II. FAVORISER L'EMBAUCHE DES SENIORS

A. UN CONSTAT RÉCURRENT : LE FAIBLE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS EN FRANCE

L' article 32 du présent projet de loi vise, quant à lui, à créer une aide à l'embauche des demandeurs d'emploi de 55 ans et plus, en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD) de plus de six mois. Ce dispositif résulte d'un constat récurrent : le faible taux d'emploi des seniors en France.

Or ce taux, pour les personnes âgées de 55 à 64 ans, est considéré comme un indicateur privilégié du niveau d'insertion dans le marché du travail. Il s'avère également déterminant dans un objectif de maîtrise des dépenses de retraites. A cet égard, l'objectif de l'Union européenne (UE) inscrit dans la stratégie de Lisbonne est d'atteindre un taux d'emploi de 50 % à l'horizon de 2010. En 2009, le taux d'emploi moyen en France des travailleurs âgés de 55 à 64 ans s'établissait à seulement 38,9 % contre 46 % dans l'Union européenne, très loin derrière la Suède, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Proportion, en comparaison internationale,
de personnes de 55-64 ans en emploi en 2009

(en %)

Source : OCDE et Eurostat

Dans le détail toutefois, en raison de la fixation de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans jusqu'à présent, la différence est grande en France entre le taux d'emploi des 55-59 ans qui se situait à 58,4 % en 2009 et celui des 60-64 ans qui était de seulement 17 %.

La mesure prévue s'inscrit dans le plan de retour à l'emploi des seniors mis en oeuvre par le Gouvernement depuis le 26 juin 2008 : il s'agit ainsi de renforcer les dispositifs existants pour mettre fin à la « culture des préretraites massives » et des dispenses de recherche d'emploi mises en oeuvre à partir du début des années 1980.

Evolution du nombre de bénéficiaires de cessations anticipées d'activité
entre 1968 et 2009

Source : tableau de bord trimestriel « Activité des seniors et politiques d'emploi » de la DARES

Plusieurs dispositifs de prolongation d'activité des seniors sont d'ores et déjà appliqués afin d'inciter les entreprises et les branches à conclure des accords pour garder leurs seniors ou en recruter, d'inciter ceux-ci à prolonger leur activité au-delà de 60 ans et de favoriser leur retour vers l'emploi :

- l'assouplissement des conditions de cumul d'une pension de retraite avec un revenu d'activité 47 ( * ) (200 000 bénéficiaires) ;

- les accords de branches et d'entreprises signés avant le 1 er janvier 2010 pour recruter ou maintenir des seniors dans l'emploi (plus de 80 accords de branches et 33 900 accords d'entreprises ont été négociés, soit 2/3 des salariés couverts) ;

- le tutorat, l'accès à la formation et l'anticipation de l'évolution de carrière.

Le Gouvernement considère que la mise en oeuvre de ce plan a bénéficié, depuis 2007, à 300 000 seniors 48 ( * ) . Néanmoins, avec l'allongement de la durée de cotisation, l'enjeu véritable de l'emploi des seniors se déplace sur le segment des actifs de plus de 60 ans.

B. L'ENJEU FINANCIER DE L'EMPLOI DES SENIORS

L'amélioration du nombre de personnes âgées en emploi emporte un double effet sur le financement des retraites, mais aussi celui de l'assurance chômage. Dans un contexte de report de l'âge d'ouverture des droits et de perception d'une pension à taux plein, il représente :

- d'une part, une moindre dépense pour les branches vieillesse ou pour l'indemnisation du chômage ;

- d'autre part, un surcroît de cotisations au bénéfice du régime par répartition.

A la demande de votre rapporteur pour avis, le secrétariat d'Etat chargé de l'emploi a procédé à une estimation des gains de cotisations issus d'une amélioration du taux d'emploi des seniors : il serait de l'ordre de 100 millions d'euros pour chaque tranche de 10 000 seniors supplémentaires en emploi .

Calcul du gain en cotisation lié à l'emploi des seniors

1) Hypothèse :

On estime un salaire annuel moyen de 38 602 euros en 2009

2) Calculs :

Avec un taux de cotisation de 16,65 % (taux sous plafond) à la CNAV, le gain de cotisations pour 10 000 seniors en plus est de 64 millions d'euros.

Avec un taux de cotisation de 9,5 % (taux sous plafond) à l'ARRCO - cas d'un non-cadre - le gain de cotisations pour 10 000 seniors en plus est de 37 millions d'euros (incluant l'AGFF).

3) Résultat :

Le gain de cotisation total (CNAV+ ARRCO+AGFF) s'élève à 101 millions d'euros pour 10 000 seniors supplémentaires en activité.

Source : secrétariat d'Etat chargé de l'emploi.

C. LA CRÉATION D'UNE AIDE À L'EMBAUCHE DES SENIORS

L' article 32 du présent projet de loi vise à créer une aide à l'embauche des demandeurs d'emploi de 55 ans et plus

Aux termes du projet de loi, l'aide serait réservée aux employeurs remplissant les trois conditions suivantes :

- entrer dans le champ de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale, dite « allégement Fillon » ;

- embaucher des demandeurs d'emploi de 55 ans ou plus sous réserve qu'ils soient inscrits préalablement sur la liste des demandeurs d'emploi (sans condition de durée d'inscription) ;

- recruter en CDI ou CDD d'au moins six mois (sans condition de durée de travail).

L'aide serait versée pendant une durée fixée par décret ( a priori 12 mois, selon le Gouvernement) et son montant correspondrait à une fraction du salaire brut mensuel, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, quel que soit le niveau du salaire. L'étude d'impact annexée au présent projet de loi évoque un taux de 14 % du salaire brut.

Son versement ne serait pas automatique, mais effectué sur demande de l'employeur auprès de Pôle Emploi avec lequel l'Etat devra conclure une convention. Son coût est évalué à 55 millions d'euros en année pleine , l'étude d'impact prenant pour hypothèse un retour à l'emploi de 75 000 demandeurs d'emploi de plus de 55 ans, dont 35 000 vers un emploi stable.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'impact de cette aide car le recul de l'âge légal de départ à la retraite entraînera d'importants dysfonctionnements sur le marché du travail.

Le Gouvernement lui-même reconnaît ces difficultés puisqu'il prévoit un renchérissement des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse au titre de la prise en charge des périodes de chômage validées, à hauteur de 1,8 milliard d'euros entre 2011 et 2020. Il est à craindre que les seniors soient prioritairement concernés.

C'est pourquoi le rapport prévu par l'Assemblée nationale, qui devra être remis avant le 31 décembre 2012, et établir un bilan détaillé de la mise en oeuvre de cette aide apparaît comme une voie utile à l'évaluation du dispositif. En tout état de cause, cette mesure ne saurait répondre, à elle seule, à l'ampleur de l'enjeu du retour à l'emploi des seniors .


* 47 Depuis le 1 er janvier 2009, le cumul emploi-retraite est autorisé dès 60 ans, lorsque les assurés ont eu une carrière complète leur permettant de prétendre à une pension à taux plein, et sans restriction au-delà de 65 ans. Le plafond imposé au cumul entre le salaire et la pension (1,6 Smic) et le délai de carence de 6 mois, applicable lorsque l'activité est effectuée auprès du dernier employeur, sont supprimés.

* 48 Depuis 2007, le taux d'emploi des seniors a augmenté de plus de 5 points (pour les 55-59 ans) et atteint désormais 60 %, se situant désormais dans la moyenne européenne. Pour mémoire, il était de 46,9 % en 1990, 48,2 % en 2000 et 55,3 % en 2007.

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