D. MUSÉES : LA POURSUITE DE L'EFFORT

1. La poursuite de la baisse des crédits
a) La fin de grands projets

Globalement, la baisse des crédits destinés aux musées se poursuit en 2014, qu'il s'agisse des crédits alloués aux acquisitions (action n° 8) ou à la politique muséale de gestion des collections et de développement des publics (action n° 3).

La baisse des crédits d'acquisition est ralentie , puisqu'elle est de -2,3 % en 2014 (soit 8,35 millions d'euros en AE=CP). En effet, ces crédits avaient pratiquement été divisés par deux l'an passé (-48,8 % en 2013). 3,3 millions d'euros de dépenses d'intervention visent à soutenir :

- le fonds du patrimoine, géré par le service des musées de France ;

- les crédits d'acquisition des archives départementales et municipales ;

- les 25 fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) et les 5 fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR).

Les collections des musées territoriaux

L'État participe à l'enrichissement des collections des musées territoriaux par l'intermédiaire de deux outils :

- alimentés de façon paritaire par l'État et les régions, les fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) permettent de financer des acquisitions des musées de France, pour lesquelles les commissions scientifiques régionales d'acquisition ont émis un avis favorable. Le pourcentage du soutien aux collectivités territoriales, qui est en moyenne de 25 %, est fixé de manière paritaire entre l'État et la région. Les FRAM permettent de renforcer la politique d'acquisition des musées de France appartenant à des collectivités de taille moyenne ou petite. Gérés de manière déconcentrée par les DRAC, les FRAM permettent également de mobiliser un soutien paritaire des conseils régionaux ;

- gérés au niveau de l'administration centrale, les crédits du fonds du patrimoine correspondent à une aide décisive de l'État pour donner aux collectivités territoriales propriétaires de musées de France, les moyens d'acquérir des oeuvres majeures pour les faire entrer dans les collections publiques.

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

Les crédits de l'action « Patrimoine des musées de France », qui représentent un volume important (44,2 % des crédits du programme), diminuent fortement en 2014 : de 9,7 % pour les CP (qui s'établissent à 339,5 millions d'euros) et de 4,9 % pour les AE (336,6 millions d'euros).

Le ministère de la culture et de la communication explique cette diminution par la fin de plusieurs projets qui avaient mobilisés d'importantes enveloppes budgétaires . Il s'agit notamment de :

- l'achèvement des travaux du MuCEM (- 12,9 millions d'euros en CP et - 5,9 en AE). Toutefois les derniers travaux mobiliseront des crédits en dépenses d'investissement à hauteur de 4,4 millions d'euros en CP et de 2 millions d'euros en AE ;

- la fin des travaux des centrales d'air au Centre Georges Pompidou (- 4 millions d'euros en AE et - 6,4 millions d'euros en CP) ;

- le transfert interne à la mission « Culture » vers le titre 2 d'une part de subvention de fonctionnement des musées Picasso et Fontainebleau (- 2,2 millions d'euros en AE=CP) ;

- l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France (- 2,8 millions d'euros en AE=CP).

La dynamique muséale doit tenir compte d'une diminution de ces crédits mais aussi de l'effort budgétaire pesant sur les opérateurs du programme.

L'encadré ci-dessous montre que les plus grands musées, tels que celui du Louvre, sont amenés à adapter leurs projets pour maintenir des objectifs exigeants dans un contexte budgétaire restreint.

Le Louvre

Nommé président-directeur de l'établissement public du Louvre en avril 2013, Jean-Luc Martinez a présenté à votre commission, le 6 novembre 2013, les projets définis sur la base d'un double constat :

1. un développement rapide du musée qui s'est traduit par une valorisation excessive des événements temporaires au détriment des collections permanentes ;

2. une approche parfois un peu trop segmentée des sujets et une dispersion des efforts en France, comme à l'étranger.

Plusieurs objectifs sont aujourd'hui identifiés :

- l'amélioration de l'accueil du public et de la médiation

Le « projet Pyramide » constitue la première priorité. Construite en 1989 alors que la fréquentation du musée s'élevait à 2,9 millions de visiteurs par an, la pyramide ne permet plus d'assurer l'accueil des 9,7 millions de visiteurs recensés en 2012 dans des conditions correctes. Les travaux, estimés à 60 millions d'euros, devraient débuter à l'été 2014 et se poursuivre jusqu'au début de l'année 2016.

D'autres chantiers seront menés pour rendre la présentation des collections plus claire et plus lisible. Il s'agira notamment de généralisation de bilinguisme, voire le trilinguisme sur les 38 000 cartels, et de la création d'un « centre d'interprétation du Louvre » au sein du Pavillon Sully ;

- le soutien de l'éducation artistique et culturelle (EAC). La vocation du Louvre en la matière a été rappelée dans le rapport de Catherine Guillou 2 ( * ) . Une surface totale de 1 100 m 2 devrait être dédiée à l'EAC avec des expositions organisées pendant l'année scolaire ;

- le renforcement du rayonnement international du musée du Louvre. La réussite du Louvre Abu-Dhabi doit permettre d'augmenter la sphère d'influence culturelle de la France dans une zone stratégique de conquête. L'ouverture de ce « premier musée universel du 21 e siècle », est prévue le 2 décembre 2015, après une exposition organisée en avril 2014 pour présenter les collections au public parisien en amont. En outre, l'établissement public souhaite développer une meilleure coordination avec le ministère des affaires étrangères pour définir les critères de collaboration, qui aujourd'hui concerne 70 pays étrangers ;

- renforcer l'action du Louvre en régions. Fort de son succès (plus de 800 000 visiteurs fin octobre dont la moitié vient de la région Nord-Pas-de-Calais), le Louvre-Lens constitue la « colonne vertébrale de l'action territoriale » de l'établissement public.

Ces projets s'inscrivent dans un contexte budgétaire contraint, marqué par une baisse de 2,5 % par an de la subvention de l'État sur la période 2013-2015 et par un prélèvement exceptionnel de 36 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'établissement, réparti sur trois ans.

Source : Commission de la culture à partir des éléments recueillis
lors de sa visite du 6 novembre 2013

b) Un effort continu en direction des musées territoriaux

Il convient de rappeler que les collectivités territoriales assurent le fonctionnement courant des musées de France dont elles sont propriétaires et ont la charge.

L'effort de l'État en direction des musées se traduit par un renforcement du soutien aux musées de province, comme l'illustre le « plan musées en région » lancé en 2010. Il s'agit d'un plan d'investissement qui soutient 79 musées territoriaux sur l'ensemble du territoire, avec une moyenne de trois projets par région. Dans cette démarche d'investissement partenariale avec les collectivités locales, près de 80 % des crédits d'État sont des subventions pour les collectivités . Avec un taux de participation moyen de l'État de l'ordre de 15 à 20 % , le soutien financier de l'État permet de démultiplier les investissements en faveur des musées de France.

En 2011, la mise en oeuvre du plan a permis de porter le montant des crédits d'investissement déconcentrés à 25,75 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 18,75 millions d'euros en crédits de paiement (CP). En 2012, les crédits votés en loi de finances s'élevaient à 16,7 millions d'euros en AE et 15 millions d'euros en CP et, en 2013, 12,7 millions d'euros d'AE et 15,5 millions d'euros de CP.

La grande majorité des projets se développe de façon conforme au calendrier prévisionnel. Depuis le lancement de l'opération, 16 musées ont été inaugurés : le musée Courbet à Ornans, le musée d'Argentomagus à Saint-Marcel, les équipements réceptifs et la piste du musée de l'automobile de Mulhouse, le musée de la Grande guerre à Meaux, le musée Jean Cocteau de Menton, le musée Toulouse-Lautrec d'Albi, le musée des Hussards à Tarbes, le muséoparc d'Alésia, le musée national Adrien Dubouché à Limoges, le musée national d'Ennery à Paris, le musée du jouet à Moirans-en-Montagne, le musée des beaux-arts de Chambéry, le musée Baron-Gérard à Bayeux, le musée Borély à Marseille, le palais Longchamp à Marseille, la fondation Vasarely à Aix-en-Provence.

D'ici fin 2013, au moins 6 projets supplémentaires vont être inaugurés : le musée des musiques populaires à Montluçon, le musée des Beaux-arts de Dijon, le musée Soulages à Rodez, le musée d'histoire à Marseille, le musée des beaux-arts et d'archéologie de Valence, l'espace Noureev du centre national du costume de scène de Moulins.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de consacrer 15 millions d'euros en AE=CP de crédits d'investissement déconcentrés en faveur des musées territoriaux, afin d'améliorer la conservation et la mise en valeur des collections des musées de France en région. Ces crédits permettront de soutenir les opérations menées par les collectivités territoriales dans leurs musées, comme le musée Unterlinden à Colmar, les réserves du musée Bonnat à Bayonne, le musée Crozatier au Puy-en-Velay, le musée des beaux-arts de Dijon, le musée de Pont-Aven, le musée Girodet à Montargis, le musée des beaux-arts de Reims, le musée du site antique de Lucciana, le musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, le musée de la marine de Seine à Caudebec-en-Caux, le musée des vallées cévenoles à Saint-Jean-du-Gard, la cité de la tapisserie à Aubusson, le musée de la guerre de 1870 et de l'Annexion à Gravelotte, le musée Ingres à Montauban, le musée de Sars Poteries, le musée des beaux-arts de Nantes, le musée de l'Inguimbertine à Carpentras, le musée de Picardie à Amiens, le musée de la mine à Saint-Etienne et les réserves mutualisées à la Réunion.

2. TVA : une juste décision de l'Assemblée nationale

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 transmis au Sénat, figurent deux modifications du code général des impôts relatives au taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux biens culturels .

La première , présentée par le Gouvernement et inscrite à l'article 7 du PLF, réintroduit dans l'article 278-0 bis du code général des impôts, qui fixe au taux réduit de TVA à 5,5 %, « les droits d'entrée dans les salles de spectacles cinématographiques . Cette disposition traduit la volonté de cohérence du Gouvernement en matière de politique fiscale applicable aux biens et services culturels.

Article 278 septies du CGI
Modifié par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 - art. 13 (V)

La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 7 % :

1° sur les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, ainsi que sur les acquisitions intracommunautaires effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qu'ils ont importés sur le territoire d'un autre État membre de la Communauté européenne ;

2° sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit ;

3° sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4° sur les acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par d'autres assujettis que des assujettis revendeurs.

Article 278-0 bis
Modifié par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 - art. 28 (V)

La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne :

A.  Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : (...)

3° Les livres, y compris leur location. Le présent 3° s'applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement.

(...)

F.  1° Les spectacles suivants : théâtres, théâtres de chansonniers, cirques, concerts ; spectacles de variétés à l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances ;

2° Le prix du billet d'entrée donnant exclusivement accès à des concerts donnés dans des établissements où il est servi facultativement des consommations pendant le spectacle et dont l'exploitant est titulaire de la licence de la catégorie mentionnée au 1° de l'article D. 7122-1 du code du travail.

Source : www.legifrance.fr

La seconde modification a été introduite par voie d'amendement lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale et concerne les importations d'oeuvres d'art . Comme l'a indiqué Pierre-Alain Muet, lors de la présentation de l'amendement n° 1095 ainsi adopté, elle vise « à corriger une aberration économique qui résulte d'une directive européenne, laquelle n'a pas intégré le fait que les oeuvres d'art, et plus généralement les biens dont la valeur est due à leur rareté, non au travail de l'homme, avaient des propriétés complètement différentes des autres produits.

Quand vous exportez un Airbus ou une automobile, cela enrichit la France, car vous augmentez la production et les revenus. Si vous exportez La Joconde, cela aura pour seul effet d'appauvrir notre pays. Et ce n'est pas seulement parce que La Joconde est une oeuvre d'art, car si vous exportiez l'avion - qui est au musée des arts et métiers - avec lequel Blériot a traversé la Manche, cela aboutirait au même appauvrissement. Cela veut donc dire que, pour les biens rares, dont les oeuvres d'art originales, c'est l'importation qui enrichit le pays et l'exportation qui l'appauvrit. »

L'article 7 bis (nouveau) complète ainsi l'article 278-0 bis du code général des impôts :

« H. - 1° Les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, ainsi que sur les acquisitions intracommunautaires, effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qu'ils ont importés sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ;

« 2° Les acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par d'autres assujettis que des assujettis revendeurs. » ; (...) »

Votre rapporteur pour avis se félicite de l'adoption de cette disposition essentielle pour l'enrichissement du patrimoine national et la dynamique du marché de l'art en France . Les collections publiques sont en grande partie alimentées par des dons de toutes formes (legs, dations en paiement, etc.) qui proviennent de collectionneurs désireux de conserver un patrimoine muséal important. Or la hausse du taux de TVA sur les importations d'oeuvres d'art est en fait assimilable à un droit de douane d'autant plus préjudiciable pour la France qu'il est de 5 % au Royaume Uni, seule autre place de ventes de dimension internationale sur le marché de l'art en Europe. Il est certain que la hausse de la TVA à 10 % n'aurait pas manqué d'entraîner à terme un appauvrissement du patrimoine national.


* 2 « L'éducation artistique et culturelle dans les musées et monuments nationaux - Projet national de l'éducation artistique et culturelle : pour un accès de tous les jeunes à l'art et à la culture », Rapport de la mission confiée au musée du Louvre par la ministre de la culture et de la communication. Juillet 2013.

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