N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VII

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 et 101 (annexe n° 32 ) (2009-2010)

Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2010

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2010/2009 (en %)

Accès et retour à l'emploi

5 885 530 000

- 2,4 %

Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi

3 143 854 000

- 1,6 %

Mise en situation d'emploi des publics fragiles

2 741 676 000

- 3,4 %

Accompagnement des mutations économiques et développement
de l'emploi

4 636 831 528

- 11,8 %

Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi

346 170 000

- 28,6 %

Amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences

3 106 464 528

- 2,1 %

Développement de l'emploi

1 184 197 000

- 25,8 %

Amélioration de la qualité de l'emploi
et des relations du travail

78 260 000

- 9,1 %

Santé et sécurité au travail

30 410 586

+ 19,6 %

Qualité et effectivité du droit

10 959 419

- 64,7 %

Dialogue social et démocratie sociale

36 889 995

+ 24,6 %

Lutte contre le travail illégal

-

-

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

812 596 760

+ 2,8 %

Gestion du programme « accès et retour à l'emploi

103 201 768

- 3,6 %

Gestion du programme « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

75 335 723

- 9,5 %

Gestion du programme « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail »

267 107 444

+ 9,1 %

Soutien

329 612 483

+ 4,1 %

Etudes, statistiques, évaluation et recherche

37 339 342

- 3,6 %

Fonds social européen - Assistance technique

-

-

Total mission « Travail et emploi »

11 413 218 288

- 6,2 %

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits affectés à la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2010 s'élèvent à un peu plus de 11,2 milliards d'euros. Ils sont, apparemment, en baisse par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2009 (12 milliards d'euros de crédits de paiement). L'analyse des seuls crédits de la mission ne donne cependant qu'une vision très incomplète de l'effort budgétaire réellement consenti en faveur du travail et de l'emploi.

En premier lieu, la loi de finances rectificative pour 2008 a créé une nouvelle mission budgétaire, intitulée « Plan de relance de l'économie », dans laquelle figurent, pour 2010, 1,4 milliard d'euros destinés à la politique de l'emploi. Le total des crédits budgétaires consacrés au travail et à l'emploi atteint donc, en réalité, 12,6 milliards d'euros.

Si votre rapporteur comprend l'intérêt de regrouper les dépenses de relance, qui présentent un caractère conjoncturel, dans une mission spécifique, il faut convenir que la répartition des crédits de l'emploi entre ces deux missions ne facilite pas leur appréciation d'ensemble ni leur comparaison avec ceux inscrits en loi de finances initiale pour 2009.

En second lieu, de nombreuses mesures de réduction d'impôt ou d'exonération de cotisations sociales ont pour objectif de soutenir l'emploi : les dépenses fiscales relevant de la mission passeront de 10,2 milliards d'euros en 2009 à près de 11 milliards l'an prochain ; le montant de l'allégement général de cotisations sociales et de l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, qui sont compensés à la sécurité sociale par l'attribution de recettes fiscales et n'apparaissent donc pas dans les crédits de la mission, devrait par ailleurs dépasser 26 milliards d'euros en 2010 ; enfin, des mesures d'exonération ciblées, cette fois non compensées par le budget de l'Etat et assumées par la sécurité sociale, s'élèveront à 3 milliards de recettes l'an prochain.

Au total, la politique du travail et de l'emploi mobilisera donc plus de 52 milliards d'euros en 2010 . Dans un contexte difficile de récession et de remontée du chômage, le Gouvernement propose donc de réaliser un effort financier important pour atténuer l'impact de la crise sur l'emploi. Favorable à une utilisation contra-cyclique des dépenses publiques, votre commission soutient cette orientation.

La mission « Travail et emploi » conserve un caractère interministériel : si l'essentiel des crédits, consacré au financement de la politique de l'emploi, relève de la compétence de Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de son secrétaire d'Etat à l'emploi, Laurent Wauquiez, une petite part est gérée par Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et de la ville.

Les quatre programmes qui composent la mission demeurent de tailles très inégales puisque les programmes 102 et 103, qui dépendent tous deux du ministère de l'emploi, regroupent plus de 90 % des crédits.

Décomposition des moyens de la mission « Travail et emploi »

(en milliards d'euros)

Crédits
de paiement pour 2010

Proportion du budget
de la mission

Programme 102 « Accès et retour à l'emploi »

5,8

51,5 %

Programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

4,6

40,8 %

Programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

0,08

0,7 %

Programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

0,8

7 %

Mission « Travail et emploi »

11,28

100 %

Source : projet de loi de finances pour 2010

I. LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI EST FORTEMENT SOLLICITÉ PAR LA REMONTÉE DU CHÔMAGE

La France a connu, en 2009, la plus grave récession depuis l'après-guerre. La contraction du Pib a eu un effet destructeur sur l'emploi, que les mesures d'urgence prises au cours de l'année écoulée ont cependant permis d'atténuer. Si la reprise s'annonce pour 2010, elle ne devrait pas être suffisante pour entraîner une baisse du chômage à court terme, l'emploi réagissant toujours avec retard aux variations de la conjoncture.

Dans ce contexte, l'assurance chômage a vu ses dépenses d'indemnisation s'accroître, et ses déficits se creuser, tandis que la nouvelle institution chargée du placement et de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, Pôle emploi, a dû faire face à un surcroît d'activité intervenu au moment où elle était en train de se mettre en place.

A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL DÉGRADÉ

Au cours de l'année écoulée, l'emploi a subi les conséquences de la crise économique et l'on a observé une forte augmentation du chômage. La France a cependant été moins durement touchée que d'autres pays développés, en partie grâce aux mesures de lutte contre le chômage décidées par les pouvoirs publics. Le retour probable de la croissance, espéré l'an prochain, devrait favoriser une stabilisation du marché du travail.

1. Le nombre de demandeurs d'emploi a progressé de 25 % en un an

Les données les plus récentes collectées par Pôle emploi et par la Dares 1 ( * ) montrent que le nombre de demandeurs d'emploi a progressé de 25,1 % entre septembre 2008 et la fin du mois de septembre 2009, pour s'établir à plus de 2,5 millions de personnes, soit 9,1 % de la population active (9,5 % en incluant l'outre-mer).

Cette forte augmentation du chômage s'explique par la contraction du Pib, qui devrait être de l'ordre de 2,2 % en 2009. De nombreux emplois ont été détruits dans le secteur marchand : 141 000 en 2008 et 242 000 environ au premier semestre de 2009, d'après les données, encore provisoires, fournies par l'Insee et la Dares. L'industrie a été particulièrement touchée, puisqu'elle a perdu 73 000 postes de travail en 2008 et plus de 100 000 au cours du seul premier trimestre de 2009.

Le moindre recours à l'intérim a été le mode d'ajustement privilégié des entreprises au repli de l'activité. Le nombre de postes dans l'intérim a chuté de 21 % en 2008 et le premier trimestre de 2009 a encore été marqué par un recul historique du nombre d'intérimaires (- 81 000 emplois).

2. La France a cependant mieux résisté que d'autres pays développés

Pour préoccupante que soit l'augmentation du chômage, la France n'est pas le pays le plus durement frappé : dans la zone euro, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 30 % depuis le début de la crise ; aux Etats-Unis, le nombre de demandeurs d'emploi a doublé, faisant passer le taux de chômage à 10 % de la population active ; en Espagne, le taux de chômage a progressé de 11 points pour atteindre près de 20 % de la population active.

La moindre vulnérabilité française s'explique, pour partie, par la relative rigidité du marché du travail : face à la crise, les entreprises françaises ont besoin de plus de temps pour se séparer de leurs salariés que leurs concurrentes américaines, par exemple.

Mais elle s'explique aussi par le volontarisme de la politique menée en France dans le domaine de l'emploi. L'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) et la Communauté européenne ont récemment interrogé leurs Etats membres pour savoir quelles mesures ils avaient adopté pour soutenir l'emploi face à la crise. Comme l'illustre le tableau ci-dessous, la France a mobilisé une grande variété d'outils pour contenir la hausse du chômage ; celui qui a eu l'effet le plus significatif est certainement l'assouplissement des conditions de recours au chômage partiel.

Mesures pour l'emploi adoptées pour faire face à la crise économique

Mesures destinées
à augmenter la demande de travail

Mesures destinées à aider
les chômeurs à retrouver un emploi

Mesures de soutien
du revenu des personnes
au chômage ou des bas salaires

Mesures
de formation

Subventions à l'embauche ou création d'emplois publics

Allégements de charges

Chômage partiel

Nouvelles obligations pour les demandeurs d'emploi

Accompagnement dans la recherche d'emploi

Incitation à la reprise d'emploi ou la création d'entreprise

Programmes destinés à procurer une expérience professionnelle

Programmes de formation

Amélioration de l'indemnisation du chômage

Aide sociale pour les demandeurs d'emploi

Mesures d'aide complémentaire et soutien en nature

Mesures fiscales en faveur des personnes à bas revenu

Formation professionnelle des salariés

Apprentissage

Autriche

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Belgique

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Canada

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République tchèque

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Danemark

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Finlande

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France

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Allemagne

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Grèce

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Hongrie

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Irlande

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Italie

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Japon

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Hollande

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Pologne

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Portugal

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Espagne

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Suède »

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Royaume-Uni

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Etats-Unis

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Source : « Adressing the labour market challenges of the economic downturn :
a summary of country responses to the OECD-EC questionnaire », document de l'OCDE, septembre 2009, p. 3.

Un rappel historique suggère que l'emploi en France a également mieux résisté que par le passé : lors de la précédente récession, en 1992-1993, le nombre de demandeurs d'emploi avait crû de 800 000, et franchi la barre des trois millions, alors que la contraction du Pib avait été moindre (- 1,3 %). Cette meilleure résistance résulte des mesures conjoncturelles mises en oeuvre, mais également de changements structurels intervenus depuis lors sur le marché du travail, notamment l'allègement du coût du travail peu qualifié.

3. Vers une reprise en 2010 ?

En cette fin d'année 2009, plusieurs signes positifs permettent d'espérer que la période la plus difficile est maintenant derrière nous :

- le chômage continue à progresser, mais à un rythme ralenti : le nombre de demandeurs inscrits à Pôle emploi a augmenté de 21 000 en septembre, alors qu'il progressait de 90 000 unités chaque mois en début d'année ;

- le nombre de contrats d'apprentissage conclu à la rentrée 2009 est stable par rapport à celui de 2008 ;

- le nombre d'offres d'emploi collectées par Pôle emploi est également resté stable en septembre, après avoir reculé de 16 % en un an ;

- les prévisions de croissance pour 2010 ont été revues à la hausse : le Pib pourrait progresser de 1 % à 1,5 % alors que les premières estimations étaient de l'ordre de 0,8 %.

La baisse du chômage n'est cependant pas encore à l'ordre du jour. L'Unedic estime que le taux de chômage devrait atteindre 9,7 % de la population active à la fin de l'année et se situer encore autour de 10 % à la fin de 2010. Plus pessimiste, l'OCDE envisage un taux de chômage de 11,3 % l'an prochain.

L'emploi s'ajuste traditionnellement avec retard à une embellie de l'activité. Plutôt que de licencier, beaucoup d'entreprises ont en effet diminué leur production en réduisant la productivité de leurs salariés. Elles disposent donc, à présent, de réserves de productivité qu'elles peuvent mobiliser pour augmenter leur production sans avoir à embaucher. Les incertitudes relatives à l'ampleur et à la durée de la reprise sont par ailleurs de puissants facteurs d'attentisme.

Un enjeu important pour l'avenir est d'éviter que les personnes qui ont perdu leur emploi ne soient victimes du chômage de longue durée, alors que la durée moyenne du chômage en France - treize mois - est déjà l'une des plus élevées d'Europe. Cela suppose d'investir dans la formation continue, l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi et le développement d'activités d'avenir.

* 1 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, qui dépend des ministères en charge du travail et de l'emploi.

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