B. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE PRÉOCCUPANTE

Sur les 508 millions d'euros du programme 185, environ 420 millions d'euros sont destinés à l'AEFE , qui voit ses financements progresser de 3 millions d'euros par rapport à 2009, soit une augmentation de 10 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait initialement la loi de programmation triennale pour la période 2009-2011. Le ministère des affaires étrangères a, en effet, sollicité une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros afin de permettre à l'AEFE de financer les charges sociales patronales de ses personnels.

Malgré cette légère augmentation, l'AEFE devrait connaître une situation budgétaire une nouvelle fois très délicate en 2010, avec un manque de financement évalué à 10 millions d'euros par rapport au projet de budget de l'Agence . Cela tient notamment au poids des charges patronales des personnels, mais aussi à la forte hausse des frais de scolarité des établissements à l'étranger et au coût de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français voulue par le Président de la République. La situation du fonds de roulement de l'Agence, dont le montant correspond à un mois de fonctionnement, est préoccupante.

1. Le poids de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français

Le programme 151 « Français à l'étranger et action consulaire » de la mission « Action extérieure de l'État » voit en apparence ses crédits augmenter fortement en 2010, avec une hausse de 15,6 millions d'euros (+ 6 %), soit 14 millions d'euros (+ 5 %) hors rémunérations. Cette hausse de 15,6 millions d'euros est toutefois insuffisante pour financer le coût de la prise en charge progressive des frais de scolarité des élèves français des classes de lycées, qui devrait s'appliquer aux classes de seconde à la rentrée 2009-2010 et dont le coût supplémentaire est évalué à 20 millions d'euros pour 2010.

Même en prenant en compte cette compensation, le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français suscite de fortes inquiétudes. Le manque de financement est, en effet, estimé entre 8 et 10 millions d'euros pour l'année 2010.

En outre, les frais de scolarité des établissements ont littéralement « explosé » lors de la dernière rentrée scolaire, avec une augmentation de l'ordre de 18 % en moyenne , ce qui engendre mécaniquement un coût croissant pour l'État.

En l'absence d'encadrement de la prise en charge des frais de scolarité, par un système de plafonnement ou un moratoire, il faut craindre une diminution des financements des bourses sur critères sociaux destinés aux élèves des établissements français à l'étranger.

Le coût total de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français s'établit à ce jour à :

(en millions d'euros)

Prise en charge stricto sensu
(hors élèves boursiers dans une classe ouvrant droit à prise en charge
)

Prise en charge (boursiers scolarisés dans des classes ouvrant droit à prise en charge inclus)

Période

Montant

Période

Montant

2007/2008

4,46 M€

2007/2008

6,72 M€

2008

0,49 M€

2008

0,91 M€

2008/2009

13,02 M€

2008/2009

17,63 M€

2009

1,17 M€

2009

2,03 M€

2009/2010 (après première commission nationale des bourses)

22,99 M€

2009/2010 (après première commission nationale des bourses)

31,62 M€

Total : 42,13 M€

Total : 58,91 M€

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, le Sénat avait voté un amendement prévoyant de plafonner, le montant des frais de scolarité pris en charge (qui varient fortement d'un pays à l'autre) selon le pays et les conditions de ressources des familles. Toutefois, ce plafonnement n'avait pas été retenu à la suite d'une seconde délibération.

Cependant, la disposition en vertu de laquelle toute extension de la mesure au-delà de la seconde est conditionnée à la transmission d'une étude d'impact préalable au Parlement avait été maintenue . En effet, la généralisation de la mesure de gratuité, si elle s'étendait jusqu'aux enfants du primaire, se serait achevée à l'horizon 2018, date à laquelle elle aurait produit l'ensemble de ses effets budgétaires pour atteindre quelques 730 millions d'euros.

Aussi, le moratoire sur l'extension du dispositif au-delà de la classe de seconde, défini par l'article 133 de la loi de finances pour l'année 2009, diminuera-t-il le coût potentiel de la mesure de gratuité à compter de l'exercice budgétaire 2010.

Le coût maximal de la prise en charge pour la classe de troisième avait été estimé à 9,80 millions d'euros pour l'exercice 2010 (sur toute l'année dans les pays du rythme sud et de septembre à décembre dans les pays du rythme nord) et à 25,50 millions d'euros pour l'exercice budgétaire 2011 (sur toute l'année dans tous les pays).

Toutefois, le ministère des affaires étrangères a indiqué qu'en matière de prise en charge, aucun plafonnement sur la base des revenus déclarés par les familles n'est actuellement à l'ordre du jour.

En revanche, seul un plafonnement des frais de scolarité couverts pour les élèves scolarisés dans des établissements homologués hors réseau de l'AEFE sera mis en place à compter de la campagne 2010 (rythme sud) et de la campagne 2010/2011 (rythme nord).

Votre rapporteur pour avis estime, néanmoins, nécessaire de réexaminer la possibilité de plafonner le montant des frais de scolarité pris en charge, afin de générer des économies qui pourraient être réaffectées à notre politique de bourses.

Il se félicite de l'adoption par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale d'un amendement au projet de loi de finances pour 2010, à l'initiative de son rapporteur pour avis, M. François Rochebloine, visant à :

- diminuer les crédits de 10 millions d'euros , sur l'action « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » (dotée de 106,2 millions d'euros pour 2010, en augmentation de plus de 20 millions d'euros par rapport à 2009) ;

- augmenter à due concurrence les crédits de l'AEFE, sur l'action « Service public d'enseignement à l'étranger » du programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Les auteurs de l'amendement souhaitent que l'augmentation de la dotation de l'AEFE soit consacrée à son programme immobilier.

La diminution des crédits du programme 151 devrait ainsi être compensée par la mise en oeuvre immédiate, par l'AEFE et sa tutelle, d'un plafonnement à fixer par voie réglementaire en fonction des revenus bruts des familles , selon un barème variable par pays de résidence, sur le même modèle que celui appliqué au calcul des bourses ordinaires. Il n'est pas proposé de plafonner le montant des frais de scolarité ; les auteurs de l'amendement ont estimé, en effet, qu'il ne serait pas juste de priver d'une prise en charge totale les familles qui, sur critères de revenus, pouvaient y prétendre avant la mise en place de la mesure présidentielle.

2. La politique des bourses de l'AEFE

L'aide à la scolarité au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l'étranger repose désormais sur deux dispositifs dont les crédits sont inscrits dans le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » : celui des bourses scolaires et celui de la prise en charge par la collectivité nationale de la scolarité des lycéens , mesure de gratuité mise en place à compter de la rentrée scolaire 2007 pour les élèves de terminale, étendue aux élèves de première à la rentrée 2008, et aux élèves de seconde à la rentrée 2009.

Le montant de la dotation au titre de l'aide à la scolarité (bourses scolaires et prise en charge) s'élevait, en 2009, à 86,10 millions d'euros (hors mise en réserve pour régulation budgétaire). Elle devrait s'établir à 106,2 millions d'euros pour l'exercice 2010 et à 126,9 millions d'euros pour l'exercice 2011 .

Pour l'année scolaire 2009, les besoins sont à ce jour estimés à 87,02 millions d'euros (58,83 millions d'euros au titre des bourses scolaires et 28,19 millions d'euros au titre de la prise en charge).

Au titre des années scolaires 2008 (pays du rythme Sud) et 2008/2009 (pays du rythme Nord), 19 844 élèves français (hors classes ouvrant droit au dispositif de la prise en charge) ont bénéficié d'une bourse scolaire pour un montant de 54,44 millions d'euros, soit un coût moyen de 2 744 euros. S'ajoute à ce montant le coût des bourses parascolaires aux élèves boursiers scolarisés dans les classes ouvrant droit à prise en charge : 1,36 million d'euros, soit au total 55,80 millions d'euros.

Au titre des années scolaires 2009 (pays du rythme Sud) et 2009/2010 (pays du rythme Nord, chiffres provisoires après la réunion de la première commission nationale des bourses), le nombre de boursiers s'établit à 17 850 pour un montant de 56,27 millions d'euros, soit un coût moyen de 3 152 euros (+ 14,87 %) . À ce montant, s'ajoute le coût des bourses parascolaires pour les 2 950 boursiers pris en charge : 2,59 millions d'euros, soit au total 58,86 millions d'euros.

Sur cette base, les besoins au titre de l'exercice budgétaire 2010 sont estimés à 113 millions d'euros, alors que la dotation fixée à ce jour s'élève à 106,2 millions d'euros. Dans ce contexte, considérant par ailleurs les contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur les finances publiques, l'augmentation particulièrement soutenue des frais de scolarité, l'accroissement du nombre de demandes de bourses présentées dans un contexte de crise internationale, des parités entre monnaies moins favorables à l'euro, l'Agence a indiqué à votre rapporteur que des mesures de régulation visant à contenir la dépense des campagnes à venir paraissent inévitables .

Est ainsi envisagée par l'AEFE, en matière d'aide à la scolarité, la mise en oeuvre à court terme des dispositions suivantes :

- un plafonnement des droits de scolarité pris en charge pour les établissements privés homologués ;

- s'agissant du barème : un gel des revenus minima et un relèvement du coefficient K ;

- une rigueur renforcée dans l'attribution des bourses parascolaires ;

- la non prise en compte dans le calcul des droits à bourses scolaires des frais de scolarité pris en charge par ailleurs pour les familles concernées par les deux dispositifs ;

- un respect strict du calendrier de dépôt des dossiers tant en matière de bourses scolaires que de prise en charge.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ ET DU NOMBRE DE BÉNÉFICAIRES

Année

Crédits

Évolution / exercice précédent

Année scolaire

Nombre de boursiers

1998

30,03 M€

+ 4,1 %

97/98 (rythme nord) et 1998 (rythme sud)

17 393

1999

33,08 M€

+ 10,2 %

98/99 (rythme nord) et 99 (rythme sud)

17 614

2000

35,37 M€

+ 6,9 %

99/2000 (rythme nord) et 2000 (rythme sud)

16 510

2001

37,11 M€

+ 4,9 %

2000/2001 (rythme nord) et 2001 rythme sud)

17 722

2002

38,11 M€

+ 2,7 %

2001/2002 (rythme nord et 2002 (rythme sud)

18 562

2003

39,57 M €

+ 3,8 %

2002/2003 (rythme nord) et 2003 (rythme sud)

19 313

2004

40,71 M€

+ 2,9 %

2003/2004 (rythme nord et 2004 (rythme sud)

19 507

2005

41,00 M€

+ 0,7 %

2004/2005 (rythme nord et 2005 (rythme sud)

19 848

2006

45,94 M€ (prélèvement de 3,58 M€ sur fonds de roulement de l'AEFE inclus)

+ 12,05 %

2005/2006 (rythme nord) et 2006 (rythme sud)

19 587

2007

53,76 M€ (dont 5 M€ au titre de la prise en charge et après un prélèvement sur fond de roulement de l'AEFE de 1,8 M€)

+ 17,02 %

2006/2007 (rythme nord) et 2007 (rythme sud)

19 751

2008

66,96 M€ (dont 20 M€ au titre de la prise en charge)

+ 24,55 %

2007/2008 (rythme nord) et 2008 (rythme sud)

21 959 (dont 2 344 pris en charge)

2009*

86,10 M€ (dont 40 M€ au titre de la prise en charge)

+ 28,58 %

2008/2009 (rythme nord) et 2009 (rythme sud)

25 387 (dont 5 522 pris en charge)

* Chiffres provisoires après la première commission nationale des bourses.

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

3. Le poids de la prise en charge des cotisations sociales patronales des personnels de l'AEFE

Depuis le 1 er janvier 2009, l'AEFE a dû intégrer à sa gestion la prise en charge au titre de la pension civile des personnels civils de l'État. Au titre de la compensation de cette prise en charge, 120 millions d'euros ont été intégrés en base dans la subvention allouée à l'Agence au titre du programme 185.

Le contexte prospectif au titre de la pension civile dans le cadre de la préparation du budget 2009 de l'Agence peut être résumé par le tableau ci-après :

Source : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

2009

2010

2011

Coût de la pension civile estimé en vue du PLF 2009 au printemps 2008 (en millions d'euros)

126,5

143

153,02

Montant de la compensation basé au PLF 2009 dans la subvention du programme 185 (en millions d'euros)

120

120

120

Écart en valeur (en millions d'euros)

6,5

23

33,02

Écart en %

5,14 %

18,18 %

26,10 %

Ce montant de 120 millions destiné à compenser le transfert de la charge de pension civile est caractérisé par sa fixité dans le temps comme par sa sous-évaluation au regard des charges réelles liées à la pension civile.

En effet, dès l'année de mise en oeuvre de la réforme en 2009, le coût réel des pensions civiles s'est avéré supérieur à la base de 120 millions d'euros ; aussi, et ce notamment afin de couvrir ses besoins de financement liés au surcoût de la pension civile, l'AEFE a accentué son autofinancement notamment à travers la mesure de contribution sur les frais de scolarité , qui pour partie doit venir financer ce surcoût.

Cette mesure, en tiers d'année pour 2009, doit produire 10 millions d'euros de recettes, 30 millions d'euros de recettes à compter de 2010 en année pleine. Si elle peut financer pour partie les surcoûts non compensés de pension civile, elle est destinée également à alimenter la programmation immobilière de l'Agence et les charges générales du réseau, elles-mêmes très consommatrices de crédits.

Entre temps, et ce dans le cadre du projet de loi de finances 2010, deux événements sont intervenus : une baisse du taux pour 2010 à 62,47 % au lieu des 66,33 % initialement prévus dans la lettre d'autorisation de dépenses du Premier ministre pour le budget triennal 2009-2011, un abondement de 10 millions d'euros en base affecté à l'AEFE. Si ces deux événements laissent envisager une contribution en 2010 moins importante que prévue, la question de la non-compensation intégrale de la charge demeure entière.

En effet, l'actualisation de la masse salariale prévisionnelle pour 2011, évaluée avec le taux de pensions civiles de 71,24 % (taux annoncé dans la lettre du Premier ministre, et à défaut le seul sur lequel l'AEFE puisse valablement tracer une perspective budgétaire), laisse apparaitre un coût pour 2011 de 158,9 millions d'euros pour les pensions civiles. Cependant, il est possible que l'augmentation plus faible qu'initialement énoncée du taux de contribution pour pensions civiles se reproduise en 2011 ; c'est pourquoi des scénarios fondés sur un taux inférieur à celui initialement énoncé pour 2011 peuvent être élaborés, et ce en l'absence de certitudes sur le futur taux 2011.

Le montant de la contribution pour pensions civiles prévu au budget 2010 s'élève à 134,6 millions d'euros. Celui-ci est inférieur aux prévisions du plan triennal pour deux raisons :

- le taux retenu de 62,47 % au lieu de 66,33 % ;

- la sous-consommation des emplois en raison du contexte de crise.

La perspective 2011 dépend de l'assiette et du taux retenus.

En considérant une augmentation du traitement indiciaire en 2011 de 1 % (hausse du point et promotions) et des effectifs sur 2011 stables (référence rentrée 2010) :

Catégorie

Traitement

Effectifs

Assiette de pensions civiles

Siège (titulaires)

34 015 €

104

3 537 560 €

Résidents

32 367 €

5 430

175 752 810 €

Expatriés

37 857 €

1 156

43 783 500 €

Source : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Le montant de l'assiette s'élèverait ainsi à 223 millions d'euros.

S'agissant des scénarios de taux :

Scénario

Taux

Montant

Variation 2010/2011

Triennal

71,24 %

158,9 M€

24,3 M€

Moyen

66,84 %

149,2 M€

14,6 M€

Augmentation 2009/2010

64,5 %

143,9 M€

9,3 M€

Source : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

En retenant le taux prévu pour le budget triennal (71,24 %) dans la lettre du Premier ministre, le coût de pension civile serait pour l'agence de 158,9 millions d'euros .

Si on tient compte de la tendance constatée et en retenant un taux égal à la moyenne entre le taux initialement prévu et le taux actuel (66,84 %), le coût s'élèverait à 149,2 millions d'euros .

Si on répercute en 2011 l'augmentation 2009/2010, on retient un taux de 64,5 % qui induit un coût de 143,9 millions d'euros.

Toutes ces enveloppes sont supérieures à l'enveloppe initiale de la compensation (120 millions d'euros) et, en l'absence d'un effort supplémentaire de l'État, demandent au réseau des établissements français une progression forte de l'autofinancement et de l'effort de financement des familles.

Afin de financer les charges non compensées par l'État, l'AEFE a été conduite à s'appuyer encore plus sur les frais de scolarité supportés par les familles, notamment par le biais du prélèvement d'une contribution de 6 % sur l'assiette des frais de scolarité perçus par les établissements.

Votre rapporteur pour avis souligne le danger que représente une telle mesure pour la compétitivité du réseau de l'Agence, dans la mesure où elle tend à produire un effet d'éviction sur les inscriptions d'élèves étrangers dont les familles sont appelées à supporter l'intégralité de leur frais de scolarité.

La mise en place de la mesure de contribution assise sur l'assiette des frais de scolarité en 2009 explique ainsi l'augmentation de la part des ressources des établissements au sein des ressources de l'AEFE, dans le cadre de sa politique d'accroissement de l'autofinancement.

En 2009, le taux d'autofinancement du réseau s'élève à 52 %. Ce taux est en baisse en optique à compter de 2009 en raison de l'intégration de pensions civiles dans le budget de l'agence au premier janvier 2009. En effet, le montant des pensions civiles, supérieur à 120 millions d'euros, génère mécaniquement une baisse du taux par rapport à 2008.

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