C. UNE AMÉLIORATION DU PILOTAGE DES FINANCES SOCIALES

L'automne 2012 sera, enfin, marqué par l'adoption du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques . Ce texte apporte des évolutions bienvenues notamment en matière de pilotage des finances sociales.

Ces évolutions s'inscrivent dans la continuité des réformes de la gouvernance des finances publiques engagées depuis les années 2000 tant au niveau national qu'européen (loi organique relative aux lois de finances, loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, lois de programmation des finances publiques, vote au Parlement des programmes de stabilité transmis à l'Union européenne).

Ces nouvelles règles doivent renforcer la crédibilité des engagements pluriannuels fixés en matière de finances sociales, et plus généralement en matière de finances publiques. Ces nouvelles procédures et ces nouveaux outils seront d'autant plus utiles que le pilotage actuel des finances sociales, bien que renforcé ces dernières années, montre certaines limites.

1. Les limites du pilotage des finances sociales, malgré une amélioration récente de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie

En 1996, les enjeux financiers de la sécurité sociale ont fait leur apparition dans le débat parlementaire grâce à la réforme de notre Constitution et à « l'organicisation » de dispositions relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. Ce nouvel outil législatif devait permettre de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au coeur du débat public et de rationaliser la prise de décision politique dans le domaine sanitaire et social.

Toutefois, force est de constater que le cadre organique des lois de financement défini en 1996, puis en 2005, n'a pas toujours donné pleine satisfaction en termes de programmation des dépense sociales.

a) La programmation pluriannuelle instaurée en 2005, un exercice à ce jour peu concluant

Conformément à la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale 13 ( * ) , tous les projets de loi de financement présentent des projections pluriannuelles .

Chaque année, la loi de financement laisse ainsi entrevoir une réduction des déficits, voire un retour à l'équilibre, des régimes obligatoires de base. Mais, cet exercice s'avère en réalité très formel puisque d'année en année, ces horizons ont été repoussés .

Le cas de la branche maladie du régime général est, de ce point de vue, le plus remarquable. Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 évoquait un retour à l'équilibre financier de la branche en 2007 grâce à la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, celui-ci a ensuite été systématiquement reporté à :

- 2009, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;

- 2010, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

- 2012, dans le scénario économique bas de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Avec la crise économique, la perspective d'un retour à l'équilibre de la branche maladie a été totalement « perdue de vue » en LFSS pour 2009, pour 2010 et pour 2011. Elle réapparaît à l'horizon 2015 dans la LFSS pour 2012.

Report du retour à l'équilibre de la branche maladie

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

LFSS 2005

*

LFSS 2006

*

LFSS 2007 - scénario haut

*

LFSS 2007 - scénario bas

*

LFSS 2008 - scénario haut

*

LFSS 2009

LFSS 2010

LFSS 2011

LFSS 2012

*

Source : commission des finances, d'après les données des projections pluriannuelles annexées aux différentes LFSS

b) L'ONDAM, un objectif très longtemps non respecté


Un objectif respecté une seule fois entre 1997 et 2009

Depuis 1997, le Parlement est également amené à voter, chaque année, en loi de financement de la sécurité sociale, un objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Jusqu'en 2010, l'ONDAM n'avait été respecté qu'une seule fois en 1997, première année d'application du cadre organique défini en 1996.

Deux principaux éléments expliquaient cette tendance : d'une part, l'évaluation peu réaliste des mesures d'économies qui sous-tendaient la construction de l'ONDAM et donc son respect et, d'autre part, les phénomènes dits de « rebasage » qui contribuaient à consolider les dépassements au lieu d'appeler un effort de maîtrise supplémentaire des dépenses.

L'effet cliquet des effets de base

Le processus de détermination de l'ONDAM consiste chaque année à appliquer à une base, après prise en compte du ou des changements de périmètre de l'ONDAM, un taux d'évolution prévisionnel qui synthétise les effets contraires de l'évolution tendancielle des dépenses et des économies attendues.

Or une difficulté permanente pour la fixation de l'ONDAM réside dans la fixation des bases auxquelles sont appliqués les taux d'évolution . Ces bases sont définies en fonction :

- d'une part, des réalisations prévues pour l'année en cours, puisqu'elles ne peuvent pas être connues exactement au moment du vote de la loi de financement. Les prévisions utilisées s'avèrent donc plus ou moins éloignées de la réalité constatée ensuite dans les comptes ;

- d'autre part, du choix des pouvoirs publics de prendre en compte en tout ou partie le dépassement prévu de l'ONDAM de l'année qui se termine.

Cette « technique du rebasage » fausse donc l'appréciation de l'évolution des dépenses d'assurance maladie d'une année sur l'autre et peut ainsi conduire à neutraliser les dépassements en les incluant dans la base de l'ONDAM de l'année suivante, créant un effet cliquet par rapport aux dépenses constatées.


La mise en place et le renforcement de la procédure d'alerte

Face aux dépassements de l'ONDAM entre 1998 et 2004, la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie a créé une procédure d'alerte en cas de risque de dépassement de l'ONDAM (cf. encadré suivant ). Bien que constituant un progrès significatif, la mise en place de cette procédure a longtemps montré ses limites.

La procédure d'alerte

Pour éviter les dépassements de l'ONDAM voté, la loi précitée du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie a créé un comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie , chargé d'alerter le Parlement, le Gouvernement et les caisses nationales d'assurance maladie en cas d'évolution des dépenses d'assurance maladie incompatible avec le respect de l'ONDAM.

Le risque de dépassement de l'ONDAM est jugé sérieux si son ampleur prévisible est supérieure à un seuil, fixé par décret. Le risque est alors notifié au Parlement, au Gouvernement et aux caisses nationales d'assurance maladie. Celles-ci proposent des mesures de redressement. Le comité rend un avis sur l'impact financier de ces mesures et, le cas échéant, de celles que l'Etat entend prendre pour sa part.

Cette procédure a été renforcée en 2010 à la suite des travaux du groupe de travail présidé par Raoul Briet sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie.

Depuis lors, le comité d'alerte doit rendre un avis, au plus tard le 15 octobre, dans lequel il contrôle les éléments ayant permis l'élaboration de l'ONDAM envisagé pour l'année à venir et présente ses réserves s'il constate, compte tenu des données dont il dispose, que cet objectif ne peut pas être respecté au vu de l'évolution prévisionnelle des dépenses d'assurance maladie.

Par ailleurs, le seuil de déclenchement de la procédure d'alerte a été progressivement abaissé. Initialement fixé à 0,75 % de l'ONDAM, il est désormais fixé à 0,5 % 14 ( * )


Une amélioration récente de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie

Si, depuis 2010, l'ONDAM est respecté et devrait l'être en 2012 (ce point sera développé dans la suite du présent rapport), le graphique ci-dessous laisse néanmoins apparaître un dépassement cumulé de l'ONDAM (ou un niveau d'économies non réalisées) depuis 2000 de 14,7 milliards d'euros , réparti comme suit :

- entre 2000 et 2001 : 5,7 milliards d'euros ;

- entre 2002 et 2007 : 9,4 milliards d'euros ;

- entre 2008 et 2012 : 1,4 milliard d'euros de dépassements, mais 1,8 milliard d'euros d'économies supplémentaires résultant d'une sous-exécution de l'ONDAM.

Niveaux et dépassements de l'ONDAM depuis 1997

(en milliards d'euros)

Lecture : les bulles sont d'autant plus grandes que l'écart à l'objectif est important, d'autant plus hautes que le taux d'évolution des dépenses est élevé. Les bulles blanches correspondent aux sous-exécutions de l'ONDAM et les bulles noires aux sur-exécutions de l'ONDAM

Source : annexe 7 au présent projet de loi

c) Le respect relatif des lois de programmation

Quant aux lois de programmation des finances publiques (LPFP), elles fixent, s'agissant des finances sociales, un objectif pluriannuel global pour les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et un ONDAM pluriannuel.

Elles ont pour base l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, que : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Deux LPFP ont été adoptées :

- la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (« LPFP 2009-2012 ») ;

- la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (« LPFP 2011-2014 »).

Comme l'a montré notre collègue Yves Daudigny, rapporteur général au nom de la commission des affaires sociales 15 ( * ) , le respect des lois de programmation en matière sociale est « relatif » : la première LPFP a été très largement non respectée en raison de la crise économique, alors que la seconde s'est avérée plus pessimiste que les résultats finalement enregistrés.

Ce résultat se retrouve en examinant l'écart entre les projections pluriannuelles de soldes du régime général et du FSV annexées aux LFSS et les soldes effectivement constatés. On distingue clairement ces deux périodes.

Les projections pluriannuelles de solde (régime général et FSV) annexées aux LFSS : prévision et réalisation

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les annexes des LFSS concernées

2. Les principales mesures proposées dans le cadre du projet de loi organique

Face à ce bilan mitigé des différents outils de programmation des dépenses sociales, les apports du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, en cours d'examen devant les deux Assemblées parlementaires, paraissent les bienvenus.

Conformément au traité budgétaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne (TSCG), le projet de loi organique introduit, en effet, de nouvelles procédures et de nouveaux outils destinés à garantir les objectifs de moyen terme fixés en matière de finances publiques .

a) Les trois principales mesures du projet initial

Trois principales mesures sont prévues par ce projet de loi :

- le passage d'une règle d'effort structurel à une règle de solde structurel ;

- le vote d'un article liminaire aux LFI et LFR , indiquant la prévision de soldes structurel et effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année concernée, ce qui doit permettre une vérification annuelle des écarts éventuels avec les soldes structurels et effectifs fixés par la loi de programmation ;

- la mise en place d'un Haut Conseil des finances publiques (HCFP) indépendant, chargé de donner des avis sur les hypothèses de croissance, le respect de la trajectoire de solde structurel et les mesures de correction prises en cas de dérapage.

b) L'enrichissement du volet social par le Sénat

Le volet « social » du projet de loi organique a été enrichi à l'initiative de notre collègue Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, qui a notamment proposé de :

- compléter l'information sur les perspectives financières des administrations de sécurité sociale hors du champ du PLFSS , à savoir les régimes complémentaires et l'assurance chômage, qui contribuent de façon importante à l'amélioration du solde des ASSO dans le projet de loi de programmation des finances publiques, mais pour lesquels le Parlement dispose effectivement de très peu d'éléments ;

- examiner, dans les lois de programmation, les orientations pluriannuelles de dépenses des branches vieillesse et famille ;

- permettre au Haut Conseil de rendre un avis sur la cohérence entre les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques et le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année.

c) Un nouveau renforcement de la vision consolidée des finances publiques

Le projet de loi organique renforce ainsi les instruments destinés à aborder de façon consolidée l'analyse des finances publiques .

En plus des débats d'orientation des finances publiques, des débats sur les prélèvements obligatoires et de l'examen des lois de programmation des finances publiques, le projet de loi organique propose d'introduire une règle portant sur le périmètre de l'ensemble des administrations publiques et dont l'objet est de tendre vers l'équilibre des comptes publics .

Non seulement le Parlement aura à débattre sur les finances publiques au sens large, en dépassant la segmentation entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, mais il aura également à voter sur les perspectives de solde de l'ensemble des administrations publiques, dans l'article liminaire des lois de finances.


* 13 « Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir ».

* 14 Décret n° 2011-432 du 19 avril 2011 fixant le seuil de déclenchement de l'alerte en cas de risque sérieux de dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.

* 15 Avis n° 74 (2012-2013).

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