Avis n° 106 (2009-2010) de MM. Jean-Patrick COURTOIS et François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2009

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N° 106

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XI

SÉCURITÉ
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

Par MM. Jean-Patrick COURTOIS et François-Noël BUFFET,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 et 101 (annexe n° 28 ) (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu, le mercredi 18 novembre 2009, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, la commission des Lois, réunie le jeudi 19 novembre 2009, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé sur le rapport pour avis de MM. François-Noël Buffet et Jean-Patrick Courtois, à l' examen des crédits des missions « Immigration, asile et intégration » et « sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, dont la commission des Finances est saisie au fond.

La commission a décidé d'examiner ces deux missions au sein du même avis, afin de tenir compte du maintien au sein de la mission « Sécurité » des crédits relatifs à la police des étrangers d'un montant de 682,5 millions d'euros en crédits de paiement.

Concernant les crédits de la mission « Sécurité », M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis , a indiqué qu'après la réforme menée en 2009, le rattachement budgétaire et organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur était à présent effectif. Il a observé que les réformes se poursuivraient lors de l'exercice 2010, sous l'impulsion de la révision générale des politiques publiques et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, bien que cette loi, qui encadre les moyens de la sécurité intérieure sur la période 2009-2013, n'aie pas encore été votée.

Il a indiqué que la part des crédits de personnel dans le total des crédits de la mission atteignait presque 86 % dans le PLF 2010, malgré une nouvelle diminution des effectifs, de 2632 EPTP en 2010 pour l'ensemble de la mission, due au non remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux en raison de la RGPP.

Il a expliqué que, dans ce contexte, certaines réticences devraient être surmontées pour permettre une meilleure collaboration entre la gendarmerie et la police, dans le respect des spécificités des deux forces, afin d'obtenir de nouveaux gains d'efficacité.

Il a ensuite présenté les résultats de la lutte contre la délinquance, la délinquance générale étant en recul de 0,86 % en 2008, tandis que la période de janvier à septembre 2009 enregistre une augmentation de 0,45 %. Parallèlement, la délinquance de proximité a arrêté de diminuer en 2009, après une baisse de plus de 6 % en 2008. Il a estimé que ces résultats pourraient être améliorés grâce aux efforts qui seront menés en 2010 dans deux directions : la poursuite de la modernisation technologique d'une part, la lutte contre la délinquance urbaine d'autre part.

Il a enfin salué les nouvelles mesures annoncées pour lutter contre les violences intrafamiliales, notamment la création de brigades de protection des familles.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis , a ensuite présenté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » . Il a indiqué que le ces crédits étaient en augmentation de 10% environ par rapport à 2009, du fait principalement de la hausse de la demande d'asile. L'immobilier des centres de rétention administrative lui ayant été transféré à compter du 1er janvier 2010, le périmètre du ministère est à présent stabilisé.

Il a ensuite souligné que la très forte hausse de la demande d'asile constituait le point le plus sensible du budget 2010. En effet, à une diminution en 2005, 2006 et 2007 a succédé une progression de 14 % en 2008 et 20 % environ en 2009. Cette augmentation, d'ailleurs imprévisible, aura notamment pour conséquence un accroissement des charges d'hébergement des demandeurs d'asile en 2010. Les crédits prévus pour y faire face seront suffisants si la légère tendance à la diminution du nombre de demandes, récemment observée, se confirme ; dans le cas contraire, ils devront sans doute être abondés en cours d'exercice.

Par ailleurs, il a observé que les résultats de la politique en faveur de l'immigration professionnelle étaient globalement encourageants. Ainsi, environ un quart des titres de séjour sont désormais délivrés au titre du travail. Il a cependant remarqué qu'une majorité de ces titres étaient attribués à des personnes déjà présentes en France en tant qu'étudiants, visiteurs ou en situation irrégulière. Il s'est par ailleurs félicité de la signature de nouveaux accords concertés de gestion des flux migratoires, qui permettent justement de donner une impulsion nouvelle à l'immigration professionnelle.

Enfin, il a souligné que la question des mineurs isolés entrant sur le territoire ou devenant majeurs alors qu'ils sont entrés après l'âge de 16 ans était toujours sensible. Il conviendra donc d'être attentif aux conclusions du groupe de travail installé par le ministre à ce sujet.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Sécurité » et « Immigration, asile et intégration », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois a souhaité, cette année encore, examiner dans le même avis les crédits de la mission « Sécurité » et ceux de la mission « Immigration, asile et Intégration ». Ce choix se fonde sur la persistance, au sein de la mission « Sécurité », de crédits liés à la mise en oeuvre de la politique menée en matière d'immigration.

Cette imbrication apparaît clairement à la lecture du document de politique transversale (DPT) « politique française de l'immigration et de l'intégration », qui permet de prendre la mesure de l'ensemble des crédits de l'Etat en la matière, au sein desquels le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » ne constitue qu'une part minoritaire.

En effet, à côté des 1,5 milliard d'euros consacrés aux étudiants étrangers de l'enseignement supérieur et des 500 millions d'euros consacrés à l'aide médicale d'Etat, les crédits de l'action « Police des étrangers et sûreté des transports internationaux » de la mission « Sécurité » se montent à plus de 610 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, correspondant aux missions de contrôle des personnes aux frontières et de lutte contre l'immigration clandestine, assumées par la police aux frontières, les policiers de la sécurité publique et les compagnies républicaines de sécurité.

De même, le DPT évalue à environ 70 millions d'euros le montant de la contribution de la gendarmerie à la politique de l'immigration, correspondant aux missions de garde et de gestion des centres de rétention administrative pris en charge par les gendarmes.

Cette situation n'est pas amenée à évoluer à court terme dans la mesure où le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS) reste un ministère d'état-major, ayant autorité sur de nombreux services d'autres ministères sans que les budgets correspondants lui soient affectés. Il est ainsi peu probable -et d'ailleurs peu souhaitable comme l'a indiqué M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, lors de son audition par votre commission 1 ( * ) - que les services de la police, des préfectures ou des consulats concourant directement à la mise en oeuvre de la politique du MIIINDS lui soient rattachés.

Cet avis unique comporte donc deux parties, l'une consacrée à la mission « Sécurité » et l'autre à la mission « Immigration, asile et intégration », chacune examinée par l'un de vos deux rapporteurs pour avis 2 ( * ) .

PREMIÈRE PARTIE : LA MISSION « SÉCURITÉ »

Avant d'exposer plus avant les grands axes du budget de la mission « Sécurité », votre commission a souhaite rendre hommage aux 19 policiers et gendarmes qui ont perdu la vie en 2008 en accomplissant leurs missions pour garantir la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens.

L'année dernière, votre rapporteur pour avis avait indiqué que l'exercice 2009 marquait le début d'un nouveau cycle de réformes pour la police et la gendarmerie nationales.

Si le rattachement budgétaire et organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur est à présent une réalité, trois autres textes encadreront la poursuite de ces réformes lors de l'exercice 2010 :

-la loi de programmation des finances publiques, qui tend à plafonner, à l'horizon 2011, les dotations en autorisations d'engagement et crédits de paiement de la mission,

-la révision générale des politiques publiques (RGPP),

-le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de sécurité intérieure, dit LOPPSI 2.

Ce dernier texte, qui encadre les moyens de la sécurité intérieure sur la période 2009-2013, a été déposé à l'Assemblée nationale le 27 mai 2009 mais n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour.

L'année 2010 est pourtant la deuxième année d'exécution de la LOPPSI et de nombreux crédits d'investissement de cet exercice y sont adossés. Votre rapporteur pour avis souligne que cette situation nuit quelque peu à la clarté de l'exposition des moyens nouveaux dont disposeront la police et la gendarmerie dans le cadre de l'exercice 2010, notamment en matière d'investissements technologiques. Il souhaite donc que la LOPPSI puisse être discutée à courte échéance par le parlement.

Par ailleurs, certaines expérimentations importantes réalisées en 2009 seront probablement généralisées au cours du prochain exercice. Ainsi, l'action des nouvelles unités territoriales de quartier, qui permettent de réaffirmer la présence de l'Etat dans certains quartiers sensibles, est en cours d'évaluation. Enfin, la nouvelle police d'agglomération, déjà instaurée dans la petite couronne de Paris, sera peut-être étendue à d'autres agglomérations qui rencontrent des problèmes de délinquance similaires.

I. UN BUDGET TOUJOURS CONTRAINT, DES RÉSULTATS STABLES

A. UN BUDGET ÉTROITEMENT ENCADRÉ

1. Une progression des crédits absorbée par les charges de personnel

Les crédits de la mission s'élèvent à 16.649 millions d'euros en autorisation d'engagement et à 16.397 millions d'euros en crédits de paiement inscrits pour l'ensemble de la mission, en augmentation respectivement de 3,3 % et 1,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.

Malgré l'effort accompli sur les effectifs, la progression des charges de personnel représente une part essentielle de cette progression : les crédits du titre 2 représentaient 85,59 % des dotations de la mission en LFI 2009; en projet de loi de finances 2010, ces crédits représenteront 85,90 % des dépenses prévues pour l'ensemble de la mission. Pour le programme « Police nationale », la proportion est de 88,1 % contre 88 % en LFI 2009. Pour la gendarmerie, le ratio est passé de 82,8 % à 83,3 % dans le PLF 2010.

Les dotations de titre 2 s'élèvent ainsi à 14.084,63 millions d'euros sur 16.397,33 millions d'euros de crédits inscrits pour l'ensemble de la mission, en augmentation de 1,65 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Sur 14,1 milliards d'euros de crédits de personnels, 4,97 milliards, soit 35 %, sont consacrés aux pensions de retraite, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2009 (la progression a été de 8 % entre 2009 et 2008). Les crédits alloués aux pensions de retraite de la police croissent de 4,84 % par rapport à 2009, et pour la Gendarmerie nationale de 1,63 %.

2. Des effectifs toujours en diminution

-Les effectifs de la police nationale connaîtront en 2010, selon le projet annuel de performances, 1.329 suppressions d'EPTP hors transferts dans le cadre du remplacement partiel des départs en retraites, contre 2.383 suppressions en 2009 par rapport à 2008. En outre, 61 EPTP seront transférés vers d'autres programmes. Les effectifs de la police nationale se monteront ainsi en 2010 à 144 790 EPTP contre 146.180 en 2009.

-Les effectifs de la gendarmerie nationale subiront, en 2010, une suppression de 1.303 ETPT hors transfert et 51 transferts nets. Le plafond d'ETPT devrait ainsi diminuer de 1.354 emplois, pour un total de 98.155 EPTP contre 99.509 EPTP en 2009.

Parallèlement à cette diminution d'effectifs, certains emplois seront, comme l'année précédente, transformés pour améliorer l'adéquation des personnels à leurs missions effectives.

Ainsi, pour la gendarmerie nationale, les transformations d'emplois s'appliqueront aux postes de soutiens, traditionnellement assurés par des officiers et sous-officiers de gendarmerie. Le soutien sera ainsi de plus en plus effectué par des personnels non gendarmes spécialisés dans la logistique, les fonctions administratives et financières. A l'horizon 2017, environ 12.000 personnels issus des corps militaires de soutien technique et administratif et des personnels civils devraient avoir été recrutés par transformation d'emplois d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie. Pour le PLF 2010, 600 emplois d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie seront transformés en 500 emplois civils et 100 militaires du corps de soutien.

De manière comparable, la police nationale verra la création de 672 emplois administratifs, techniques et scientifiques, en contrepartie d'une diminution du corps des commissaires et des officiers.

Cette diminution globale des effectifs intervient alors que de nouvelles missions des forces de sécurité impliqueront la mobilisation de moyens en personnels supplémentaires : il s'agit notamment, concernant les missions de la police nationale, du déploiement des unités territoriales de quartier (UTeQ) et des compagnies de sécurisation dans le cadre du plan Banlieues ; de la reprise des centres de rétention administrative actuellement gérés par la Gendarmerie; de la nouvelle police d'agglomération ; du plan de lutte contre les bandes et des brigades de protection des familles. Les forces de sécurité devront ainsi faire plus avec moins de moyens humains, c'est-à-dire améliorer leur productivité. Cette situation suscite l'inquiétude des syndicats de police, comme a pu le constater votre rapporteur.

En outre, certaines missions de sécurité et de soutien étaient assumées par les armées dans les départements et collectivités d'outre-mer. En application du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, les armées devraient se retirer de plusieurs de ces collectivités. Il reviendra aux forces de sécurité intérieure, et en particulier à la gendarmerie, de s'y substituer.

3. L'amélioration de la collaboration entre la police et la gendarmerie

Des gains d'efficience devront être recherchés du côté de l'amélioration de la collaboration entre la police et la gendarmerie.

Rappelons que le ministre de l'intérieur exerce depuis mai 2007, conjointement avec le ministre de la défense, la responsabilité de définir les moyens budgétaires de la gendarmerie et d'en assurer le suivi. La loi de finances pour 2009 a transféré la responsabilité du programme budgétaire « Gendarmerie nationale » au ministre de l'intérieur. La mission « Sécurité » qui était une mission interministérielle depuis sa création en 2005, est ainsi devenue une mission ministérielle à compter du 1er janvier 2009. Puis, la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 a notamment organisé le rattachement organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur.

Concrètement, le rapprochement entre les deux forces concerne notamment les forces mobiles de la police et de la gendarmerie nationales . La coordination nationale des forces mobiles est ainsi opérée au ministère de l'intérieur par l'unité de coordination des forces mobiles (UCFM) en liaison avec la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) et la direction générale de la gendarmerie nationale.

Il existe également un rapprochement concernant les équipements des deux forces , davantage mutualisés grâce à la passation de marchés communs (un marché police/gendarmerie vient d'être attribué par la direction de l'administration de la police nationale dans le but de doter la gendarmerie ainsi que les services de la sécurité publique et les CRS d'un lanceur de balles de défense 40 mm ; de même des marchés sont en cours d'élaboration en matière de casques et d'équipements pare-coups). Par ailleurs, des tests nécessaires à la validation de nouveaux équipements police sont réalisés, à la demande de la direction de l'administration de la police nationale (DAPN), au centre technique de la gendarmerie de Satory. Enfin, des exercices communs de formation ont été réalisés pour la première fois entre une compagnie CRS et un escadron mobile de gendarmes sur le site de Saint-Astier pendant trois jours au mois de février 2008. A cette occasion, un groupement opérationnel mixte police/gendarmerie a même été mis en oeuvre.

Toutefois, les syndicats de commissaires et d'officiers de police entendues par votre rapporteur ont, de manière unanime, fait état d'un décalage persistant entre, d'un côté, une volonté affichée de réforme et des discours qui insistent de plus en plus sur le rapprochement des deux forces de sécurité, et, de l'autre, un certain immobilisme sur le terrain où la collaboration, notamment opérationnelle, lorsqu'elle existe, continue à se faire de manière informelle plus que réfléchie et concertée. Ainsi, aucun rapprochement des forces mobiles de la police et de la gendarmerie n'a été engagé sur le plan des régimes horaire de travail, compte tenu de la persistance des statuts différents entre les deux forces.

4. La stabilité des crédits de fonctionnement et d'investissement

On observe une stabilité des crédits d'investissement et de fonctionnement pour la police nationale et une diminution pour la gendarmerie nationale. Les dépenses hors titre 2 ne représentent ainsi que 15,10 % des crédits de la mission, avec 2.312 millions d'euros demandés, en baisse globale de 0,88 %.

Concernant l'analyse de ces dépenses, une difficulté importante réside dans l'impossibilité de mettre en adéquation les moyens prévus par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) avec ceux qui sont présentés dans le PAP pour 2010. En effet, les montants présentés dans la LOPPSI concernent l'ensemble des dépenses des forces de sécurité (incluant les dépenses de personnel) et ont déjà évolué depuis le dépôt du texte, tandis que les montants rattachés à la LOPPSI par le projet annuel de performance ne concernent que le fonctionnement et l'investissement.

Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit pour la Police nationale l'ouverture de 1.177 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 038 millions d'euros en crédits de paiement en moyens de fonctionnement et d'investissement, contre respectivement 956 millions d'euros et 1.030 millions d'euros en 2009. Au sein de cet ensemble, selon le PAP, les crédits « LOPPSI » s'élèvent pour 2009 à 113,2 millions d'euros en autorisation d'engagement et 61 millions d'euros en crédits de paiement et atteindront en 2010 un montant de 279,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 127,5 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces crédits doivent permettre de moderniser la police . Ainsi, au titre de la modernisation technologique menée en 2010, six projets seront lancés ou poursuivis : le développement de la vidéosurveillance et de son exploitation, l'équipement de véhicules de patrouilles avec le système de lecture automatique des plaques d'immatriculation (LAPI), l'acquisition d'outils dédiés à la lutte antiterroriste, le renforcement des moyens d'investigation technique et de lutte contre la cybercriminalité, la poursuite de l'équipement en radiolocalisation des véhicules, l'affirmation d'une police technique et scientifique par le biais de la modernisation des grands fichiers d'identification (FNAED et FNAEG) et la dématérialisation des ressources. En outre, les équipements de protection et de défense des fonctionnaires de police seront renforcés. Votre rapporteur reviendra sur ces différents projets.

S'agissant de la politique immobilière, les projets lancés en 2010 concernent en particulier le regroupement des unités de CRS dans les grandes agglomérations, des études pour la construction d'une nouvelle école nationale supérieure des officiers de police (ENSOP) et pour l'opération de relogement de la direction régionale de la Police judiciaire de la préfecture de Police. En outre, seront poursuivis les projets relatifs à la mise en place de nouvelles compagnies de sécurisation en zones sensibles, à la restructuration de la formation des agents avec, essentiellement, la réalisation des travaux préalables au transfert à Lognes de l'institut national de la formation des personnels administratifs, techniques et scientifiques (INFPATS) et à la modernisation de la police technique et scientifique avec le relogement de l'institut national de la police scientifique (INPS).

Pour la Gendarmerie nationale , le projet de loi de finances pour 2010 prévoit l'ouverture de 1.386 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 6,16 %) et de 1.274 millions d'euros en crédits de paiement (-2,26 %) en moyens de fonctionnement et d'investissement hors titre 2. Des montants de 252 millions d'euros en autorisations d'engagement et 111 millions d'euros en crédits de paiement sont rattachés par le PAP 2010 à la LOPPSI.

Ces crédits correspondent notamment à ce que le ministère qualifie de « saut technologique » (47 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20 millions d'euros en crédits de paiement en 2009 ; 62 millions d'euros en autorisations d'engagement et 48 millions d'euros en crédits de paiement en 2010) : développement des capacités d'investigation par l'utilisation des nouvelles technologies, vidéosurveillance, amélioration des dispositifs de communication et renforcement de la protection des personnels en intervention.

Enfin, en matière d'immobilier, 141 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3 millions d'euros en crédits de paiement étaient inscrits en 2009 ; 140 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13 millions d'euros en crédits de paiement sont demandés pour 2010.

B. LES RÉSULTATS DE LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE : UNE LÉGÈRE DÉTERIORATION DANS LA PÉRIODE RÉCENTE

Avec 3.558.329 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, l'année 2008 enregistre un recul de la criminalité et de la délinquance qui s'établit à - 0,86 % , soit 30.964 faits de moins qu'en 2007. Avec 2.672.383 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, la période de janvier à septembre 2009 enregistre en revanche une augmentation de la criminalité et de la délinquance qui s'établit à +0,45 % , soit 11.910 faits de plus que lors de la même période de 2008.

Évolution globale des faits constatés depuis 1999

Nombre

Taux pour
1 000 habitants

Évolution
globale

1999

3 567 864

60,97

2002

4 113 882

69,32

2003

3 974 694

66,66

- 3,4 %

2004

3 825 442

63,86

- 3,8 %

2005

3 775 838

62,35

- 1,3 %

2006

3 725 588

61

- 1,3 %

2007

3 589 293

58,3

- 3,66 %

2008

3.558.329

57,8

- 0,86 %

Source : Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

1. L'évolution mitigée de la délinquance constatée par catégories d'infractions et par grands agrégats

a) Les faits par catégorie

La catégorie des vols (y compris recels) connaît une diminution de 4,76 % en 2008 par rapport à 2007 (soit 92.365 faits de moins qu'en 2007). Les catégories des escroqueries et infractions économiques et financières, des crimes et délits contre les personnes et la catégorie des autres infractions connaissent respectivement une augmentation de 10,31 % (soit + 35.616 faits de plus qu'en 2007), 5,60 % (soit + 21.648 faits de plus qu'en 2007) et de 0,45 % (soit 4.137 faits de plus qu'en 2007). A noter que les infractions à la législation sur les stupéfiants, au sein des « autres infractions », progressent de 13,35%.

Les résultats des 9 premiers mois de 2009, comparés à ceux de 2008, permettent d'observer une baisse de la catégorie dite « des autres infractions (dont stupéfiants) » de - 2,19 % (soit 15.161 faits en moins), une légère augmentation de la catégorie des escroqueries et infractions économiques et financières de + 0,70 % (soit 1.954 faits supplémentaires), une hausse de la catégorie des vols (y compris recels) de + 1,36 % (soit 18.889 faits de plus) et une hausse de la catégorie des crimes et délits contre les personnes (+ 2,05 %, soit 6.228 faits supplémentaires).

Plus précisément, concernant la catégorie des vols, les vols à main armée ont augmenté de plus de 15 % entre 2007 et 2008 . Par ailleurs, sur un peu moins de 112.700 vols violents enregistrés entre octobre 2008 et septembre 2009, 7.151 sont des vols à main armée, soit 6,3 %. Il s'agit donc d'une catégorie d'infractions à faible volume de faits constatés. Elle se distingue cependant par ses variations sur 12 mois : + 24,7 % (soit + 1.418 faits constatés) entre octobre 2008 et septembre 2009 .

Ce sont les faits de vols avec armes à feu (réelles ou factices) visant des établissements industriels et commerciaux comme les tabacs, les bijouteries ou même des commerces de quartier (boulangeries, épiceries) qui expliquent en grande partie cette hausse 3 ( * ) .

Par ailleurs, si les vols avec violence sans arme à feu ont diminué de 6,6 % entre 2007 et 2008, leur nombre a augmenté de 6,1 % sur les 12 derniers mois (soit + 5.569 faits constatés entre octobre 2008 et septembre 2009). La tendance s'est donc inversée car après plus de deux années de baisse, les faits de vols violents sans arme sont ainsi repartis en hausse à la fin du premier semestre 2009 .

Les coups et blessures volontaires ont augmenté de 6,85% entre 2007 et 2008.

b) Les faits par agrégats : une délinquance de proximité stable mais une hausse inquiétante des atteintes volontaires aux personnes

L'agrégat de délinquance de proximité , avec 1.526.753 faits constatés a connu en 2008 une baisse de - 6,32 % (soit 103 007 faits de moins qu'en 2007). Sur les 9 premiers mois de l'année 2009, la délinquance de proximité cesse de diminuer avec 1.142.670 faits constatés, soit 1.011 faits supplémentaires (+0,09 %).

Cet agrégat constitue par ailleurs l'indicateur 1.2 du PAP (« Évolution du nombre de crimes et délits constatés en délinquance de proximité en zone police »). La délinquance de proximité regroupe des infractions diverses (en particulier cambriolages, vols d'automobiles, vols à la roulotte, destructions et dégradations de biens) qui sont considérés comme affectant le plus directement la vie quotidienne de la population.

Ce type de délinquance a baissé de 33,15 %, entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008 .

A l'inverse l'agrégat de la criminalité organisée et la délinquance spécialisée a connu, en 2008, une augmentation de + 4,26 % (avec 1.277 faits de plus qu'en 2007). En 2009, cet agrégat a connu une hausse de + 1,45 % (soit 332 faits supplémentaires).

Les infractions révélées par l'action des services sont en progression de + 8,61 % en 2008, mais enregistrent une diminution de - 1,65 % (soit 4.725 faits de moins qu'au 1er semestre 2008) au cours des 9 premiers mois de 2009 .

Enfin, le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique s'élève à 443.671 en 2008 contre 433.284 en 2007, soit une hausse de 2,40 % . Elles progressent également de + 4,08 % en 2009. Ainsi, la baisse de 0,21 % entre 2007 et 2006 ne se confirme pas.

Ainsi, au total, les « bonnes » statistiques observées depuis quelques années connaissent un infléchissement certain. En outre, certains indicateurs importants, comme les atteintes volontaires à l'intégrité des personnes ou les vols à main armés, sont assez mal orientés.

Les seuls progrès significatifs expliquant le léger recul global de la délinquance entre 2007 et 2008 sont la diminution du nombre de vols liés à l'automobile et aux deux roues à moteur ainsi que des destructions ou dégradations de biens.

c) Les violences scolaires

On observe, en 2008, une stabilisation, en volume, du phénomène des violences scolaires. Les atteintes aux personnes représentent la grande majorité des faits recensés. Les violences scolaires les plus graves (avec arme ou ITT > 8 jours) commises à l'encontre des élèves ont enregistré une augmentation de 6,96 % passant de 1.365 faits en 2007 à 1.460 en 2008 . Les violences les plus graves commises à l'encontre du personnel de l'éducation nationale sont, par contre, en baisse de 9,57 % (189 faits en 2008 contre 209 faits en 2007).

Le racket scolaire présente une diminution de 7,49 % (1.333 faits en 2008 contre 1.441 en 2007) et les dégradations et vols au préjudice des établissements scolaires diminuent de 16,02 % (8.827 faits en 2008 contre 10.511 faits en 2007).

2. Une élucidation des infractions qui continue à progresser

Parmi les 3.553.293 crimes et délits constatés en 2008, 1.338.379 ont été élucidés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie. Ce nombre des élucidations est en progression de + 3,27 % (soit + 42 347 faits par rapport à 2007).

Parmi les 2.672.383 crimes et délits constatés entre janvier et septembre 2009, 985.616 ont été élucidés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie. Ce nombre des élucidations est en hausse de + 0,84 % (soit 8.236 faits de plus par rapport à la même période de 2008). Le taux d'élucidation global, tous services de police et de gendarmerie confondus, s'établit ainsi à 36,88 % (contre 36,74 % de janvier à septembre 2008).

Si la progression de cet indicateur acquiert un caractère particulièrement important dans la mesure où elle constitue un véritable signal donné aux délinquants sur la probabilité qu'ils ont d'être découverts, il convient de garder à l'esprit plusieurs éléments pour le mettre en perspective.

D'une part, le taux d'élucidation renseigne certes sur l'activité et l'efficacité des forces de police et de gendarmerie dans la lutte contre la délinquance, mais il renvoie également aux performances de la justice.

D'autre part, l'indicateur du taux global d'élucidation, qui constitue l'indicateur 4.1 du programme « Police nationale » comme du programme « Gendarmerie nationale », doit être immédiatement associé et mis en perspective avec l'indicateur 4.3 de chacun de ces programmes, qui donne le détail du taux d'élucidation en fonction des grandes catégories de faits.

Ainsi, le taux d'élucidation global de 35,88 % en 2008 de la police nationale (indicateur 4.1) recouvre-t-il un taux de 14,55 % pour les vols, de 45,65 % pour les escroqueries et infractions économiques et financières et de près de 57 % pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes (81,4 % en zone de gendarmerie). Quant au taux d'élucidation des homicides, il avoisine les 90 %. Le taux d'élucidation de la délinquance de proximité n'est par ailleurs que de 11,34 % en 2008 contre 10,88 % en 2007 (12 % prévus pour 2009).

3. L'apport précieux de l'observatoire national de la délinquance

Afin d'élargir les sources de connaissances de la statistique criminelle (données des autres administrations, des fédérations professionnelles, etc.) et à la suite des préconisations du rapport sur les statistiques de la délinquance de MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud de 2002, le décret n° 2004-750 du 27 juillet 2004 a créé, au sein de l'institut national des hautes études de la sécurité intérieure (INHES), un département appelé observatoire national de la délinquance (OND), dont la mission est de collecter les données statistiques, de les analyser, et de faciliter les échanges avec d'autres observatoires.

L'OND doit notamment contribuer à une approche plus nuancée de la délinquance, grâce à des études pluridisciplinaires et à des enquêtes de « victimation » .

La communication publique mensuelle nationale des chiffres de la délinquance constatée relève désormais de l'O.N.D. qui publie un bulletin mensuel, publié depuis février 2006 et portant sur :

-la présentation des évolutions mensuelles des faits constatés par la police et la gendarmerie nationale selon des indicateurs définis par l'O.N.D. ;

-les faits constatés par les services de police et de gendarmerie, données issues de l'état 4001 ;

-les événements enregistrés par la police nationale sur le registre de la main courante ;

-les contraventions dressées par la gendarmerie nationale et la police nationale.

En outre, depuis 2007 , l'INSEE, en partenariat avec l'OND, conduit en France métropolitaine une enquête annuelle dite de victimation intitulée « cadre de vie et sécurité ». Cette enquête a été conçue avec comme référence internationale l'enquête du Home Office britannique, appelée British Crime Survey (BCS), conduite en Angleterre et au Pays de Galles tous les ans. Elle a notamment permis d'interroger en 2006 et 2007 plus de 17.000 ménages sur les vols et tentatives de vols dont ils ont pu être victimes en 2006 et en 2007. En outre, au sein de chaque ménage, une personne âgée de 14 ans ou plus est interrogée sur les atteintes qu'elle a pu subir l'année précédente. L'OND dispose ainsi d'indicateurs statistiques sur la délinquance telle qu'elle peut être mesurée à travers les réponses fournies par un échantillon représentatif de la population française.

Votre rapporteur souligne l'intérêt de ce type d'enquête qui permet de mettre en perspective les statistiques de la police et de la gendarmerie. Ainsi, il est possible grâce à l'enquête de victimation de savoir si une hausse ou une diminution du nombre de faits enregistrés correspond réellement à, respectivement, une hausse ou à une diminution de la délinquance réelle, ou seulement à une variation du taux de plainte ou des faits constatés à l'initiative des forces de sécurité.

Ainsi, pour les statistiques de 2007/2006, d'après les résultats de l'enquête « cadre de vie et sécurité », ce ne sont pas uniquement les vols suivis de plainte mais l'ensemble des vols déclarés, y compris ceux, majoritaires, qui n'ont pas fait l'objet d'une plainte, qui voient leur nombre diminuer sur un an. La tendance à la baisse suggérée en janvier 2008 par les statistiques sur les faits constatés de vols est ainsi confirmée par les données extraites de l'enquête de victimation.

Poursuivant l'exploitation des statistiques enregistrées par la police et la gendarmerie nationales, l'OND a notamment travaillé sur les violences intra-relationnelles, les violences dans le cadre professionnel, les violences au sein du couple enregistrées par la police et la gendarmerie nationales entre 2004 et 2007 ou encore les phénomènes de délinquance dans les transports ferroviaires d'Île-de-France.

Par ailleurs, plusieurs études statistiques portant sur une analyse qualitative de certains phénomènes criminels ont débuté en 2008 : les violences sexuelles enregistrées au tribunal de Grande Instance de Paris ; les liens entre violences et alcool ; l'analyse des signalements d'usagers dans la main-courante informatisée de Sarcelles et de Saint-Denis.

Enfin, notons que l'observatoire national de la délinquance participe au groupe de travail piloté par Éric Debarbieux et le ministère de l'éducation nationale sur la réalisation d'une enquête de victimation scolaire dont la collecte est envisagée pour l'année scolaire 2009-2010.

II. UN EFFORT INDISPENSABLE POUR DÉVELOPPER LES MOYENS TECHNOLOGIQUES DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE

A. LES PROGRÈS ATTENDUS DE L'AMÉLIORATION DES FICHIERS DE POLICE

Les crédits pour 2010 destinés à l'amélioration des fichiers de police sont rattachés, au sein du programme « Police nationale », aux crédits liés à la modernisation technologique (137 M€ en AE et 54,9M€ en CP) rattachés à la LOPPSI, à laquelle sont adossés les exercices budgétaires 2009-2013.

1. La nécessité de développer les fichiers d'empreintes

Comme l'a montré Laurent Mucchielli 4 ( * ) , les trois principales étapes de la recherche d'un auteur d'homicide ou de tentative d'homicide sont l'analyse de la scène de crime, l'enquête de voisinage et la recherche de témoignages. Lorsque les policiers ou les gendarmes sont interrogés sur ce qui constitue à leurs yeux l'étape la plus importante de l'enquête, l'analyse méthodique et scientifique de la scène de crime est en général citée en premier . Selon eux, le relevé des empreintes digitales, palmaires et à présent génétiques, les prélèvements divers réalisés grâce à des outils modernes, permettraient aux enquêteurs de retrouver dans un grand nombre de cas l'auteur du crime.

Dans les faits cependant, la plupart des coupables sont retrouvés grâce aux deux autres éléments (enquête de voisinage ou recueil de témoignages), qui constituent la partie « humaine » de l'enquête . Dans la grande majorité des cas, le récit d'une personne ayant été témoin direct ou indirect du crime, ou encore le rapprochement avec un fait déjà inscrit dans la main courante, permet d'identifier le coupable.

La haute considération vouée aux moyens modernes d'analyse de la scène du crime ne recouvre donc pas encore la réalité des enquêtes, du moins dans les affaires les plus graves. Cependant, ce constat ne doit pas conduire à négliger les progrès de la police scientifique et technique, mais au contraire, à la perfectionner afin qu'elle prenne une nouvelle importance dans l'élucidation des crimes et délits. Il s'agit de permettre aux moyens modernes d'investigation d'atteindre la maturité, afin qu'ils deviennent le plus souvent possible le facteur décisif dans l'élucidation, la preuve matérielle étant préférable à la preuve indirecte par témoignage ou dénonciation.

Dans certains domaines, l'analyse des empreintes digitales ou génétiques peut même, selon votre rapporteur, apporter des progrès décisifs. Ainsi certains groupes de malfaiteurs qui commettent des séries de vols ne sont souvent inquiétés qu'à l'occasion d'une enquête effectuée sur l'un de leurs délits, et sont condamnés en conséquence. L'utilisation plus systématique des relevés d'empreintes permettrait de les confondre pour l'ensemble de leurs vols et de prononcer des condamnations en rapport avec la gravité des faits.

Cependant, cette utilisation accrue et plus performante des moyens scientifiques et techniques d'investigation sera impossible sans un effort d'investissement et de formation suffisant. A cet égard, la LOPPSI prévoit un effort substantiel, qui devra être poursuivi avec constance au cours des prochaines années.

a) Une modernisation nécessaire du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
(1) Les caractéristiques du FAED

Créé par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 (modifié par le décret n° 2005-585 du 27 mai 2005), le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) est un fichier commun à la police et à la gendarmerie nationale. Il permet, d'une part, d'identifier les traces digitales et palmaires relevées sur les scènes d'infraction, afin de rechercher et d'identifier les auteurs de crimes ou de délits, et, d'autre part, de détecter les usurpations d'identité et les identités multiples.

Sont enregistrées dans le FAED : les traces relevées au cours des enquêtes judiciaires ou sur ordre de recherches délivré par une autorité judiciaire ; les traces relevées à l'occasion d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte ; les empreintes relevées, dans le cadre des enquêtes pour crimes ou délits, sur les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants ; enfin, les empreintes relevées dans les établissements pénitentiaires afin de s'assurer de l'identité de la personne détenue et d'établir les cas de récidive.

(2) La modernisation de l'alimentation du fichier

Dans 58 % des cas, le FAED est désormais alimenté par les commissariats grâce à des terminaux de signalisation, alors qu'auparavant des fiches papiers étaient envoyées par courrier aux divers centres d'alimentation (deux sites de la police nationale et un site de la gendarmerie nationale) pour être saisis manuellement, ce qui représentait un travail extrêmement lourd.

Deux types de bornes, permettant une transmission en temps réel des empreintes digitales, sont ainsi installées dans les commissariats : les bornes de type T1, de forte capacité en volume de données et d'un coût unitaire de 75.000 euros, qui permettent la capture, sans encrage, sur un bloc optique et la numérisation immédiate des relevés dactyloscopiques, et les bornes T4, d'un coût unitaire de 15.000 euros, qui offrent seulement une faculté de numérisation des fiches papiers.

Cette modernisation des modalités de transmission des empreintes au fichier central permet aux services enquêteurs de bénéficier d'un retour d'information beaucoup plus rapide. Un résultat en matière d'identification et de rapprochement peut ainsi être obtenu dans un délai de cinq à six heures. Dans tous les cas, le FAED établit une simple liste de rapprochements potentiels, auxquels sont associés des niveaux de probabilité de correspondance avec des profils déjà enregistrés. Une validation humaine est toujours requise au terme du processus par un travail de « dactyloscopie ».

Au 1er octobre 2008, le FAED comptait 2.998.523 individus enregistrés et 171.801 traces non identifiées. Environ 4,7 % de la population française y figurait. Notons que la France est parmi les pays européens dotés d'un tel équipement dont la base de données dactylaires est la moins volumineuse rapportée à la population. A titre de comparaison, ce taux représente 11,8 % au Royaume-Uni et 7 % en Italie. La position relative de la France se rapproche davantage de celles de l'Espagne (4,8 %) et de la Belgique (4,7 %), le taux de signalement étant de 4 % en Allemagne.

En 2008, le FAED a permis l'identification de 9.055 individus et l'élucidation de 8.578 affaires.

(3) L'amélioration des performances du fichier

Le FAED doit cependant faire face à deux grandes difficultés : une alimentation inégale en quantité et en qualité, d'une part, et une technologie dépassée, d'autre part.

Concernant le premier point, en moyenne, que ce soit pour la police ou la gendarmerie, seulement 80 % des gardes à vue pour lesquelles la signalisation est possible donnent lieu à un relevé d'empreintes digitales. En particulier, la contribution de la gendarmerie nationale à l'alimentation du FAED reste insuffisante, faute de moyens adaptés . La part de la gendarmerie dans le total des fiches enregistrées n'a cessé de baisser entre 2004 et 2007, passant de 22,3 % à 14,8 %, notamment du fait de l'absence de bornes T1 et T4, ce qui se traduit par des délais importants pour la remontée à l'échelon de la région des relevés décadactylaires effectués par les brigades territoriales. En outre, la plate-forme FAED du service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD), centre d'alimentation principal pour la gendarmerie nationale, connaitrait des difficultés importantes d'enregistrement des fiches qui lui sont transmises, en raison d'une insuffisance de personnels.

La situation devrait toutefois progressivement s'améliorer puisque la gendarmerie envisage d'équiper en 2010 et 2011 les 22 plus importantes brigades départementales de renseignement et d'investigation judiciaire (BDRIJ).

Concernant la technologie du FAED, le moteur actuel du fichier est constitué par un logiciel datant de 1999 et permettant seulement des rapprochements d'empreinte à empreinte ou d'empreinte à trace. Compte tenu du volume atteint par le fichier et du nombre accru de demandes de comparaisons, ce système paraît désormais avoir atteint ses limites .

Ce problème devrait être résolu à la fin de l'année 2009 ou au début de l'année 2010 avec l'installation d'une nouvelle version du moteur (le système appelé « MetaMorpho », développé par SAGEM). Adaptée aux bornes T1 et T4, cette version offrira de meilleures performances de calcul, permettant notamment de faire des rapprochements de trace à trace, ce qui démultipliera les possibilités d'identification. Il assurera également l'interconnexion avec les partenaires européens signataires du traité de PRÜM (Le traité de Prüm, également appelé « Schengen III » ou « Schengen plus, a été signé le 27 mai 2005 entre sept États membres de l'Union européenne (UE) -la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Autriche. Il prévoit l'échange de données génétiques, d'empreintes digitales et de données à caractère personnel pour lutter contre la criminalité et le terrorisme). En outre, il permettra d'exploiter les empreintes palmaires. Il est donc probable que, dès les premiers mois de sa mise en place, cette nouvelle version du FAED permette de résoudre de nombreuses affaires et d'ouvrir de nouvelles pistes d'enquêtes.

En complément de ces progrès technologiques, il faudra veiller à ce que la politique menée en matière de ressources humaines permette de disposer des personnels nécessaires pour exploiter pleinement cet outil modernisé. Un soin tout particulier doit ainsi être apporté au recrutement et à la formation des dactylotechniciens ou « traceurs », dont les compétences très spécialisées sont essentielles pour assurer l'efficacité du fichier.

L'ensemble de ces progrès devrait permettre d'améliorer le taux d'identification des traces papillaires exploitables recueillies sur les scènes d'infraction, qui constitue l'indicateur 4.3 des programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale ». Pour le moment, l'indicateur stagne autour de 17,5 % pour la police nationale. Il a connu un rattrapage significatif pour la gendarmerie, passant de 11,3 % en 2007 à 13,6 % en 2008 et 15,5 % attendus pour 2009.

b) Une utilisation accrue du fichier national d'analyse des empreintes génétiques (FNAEG)

Le fichier national d'analyse des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé par la loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs et son objet a été étendu par plusieurs lois successives. Il comprend une base de données nationale des profils génétiques d'individus identifiés et une base de profils génétiques analysés mais auxquels aucune identité connue ne peut être provisoirement rattachée.

(1) L'encadrement des cas de prélèvement des empreintes génétiques

L'article 706-54 du code de procédure pénale prévoit les trois cas de figure pour lesquels il est possible d'effectuer un prélèvement biologique sur une personne, tout refus pouvant être sanctionné au titre du II de l'article 706-56 :

- le premier alinéa prévoit le cas des personnes condamnées pour l'une des infractions entrant dans le champ du fichier, déterminé par l'article 706-55 du CPP. Il s'agit d'infractions de nature sexuelle, des crimes contre l'humanité et des crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs ; des crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d'atteintes aux biens ; enfin des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, des actes de terrorisme, de fausse monnaie et d'association de malfaiteurs;

- le deuxième alinéa concerne les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants qu'elles aient commis l'une de ces infractions ;

- le troisième alinéa porte sur toute personne « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit ». Dans ce cas, il s'agit simplement d'un prélèvement à fin de comparaison, et non pas pour enregistrer un profil supplémentaire dans le fichier.

La future LOPPSI devrait proposer d'ajouter aux données susceptibles d'être contenues dans le fichier celles qu'il serait désormais possible de recueillir sur des cadavres anonymes afin de permettre leur identification et de répondre ainsi à l'attente des familles.

Elle préciserait également, concernant la possibilité de prélèvement à titre de comparaison sur une personne « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit » , que les crimes et les délits concernés sont ceux de l'article 706-55, comme dans les autres cas de prélèvement. Cette solution, déjà appliquée en pratique par une circulaire du ministère de la Justice du 9 juillet 2008, permettrait effectivement de mieux circonscrire le champ d'application des prélèvements et de réduire le risque de contentieux .

(2) Une montée en charge rapide

Initialement destiné à recevoir des empreintes génétiques dans le seul cadre de la délinquance sexuelle, le FNAEG a bénéficié d'une série de mesures étendant son usage. Alors que seulement 10.000 personnes par an étaient inscrites dans les premières années d'existence du fichier, plusieurs centaines de milliers d'inscriptions d'individus supplémentaires ont désormais lieu chaque année .

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'EMPREINTES DEPUIS LA CRÉATION DU FICHIER

Années

Activité et enregistrements cumulés depuis la création du FNAEG

Profil génétique des personnes condamnées

Traces non identifiées

Profil génétique des personnes mises en cause

Rapprochement d'affaires

Traces /traces

Traces/mises en cause

Traces
/condamnés

2002

2 824

179

1 366

14

2

- 27 -

3

2003

11 796

716

4 529

49

19

14

2004

28 825

3 069

10 517

263

101

82

2005

63 394

8 202

56 218

690

957

373

2006

104 290

12 754

150 572

923

2 118

834

2007

152 835

27 170

353 250

1 958

6 455

2 259

2008

238 293

41 920

618 618

2 993

12 309

4 318

31/07/2009

262 225

52 731

785 396

3754

15 148

5 266

Source : Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Cette forte augmentation du nombre de données enregistrées a d'abord généré un certain engorgement, qui a nécessité une forte augmentation des capacités des chaînes de « génotypage » des laboratoires (Institut national de la police scientifique, Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale, ainsi que les laboratoires privés CODGENE à Strasbourg et IGNA à Nantes).

Notons qu'en 2005, une mission de l'IGPN sur la maîtrise des coûts en matière d'analyse génétique a pu obtenir une baisse significative des tarifs pratiqués par les laboratoires privés. Le coût unitaire de la réalisation d'un profil est ainsi passé de 350 euros à 80 euros, avant d'être ramené à un niveau actuel d'environ 50 euros. Cependant, le flux annuel d'environ 400.000 analyses explique des coûts associés à l'alimentation du FNAEG encore importants.

Le budget mis en oeuvre pour l'application (en milliers d'euros courants)

2005

2006

2007

2008

prévisions 2009

prévisions 2010

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 3

63

63

14

19

65

70

Titre 5

150

150

131

70

115

173

362

100

598

577

200

520

Total

213

213

194

133

129

187

381

119

663

642

270

590

Source : Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

(3) Les résultats de l'utilisation du FNAEG

Le PAP « Sécurité » comprend, comme pour le FAED, un indicateur d'évaluation de la performance d'utilisation du FNAEG : il s'agit de l'indicateur 4.4 « Taux de signalisation au FNAEG des individus mis en cause, qui correspond au rapport entre le nombre de personnes signalisées par prélèvement biologique et le nombre de personnes mises en cause. Il s'agit des personnes "à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis l'une des infractions visées à l'article 706-55 (du code de procédure pénale) ". Cet indicateur ne renseigne pas directement sur l'utilisation du fichier mais sur l'effort (organisation, ressources humaines, moyens matériels) consacré par les services territoriaux à son alimentation.

Il convient donc de le considérer comme un indicateur intermédiaire qui devra sans doute être remplacé par un indicateur de résultat comparable à celui mis en oeuvre pour le fichier des empreintes digitales (voir ci-dessus) lorsque son utilisation sera arrivée à maturité.

Le taux de signalisation au FNAEG des individus mis en cause est ainsi en zone police de 23,68 % en 2008 contre 19,86 % en 2007, mais l'objectif affiché pour 2010 (le PAP ne fournit pas de donnée pour 2009) est de 55 %. En zone de gendarmerie, les taux sont plus élevés avec 49,9 % dès 2008 et 51 % envisagés en 2009.

Le FNAEG souffre d'un processus d'alimentation défectueux . L'alimentation s'effectue en effet encore par fiches papier, source d'erreurs et de lenteur dans le traitement des dossiers. Un système provisoire de transfert des informations par CD-ROM a été élaboré par la direction des systèmes d'information et de communication et, depuis le 1er juin 2007, tous les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie nationale appelés à consulter le FNAEG ont été formés aux transmissions télématiques de données. La direction des systèmes d'information et de communication a conclu un marché avec la société d'ingénierie informatique STERIA afin d'assurer les évolutions nécessaires du système, dont la transmission télématique des profils génétiques entre les laboratoires et le FNAEG.

2. Le projet ARIANE.

a) Les caractéristiques du fichier

En février 2005, des études lancées pour juger des possibilités de rapprochement entre les applications STIC (le « système de traitement des infractions constatées » de la police nationale) et JUDEX (le « système judiciaire de documentation et d'exploitation » de la gendarmerie nationale) ont conclu à la possibilité de développer un système commun de rapprochements judiciaires et d'analyse criminelle pour les deux institutions. Ce système ira au-delà des deux fichiers cités puisqu'il intégrera également l'application ARDOISE de la police nationale (application de recueil de la documentation opérationnelle et d'informations statistiques sur les enquêtes, pour la rédaction de procédures), qui permettra à celle-ci d'alimenter le nouveau fichier, ainsi que le fichier de recherches objets et véhicules FOVES de la gendarmerie nationale. Ce projet d'application mutualisée, baptisé ARIANE (système d'application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs), intégrera également les données signalétiques et les photographies de fichiers locaux STIC-Canonge de la police nationale.

Les fonctionnalités du JUDEX et du STIC

Le régime général des fichiers d'antécédents judiciaires est déterminé par l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Les décrets sur le système de traitement des infractions constatées (STIC) et sur le système judiciaire d'exploitation et de documentation (JUDEX) ont été pris pour application de ce texte, respectivement le 14 octobre et le 20 novembre 2006.

Le fichier JUDEX (système Judiciaire de documentation et d'exploitation)

Conçu au milieu des années 80, le système JUDEX est un fonds documentaire de l'activité judiciaire de la gendarmerie nationale. Les informations gérées par le système JUDEX sont divisées en trois classes selon leur nature :


• les documents textes décrivant les affaires judiciaires (JUDEX affaires);


• les documents textes décrivant les personnes impliquées dans ces affaires (JUDEX personnes);


• les images d'objets volés et de personnes mises en cause (JUDEX images).

Ces trois sous-systèmes complémentaires sur le plan fonctionnel sont différents techniquement.

Ce fichier est alimenté par les actes de procédures rédigés à l'aide du logiciel IC@RE

et par des photos numérisées pour les personnes mises en cause et les objets volés.

Le fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées)

La finalité du STIC est d'organiser le recueil et l'exploitation des informations contenues dans les procédures judiciaires aux fins de recherches criminelles, de statistiques et de gestion de la documentation. Il regroupe des informations relatives :


• à des faits tels que les circonstances de temps et de lieu d'un crime, les victimes, les infractions, manières d'opérer, ainsi que les références des procédures et de leur archivage;


• aux personnes mises en cause (état civil, domiciles, profession, infractions commises ...) et aux suites judiciaires favorables dont elles ont éventuellement bénéficié ;


• aux objets apparus dans les documents de procédure et signalés auprès des services de la police nationale (objets volés, remarqués ou saisis, objets mis en observation, objets découverts).

Une fonction spécifique, la « recherche couplée STIC/SCHENGEN », permet également d'avoir accès aux objets dits SCHENGEN (armes, billets de banque, documents) signalés auprès des services de la gendarmerie nationale et des pays signataires de la convention du même nom.

En outre, le STIC possède une deuxième fonction : il est un instrument d'enquête administrative . Depuis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, confortée et pérennisée par la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure, il peut être consulté à l'occasion du recrutement, de l'agrément ou de l'habilitation des personnels de professions très diverses : personnels de surveillance et de gardiennage, personnes souhaitant travailler dans les zones aéroportuaires, agents de police municipale, gardes champêtres, préfets, ambassadeurs, directeurs et chefs de cabinets des préfets, magistrats, etc. Au total, la consultation du STIC à des fins d'enquête administrative est susceptible de concerner aujourd'hui plus d'un million d'emplois, ce qui a suscité les remarques critiques de la CNIL (voir ci-dessous).

ARIANE sera un système informatique qui permet le traitement d'informations, y compris à caractère personnel, issues des procédures judiciaires, pour les seules infractions entrant dans le périmètre des déclarations juridiques des fichiers STIC et JUDEX existants. Il se distingue de ces derniers fichiers en ce qu'il a été conçu comme un outil moderne d'aide à l'enquête utilisant des technologies innovantes de traitement (analyse textuelle, reconnaissance faciale, etc.). En outre, la simple mise en commun des informations de police judiciaire traitées par chacune des deux institutions augmentera le nombre des rapprochements entre affaires à partir des critères de recherches utilisés.

b) Un retard préjudiciable

Le marché ARIANE a été signé le 10 octobre 2006 avec la société Unilog (devenue depuis la société Logica). La qualification du logiciel, initialement annoncée pour octobre 2007, a finalement débuté en janvier 2008 et a subi depuis cette date deux ajournements du fait d'importantes difficultés techniques rencontrées par le prestataire de service pour certains développements. La phase d'expérimentation sur les sites pilotes et le déploiement national qui suivra ne pourront pas, dans ce contexte, être engagés avant la fin du 1er semestre 2010.

Le service central de documentation criminelle assure le suivi du dispositif de formation, conçu par la société Accenture, partenaire de Logica, et validé avec les directions de la formation de la police et la gendarmerie nationales. Les formations accompagnant la généralisation d'ARIANE, à partir du second semestre 2010, concerneront le même nombre de stagiaires pour les deux institutions.

Le retard pris pour la mise en oeuvre de ce fichier a d'abord des conséquences sur son coût.

K€ courant

2006

2007

2008

(Prévisions)

2009

(Prévisions)

Total

AE

6.692

3.795

414

-

10.901

CP

-

4.379

3.885

2.637

10.901

Source : Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Il a également des conséquences par rapport à l'objectif de mise en conformité des fichiers d'antécédents judiciaires avec les recommandations de la CNIL.

En effet, la réalisation d'Ariane devrait permettre pour partie de répondre aux critiques formulées par la CNIL dans l'avis qu'elle a rendu sur le STIC en janvier 2009.

Dans cet avis, la CNIL avait pointé de nombreuses déficiences dans la gestion du STIC : conservation des données alors que les personnes mises en causes avaient été relaxées ou acquittées, manque de sécurisation de l'accès au fichier, nombreuses erreurs dans les données personnelles enregistrées, etc .

Concernant le premier point, en principe, le Parquet doit communiquer aux gestionnaires du STIC les décisions relatives aux suites judiciaires favorables. Or, cette communication est loin d'être systématique. Cependant, le ministère de la justice disposera bientôt du nouveau traitement CASSIOPEE, qui permettra l'échange électronique de données entre services d'enquête et tribunaux afin d'automatiser les mises à jour, ce qui constituera un progrès considérable.

Concernant la sécurité de l'accès au fichier, le fichier ARIANE bénéficiera d'une traçabilité complète. A cet égard, la faisabilité technique du recours à la biométrie pour garantir l'authentification des policiers avant leur connexion aux fichiers est étudiée.

Concernant les nombreuses données erronées du fichier, l'alimentation automatisée d'Ariane par les logiciels de rédaction de procédure de la police (ARDOISE) et de la gendarmerie (ICARE) permettra d'éviter les erreurs de saisie.

D'autres mesures positives ont été prises pour améliorer la gestion du fichier. La création d'un service d'audit et de contrôle, qui aura pour mission de veiller au respect du droit des fichiers dans l'ensemble des services du ministère, a ainsi été décidée. Par ailleurs, le groupe de contrôle sur les fichiers de police et de gendarmerie a été pérennisé. Enfin, la désignation d'un magistrat en charge du contrôle des fichiers d'antécédents judiciaires est inscrite dans le projet de loi LOPPSI.

3. Le débat sur le fondement juridique des fichiers de police

Bien que désormais considérés comme indispensables à la réalisation d'enquêtes efficaces, les fichiers de police font l'objet de nombreuses critiques. L'une des plus fondées concerne sans doute l'imprécision du régime juridique de leur création .

Rappelons qu'en l'état actuel du droit applicable, le gouvernement dispose de deux possibilités distinctes pour créer des fichiers de police :

- sur le fondement de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 , relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, peut être créé par arrêté ou décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, tout fichier de police, à savoir les traitements de données « qui intéressent la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ». Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour les fichiers de police qui portent sur des données sensibles (origines raciales ou ethniques, opinions politiques, philosophiques ou religieuses, appartenance syndicale des personnes, santé et vie sexuelle);

- en second lieu, le gouvernement peut être autorisé par le législateur à créer tel ou tel fichier de police . Ces habilitations législatives tendent, ces dernières années, à augmenter de manière sensible, marginalisant quelque peu le régime défini par la loi « Informatique et libertés ». À titre d'exemple, l'article 7 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme autorise le ministère de l'intérieur à créer le fichier des passagers aériens et son article 8 le traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules. Le fichier national des immatriculations a été créé par la loi n° 90-1131 du 19 décembre 1990, alors que le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été autorisé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998.

En outre, les habilitations existantes n'empêchent pas que certains fichiers soient mis en oeuvre en dehors de tout cadre juridique . C'est le cas d'un quart des fichiers environ, dont par exemple le fichier des objets signalés et le système de traitement des images des véhicules volés de la gendarmerie nationale, ou encore le fichier des brigades spécialisées de la police nationale.

Enfin, il arrive qu'un fichier de police créé par décret en Conseil d'État reçoive une base législative quelques années plus tard , ce qui semble quelque peu contraire à la hiérarchie des normes. Ainsi, le STIC a tout d'abord fait l'objet du décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 et s'est ensuite vu conférer une base législative par l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Cette situation traduit l'empirisme qui préside à la création des fichiers de police. Les services de police et de gendarmerie conçoivent et mettent en oeuvre les outils dont ils ont besoin. Une fois les fichiers pleinement opérationnels, les services s'efforcent de leur donner une base juridique. L'acte juridique autorisant le traitement ne fait alors que reprendre et constater un simple état de fait.

Récemment, le gouvernement, dans la continuité des solutions retenues par ses prédécesseurs, a créé par voie réglementaire les deux nouveaux fichiers relatifs respectivement à la prévention des atteintes à la sécurité publique et aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique (décret n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique et décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique). Cette création a fait suite à l'abandon du projet de fichier « Edwige » (exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) créé par un décret du 27 juin 2008, et qui avait suscité de fortes inquiétudes en autorisant la collecte d'informations sur toute personne jouant un rôle politique, social, religieux ou économique, y compris les données relatives à la santé et à l'orientation sexuelle.

Cette situation quelque peu confuse a suscité la publication d'un rapport d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les fichiers de police, par Mme Delphine BATHO et M. Jacques Alain BÉNISTI, et une proposition de loi conjointe UMP/PS « visant à créer un cadre juridique régissant les fichiers tout en garantissant les conditions de leur modernisation » déposée par les mêmes auteurs que le rapport d'information. Ce rapport préconise que l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 soit modifié pour prévoir que les fichiers ou toute catégorie de fichiers intéressant la sécurité publique et ceux qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ne soient autorisés que par la loi.

Le projet de loi LOPPSI devrait proposer une voie différente, en habilitant la police nationale et la gendarmerie à mettre en oeuvre des traitements automatisés pourvu qu'elles respectent un cadre général et des finalités précisés par la même loi. Il s'agirait ainsi d'une habilitation générale donnée par la loi aux services de police et de gendarmerie à créer des fichiers, sans qu'un nouveau texte législatif ou même, semble-t-il, réglementaire, ne soit nécessaire pour cette création.

Un moyen terme entre ces deux propositions serait de prévoir une habilitation législative pour la création de chaque catégorie de fichiers de police, les fichiers au sein de chaque catégorie pouvant ensuite être créés par un acte réglementaire. Bien entendu, la difficulté serait de définir les catégories de manière suffisamment précise pour ne pas donner un blanc-seing à l'administration mais avec une souplesse suffisante pour qu'une loi ne soit pas nécessaire à chaque nouvelle modification d'un fichier.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOSURVEILLANCE

1. Une implication croissante de l'Etat

L'Etat se tenait encore récemment en retrait vis-à-vis du développement de la vidéosurveillance, se contentant de fixer le cadre juridique 5 ( * ) tandis que les collectivités locales et les personnes privées déterminaient elles-mêmes leurs propres besoins en la matière. Cependant, à l'été 2007 a été lancé un plan national de développement de la « vidéoprotection » sous l'impulsion de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, avec comme objectif de passer de 20.000 à 60.000 caméras surveillant la voie publique en deux ans. L'Etat a ainsi choisi de participer de manière volontariste à l'extension des systèmes de vidéosurveillance .

Il s'appuie désormais notamment sur les résultats d'une étude de l'IGA/IGPN/IGN de juillet 2009 qui semble montrer une certaine corrélation entre l'installation de la vidéosurveillance et la baisse de la délinquance, sans néanmoins que cette étude permette nettement d'isoler le facteur vidéosurveillance des autres facteurs susceptibles d'avoir également une influence.

Le Président de la République a accéléré en 2009 la mise en place du plan national de la vidéo protection. Aux projets financés chaque année sur les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance sera ajouté en 2009 et 2010 un programme comprenant deux volets.

Le premier volet prévoit la mise en place de 75 systèmes municipaux « types » de vidéosurveillance urbaine. Tirant les leçons des échecs passés, ces dispositifs se caractériseront par un nombre de caméras significatif (1 pour 1.000 habitants au minimum), l'existence d'un centre de supervision urbain et son raccordement aux forces de l'ordre. Le deuxième volet comprend la protection d'au moins cent établissements scolaires classés sensibles, grâce notamment à l'implantation de dispositifs de vidéosurveillance. Ce programme exceptionnel entraîne un besoin de financement global de 22 millions d'euros en 2010.

Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)

Ce fonds a été créé par l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, et mis en place par les décrets n° 2007-1048 du 26 juin 2007 et n° 2007-1126 du 23 juillet 2007.

1-Objectifs

Mettre en oeuvre les dispositifs de la loi du 5 mars 2007, en favorisant les politiques locales de prévention de la délinquance compatibles avec les priorités de l'Etat. Son action est locale : améliorer les capacités locales de conception et d'animation des politiques de prévention, développer des actions partenariales, évaluer l'impact des actions sur la prévention de la délinquance.

2-Modalités d'intervention

- Les bénéficiaires sont les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les organismes publics et privés, les services de l'Etat - à condition que ce fonds n'intervienne pas en substitution des crédits de droit commun, en particulier s'agissant du fonctionnement de ses services.

- Les critères d'éligibilité n'imposent pas de logique de zonage administratif, mais prennent en compte l'intensité des problèmes de délinquance et de leur répartition territoriale, en particulier dans les zones périurbaines

- Le cadre partenarial prévaut : les actions s'inscrivent dans le cadre du plan départemental de prévention de la délinquance ou dans le cadre des plans d'action des CLSPD, CLS, CUCS.

Ce financement conserve donc un caractère complémentaire de la mobilisation des crédits des partenaires locaux, sans exclure que la part du FIPD puisse être majoritaire.

3-Actions susceptibles d'être financées :

-la videosurveillance sur la voie publique et le raccordement des centres de supervision urbaine aux services de police ou de gendarmerie, en référence au plan national de développement de la vidéoprotection,

-la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007, s'agissant notamment des actions de formation interdisciplinaire sur la prévention de la délinquance,

-la prévention des violences intrafamiliales et des violences faites aux femmes,

-la lutte contre le décrochage scolaire des jeunes les plus exposés aux risques de délinquance et ses conséquences,

5-les actions de prévention de la délinquance auprès des mineurs,

-la prévention de la récidive,

-les actions de médiation en rapport avec la prévention de la délinquance,

-les travailleurs sociaux dans les commissariats de police et brigades de gendarmerie,

-les actions destinées à restaurer là où elle est dégradée une relation confiante entre les forces de l'ordre et la population,

-le soutien aux postes de coordonnateurs de CLS et CLSPD et à l'ingénierie locale.

4-Montant et répartition de l'enveloppe en 2009

37 M€ dont 35 M€ résultant d'un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires de police de la circulation et 2 M€ résultant du report des crédits non consommés du FIPD 2008. Cette enveloppe est composée d'une part de 28 M€ pour le financement des projets de vidéoprotection et des autres projets concourant à la prévention de la délinquance et d'autre part d'une réserve d'objectif de 9 M€ afin de financer des projets d'intérêt national et d'abonder éventuellement la dotation initiale des départements concernés

Par ailleurs, l'année 2010 doit également voir le développement de la vidéosurveillance à Paris. Le recours au contrat de partenariat public-privé est ainsi retenu pour le projet dit des « 1000 » caméras de la préfecture de police, qui représente en réalité l'installation de près de 1.300 caméras supplémentaires dans la capitale. Le groupement lauréat du marché devrait être désigné dans le courant du premier semestre 2010 et réalisera ses études et travaux durant l'année 2010 pour un déploiement des caméras en 2011. Le montant prévisionnel de cet investissement est de 21 millions d'euros par an pendant 15 ans. Le tableau de financement est encore à l'étude. 120 millions d'euros ont été positionnés en autorisation d'engagement au titre du projet de loi de finances pour l'année 2010. Aucun crédit de paiement n'a été envisagé pour cette même année.

2. La nécessité d'un déploiement réfléchi

Concernant le développement à marche forcée de la vidéosurveillance, votre rapporteur ne peut que rappeler quelques unes des propositions faites dans le rapport qu'il avait rédigé avec M. Charles Gautier au nom de la commission des lois et publié en décembre 2008.

La première de ces propositions est de réunir sous une seule autorité, la CNIL, les compétences d'autorisation et de contrôle en matière de vidéosurveillance . En effet, il ne serait pas normal que l'Etat, devenu principal promoteur de la vidéosurveillance, continue à en être le contrôleur par le biais de ses préfets. La CNIL a en outre une forte expertise dans ce domaine 6 ( * ) .

De manière non moins importante, le rapport considérait qu'un usage raisonné de la vidéosurveillance devait être favorisé, l'accent devant porter sur la qualité des systèmes plutôt que sur la multiplication du nombre de caméras implantées 7 ( * ) . Cette usage raisonné suppose une phase de conception longue et approfondie, des partenariats très étroits entre tous les acteurs (collectivités, services de police et de gendarmerie, commerçants, bailleurs sociaux, transporteurs), une formation de tous les acteurs pour acquérir le réflexe d'utiliser la vidéosurveillance et apprendre à l'utiliser, enfin le développement des systèmes de vidéosurveillance au niveau des bassins de vie. A cet égard, cette compétence devrait, selon le rapport, être transférée automatiquement aux établissements publics de coopération intercommunale qui exercent déjà la compétence relative à la prévention de la délinquance.

C. LES AUTRES DÉVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES IMPORTANTS

1. Le système LAPI

a) Un système très performant

Le système LAPI (lecture automatisée de plaques d'immatriculation), programme commun police-gendarmerie-douane, constitue l'exemple d'un progrès technologique qui devrait considérablement aider les forces de l'ordre dans leurs enquêtes mais qui suscite, du fait même de sa puissance opérationnelle, certaines inquiétudes.

L'article 8 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme prévoit la mise en oeuvre de dispositifs fixes et mobiles, pouvant être placés en tout point du territoire afin de prévenir et réprimer les actes de terrorisme et de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, faciliter la constatation des infractions de vol et de recel de véhicules volés ainsi que des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée. Le programme LAPI constitue une mise en oeuvre de ces dispositions.

Il permet, grâce à des caméras vidéo installées sur les véhicules, sur des trépieds et sur des systèmes fixes :

-de capter et lire instantanément les plaques d'immatriculation de tous les véhicules passant dans leur champ de vision, de les comparer en temps réel au Fichier des véhicules volés et signalés (FVV) et au Système d'information Schengen (SIS), et de générer une « alerte » lorsqu'un rapprochement positif est effectué ;

-de capter et stocker une image de la plaque d'immatriculation et une image plus large des mêmes véhicules comportant la photographie des occupants, en même temps que la date et l'heure de chaque photographie et les coordonnées de géolocalisation du véhicule de prise de vues.

Les occupants des véhicules photographiés ne seront pas reconnaissables, mais le nombre de passagers et éventuellement leur sexe pourront être déterminés grâce aux images. En cas de rapprochement positif avec un des numéros d'immatriculation enregistrés dans le traitement automatisé des données relatives aux véhicules volés ou signalés, le motif du signalement et la conduite à tenir pour les véhicules placés sous surveillance seront également enregistrés.

Les données relatives à un rapprochement positif entre le FVV et/ou le SIS et les caractéristiques d'un véhicule seront conservées pendant une durée d'un mois. Les données qui n'ont pas fait l'objet d'un rapprochement positif avec le FVV et/ou le SIS seront conservées au maximum de huit jours.

L'objectif du programme LAPI, défini par un arrêté du 18 mai 2009 est l'équipement d'environ 500 véhicules de la police, de la gendarmerie et des douanes, par des capteurs mobiles embarqués dans la rampe lumineuse de ces véhicules. Ces dispositifs seront déployés en début d'année 2010. En outre, une étude a été conduite à la fin de l'année 2008, associant gendarmerie et douanes, afin de définir une architecture adaptée aux trois administrations pour la mise en oeuvre d'un système de traitement central permettant une centralisation des données collectées par les capteurs de terrain dans un fichier unique. Les études de définition pour ce fichier centralisé se poursuivront en 2010.

Le coût global du système LAPI (caméras, maintien en condition opérationnelle, rénovation des relais radio) est évalué dans la LOPPSI à 14 millions d'euros sur la période 2009-2011.

b) Un encadrement nécessaire

Ce nouveau système constituera ainsi un moyen très puissant pour identifier des milliers de véhicules de manière instantanée sur tout le territoire. Son application potentielle va donc bien au-delà de la seule recherche des véhicules volés. De ce fait, il convient de rester vigilant afin qu'il ne soit pas utilisé pour identifier l'ensemble des automobilistes , ce qui apparaitrait comme disproportionné par rapport à l'objectif initial de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée et serait susceptible de porter atteinte à la liberté d'aller et venir.

En décembre 2006, le ministère de l'intérieur avait saisi la CNIL pour avis sur un projet d'arrêté relatif à l'expérimentation sur une durée de deux ans du système LAPI (arrêté du 2 mars 2007). Dans son avis, la CNIL a regretté que le dispositif LAPI puisse être utilisé pour surveiller « des évènements particuliers » sans que cette notion ne soit définie. Elle a également estimé que les modalités techniques d'effacement des données recueillies devaient être améliorées afin d'aboutir à une suppression totale et définitive au terme du délai imparti. Elle a enfin suggéré que des procédures de contrôle a posteriori de l'utilisation des données soient mises en place afin de prévenir et empêcher tout détournement de finalité.

2. La poursuite du déploiement du réseau de radiocommunication ACROPOL

Depuis le 19 juin 2007, le réseau ACROPOL de radiocommunication numérique de la police nationale est déployé sur les 96 départements métropolitains. Ce projet est financé par le paiement d'une redevance annuelle de 55 millions d'euros. L'ouverture du réseau ACROPOL à d'autres acteurs de la sécurité (gendarmerie nationale, douanes, administration pénitentiaire, services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), SAMU et certaines unités des armées) deviendra effective avec la mise en place d'une structure commune de pilotage du réseau, l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT).

Les investissements prévus en 2010 s'élèvent à 7,5 MILLIONS D'EUROS en AE et 8,1 MILLIONS D'EUROS en CP et portent sur :

- le déploiement d'ACROPOL en Martinique dans le cadre de l'INPT, en complément d'un réseau numérique existant. Les réseaux analogiques restants sont situés dans les DOM-COM et pour certains services spécialisés comme les CRS montagne ;

- le regroupement de certaines liaisons spécialisées ;

-l'achat de nouveaux terminaux et matériels rendant possible la généralisation de la géolocalisation (cf. ci-dessous) ;

- le lancement d'une étude pour un terminal dédié pour des unités spécialisées ;

- la contribution au déploiement de faisceaux hertziens INPT.

3. Le développement des moyens embarqués

La police nationale et la gendarmerie nationale s'équipent progressivement de terminaux informatiques embarqués permettant de consulter des fichiers pendant les interventions . Ils peuvent également servir d'écran pour visionner des images issues des systèmes de vidéosurveillance. La police nationale dispose ainsi d'un parc de 2.196 terminaux de type TESA (terminal embarqué sous Acropole) acquis avant 2008 et de 2.243 TIE (terminal informatique embarqué) installés en 2008, bientôt complétés par une commande de 734 TIE commandés en juin 2009. A la fin de l'année 2009, la police nationale aura un parc total de 5.173 terminaux. Concernant la gendarmerie nationale, 6.653 véhicules et 547 motocyclettes sont désormais équipés d'un TIE. Le coût unitaire d'un TIE complet est de 5.200 euros. L'ensemble des services de police devrait être équipé en 2010 .

4. La poursuite de l'équipement en radiolocalisation des véhicules

La radiolocalisation (ou géolocalisation) des véhicules permet de suivre les interventions des policiers ou des gendarmes « en temps réel » sur la voie publique. En 2010, un effort parallèle sera mené pour développer l'équipement des véhicules et pour moderniser les centres d'information et de commandement (CIC) (qui ont déjà pour rôle de répondre aux appels du 17 « police secours »). Un total de 4.400 véhicules de police est pour le moment géolocalisés, et 850 supplémentaires devraient l'être en 2010. La gendarmerie développe également un système de géolocalisation des patrouilles en difficulté.

5. La lutte contre la cybercriminalité

Les moyens d'investigation technique et de lutte contre la cybercriminalité devraient être renforcés. En particulier, il s'agit d'équiper les services d'enquête de moyens dédiés aux nouvelles formes de criminalité sur internet et de moyens d'exploitation des données collectées auprès des opérateurs de communication.

A cet égard, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère désormais stratégique de la lutte contre la cybercriminalité, du fait de l'informatisation et de la mise en réseau d'un grand nombre de systèmes essentiels pour le fonctionnement de l'Etat et de la société civile. Ce domaine doit donc constituer une priorité pour les années à venir.

Enfin, d'autres projets à caractère numérique devraient permettre d'améliorer l'efficacité des forces de police dans leur activité : la nouvelle main-courante informatisée permettra d'inscrire de manière dématérialisée tous les comptes-rendus d'intervention d'un service défini. Elle permettra aussi de dématérialiser les traces écrites des missions et de fournir un instrument d'information instantané. Enfin, la dématérialisation du courrier administratif, chantier ouvert depuis plusieurs années, devrait permettre d'économiser des consommables et de fluidifier la diffusion des courriers à compter de 2010.

III. LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES URBAINES ET LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

A. UN EFFORT IMPORTANT POUR RENDRE L'ETAT PRÉSENT DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

1. Un déploiement progressif des UTeQ

a) Le débat sur la police de proximité

La police communautaire, la police de proximité sont des pratiques de la police qui, sous des formes diverses, ont été mis en oeuvre dans la plupart des pays occidentaux au cours des dernières années. Ces pratiques consistent en un alliage réussi entre la prévention, la répression, la coopération avec les habitants et avec les autres institutions, la connaissance du territoire et la qualité du « service rendu », qui doivent finalement permettre de faire reculer le sentiment d'insécurité. Selon les pays, l'accent sera davantage mis sur tel ou tel aspect : ainsi, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, la dimension de participation de la population au travail de la police sera mise en avant, tandis qu'elle reste pour l'essentiel étrangère à la conception française du maintien de l'ordre.

En France, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a pour la première fois explicitement mentionné la police de proximité. Cependant, celle-ci a été mise en place entre 1997 (année du colloque de Villepinte) et 2002, avec la création de nouvelles structures déconcentrées, commissariats et postes de police, devant permettre de rapprocher la police de la population.

Si cet objectif était en soi pertinent, sa mise en oeuvre était plus discutable. En effet, les nouvelles structures ont souvent fixé les policiers sur des lieux déterminés au détriment de leur présence sur la voie publique , et les horaires d'ouverture des commissariats et postes de police ne permettaient pas d'assurer une présence tardive et nocturne, pourtant indispensable pour contenir la délinquance.

Depuis 2002, les bons résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance générale et de proximité coexistent avec une grande difficulté à améliorer sensiblement la sécurité dans les « quartiers difficiles », où les modes opératoires de la police ne semblent pas permettre de traiter les spécificités de la délinquance. Les interventions des forces de police prennent alors essentiellement une forme réactive, passagère, et ces interventions, de par leur caractère ponctuel même, apparaissent de plus en plus arbitraires à la population.

b) Les caractéristiques des UTeQ

Ce constat a justifié l'expérimentation des Unités territoriales de quartier (UTeQ) à partir de 2008 .

Le gouvernement a insisté sur la différence entre ces UTeQ et la police de proximité telle qu'elle a été supprimée en 2002. En effet, les nouvelles UTeQ doivent être imprégnées de la même « culture du résultat » que les autres forces de police, qui a permis d'obtenir de bons résultats en termes de baisse de la délinquance. Elles doivent ainsi exercer un rôle de répression autant que de prévention, arrêter les délinquants et alimenter les procédures judiciaires.

Selon les termes officiels, ces unités territoriales de quartiers ont ainsi pour objectifs de « lutter contre la délinquance et les violences urbaines, de rechercher le renseignement opérationnel et de développer le lien de confiance entre la police et la population » pour « aller au devant des faits ou des événements et y donner des réponses immédiates », seules ou avec des renforts adaptés et immédiatement disponibles, de manière privilégiée des compagnies de sécurisation (voir ci-dessous). Elles devront ainsi lutter contre les faits de délinquance, de violence et les trafics, en identifiant les délinquants ou les fauteurs de troubles et en procédant à leur interpellation.

Ces unités se voient assigner des objectifs à partir, notamment, de l'analyse des données fournies par l'état 4001 des crimes et délits et de la main courante informatisée, ou de données qualitatives venant, par exemple, des partenaires, des élus ou des associations présents sur le site. Les UTeQ doivent progressivement développer la connaissance des quartiers et de leur population et y créer des liens de confiance .

Le « renseignement opérationnel » sur lequel insiste le ministère, consiste notamment dans l'identification des délinquants, des fauteurs de troubles, et des trafiquants, et sera utilisé par les services chargés des enquêtes judiciaires - les brigades de sûreté urbaine ou départementale, les services de la police judiciaire, les groupes d'intervention régionale ou les services départementaux d'information générale.

Les UTeQ sont organisées en patrouilles pédestres ou portées. Selon les quartiers, chaque vacation est assurée par 8 à 10 policiers, réellement présents sur le terrain, ce qui nécessite l'affectation d'un effectif global de 21 à 24 policiers par UTeQ, tous volontaires. Les policiers des UTeQ doivent assurer une présence continue selon des plages horaires adaptées aux spécificités locales de la délinquance. Ainsi, elles sont présente le samedi et le dimanche et en soirée.

Contrairement à l'ancienne forme de la police de proximité, les UTeQ ne rendent pas nécessaires l'ouverture de nouveaux postes de police. En effet, l'administration ou le suivi des procédures judiciaires n'incombent pas aux UTeQ, qui se concentrent sur la présence effective sur la voie publique.

Après l'ouverture des premières UTeQ en 2008 dans le département de la Seine-Saint-Denis, à Marseille et à Toulouse, trente-cinq UTeQ sont désormais opérationnelles. Un total de 100 UTeQ devait initialement être créé avant la fin 2009. Cependant, le dispositif ne sera finalement généralisé qu'après une évaluation, qui sera conduite en 2010 afin d'en ajuster en tant que de besoin le fonctionnement. En effet, le premier bilan de l'activité des UTeQ est globalement positif mais certaines difficultés se sont manifestées.

Ainsi, l'effet de l'activité des UTeQ sur les statistiques de la délinquance semble positif : la délinquance en Seine-Saint-Denis a diminué de 12 % à Clichy-sous-Bois et à Saint-Denis, avec une diminution allant respectivement jusqu'à 24 % et 30 % de la délinquance de voie publique. Cependant, la délinquance a augmenté de 5 % à la Courneuve.

En outre, les premières UTeQ ont parfois dû subir des actions violentes du fait même de leur nouveauté et du projet de « reconquête » de certains quartiers dont elles sont porteuses, comme à Villiers-le-Bel en mai 2009. Le risque est en effet que l'arrivée des UTeQ provoque une « lutte de territoire » avec la minorité la plus active et la plus violente présente dans le quartier.

Ce risque doit être cependant en partie maîtrisé grâce au soutien dont les UTeQ doivent bénéficier. En effet, elles sont appuyées au niveau départemental par des compagnies de sécurisation.

2. Les compagnies de sécurisation

Les UTeQ traduisent une approche territorialisée de la sécurité. Or, le maillage territorial des UTeQ connait certaines limites en termes d'effectifs dans les zones présentant un caractère particulièrement sensible en fonction de l'actualitéì (par exemple : des risques d'affrontements dans certains quartiers), des horaires de la journée, des périodes de l'année (vulnérabilitéì de certains commerces aÌ l'approche des fêtes), ou exposés, statistiquement, aÌ certains types de délinquance récurrents (vols aÌ l'arracheì,vols d'automobiles, trafics de stupéfiants...).

Les compagnies de sécurisation sont ainsi le complément logique des UTeQ . Chaque compagnie constitue en effet une réserve opérationnelle projetable dans tout le département, placée sous l'autorité du directeur départemental de la sécurité publique, dans des départements choisis en raison de leur taux de criminalité élevée, en particulier sur le plan des violences urbaines.

Les compagnies de sécurisation se substituent ainsi aux forces mobiles de la police nationale et de la gendarmerie nationale (CRS et gendarmerie mobile) dans leurs missions de sécurité publique (par opposition aux opérations de maintien de l'ordre public pour lesquelles ces forces mobiles ont été créées et qui constituent toujours leur vocation première), pour lesquelles elles ne sont pas réellement adaptées. En effet, les CRS et les gendarmes mobiles ne sont pas projetables à la demande en fonction des besoins des unités territorialisées, étant toujours susceptibles d'être mobilisés pour le maintien de l'ordre lors de manifestations, d'événements festifs ou sportifs, etc. En outre, ils ne sont pas formés à l'intervention de sécurité publique dans des conditions difficiles, sur des terrains qu'ils ne connaissent pas et n'ont pas à connaître du fait de leurs missions propres.

La compagnie de sécurisation est, comme les UTeQ, composée de fonctionnaires de police volontaires et spécialement formés, notamment pour des interventions dans les violences urbaines. Elles sont équipées de lanceur de balles de défense et de Tasers, ainsi que de mini-caméras clipées à l'uniforme des chefs de patrouille, devant permettre de collecter des preuves lors des interventions. Les policiers opèrent aussi bien en civil qu'en uniforme et l'unité dispose de véhicules et de motos. Le personnel en uniforme assure notamment un rôle préventif et dissuasif, tandis que l'action des policiers en civil est davantage orientée sur les interpellations pour vols aÌ la tire, les vols de véhicules et les trafics, qui nécessitent souvent un travail de recherche et de filature.

Le personnel des compagnies de sécurisation bénéficie d'une formation spécifique, visant à permettre l'intégration rapide aÌ un dispositif collectif d'intervention, l'interpellation de l'auteur d'un délit au sein d'un groupe et celle d'individus montés aÌ bord d'un véhicule, ou encore l'intervention en renfort de policiers en difficultéì ou blessés.

La première compagnie de sécurisation, composée de 150 policiers, a été installée à Paris le 8 décembre 2003 par le ministre de l'intérieur, au sein de la direction de la police urbaine de proximité, sous la responsabilité du préfet de police. Outre ses interventions pour améliorer le sentiment de sécurité sur la voie publique, il était indiqué que la compagnie était également susceptible d'intervenir ponctuellement dans le cadre des plans antivols à main armée, ou d'opérations conjointes de contrôles routiers avec les services des douanes au titre de la lutte contre divers trafics. La compagnie de sécurisation de Paris fut employée, souvent aux avant-postes d'une compagnie CRS, par exemple lors des événements de la Gare du Nord en mars 2007, des émeutes de Villiers-le-Bel en septembre 2007 ou pour le dispositif de sécurité du parcours de la flamme olympique en avril 2008.

Une nouvelle compagnie de sécurisation comprenant 113 personnels a ensuite été installée à Bobigny le 30 septembre 2008, dans le cadre du plan de cohésion pour la Seine-Saint-Denis, susceptible d'intervenir également à Rancy, Saint-Ouen, Villetaneuse et Noisy-le-Sec, voir sur un périmètre plus large. Cette compagnie est dotée d'une quarantaine de véhicules et de motos.

Désormais, sept compagnies de sécurisation sont opérationnelles, dans les Bouches-du-Rhône (100 personnels), la Haute-Garonne (100 personnels), l'Essonne (96 personnels), le Bas-Rhin (60 personnels), les Yvelines (67 personnels), le Val d'Oise (50 personnels) et la Seine-Saint-Denis (140 personnels).

Notons qu'en zone gendarmerie, les brigades de proximité sont appuyées par des gendarmes mobiles constitués en détachement de surveillance et d'intervention (DSI).

B. LA POLITIQUE PARTENARIALE DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

La politique partenariale de prévention de la délinquance, notamment en milieu urbain, est le complément indispensable de l'action répressive des forces de police. Le premier ministre a annoncé en juin 2009 l'élaboration d'un plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes . Ce plan traduit la volonté de relancer la politique de prévention de la délinquance compte tenu, notamment, d'une application insuffisante de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Il convient, pour en mesurer les enjeux, de le resituer dans l'évolution récente de la politique partenariale de prévention de la délinquance.

1. Bilan de l'action partenariale de prévention de la délinquance

La politique partenariale de prévention, initiée au cours de la décennie 1980 avec le Conseil national de prévention de la délinquance (CNPD) et avec la mise en place des conseils communaux de prévention et des contrats d'actions de prévention (CAPS), s'est ensuite traduite par la création des contrats locaux de sécuritéì (CLS) en 1997 et des conseils locaux de sécuritéì et de prévention de la délinquance (CLSPD) en 2002.

De manière concrète, les CLSPD ont en général instaureì deux niveaux de réunions : d'une part un premier niveau de réunions de quartier, réunions de travail régulières réunissant élus, représentants d'habitants, commerçants, permettant d'effectuer un état des lieux, de recueillir des avis et d'évaluer l'efficacitéì de la politique mise en oeuvre; d'autre part un second niveau de réunions dite « cellules de veille »(en général mensuelles mais mobilisables immédiatement en cas de crise) avec un noyau restreint de professionnels (selon les villes : police, justice, bailleurs, Éducation nationale, protection judiciaire, prévention spécialisée, ville, transporteurs, assistants sociaux). A ce niveau, des échanges nominatifs ont lieu et il y a définition collective de stratégies d'intervention . Les maires, en général, ne participent pas à ces groupes restreints. Un troisième niveau a été mis en place dans certains cas : il s'agit, par exemple, des groupes sociaux éducatifs (GSE) qui fonctionnent aÌ Lille. Ils ne réunissent que les acteurs socio-éducatifs, qui traitent ensemble de la situation et de la prise en charge des jeunes les plus en difficultéì.

Enfin, il existe un quatrième niveau : les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) et les réunions d'action publique de proximitéì (RAPP). Le GLTD est créeì aÌ l'initiative des procureurs de la République dans les zones difficiles et fonctionne en principe pendant une durée limitée (de 12 aÌ 18 mois). Il réunit en général mensuellement le maire, le procureur, le commissaire de police. Il s'agit d'une réunion « d'action publique » qui passe en revue les événements écoulés et les suites judiciaires données. Dans le département de Seine-Saint-Denis, pour tirer les conséquences du succès des GLTD, le Procureur a mis en place un dispositif permanent intituleì : « réunion d'action publique de proximitéì » (RAPP).

De manière générale, les maires sont très impliqués dans ces dispositifs. En revanche, l'implication des autres partenaires dans les CLSPD est très variable . La collaboration avec la justice n'est pas toujours aisée et dépend beaucoup de la bonne volonté du procureur ou de son représentant. En outre, les magistrats du siège, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou les juges des enfants ne sont, en général, pas directement impliqués dans le travail partenarial. Les relations avec les services de police sont également variables en fonction, notamment, de la volonté des commissaires ou des directeurs départementaux de la sécurité publique d'échanger des informations. Enfin, les relations avec l'éducation nationale sont en général peu développées, le rectorat ou l'inspection académique se montrant parfois peu sensible aux sollicitations des élus.

Ce caractère aléatoire de la collaboration explique que beaucoup de CLSPD n'aient pas de véritable programme d'action, basé sur un diagnostic de la délinquance locale, sur des objectifs ciblés, et sur une évaluation de l'impact ou des résultats des actions mises en oeuvre .

Par ailleurs, peu de contrats locaux de sécurité de nouvelle génération (CLSNG), volets sécurité de la politique de la ville, qui devaient pourtant relancer l'action partenariale de prévention, ont été conclus depuis leur institution en 2006, les faibles chiffres des années 2007 (22) et 2008 (6) montrant que ce mode d'organisation des partenariats de prévention ne rencontre plus de véritable écho. En outre, il manque à ces contrats l'aspect « prévention de la délinquance » qui n'apparaît pas dans leur intitulé.

Le constat de ce relatif échec des CLSPD et des CLS ayant été fait, la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de délinquance entendait relancer la prévention avec de nouveaux instruments, confiée en particulier aux maires .

Or, le Conseil national des villes a fait le constat d'une absence quasi-totale d'application de cette loi dans son rapport de mars 2009 « Avis du Conseil National des Villes sur la première étape de mise en oeuvre de la loi de prévention de la délinquance ». Selon ce rapport, « la loi n'a pas étéì précédée d'une large consultation qui aurait permis de capitaliser l'expérience acquise par les collectivités territoriales et l'Etat sur l'ensemble du territoire depuis parfois 20 années d'expérience, d'identifier les évolutions de la délinquance et des actions nouvelles aÌ définir, d'identifier les lacunes de prise en charge auxquelles il faut remédier. »

Ainsi, des mesures prévues par la loi telles que :

-le rappel aÌ l'ordre ;

-la création de conseils des droits et devoirs des familles (CDDF) et l'aide aÌ la parentalitéì ;

-l'information des maires par la police (pour les faits troublant l'ordre public sur leur territoire), la justice (sur les suites judiciaires données) et l'Éducation nationale (sur l'assiduité et le décrochage scolaire) ;

-le partage d'information entre le maire et les travailleurs sociaux ;

-les relations entre les communes et le Conseil général ;

ne se sont pas, dans la grande majorité des cas, traduites dans les faits.

En outre la loi, qui a mis l'accent sur le pouvoir des maires, n'a pas apporteì de véritable formalisation des rapports entre les partenaires concernés . Plus fondamentalement, la politique de prévention, la politique de sécuritéì et plus largement la politique de prévention sociale (protection de l'enfance notamment) sont encore traitées de façon séparée , comme ne témoigne la séparation persistante entre les dispositifs locaux de prévention (CLSPD) et de traitement de la délinquance (GLTD). En outre, les actions préventives ne sont pas assez assumées et développées par les services policiers. Quant à la mise en place du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), il lui est reproché d'avoir restreint ses apports à la vidéosurveillance.

Enfin, le CNV indique plusieurs sujets d'alerte ayant une incidence sur l'augmentation de la délinquance ou la précarisation : la déscolarisation de nombreux adolescents, l'absence d'articulation avec les intervenants de la santé mentale, la prise en charge de jeunes gens isolés et en situation d'errance, les difficultés des bailleurs ou encore l'absence de coordination en matière d'aide sociale entre les villes et les conseils généraux .

2. Le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes

Le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes devra permettre de tirer les leçons de ces difficultés. Ce plan a été présenté le 2 octobre 2009 par le Premier ministre sous la forme d'un document comportant « quatre priorités et cinquante mesures » pour améliorer la prévention de la délinquance . Il ne constitue pas une nouvelle traduction législative de l'objectif de lutte contre la délinquance mais l'élaboration d'un ensemble de moyens et d'actions devant permettre de mieux appliquer la loi du 5 mars 2007 . L plan ne semble pas non plus prévoir de financement spécifique ; hormis pour la vidéosurveillance. Votre rapporteur ne peut que saluer la volonté de ne pas produire de nouveau texte avant d'avoir utilisé toutes les ressources offertes par la loi déjà promulguées.

Les quatre orientations du plan sont les suivantes :

-Prévenir plus efficacement les actes de malveillance dans les lieux de la vie quotidienne.

-Mieux prévenir la délinquance des mineurs et responsabiliser les parents.

-Rappeler les valeurs communes de la société et aider les victimes.

-Dynamiser les partenariats locaux tels que la loi du 5 mars 2007 relative à la Prévention de la délinquance les a organisés.

Ils sont assortis de quatre « moyens » :

-Développer la prévention situationnelle et recourir prioritairement à la vidéo protection (pour laquelle le montant annuel passera de 11 millions à 20 millions d'euros).

-La coordination des acteurs locaux de la prévention : le maire au centre du dispositif.

-Améliorer le repérage des situations individuelles et familiales et les dispositifs de soutien aux parents pour mieux prévenir la délinquance des mineurs.

-Mieux protéger les victimes des actes de délinquants et améliorer la prévention des violences intrafamiliales.

En outre, concernant les CLSPD, le plan évoque l'article 1er de la loi du 5 mars 2007, qui dispose que le conseil peut constituer en son sein un ou plusieurs « groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique », dans le cadre desquels sont réalisés les échanges d'informations nominatives et le repérage des personnes dont la situation est préoccupante au regard du risque de passage à l'acte de délinquance ou de récidive .

Deux mesures sont prévues pour aboutir à une généralisation de ces groupes de travail qui, pour le moment, n'ont pas été créés ou ont été peu actifs au sein des CLSPD : d'une part une circulaire du ministre de l'Intérieur, de l'Outre mer et des collectivités territoriales aux préfets leur rappellera la nécessité pour les maires de créer ces groupes de travail et d'échange d'information. D'autre part le secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD) animera des contacts avec l'association des maires de France pour promouvoir la création de ces groupes. Ces groupes de travail devront notamment prendre pour thème la délinquance des mineurs.

Concernant spécifiquement l'amélioration de la transmission de l'information entre la justice et les maires , le dispositif du correspondant justice-ville, mis en place auprès du Parquet pour aider le procureur de la République à transmettre au maire une information régulière relative au traitement judiciaire des infractions constatées sur sa commune et aux orientations du parquet, sera généralisée aux 50 plus grands tribunaux de grande instance avant la fin de l'année 2010. Cette affectation de correspondants justice-ville sera également effectuée pour les parquets ayant la plus forte activité pénale.

Le plan aborde également la question difficile de la transmission au maire d'informations détenues par les travailleurs sociaux, qui avait suscité au moment de la publication de la loi du 5 mars 2007 une forte inquiétude de ces derniers. Ainsi, la diffusion de la circulaire du 9 mai 2007 relative à l'application des articles 8 à 10 de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 sera réitérée dans la mesure où elle contient des instructions devant permettre d'assurer une meilleure articulation entre la loi et les principes de la protection de l'enfance, de manière à rassurer les travailleurs sociaux sur les règles déontologiques et les pratiques professionnelles auxquelles ils sont attachés. Parallèlement, une charte déontologique type sera élaborée en liaison avec le conseil supérieur du travail social au sujet du partage de l'information nominative dans le respect du secret professionnel. Cette charte type sera déclinée par les acteurs locaux au niveau de chaque département. Une nouvelle fois, votre rapporteur se félicite de cette volonté de mener à son terme les réformes impulsées par la loi en mobilisant les ressources déjà existantes.

Enfin, concernant spécifiquement les CLSPD et les CLS, le plan propose la mise au point de nouvelles « stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance » au sein des CLSPD . Il s'agit de doter la collaboration des acteurs locaux de davantage de souplesse mais aussi d'un formalisme supérieur lorsqu'il est nécessaire. Cette nouvelle stratégie, qui sera arrêtée pour une durée de trois ans, comportera des objectifs assortis d'échéances de réalisation et d'un dispositif d'évaluation, de manière à ne pas retrouver les défauts des CLS, auxquels ces stratégies auront d'ailleurs vocation à se substituer progressivement. En outre, pour prendre en compte la réalité des bassins de délinquance et s'adapter à la mise en place de la police des territoires, les maires seront incités à se doter de conseils intercommunaux. Le représentant de l'Etat devra s'assurer que la stratégie territoriale est complétée par une ou plusieurs conventions, notamment quand les partenaires décident des modalités du financement commun d'investissements ou du fonctionnement d'une structure.

Enfin, concernant spécifiquement la problématique de la délinquance dans les transports, le plan fixe un objectif de doublement du nombre de contrats locaux de sécurité ou de stratégies territoriales dédiés « transports » (actuellement au nombre de 30) d'ici à la fin de l'année 2010, particulièrement en milieu urbain.

DEUXIÈME PARTIE : LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

La politique d'immigration et d'intégration de la France, structurée dans la période récente par trois lois successives en 2003, 2006 et 2007, s'efforce de combiner, dans le respect de la tradition nationale, une ouverture aux flux migratoires qui peuvent contribuer au dynamisme de la société française, avec la lutte contre l'immigration irrégulière et ses filières.

La création en mai 2007 du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS) a constitué une étape importante dans la recherche de la maîtrise d'une politique jusqu'alors dispersée entre plusieurs ministères.

Depuis le début de la XIIIème législature, la politique d'immigration et d'intégration de la France se fonde ainsi notamment sur la nécessité d'un rééquilibrage au profit de l'immigration professionnelle, la préservation de la capacité d'accueil des réfugiés dans les meilleures conditions possibles, enfin la coopération avec les pays d'origine des flux migratoires.

Cependant, ce cadre d'action national, même amélioré par la création d'un ministère spécifique doté d'une politique structurée, reste insuffisant pour appréhender et réguler des phénomènes migratoires qui concernent, bien qu'à des degrés et sous des formes diverses, l'Europe entière.

L'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile par le Conseil européen du 16 octobre 2008 a d'abord traduit ce constat.

Plus récemment, le Conseil européen a adopté, le vendredi 30 octobre 2009, plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, concernant notamment l'adoption de règles d'engagement claires pour les opérations maritimes communes, une coopération opérationnelle accrue entre l'agence Frontex et des pays d'origine et de transit, tels que la Lybie et la Turquie, enfin l'affrètement de vols conjoints d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, financés par Frontex.

Il faut souhaiter que ces décisions constituent le prélude à une politique migratoire concertée des pays de l'Union européenne.

Après une analyse des principaux axes du budget pour 2010 et des évolutions de l'organisation et de la gestion du ministère, le rapport s'étendra plus longuement sur l'immigration professionnelle, la « crise » de la demande d'asile et la question des populations sensibles.

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION, UN MINISTÈRE AU PÉRIMÈTRE STABILISÉ

A. UNE MISSION DOTÉE DE DAVANTAGE DE MOYENS AU SEIN D'UN VASTE ENSEMBLE BUDGÉTAIRE CONSACRÉ À LA POLITIQUE D'IMMIGRATION

1. Des crédits en hausse pour faire face à l'augmentation du nombre des demandes d'asile

La mission «Immigration, asile et intégration » représente un montant de crédits relativement peu élevé, reflétant le caractère d'« administration d'état-major » du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS). Le projet de loi de finances pour 2010 propose ainsi de doter la mission de 568,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 560,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , soit une augmentation respective de + 12 % et + 9,7 % par rapport aux crédits de la loi de finances initiale pour 2009.

Ces crédits sont supérieurs à ceux prévus en Loi de programmation des finances publiques (LPFP).

En effet, les crédits liés à la demande d'asile (au sein du programme 303 « Immigration et asile » ) sont plus élevés que prévu en raison de l'hypothèse relativement basse qui avait été retenue lors de l'élaboration de la LPFP, compte tenu de la diminution de la demande alors observée mais qui ne s'est pas confirmée depuis. La progression de la demande d'asile est en effet de + 19,7 % en 2008 et + 16,5 % au premier semestre 2009 .

Un rebasage des crédits tenant compte de cette évolution a donc été effectué, sous la forme d'un abondement des crédits relatifs à l'allocation temporaire d'attente (ATA) et à la subvention pour charges de service public de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il n'est pas certain, toutefois, que ce rebasage soit suffisant (votre rapporteur y reviendra).

En outre, le ministère de l'immigration reprend au 1er janvier 2010 les compétences antérieurement exercées par le ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales en matière d'immobilier des centres de rétention administrative (CRA, voir ci-dessous).

Enfin, les crédits de personnel du titre 2 sont abondés du fait d'un réajustement de la masse salariale du MIIINDS.

Après la phase de construction du ministère en 2008 et les importants changements de périmètre réalisés en 2009, le périmètre global du ministère et le budget correspondant semblent ainsi désormais bien définis . Il n'apparaît en effet ni nécessaire ni souhaitable de transférer au ministère les services des ministères sur lesquels il s'appuie pour mener sa politique. Cependant, il convient dès lors de garder à l'esprit que le budget de la mission ne comporte qu'une part limitée de l'ensemble des crédits liés à la politique qu'il conduit.

2. Un budget à mettre en perspective au sein de l'ensemble plus vaste des crédits de la politique de l'immigration et de l'intégration

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » permet de mettre en perspective les crédits de la mission « immigration » au sein de l'ensemble des crédits ministériels contribuant à la mise en oeuvre de la politique française de l'immigration et de l'intégration . Sont ainsi concernés à des titres divers 15 programmes différents, appartenant à 11 missions, pour un montant total approximatif de 3,5 milliards d'euros. Figurent notamment parmi ces programmes :

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », par l'intermédiaire d'une partie de ses dépenses au titre de l'action 3 « instruction des demandes de visas », pour un montant d'environ 38 millions d'euros (AE et CP). Rappelons que les crédits correspondants à la gestion informatique des visas (Réseau mondial visas et le déploiement des visas biométriques) ont été transférés au programme « Immigration et asile » pour un montant de 2,6 millions d'euros ;

- le programme 150 « Formation supérieures et recherche universitaire » qui constitue, avec une contribution évaluée à 1,5 milliard d'euros en 2009 et 2010, l'apport le plus important à la politique transversale. Cette contribution est évaluée en multipliant le nombre d'étudiants étrangers en université (environ 200.000) par le coût moyen par étudiant en université (7.700 euros) ;

- une contribution non négligeable du programme « protection maladie », au titre notamment de l'aide médicale de l'Etat (AME), qui bénéficie aux étrangers résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois mais ne remplissant pas la condition de régularité du séjour exigée pour l'admission à la couverture maladie universelle (CMU). Le montant correspondant est de 490 millions d'euros en 2009 et 535 millions d'euros en 2010 (AE et CP) ;

- enfin, une contribution de grande ampleur des programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale », qui correspondent à la politique de lutte contre l'immigration illégale et ses filières menée par les forces de l'ordre, en particulier par la police aux frontières (PAF) . Ces services contribuent ainsi à l'interpellation des personnes en situation irrégulière et à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement, dont la garde des CRA. A cet égard, la PAF assure actuellement la garde de 19 des 29 CRA ; elle reprendra les CRA gérés par la gendarmerie nationale à partie de 2010. L'évaluation des crédits correspondants par le DPT se monte à 678 millions d'euros en 2009 et 682 millions d'euros en 2010 (CP) .

Ces données permettent d'évaluer, certes de manière très approximative, au sein de l'ensemble de la politique d'immigration, la part des crédits consacrés à la répression et celle des politiques que l'on pourrait a contrario qualifier de « politiques d'accueil ».

Ainsi, les politiques et de répression correspondraient à un montant d'environ 767,4 millions d'euros en 2009 (comprenant la lutte contre l'immigration irrégulière et l'activité des services de police et de gendarmerie, ainsi que l'aide juridictionnelle pour le contentieux lié à cette politique), tandis que les crédits correspondant davantage à l'« accueil » des étrangers se monteraient à 2.480 millions d'euros (comprenant l'enseignement supérieur, la politique culturelle, les politiques d'intégration, la protection médicale, les aides à l'emploi et la politique de la ville).

Source : Document de politique transversale : « Politique française de l'immigration et de l'intégration »

En revanche, si l'on se place du seul point de vue des services sur lesquels le ministère de l'immigration a autorité pour mener sa politique, la proportion est différente : 362 millions d'euros sont consacrés à l'intégration et à l'asile (programme « Intégration et accès à la nationalité française », et action « Garantie du droit d'asile » du programme « Immigration et asile »), pour 757 millions d'euros consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière et à la répression (action « Lutte contre l'immigration irrégulière du programme « Immigration et asile » et programmes police et gendarmerie nationales).

Source : Document de politique transversale : « Politique française de l'immigration et de l'intégration »

3. Des effectifs stabilisés

Le programme 303 « Immigration et asile » regroupe l'ensemble des effectifs du ministère et comprendra, en 2010, 615 ETPT dont 51 ETPT de catégorie A+, 170 ETPT de catégorie A, 162 ETPT de catégorie B et 232 ETPT de catégorie C.

Le plafond d'emplois en 2009 était de 613 ETPT. Celui pris en compte pour 2010 conduit à supprimer 8 ETPT au titre de la RGPP. Cependant plusieurs mesures de transfert impactent le niveau des emplois :

- transfert de 3 ETPT de catégorie A en faveur de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) ;

- transfert de 1 ETPT de catégorie A, 1 ETPT de catégorie B et 1 ETPT de catégorie C dans le cadre de la gestion des centres de rétention administrative (CRA);

- transfert de 4 ETPT de catégorie C affectés au cabinet du Ministre et en provenance du programme 176 de la mission « Sécurité ».

Rappelons que le ministère ne possède ni corps spécifique, ni services déconcentrés.

Le MIIINDS et les départements ministériels partenaires sont en effet convenus de partager la gestion des agents en réservant aux ministères d'origine les actes de gestion à portée statutaire ou ceux faisant intervenir les commissions administratives paritaires et en confiant tous les autres actes de gestion de proximité au MIIINDS. Ainsi, quatre conventions générales de délégation de gestion des personnels ont été signées avec les ministères partenaires : le 10 juillet 2008 avec les ministères sociaux, le 4 février 2008 avec le ministère de l'Intérieur, le 21 mai 2008 avec le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) et le 6 janvier 2008 avec les ministères économiques et financiers.

Ces dispositions autorisent en particulier le ministère gestionnaire à prélever les crédits nécessaires aux rémunérations des agents sur les budgets opérationnels de programme sur le titre 2 du programme 303.

Concernant les services déconcentrés sur lesquels le ministère a autorité, il a été décidé au premier semestre 2009 de créer des services de l'immigration et de l'intégration dans les préfectures de région et dans celles des départements de l'Île-de-France et celles des autres départements particulièrement concernés par les enjeux migratoires, soit au total une quarantaine de préfectures. Cette réforme doit s'appliquer en 2010.

Ces services regrouperont des personnels déconcentrés en charge des dossiers des étrangers avec des personnels des directions départementales des affaires sanitaires et sociales gérant les crédits d'hébergement des demandeurs d'asile et contribuant à l'instruction des demandes de naturalisation.

A cet égard, votre rapporteur souligne l'importance d'assurer une certaine mobilité des personnels entre les préfectures afin de favoriser une unité de vues entre celles-ci. M. Stéphane Fratacci, secrétaire général du ministère, a indiqué à ce sujet, lors de son audition par votre rapporteur, qu'il était également envisagé de mettre en place des stages longs permettant des échanges de personnels entre le réseau préfectoral et le réseau consulaire .

4. Deux chantiers pour 2010 : la reprise de l'immobilier des CRA et une nouvelle organisation pour l'examen des demandes de naturalisation

a) La reprise de l'immobilier des CRA

Le ministère de l'immigration reprend au 1 er janvier 2010 les compétences antérieurement exercées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en matière d'immobilier des CRA , c'est-à-dire les dépenses d'investissement afférentes à ces centres, les dépenses de fonctionnement étant déjà à la charge du ministère et mises en oeuvre à travers des conventions de gestion avec le ministère de l'intérieur (directions générales de la police et de la gendarmerie nationales). En 2010, 24 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 14 millions d'euros de crédits de paiement sont ainsi prévus pour l'investissement dans les CRA . Notons que cette action reçoit l'appui du fonds européen pour les frontières extérieures, à hauteur de 1,4 million d'euros.

Le programme de construction de CRA pour 2010 concerne ceux de Vincennes, du Mesnil-Amelot II, Mesnil-Amelot III ainsi que la construction des deux salles d'audience du Mesnil-Amelot, à parité par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'immigration. Un nouveau centre sera également construit à Mayotte où les conditions de rétention sont devenues inacceptables. Par ailleurs, la reconstruction du CRA de Bordeaux est également prévue, mais les modalités de financement ne sont pas définitivement arrêtées. Enfin, le programme vise à participer au financement de la zone d'attente d'Orly.

Le ministère acquiert ainsi de manière logique des immobilisations directement liée à sa compétence de lutte contre l'immigration irrégulière.

b) La réforme de l'examen des demandes de naturalisation

Une importante évolution de l'organisation du ministère aura également lieu au cours de l'année 2010 avec la modification de la procédure de naturalisation . Le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, le 12 décembre 2007, que, la procédure de naturalisation faisant actuellement l'objet d'une double instruction, par les préfectures d'une part, par la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté, d'autre part, elle devait être simplifiée, afin de réduire les délais de traitement des demandes.

Ainsi, les décisions de naturalisation seront toujours des décisions de niveau national prises par décret du Premier ministre , sur rapport du ministre en charge des naturalisations mais sur proposition du préfet. S'agissant en revanche des décisions défavorables (irrecevabilité, ajournement ou rejet au fond), les décisions seront prises par les préfets et non plus par l'administration centrale . La sous-direction de l'accès à la nationalité française au ministère pilotera le dispositif général en traitant les recours hiérarchiques et contentieux et en élaborant les décrets de naturalisation. Cette réforme aura pour conséquence une diminution des effectifs de la sous-direction de l'accès à la nationalité française de 9 emplois en 2010 et de 11 en 2011.

En ce qui concerne le calendrier de la réforme, la priorité a été en 2009 de résorber les stocks de dossiers de demande de naturalisation en instance, tant en préfecture qu'à la sous-direction de l'accès à la nationalité française. Par ailleurs, ont été engagés une modification des textes réglementaires pour finaliser les conditions de l'expérimentation, une réforme de l'application informatique de gestion et un plan de formation des préfectures. Une expérimentation sera menée sur les six premiers mois de 2010 dans 21 préfectures, le nouveau dispositif devant être généralisé au 1 er juillet 2010.

Enfin, le programme PRENAT sera destiné à financer le déploiement de l'application de gestion des demandes de naturalisation, dont le développement a été réalisé en 2009. Dans le cadre du budget 2010, ce déploiement coûtera ainsi 440.000 euros en autorisations d'engagement et 640 millions en crédits de paiement.

B. UNE PRIORITÉ POUR LE MINISTÈRE : L'AMÉLIORATION DES OUTILS STATISTIQUES

a) Des données statistiques insuffisantes

Des statistiques fiables sur l'immigration tant régulière qu'irrégulière sont nécessaires aussi bien pour la conception, le suivi et l'évaluation des politiques publiques menées par le ministère, que pour l'information des institutionnels, du monde de la recherche, des médias et du grand public.

Concernant l'immigration régulière , l'informatisation des procédures de délivrance de titres de séjour en préfecture opérée en 1994 a certes permis d'améliorer le recensement des entrées, qui était auparavant effectué au moyen des statistiques établies par l'Office des migrations internationales (devenu en 2005 l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations puis en 2009 l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)) et par l'OFPRA. Depuis, chaque préfecture est connectée à un registre national centralisé dénommé AGDREF (Application de gestion des ressortissants étrangers en France), créé par décret du 29 mars 1993, qui permet d'éviter les doubles comptes et de recueillir les données de façon identique.

Cette statistique de premiers titres, qui satisfait aux critères de comparabilité internationale, est complétée d'autres données pour appréhender les arrivées de mineurs qui ne sont pas détenteurs d'un titre de séjour : celles de l'OFII, pour les mineurs entrés au titre du regroupement familial, et celles du ministère de l'intérieur pour le nombre d'enfants accompagnant les femmes titulaires d'un titre de séjour.

Cependant, ces données sont insuffisantes . Comme le montrait un rapport parlementaire 8 ( * ) , les lacunes du fichier AGDREF tiennent notamment au fait qu'il ne recense pas toutes les entrées sur le territoire national, ignore les sorties, n'est pas suffisamment tenu à jour et n'a pas été conçu à des fins d'exploitation statistique. La tenue et le contenu du fichier AGDREF devaient donc être améliorés en prenant en compte la nécessité de l'utiliser, non seulement comme une application de gestion informatisée par les préfectures des dossiers individuels d'étrangers, mais également comme une source précieuse d'information sur les caractéristiques de la population étrangère entrée en France.

b) Le projet AGDREF 2

Un projet de refonte de l'application AGDREF, qui permettra de prendre en compte ces critiques, est actuellement en cours sous le nom d'AGDREF 2 . Dans l'attente de la mise à disposition de cette nouvelle application, une évolution d'AGDREF (AGDREF 1 bis) a été réalisée en 2009.

L'application AGDREF2 remplacera deux fichiers existants : d'une part AGDREF, d'autre part, l'application ELOI, créée par le décret n° 2007-1890 du 26 décembre 2007 codifié à l'article R.611-25 du CESEDA, qui traite de l'éloignement des étrangers se maintenant de manière irrégulière sur le territoire français.

Les principales améliorations attendues de la mise en place d'AGDREF2 sont :

- la prévention des fraudes documentaires et des usurpations d'identité, avec notamment l'introduction de la biométrie ;

- la vérification de la régularité du séjour des étrangers en France ;

- une meilleure information des services en vue de l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française ;

- le suivi et la mise en oeuvre des mesures d'éloignement prévues au livre V du CESEDA.

L'application permettra également d'effectuer un traitement interministériel des dossiers des étrangers par les préfectures, avec un périmètre étendu aux consulats, services de police et unités de gendarmerie, opérateurs (OFII, OFPRA), caisses de sécurité sociale et Pôle Emploi.

Enfin, ce nouveau traitement devrait faciliter et fiabiliser la production de statistiques en matière de séjour et d'éloignement des étrangers en France, afin de constituer une véritable base de données statistique sur l'évolution des flux migratoires .

Un appel d'offres pour ce nouvel outil a abouti en novembre 2008 et les travaux de spécification ont débuté en janvier 2009. En parallèle, les nouveaux utilisateurs qui pourront accéder à AGDREF2 ont été consultés sur la pertinence des données de la future application : consulats, organismes sociaux, OFII, OFPRA, Pôle emploi, ainsi que la Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP). Le planning actuel d'AGDREF 2 prévoit une mise en oeuvre dans deux préfectures pilotes et un centre de rétention administratif en septembre 2010, puis une généralisation aux autres utilisateurs début 2011 . L'application délivrera alors des titres de séjour électroniques biométriques, produits par l'Agence nationale des titres sécurisés avec laquelle une convention a été signée en mai 2009.

c) Les pistes pour améliorer la connaissance de l'immigration irrégulière

L'évaluation statistique de l'immigration irrégulière est également nécessaire, notamment pour pouvoir mettre en perspective les chiffres annoncés pour les mesures d'éloignement :

2007

2008

2009
(premier semestre)

Mesures d'éloignement exécutées

23 196

29 796

14 844

Mesures d'éloignement prononcées

112 010

101 380

50 639

Non-admissions

16 374

17 628

9 373

Refus d'embarquement

746

748

347

Source :

Ministère de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales, DCPAF

Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, Service de la stratégie, Département des statistiques, des études et de la documentation

Le rapport déjà cité avait, à ce sujet, analysé les différentes méthodes disponibles pour évaluer l'immigration irrégulière : enquêtes auprès des employeurs présents dans les branches a priori les plus concernées par le travail illégal, comparaison de sources statistiques diverses (recensement, registres municipaux de population, fichiers des régimes de protection sociale, liste des enfants scolarisés...), utilisation de la méthode dite « résiduelle », bien connue aux États-Unis et en Grande-Bretagne et consistant à rapprocher des données, décalées dans le temps, relatives à l'importance de la population d'origine étrangère (mesurée par le recensement) et à évaluer l'immigration irrégulière en isolant les variations pouvant être expliquées par les flux de migrations régulières.

L'analyse des opérations de régularisation constitue un autre instrument d'évaluation de l'ampleur de l'immigration clandestine, même si des biais statistiques existent également.

Or, les tentatives d'application de ces méthodes en France ont été très rares .

Une autre approche, peut-être plus prometteuse, pourrait cependant être suivie, consistant à mener des enquêtes en population générale sur la base d'une absolue confidentialité. L'INSEE a en effet déjà élaboré des protocoles pour récolter par voie d'enquête des informations sensibles, de façon confidentielle et fiable. Ces protocoles prévoient de poser la question d'intérêt à une fraction aléatoire de l'échantillon enquêté. Cependant, une évaluation assez précise nécessiterait un échantillon très important. D'autre part, sur le plan juridique, une loi serait probablement nécessaire pour interdire toute possibilité de levée du secret statistique.

II. LA « CRISE » DE LA DEMANDE D'ASILE

La dépense liée à l'exercice du droit d'asile s'établit pour 2010 à 318 millions d'euros. Elle représente, comme en 2009, plus de 66 % des crédits du programme « Immigration et asile » .

Les dépenses liées au programme « Immigration et asile » dépendent étroitement d'un facteur exogène, le nombre de demandeurs d'asile, lié notamment à la situation des conflits armés dans le monde. Ce nombre, qui connaît de fortes fluctuations, relativement imprévisibles, a connu une croissance très forte en 2008 et 2009.

A. LA PRINCIPALE INQUIÉTUDE POUR LE BUDGET 2010

1. Une forte hausse au cours des deux dernières années

Dès la mise en oeuvre de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, la demande d'asile (hors mineurs accompagnants) a suivi une évolution à la baisse, s'accélérant particulièrement en 2006 (-33,1 % par rapport à 2005). Cette baisse s'est poursuivie en 2007 mais à un rythme moindre (-14,1 % par rapport à 2006).

En 2008, la tendance s'est inversée et la demande d'asile a connu une augmentation de 14,4 % par rapport à 2007 . Au cours du premier semestre 2009, cette tendance à la hausse de la demande d'asile (hors mineurs accompagnants) semble confirmée (+25,7 % par rapport à la même période de 2008) . Si la tendance observée au cours du premier semestre 2009 se maintient, le nombre de demandes d'asile pourrait s'élever à 45 000 en 2009 et à 50 000 demandes en 2010.

Année

1ères

demandes

Réexamens

Total demandes hors
mineurs A

Demandes mineurs A

Total général

2003

52 204

2 225

54 429

7 564

61 993

2004

50 547

7 069

57 616

7 998

65 614

2005

42 578

9 488

52 066

7 155

59 221

2006

26 269

8 584

34 853

4 479

39 332

2007

23 804

6 133

29 937

5 583

35 520

2008

27 063

7 195

34 258

8 341

42 599

2009 (*)

15 844

2 923

18 767

3 572

22 339

2009 (*) Données provisoires sur 6 mois

Mineur A = mineur accompagnant

Source : MIIINDS

2. L'origine des demandeurs

L'origine géographique des demandeurs d'asile varie au fil des années. Parmi les 10 principaux pays de provenance des demandeurs, plusieurs reviennent de façon régulière : la Turquie, la République démocratique du Congo, la Serbie et le Kosovo, la Russie, Haïti, la Chine, l'Algérie et l'Arménie. Certains de ces flux sont présents depuis le début des années 80. D'autres sont nés plus tardivement, à la suite de la dislocation de la Yougoslavie et de l'URSS dans les années 90.

La demande d'asile algérienne obéit à une logique particulière. En dépit des liens de migration étroits entre notre pays et l'Algérie, la demande d'asile en provenance de ce pays est restée quasi insignifiante jusqu'au début des années 90. Au lendemain de l'annulation des élections de 1992 et de l'apparition des opérations terroristes dans ce pays, la demande a connu une croissance très forte pour atteindre son maximum entre 1999 et 2003 dans le cadre de l'asile territorial géré par le ministère de l'intérieur. Depuis l'instauration du guichet unique de l'asile devant l'Office en 2004, la demande d'asile algérienne s'est effondrée.

Il est également intéressant de noter que les nationalités des demandeurs d'asile varient selon les différents pays d'accueil. Ainsi la France ne fait pas partie, actuellement, des principaux pays de destination pour les étrangers en provenance des pays du Moyen-Orient. La demande d'asile irakienne est essentiellement concentrée en Allemagne et en Suède tandis que les Iraniens et les Afghans s'adressent dans leur très grande majorité au Royaume-Uni. Il convient cependant de rappeler à cet égard que la France a décidé d'accueillir sur son territoire plusieurs centaines de ressortissants irakiens menacés, déplacés ou réfugiés, avec une attention particulière pour les personnes appartenant à des minorités religieuses persécutées.

3. Une imprévisibilité budgétaire difficile à réduire

La prévision du ministère sur l'évolution du nombre de demandeurs d'asile, et la demande de crédits qui en résulte, semblent quelque peu optimistes. En effet, pour 2010, le ministère a retenu une hypothèse de stabilisation de la demande d'asile , se fiant à l'ébauche d'une tendance à la baisse au cours du deuxième semestre de 2009.

Votre rapporteur relevait déjà lors de son examen du PLF 2009 qu'un décret d'avance de 36 millions d'euros avait été nécessaire. Il s'avère que les crédits pour 2009 sont sous-dotés dans des proportions encore plus importantes, puisque les prévisions d'exécution pour l'année 2009 s'élèvent à 66 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence et 62 millions d'euros pour l'ATA contre 30 millions d'euros prévus en LFI 2009 pour chacune de ces lignes. Un décret d'avance a ainsi débloqué environ 70 millions d'euros pour clôturer le budget 2009. Notons d'ailleurs que la pratique des décrets d'avance dans ce domaine n'est pas apparue avec la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et qu'elle existait déjà au sein du ministère de la santé et de la solidarité.

Or, il est probable que les crédits demandés pour 2010 sont à nouveau sous-évalués. Certes, le gouvernement tient compte de la forte hausse observée au cours de l'exercice précédent, qui se traduira nécessairement par une augmentation du nombre de demandeurs hébergés en CADA et de bénéficiaires de l'ATA. C'est pourquoi 1000 places de CADA supplémentaires sont prévues ainsi qu'une augmentation très forte des crédits de l'ATA qui passent de 30 millions d'euros (AE et CP) à 53 millions d'euros. Pour autant, l'hypothèse de stabilisation de la demande en 2010 conduit à demander une simple reconduction des crédits de l'hébergement d'urgence, qui se monteraient ainsi à 30 millions d'euros. Or, ces crédits seraient directement impactés par une nouvelle augmentation du nombre de demandes d'asile.

Les dispositifs d'aide aux demandeurs d'asile et leur coût

Conformément aux dispositions de la directive n° 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres, les mesures d'accueil des demandeurs d'asile comprennent des prestations de premier accueil et d'orientation, suivies soit d'une prise en charge globale en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) soit du versement de l'allocation temporaire d'attente (ATA), complétés si nécessaire par un hébergement dans le dispositif d'accueil d'urgence :

- Concernant le premier accueil, un montant de 2,6 M€ a été inscrit en LFI 2009 pour contribuer au financement de plates-formes d'accueil pour demandeurs d'asile : il s'agit de guichets uniques d'accueil régionaux ou départementaux, en charge de missions d'accueil, d'orientation, de premier accompagnement social et administratif, ainsi que de l'enregistrement et de l'instruction de la demande d'hébergement en CADA.

Ainsi, 28 plates-formes d'accueil ont été financées sur le programme 303, à hauteur de 25.000 € en moyenne par plate-forme, cette somme pouvant être augmentée dans les régions recevant des flux importants de demandeurs d'asile. Dans le cadre de la régionalisation de l'admission au séjour et du premier accueil des demandeurs d'asile, le financement de ces structures sera transféré à l'OFII en 2010 ;

- Le financement des 20 410 places de CADA (auxquelles s'ajoutent 246 places de transit et 33 places réservées aux mineurs isolés demandeurs d'asile) représente un coût prévisionnel de 195,6 M€ en 2009 (LFI) et 202,63M€ en 2010. La prise en charge en CADA comprend, outre l'hébergement, un accompagnement social, administratif et médical des personnes hébergées. Elle inclut également le versement d'une allocation mensuelle de subsistance, dans des conditions précisées dans l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du CASF. Le coût de cette allocation est inclus dans la dotation globale de financement de chaque centre, négociée au plan local sur la base d'un prix moyen journalier de référence de 25,90 € ;

- Par ailleurs, les demandeurs d'asile ayant accepté l'offre de prise en charge en CADA peuvent percevoir l'ATA (10,54 € par jour soit 316,20 € par mois en 2009, 10,67 € par jour soit 320,10 € par mois en 2010) en attendant qu'une place correspondant à leurs besoins soit disponible. Le coût de cette allocation est évalué à 30 M€ en LFI pour 2009 et 53 M€ en 2010 ;

- Les demandeurs d'asile peuvent également être pris en charge dans l'une des 4 222 places d'hébergement d'urgence, dont 1 500 relèvent d'un dispositif à gestion nationale, financées sur l'enveloppe de 30 M€ inscrite en LFI pour 2009 (même montant demandé pour 2010). Le prix moyen journalier de référence d'une place d'hébergement d'urgence est de 17,96 € en 2009. Il s'agit d'un coût théorique, qui ne tient compte ni des divers secours d'urgence (alimentaire, vestimentaire, etc.) qui représentent environ 13 % des dépenses d'urgence déconcentrées, ni des coûts réels, variables d'un département à l'autre. En outre, une enquête menée auprès des services déconcentrés en charge du suivi de l'hébergement d'urgence a fait apparaître une surévaluation du coût moyen journalier national d'une place d'hébergement d'urgence. Dans ce contexte, on estime à 14,52 € le coût moyen d'une place d'urgence en 2010 ;

- Enfin, la circulaire du 7 décembre 2006 définit les conditions d'attribution de l'aide au retour volontaire pour les étrangers en situation irrégulière ou en situation de dénuement. Ce dispositif peut notamment permettre d'offrir aux personnes déboutées de leur demande d'asile une perspective de réinstallation dans leur pays d'origine à la sortie du CADA. L'aide octroyée comprend la prise en charge des frais de voyage du demandeur d'asile et de sa famille, une aide individuelle à la préparation au départ, une aide financière d'un montant de 2 000 € par adulte, de 3 500 € pour un couple marié, puis de 1.000 € par enfant mineur jusqu'au troisième enfant et de 500 € à partir du quatrième.

B. L'ACCROISSEMENT DU DÉLAI D'EXAMEN DES DEMANDES D'ASILE

Le coût global de la prise en charge des demandeurs d'asile résulte non seulement du volume de la demande, mais également du délai de traitement de ces demandes. A cet égard, la situation s'est récemment détériorée.

1. Un délai de traitement des demandes par l'OFPRA qui a recommencé à augmenter progressivement.

Les missions de l'OFPRA figurent désormais dans le contrat d'objectifs et de moyens qui a été conclu entre l'OFPRA et l'Etat le 9 décembre 2008 conformément à la décision du conseil de modernisation des politiques publiques. Le contrat prévoit également le renseignement trimestriel d'un certain nombre d'indicateurs de suivi, qui permettront à un comité de suivi du contrat, qui se réunira à mi-parcours de son exécution, d'évaluer le respect des objectifs fixés. Il fixe enfin les moyens affectés à l'Office sur la période, en termes d'effectifs (les effectifs demeureront stables de 2009 à 2011) et de crédits alloués par l'État dans le cadre de sa subvention annuelle pour charges de service public (32M€ en 2010 contre 30,5M€ en 2009).

Entre 2006 et 2008, les délais moyens « toutes décisions » (comprenant les réexamens) et « premières demandes » étaient en constante diminution, pour atteindre respectivement 127,1 jours et 100,5 jours en 2008. En 2009, ce délai est cependant en augmentation par rapport à 2008. Pour le 1 er semestre 2009, les délais moyens de traitement sont respectivement de 140,1 jours et de 116,8 jours.

Cette nouvelle évolution des délais est liée à l'accroissement du nombre de dossiers en instance. Face à l'augmentation des premières demandes depuis le mois de septembre 2008, l'activité de l'Office, malgré une multiplication du nombre de décisions (+9,5% pour le 1er semestre 2009), n'est pas en mesure de résorber le flux . Parallèlement à cette augmentation, l'âge médian du stock est passé de 74 jours en septembre 2008 à 92 jours en juin 2009. Ce vieillissement du stock a donc des conséquences inévitables sur le calcul du délai moyen de traitement.

Année

Délai moyen sur 1ères demandes

Délai moyen toutes décisions

Délai médian

2002

324.0

Non disponible

Non disponible

2003

258.0

2004

130.0

91

2005

108.0

83

2006

140.8

110.0

106

2007

130.2

105.1

97

2008

127.1

100.5

108

2009 (*)

140.1

116.8

130

2009 (*) Données provisoires 6 mois

Source : MIIINDS

Le projet annuel de performance (2009) du programme « Immigration et asile » a fixé, comme valeur cible pour le délai moyen de traitement des demandes d'asile, 95 jours en 2009, 93 jours en 2010 et 90 jours en 2011. En tenant compte de l'évolution de la demande au cours du premier semestre 2009, il est peu probable que l'objectif de 95 jours puisse être atteint en 2009 . En effet, la productivité de l'office a déjà beaucoup progressé depuis 2008 et, avec un nombre d'agents instructeurs qui reste fixé à 110, qui rendent chacun près de deux décisions par jour, il est peu probable que le rythme de traitement des demandes puisse encore être augmenté.

Cependant, l'augmentation du délai de traitement devant l'OFPRA reste relativement contrôlée est s'avère finalement moins préoccupante que la persistance de délais beaucoup plus longs de traitement des demandes par la Cour nationale du droit d'asile.

2. Une réforme de la Cour nationale du droit d'asile qui n'a pas encore porté ses fruits

L'article 29 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a modifié la dénomination de la Commission des recours des réfugiés devenue la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) .

Depuis le 1er janvier 2009, la CNDA est administrativement et financièrement indépendante de l'OFPRA 9 ( * ) . Le budget et les personnels de la Cour nationale du droit d'asile sont rattachés au budget et au personnel du Conseil d'Etat. Avec son rattachement au programme "Conseil d'Etat et autres juridictions administratives" la Cour nationale du droit d'asile s'est engagée dans une démarche de diminution de ses délais de jugement qui s'appuie, notamment, sur une réorganisation de son fonctionnement et une amélioration des procédures d'instruction et du déroulement des audiences.

Ainsi, la CNDA a réorganisé son fonctionnement avec l'arrivée de dix nouveaux magistrats 10 ( * ) , dont 7 issus des corps des tribunaux administratifs et 3 de l'ordre judiciaire, qui sont affectés à temps plein à la Cour et qui assurent, depuis le 1er septembre 2009, la présidence des formations de jugement. Cette fonction était jusqu'alors remplie par environ quatre-vingts présidents vacataires, qui par ailleurs exerçaient une profession ou étaient à la retraite. Chacun des nouveaux magistrats assure la présidence de deux à trois audiences par semaine, alors que les présidents non professionnels conduisent au mieux quatre à cinq audiences par mois. Grâce à cette intensification des audiences ayant le même président, les affaires qui sont l'objet d'un renvoi pourront être examinées à l'issue d'un délai supplémentaire de seulement quelques semaines, contre trois à quatre mois auparavant. Les dix présidents permanents peuvent ainsi conduire entre 35 et 40 % des audiences.

Par ailleurs, la CNDA a procédé à une réforme du déroulement des audiences , en supprimant notamment le nombre minimum d'affaires enrôlées par audience, afin de diminuer le taux élevé de renvois (36 % constaté en 2009) qui est un facteur d'allongement du délai de traitement. En effet, la disposition de l'arrêté interministériel du 20 juin 2008 fixant un nombre minimum de 15 affaires inscrites par audience conduisait, du fait de la présence quasi systématique d'un avocat et de la complexité croissante des dossiers, au renvoi de nombreuses affaires à une audience ultérieure. Le président de la juridiction peut désormais fixer le nombre d'affaires qui peuvent être raisonnablement traitées au cours d'une audience en fonction de leur plus ou moins grande complexité. En contrepartie, la juridiction organisera un plus grand nombre d'audiences.

Malgré ces réformes, les délais de jugement de la CNDA sont encore très longs . Cependant, une diminution a été amorcée. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, calculé en divisant le nombre de dossiers en stock en fin d'année par la capacité annuelle de jugement, était de 10 mois et 17 jours en 2007, de 9 mois et 25 jours en 2008 et devrait atteindre 9 mois en 2009 , quand l'objectif de 8 mois et 15 jours figurait dans le projet annuel de performances pour 2009. Selon le projet annuel de performances pour 2010, cet accroissement par rapport aux prévisions initiales s'explique, d'une part, par l'augmentation du nombre de recours (en progression de 14 % sur les sept premiers mois de 2009 par rapport à la même période de 2008), d'autre part par la hausse du taux de renvoi des affaires enrôlées (c'est-à-dire dont la date de l'audience a été fixée) qui dépasse 36 %, quand elle était de 29,4 % un an plus tôt, hausse due à l'augmentation du nombre des affaires plaidées, conséquence de l'élargissement de l'aide juridictionnelle.

La proportion des affaires en stock enregistrées depuis plus d'un an devant la Cour est aussi en diminution : supérieure au tiers du stock fin 2007, elle s'est établie au-dessus du quart en 2008 et devrait rester à ce niveau en 2009.

Il paraît indispensable que la CNDA poursuive dans cette voie afin de continuer à faire baisser le délai de traitement plus rapide des demandes. Il convient à cet égard de souligner que l'embauche des dix nouveaux magistrats professionnels est encore récente, et que les progrès attendus de ce nouvel apport ne se manifesteront pleinement que dans le courant de l'année 2010.

3. La hausse du taux d'annulation des décisions de l'OFPRA par la CNDA

Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA par la CNDA a sans doute une influence sur le taux d'appel devant cette juridiction et in fine sur le délai de traitement des demandes. Or, ce taux ne cesse d'augmenter :

Année

Taux d'annulation

2006

15,6%

2007

19,9%

2008

25,6%

1 er semestre 2009

26%

Source : MIIINDS

Il parait certes naturel que la CNDA, juridiction de plein contentieux qui se prononce sur l'ensemble des éléments de fond et de fait versés aux dossiers, puisse avoir connaissance d'éléments dont l'OFPRA ne disposait pas en prenant sa décision et qui sont de nature à justifier une annulation.

De même, l'assistance d'un avocat lors de la procédure devant la CNDA joue sans doute un rôle important . Il est notable à cet égard de constater que la progression du taux d'annulation est proportionnelle à l'augmentation du taux de constitution des avocats devant la juridiction : 80 % des requérants bénéficient aujourd'hui du concours d'un avocat durant la procédure d'instruction de leur recours et lors de l'audience et 96 % des décisions d'annulation rendues au cours des cinq premiers mois de 2009 concernent des requérants assistés d'un avocat.

Il paraît cependant indispensable de progresser dans le sens d'une approche commune de l'OFPRA et de la CNDA, notamment sur l'évaluation de la situation dans les pays d'origine, pour faire baisser le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA.

C. DEUX IMPORTANTES RÉFORMES : LA RÉGIONALISATION DE L'ADMISSION AU SÉJOUR DES DEMANDEURS D'ASILE ET LA RATIONALISATION DE LA GESTION DES CADA

1. La régionalisation de l'accueil des demandeurs d'asile

La régionalisation de l'accueil des demandeurs d'asile, expérimentée depuis juin 2006 à l'initiative du Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI), a été poursuivie en 2009. Après une expérimentation en Haute-Normandie et en Bretagne, des arrêtés des ministres de l'intérieur et de l'immigration, publiés au Journal officiel les 19 et 20 mars 2009, ont pérennisé le dispositif dans six autres régions : Poitou-Charentes, Franche-Comté, Auvergne, Picardie, Limousin et Lorraine, et lancé une nouvelle expérimentation dans 8 nouvelles régions : Nord-Pas-de-Calais, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur pour une durée d'un an.

Dans ces régions, les préfectures de chef-lieu de région centralisent l'ensemble des demandes d'asile . Le préfet du département chef-lieu de région est seul compétent pour délivrer ou refuser l'autorisation provisoire de séjour aux demandeurs d'asile et pour faire une offre d'hébergement en CADA.

Du fait de l'importance des flux de demandes d'asile qui y sont accueillis, la région Île-de-France ne sera pas concernée par la régionalisation. Par ailleurs, les régions Alsace, Midi-Pyrénées, PACA et Rhône-Alpes, qui accueillent également des flux significatifs, devraient compter deux préfectures centralisatrices afin de répartir la charge administrative entre deux pôles régionaux. Enfin, la région Corse, en raison de la faiblesse des flux de demandes d'asile sur son territoire, ne devrait pas être concernée par la réforme.

Les plates-formes associatives qui assuraient dans les départements une mission de premier accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile et qui avaient été mises en place depuis 2002 pour domicilier les demandeurs, les inscrire à la CMU, les renseigner sur leurs droits ou encore les aider à trouver un hébergement d'urgence, sont progressivement supprimées au profit de plates-formes régionales gérées soit par les directions territoriales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; soit par une structure associative conventionnée par l'OFII dans le cadre d'une mise en concurrence préalable des associations; soit enfin par les directions territoriales de l'OFII en complémentarité avec une association conventionnée.

Votre rapporteur regrette que les modalités et les améliorations attendues de cette réforme ne fassent pas l'objet de davantage d'explications au sein du PAP.

2. Un effort de rationalisation des CADA

Les crédits demandés pour les CADA en 2010 s'élèvent à 202,63 millions d'euros en AE et en CP, contre 195,6 millions d'euros en LFI 2009, soit une hausse de 3,6 % . Les dépenses liées aux CADA représentent ainsi plus de 63,5 % des dépenses de l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » et 42% du total des coûts du programme « Immigration et asile ». La maîtrise de ces crédits au sein d'un budget globalement contenu revêt donc une importance particulière.

Le ministère a ainsi prévu de mettre en place un système de contrôle de gestion à partir d'une étude effectuée en 2006 auprès de CADA ayant des caractéristiques variées. Un appel d'offres pour la conception d'une application de contrôle de gestion a été lancé en 2009 et la conception devrait démarrer à la fin de l'année, pour un déploiement en 2010. La difficulté en la matière réside dans l'hétérogénéité des CADA (résidences ou ensemble de logements, la capacité d'hébergement variant entre 2 et 210 places environ), qui rend difficile la formulation d'un coût moyen par structure ou par place. Ainsi, les grandes structures doivent comporter des animateurs, des personnels d'entretien, des veilleurs de nuit, qui ne sont pas nécessaires dans les logements dispersés.

a) Une augmentation soutenue du nombre de places

Le nombre de places en CADA a bénéficié d'un effort important dans le cadre du plan de cohésion sociale associé à la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 : l'objectif de disposer de 20.000 places de CADA à la fin 2007 a ainsi été atteint. Au total, le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile comprend à présent 271 CADA, deux centres de transit et un centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile, soit au total 20.689 places . En outre, 1 000 places supplémentaires devraient être créées en 2010 .

Le pourcentage d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure est en progression, passant de 46 % en 2006 à 55 % au deuxième trimestre 2009. Cette progression est un élément positif dans la mesure où ce type d'hébergement accompagné est le mieux adapté aux besoins des demandeurs d'asile. En effet, ces centres offrent des prestations d'accompagnement social et de suivi administratif des demandes auprès de l'OFPRA ou de la CNDA.

Le taux d'occupation des places se maintient également à un niveau élevé, supérieur à 98 % au 30 juin 2009, sans doute proche d'un optimum compte tenu de la taille du parc.

b) Une durée d'hébergement difficile à réduire

Le nombre total de sorties de personnes hébergées dans les CADA (11.817 en 2008) est en progression de 10,2 % par rapport à 2007. Toutefois, la durée moyenne de séjour a augmenté de 1,6 % par rapport à 2007 (557 jours en 2008 contre 548 en 2007). Cet allongement de la durée moyenne de prise en charge résulte principalement de celui des délais d'instruction des recours formés contre les décisions de rejet de l'OFPRA, puisque, en parallèle, les délais moyens de sortie des personnes ayant obtenu le statut de réfugié et des déboutés sont en baisse par rapport à 2007, respectivement de 10 % et de 31 %.

Des difficultés persistent pour trouver des solutions de sortie rapide aux personnes qui ne devraient plus être hébergées en CADA, réfugiées ou déboutées . Le pilotage renforcé du dispositif national d'accueil a toutefois déjà permis des évolutions favorables, tout comme les actions menées en faveur de l'insertion des réfugiés (accès à l'emploi et au logement) et le développement de l'aide au retour volontaire des déboutés.

En outre, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 30 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, le ministère a décidé d'organiser la généralisation progressive, commencée dès 2008, de la méthode du projet « Accelair », porté par l'association Forum réfugiés depuis 2002 dans le département du Rhône, et dont les résultats en matière d'accès à l'emploi et au logement des réfugiés sont particulièrement encourageants. Ce transfert est en cours dans la région Rhône-Alpes, mais également dans les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes et la Loire-Atlantique.

Enfin, la mise en oeuvre effective des règles nouvelles relatives à la sortie des centres fixées par le décret n° 2007-399 du 23 mars 2007 relatif aux CADA (article R.348-3 du CASF) a facilité la sortie des CADA : la durée de maintien dans les centres après la notification de la décision définitive sur la demande d'asile est désormais limitée à trois mois renouvelables une fois avec l'accord du préfet s'agissant des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, et à un mois s'agissant des personnes dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision définitive défavorable.

D. LA QUESTION DE L'ATTRIBUTION DE L'ATA AUX RESSORTISSANTS CONCERNÉS PAR LA « PROCÉDURE PRIORITAIRE »

1. Les cas d'exclusion de l'ATA

En vertu de l'article L 741-4 du CESEDA, l'admission en France d'un étranger demandeur du bénéfice de l'asile peut-être refusée pour quatre motifs :

- 1°les demandeurs dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat (Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dit « Dublin II » ;

- 2°les ressortissants de pays considérés comme des pays d'origine sûrs ; ou les ressortissants des pays pour lesquels ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève (les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, la personne ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité) ;

- 3°les personnes représentant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sureté de l'Etat ;

- 4°les personnes soupçonnées de fraude délibérée ou de recours abusif.

Dans ces quatre cas l'étranger, n'étant pas admis au séjour, ne peut pas obtenir une autorisation provisoire de séjour auprès du préfet (L.742-1 et R.742-1), ni par la suite un récépissé de demande d'asile auprès de l'OFPRA par l'intermédiaire du préfet (prévu à l'article R.742-2).

Or, l'article L.5423-8 du code du travail prévoit que peuvent bénéficier de l'ATA « Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources ». Pôle emploi vérifie ainsi l'existence de ce récépissé auprès de l'OFPRA. Faute de récépissé, ces demandeurs ne peuvent donc pas bénéficier de l'ATA.

Par ailleurs, l'article L.5423.9 du code du travail prévoyait expressément que certaines personnes ne peuvent pas bénéficier de l'allocation temporaire d'attente (qu'elles aient un récépissé ou pas) : ce sont les personnes entrant dans la catégorie 2° de l'article L.741-4 déjà cité (ressortissants de pays considérés comme des pays d'origine sûrs ; ou les ressortissants des pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1 er de la convention de Genève).

2. L'arrêt CE 16 juin 2008 et ses conséquences

Or, le Conseil d'Etat a annulé deux dispositions du décret n° 2006-1380 du 13 novembre 2006 précité qui avait été pris en application de l'article L.5423-9 du code du travail, en raison de la non-conformité de cet article à la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003.

En effet, cette directive s'applique, selon le Conseil, à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un Etat membre, tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile. L'article 13 de cette directive dispose ainsi que « les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils introduisent leur demande d'asile » et que « les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs ».

Prenant acte de cet arrêt du Conseil d'Etat, le législateur a introduit dans la LFI 2009 un article supprimant la disposition de l'article L.5423-9 du code du travail non conforme à la directive du 27 janvier 2003.

En toute logique, il devrait résulter de cette modification législative que, au sein des personnes dont l'admission en France peut être refusée sur le fondement de l'article L.741-4 du CESEDA, les personnes de la catégorie 2° (originaire de pays sûrs...) sont éligibles à l'ATA.

Cependant, le maintien de la condition du récépissé à l'article L.5423-8 du code du travail empêche toujours ces personnes d'obtenir l'ATA . Ceci nous a été confirmé par les services de Pôle Emploi, qui ne versent l'ATA que s'ils reçoivent de l'OFPRA le récépissé.

Le service de l'asile du ministère de l'immigration a reconnu un « flou » sur ce point. Il a toutefois indiqué qu'une circulaire allait être signée très prochainement pour indiquer à Pôle emploi que les personnes visées par l'article L.741-4 2° peuvent bien bénéficier de l'ATA.

III. UN RÉÉQUILIBRAGE EN FAVEUR DE L'IMMIGRATION PROFESSIONNELLE

A. DES DISPOSITIFS NOMBREUX À L'EFFICACITÉ INÉGALE

1. Des résultats globalement encourageants

Le rééquilibrage de l'immigration en faveur de l'immigration économique ou professionnelle est un engagement du Président de la République. La lettre de mission au ministre de l'immigration invite ce dernier à porter cette forme d'immigration à 50 % du flux total des entrées à fin d'installation durable en France .

Les dernières années ont effectivement vu se réaliser un rééquilibrage entre l'immigration familiale et l'immigration professionnelle . Ainsi, entre 2006 et 2008, les parts respectives de l'immigration familiale et de l'immigration professionnelle dans l'immigration durable (hors saisonniers et étudiants) sont passées de 81,2 % et 17,6 % à 65 % et 24,4 %.

Entre 2007 et 2008 a eu lieu une augmentation de + 33 % du flux d'immigration professionnelle « salarié ». Pour 2009, les premières estimations donnent une croissance de 9% pour les titres professionnels et une baisse de 7,6% pour l'immigration familiale. Quant aux titres de séjour délivrés pour l'ensemble des motifs professionnels, on note une progression entre 2007 et 2008 de 54,5 % avec 27.994 titres délivrés sur ce fondement en 2008 contre 18.119 l'année précédente .

TITRES

ANNÉE

motif n1

motif n2

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Professionnel

1 - Compétences et talents

5

182

2 - Actif non salarié

1 140

475

488

681

804

1 100

980

3 - Scientifique

1 377

1 376

1 274

1 318

1 404

1 594

1 948

4 - Artiste

340

420

328

340

241

285

293

5 - Salarié

16 341

8 014

7 121

7 567

7 479

11 210

16 593

6 - Saisonnier ou temporaire

5 424

5 248

4 917

4 573

4 542

3 925

7 998

Total Professionnel

24 622

15 533

14 128

14 479

14 470

18 119

27 994

Familial

1 - Famille de Français

46 981

60 747

59 140

56 646

55 656

50 552

49 054

2 - Membre de famille d'un étranger en France

23 617

23 808

23 744

23 502

19 929

19 704

18 469

3 - Liens personnels et familiaux

7 137

11 289

13 724

14 542

22 759

17 463

15 473

Total Familial

77 735

95 844

96 608

94 690

98 344

87 719

82 996

Etudiants

Etudiant et stagiaire

60 035

57 730

52 964

48 892

47 192

47 866

- 74 -

52 812

Total Etudiants

60 035

57 730

52 964

48 892

47 192

47 866

52 812

Divers

1 - Visiteur

6 671

6 044

5 828

5 400

5 684

5 385

4 600

2 - Etranger entré mineur

2 318

2 025

2 551

2 664

2 805

2 936

3 000

3 - Admission exceptionnelle au séjour

2 957

3 973

3 155

2 696

2 695

1 541

1 859

4 - Rente accident du travail

207

123

74

41

64

75

100

5 - Ancien combattant

408

489

536

372

320

301

257

6 - Retraité ou pensionné

551

1 481

2 382

2 469

2 278

1 649

1 396

7 - Motifs divers

2 592

1 195

916

727

493

418

446

Total Divers

15 704

15 330

15 442

14 369

14 339

12 305

11 658

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

8 887

11 330

13 424

14 836

9 851

9 264

10 272

2 - Asile territorial/protection subsidiaire

213

157

232

348

376

523

730

3 - Etranger malade

4 278

5 640

7 580

7 315

6 568

5 680

5 697

4 - Victime de la traite des êtres humains

22

Total Humanitaire

13 378

17 127

21 236

22 499

16 795

15 467

16 721

Total

191 474

201 564

200 378

194 929

191 140

181 476

192 181

Source : MIIINDS .

Cependant, il faut garder à l'esprit en observant ces chiffres que les autorisations de travail résultent plus souvent de changements de statut que d'une immigration directe. Ainsi, selon un rapport de l'ANAEM, en 2006, 68,5 % des travailleurs permanents admis au séjour n'entraient pas physiquement sur le territoire national mais bénéficiaient d'un changement de statut : d'étudiant, visiteur ou encore travailleur irrégulier à salarié. Pour les ressortissants d'Afrique subsaharienne, l'admission au séjour au titre du travail résultait même à 94,2 % d'un changement de statut.

Inversement, de nombreux étrangers entrent sur le marché du travail sans être comptabilisés parmi les immigrés professionnels parce qu'ils sont titulaires d'un titre de séjour non professionnel, par exemple familial. Ces entrées indirectes sur le marché du travail sont en réalité beaucoup plus nombreuses que les entrées directes. Malheureusement, elles correspondent souvent à une entrée dans le chômage puisque celui-ci est d'environ 25 % pour les étrangers en 2009.

L'indicateur de l'immigration professionnelle

Pour la deuxième année consécutive, le PAP « Immigration, asile et intégration » comprend un objectif n°1 « favoriser l'immigration de travail » assorti d'un indicateur 1.1 : « Pourcentage des étrangers admis au séjour au titre de l'immigration de travail (hors nouveaux états membres de l'UE).

Notons que cet indicateur est affecté du même défaut que les statistiques qui servent à l'établir : il ne permet pas de distinguer des étrangers qui arrivent sur le territoire français au titre de l'immigration de travail les étrangers déjà présents en France mais qui changent de statut, en général pour passer de celui d'étudiant à celui de travailleurs, ou encore les étrangers en situation irrégulière qui se voient délivrer un titre.

Pourcentage des étrangers admis au séjour au titre de l'immigration de travail (hors nouveaux Etats membres de l'UE)

2007
Réalisation

2008
Réalisation

2009
Prévision PAP 2009

2009
Prévision actualisée

2010
Prévision

2012
Cible

Pourcentage des étrangers admis au séjour au titre de l'immigration de travail (hors nouveaux Etats membres de l'UE)

14,0

21,5*

25

30

37

50

* données provisoires. Les données définitives de l'année n sont arrêtées au 31/12 de l'année n+1

Sources : MIIINDS - service de la stratégie - département des statistiques, des études et de la documentation

2. Une panoplie d'instruments aux succès inégaux

a) Les instruments créés par la loi du 2 juillet 2006 : des résultats encourageants mais encore insuffisants

La loi du 2 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a créé plusieurs dispositifs visant à développer l'immigration professionnelle, dont le succès est variable.

Les principaux dispositifs visant à développer l'immigration professionnelle

- l'article L 311-11 du CESEDA permet la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable à l'étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité. Pendant la durée de cette autorisation, le titulaire de l'APS est autorisé à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à 1,5 fois le salaire minimum de croissance . En 2008, seules 708 autorisations provisoires de séjour ont été délivrées sur ce fondement. Ce succès mitigé est en partie dû au fait que les étudiants n'attendent pas la fin de leurs études pour nouer une relation contractuelle avec un employeur ;

- la carte « compétences et talents » commence à rencontrer son public après un départ difficile : elle a été délivrée à 470 ressortissants étrangers en 2008 dont 182 primo-arrivants . Sur les sept premiers mois de l'année, elle a été délivrée à 326 ressortissants étrangers contre 112 sur la même période en 2008, majoritairement d'origine asiatique. La carte concerne par ordre décroissant des projets de nature économique, puis artistique et enfin scientifique. Le nombre de titres délivrés pour ce motif devrait connaitre une légère augmentation en 2009 ;

- la carte « salarié en mission » peut être délivrée à tout ressortissant étranger salarié d'une entreprise française, ou détaché en France, dans le cadre d'une mobilité intragroupe, dès lors que sa rémunération brute est au moins équivalente à 1,5 fois le SMIC. Cette carte donne à son titulaire un droit au séjour de 3 ans renouvelables, alors que la carte « salarié » traditionnelle n'est valable qu'un an. Elle lui permet également, après six mois de présence en France, d'être accompagné par sa famille le temps de son détachement en France. Cette carte a été créée pour répondre aux attentes du monde économique, qui souhaite que l'introduction de salariés étrangers au sein d'un même groupe soit traitée de façon adaptée : les titulaires de cette carte sont ainsi exonérés de la signature d'un Contrat d'accueil et d'intégration (CAI) . La carte a été délivrée à 1 839 ressortissants étrangers en 2008. Sur les sept premiers mois de l'année 2009, elle a été délivrée à 1 247 ressortissants étrangers contre 685 sur la même période en 2008 , ce qui représente une progression de 82% ;

- la carte « saisonnier » a été nettement moins délivrée en 2009 qu'en 2008. Sur les sept premiers mois de l'année, elle a été délivrée à 1780 ressortissants étrangers contre 3173 sur la même période en 2008, ce qui représente une diminution de 44%. La diminution du nombre de titres délivrés s'explique en partie par le fait que les employeurs agricoles recrutent habituellement les mêmes saisonniers d'année en année. Or, ceux-ci ont acquis la carte « saisonnier » l'année dernière, et cette carte a une validité triennale. En outre, les travailleurs saisonniers polonais ne sont plus soumis à l'obligation du titre de séjour ;

- la nouvelle procédure d'admission exceptionnelle au séjour en raison de l'exercice d'une activité professionnelle a permis à 2 536 ressortissants étrangers de venir travailler en France en 2008 ;

- il convient d'ajouter à ces dispositifs la nouvelle carte de résident « contribution économique exceptionnelle » issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et du décret n° 2009-1114 du 11 septembre 2009. Pour être éligible à ce titre de séjour d'une durée de dix ans, le demandeur doit remplir l'une des deux conditions suivantes : créer ou sauvegarder au moins cinquante emplois en France ou effectuer ou s'engager à effectuer sur le territoire français un investissement d'au moins dix millions d'euros seul ou par le biais d'une société qu'il dirige et dont il détient au moins 30 % du capital. L'objectif de ce dispositif pour 2010 ne dépasse cependant pas 200 cartes attribuées.

b) L'ouverture des métiers où s'expriment des besoins de main d'oeuvre manifestes
(1) Les pays tiers à l'Union européenne

La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a introduit une disposition législative modifiant l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour autoriser l'introduction d'un travailleur étranger en France dans des métiers où s'expriment des besoins de main d'oeuvre manifestes sans que puisse être opposée la situation de l'emploi . Ces dispositions concernent les ressortissants des pays tiers à l'Union européenne puisque des dispositions spécifiques s'appliquent aux ressortissants communautaires (voir ci-dessous).

Les partenaires sociaux ont été consultés le 23 octobre 2007 sur les listes régionales des métiers ouverts. Ces listes ont été publiées en annexe d'un arrêté du 18 janvier 2008. Six métiers sont ainsi communs à l'ensemble des régions, mais seules deux régions ont fixé une liste comprenant les trente métiers possibles recensés à l'échelle nationale (Alsace et Rhône-Alpes).

La part de ces métiers dans les autorisations de travail délivrées par les DDTEFP s'élève en 2008 à 8 % mais avec de très fortes variations entre les régions. Cette part est ainsi de 27 % en Midi-Pyrénées, de 24% en Bretagne et est supérieure à 10% en Picardie, dans le Centre et en Île-de-France. A l'inverse, elle est inférieure à 2 % en Corse, en Basse-Normandie, en Auvergne et dans le Limousin. La moyenne de 8 % d'autorisations de travail accordées dans les métiers concernés est certes peu élevée mais la liste des métiers concernés ne représentait que 4 % des offres d'emplois proposées par l'ANPE en décembre 2007.

Les métiers ayant le plus profité de cette procédure sont ceux de l'informatique (70 % de l'ensemble des autorisations de travail délivrées pour les métiers figurant sur la liste des métiers ouverts sans opposition de l'emploi) et le BTP (15 %) . A l'inverse, certains métiers de la liste n'ont bénéficié d'aucune autorisation de travail (par exemple les façonneurs de bois).

Le ministère a indiqué qu'une réflexion sur la pertinence du choix des métiers mentionnés sur ces listes était en cours.

(2) Les nouveaux Etats membres de l'Union européenne.

Le traité d'adhésion, signé le 16 avril 2003, énonçait les conditions de la libre circulation des travailleurs à partir et à destination des nouveaux États membres, après l'élargissement de l'Union européenne, le 1 er mai 2004. Les 15 États précédemment membres de l'UE avaient décidé la mise en place d'un régime transitoire, se donnant ainsi la possibilité de restreindre cette liberté pendant une période s'ouvrant le 1 er mai 2004 et devant durer, au plus, jusqu'en 2011. Les États membres de l'UE-15 ne pouvaient prolonger ces mesures restrictives, pour une période de deux ans seulement, que s'ils constataient l'existence ou un risque de graves perturbations sur leur marché de l'emploi.

En France, le Comité interministériel sur l'Europe du 13 mars 2006 a retenu, sur le fondement de l'article 23 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, le choix d'une ouverture de l'accès à l'emploi limitée à 61 métiers en difficulté de recrutement , dont la liste a été publiée en annexe d'une circulaire du 29 avril 2006 et pour lesquels l'autorisation de travail a pu être délivrée sans opposition de la situation de l'emploi. Cette liste a été élargie par arrêté du 18 janvier 2008 à 150 métiers couvrant 40 % des offres d'emploi enregistrées à l'ANPE.

Enfin, par un nouvel arrêté du 24 juin 2008, le marché de l'emploi a été ouvert dans sa totalité aux ressortissants des États concernés au 1 er juillet 2008, soit près d'un an avant l'échéance initialement prévue. En effet, il n'est pas apparu nécessaire de prolonger cette phase de transition, dès lors que le flux migratoire annuel de travailleurs salariés issus de ces États restait limité, même après l'élargissement de la possibilité de recruter sans opposition de la situation de l'emploi dans 150 métiers.

Le tableau ci-dessous récapitule les statistiques de 2004 à 2008 et pour les huit premiers mois de 2009 relatives à la délivrance d'un premier titre de séjour aux ressortissants étrangers soumis à autorisation de séjour.

Pays et activités

Année

2004

2005

2006

2007

2008

2009

10 nouveaux

Etats membres

de l'Union

européenne

(NEM)

Motifs professionnels

2 - Actif non salarié

144

304

369

740

756

216

3 - Scientifique

103

116

94

63

30

4

4 - Artiste

75

41

46

22

8

8

5 - Salarié

1 071

1 675

1 975

5 331

4 918

1 028

dont salarié en mission

0

0

0

6 - Saisonnier ou temporaire

589

438

308

212

972

660

Total 10 NEM

1 982

2 574

2 792

6 368

6 684

1 916

Pays tiers

Motifs professionnels

1 - Compétences et talents

5

182

138

2 - Actif non salarié

344

377

435

360

224

36

3 - Scientifique

1 171

1 202

1 310

1 531

1 918

727

4 - Artiste

253

299

195

263

285

94

5 - Salarié

6 050

5 892

5 504

5 879

11 675

4 769

dont salarié en mission

58

1 499

766

6 - Saisonnier ou temporaire

4 328

4 135

4 234

3 713

7 026

1 543

Total Pays tiers

12 146

11 905

11 678

11 751

21 310

7 307

Total 10 NEM + Pays tiers

14 128

14 479

14 470

18 119

27 994

9 223

Source : MIIINDS.

Ainsi, on constate la modération des flux annuels d'entrée de travailleurs issus des nouveaux Etats membres de l'Union européenne , même s'ils ont connu une croissance sensible, le nombre de titres délivrés en 2007 étant trois fois supérieur à celui de 2004. La forte baisse, en 2009, du nombre de titres délivrés aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'U.E. s'explique par le fait que, depuis le 1er juillet 2008, ne sont plus assujettis à une autorisation de séjour et de travail, parmi les ressortissants de ces Etats, que les Bulgares et les Roumains.

c) Les régularisations exceptionnelles au titre de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007

Une circulaire du 7 janvier 2008, prise en application de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, a organisé la délivrance de cartes de séjour « salarié » au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, procédure qui permet de ne pas exiger le visa de long séjour . Cette circulaire comportait une liste limitative de métiers pour lesquels l'admission exceptionnelle au séjour était possible.

Or, à la suite d'une requête du GISTI, le Conseil d'Etat a annulé par un arrêt du 23 octobre 2007 cette circulaire au motif que la procédure d'admission exceptionnelle au séjour ne pouvait être limitée par une liste de métiers dès lors que la loi ne prévoyait pas cette restriction.

Rappelons que cette circulaire avait suscité une forte attention des médias et de certains étrangers en situation irrégulière mais exerçant un emploi. Il avait notamment été reproché au dispositif de laisser une trop large place à la liberté d'appréciation de l'administration. Les revendications des personnes en situation irrégulière avaient été accompagnées par une action syndicale exigeant des employeurs qu'ils réalisent des démarches pour régulariser leurs employés.

M. Stéphane Fratacci, secrétaire général du MIIINDS, entendu par votre rapporteur, a indiqué que des négociations étaient en cours avec les syndicats pour aboutir à une nouvelle circulaire remplaçant celle du 7 janvier 2008 . Ce texte s'efforcera de concilier le principe d'une admission exceptionnelle au séjour permettant de régulariser la situation de travailleurs dans des métiers en tension, avec la décision du Conseil d'Etat.

d) Des effets sur le travail illégal et les tensions sur certains segments marchés du travail difficiles à évaluer

Un des objectifs affichés par ces différentes mesures est la diminution du travail illégal des immigrés entrés en situation irrégulière . Le ministère n'est cependant pas pour le moment en mesure de mesurer cet effet, car cette analyse suppose une connaissance générale de l'immigration irrégulière, pour laquelle il n'existe pas encore de statistiques (voir ci-dessus).

Un autre objectif, en particulier de l'ouverture des métiers aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne, est la réduction des tensions sur certains segments du marché du travail . Or, la croissance du flux migratoire à caractère professionnel en provenance des nouveaux Etats membres de l'Union européenne semble avoir eu un effet positif mais limité dans l'évolution de ces tensions. En effet, le flux migratoire reste trop faible pour que des métiers en tension cessent véritablement de l'être.

Le flux migratoire intra-européen a certes été perceptible dans le secteur agricole, où les employeurs ont l'habitude d'avoir recours notamment à des travailleurs saisonniers des nouveaux Etats membres de l'UE par l'intermédiaire du bureau de l'OFII à Varsovie. Le nombre de travailleurs saisonniers recensés annuellement par l'OFII issus des nouveaux Etats membres était ainsi de 8 233 en 2005, 10 040 en 2006 et 12 163 en 2007. Cependant, cette progression n'a pas eu d'incidence déterminante sur le marché national de l'emploi où de nombreuses offres d'emploi de saisonniers agricoles restent non pourvues.

B. LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT DES MESURES D'AIDE À L'EMPLOI

Le nombre important d'immigrés au chômage suggère la nécessité de développer les instruments permettant de rapprocher l'ensemble des immigrés primo-arrivants de l'emploi, notamment les immigrés au titre du regroupement familial, et pas seulement ceux qui sont entrés au titre de l'immigration professionnelle proprement dite.

A cet égard, l'instauration d'un bilan de compétence dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) de l'OFII par la loi du 20 novembre 2007 va dans le bon sens. Un total de 41.343 bilans de compétences a ainsi été effectué en 2009, soit 61 % des signatures de CAI.

Par ailleurs, l'OFII consacrera en 2010 30,5 millions d'euros (AE et CP) au titre de la promotion sociale et professionnelle des étrangers primo-arrivants, avec des dispositifs nationaux de soutien à des entreprises et des associations ayant une action dans ce domaine, le dispositif PARP (parcours de réussite professionnelle) introduit à la rentrée 2009 pour les étudiants étrangers ainsi que certains dispositifs territoriaux comme les agents de développement local pour l'intégration (ADLI) financés jusqu'alors par l'ACSE et les collectivités locales, qui peuvent mener des actions de promotion socioprofessionnelle.

Cependant, des liens plus étroits pourraient sans doute être développés avec Pôle emploi pour tenter d'orienter systématiquement vers des emplois les signataires du CAI. M. Stéphane Fratacci, secrétaire général du MIIINDS, a indiqué à votre rapporteur que des réflexions étaient menées dans ce sens.

C. LES CONVENTIONS BILATÉRALES DE GESTION DES FLUX MIGRATOIRES

L'effort pour développer l'immigration de travail s'est également traduit par l'accélération de la signature de conventions bilatérales de gestion des flux migratoires, poursuivant à la fois un objectif d'accroissement du nombre de migrants pour raisons professionnelles et de diminution de l'immigration irrégulière.

Les conventions bilatérales de gestion des flux migratoires

- Accord France-Île Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (ensemble deux annexes), signé à Paris le 23 septembre 2008.

- Accord cadre France-Tunisie du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008, entré en vigueur avec ses protocoles le 1er juillet 2009.

- Accord France-Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Cotonou le 28 novembre 2007.

- Accord France-Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Brazzaville le 25 octobre 2007 et entré en vigueur le 1er août 2009.

- Accord France-Gabon relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 et entré en vigueur le 1er septembre 2008.

- Accord France-Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006 et avenant du 25 février 2008, entrés en vigueur le 1 er août 2009.

Ces accords concernent ainsi pour le moment exclusivement des pays africains. Ils s'appuient parfois sur les nouveaux dispositifs de titres de séjours professionnels : ainsi l'accent a-t-il été mis dans l'accord France-Tunisie sur la carte « compétences et talents ».

Il serait souhaitable que ces dispositifs puissent également bénéficier à d'autres Etats, dont des pays émergeants comme l'Inde ou la Chine. Ceci suppose d'accomplir un effort supplémentaire de promotion à destination de ces pays.

IV. LA QUESTION DES POPULATIONS SENSIBLES

La politique de régulation des flux migratoires ne peut recueillir l'assentiment le plus large que si elle s'exerce avec humanité. A cet égard, cette politique doit toujours faire la preuve qu'elle prend en compte la situation des plus faibles, en particulier des mineurs isolés et des étrangers malades.

Concernant les mineurs isolés, il convient de rappeler que la France est signataire de la Convention internationale du 26 janvier 1990 sur les droits des enfants (Convention de New-York) . L'article 3 de cette convention dispose notamment que « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

A. LE PROBLÈME DES MINEURS ISOLÉS

1. L'arrivée des mineurs isolés sur le territoire national

a) Une évaluation imprécise du nombre de mineurs isolés

Les outils statistiques actuels ne permettent pas de recenser au niveau national les mineurs isolés s'étant présentés à la frontière . En revanche, les mineurs, isolés ou non, ayant fait l'objet d'une mesure de non-admission, sont comptabilisés par le logiciel PAFISA depuis janvier 2006. Par ailleurs, il existe des données pour l'aéroport ROISSY-Charles de Gaulle, principal point d'entrée sur le territoire.

En 2008, 1.116 mineurs au total n'ont pas été admis en métropole. A l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, 1 000 étrangers se sont déclarés mineurs isolés en 2008 contre 822 en 2007 (818 étaient âgés de plus de 13 ans et 182 étaient âgés de moins de 13 ans). Sur ces 822 personnes s'étant présentées en 2007, 680 ont été déclarés réellement mineurs après examen ; parmi ces derniers, 455 avaient plus de 13 ans, et 225 moins de 13 ans. En outre, 424 sur 680, c'est-à-dire 62 %, ont été effectivement admis, à des titres divers, sur le territoire.

b) Un régime juridique qui diffère peu de celui des adultes

Pour l'essentiel, le Code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile traite de la même manière les majeurs et les mineurs. Ainsi, le mineur peut rester jusqu'à 20 jours dans la zone d'attente - appelée ZAPI 3 à l'aéroport de Roissy. La loi n°2002-305 du 4 mars 2002 (article L.221-5 du CESEDA) relative à l'autorité parentale, complétée par le décret du 2 septembre 2003, a cependant prévu la mise en place d'un administrateur ad hoc au profit des mineurs étrangers isolés . Le parquet des mineurs de Bobigny, averti par la police aux frontières, est chargé de la désignation de cet administrateur. Celui-ci a pour mission, d'une part, d'assister le mineur étranger isolé durant son maintien en zone d'attente et de le représenter dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien, ainsi que dans toutes celles afférentes à son entrée sur le territoire national, d'autre part, d'assister et de représenter ce mineur dans le cadre de procédures relatives à la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié qu'il aura pu former. Sur 1.000 mineurs déclarés en 2008, un administrateur ad hoc a été désigné à 905 reprises, soit dans environ 90 % des cas, contre environ 87 % en 2008 et 77 % en 2007.

En cas de doute sur son âge réel, les services de la police aux frontières requièrent les services hospitaliers aux fins de réaliser un examen osseux permettant d'estimer l'âge de l'intéressé. En tout état de cause, le procureur de la République est informé des faits. Le résultat de cet examen lui est communiqué et il lui appartient d'apprécier si l'étranger doit être considéré comme majeur ou mineur et si la procédure de désignation de l'administrateur ad hoc est ou non applicable.

La mission de l'administrateur ad hoc, que seule la Croix-Rouge Française assurait auparavant, a été partagée au profit d'une deuxième association (Famille assistance), à partir du second semestre 2008. Votre rapporteur souligne qu'il est nécessaire de tendre le plus rapidement possible vers un taux de 100 % de désignation. En effet, la présence de cet administrateur ne doit pas s'interpréter comme un droit supplémentaire ou une procédure destinée à entraver l'activité des services de police, mais comme le corollaire indispensable de la minorité des individus, qui les rend juridiquement incapables.

Pour le moment, si l'administrateur n'est pas entré en contact avec le mineur au bout de quatre jours, le juge des libertés et de la détention considère ce fait comme une atteinte majeure aux droits du mineur isolé, et celui-ci accède de facto au territoire national. Il arrive cependant très souvent que le mineur soit expulsé avant ce délai de quatre jours . En outre, l'administrateur ad hoc n'intervient en général qu'après le placement en zone d'attente. Cette situation est préjudiciable dans la mesure où, pour prétendre au bénéfice du jour franc interdisant tout refoulement dans les 24 heures de l'arrivée de l'étranger, ce dernier doit expressément en faire la demande. Il convient donc qu'il soit informé immédiatement de ce droit.

c) Un traitement matériel spécifique

Sur le plan matériel, les mineurs isolés font l'objet d'un traitement particulier, selon leur âge. Les mineurs de moins de treize ans sont ainsi hébergés dans un hôtel, sous la surveillance d'une assistante maternelle. Ces placements sont pris en charge par la compagnie aérienne qui a acheminé les enfants. Par ailleurs, il est prévu, au sein de la zone d'attente existante (ZAPI 3), l'aménagement d'une zone dédiée aux mineurs de moins de treize ans . La gestion de cette structure spécifique a été confiée à la Croix Rouge française par voie de convention. Les travaux sont en cours de réalisation. Les mineurs de plus de treize ans seront quant à eux logés dans la structure d'hébergement de la zone d'attente.

d) La création d'un groupe de travail interministériel

Le 11 mai 2009, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a installé un groupe de travail interministériel sur la situation des mineurs étrangers isolés . Ce groupe est composé à la fois d'acteurs institutionnels appartenant à différents départements ministériels et de représentants du secteur associatif. Il a pour mission, après avoir élaboré un diagnostic partagé de la situation de ces jeunes, de formuler des propositions d'amélioration du dispositif existant, dans les différentes séquences de la procédure, y compris s'agissant de sa prise en charge en cas d'admission sur le territoire national.

La synthèse des travaux de ce groupe de travail, qui permettra sans doute au ministre de proposer certains aménagements aux dispositions concernant les étrangers mineurs isolés, est, au moment de la rédaction de ce rapport, en cours d'élaboration. Elle n'aboutira pas, en tout état de cause, à la fin de la régulation du flux des mineurs isolés, dans la mesure où le contrôle reste dissuasif pour les filières d'immigration illégale, même s'il n'aboutit qu'à rejeter un tiers ou un quart des demandes.

2. Les mineurs isolés présents sur le territoire français

Dès lors que des mineurs sont admis sur le territoire national ou qu'ils réussissent à y pénétrer irrégulièrement se pose la question de leur prise en charge par les autorités et de leur devenir à leur majorité.

a) La dispense de titre de séjour jusqu'à la majorité

Les étrangers mineurs ne sont pas assujettis à la possession d'un titre de séjour . Les étrangers mineurs isolés qui ont été admis à entrer sur le territoire, ou qui ont franchi illégalement une frontière française sans être contrôlés, bénéficient ainsi de cette dispense, ainsi que d'une protection contre l'éloignement, en vertu de l'article L.511-4 du CESEDA.

Une fois sur le territoire, le juge des enfants (saisi par le juge des libertés, le parquet des mineurs, l'administrateur ad hoc ou agissant d'office), peut décréter, en application du critère de danger de l'article 375 du Code civil, une mesure d'assistance éducative. Cette décision du juge doit prévoir le placement du mineur soit dans un établissement de droit commun (services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou direction de la protection judiciaire de la jeunesse, soit dans d'autres services associatifs spécifiques comme le CAOMIDA- spécialisé dans l'accueil des mineurs isolés demandeurs d'asile- ou le LAO- conçu comme un centre de premier accueil des mineurs en provenance de l'aéroport de Roissy).

Cette absence d'obligation de titre de séjour rend difficile la tenue de statistiques fiables sur le nombre d'enfants isolés présents sur le territoire . De ce fait, ce sont plutôt les services de l'aide sociale à l'enfance de chacun des conseils généraux qui disposent des éléments permettant de connaitre le nombre de mineurs étrangers isolés dans leur département respectif. Aucune consolidation nationale n'est effectuée.

Toutefois, il est aussi possible de consulter le nombre de titres de séjour portant la mention « vie privée et familiale » délivrés à des étrangers atteignant 18 ans, qui ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de 16 ans. De juillet 2008, date à laquelle l'outil statistique du fichier national des étrangers a été mis à jour, à décembre 2008, 118 jeunes majeurs ont reçu un titre de séjour sur ce fondement.

Par ailleurs, la protection judiciaire de la jeunesse estime chaque année à environ 2.500 le nombre de mineurs étrangers isolés ayant un contact avec l'autorité judiciaire, et à 1 500 le nombre de ceux qui sont pris en charge.

b) La majorité du jeune isolé : une question toujours sensible

La question de l'admission au séjour de ces mineurs isolés autorisés à résider sur le territoire national se repose lors de leur accession à la majorité.

Selon l'article 21.12 du Code civil, le mineur étranger pris en charge par les services de l'ASE peut demander la nationalité française par déclaration avant d'atteindre sa majorité. Avant 2003, les seuls documents à fournir par le mineur isolé étaient sa preuve d'identité et la décision judiciaire d'assistance éducative. Depuis la loi du 26 novembre 2003 11 ( * ) , le mineur étranger qui souhaite demander la nationalité française par cette voie doit justifier d'une période minimale de trois ans sous protection de l'ASE.

Jusqu'en 2005, il n'existait pratiquement aucune autre possibilité de régularisation et, en conséquence, une grande majorité des mineurs placés à l'ASE après l'âge de 15 ans risquait d'être en situation irrégulière dès leur majorité.

Pour permettre à ces mineurs d'accéder facilement à des formations professionnelles, des modifications ont été apportées au code du travail par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, complétée par une circulaire du 2 mai 2005. La loi du 24 juillet 2006 a ensuite pérennisé le dispositif, en introduisant une nouvelle disposition offrant la possibilité d'admission au séjour à l'article L.313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Désormais, une carte de séjour au titre de la vie privée et familiale est délivrée de plein droit à l'étranger qui a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance depuis l'âge de 16 ans et qui justifie être inscrit dans un parcours d'insertion.

La loi précitée du 24 juillet 2006 permet ainsi de régler plus facilement le cas de ces mineurs isolés en leur délivrant un titre de séjour. En revanche, les mineurs arrivés après l'âge de 16 ans ne disposent pas, pour le moment, d'un droit au séjour, sauf situation particulière relevant de l'appréciation du préfet. Leur situation fera peut-être l'objet de propositions du groupe de travail interministériel (voir ci-dessus).

B. L'ADMISSION AU SÉJOUR POUR RAISON DE SANTÉ

1. Un recul des demandes

L'admission au séjour pour raisons de santé a été instituée par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile qui a modifié l'ordonnance du 2 novembre 1945. Le dispositif de droit au séjour pour raison médicale figure désormais au 11° de l'article L.313-11 de ce code, qui prévoit donc l'attribution d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » pour raisons de santé.

Historique de délivrance de cartes de séjour temporaires
pour raisons de santé en première demande

2004

2005

2006

2007

2008

Total

7 580

7 315

6 568

5 680

5697

Source : MIIINDS

Outre ces cartes de séjour, des autorisations provisoires de séjour, quoique non expressément prévues par la loi, peuvent être délivrées pour raison de santé lorsque le médecin de l'administration estime que l'état de santé de l'étranger ne nécessite qu'un séjour en France, de quelques semaines ou de quelques mois, ne justifiant donc pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire, dont la durée est d'un an. Le nombre de ces autorisations provisoires a été de 4.265 en 2006, 3.878 en 2007 et 4.815 en 2008.

Après une croissance des titres de séjour délivrés en première demande pour motif médical avant 2004, il est constaté une décroissance de ce chiffre à partir 2004 avec une légère baisse du flux en 2005, qui s'est accentuée en 2006 et s'est confirmée en 2007. On constate toutefois une légère inflexion à la hausse en 2008. Cette baisse générale est en particulier constatée pour les titres délivrés aux Algériens, qui constituent la nationalité la plus représentée dans cette catégorie d'étrangers séjournant en France (1.278 délivrés en 2005 ; 822 en 2007 ; 803 en 2008).

Cette diminution serait due à une amélioration des prises en charge médicales, dans certains pays et pour certaines pathologies, prise en compte dans les décisions des préfets prises après l'avis des médecins inspecteurs de santé publique (MISP) et, à Paris, du médecin-chef du service médical de la préfecture de police.

Par ailleurs, le nombre d'étrangers qui quittent le statut d'étranger malade, soit parce qu'aucun titre ne leur est plus délivré, soit parce qu'il leur est délivré un titre d'une autre nature, est inférieur au nombre des nouveaux entrants. Il en résulte que la population étrangère en possession de documents de séjour pour raison de santé continue d'augmenter, passant de 18.773 personnes fin 2004 à 28.460 personnes fin 2008.

2. Une jurisprudence abondante

Un arrêté du 8 juillet 1999 exige du médecin inspecteur de santé publique compétent un avis émis, à partir du rapport médical établi sur l'état de santé de l'intéressé, par un médecin agréé ou un praticien hospitalier, répondant aux questions essentielles de façon suffisamment claire et précise, à savoir :

- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;

- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;

- si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;

- la durée prévisible du traitement.

Ces dernières années ont vu la formation d'une jurisprudence importante sur ces critères, dont il est possible aujourd'hui de faire le bilan.

Notons d'abord qu'au plan du droit international, le Conseil d'Etat a jugé que l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vertu duquel la France s'est engagée à prendre toute mesure permettant à chacun de bénéficier du meilleur état de santé physique et mentale qu'il soit capable d'atteindre, ne produit pas d'effet direct à l'égard des particuliers et ne peut être utilement invoqué (CE, 19 mars 2008, n° 297-954).

En ce qui concerne les moyens le plus souvent invoqués par les requérants, visant à établir l'impossibilité pour eux de recevoir un traitement approprié dans le pays d'origine, en produisant des certificats médicaux ou des attestations médicales diverses, il ressort de la jurisprudence que les certificats médicaux doivent être suffisamment circonstanciés et précis quant à la nature, à la gravité de la pathologie et à l'impossibilité de suivre un traitement approprié dans le pays d'origine. Ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause le contenu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique, lorsqu'ils sont insuffisamment précis et circonstanciés eu égard à ces trois critères (CE, 28 novembre 2007, n°297829).

Ainsi, le juge prend en compte les certificats médicaux produits mais il remet très rarement en cause l'avis du MISP sur cette base (CE, 17 octobre 2007, n° 296-602). Par ailleurs, le Conseil d'Etat considère que l'avis du MISP est suffisamment motivé quand il indique que l'étranger peut être soigné dans son pays d'origine, même s'il n'a pas donné d'indications sur la pathologie .

Concernant la possibilité pour le requérant de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine, le juge administratif estime que les difficultés financières d'accès aux soins, l'éloignement géographique des structures hospitalières et l'état sanitaire général du pays d'origine ne sont pas de nature à entacher d'illégalité une mesure de refus ou d'éloignement, (CE, 13 février 2008, n°297-518 ; CAA Bordeaux, 30 juin 2009, n° 08BX03223 ).

Enfin, concernant la capacité de l'étranger malade à supporter le voyage, le Conseil d'Etat et l'ensemble des juges du fond considèrent que le préfet doit examiner cet élément quand il est invoqué par l'étranger mais aussi lorsque les pièces du dossier, et notamment les certificats médicaux, sont de nature à susciter des interrogations sur ce point. En revanche, la jurisprudence estime que le défaut de cette mention dans l'avis du MISP n'entache pas la légalité de la décision si aucun élément du dossier ne conduit à s'interroger sur la capacité de voyager (CE, 19 mars 2008 précité ; CAA Bordeaux, 2 juillet 2009, n°09BX00058).

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Par M. Jean-Patrick Courtois
(mission « Sécurité »)

Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP)

M. Eric Acoulon , directeur administratif

M. Pascal Sadones , président

Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN)

M. Emmanuel Roux , secrétaire général adjoint

UNSA Police

M. Philippe Capon , secrétaire général

M. Alain Corbion , secrétaire général adjoint

Synergie Officiers

M. Bruno Beschizza , secrétaire général

Syndicat national des officiers de police (SNOP)

M. Jean-Marc Bailleul , secrétaire général adjoint

Par M. François-Noël Buffet
(mission « Immigration, asile et intégration »)

Ministère de l'immigration

M. Stéphane Fratacci , Secrétaire général

* 1 Voir le compte-rendu de la réunion de commission du 4 novembre 2009 .

* 2 M. Jean-Patrick Courtois pour les crédits de la mission « Sécurité » et M. François-Noël Buffet

pour les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration ».

* 3 Bulletin mensuel de l'observatoire national de la délinquance d'octobre 2009

* 4 Laurent Mucchielli, « L'Enquête de police judiciaire en matière d'homicide », CNRS, 2004.

* 5 Article 10 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995.

* 6 Rapport d'information n° 131 (2008-2009) de MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier.

* 7 La commission a confirmé cette position en 2009 dans le rapport d'information n° 441 (2008-2009) de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, intitulé « La vie privée à l'heure des mémoires numériques. Pour une confiance renforcée entre citoyens et société de l'information ».

* 8 Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, rapport de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, 2006.

* 9 En application de la loi de finances pour 2009 d'un point de vue financier et du décret n°2008-1481 du 30 décembre 2008 relatif à la Cour nationale du droit d'asile du point de vue administratif et de sa gestion.

* 10 En vertu de l'article 15 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

* 11 Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

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