C. MIEUX ACCOMPAGNER LES EFFORTS DES CONSEILS GÉNÉRAUX EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES

1. Des moyens encore insuffisants pour les maisons départementales des personnes handicapées

La loi du 11 février 2005 a prévu la création, dans chaque département, d'une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), qui a pour vocation d'accueillir en un même lieu les personnes handicapées, afin de les conseiller et les orienter dans toutes leurs démarches et de recevoir l'ensemble de leurs demandes.

Les MDPH sont organisées en groupement d'intérêt public (Gip), réunissant généralement le conseil général, l'Etat, l'assurance maladie et les caisses d'allocations familiales. Il revient au département d'en assurer la tutelle administrative et financière.

En tant que membre du Gip, l'Etat a largement contribué à leur installation et à leur mise en route qui a été rapide et effective dès 2006. De 2005 à 2009, sa participation a atteint près de 210 millions d'euros (y compris les fonds de concours) auxquels il faut ajouter les versements de la CNSA, qui se sont élevés à 175 millions sur la même période.

Récapitulatif des crédits versés pour le fonctionnement des MDPH
depuis 2008 par l'Etat (programmes 124, 157 et 155) et la CNSA

(en euros)

Etat

CNSA

Total général

Commentaires

Année

Programme 124

Programme 157

Programme 155

Total 2005

50 000 000

50 000 000

Crédits exceptionnels de préfiguration

2006

2 500 000

13 840 000

2 085 015

20 000 000

Fonctionnement

16 000 000

Crédits exceptionnels

4 000 000

Crédits exceptionnels

7 930 000

Crédits exceptionnels

527 985

Fongibilité asymétrique

Total 2006

2 500 000

41 770 000

2 613 000

20 000 000

66 883 000

2007

2 500 000

13 840 000

3 925 068

30 000 000

Fonctionnement

8 251 000

20 000 000

Crédits exceptionnels

8 436 598

3 459 932

Fongibilité asymétrique

Total 2007

10 936 598

22 091 000

7 385 000

50 000 000

90 401 667

2008

2 500 000

14 096 000

4 976 129

30 000 000

Fonctionnement

15 000 000

Crédits exceptionnels

10 601 463

4 420 916

Fongibilité asymétrique pour 2,16 millions et aide exceptionnelle forfaitaire de 8,43 millions d'euros.

Total 2008

13 101 463

14 096 000

9 397 045

45 000 000

81 594 619

2009*

2 500 000

13 863 908

8 977 721

45 000 000

Fonctionnement

3 700 000

15 000 000

Crédits exceptionnels

6 300 000

Fongibilité asymétrique

Total 2009*

8 800 000

13 863 908

12 877 721

60 000 000

95 541 629

Total général

35 338 061

141 820 908

32 272 766

175 000 000

384 420 915

Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

* 2009 : Les montants mentionnés sont les montants déjà versés ou notifiés au 1er septembre 2009 et ne comprennent pas le solde des crédits exceptionnels ou de fongibilité asymétrique qui seront versés au dernier trimestre 2009.

Les données figurant dans ce tableau ne prennent pas en compte le financement des personnels mis à disposition par l'Etat (emploi, solidarité et éducation).

Pour 2010, la contribution de l'Etat au fonctionnement des MDPH s'élèvera au total à 106,9 millions d'euros, dont 21,7 millions au titre du présent programme, 8,3 millions au titre du programme 124 de la présente mission, 16,9 millions au titre du programme 155 de la mission « Travail et emploi » et 60 millions versés par la CNSA.

Une partie de ces crédits (23,3 millions) visent à compenser le coût qui résulte de la non-mise à disposition des personnels du ministère des affaires sociales aux MDPH, le nombre de postes concernés ayant été fixés par les conventions constitutives de chaque maison.

D'après ces conventions, les personnels qui auraient dus être mis à disposition par les Ddass et les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) représenteraient respectivement 1 055 ETP et 495 ETP, soit un total de 1 550 ETP.

Or, il est apparu que les MDPH ne disposent pas des moyens suffisants pour s'acquitter dans de bonnes conditions des missions qui leur ont été confiées 46 ( * ) .

En attestent les stocks de demandes non traités hérités des anciennes CDES et Cotorep ainsi que des délais de traitements encore supérieurs au délai légal de quatre mois (4,2 mois en moyenne pour les adultes ; 2,3 mois en moyenne pour les enfants), qui supposent, pour y faire face, des embauches supplémentaires.

De plus, les nouvelles missions qui ont été confiées aux MDPH, en particulier dans le domaine de l'orientation et de l'insertion professionnelle, devraient progressivement représenter près de la moitié des demandes qui leur sont adressées et nécessiter un renforcement des équipes pluridisciplinaires.

Par ailleurs, une étude réalisée par l'association des directeurs des MDPH, sur la base des données transmises par plus de deux tiers des maisons, fait état d'une dette de l'Etat de 34,3 millions d'euros , qui résulterait de la non-compensation des postes non mis à disposition par les Ddass et les DDTEFP.

La secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, auditionnée par votre commission, bien que consciente des difficultés rencontrées par certaines maisons, a néanmoins dit vouloir faire réaliser une étude contradictoire permettant d'évaluer précisément les montants en jeu, avant de prendre les décisions qui s'imposent.

Avisée de la situation critique dans laquelle se trouvent certaines MDPH, votre commission estime indispensable, dans un premier temps, de compléter les crédits inscrits au titre de ce programme par une enveloppe complémentaire de 40 millions d'euros : 32 millions au titre du fonctionnement des maisons départementales et 8 millions destinés à abonder les fonds départementaux de compensation.

Dans un second temps, il conviendra de prendre les mesures nécessaires pour conforter le statut des MDPH et régler les difficultés qu'elles rencontrent, en particulier du fait de l'instabilité de leurs personnels. Elles pourraient également être exonérées de la taxe sur les salaires, ce qui leur permettrait de dégager des moyens pour embaucher deux à quatre personnes supplémentaires.

2. Une péréquation nécessaire des concours versés aux départements au titre de la PCH

Créée par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la prestation de compensation du handicap (PCH) vise à couvrir les surcoûts de toute nature liés au handicap.

A terme, elle doit remplacer l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et pour frais professionnels (ACFP) financée par les départements, les personnes handicapées la percevant actuellement ayant encore le choix d'en conserver le bénéfice ou d'opter pour la prestation de compensation.

Contrairement à l'ACTP, la PCH est accordée sans condition de ressources et son montant est non plus forfaitaire, mais calculé en fonction des besoins réels du demandeur. Pour cette raison, les personnes handicapées ont quelques réticences à adopter le nouveau dispositif. Elles redoutent une diminution du montant de la prestation et une utilisation plus contraignante.

Les composantes de la prestation de compensation du handicap

La prestation de compensation du handicap est composée de cinq éléments , pouvant être versés, selon les cas, en nature ou en espèces, mensuellement ou en capital :

- le premier permet la prise en charge des dépenses d'aides humaines, y compris, le cas échéant, l'indemnisation ou la rémunération d'un aidant familial ;

- le deuxième assure le financement des aides techniques, notamment la part du coût des matériels qui reste à la charge des assurés sociaux après remboursement par l'assurance maladie ;

- le troisième couvre les dépenses d'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, y compris les éventuels surcoûts résultant de son transport ;

- le quatrième finance les aides spécifiques ou exceptionnelles liées au handicap : relèvent notamment de cet élément les dépenses liées à l'achat de divers produits, tels que protections pour incontinents, sondes gastriques ou urinaires ou piles pour appareils auditifs ;

- le dernier permet l'acquisition et l'entretien d'une aide animalière, qu'il s'agisse d'un chien guide d'aveugle ou d'un chien d'assistance.

Il est en effet difficile d'apprécier avec exactitude le gain qu'une personne peut retirer du choix de la PCH par rapport à l'ACTP, dont le montant, forfaitaire, présente l'avantage d'être connu, alors que les différentes composantes de la PCH en font une prestation à montant variable. De plus, le bénéficiaire de l'ACTP n'est soumis à aucun contrôle de l'affectation des dépenses, celle-ci pouvant être assimilée à un complément de revenu.

Pourtant, l'avantage financier retiré de la nouvelle PCH est très net dans la plupart des cas, son montant moyen mensuel (près de 980 euros) étant deux fois plus important que celui versé dans le cadre de l'ancien système forfaitaire (450 euros en moyenne).

a) Une montée en charge plus rapide de la PCH

Avec 71 700 bénéficiaires au mois de juin 2009, soit 67 % de plus qu'en juin 2008, la montée en charge de la PCH s'accélère avec un rythme plus ou moins soutenu selon les départements.

Cette évolution s'explique notamment par la progression plus rapide de la PCH enfant, depuis le 1 er avril 2008, les enfants pouvant désormais bénéficier à ce titre de la prise en charge (en sus des aménagements de logement, de véhicule et des frais de transport) d'aides humaines ou techniques, d'aides spécifiques ou exceptionnelles ou encore d'aides animalières en remplacement des compléments d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Alors qu'elle représentait à peine 2,2 % des PCH accordées en 2007, la part des PCH enfant atteint près de 9 % à la fin du premier semestre de 2009.

Montée en charge de la PCH depuis sa création

PCH

2006

2007

2008

2009
1 er semestre

Nombres de demandes

70 600

84 000

100 600

62 000 (1)

Rythme de progression annuelle

+8 %

+20 %

+20,6 %

Nombres d'allocataires

6 700

28 600

43 000

71 700 (1)

Rythme de progression annuelle

+326,9 %

+50,3

+67 %

(1) Données provisoires.

Source : études et résultats - Drees, novembre 2009.

Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires de l'ACTP s'établit à 99 600 (contre 109 300 en juin 2008), soit 61,6 % (contre 70 % un an plus tôt) de l'ensemble des allocataires de la PCH et de l'ACTP confondus. Si la part relative des bénéficiaires de la PCH augmente de façon significative, elle demeure néanmoins modeste au regard des espoirs que cette nouvelle prestation a suscités. Ce faible engouement justifie qu'une réflexion s'engage sur d'éventuels aménagements permettant d'en étendre le champ afin de la rendre plus attractive.

La mise en place d'une part forfaitaire pour couvrir les aides ménagères est l'une des pistes évoquées . Votre commission y serait d'autant plus favorable que le reste à charge demeure élevé pour de nombreuses personnes handicapées qui se voient privées, de surcroît, des aides des fonds départementaux de compensation et des forfaits d'auxiliaires de vie, les crédits alloués à ces structures n'ayant pas été reconduits.

b) Des concours qui mériteraient d'être mieux ajustés aux dépenses réelles

La PCH est servie par les départements qui sont chargés d'organiser l'instruction de la demande. Une partie de son coût est prise en charge par la CNSA grâce aux recettes prélevées sur la « journée de solidarité », le solde demeurant à la charge des départements.

Pour les années 2006 et 2007, le solde a été largement positif, la CNSA ayant anticipé une montée en charge beaucoup plus rapide de la nouvelle PCH. Les départements ont ainsi accumulé un excédent de trésorerie qui atteint, à la fin de 2007, près de 700 millions d'euros .

En 2008, pour la première fois, les dépenses ont été supérieures aux concours versés par la caisse, le solde annuel présentant un déficit de 14,7 millions d'euros. Une partie des dépenses a donc été financée sur la trésorerie accumulée les années précédentes, ramenant le solde cumulé à 680 millions à la fin de 2008 .

En 2009 et 2010, les prévisions de la CNSA tablent sur des dépenses, respectivement de 825 millions et 1,14 milliard d'euros, supérieures à la dotation versée aux départements, initialement fixée à 560 millions d'euros, et dont le montant devrait être ramené à 500 millions, pour tenir compte de la diminution des recettes, affectées par la crise économique. Il devrait en résulter un déficit annuel estimé à 321,7 millions en 2009 et à 631,2 millions pour 2010 et un taux de couverture inférieur à 45 %.

Evolution du taux de couverture des dépenses de PCH

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009
estimations

2010
estimations

Dépenses de PCH

79

276,9

568,8

824,5

1 136,4

Contribution CNSA

523,3

530,5

550,8

502,8

505,2

Taux de couverture

662,4 %

191,6 %

96,8 %

61 %

44,5 %

Solde

+ 444,3

+ 253,6

-18

- 321,7

- 631,2

Solde cumulé

+ 444,3

+ 697,9

+679,9

+ 358,2

- 273

Source : CNSA

Toutefois, sur l'ensemble de la période 2006-2009, on observe que les dépenses de PCH seront globalement couvertes , le solde cumulé atteignant un montant estimé à plus de 360 millions d'euros à la fin de 2009.

Mais la CNSA, auditionnée par votre rapporteur, a signalé des disparités selon les départements, six enregistrant une dépense cumulée supérieure aux concours qui leur ont été versés par la CNSA depuis 2006 47 ( * ) . Pour 2010, les écarts de situation constatés devraient s'accentuer, près d'un tiers des départements devant présenter un taux de couverture cumulé sur la période (2006-2010) inférieur à 100 %.

Votre commission suggère que la contribution versée à chaque département soit modulée en fonction de la dépense constatée, certains conseils généraux ayant pratiquement épuisé leurs provisions budgétaires 48 ( * ) .

Le débat est néanmoins ouvert, puisque, lors de son conseil du 17 novembre dernier, la CNSA a avalisé la création d'un groupe de travail sur l'évolution des concours versés aux départements et les critères retenus pour leur répartition.

* 46 Rapport d'information Sénat n° 485 (2008-2009) fait par Paul Blanc et Annie Jarraud-Vergnolle, au nom de la commission des affaires sociales, « Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005 », juin 2009.

* 47 Le montant que la CNSA consacre au financement de la PCH est prévu par l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles et se déduit du montant de recette affectée à la section III. Les modalités de versement des acomptes sont précisées à l'article R. 14-10-35 et correspondent au minimum à 90 % des produits disponibles pour l'année concernée.

* 48 Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, votre rapporteur a présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat, puis rejeté en commission mixte paritaire, au motif qu'il n'avait pas sa place dans ce texte.

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