II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 1 er décembre 2009 sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de Jean-Marie Vanlerenberghe sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Ville et logement »).

Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur pour avis , a précisé que les 7,7 milliards d'euros de cette mission se répartissent en quatre programmes, de nature et de budget divers :

- le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », soit environ 1 milliard, porte principalement sur l'accueil et l'hébergement des personnes sans abri ;

- le programme « Aide à l'accès au logement », le plus fortement doté avec 5,4 milliards, est destiné au financement des aides personnelles au logement ;

- le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » finance, à hauteur de 515 millions, les aides à la pierre et l'effort de construction de logements sociaux ;

- enfin, 721 millions sont attribués au programme « Politique de la ville ».

En ce qui concerne l'accueil et l'hébergement des personnes sans abri, 2010 sera une année de transition car le Gouvernement a engagé, en concertation avec les associations, une réforme pour organiser un « service public de l'hébergement et de l'accès au logement ». Celle-ci s'inscrit dans le prolongement de la réorientation des politiques publiques en la matière, pour sortir de la logique d'urgence et privilégier la fluidité des parcours résidentiels et l'accès au logement, y compris des personnes qui en sont le plus éloignées.

C'est pourquoi le budget 2010 prévoit à nouveau une progression notable des crédits en faveur des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui recevront 616 millions d'euros correspondant aux deux tiers des fonds du programme, soit une hausse de presque 7 %. Cependant, le Gouvernement propose parallèlement des « mesures d'économies », chiffrées à 18 millions, qui consistent en réalité en des transferts de financements, soit vers les collectivités territoriales, soit vers les usagers « quand cela est possible », dont le bien-fondé reste contestable.

Le Gouvernement a également entrepris une étude des missions précisément exercées par les CHRS et des coûts que chacune entraîne, pour aboutir à un référentiel global. Actuellement, les différences de coûts entre les centres sont très importantes ; elles proviennent de leur grande diversité en termes de taille, de type de prestations rendues, de public accueilli ou de modalités d'hébergement. Cet exercice ne peut naturellement pas amener à une convergence tarifaire, sur le modèle de celle envisagée pour les établissements de santé, mais il présente l'intérêt de permettre une meilleure compréhension des modalités de fonctionnement des CHRS.

Par ailleurs, les crédits consacrés à la veille sociale, première étape du dispositif en faveur des sans abri et qui concerne principalement la région parisienne, progressent de presque 18 %. Le Gouvernement a finalement engagé un processus d'amélioration de la coordination de l'accueil de ces populations fragiles ; il met ainsi en oeuvre un article de la loi sur le logement du 25 mars 2009, adopté à l'initiative de la commission.

A l'exception des crédits en faveur de l'intermédiation locative et de l'aide à la gestion locative sociale, les autres lignes budgétaires de l'action diminuent ; ce mouvement est naturel pour l'hébergement d'urgence, en raison de la réorientation de la politique en faveur de solutions de logements, mais il l'est moins en ce qui concerne les maisons relais dont les crédits baissent de 7,4 % par rapport à 2009. Cette forme de logement adapté est pourtant une formule pertinente, intermédiaire entre l'urgence et le logement social classique.

En ce qui concerne les aides à la personne, qui sont attribuées à plus de 6,3 millions de ménages, 2009 devrait être, comme 2008, une année de progression des allocations, du fait de deux mouvements convergents : le nombre de personnes éligibles croît avec la hausse du chômage et le montant des aides individuelles progresse en raison de la stagnation ou de la diminution des ressources des ménages. Or, la contribution de l'Etat assure l'équilibre du système ; elle tend à augmenter de manière automatique en temps de crise, d'autant plus que la part versée par les employeurs diminue avec la rétractation de la masse salariale.

Au total, la contribution de l'Etat, soit 5,4 milliards d'euros, est en augmentation de 8,6 % en 2010, ce qui ne sera peut-être pas suffisant, pourtant, pour couvrir l'ensemble de l'année. Dans ce cas, l'Etat devra abonder les crédits, comme il le fait régulièrement sur cette ligne budgétaire.

Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur pour avis , a ensuite présenté la situation de la construction de logements sociaux qui, après de trop nombreuses années de déshérence, a été relancée : 2009 devrait afficher un niveau record dans le nombre de logements locatifs sociaux financés, entre 120 000 et 130 000. Ceci explique que les crédits de paiement, en hausse de 3,2 %, continuent de progresser en 2010. Mais les autorisations d'engagement, qui représentent les nouvelles opérations, passent de 550 millions d'euros en 2009 à 480 en 2010, soit une baisse de presque 13 %. Cette diminution importante parait clairement inopportune et n'est pas un signal positif donné aux opérateurs, sauf si la construction de logements devait être véritablement concentrée sur les zones tendues du territoire. Or, cette réorientation n'est guère possible en un si court laps de temps.

Par ailleurs, dans le domaine de la construction et de l'amélioration des logements, l'action de l'Etat passe en fait principalement par des dépenses fiscales : le coût de l'ensemble des dispositifs de défiscalisation est estimé, en la matière, à 14,25 milliards d'euros en 2010, soit infiniment plus que les 500 millions prévus en crédits budgétaires. Dans cet ensemble assez disparate, plus de 61 % des dépenses fiscales sont destinées à l'amélioration du parc privé et non à la construction.

Enfin, les crédits de la politique de la ville sont en baisse de 6,3 % en termes d'engagements et de 10,9 % en crédits de paiement. Cette diminution est, en fait, pour partie apparente : elle résulte notamment de la réforme des exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines et d'une modification de périmètre entre les programmes budgétaires. Pour autant, un certain nombre de lignes budgétaires sont reconduites à l'identique, ce qui signifie bien une baisse en euros constants : c'est le cas, par exemple, du programme réussite éducative, du programme ville-vie-vacances et des écoles de la deuxième chance, alors même que la demande progresse.

Les contrats urbains et de cohésion sociale (Cucs) ont été prolongés d'un an dans l'attente d'une réforme du zonage de la politique de la ville promise pour 2009 et les enveloppes sont reconduites à l'identique en 2010. Enfin, le plan « Espoir banlieues » souffre d'un manque de lisibilité et nécessiterait l'implication efficace de tous les ministères.

Il faut rappeler que le programme « Politique de la ville » assure toujours la tutelle de l'agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), dont il ne finance plus qu'une subvention minime pour charges de service public. Ceci résulte de la réforme du 1 % logement, votée en mars 2009 : celui-ci, rebaptisé Action logement, versera chaque année 770 millions d'euros à l'Anru au titre de la rénovation urbaine, 480 millions à l'agence nationale de l'habitat (Anah) et 50 millions, en moyenne, à nouveau à l'Anru, au titre du nouveau programme de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), pour un total de plus de 3,9 milliards d'euros sur la période 2009-2011.

S'il semble judicieux d'avoir engagé une réforme de la gouvernance du 1 % logement au regard des disponibilités financières des collecteurs et des problèmes de gestion, on peut s'interroger sur la pérennité des financements au-delà de 2011, sachant que les années ultérieures nécessiteront encore des crédits importants au titre de la rénovation urbaine.

Qui plus est, les difficultés de financement ont été masquées en 2009 par le plan de relance de l'économie, qui a permis d'amplifier les politiques du logement et de la ville de plus de 1 milliard d'euros. Or, certaines de ces dépenses ont un caractère durable, notamment la création de places d'hébergement qui entraînent des coûts de fonctionnement et il faudra anticiper correctement la sortie du plan de relance, désormais très proche.

Par ailleurs, plusieurs lois importantes ont été adoptées ces dernières années dans le domaine du logement et ont abouti à une complexité extrême des dispositifs et des compétences respectives des nombreux acteurs. Ces textes, notamment la loi instituant le droit au logement opposable, ne prennent pas suffisamment en compte la situation véritablement atypique de la région parisienne, qui concentre les difficultés, tant en termes d'hébergement que de parc locatif social. Aujourd'hui, il faut à la fois stabiliser la législation et la réglementation et tenter, au cas par cas, de simplifier ce qui peut l'être.

En conclusion, l'effort de l'Etat en matière d'accueil et d'hébergement des personnes sans abri, de construction de logements sociaux, d'amélioration de l'habitat, notamment en lien avec les nouvelles exigences environnementales, et de politique de la ville ne doit pas faiblir. Malheureusement, les problèmes persistent, par exemple pour la rénovation urbaine ou le développement des quartiers ; il sera d'ailleurs nécessaire de réfléchir rapidement à une éventuelle deuxième phase du programme national de rénovation urbaine, qui doit se terminer en 2013.

Malgré toutes ces incertitudes concernant le financement, Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur pour avis, a proposé à la commission de se prononcer en faveur de l'adoption des crédits 2010 de la mission « Ville et logement ».

Alain Vasselle a souhaité des précisions sur la définition des « zones tendues » et les conséquences de cette classification. De plus, que sont devenus les crédits, auparavant identifiés sous le label « Palulos », qui permettaient de mener des opérations de réhabilitation du parc locatif social ? Par ailleurs, il semble que la Caisse des dépôts et consignations envisage de modifier ses interventions en faveur des bailleurs sociaux qui rachètent leur logement à des personnes surendettées, alors que ces opérations permettent d'éviter les expulsions et de donner de l'espoir à ces ménages en difficulté. Qu'en est-il exactement ?

La question du financement de la reconversion des foyers logements est également d'actualité : nombre d'entre eux ont des taux d'occupation faibles, en raison de la politique de maintien à domicile des personnes âgées. Leur transformation nécessite des travaux importants, pour lesquels des aides de l'Etat sont nécessaires.

Enfin, on constate des délocalisations d'entreprises au profit des territoires classés en zone franche urbaine : la réforme des exonérations de charges sociales adoptée l'an passé permet-elle de lutter contre ces effets d'aubaine injustifiés ?

Evoquant un budget en trompe-l'oeil, Guy Fischer a regretté que la construction de logements sociaux ne soit pas une priorité pour le Gouvernement : les dispositifs de défiscalisation ont été privilégiés et pèsent maintenant lourdement sur les finances publiques ; le 1 % logement est amené à financer 3,9 milliards d'euros de charges qui incombent normalement à l'Etat.

La politique de la ville doit également être soutenue plus fortement, car l'habitat des quartiers populaires se dégrade et les populations s'appauvrissent. Enfin, quelles sont les conséquences de la modification des barèmes des aides personnelles au logement, intervenue au 1 er janvier 2009 ?

Raymonde Le Texier a rappelé que la création de places d'hébergement ne sera jamais suffisante si elle ne s'accompagne pas de la construction ou de la mise à disposition de logements sociaux, afin d'assurer une solution durable aux personnes sans abri et de les motiver dans leur recherche d'emploi ou dans leur formation. Pour autant, la construction de ces logements doit répondre à un objectif de mixité pour éviter les ghettos, qui sont aujourd'hui de véritables bombes à retardement dont on risque de subir les effets dans les dix ans qui viennent. Par ailleurs, il faut sortir des discours centrés sur l'accession à la propriété, car les copropriétés dégradées posent en fait nettement plus de problèmes que les ensembles locatifs bien entretenus et donc mieux respectés.

En ce qui concerne les zones franches urbaines, elles ne répondent pas aux enjeux, car les entreprises ne recrutent pas assez de personnes originaires de ces quartiers : l'exonération devrait être liée aux emplois effectivement pourvus par la population locale et non à l'emplacement des entreprises. Enfin, alors que l'Anru donne de bons résultats, on ne peut que déplorer que le plan « Espoir banlieues » soit, de son côté, complètement inexistant.

Brigitte Bout a fait valoir la continuité bienvenue du projet de loi de finances pour 2010 avec les mesures adoptées dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion pour organiser la coordination de l'offre d'hébergement d'urgence. Pour autant, l'objectif de rendre aux hébergements leur rôle premier, à savoir gérer l'urgence, s'est-il concrétisé ? Cela a-t-il permis d'y libérer des places ?

Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur pour avis , a précisé que, par un ciblage de la programmation des aides, l'Etat s'efforce d'agir prioritairement dans les zones où la demande est particulièrement forte par rapport à l'offre, ce qui caractérise les zones dites tendues. Il est cependant nécessaire d'assurer une mixité des logements ; divers dispositifs existent, mais ils s'appliquent parfois sur des territoires qui ont déjà des taux de logements sociaux très élevés. L'Anru contribue de manière positive à la disparition des ghettos. Les dispositifs de défiscalisation sont en effet prédominants dans les aides au secteur du logement.

Dorénavant, les actions en faveur de la réhabilitation des logements sociaux, anciennement les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale (Palulos), ne sont plus identifiées spécifiquement et la Caisse des dépôts propose un prêt bonifié destiné à financer de tels travaux. L'Anah engage aussi des actions en faveur des copropriétés dégradées, qui posent en effet des problèmes spécifiques.

Par ailleurs, la réforme de l'exonération de charges sociales réduit l'attractivité fiscale des zones franches urbaines. En tout état de cause, une refonte de la géographie prioritaire de la politique de la ville doit aboutir en 2010 ; elle aurait même dû entrer en vigueur dès 2009, selon la disposition législative adoptée à l'initiative conjointe des commissions des affaires sociales et des finances. Le rapport de deux parlementaires en mission, Pierre André et Gérard Hamel, propose à cet égard de globaliser les crédits à l'échelle d'un territoire pour donner de la souplesse à leur gestion. De plus, le récent rapport de l'observatoire national des zones urbaines sensibles conforte l'idée de maintenir l'effort de l'Etat, en complément des actions énergiques menées par les élus locaux.

En ce qui concerne les aides personnelles au logement, le nombre de bénéficiaires augmente, mais il est encore trop tôt pour évaluer sereinement l'impact des nouveaux barèmes.

La réorientation de la politique de l'hébergement en vue d'organiser une « filière logement » complète est récente ; elle est poursuivie par l'actuel Gouvernement, mais elle nécessite du temps. A cet égard, la région parisienne concentre les difficultés et il faut donc y concentrer les moyens. Ce n'est malheureusement pas le sentiment qui ressort du projet de loi de finances.

Enfin, l'impact limité du plan « Espoir banlieues » s'explique par un déficit de coordination. La dynamique devrait être véritablement interministérielle ; or, il est difficile de mobiliser les ministères sur ces questions. Une réponse pourrait être de globaliser les enveloppes de crédits au niveau local.

A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement ».

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