B. VERS LA RÉFORME DE LA CARTE DES SOUS-PRÉFECTURES ?

Le 19 septembre 2012, le ministre de l'intérieur, M. Manuel Valls, a missionné le président du conseil supérieur de l'administration territoriale, le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale et le chef de l'inspection générale de l'administration, pour lui proposer des évolutions du réseau des sous-préfectures.

L'existence même des sous-préfectures n'est pas remise en cause par le ministre qui reconnaît à cet échelon la garantie d'une « connaissance fine des enjeux locaux », la faculté d'une « mise en oeuvre adaptée des politiques publiques » et la contribution aux « cohésions sociale et territoriale de notre pays ». 16 ( * )

Il s'agit donc de tirer les conséquences des évolutions sociales et démographiques du territoire, des changements induits par la décentralisation et de la mise en oeuvre de la RéATE. Mais les contraintes budgétaires ne sont certainement pas absentes de ce dossier.

Ce faisant, le nouveau gouvernement s'inscrit dans les pas de son prédécesseur qui avait engagé à divers niveaux une réforme du réseau des sous-préfectures sans cependant la mener à son terme.

Votre rapporteur espère que la mission aujourd'hui engagée, permettra une évaluation d'ensemble du réseau et non des réformes au coup par coup comme votre commission l'avait déploré l'année dernière. Il convient aujourd'hui de sortir de l'incertitude qui pèse depuis plusieurs années sur les sous-préfectures : elle nourrit les craintes des élus locaux, les interrogations des personnels et ne contribue pas à affermir le rôle de cet échelon là où il est nécessaire.

Mais l'évaluation du réseau est indispensable : la France a évolué dans son peuplement territorial, les modes d'intervention de la puissance publique aussi ; le rétablissement des comptes publics a conduit à restreindre les moyens de l'Etat territorial et de nouvelles coupes sont déjà programmées. La carte des 242 sous-préfectures 17 ( * ) doit être aujourd'hui adaptée à cette nouvelle donne.

1. Une variété d'adaptations

Le ministre de l'intérieur dans sa lettre de mission envisage toutes les hypothèses d'évolution du réseau, il n'en exclut aucune, y compris la suppression de sous-préfectures : « Vous pourrez à cette occasion mobiliser l'ensemble des outils permettant d'agir sur la structure du réseau : création ou suppression d'arrondissements, jumelage entre arrondissements, mutualisations notamment à travers les « maisons de l'Etat » ou les « maisons de services publics ...».

Ces différentes voies ont en effet déjà été empruntées, mais ponctuellement.

a) L'évolution des arrondissements

La procédure de modification des limites des arrondissements qui ont peu évolué depuis la réforme opérée en 1926 par Raymond Poincaré, alors Président du conseil, a été déconcentrée en 2004 auprès du préfet de région sur proposition du préfet de département.

A ce jour, elle a été utilisée à vingt reprises et a conduit, selon les éléments recueillis par votre rapporteur, à modifier les limites territoriales de 52 arrondissements situés dans 20 départements de 18 régions.

Pour l'essentiel, ces modifications visent, d'une part, à accroître la cohérence territoriale de ces circonscriptions administratives en tenant compte des bassins de vie et des périmètres des intercommunalités et, d'autre part, à rééquilibrer la population des arrondissements.

En outre, un nouvel arrondissement a vu le jour en 2006 : celui d'Arcachon dans le département de la Gironde.

b) Le jumelage de deux sous-préfectures

Expérimentée par les sous-préfectures de Blaye et de Libourne (Gironde), ce dispositif consiste à confier à un même sous-préfet, la responsabilité de la gestion de deux arrondissements voisins.

Aujourd'hui, deux autres jumelages sont intervenus : le premier pour les arrondissements de Bellac et de Rochechouart (Haute-Vienne), le second par la nomination de la sous-préfète de Wissembourg-Haguenau (Bas-Rhin).

La formule ne peut se contenter de « mutualiser » le représentant de l'Etat dans la circonscription. Il importe de la prolonger par la mise en commun, autant que faire se peut, des moyens des deux sous-préfectures jumelées. C'est le cas en Haute-Vienne avec la mutualisation du service de la résidence, des conducteurs, notamment. Il est vrai que les mutualisations doivent tenir compte de l'éloignement des deux chefs-lieux pour certaines fonctions.

c) Les maisons de l'Etat

Il s'agit d'installer à la sous-préfecture une antenne de la préfecture, notamment pour la délivrance de titres et l'accueil des étrangers, ainsi que des services déconcentrés de l'Etat.

Cette formule vise à mutualiser les coûts immobiliers. Elle peut se concrétiser sous différentes formes :

- transformation de la sous-préfecture en maison de l'Etat lorsque le chef-lieu d'arrondissement est situé près du chef-lieu du département.

C'est le projet envisagé -et toujours inabouti- pour la sous-préfecture de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ;

- renforcement de la visibilité de l'Etat en rassemblant des services de petite taille ou isolés ;

- optimisation immobilière de vastes locaux de sous-préfectures et mutualisation de certaines fonctions support en conséquence.

Celle de Commercy dans la Meuse abrite ainsi, depuis 2011, l'unité territoriale de la direction départementale des territoires.

d) Les maisons de service public

Elles ont été instituées par l'article 27 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Ce sont des structures de proximité destinées en milieu rural comme en milieu urbain à faciliter les démarches administratives des usagers en regroupant les services publics qui ne sont pas seulement ceux de l'Etat mais aussi ceux des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale.

Elles permettent une mutualisation des moyens des différents services qui y sont implantés.

e) Le recours aux conseillers d'administration

Dans ce cas, l'arrondissement est maintenu mais il est dirigé par un conseiller d'administration nommé sur le poste de sous-préfet.

Ces fonctionnaires de catégorie A doivent justifier d'une ancienneté de 13 ans au moins dans un ou plusieurs corps ou cadres d'emplois de catégorie A.

Un arrêté du 20 mai 2008 a dressé une liste de 115 arrondissements dans lesquels un conseiller d'administration peut être chargé des fonctions de sous-préfet en limitant à quinze le nombre de nominations ainsi opérées.

A ce jour, trois postes sont ainsi pourvus : Montdidier (Somme), Boulay-Moselle (Moselle) et Saint-Pierre (Martinique).

Ce dispositif est présenté tout à la fois comme une source d'économie et un moyen de promotion professionnelle. Ce dernier point n'est pas contestable et votre rapporteur appuie cet outil de valorisation et de diversification des parcours professionnels.

En revanche, le motif budgétaire est apparu inopérant à votre commission 18 ( * ) comme à la mission d'information sénatoriale sur la RGPP 19 ( * ) . En effet, cette formule était censée réduire les coûts de fonctionnement de la sous-préfecture par la suppression du véhicule et du logement de fonction. Or, le conseiller d'administration est, comme le sous-préfet, appelé à se déplacer dans le cadre de ses fonctions et la résidence doit être entretenue !

Le ministère en convient en relevant le caractère limité des économies de fonctionnement ainsi réalisées qui doivent tenir compte du remboursement des frais de déplacement du représentant de l'Etat ou de l'utilisation d'un véhicule de service comme des coûts d'entretien de la résidence le plus souvent située dans le même bâtiment que les bureaux de la sous-préfecture.

Reste que ce dispositif permet de diversifier le recrutement à la tête de l'arrondissement.

2. Un échelon nécessaire à adapter

La sous-préfecture demeure indiscutablement utile car elle est la représentation de l'Etat de plus grande proximité. Alors que de nombreuses difficultés et tensions traversent notre pays, la présence de la puissance publique est plus que jamais nécessaire. Mais elle ne l'est pas partout sous un modèle uniforme : certains territoires sont « suradministrés » alors que d'autres zones, sous le poids des fermetures cumulées du tribunal, de la caserne, de la perception..., peuvent se sentir délaissés. Il convient alors, pour l'Etat, de « lisser » la carte de ses implantations territoriales : le maintien, tel quel, d'une sous-préfecture n'est peut-être pas nécessaire dans certaines zones urbaines, sièges de nombreuses administrations. En revanche, il apparaît indispensable dans des territoires désertés par les services publics et éloignés des « guichets ». Aujourd'hui, l'Etat peut être présent selon des formules très diversifiées. L'important est de maintenir le service à l'usager et un interlocuteur aux collectivités locales. Le conseil aux élus est d'ailleurs une des fonctions essentielles confiées aux sous-préfets. Le maire de Sens, M. Daniel Paris, a exprimé à votre rapporteur l'intérêt de pouvoir entretenir des relations suivies avec le représentant de l'Etat.

L'Association des maires ruraux de France, dans cet esprit, demande un examen au cas par cas de la carte des sous-préfectures, pointant les territoires à l'écart des réseaux de communication, dans lesquels le service doit se rapprocher en conséquence de l'administré. Son premier vice-président, M. Pierre-Yves Collombat, a indiqué à votre rapporteur que ces sous-préfectures « confortées » devraient disposer de moyens de fonctionnement suffisants.

Reste que la sous-préfecture est confirmée, par le Gouvernement, comme l' « échelon interministériel de grande proximité ».

Le réseau doit se réformer pour résorber le « hiatus croissant entre l'intangibilité (...) et les transformations de leur environnement (des sous-préfectures), aussi bien économique et social qu'administratif » selon la Cour des comptes qui conclut sévèrement : « Ce niveau infra-départemental de l'administration de l'Etat devient de plus en plus inconsistant » 20 ( * ) .

Pourtant, lors de son déplacement dans l'Yonne, votre rapporteur a pu constater la place occupée par une sous-préfecture dans un arrondissement dynamique économiquement et démographiquement.

Un exemple de la polyvalence des services préfectoraux

Outre, le conseil aux élus, la sous-préfecture de Sens délivre les titres. A cet effet, elle a reçu 34 207 usagers en 2011 ; 28 061 au 31 octobre 2012.

En matière économique, elle joue un rôle d'assemblier, pour soutenir les entreprises en mobilisant les services de l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs ainsi que dans la mise en oeuvre du fonds national de revitalisation des territoires. Elle accompagne les projets d'envergure (port de Grou, pôle d'échanges multimodal de la gare de Sens, ...), intervient dans les projets de rénovation urbaine, participe activement aux travaux du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Bref, la sous-préfecture assure la présence de l'Etat dans les diverses facettes de l'action publique.

Votre rapporteur suivra avec attention les suites qui seront données aux conclusions de la mission mise en place par le ministre de l'intérieur. Elles devraient être connues à la fin du mois de février prochain.

A l'aube de nouvelles réductions des effectifs préfectoraux, il est temps de réformer le réseau des sous-préfectures.


* 16 Cf. lettre de mission en date du 19 septembre 2012.

* 17 Dont 233 en métropole.

* 18 Cf. avis n° 106, tome I (2009-2010) de M. Alain Anziani sur la mission administration générale et territoriale de l'Etat (projet de loi de finances pour 2010), consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a09-106-1/a09-106-1.html.

* 19 Cf. rapport n° 666 (2010-2011) préc.

* 20 Cf. rapport public annuel 2012.

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