C. LE RETOUR ANNONCÉ DU DROIT COMMUN DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES

- La politique de la ville étant une politique par nature transversale, le programme 147 ne représente qu'une petite partie des crédits destinés aux quartiers prioritaires . Outre les dispositifs spécifiques mis en oeuvre par le ministère de la ville, les quartiers prioritaires bénéficient en effet des dispositifs de droit commun mis en oeuvre par les autres ministères.

Comme l'indique le Gouvernement dans le document de politique transversale (DPT) annexé au projet de loi de finances pour 2013 à propos du programme 147, « ces crédits spécifiques visent à améliorer la territorialisation des politiques sectorielles, à favoriser leur mise en synergie ou à développer des actions à caractère innovant. Ils n'ont jamais eu pour objectif de représenter à eux-seuls l'intégralité de la capacité d'intervention de la politique de la ville mais au contraire d'en constituer un complément . En effet, seule la pleine mobilisation de l'éducation nationale, des forces de police, de l'institution judiciaire, du service public de l'emploi ou encore de l'administration sanitaire et sociale est de nature à améliorer la situation des quartiers de la politique de la ville et à réduire les écarts entre ceux-ci et les autres territoires » 101 ( * ) .

Le DPT estime ainsi à près de 2,7 milliards d'euros en 2013 l'ensemble des crédits consacrés par la Nation à la politique de la ville.

Le programme 147 couvre donc moins de 20 % de ces crédits.

Votre rapporteur pour avis relève par ailleurs que, au-delà des financements nationaux, les fonds européens peuvent aujourd'hui être mobilisés dans le cadre des opérations de politique de la ville, par le biais du volet urbain du Fonds européen de développement régional (FEDER). Même si la stratégie « Europe 2020 » est axée sur l'innovation, il convient que les quartiers ne soient pas oubliés : ces fonds sont indispensables dans une optique de rattrapage et doivent donc être sauvegardés .

- L'année dernière, votre rapporteur pour avis déplorait par ailleurs que « les moyens spécifiques de la politique de la ville diminuent alors que la mobilisation des politiques de droit commun est notoirement insuffisante » 102 ( * ) . Il soulignait par ailleurs que « si la politique de la ville a joué un rôle utile de « filet social » indispensable, elle n'a pas suffisamment mobilisé le droit commun des politiques publiques » 103 ( * ) .

La Cour des comptes a dressé un constat identique en soulignant que « les moyens de droit commun ne sont pas mobilisés à la hauteur des difficultés économiques et sociales que rencontrent les habitants de ces quartiers » 104 ( * ) . Elle a même été plus loin en relevant le « risque de substitution des crédits spécifiques aux crédits de droit commun » 105 ( * ) : ainsi, selon elle, « alors que la nécessité de mobiliser les moyens de droit commun dans les quartiers de la politique de la ville est la priorité constamment réaffirmée de la politique de la ville (...) les crédits spécifiques de la politique de la ville peuvent ne pas venir en complément mais en remplacement des crédits de droit commun » 106 ( * ) .

Deux politiques paraissent particulièrement concernées : l'emploi et l'éducation . S'agissant de l'emploi, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a observé que les crédits versés par les services déconcentrés des ministères sociaux sur trois sites de la politique de la ville n'étaient pas en proportion des difficultés subies par les habitants.

Votre rapporteur pour avis considère que cette réalité est particulièrement choquante : la politique de la ville ne doit pas être un substitut aux politiques de droit commun, mais un complément à celles-ci au service de territoires et de populations en souffrance . Il ne s'agit en aucune façon de prévoir que les politiques de droit commun s'appliquent davantage aux quartiers en difficulté, mais simplement qu'elles s'y appliquent selon les mêmes critères que pour les autres zones du territoire.

- Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir des décisions prises par le Gouvernement qui illustrent le retour du droit commun dans les quartiers .

Dans la droite ligne de la « feuille de route du Gouvernement pour les habitants des quartiers » rendue publique le 22 août 2012 par le ministre délégué à la ville, ce dernier a fixé trois priorités pour 2013 , dont la suivante : « rechercher une plus grande implication du droit commun sur les actions relevant des grandes politiques publiques » 107 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis relève trois exemples illustrant ce retour du droit commun dans les quartiers :

- tout d'abord, dans l'Éducation nationale, les 1 000 créations de postes prévues pour la rentrée 2012 doivent notamment soutenir la réussite éducative des enfants des quartiers . D'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, un quart de ces postes est destiné à améliorer l'encadrement des élèves de l'éducation prioritaire ;

- en matière d'emploi ensuite, « les nouvelles mesures impulsées par le Gouvernement cibleront explicitement les jeunes résidant en ZUS » 108 ( * ) . Les emplois d'avenir , qui seront mis en place à compter du 1 er janvier 2013, viseront prioritairement les jeunes des quartiers populaires .

Ces emplois s'adressent en effet aux jeunes de 16 à 25 ans, résidant en zone urbaine sensible (ZUS), dans les outre-mer, ou dans les zones rurales les plus marquées par le chômage, pas ou peu diplômés et qui ne sont ni en emploi ni en formation. Ce dispositif a pour objectif d'inciter les employeurs, essentiellement du secteur non marchand, à recruter des jeunes en contrepartie d'une prise en charge par l'État de 75 % du montant brut de la rémunération du jeune pendant une durée maximale de 3 ans.

Ces emplois constituent aux yeux de votre rapporteur pour avis une première réponse aux difficultés des jeunes peu qualifiés résidant en ZUS.

- enfin, le Gouvernement souligne que « la banque publique d'investissement développera une stratégie spécifique dédiée à la création d'entreprises dans les quartiers » 109 ( * ) . Votre rapporteur pour avis s'en réjouit et sera donc très attentif aux discussions sur le projet de loi instituant la Banque publique d'investissement (BPI) qui devrait venir très prochainement en débat au Parlement.


* 101 Document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2013, p. 10.

* 102 Avis n° 111 (2011-2012), Ibid., p. 43.

* 103 Ibid., p. 52.

* 104 « La politique de la ville. Une décennie de réformes », Ibid.,  p. 176.

* 105 Ibid., p. 151.

* 106 Ibid., p. 153.

* 107 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 108 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 109 Feuille de route du Gouvernement pour les habitants des quartiers.

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