux opérations réalisées l'année de la création de l'établissement public de coopération intercommunale [EPCI] quand celle-ci est postérieure au 1 er octobre » ; le III de l'article 4 de l'ordonnance du 23 décembre 2003 a reporté du 1 er juillet au 1 er octobre la date postérieurement à laquelle doit avoir été créé l'EPCI ; ces dispositions s'appliquent pour les impositions établies à compter de 2004.

7. L'assouplissement du régime de mensualisation de l'impôt pour les salariés et les travailleurs indépendants

En cas de mensualisation de l'impôt sur le revenu ou de la taxe professionnelle , le contribuable peut demander à moduler les prélèvements et le solde éventuel donne lieu à une régularisation .

Jusqu'au 1 er janvier 2004, l'application du principe de modulation répondait aux conditions suivantes :

- l'impôt exigible devait différer d'au moins 10 % de celui ayant servi de base aux prélèvements mensuels ;

- la demande devait être formulée avant une certaine date (le 10 mai pour l'impôt sur le revenu, le 10 septembre pour la taxe professionnelle) ; la demande devait préciser le montant présumé de l'impôt ou des taxes, être datée, signée et adressée au comptable du Trésor avant le 10 d'un mois donné pour prendre effet le mois suivant ;

- la modulation de l'impôt étant opérée sous la responsabilité du contribuable, en cas d'erreur sur le montant de l'impôt présumé par le contribuable supérieure à 10 % de ce montant, une majoration de 10 % était appliquée sur la différence entre les deux tiers de l'impôt dû (pour l'impôt sur le revenu) ou la moitié des taxes dues (pour la taxe professionnelle) et le montant des prélèvements effectués à l'émission du rôle.

L'article 1681 D du CGI énumérait la liste des comptes sur lesquels étaient effectués les prélèvements mensuels 70 ( * ) .

Jusqu'au 1 er janvier 2004, la régularisation en fin d'année du solde de l'impôt dû s'opérait dans les conditions suivantes :

- lorsque le prélèvement de décembre était supérieur d'au moins 100 % à l'une des dix premières mensualités, le solde de l'impôt était recouvré par prélèvement d'égal montant à partir de la seconde mensualité qui suivait la mise en recouvrement du solde ;

- le contribuable pouvait s'opposer à cette option.

En application des dispositions de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée, l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 a apporté plusieurs simplifications , à compter du 1 er janvier 2004.

Les modifications suivantes ont été opérées en ce qui concerne la modulation :

a) à l'article 1681 B du CGI, la condition d'une différence de 10 % entre l'impôt exigible et celui ayant servi de base aux prélèvements mensuels est supprimée ;

b) les dates limites du 10 mai (à l'article 1681 B du CGI) et du 10 septembre (à l'article 1681 quater A du CGI) pour effectuer une demande chaque année sont repoussées respectivement au 30 juin et au 30 septembre ; par ailleurs, la demande doit être formulée auprès du Trésor public « au plus tard le dernier jour » (et non plus le 10) du mois qui précède le prélèvement effectif ;

c) pour l'application des sanctions , à l'article 1681 B du CGI la marge d'erreur est portée de 10 % à 20 % du montant de l'impôt dû .

En outre, à l'article 1681 D du CGI énumérant la liste des comptes sur lesquels peuvent être opérés un prélèvement mensuel, le III de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 a supprimé la possibilité d'opérer un prélèvement mensuel « chez un comptable du Trésor ». Il s'agit d'une adaptation du droit à la pratique.

S'agissant de la régularisation du solde , à l'article 1681 C du CGI, le solde est recouvré à partir du troisième (et non plus du deuxième) mois suivant la mise en recouvrement du rôle.

Tout en se félicitant de ces mesures de simplification fiscale, votre rapporteur pour avis se demande si les modifications des délais et la limitation des sanctions suffiront pour accroître la proportion de contribuables ayant choisi la mensualisation , compte tenu de la relative complexité de ces règles : en effet, seulement 3 % des redevables à la taxe professionnelle ont choisi la mensualisation 71 ( * ) .

En outre, votre rapporteur pour avis observe que la généralisation de la mensualisation de l'impôt sur le revenu, malgré certaines annonces gouvernementales, reste en projet.

8. La simplification des règles relatives aux avis de mise en recouvrement

Lorsqu'un paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité de la somme due, un avis de mise en recouvrement est adressé au redevable.

En application des dispositions de l'article 7 de la loi précitée du 2 juillet 2003, l'article 6 de l'ordonnance du 22 décembre 2003 a simplifié les règles relatives aux avis de mise en recouvrement, à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales.

Le 1° a supprimé les avis de mise en recouvrement collectifs, peu usités.

Le 2° a supprimé l'obligation d'envoi des avis de mise en recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception .

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur le paragraphe XI de cet article.

II. PARAGRAPHE XV

Commentaire : le XV du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises.

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le XV du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises , prise en application de l'article 26 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit. Cette disposition résulte d'une heureuse initiative de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur du présent projet de loi au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, et permet la ratification expresse de cette ordonnance, que le présent projet de loi ne prévoyait pas.

Cette ordonnance a en effet été prise avant l'expiration du délai limite de douze mois fixé à l'article 35 de la loi d'habilitation précitée du 2 juillet 2003, mais a été publiée le 25 mars 2004, soit après le dépôt du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 17 mars 2004. Le gouvernement a néanmoins déposé le 16 juin 2004 un projet de loi de ratification 72 ( * ) afin de respecter le délai de trois mois, à compter de la publication de l'ordonnance, imparti par l'article 35 de la loi d'habilitation précitée du 2 juillet 2003.

L'ordonnance précitée du 25 mars 2004 comporte deux titres respectivement consacrés aux entreprises et à l'activité commerciale, et prévoit de nombreuses mesures de simplification portant sur les coopératives de commerçants et d'artisans, la location-gérance d'un fonds de commerce, les sociétés à responsabilité limitée (SARL), la dépénalisation du droit des sociétés, le droit de la concurrence et des concentrations, les ventes en liquidation, les foires et salons, ainsi que les manifestations commerciales et les marchés d'intérêt national.

Lors de l'examen en mai 2003 du projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, votre commission des finances s'était plus particulièrement saisie pour avis des habilitations prévues par les 4°, 5° et 10° de son article 26, tendant respectivement à :

« 4° Simplifier et unifier le régime applicable aux valeurs mobilières des sociétés commerciales ;

« 5° Assouplir le régime applicable à la société à responsabilité limitée en permettant à cette société d'émettre des obligations sans appel public à l'épargne, d'augmenter le nombre de ses associés, d'alléger les formalités de cession des parts sociales et de faciliter les modes d'organisation de sa gérance ;

« 10° Instituer une procédure accélérée pour l'examen, par le Conseil de la concurrence, des affaires inférieures à un seuil déterminé et relever le seuil du chiffre d'affaires des entreprises soumises au contrôle des opérations de concentration ».

Les dispositions relatives à la modernisation du régime des valeurs mobilières ont fait l'objet d'une ordonnance distincte, promulguée le 24 juin 2004 73 ( * ) , dont le présent article ne prévoit pas la ratification expresse. Les dispositions relatives aux SARL et au contrôle des concentrations sont détaillées ci-après.

1. La modernisation du régime des sarl

Les articles 11 à 18 de l'ordonnance du 25 mars 2004, précitée, apportent de nombreux assouplissements au régime des SARL et renforcent la liberté contractuelle des associés, afin de faciliter la création, le développement et le fonctionnement de ce type de sociétés. Ces mesures s'ajoutent à celles déjà mises en oeuvre par la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, telles que l'introduction du récépissé de création d'entreprise et la libre fixation par les statuts du montant du capital social.

a) Augmentation du nombre maximal d'associés

L'article 11 de l'ordonnance modifie l'article L. 223-3 du code de commerce pour porter de cinquante à cent le plafond du nombre d'associés . Le maintien du principe d'un plafond permet de conserver - tout en l'allégeant - l' intuitu personae propre à la SARL. En cas de dépassement, le délai de régularisation passe de deux à un an, la possibilité d'une transformation en un autre type de société (société anonyme, société par actions simplifiée ou société en commandite par actions) étant désormais explicitement consacrée, après avoir été implicitement admise.

b) Nouvelle faculté d'émission d'obligations

Afin de diversifier les sources de financement des SARL et à l'instar de certaines associations, l'article 12 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 223-11 du code de commerce, introduit la possibilité pour ces sociétés d'émettre des obligations nominatives non cotées. Cette possibilité est toutefois encadrée par deux conditions préalables : la désignation d'un commissaire aux comptes et l'approbation régulière par les associés des comptes des trois derniers exercices de douze mois. En pratique, ne pourront dès lors accéder au marché obligataire que les SARL d'une certaine taille, ayant établi des comptes certifiés et qui ont dépassé deux des trois seuils prévus par l'article 12 (sur renvoi de l'article 43) du décret du 23 mars 1967 74 ( * ) : un total de bilan de 1,55 million d'euros, un chiffre d'affaires hors taxes de 3,1 millions d'euros, et un effectif moyen de 50 salariés.

Il est explicitement prévu que ces émissions obligataires ne peuvent se faire par voie d'appel public à l'épargne 75 ( * ) , mais les autres modalités de leur régime sont semblables à celui des émissions réalisées par les sociétés par actions : décision prise par l'assemblée des associés, conformément aux dispositions applicables aux assemblées générales d'actionnaires, et représentation des obligataires au sein d'une assemblée. La société émettrice doit mettre à la disposition des souscripteurs une notice explicitant les conditions de l'émission, ainsi qu'un document d'information, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le texte proposé par l'article 12 reprend enfin l'interdiction prévue par l'ancienne rédaction du dernier alinéa de l'article L. 223-11 du code de commerce : une SARL ne peut garantir, à peine de nullité, une émission de valeurs mobilières , sauf si cette émission est réalisée par une société de développement régional ou s'il s'agit d'une émission d'obligations bénéficiant de la garantie subsidiaire de l'Etat.

c) Formalités de cession des parts sociales

Les articles 13 et 14 de l'ordonnance prévoient une nouvelle rédaction pour les articles L. 223-13 et L. 223-14 du code de commerce, qui traitent respectivement la cession de l'entreprise aux conjoints, ascendants et descendants, et celle à des tiers .

Le II du texte proposé pour l'article L. 223-13 comble ainsi un vide juridique et dispose que les statuts peuvent prévoir que, en cas de décès de l'un des associés, la société continuera avec son héritier ou seulement l'un des associés survivants . Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants ou que l'agrément a été refusé à l'héritier 76 ( * ) des parts sociales, ce dernier a droit à un dédommagement correspondant à la valeur des droits sociaux de son auteur. Les statuts peuvent également stipuler que la SARL continuera, soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs héritiers, soit avec toute autre personne désignée, ou, si ceux-ci l'autorisent, par dispositions testamentaires. Dans tous les cas, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès, selon la procédure de l'expertise prévue par l'article L. 1843-4 du code civil.

Le texte proposé par l'article 14 de l'ordonnance précitée pour l'article L. 223-14 du code de commerce, relatif à la cession d'une SARL à des tiers, tend à abaisser le seuil de majorité requis pour la décision d'agrément d'une telle cession . La décision est ainsi subordonnée au consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, et non plus les trois quarts, nonobstant la fixation statutaire d'une majorité plus forte. Le cédant peut en outre renoncer à la cession (« droit de repentir »), en particulier s'il estime que le prix fixé par l'expert (dont les frais sont à la charge de la société) est insuffisant. Les clauses statutaires contraires à la procédure de fixation du prix de cession, prévue par l'article L. 1843-4 du code civil, ne sont désormais plus interdites.

d) Modes d'organisation de la gérance

Les articles 15 à 18 de l'ordonnance précitée tendent à assouplir l'organisation de la gérance à tous les stades de vie de la société.

Au stade de la constitution de la société, les modifications apportées par l'article 15 de l'ordonnance à l'article L. 223-8 du code de commerce permettent aux apporteurs de fonds de demander en justice le retrait de leurs apports , dans l'hypothèse où la société ne serait pas constituée ou immatriculée passé un délai de six mois à compter du premier dépôt de fonds. Le retrait de ces fonds peut également être demandé par un mandataire représentant l'ensemble des apporteurs, sans qu'une décision de justice soit nécessaire. Il s'agit par ces mesures, ainsi que le dispose le rapport au Président de la République annexé à l'ordonnance, de pallier les carences du gérant qui n'aurait pas accompli avec diligence les formalités de constitution et d'immatriculation de la société.

S'agissant du statut et des pouvoirs du gérant , le I du texte proposé par l'article 16 de l'ordonnance pour l'article L. 223-18 du code de commerce permet de nommer des gérants à la majorité relative (et non plus à la majorité absolue) sur seconde convocation. Dans les mêmes conditions, le II prévoit que les associés peuvent décider de supprimer dans les statuts la mention du nom d'un gérant qui aurait cessé ses fonctions pour quelque motif que ce soit. Le III de l'article précité étend également aux SARL la procédure simplifiée de déplacement du siège social, dans le même département ou dans un département limitrophe, applicable aux sociétés anonymes. Il en est de même pour la procédure simplifiée de mise en harmonie des statuts avec les dispositions législatives et réglementaires, sous réserve de ratification par les associés à la majorité renforcée des trois quarts des parts sociales.

L'article 17 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 223-25 du code de commerce, contribue à alléger les conditions de révocation du gérant , selon un parallélisme des formes avec la procédure de nomination. La révocation peut donc être décidée à la majorité des votes émis lors d'une seconde convocation, sauf dispositions statutaires plus strictes. Une révocation sans juste motif peut naturellement donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts.

Enfin l'article 18 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 223-27 du code de commerce, précise que la tenue de l'assemblée des associés ne peut avoir lieu avant l'expiration du délai de six mois, à compter de la clôture de l'exercice, de communication des documents mentionnés à l'article L. 223-26 du même code (rapport de gestion, inventaire, comptes annuels, et le cas échéant rapport des commissaires aux comptes). Il prévoit également qu'en cas de décès du gérant unique , le commissaire aux comptes ou tout associé peut convoquer l'assemblée pour procéder au remplacement du gérant.

2. Simplification du droit de la concurrence

a) Les accords interentreprises

L'article 24 de l'ordonnance institue une procédure accélérée d'examen, par le Conseil de la concurrence, d'accords ou de pratiques entre entreprises dont l'impact, en terme de parts de marchés, est de faible importance. Toutefois, cette procédure ne concerne pas les passations de marchés publics et ne s'applique pas en cas d'atteinte particulièrement grave aux principes du droit de la concurrence.

Ledit article a le double mérite :

- de respecter les normes communautaires relatives aux règles « de minimis » auxquelles le droit national de la concurrence doit se conformer, en matière d'accords entre entreprises ayant une incidence sur le fonctionnement des marchés ;

- de simplifier ainsi à la fois non seulement le droit et les formalités des entreprises -ce qui constitue l'objectif principal du présent projet de loi- mais aussi, par la même occasion, le fonctionnement du Conseil de la concurrence.

a) Une simplification conforme aux prescriptions communautaires

L'article L.464-6 du code de commerce prévoit la possibilité d'abandonner les procédures (contentieuses) d'examen de différents accords entre entreprises, visés à l'article L.420-1 (actions concertées, conventions, ententes tacites ou exprimées, coalitions) dès lors qu'il n'est pas établi que de telles pratiques sont de nature à porter atteinte à la concurrence.

Cette notion d'absence d'atteinte substantielle à la concurrence, susceptible d'entraîner le classement sans suite d'un dossier, est précisée par les deux articles L.464-6-1 et L.464-6-2 dont il est ici demandé d'autoriser l'insertion dans le code de commerce après l'article L.464-6 précité.

Le premier de ces deux articles indique le seuil de parts de marchés, atteint par les parties du fait de l'accord considéré, limite en deçà de laquelle il n'y a pas lieu de poursuivre une procédure introduite devant le Conseil de la concurrence (10 % en cas d'accord « vertical » entre entreprises concurrentes - 15 % s'il s'agit d'un accord « horizontal » entre entreprises non concurrentes).

Le second article exclut cette possibilité de classement sans suite dans des cas de restrictions caractérisées de concurrence qu'il énumère.

La décision du Conseil de la concurrence de ne pas poursuivre -en vertu de ces règles « de minimis »- une procédure contentieuse pour pratique anticoncurrentielle, doit, en tout état de cause, être motivée.

Les deux nouveaux articles ainsi introduits dans le code de commerce par le présent article, soumis à la ratification du Sénat, de l'ordonnance précitée de mars 2004 s'inspirent des principes communautaires énoncés par deux textes émanant de la commission européenne :

- le règlement CE n° 2790/99 (relatif à l'application du paragraphe 3 de l'article 81 du traité CE) ;

- la communication 2001/C 368/07 en date du 22 décembre 2001.

L'avis n° 04-A-14 du 23 juillet 2004 du Conseil de la concurrence relatif à une saisine du syndicat national de l'équipement de bureau et de l'informatique (SEBI) contient une analyse éclairante à cet égard.

Pour appliquer, en droit national, la règle communautaire dite « de minimis », le Conseil de la concurrence, en vertu des deux nouveaux articles du code de commerce L 464-6-1 et 2, qu'il est proposé de ratifier, doit, comme le rappelle l'avis susmentionné, vérifier que l'accord en cause n'a pas d'effet sensible sur l'équilibre du marché.

S'agissant, en l'espèce, de relations entre fournisseurs et distributeurs, l'avis mentionne les deux seuils en dessous desquels des accords entre entreprises sont tolérés, l'absence d'atteintes substantielles à la concurrence, sauf restrictions flagrantes, étant alors présumée.

Même au-delà d'une part de marché de 30 %, rappelle le Conseil de la concurrence, un accord peut ne pas être condamné, si le bilan concurrentiel global qui en est dressé s'avère positif (des accords - de distribution en l'occurrence - peuvent, en effet, dans certains cas, entraîner, selon la Commission européenne, des effets positifs pour les consommateurs ou pour la concurrence au regard du progrès économique pouvant résulter de leur application).

Le texte de l'avis traite également des restrictions caractérisées de concurrence, visées à l'article L. 464-6-2, dont l'existence rend inapplicables les règles « de minimis » autorisées par l'article précédent L. 464-6-1.

Ces restrictions flagrantes, parfois dénommées aussi « clauses noires » consistent, notamment, à ériger des monopoles territoriaux, à imposer des prix de vente ou à restreindre les livraisons croisées entre distributeurs.

Elles peuvent ainsi avoir des effets anti-économiques notoires en entraînant des limitations de production ou en entravant l'efficacité des réseaux de distribution.

b) Une amélioration subséquente du fonctionnement du Conseil de la concurrence

Comme votre commission des finances l'avait souligné dans son avis sur le présent projet de loi d'habilitation, le présent article, soumis à la ratification du Sénat, a aussi l'avantage de contribuer à désengorger le Conseil de la concurrence, donc à améliorer son efficacité.

Dans son dernier rapport d'activité, le Conseil de la concurrence note, en effet, que la durée moyenne globale de traitement des affaires terminées en 2003 a été proche de 3 ans et demi (4 ans et 4 mois pour les affaires de fond, mais 3 mois seulement, comme l'exige la loi sur les nouvelles régulations économiques, pour les avis en concentration).

L'évolution est favorable depuis trois ans :

- le stock d'affaires en cours, pour la première fois depuis 1993, est repassé sous la barre des 300, mais il représente encore environ trois années d'activité pour les saisines au fond ;

- l'indicateur d'encombrement de l'institution (ratio affaires en stock/affaires traitées dans l'année) progresse lui aussi. Cependant le délai moyen d'attente (26 mois en 2003 contre 38 en 2000) demeure trop long.

Comme elle l'avait fait dans son rapport sur la loi d'habilitation, votre commission des finances ne peut donc que se réjouir de voir être proposée à la ratification du Parlement, l'instauration de seuils de sensibilité permettant d'accélérer le traitement par le Conseil de la concurrence d'affaires pour lesquelles « aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie » (cf. art. L. 464-6 du code de commerce).

b) Les concentrations

Figurant dans l'article 25 de l'ordonnance du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, les dernières dispositions du XV de l'article 51 du présent projet de ratification (10° de l'article 26 de la loi d'habilitation) consistent en un relèvement du seuil de contrôle des concentrations.

En plus de ses attributions contentieuses dans le domaine des pratiques concurrentielles, le Conseil de la concurrence exerce une fonction importante en matière de contrôle des concentrations qui n'est cependant, dans ce domaine, que consultative.

La décision d'autoriser ou non une opération de concentration revient, en effet, au ministre de l'économie.

La définition des opérations de concentration, donnée par l'article L. 430-1 du code de commerce 77 ( * ) , est la simple reprise de celle figurant à l'article 3 du règlement applicable dans ce domaine (CEE n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989).

a) La refonte du contrôle des concentrations communautaires

Seules sont soumises à contrôle et autorisation de l'exécutif, les opérations qui n'entrent pas dans les limites d'exercice des compétences de la Commission européenne.

Ces dernières étaient définies par un article d'un règlement communautaire ad hoc qui vient d'être modifié (article 3 du règlement du Conseil du 21 décembre 1989 - CEE n° 4064/90).

Le nouveau texte européen sur le contrôle des concentrations, dont la teneur avait été approuvée par le Conseil compétitivité du 27 novembre 2003, a été adopté sans débat par les ministres de l'économie et des finances de l'Union le 20 janvier dernier (règlement n° 139/2004), avant d'entrer en vigueur au mois de mai.

La réforme en question est de faible ampleur. Le nouveau règlement, en particulier, ne touche pratiquement pas à la définition des concentrations.

Sur le fond, le principal changement tend à remettre en cause l'exclusivité de la prise en compte du critère de la position dominante pour apprécier le caractère licite des opérations concernées;

Sont désormais prohibées, les concentrations « qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d'une position dominante ».

Ce texte représente une sorte de compromis entre les deux grands principes qui prévalent en cette matière, fondés, le premier, sur la notion de position dominante, jusqu'ici privilégiée par la Commission européenne, et le second, sur l'atteinte à la concurrence à laquelle se réfère le droit américain 78 ( * ) .

Le droit européen se rapproche ainsi des critères français définis par l'article L.430-6 du code de commerce à ceci près qu'il n'est pas prévu que l'atteinte à la concurrence puisse résulter du renforcement d'une « puissance d'achat », ni exigé qu'elle soit significative.

La création ou le renforcement d'une position dominante demeure la forme la plus fréquente d'entrave à la compétition économique et commerciale entre les entreprises sur le marché. Mais l'intégration du concept de dominance dans celui, plus vaste d'atteinte significative à la concurrence, facilite l'empêchement, par la Commission européenne, des effets unilatéraux indésirables d'une concentration (constitution de conglomérats ou d'oligopoles non collusoires).

En matière de bilan concurrentiel, celle-ci se montre réservée quant à la prise en considération des gains d'efficacité économique supposés de chaque opération ( efficiency defense ) que leur pré-notification permet d'envisager au préalable, avant le traitement du dossier.

b) Le partage des compétences entre autorités européennes et nationales

Après avoir abandonné plusieurs idées de réformes 79 ( * ) , la Commission européenne s'est contentée de modifier les procédures de renvoi existantes afin d'améliorer la coopération en réseau des autorités européennes et nationales.

Le renvoi d'une concentration communautaire à un Etat-membre est désormais possible lorsque la concentration menace d'affecter, de manière significative, la concurrence dans des marchés nationaux distincts de celui d'autres pays ou du marché commun.

Il est fait référence à ce même critère de perturbation significative de la concurrence, s'agissant du renvoi d'une concentration nationale à la Commission européenne, sur la suggestion éventuelle de celle-ci, à l'initiative des Etats membres.

Les définitions de la dimension communautaire de la concentration n'ont pas été modifiées 80 ( * ) et demeurent celles fixées par le règlement du Conseil du 21 décembre 1989 (CEE n° 4064/89).

Les opérations qui n'ont pas cette dimension, relèvent des autorités françaises de la concurrence.

c) Le relèvement proposé du seuil des concentrations

Comme les procédures contentieuses suivies dans les affaires donnant lieu à une décision du Conseil, les règles relatives aux concentrations ont été profondément modifiées par la loi NRE du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques).

Il en résulte, d'un côté, une certaine simplification dans la mesure où il n'est plus fait référence à la part de marché des entreprises concernées, seul étant pris en compte, comme seuil de contrôle, leur chiffre d'affaires en valeur absolue 81 ( * ) . Mais, d'un autre côté, la notification de l'opération contrôlable au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est devenue obligatoire alors qu'elle n'était, auparavant, que facultative (article L. 430-3 du code de commerce).

Par ailleurs, comme l'avait alors souligné votre commission des finances lors de l'examen dudit projet, les seuils, exprimés en valeur absolue, de chiffre d'affaires, ont été considérablement abaissés par l'Assemblée nationale par rapport à la situation précédente. On relèvera à cet égard que le texte initial entendait les voir fixer par décret.

Lors de l'examen du projet NRE précité, votre commission des finances avait :

- souligné la surcharge de travail pour l'administration et le Conseil de la concurrence qui risquait de résulter de l'effet conjugué de l'abaissement des seuils et de l'obligation de notification ;

- envisagé une élévation des seuils, à laquelle elle avait renoncé en raison de l'objection qui lui avait été présentée sans qu'elle soit en mesure d'en vérifier le bien-fondé, selon laquelle les limites retenues seraient comparables à celles en vigueur à l'étranger ;

- déploré l'absence de procédure simplifiée en matière de notification 82 ( * ) et d'autorisation 83 ( * ) des ententes ;

- constaté certaines lacunes ou obscurités dans la rédaction, très complexe, des articles L. 430-5 à L. 430-8 du code de commerce.

Le fait que les seuils prévus par la loi NRE précitée aient été fixés à un niveau beaucoup trop bas, la nécessité de réactualiser périodiquement ces limites et le caractère très technique des données qui doivent éclairer les décisions à prendre en la matière, militaient, de l'avis exprimé par votre commission des finances dans son rapport sur les habilitations de la loi du 2 juillet 2003, en faveur d'une délégation de pouvoir à l'exécutif sur ces questions.

Il semble donc souhaitable de ratifier, les présentes dispositions, tendant à augmenter les seuils de chiffre d'affaires qui commandent la notification 84 ( * ) des concentrations.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur pour avis approuve les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2004, conformes aux objectifs de l'article 23 de la loi du 2 juillet 2003 ainsi qu'aux informations transmises à votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi d'habilitation.

Les aménagements proposés sont de nature à renforcer l'attractivité de la SARL. Outre les dispositions facilitant l'organisation interne du pouvoir, la levée de l'interdiction d'émettre des obligations leur ouvre en particulier de nouvelles perspectives de financement et dans les opérations de transmission 85 ( * ) , tout en étant assortie de conditions propres à garantir la transparence et la sincérité de leurs comptes, ainsi que l'information des souscripteurs dans le cadre d'un placement privé. Il est donc nécessaire que le décret en Conseil d'Etat, fixant les modalités du document d'information, soit pris rapidement afin d'assurer la faisabilité de ces émissions.

Certains praticiens pourront considérer que le relèvement du plafond du nombre d'associés et la faculté de recourir aux émissions obligataires constituent une brèche dans la cohérence de la forme sociale de la SARL. Si le financement obligataire tend effectivement à rapprocher la SARL de la catégorie des sociétés de capitaux plutôt que de celle de personnes, il convient néanmoins de rappeler que la controverse sur la nature réelle de cette forme sociétaire est déjà ancienne.

En ce qui concerne le droit de la concurrence, l'instauration d'un seuil de sensibilité pour les accords entre entreprises déférés au Conseil de la concurrence et le relèvement de celui des concentrations, constituent, par ailleurs, des mesures dont la ratification ne peut qu'être recommandée.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur le paragraphe XV de cet article.

III. LE PARAGRAPHE XVII

Commentaire : le XVII du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-280 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière d'enquêtes statistiques.

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le XVII du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-280 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière d'enquêtes statistiques , prise en application de l'article 23 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit.

D'un point de vue formel , cette ordonnance a été prise avant l'expiration du délai-limite de douze mois fixé à l'article 35 de la loi d'habilitation précitée du 2 juillet 2003.

Cette ordonnance n'a toutefois été publiée qu'après le dépôt du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 17 mars 2004, de sorte que la présente disposition invitant à sa ratification expresse résulte d'une heureuse initiative de notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur du présent projet de loi au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Parallèlement, le gouvernement n'en a pas moins dû procéder en date du 25 juin 2004 au dépôt d'un projet de loi de ratification 86 ( * ) , conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi d'habilitation précitée du 2 juillet 2003 disposant qu'un projet de loi de ratification de chaque ordonnance prise sur le fondement de cette loi d'habilitation devait être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Au fond , cette ordonnance vise, conformément à l'article 23 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, à réduire le nombre des enquêtes statistiques obligatoires pesant sur les professionnels et à rénover les conditions d'utilisation des données ainsi recueillies, en :

- « permettant de déterminer celles des enquêtes statistiques qui doivent revêtir un caractère obligatoire »,

- « et, dans le respect des règles de protection de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, d'organiser la cession aux services statistiques des données recueillies, dans le cadre de leurs missions par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public »,

- « ainsi que de définir les conditions d'exploitation de ces données à des fins de recherche scientifique ».

Ces trois séries de mesures sont précisées ci-après.

1. La réduction du nombre des enquêtes obligatoires

Il résultait de la rédaction antérieure de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques que les personnes physiques ou morales étaient tenues de répondre avec exactitude, et dans les délais fixés, à toutes les enquêtes statistiques inscrites dans le cadre du programme de travail établi par le Conseil national de l'information statistique (CNIS) et arrêté par le ministre dont relève l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la réalisation de ces enquêtes supposant ensuite le visa préalable du ministre dont relève l'INSEE, ainsi que, le cas échéant, celui du ministre auquel ressortissent les intéressés.

En d'autres termes, la réponse à toutes les enquêtes statistiques publiques était a priori obligatoire .

Or, « en cas de défaut de réponse après mise en demeure [...] ou de réponse sciemment inexacte », les personnes physiques ou morales peuvent faire l'objet, dans un délai d'au plus deux ans et sur décision motivée, d'une amende administrative prononcée par le ministre dont relève l'INSEE sur avis du CNIS réuni en comité du contentieux des enquêtes statistiques obligatoires. Le montant de la première amende encourue ne peut dépasser 150 euros. Cependant, en cas de récidive dans le délai de trois ans, le montant de l'amende est porté à 300 euros au moins et 2.250 euros au plus pour chaque infraction.

Ces dernières dispositions étaient appliquées : plus d'un millier d'amendes étaient ainsi infligées à des professionnels chaque année.

Ce dispositif coercitif était d'autant plus mal ressenti par les professionnels que le nombre d'enquêtes statistiques auxquelles ils étaient assujettis tendait à augmenter, notamment sous l'impulsion des règlements européens.

C'est la raison pour laquelle le CNIS avait été conduit à distinguer dans son programme de travail les enquêtes obligatoires revêtues du visa du ministre et s'inscrivant de ce fait pleinement dans le cadre de la loi précitée du 7 juin 1951, d'une part, des « enquêtes d'intérêt général » non revêtues du visa du ministre, d'autre part.

Ces dernières enquêtes reposaient cependant sur un fondement législatif incertain.

C'est à cette incertitude juridique que se proposent de remédier les articles 1 er et 2 de la présente ordonnance du 25 mars 2004, en prévoyant la distinction , au sein du programme établi par le CNIS, entre les enquêtes obligatoires et les autres enquêtes.

En pratique, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ne demeureront obligatoires que les seules enquêtes répondant aux règlements européens, les enquêtes essentielles ou les enquêtes pour lesquelles un taux de réponse élevé est scientifiquement indispensable (le taux de réponse étant naturellement plus élevé pour les enquêtes obligatoires que pour les autres enquêtes).

2. La rationalisation de l'utilisation des fichiers de données existants

L'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, modifié par la loi n° 92-1336 du 23 décembre 1992, disposait que « les informations relatives aux personnes physiques, à l'exclusion des données relatives à la santé ou à la vie sexuelle, et celles relatives aux personnes morales, recueillies, dans le cadre de sa mission, par une administration, un établissement public, une collectivité territoriale ou une personne morale de droit privé gérant un service public peuvent être cédées, à des fins exclusives d'établissement de statistiques , à l'INSEE ou aux services statistiques ministériels ». Ces dispositions s'appliquaient, sous réserve de l'article L. 777-3 du code de procédure pénale, « nonobstant toutes dispositions contraires relatives au secret professionnel ».

Ces transmissions de fichiers administratifs à des fins statistiques étaient encadrées. En effet, les cessions portant sur des informations nominatives étaient soumises aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En outre, les informations transmises en application du présent article et permettant l'identification des personnes physiques ou morales auxquelles elles s'appliquent ne pouvaient faire l'objet d'aucune communication de la part du service bénéficiaire, dont les agents sont, par ailleurs, soumis au secret professionnel .

Cependant, l'expérience montrait que certaines administrations demeuraient réticentes à transmettre leurs fichiers administratifs à des services statistiques publics, qui ne disposaient, alors, d'aucun autre moyen de recueillir les données concernées que de lancer des enquêtes, ce qui astreignait les professionnels concernés à transmettre une seconde fois les mêmes informations.

En conséquence, l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2004 tend à modifier l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques afin de transformer en obligation la faculté de transmission par une administration de ses fichiers administratifs à l'INSEE ou aux services statistiques ministériels . Cette obligation repose sur une procédure encadrée , puisqu'elle suppose une demande du ministre dont relève l'INSEE, après avis du CNIS et, bien sûr, l'absence de disposition législative contraire.

Par ailleurs, afin de répondre aux besoins d'évaluation des politiques de santé publique, l'article 5 ouvre selon une procédure spécifique cette faculté de transmission aux données personnelles de santé, tout en maintenant l'exclusion concernant les données relatives à la vie sexuelle, qui résulte d'une initiative parlementaire.

3. La diffusion des fichiers administratifs à des fins de recherche scientifique

Le droit antérieur permettait aux chercheurs indépendants d'accéder aux séries statistiques établies par les services statistiques publics, ainsi qu'aux fichiers administratifs retraités par l'INSEE ou par les services statistiques ministériels auxquels ils avaient été transmis dans le cadre de la procédure exposée ci-avant.

En revanche, ces chercheurs ne disposaient en pratique que d'un accès restreint aux fichiers administratifs eux-mêmes, ce que l'administration justifiait notamment par le fait que les dispositions ayant créé au sein du CNIS le « comité du secret statistique concernant les entreprises » examinant les demandes d'accès à ces fichiers à des fins scientifiques étaient d'ordre réglementaire et n'avaient donc pas pu soumettre ces chercheurs au régime de sanction du secret professionnel prévu par le code pénal, mais seulement à une déclaration sur l'honneur selon laquelle ils utiliseraient ces fichiers conformément à leurs engagements.

C'est à cette situation qu'entendent remédier les articles 3, 4 et 6 de l'ordonnance du 25 mars 2004.

En effet, ces articles proposent d'inscrire dans la loi l'existence du comité du secret statistique , et d'en étendre les missions : présidé par un conseiller d'Etat, comprenant notamment des représentants des assemblées parlementaires, ce comité, qui se substitue à l'ancien « comité du secret statistique concernant les entreprises », serait chargé de donner son avis sur les demandes de communication de l'ensemble des données individuelles d'ordre économique ou financier concernant non plus seulement les « entreprises », mais aussi l'activité professionnelle des entrepreneurs individuels et des professionnels libéraux, ainsi que l'ensemble des personnes morales de droit public ou privé, dont les collectivités territoriales. En outre, la formation plénière de ce comité du secret statistique pourrait formuler des recommandations aux demandes de communication émanant de chercheurs qui souhaitent avoir accès à des fins de recherche scientifique aux données individuelles collectées par l'INSEE et les services statistiques ministériels.

Cette inscription législative permettrait de rénover le régime de communication de ces données à des fins scientifiques , les chercheurs ayant ainsi accès à des données individuelles relatives à des personnes physiques ou morales étant désormais assujetties au secret professionnel sous peine des sanctions prévues par le code pénal.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur pour avis approuve pleinement les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2004, conformes non seulement aux objectifs de l'article 23 de la loi du 2 juillet 2003, mais aussi aux informations transmises à votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi d'habilitation.

En effet, ces dispositions sont de nature :

- d'une part, à réduire « l'impôt administratif » prélevé sur les professionnels à des fins statistiques, notamment en reportant des obligations de transmission des professionnels vers les administrations détenant déjà des fichiers de données, ce qui relève à la fois d'un impératif d'efficacité économique et d'un souci de rationalité budgétaire ;

- d'autre part, à faciliter l'exploitation à des fins scientifiques par des chercheurs indépendants des fichiers constitués par l'administration dans le cadre de ces missions, ce qui répond à l'une des préconisations formulées en 2001 par notre collègue Joël Bourdin dans son rapport d'information 87 ( * ) fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification intitulé « De la démocratie budgétaire en Amérique », et sous-titré « L'information économique aux Etats-Unis : quels enseignements pour la France ? ».

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur le paragraphe XVII de cet article.

IV. LE PARAGRAPHE XVIII

Commentaire : le XVIII du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale.

Le XVIIII du présent article propose la ratification de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale , prise en application de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, et notamment de ses articles 7 et 10.

A. UNE DEUXIÈME VAGUE DE SIMPLIFICATIONS FISCALES PAR ORDONNANCE

Il s'agit de la deuxième ordonnance de simplifications fiscales présentée en application de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003.

La première est l'ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives. Le XI du présent article, qui propose la ratification de cette ordonnance, fait l'objet d'un examen dans le présent rapport pour avis.

L'ordonnance du 25 mars 2004 vise spécialement à clarifier les règles applicables en matière fiscale, afin de faciliter la vie des contribuables. Plus généralement, d'après le communiqué du ministère du Budget en date du 24 mars 2004 relatif aux nouvelles mesures de simplifications fiscales en faveur des contribuables, « Cette ordonnance s'inscrit dans une démarche continue de simplification et de modernisation du code général des impôts », à laquelle votre rapporteur général ne peut qu'être hautement favorable.

Lors de l'examen de la loi du 2 juillet 2003 précitée, votre commission des finances s'était saisie pour avis de son article 7 , dont les termes de l'habilitation étaient les suivants :

« I. Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour :

« 1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes ;

« 2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques ;

« 3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;

« 4° Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative et relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt.

« II. - Les ordonnances prises dans le cadre du présent article ne pourront donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles ».

L'ordonnance dont il est proposé la ratification, intervient dans les quatre champs de cette habilitation . Par ailleurs, il est rappelé que le II de l'article 7 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, qui exclut l'adoption de mesures fiscales nouvelles, avait été adopté sur l'initiative de votre commission des finances . Comme pour l'ordonnance du 22 décembre 2003 précitée, votre rapporteur pour avis observe que l'ordonnance du 25 mars 2004 ne comporte effectivement aucune dépense fiscale nouvelle.

Les simplifications induites par la présente ordonnance ne sont pas négligeables. Ainsi, douze procédures sont simplifiées ou supprimées pour alléger les formalités des particuliers et des entreprises , et soixante articles du code général des impôts sont abrogés pour contribuer à la lisibilité du droit , particulièrement dans le domaine des pénalités et des sanctions.

Au total, plus de deux cent cinquante articles du code général des impôts sont simplifiés ou supprimés.

Fort opportunément, l'objectif de clarification a permis, en particulier, de substituer à la « notification de redressement », la « proposition de rectification », nouvelle dénomination sans connotation négative (la « rectification » pouvant concerner des situations involontairement erronées), et signifiant mieux aux contribuables qu'ils peuvent contester les propositions de l'administration.

Par ailleurs, une habilitation se situant dans un tout autre registre a donné lieu à un article qui a pris place au sein de l'ordonnance du 25 mars 2004. Il s'agit de l'habilitation résultant de l' article 10 de la loi du 2 juillet 2003 précitée, aux termes duquel « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures visant à préciser la situation des délégués du Médiateur de la République en complétant l'article 6-1 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République ».

B. DES DISPOSITIONS UTILES ET CONFORMES AUX TERMES DE L'HABILITATION 88 ( * )

1. L'abrogation de dispositions obsolètes

Le chapitre premier « Abrogation et adaptation de dispositions fiscales devenues sans objet ou obsolètes » met ainsi en oeuvre les dispositions du 1° de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée.

a) Dispositions relatives aux impôts directs

L' article premier abroge l'article 39 octies B du code général des impôts (CGI), dont les dispositions sont relatives à la provision pour pertes subies par des filiales d'entreprises françaises implantées dans la Communauté européenne, régime qui a cessé de s'appliquer en 1991.

L' article 2 abroge les dispositions devenues périmées des articles 199 sexies et suivants du CGI en matière de réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des intérêts d'emprunt afférents à l'habitation principale, dispositif concernant les emprunts contractés entre 1984 et 1998.

L' article 3 abroge les dispositions du 4° de l'article 208 du CGI, concernant l'exonération d'impôt sur les sociétés au bénéfice des associations d'anciens combattants émettant des participations à la loterie nationale, cette dernière ayant été supprimée.

L' article 4 abroge certaines dispositions, devenus périmées, de l'article 209-0 A du CGI relatif à l'évaluation de parts ou actions d'organismes communs de placement en valeurs mobilières.

L' article 5 abroge l'article 239 bis B du CGI relatif à l'agrément du ministre de l'économie et des finances requis pour l'application du régime spécial des sociétés inactives, qui concerne les plus-values de liquidation.

b) Dispositions relatives à la fiscalité locale

L' article 6 abroge certaines dispositions périmées concernant des mécanismes provisoires de plafonnement ou d'exonération partielle de taxe professionnelle :

- en matière d'équipements de manutention portuaire (article 1464 G du CGI)

- relatifs à la Corse en 1997 (VIII de l'article 1466 B du CGI)

- relatifs aux restructurations d'établissements en 1992 et 1993 (article 1518 B du CGI)

- se rapportant à des exercices anciens (articles 1647 A et suivants du CGI)

Cet article abroge également des dispositions périmées se rapportant au dégrèvement temporaire pour les entreprises disposant de véhicules routiers ou d'autocars (article 1647 C du CGI), ainsi que celles concernant les obligations déclaratives des entreprises de transport sanitaire terrestre en 2001 (article 1647 C bis du CGI).

Tirant les conséquences de la disparition des districts à compter du 1 er janvier 2002, l' article 7 abroge ou modifie les dispositions des articles 1609 quinquies et suivants du CGI, et l' article 8 modifie en conséquence certaines parties du dispositif d'écrêtement prévu au profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDTP) figurant à l'article 1648 A du CGI.

c) Pénalités, sanctions, amendes ou majorations fiscales

L' article 9 abroge les articles 1735 bis , 1756 quinquies , 1757, 1762 ter , 1763, 1766, 1767, 1770 bis , 1770 ter , 1783 bis A, 1784, 1785 A, 1826, 1831, 1835, 1840 H et 1840 N, ainsi que le III de l'article 1785 D du CGI, dispositions relatives à un ensemble de pénalités, amendes, sanctions ou majorations soit obsolètes, soit devenues sans objet ou faisant double emploi avec d'autres sanctions de même nature.

L' article 10 abroge les dispositions relatives au droit supplémentaire de 1 % perçu en sus des droits de mutation, des pénalités et de l'intérêt de retard réclamés lorsque le bénéficiaire d'un régime d'atténuation du droit de mutation posé par le code précité n'a pas respecté les conditions initiales d'atténuation. Ces dispositions figurent aux articles 1840 G ter , 1840 G quater A , 1840 G quinquies , 1840 G septies et 1840 G octies du CGI. Les sanctions de droit commun trouvent à s'appliquer en substitution.

d) Dispositions relatives aux contributions indirectes

Les articles 11 à 14 procèdent à une abrogation et à une adaptation des dispositions relatives aux contributions indirectes : l' article 11 abroge les articles 350 à 357 du CGI, ainsi que l'article L. 33 du livre des procédures fiscales, dispositions relatives au suivi des fabrications de « boissons de raisins secs », tombées en désuétude ; l' article 12 , procédant à dix modifications du CGI , adapte et actualise la terminologie employée en matière de circulation et de commerce des boissons alcooliques ; l' article 13 procède à la suppression et à la simplification de mesures relatives à la garantie des métaux précieux ; enfin, l' article 14 clarifie les dispositions de l'article 520 A du CGI relatif au droit spécifique sur les eaux et les autres boissons non alcooliques et celles de l'article 1618 septies du CGI portant sur la taxe affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA).

e) Autres dispositions

L' article 15 abroge un ensemble disparate de dispositions obsolètes : exonération temporaire d'impôt sur le revenu sur les locations de logements vacants loués à des bénéficiaires d'un revenu minimum d'insertion ou à des étudiants (article 15 quater du CGI) ; allègement d'impôt sur le revenu épargné (article 163 bis du CGI) ; exonération d'une partie des bénéfices réalisés par les entreprises de construction de logement portés à un compte de réserve spéciale (articles 209 quater A à C du CGI) ; exonération des droits de mutations par décès des créances recueillies par les victimes de la rupture, le 2 décembre 1959, du barrage de Malpasset (article 797 du CGI) ; dispense de droits de timbre et d'enregistrement relatifs aux actes issus de la loi n° 75-622 du 11 juillet 1975 relative à l'électricité dans les département d'outre mer (article 1048 bis du CGI), des lois n° 63-1218 et n° 69-992 relatives aux Français rapatriés (article 1082 du CGI), et des lois du 19 juillet 1921, du 26 août 1942 et du 26 février 1949 portant sur les archives (articles 1123 et 1124 du CGI) ; fonds départementaux de solidarité pour l'environnement (article 1648 AB du CGI) ; le 2° du II de l'article 298 bis , ainsi que l'article 1697 du CGI, dispositions pareillement obsolètes, sont également abrogés.

Par ailleurs, l'article 15 assouplit le régime de la taxe sur la valeur ajoutée de certains achats effectués par les particuliers chez des exploitants agricoles non redevables de cette taxe (abrogation du 10° de l'article 257 du CGI).

2. L'harmonisation des régimes d'option

Le chapitre II « Elargissement des possibilités et assouplissement des modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques » correspond au deuxième champ d'habilitation de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée.

L' article 16 prévoit ainsi un assouplissement des modalités de déduction des charges liées à la transmission à titre gratuit des entreprises individuelles (abrogation du 4° quater du 1. de l'article 39 du CGI), l'engagement de poursuite de l'activité durant cinq années n'étant plus requis.

L' article 17 prévoit l'extension aux crédit-preneurs du régime de faveur de répartition sur plusieurs exercices des subventions d'équipement accordées directement aux crédit-bailleurs, (nouvelle rédaction du 1° de l'article 42 septies du CGI).

L' article 18 , au terme d'une nouvelle rédaction du deuxième alinéa du 1. de l'article 239 du CGI, étend « au cas de réunion de toutes les parts d'une SARL entre les mains d'une personne physique » le mécanisme d'option pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés concernant « les sociétés de capitaux transformées en une des formes de société mentionnées au 3 de l'article 206 » du CGI (sociétés de personnes). Dans une telle occurrence, cette option offre ainsi la possibilité d'éviter toute discontinuité dans l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

3. La simplification des formalités de déclaration ou de paiement

Le chapitre III « Simplification des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts » , met en oeuvre le troisième champ d'habilitation de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée (« Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale »).

a) Dispositions relatives aux impôts directs

L' article 19 simplifie les modalités de dépôt de la déclaration de la taxe sur les métaux précieux prévues à l'article 150 V ter du CGI en cas de vente dans un État de la Communauté européenne.

L' article 20 supprime l'exigence d'une autorisation préalable pour le transfert de la provision pour investissement prévu à l'article 237 bis A du CGI au sein des groupes de sociétés ayant signé des accords de participation.

b) Dispositions relatives aux contributions indirectes

L' article 21 procède à un allégement des formalités en matière de contributions indirectes. Ainsi, il harmonise le régime fiscal applicable aux opérateurs exerçant le commerce de produits soumis à accises (articles 302 D et 444 du CGI) ; il met en cohérence les procédures fiscales et douanières et en simplifie les formalités pour les opérateurs (article 302 G du CGI) ; il harmonise la situation des opérateurs enregistrés avec celle des entreprises agréées par la mise en place d'une déclaration mensuelle des réceptions de produits soumis à accises (article 302 H bis du CGI) ; il simplifie les obligations déclaratives en matière d'enrichissement par sucrage des vins en application du droit communautaire (article 422 du CGI) ; il étend l'affranchissement des formalités à la circulation des fruits à cidre ou à poiré (articles 458, 467 et 483 du CGI) ; enfin, il abroge l'obligation de déclaration de profession pour certains opérateurs (article 502 du CGI).

c) Dispositions relatives aux droits d'enregistrement

L' article 22 allège les règles de paraphe et de cotation des certains registres (modification des articles 625, 867 et 868 du CGI).

L' article 23 supprime l'exigence de fournir un tableau des abandonnements en cas de donation-partage (abrogation de l'article 861 du CGI).

d) Simplifications de modalités particulières

L' article 24 , modifiant l'article 1668 du CGI, dispense les sociétés nouvellement créées du versement d'acomptes trimestriels d'impôt sur les sociétés au cours de leur premier exercice d'activité (qui peut dans certains cas excéder douze mois) ou de leur première période d'imposition. Cette disposition contribue donc à simplifier le régime en soumettant aux conditions de droit commun le versement des acomptes dus à compter du deuxième exercice d'activité, et se substitue à l'imposition forfaitaire jusqu'alors en vigueur. Les acomptes d'impôt des sociétés nouvelles étaient en effet « déterminés d'après un impôt de référence (...) calculé sur le produit évalué à 5 % du capital social » et étaient dus après une période de dispense pour les douze premiers mois d'activité, cela depuis 1977.

L' article 25 supprime le dispositif des « rôles auxiliaires » en matière d'assiette (abrogation de l'article 1660 du CGI) et de recouvrement (abrogation de l'article 1683 du CGI) de la taxe foncière.

L' article 26 supprime la possibilité d'utiliser des « obligations cautionnées » en matière fiscale (abrogation de l'article 1698, et suppression du troisième alinéa de l'article 1692 ainsi que du cinquième alinéa de l'article 1926 du CGI).

3. Les relations entre les contribuables et l'administration

Le chapitre IV « Amélioration des relations avec les contribuables et clarification de la formulation d'actes administratifs relatifs à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt » , applique le quatrième champ d'habilitation de l'article 7 de la loi du 2 juillet 2003 précitée (« Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative et relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt »).

L' article 27 change l'intitulé des « notifications de redressement », qui deviennent des « propositions de rectification », de manière à clarifier la nature juridique de l'acte et améliorer les relations entre les services fiscaux et le contribuable ayant fait l'objet d'un contrôle. Cette substitution entraîne la modification de vingt-huit articles du livre des procédures fiscales, et de dix-sept articles du CGI.

L' article 28 modifie l'article L. 190 du livre des procédures fiscales en vue d'étendre les possibilités de recours contentieux en l'absence d'imposition supplémentaire aux cas de réduction d'un crédit de taxes sur la valeur ajoutée et de mise en oeuvre d'une procédure de taxation d'office.

L' article 29, abrogeant l'article 1649 ter G du CGI, dispense ainsi les sociétés et compagnies d'assurances d'établir annuellement un relevé des personnes ayant assuré des bijoux, pierreries, objets d'art, de collection ou d'antiquité.

4. La situation des délégués du Médiateur de la République

Le chapitre V met en oeuvre l'habilitation de l' article 10 de la loi du 2 juillet 2003 , qui visait à « préciser la situation des délégués du Médiateur de la République ».

L'article 6-l de la loi n° 73-6 du 6 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République a été introduit par le 2° de l'article 26 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (loi « DCRA »), afin de mettre en place les « délégués » du médiateur. L'article 6-1 précité dispose ainsi :

« Le Médiateur de la République dispose, sur l'ensemble du territoire, de délégués qu'il désigne.

« Ils apportent aux personnes visées au premier alinéa de l'article 6 les informations et l'assistance nécessaires à la présentation des réclamations.

« A la demande du Médiateur de la République, ils instruisent les réclamations qu'il leur confie et participent au règlement des difficultés dans leur ressort géographique.

« Un député ou un sénateur, saisi d'une réclamation qui lui paraît entrer dans la compétence et mériter l'intervention du Médiateur de la République, peut remettre cette réclamation à un délégué qui la transmet au Médiateur de la République ».

L' article 30 complète ce dispositif en précisant au deuxième alinéa de l'article 6-1 précité que « Les délégués du médiateur exercent leur activité à titre bénévole » et qu'ils perçoivent « une indemnité représentative de frais dont le montant est fixé par décision du Médiateur de la République ». Cette disposition vise à renforcer l'attractivité de la fonction de délégué du médiateur - actuellement au nombre de deux cent soixante, dont cent quarante interviennent dans les quartiers en difficulté -, en en facilitant l'accès aux personnes exerçant par ailleurs une activité professionnelle, et à développer leur implantation territoriale.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur le paragraphe XVIII de cet article.

V. PARAGRAPHE ADDITIONNEL APRES LE XX

Commentaire : le présent paragraphe additionnel propose la ratification explicite de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales, sous réserve d'un aménagement tendant à rétablir le régime antérieur des délégations réalisées par l'assemblée générale des actionnaires dans le cadre des augmentations de capital.

A. LES IMPORTANTES RÉFORMES INTRODUITES PAR L'ORDONNANCE SUR LES VALEURS MOBILIÈRES

A l'issue d'une consultation étendue avec les acteurs de la place, l'ordonnance réformant le régime des valeurs mobilières, qui était très attendue par la communauté financière, a été publiée le 24 juin 2004, en application de l'habilitation prévue par le 4° de l'article 26 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit. Ses dispositions s'inspirent de projets élaborés dès 1993 89 ( * ) , et avaient déjà fait l'objet d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, déposé au Sénat le 30 mai 2001, et qui n'avait pu faire l'objet que d'un débat en première lecture en 2002.

Sans entrer nécessairement dans le détail de l'ordonnance, on peut distinguer deux grands volets : la modernisation des augmentations de capital réalisées par les sociétés par actions (et au premier rang desquelles les sociétés cotées), et la simplification des catégories de valeurs mobilières.

1. Modernisation des augmentations de capital

Le droit applicable aux augmentations de capital était considéré par les praticiens comme trop rigide et inadapté à la volatilité des marchés. Ce faisant, il entravait la tendance croissante à l'utilisation du capital social comme instrument de financement des entreprises, plutôt que comme gage commun des créanciers, comme le voulait la conception originelle aujourd'hui considérée par beaucoup comme dépassée. En particulier, les règles afférentes à la durée des augmentations de capital réalisées avec maintien du droit préférentiel de souscription des actionnaires, au droit de souscription à titre réductible et à la détermination ex ante du prix d'émission des nouveaux titres (la règle des « dix parmi les vingt » a ainsi fait l'objet de nombreuses critiques) étaient considérées comme inappropriées pour des entreprises en quête de réactivité et de souplesse dans leurs recours au financements de marché.

L'ordonnance introduit donc les principales modifications ci-après :

- la réduction du délai d'exercice du droit préférentiel de souscription de dix à cinq jours de bourse ;

- la suppression de la règle des « dix parmi les vingt » 90 ( * ) , au profit d'un décret en Conseil d'Etat pris après consultation de l'Autorité des marchés financiers, établissant les modalités de fixation du prix d'émission des titres ;

- la légalisation du délai de priorité des actionnaires (dont la durée est fixée par décret), qui avait été recommandée par la Commission des opérations de bourse (aujourd'hui Autorité des marchés financiers) lors de la suppression de droit préférentiel de souscription;

- la possibilité de réaliser des augmentations de capital « en continu » et dans les meilleures conditions, c'est-à-dire de permettre à l'assemblée générale des actionnaires d'autoriser le conseil ou le directoire, dans la limite de 10 % par an du capital social, à fixer le prix d'émission des titres selon des modalités qu'elle détermine ;

- l'assouplissement du régime des délégations accordées par l'assemblée générale extraordinaire au conseil d'administration ou au directoire. Le nouveau régime issu de l'ordonnance tend à substituer aux anciennes délégations dites « individuelle » (pour une catégorie de valeurs mobilières) et « globale » une délégation de pouvoirs et une délégation de compétence , cette dernière transférant à l'organe de direction la décision même de procéder à la réalisation d'une émission, et non plus seulement le pouvoir d'en fixer les modalités;

- une simplification au profit des sociétés cotées souhaitant échanger des titres avec une société non cotée 91 ( * ) .

2. rationalisation des catégories de valeurs mobilières

Ainsi que le disposait l'habilitation, l'ordonnance du 24 juin 2004 contribue à clarifier et à simplifier les catégories de valeurs mobilières, dont le régime antérieur se caractérisait par une grande hétérogénéité en ce qu'il relevait d'une double logique fiscale et commerciale et comprenait des régimes distincts pour chaque catégorie de titres. Votre rapporteur pour avis, dans son rapport sur la modernisation du droit des sociétés, remis en septembre 1996, précité, relevait ainsi :

« Les dispositions régissant l'émission des différentes catégories de valeurs mobilières résultent d'une succession de textes qui a certes permis aux sociétés de disposer progressivement des instruments adaptés à leur développement mais a également abouti à une législation complexe, pas toujours cohérente, et à des différences injustifiées dans les régimes applicables. La multiplication des catégories de valeurs mobilières conduit les dirigeants de sociétés à demander aux actionnaires des autorisations d'émission portant pratiquement sur la totalité des titres susceptibles d'être créés, avec ou sans maintien du droit préférentiel de souscription, aux termes de résolutions extrêmement détaillées et complexes qui contribuent à alourdir les assemblées et à obscurcir le choix des actionnaires ».

Dans son rapport pour avis sur la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, précitée, notre collègue Gérard Braun considérait en outre que « cette situation apparaît préjudiciable à la sécurité juridique des émetteurs et aux droits des porteurs, et conduit le législateur à adopter une réglementation au « coup par coup » dans une matière où l'inventivité et les innovations sont légion, particulièrement dans le contexte actuel de raréfaction du crédit bancaire et de surendettement de nombre d'entreprises ».

Le nouveau régime participe également à la compétitivité de notre droit et de notre marché financier en introduisant une nouvelle catégorie homogène et unifiée de valeurs mobilières, les actions de préférence , offrant aux entreprises de larges possibilités de disjonction entre la détention du capital et du contrôle.

L'ordonnance apporte donc essentiellement les aménagements suivants :

- l'adoption dans le code de commerce, par référence expresse à l'article L. 211-2 du code monétaire et financier, de la définition des valeurs mobilières , initialement réservée par la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 aux seuls organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Certains professionnels militent toutefois en faveur de la suppression de cette notion, au profit de la seule notion d'instrument financier ;

- une nouvelle typologie simplifiée des valeurs mobilières , qui comporte désormais quatre catégories : les titres de capital (actions ordinaires et actions de préférence), les titres de créances (obligations), les titres donnant accès au capital (plus couramment appelés « valeurs mobilières composées ») et les titres donnant accès à des titres de créances ;

- l'introduction dans le code de commerce d'un nouveau régime de transfert de propriété pour l'ensemble des valeurs mobilières (admises ou non aux négociations sur un marché réglementé), selon lequel le transfert intervient lors de l'inscription au compte de l'acheteur ;

- les régimes spéciaux des titres assimilés aux actions (actions de priorité, actions à dividende prioritaire sans droit de vote, certificats d'investissement et certificats de droit de vote) disparaissent au profit de la nouvelle catégorie des actions de préférence , inspirées du droit anglo-saxon. Une grande liberté est octroyée dans la définition statutaire de leurs caractéristiques ;

- l'extension des clauses d'agrément aux titres de capital et valeurs mobilières composées des sociétés non cotées ;

- l'organisation de la représentation des titulaires de valeurs mobilières composées , qui peuvent être regroupés au sein de masses, jouissant de la personnalité morale, par catégorie de titre ;

- enfin, une banalisation procédurale des émissions d'obligations : la perspective est ainsi inversée, par rapport au régime antérieur, avec l'abandon de la compétence de droit commun de l'assemblée générale des actionnaires au profit des organes de direction, sauf dispositions statutaires contraires ou initiative de l'assemblée générale. La contrepartie de cet assouplissement notable réside dans une plus grande information des actionnaires , dans un rapport soumis par le conseil d'administration ou le directoire 92 ( * ) lors de l'assemblée générale ordinaire.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur pour avis partage les motivations et la grande majorité des dispositions de cette ordonnance , qui constitue un important progrès susceptible d'accroître la souplesse du financement de marché des entreprises, et partant, leurs capacités de développement. La grande majorité de ses dispositions sont bienvenues, en particulier celles relatives à la rationalisation de la typologie des valeurs mobilières, à la création des actions de préférence, à la légalisation du délai de priorité pour les actionnaires, à la suppression de la règle des « 10 parmi les 20 », ou à la diversification des modalités d'augmentation du capital. Il est donc favorable à une ratification expresse de cette ordonnance.

Il apparaît néanmoins que l'on est allé trop loin dans le domaine des délégations que l'assemblée générale extraordinaire peut accorder, en vue de réaliser une ou plusieurs augmentations de capital, aux organes de direction. La nouvelle délégation de compétence, bien qu'elle soit encadrée par les deux limites que sont le plafond global de l'augmentation et la durée limite de la délégation (fixée à 26 mois), tend en effet à accroître notablement la latitude du conseil d'administration ou du directoire , ainsi que l'ont relevé les commentateurs, puisque celui-ci pourrait décider lui-même de procéder ou non à une ou plusieurs augmentations de capital. Ce ne seraient donc plus les actionnaires qui, formellement, disposeraient de la compétence pour décider l'augmentation de capital.

Une telle évolution, qui tend à dessaisir l'assemblée générale d'une de ses prérogatives essentielles - même si elle ne l'exerce pas toujours comme elle le devrait - apparaît contraire à l'esprit que la loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1 er août 2003 a entendu insuffler. Les actionnaires doivent en effet conserver la maîtrise des décisions qui concernent le niveau et la composition des fonds propres.

C'est dans cet esprit que votre rapporteur pour avis vous soumet un amendement de ratification de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, sous réserve d'une modification tendant à restaurer le régime antérieur des délégations opérées par l'assemblée générale des actionnaires dans les opérations d'augmentation de capital.

En revanche, seraient conservées les dispositions relatives au rapport complémentaire par lequel le conseil ou le directoire rend formellement compte à l'assemblée générale ordinaire de l'utilisation des délégations octroyées, et au nouveau principe relatif à la suspension des augmentations de capital en période d'offre.

Les nouvelles facultés rationae personae de subdélégation au sein du conseil d'administration et du directoire seraient également préservées, mais leur champ rationae materiae serait adapté par coordination pour inclure non plus le pouvoir de décider l'augmentation de capital, mais les pouvoirs nécessaires à sa réalisation , conformément à ce que prévoyait le régime antérieur.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter ce paragraphe additionnel.

* 68 L'ordonnance du 22 décembre 2003 fait référence au III de l'article 1600 du CGI, devenu le V du même article, suite à l'insertion de deux nouveaux paragraphes en application de l'article 129 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 69 La taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie est additionnelle à la taxe professionnelle, répartie entre tous les redevables à la taxe professionnelle proportionnellement à leur base d'imposition.

* 70 « Les prélèvements mensuels sont opérés à l'initiative du Trésor public, sur un compte qui, sous réserve du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 1681 E, peut être :

« 1° Un compte de dépôt dans un établissement de crédit, une caisse de crédit agricole régie par le livre V du code rural, une caisse de crédit mutuel, une caisse de crédit municipal, un centre de chèques postaux ou chez un comptable du Trésor ;

« 2° Un compte d'épargne dans une caisse d'épargne ».

* 71 A titre de comparaison, pour l'impôt sur le revenu, le taux d'adhésion à la mensualisation s'élève à 58,15 %. Ces données concernent les personnes physiques et morales, en l'absence de données individualisant les personnes morales. Mais la mensualisation de l'impôt sur le revenu des personnes morales doit être faible, si l'on considère que l'employeur a les mêmes motivations pour mensualiser la taxe professionnelle et l'impôt sur le revenu de son entreprise.

* 72 Projet de loi n° 359 (2003-2004), portant ratification de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, déposé au Sénat le 16 juin 2004.

* 73 Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale.

* 74 Décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales.

* 75 En particulier selon les dispositions prévues par les articles L. 228-39 à L. 228-43 et L. 228-51 du code de commerce.

* 76 La doctrine s'est demandée si l'emploi du singulier pour le terme « héritier » conduisait à conférer une portée générique à ce terme, ou permettait au contraire aux associés de procéder à un agrément sélectif des héritiers.

* 77 Fusion, prise de contrôle (par acquisition d'actifs, achat ou échange de parts sociales, contrats ou tout autre moyen permettant d'exercer une influence déterminante).

* 78 Test dit « SLC » (substantiel lessening of competition) correspondant à l'article 7 du Clayton Act.

* 79 Abaissement des seuils, compétence pour toute opération intéressant plus de trois autorités nationales de contrôle (règle dite « des 3+ ») .

* 80 Chiffre d'affaires total mondial de l'ensemble des entreprises concernées de plus de 5 milliards d'euros ou chiffre d'affaires individuel de deux d'entre elles en Europe supérieur à 250 millions d'euros.

En dessous de ces limites, une concentration peut relever néanmoins de la compétence de la Commission européenne si :

- le chiffre d'affaires mondial combiné des entreprises concernées dépasse 2,5 milliards d'euros et 100 millions d'euros dans au moins trois Etats membres ;

- au moins deux d'entre elles ont réalisé plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires dans la Communauté et plus de 25 millions d'euros dans chacun des trois Etats membres visés plus haut ;

- aucune n'a réalisé plus des deux-tiers de son chiffre d'affaires communautaires dans un seul et même Etat.

* 81 Chiffre d'affaires total mondial hors taxes de 150 millions d'euros de l'ensemble des entreprises concernées ou chiffre d'affaires en France de deux d'entre elles au moins de 15 millions d'euros.

* 82 La Commission européenne, pour sa part, a simplifié le régime des notifications préalables en prévoyant un système d'exemptions par catégorie d'opérations.

* 83 Par exemple si le Conseil de la concurrence ne voit pas d'objection à une opération dont il a été saisi par le ministre.

* 84 Lorsque les chiffres d'affaires déterminés par l'article L. 430-2 du code de commerce sont atteints ou dépassés, la notification est obligatoire (article L. 430-3 du code précité), sous peine de sanctions (article L. 430-8 du code précité).

Le ministre de l'économie peut (articles L. 430-5 et 430-7 du code précité) :

- autoriser l'opération en la subordonnant éventuellement, par décision motivée, à la réalisation d'engagements pris par les parties ;

- saisir pour avis le Conseil de la concurrence, puis interdire ou autoriser l'opération, soit par une simple décision, soit moyennant l'observation, par les parties, d'injonctions ou de prescriptions.

L'absence de décision vaut autorisation.

* 85 Du fait de cette nouvelle faculté, les holdings de reprise pourraient en effet prendre la forme d'une SARL dans les opérations de transmission-acquisition de faible envergure, par l'intermédiaire d'un rachat avec effet de levier (LBO) impliquant une dette d'acquisition, ce qui contribuerait à dynamiser le marché des reprises d'entreprises familiales.

* 86 Projet de loi n° 380 (2003-2004), portant ratification de l'ordonnance n° 2004-280 du 25 mars 2004 relative aux simplifications en matière d'enquêtes statistiques, annexé au procès-verbal de la séance du 28 juin 2004.

* 87 Rapport d'information n° 326 (2000-2001).

* 88 NB : Le cas échéant, les dispositions de coordination, fort nombreuses, ne font pas l'objet de commentaire.

* 89 Mentionnons en particulier le rapport de MM. Philippe Bissara et Jean-Pierre Bouere ( « Rapport d'un groupe de travail sur la modernisation du régime des émissions de titres de capital » ) pour le Conseil national du patronat français, remis en avril 1993 ; le rapport de votre rapporteur pour avis Philippe Marini sur la modernisation du droit des sociétés, remis en juin 1996 ; et les propositions conjointement formulées par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) et l'Association française des entreprises privées (AFEP) dans leur rapport « Pour un droit moderne des sociétés » , publié en octobre 2003.

* 90 Le but de cette règle, prévue à l'ancien article L.225-136 du code de commerce, était de permettre la détermination d'un prix sans encourir le risque de manipulation des cours, en imposant à l'émetteur de fixer un prix d'émission au moins égal à la moyenne des cours constatés pour ses actions pendant dix jours de bourse consécutifs choisis parmi les vingt derniers jours de bourse précédant le début de l'émission.

* 91 Aux termes de l'article L. 225-147 du code de commerce, tel que modifié par l'ordonnance, l'assemblée générale extraordinaire peut ainsi déléguer au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir d'émettre des titres dans la limite de 10 % du capital social pour rémunérer l'apport des titres de la société non cotée, dont la valeur sera évaluée par un rapport du commissaire aux apports.

* 92 L'article L. 225-100 du code de commerce, tel que modifié par l'ordonnance, dispose ainsi que ce rapport « comprend une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d'endettement, au regard du volume et de la complexité des affaires » . Il est également joint à ce rapport « un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité accordées par l'assemblée générale des actionnaires au conseil d'administration ou au directoire dans le domaine des augmentations de capital » , qui « fait apparaître l'utilisation faite de ces délégations au cours de l'exercice ».

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