LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Yves Fréville , ancien sénateur, membre du Comité des finances locales

M. Michel Klopfer , consultant finances locales

M. Yann Le Meur , professeur associé à l'université de Rennes 1, consultant finances locales

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU,
MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE MME MARYLISE LEBRANCHU,
MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

( Mercredi 12 novembre 2014 )

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique. - Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un effort des collectivités territoriales de 3,67 milliards d'euros sur la DGF, réparti au prorata de la part de chaque catégorie locale dans les recettes totales, soit 2,071 milliards d'euros pour le bloc communal - réparti entre 1,450 milliard d'euros pour les communes et 621 millions d'euros pour leurs groupements -, 1,148 milliard d'euros pour les départements, et 451 millions d'euros pour les régions. Les critères de répartition de cet effort entre catégories de collectivités sont identiques à ceux du précédent budget. Pour donner un ordre de grandeur, cet effort représente une baisse des ressources des collectivités locales de l'ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit également un renforcement de la péréquation, avec une progression de celle-ci qui a doublé par rapport à 2014, progression encore accentuée par l'Assemblée Nationale. Ainsi, le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France (FSRIF) ne connaîtra aucune diminution. Le rapport ira de un à sept entre les collectivités territoriales compte tenu de ce renforcement de péréquation. En d'autres termes, l'objectif de cette mesure est d'atténuer les effets de la baisse des concours financiers pour les collectivités les plus pauvres.

Une attention particulière a été portée à l'investissement avec le FCTVA retiré de l'enveloppe normée, la suppression de la réfaction de 0,9 point, la création d'un fonds d'investissement, la reconduction des dispositifs en faveur des départements. Je reviendrai plus en détails sur ces dispositions dans le cadre des questions que vous me poserez.

Beaucoup d'élus locaux réclament une hausse des dotations budgétaires. Or celles-ci sont financées par les impôts payés par nos concitoyens. Certaines collectivités territoriales estiment ne pouvoir faire face à cet effort que par une hausse de leur fiscalité locale qui pèse, là encore, sur le contribuable. À chaque bout de la chaîne, ce sont les citoyens qui sont concernés.

Pour conclure sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je souhaite souligner qu'au terme de la première lecture du projet de loi de finances pour 2015 à l'Assemblée nationale, l'équilibre budgétaire initial est modifié par le vote de 808 millions d'euros de dépenses en plus ou de recettes en moins. Sur ce montant, près de 500 millions d'euros concernent les collectivités territoriales : 300 millions d'euros supplémentaires pour les rythmes scolaires, 200 millions d'euros pour le FCTVA, liés au retrait du fonds de l'enveloppe normée et à la diminution de la réfaction.

Un amendement de rééquilibrage sera déposé à l'Assemblée Nationale par le Gouvernement pour financer ces 808 millions d'euros supplémentaires. Il n'est pas exclu que certaines dispositions concernent les finances des collectivités territoriales.

Le programme 148 « Fonction publique » concerne l'action sociale et la formation interministérielles.

En 2015, le Gouvernement a choisi de faire porter les efforts d'économie sur la formation pour stabiliser les crédits en faveur de l'action sociale pour les agents les plus modestes, notamment lors du premier déménagement.

C'est une action sociale peu large. Les fonctionnaires bénéficient d'un traitement et de la garantie d'emploi mais, parfois, certains rencontrent des difficultés.

Au programme est inscrite une subvention pour charges de service public des opérateurs du programme : l'École nationale d'administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA). La dotation diminue de 5 % sur les dépenses de fonctionnement,  réduction globale de 5 ETP sur les emplois permanents, soit 3 à l'ENA et 2 pour les IRA ; cela ne constitue pas de problème majeur pour l'ENA. L'effectif de la promotion du concours interne de l'ENA croît à hauteur de dix élèves pour 2015 car certaines directions de l'administration ne trouvent plus suffisamment de candidats à recruter.

Certains hauts fonctionnaires donnent des cours à l'ENA bénévolement car ils tiennent à la qualité de la formation de ceux qui les suivront.

Mme Jacqueline Gourault , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivité territoriales » . - Vous avez rappelé l'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques en diminuant leurs dotations budgétaires de 3,7 milliards d'euros. Si la majorité des élus locaux est favorable à cet effort de redressement, ils estiment que ce dernier ne peut s'accompagner de dépenses nouvelles, telles que la mise en place des rythmes scolaires. Sans parler du bien-fondé de cette réforme, sa présentation et le coût de sa mise en oeuvre ont été catastrophiques, compte tenu de l'effort déjà demandé aux communes. Il est important que le Gouvernement en ait pleinement conscience.

Le Gouvernement a-t-il évalué les conséquences de la baisse des dotations sur la mise en oeuvre des politiques publiques des collectivités territoriales et, surtout, l'impact de cette diminution sur l'investissement local ?

Par ailleurs, onze métropoles ont été créées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 - même si cette dénomination recouvre différentes réalités. Quelles sont les conséquences de ces créations sur les dotations dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, dans le cadre de cette baisse des dotations ?

Ensuite, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral prévoit une nouvelle carte régionale, avec des régions plus grandes qui se verront confier de nouvelles compétences avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Quelles sont les dispositions financières prévues par le Gouvernement pour permettre aux régions d'assumer leurs nouvelles compétences ?

Enfin, dernière question, où en est la réflexion du Gouvernement sur la Métropole du Grand Paris ?

M. Hugues Portelli , rapporteur pour avis des crédits du programme Fonction publique . - Madame la ministre, je vous poserai quatre questions, dont certaines parlent de la fonction publique territoriale.

La première prolonge la question de Jacqueline Gourault sur les rythmes scolaires. Les collectivités territoriales sont obligées de recourir à de nombreux recrutements mais, le plus souvent, il s'agit de personnels précaires, difficiles à trouver. En conséquence, le format du projet est réduit faute des personnels suffisants pour l'exécuter.

Nous avons voté des lois sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique et nous alimentons la précarité !

Deuxième question : beaucoup de fonctionnaires, en raison de la dureté des temps, sont amenés à travailler plus longtemps mais, parallèlement, cette donnée accroît la part maladie. Se pose donc la question de l'articulation des contributions respectives des collectivités et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Troisième question : comment se préparent les prochaines élections professionnelles du 4 décembre 2014 ?

Quatrième question enfin concernant la fonction publique d'État : avez-vous fait votre miel des derniers rapports établis sur la fonction publique ?

M. René Vandierendonck . - Par le hasard des calendriers, j'ai assisté ce matin à la réunion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui rendait compte d'un rapport de nos collègues Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard sur l'impact des mesures de restrictions budgétaires pour les collectivités territoriales. Ce travail, à l'essentiel, montre que la déflagration va être redoutable et conduire à l'impasse financière 60 % environ des départements et les communes de 10 000 à 50 000 habitants.

Avant que le Sénat n'examine le projet de loi de finances pour 2015, il faut un rappel des premières mesures annoncées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale pour sauver le soldat « investissement ». Plus largement, lors de l'examen du projet de loi de finances, est-il possible d'envisager l'adoption de mesures pour lesquelles à l'Assemblée, la députée Christine Pires Beaune a été mandatée. Au Sénat, je ne sais pas lequel de nos collègues a été désigné.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Le Gouvernement a saisi le Sénat de cette demande mais il n'a pas eu de réponse pour le sénateur pressenti, M. Philippe Dallier.

M. René Vandierendonck . - En cette période de congrès annuel des maires, compte tenu de l'existence de ce travail, est-il envisageable, dans le cadre d'une contractualisation, de lisser la durée des trois ans fixés à la réduction sensible de la DGF pour sauvegarder le niveau d'investissement des collectivités locales. Pour la communauté urbaine de Lille, cela représente une diminution de 30 % sur le plan pluriannuel d'investissement. C'est particulièrement préjudiciable au tissu économique.

Seconde question : puisque le Sénat note avec grande satisfaction une inflexion sensible du Gouvernement pour l'avenir du département après la déclaration du Premier ministre devant notre Haute Assemblée, confirmée au congrès de l'Assemblée des Départements de France à Pau, et compte tenu du rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation selon lequel 60 % des départements restent dans l'oeil du cyclone, à l'instar de la proposition de loi sur les communes nouvelles - qui prévoit une garantie de DGF pendant trois ans -, est-il envisageable que le regroupement de départements puisse être accompagné de mesures analogues ?

M. Michel Mercier . - Il est vrai que la baisse des dotations va changer la donne pour les collectivités locales mais il est très vrai aussi qu'on ne peut pas échapper à cet état dans le contexte de réduction générale des dépenses publiques.

En revanche, on peut peut-être y procéder avec un peu plus d'équité : la diminution de la DGF des communes sans la réformer ne peut pas tenir très longtemps : tout le monde est responsable : dans cette assemblée, on a voté des amendements pour prévoir des exceptions au profit de certaines catégories de communes. Il faut réduire les écarts entre les communes.

En ce qui concerne le projet de loi NOTRe, il n'est pas sûr qu'il corresponde aux besoins d'aujourd'hui. Il faudrait plutôt offrir des outils aux collectivités territoriales pour qu'elles s'en saisissent pour l'exercice de leurs compétences.

Quand on respectera l'accord local, on ira beaucoup plus vite sur l'évolution des structures locales. La création d'une commune nouvelle peut engendrer des économies. Je vous indique mon exemple : cinq communes ont fusionné, ce qui a permis une économie sur certaines dépenses comme les fournitures scolaires en permettant la passation d'un seul marché ; l'économie réalisée en conséquence s'élève à environ 200 000 euros.

Notre rôle d'élus nationaux est de préparer le changement.

M. François Grosdidier . - Je ne suis pas persuadé que des changements provoquent des économies. Je suis même persuadé du contraire.

S'agissant de la baisse de dotations, le travail qui a été mené par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat est intéressant mais inquiétant, d'autant plus qu'il ne se fonde pas sur des scenarii catastrophistes. D'ailleurs, il ne prend pas en compte les effets mécaniques de hausse de la dépense locale.

Au niveau global, on assistera donc à une dégradation de la situation financière de toutes les collectivités territoriales, c'est-à-dire non seulement celles en bonne santé qui vont connaître une dégradation, mais également celles qui sont déjà mal en point et qui vont basculer « dans le rouge ». Ainsi, le taux d'épargne brute va diminuer d'un quart voire, pour les grandes communes et les départements, de moitié.

Stabiliser les dépenses de fonctionnement signifie concrètement qu'il faudra diminuer les effectifs mais aussi l'investissement à hauteur de 30 % avec de lourds impacts. Dans ce cas, comment demander aux collectivités territoriales, parallèlement, de lutter contre le chômage en soutenant l'emploi public ?

Je vous entends, Madame la ministre, expliquer qu'à la fin, c'est toujours le contribuable qui paie. Or la fiscalité locale est socialement injuste, notamment au regard de ses assiettes, comme l'a souvent dit votre famille politique. Il y aura donc des conséquences injustes.

Ajoutons à cela que les collectivités territoriales subissent les hausses de cotisations sociales, y compris pour les élus locaux. À cet égard, je note que les élus perçoivent, en retour de leurs cotisations comme prestations sociales, entre un dixième et un quart seulement du montant de leurs cotisations.

L'Association des Maires de France estime à un milliard d'euros par an le coût pour les collectivités territoriales de la mise aux normes imposée par la loi ou par une simple impulsion gouvernementale. Prenez l'exemple du service public de la petite enfance qui est reporté sur les collectivités territoriales et la branche famille, déjà en difficulté. Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne tiennent, dans leurs calculs sur l'impact de la baisse des dotations, même pas compte de ces tendances lourdes.

Les collectivités territoriales se substituent à l'État, comme pour les maisons de l'accès au droit.

La baisse des dotations que les gouvernements minimisent aura des incidences lourdes. Ce seront les élus locaux qui devront assumer l'augmentation des impôts locaux socialement injustes.

Enfin, je ne suis pas sûr que le changement d'échelle soit source d'économie. Si je prends l'exemple de la politique de la ville, auparavant les contrats urbains de cohésion sociale étaient signés par les communes alors que, dorénavant, s'y ajoutent, sous l'effet des politiques communautaires, les établissements publics de coopération intercommunale qui font doublon.

M. Christian Favier . - Les dotations aux collectivités territoriales ne sont pas des cadeaux mais des compensations, souvent insuffisantes, de transfert des compétences en provenance de l'État.

S'agissant des départements, la croissance exponentielle des dépenses sociales, due à la période de crise que nous connaissons, ne peut être limitée par les départements qui ne disposent pas de leviers pour fixer le niveau du RSA et les conditions d'accès aux prestations sociales.

L'an dernier, plusieurs mesures ont été prises en faveur des finances départementales. On ne peut qu'apprécier qu'elles soient prolongées pour la durée du quinquennat mais elles ne permettent, en tout état de cause, qu'une pose en matière d'écart entre les dépenses à engager et le niveau de compensation.

Lors d'une rencontre entre le Premier ministre et une délégation de présidents de conseils généraux, à laquelle vous assistiez Madame la ministre, a été évoquée la possibilité d'un retour du RSA à l'État. Pouvez-vous nous indiquer sous quelle forme cela pourrait se faire et quel est l'état de la réflexion à ce sujet ?

Ces mesures sont importantes pour les départements car on ne peut pas faire porter les efforts supplémentaires sur eux alors qu'ils ont un pouvoir fiscal limité et que les impôts dont ils perçoivent le produit sont injustes.

J'entends : « Tout le monde doit faire des efforts . » Pour les départements, les efforts, notamment sur leur gestion, sont anciens, ne serait-ce qu'avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ces efforts ont eu un effet direct sur les services rendus. Il faut donc prendre en compte les efforts déjà accomplis par les départements.

Est-ce que les regroupements de départements vont améliorer la gestion et permettre de faire face à cette hausse de dépenses ? J'entendais l'exemple donné par mon collègue René Vandierendonck à propos des deux départements de la région Nord-Pas-de-Calais. Je crois que les effets attendus d'un regroupement sont une illusion. L'essentiel est de ne pas priver les collectivités territoriales de leurs capacités d'investissement car elles forment un levier pour la croissance et non uniquement une source de dépenses. À défaut, nous alimenterons la spirale du déclin.

Il faut tenir compte de la croissance démographique qui oblige, par exemple, à la construction, et non pas seulement à la rénovation de collèges, ce qui impliquera des dépenses d'investissement, mais aussi de fonctionnement. Or les départements sont dans l'incapacité de construire de nouveaux établissements. Je crois donc que les limites ont été atteintes.

M. Philippe Bas, président . - Beaucoup de sénateurs connaissent bien les collectivités territoriales, vous avez pu le constater Madame la ministre : c'est une réalité qu'il conviendrait de maintenir...

La plupart des interventions de mes collègues concernent non pas le principe même de la baisse des dotations, mais l'ampleur d'une telle diminution, avec les conséquences très fortes que cela entraîne sur les investissements locaux. Ces remarques transcendent largement les clivages partisans. Vous avez été interrogée, Madame la ministre, sur les communes nouvelles mais aussi sur les fusions de départements et leurs effets sur l'emploi. J'ajoute une question : quelle est l'ampleur des effectifs, dans les services de l'État, concernés par l'instruction, à l'avenir, des permis de construire par les communes rurales ?

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est déjà en place. Ces services sont exsangues !

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Nombreux sont ceux, parmi les sénateurs qui sont intervenus aujourd'hui, à souligner qu'il faut regarder en amont l'impact d'une décision sur les collectivités. Je remarque qu'il s'agissait précisément de l'objet du Haut conseil des territoires dont le Sénat a rejeté la création, en considérant que c'était à lui d'anticiper cet impact. Il faudra adopter une telle pratique à partir du conseil national d'évaluation des normes en faisant évoluer son rôle pour qu'il puisse examiner en amont l'impact des décisions prises.

Concernant les grandes difficultés qui résulteraient de la baisse des dotations, je ne suis pas en mesure de vous fournir des données chiffrées. On ne peut pas connaître l'impact précis sur l'investissement dans l'immédiat.

Je tiens à préciser, pour corriger ce que j'ai indiqué précédemment et en réponse à M. Mercier, que c'est le rapport dans la contribution à la baisse de la DGF par les différentes collectivités qui va de un à sept, et non la DGF elle-même.

Certaines collectivités disposent de réserves, n'ont aucun emprunt et peu de dépenses d'investissement en cours, donc les réalités dans les situations des collectivités sont très différentes. C'est aussi le rôle de la péréquation et de l'intercommunalité.

Concernant le conseil national d'évaluation des normes, pour l'instant, je n'ai pas les données nécessaires pour m'engager. Je précise en outre que même sans la baisse des dotations, il y aurait eu un ralentissement compte tenu du cycle électoral.

M. Jean-Jacques Hyest . - On le sait bien, ce n'est pas le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Je suis en tout cas partisane de flécher un certain nombre de fonds, même si cela touche au principe de libre administration des collectivités territoriales. Flécher les dotations vers des investissements prioritaires ne me semble pas choquant. Pour pallier les insuffisances actuelles, nous allons mettre en place un groupe « dialogue national des territoires », destiné à soutenir l'investissement. Je précise que nous n'avons pas souhaité inclure ces dépenses fléchées destinées à l'investissement dans les dotations concernées par la baisse. Le FCTVA par exemple n'est pas dans l'enveloppe normée visée par la baisse des dotations et va passer de 15,761 % à 16,404 %. Ce n'est pas anodin.

Enfin, certaines dotations de soutien à l'investissement, comme la dotation globale d'équipement (DGE) ou la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) doivent être fléchées pour cibler trois objectifs : les bourgs centres, la transition énergétique et la petite enfance. Nous avons par exemple examiné une question avec les associations d'élus : pourquoi manque-t-il autant de logements, si l'on exclut la question du logement social ? C'est tout simplement parce que le logement implique du service : crèches, classes scolaires, etc. Les investissements liés à ces services ne sont absolument pas compensés par la taxe d'habitation que génère la construction de logements. Il y a donc des réticences des élus locaux à accepter des programmes de construction de logements, même privés. Flécher la dotation, c'est donc inciter les maires à accepter la construction de logements neufs.

Je crois à la mutualisation, il s'agit d'un des meilleurs leviers.

La dépense publique génère toujours de l'investissement. Au contraire, toute baisse de dépenses publiques est récessive, c'est un postulat économique.

Mais la dette est soumise aux taux d'intérêt et nous n'avons pas la garantie que ces taux restent bas. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'une baisse de la dépense publique.

Le coût de la création de quatre grandes métropoles - Grenoble, Rouen, Rennes et Montpellier - s'élève à 30 millions d'euros pour 2015. Je n'ai pas été suivie par le Comité des finances locales (CFL) qui pense qu'il faut des critères de répartition plus larges.

Peut-on lisser les progressions sur plusieurs années ? Les métropoles doivent répondre immédiatement à leurs compétences. Il faudra regarder de plus près les répartitions à bâtir ensemble mais pour ma part, je n'ai pas la réponse.

Par ailleurs, il y a une distorsion trop grande entre nos collectivités. Il faut préserver certains territoires locaux pour assurer dans l'avenir notre indépendance alimentaire. La DGF doit être réformée, au moins sur son volet de péréquation verticale.

On ne peut pas continuer à avoir des régions aux compétences majeures mais sans ressources propres.

En ce qui concerne la fonction publique, le déficit chronique est lié à la démographie. La pyramide des âges est peu favorable, il y aura beaucoup de départs à la retraite dans les cinq ans à venir. On constate aussi que des fonctionnaires territoriaux veulent travailler après l'âge de départ à la retraite.

Pour revenir aux collectivités territoriales, il faut reconnaître que le potentiel fiscal n'est pas partout identique.

M. Jean-Jacques Hyest . - La gestion aussi est importante.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Oui, c'est vrai mais on ne peut pas nier que tous les territoires n'ont pas les mêmes ressources.

Il y a parfois des villes-centre à fiscalité importante qui pourraient fusionner avec des villes périphériques. Pourtant, elles ne le font pas.

Pour les départements, j'ai reçu quatre demandes de fusion de départements. Cela permet de garder les dotations mais c'est au sein de la même enveloppe.

On s'achemine vers de grandes régions. Nous serons au même niveau que nos voisins. C'est une bonne évolution pour certains, c'est une évolution tout simplement selon moi.

Pour le financement des dépenses des conseils généraux, en juillet 2013, le pacte de confiance et de responsabilité s'est accompagné d'un complément de 841 millions d'euros de ressources fiscales dynamiques de l'État auxquels s'ajoutent 800 millions d'euros supplémentaires.

Les écarts entre les départements ont diminué au profit des plus fragiles. Nous avons fait preuve de justice en aidant les plus faibles.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé : la pérennisation du fonds de solidarité, la réforme des DMTO, la modification de l'indicateur CNSA. À cela s'ajoute la constitution d'un groupe de travail entre l'ADF et le Gouvernement sur le financement des allocations et leur articulation. En effet, 40 % des personnes qui pourraient bénéficier du RSA n'y font pas appel. Mon souhait, sans anticiper sur le résultat, est d'engager une réflexion sur le RSA socle et le RSA cible. Il y a là un vrai sujet. Les associations de collectivités territoriales et leurs représentants seront invités à cette réflexion.

M. Michel Mercier . - Il faut convier la caisse d'allocations familiales, dans ce cas, car elle décide de l'affectation de la dépense.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - La caisse d'allocations familiales ne fait qu'appliquer des déterminants qui sont décidés au niveau national.

Pour répondre à M. Favier, le décalage de paiement d'un mois aura un effet sur les finances des caisses d'allocations familiales. Je ne peux donc pas donner toute seule un accord de principe à une mesure à laquelle le Gouvernement n'est pas, à ce stade, favorable.

Je précise d'ailleurs que la hausse de 2 % du RSA décidée, dans le cadre du plan « pauvreté », sur la durée du quinquennat, sera assumée financièrement par l'État.

Monsieur Mercier, vous évoquiez les règles équitables pour appliquer la baisse des dotations. Je crois que cela passera par la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui assure une péréquation verticale.

Des demandes nombreuses m'ont été faites de renforcer les dotations rurales par rapport à celles urbaines. Je crois devoir insister sur le fait que les villes assument des charges de centralité.

M. Michel Mercier . - Elles ont aussi des habitants supplémentaires pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement ! Je ne demande pas la stricte égalité mais un rapprochement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - La part de la dotation globale de fonctionnement doit davantage être assise sur les critères tels les espaces agricoles naturels, les captages d'eau, etc. Je crois que dans les prochaines décennies, se posera un enjeu de souveraineté alimentaire. Nous avons tous intérêt à ce que les communes rurales, littorales et de montagne ne construisent pas pour préserver de l'espace. Dans ce cas, il faut compenser ce choix d'intérêt général sur le plan financier. L'opposition n'est pas tant entre l'urbain et le rural qu'entre le construit et le non-construit.

Il me semble que, dans certaines communes, ce sont les non-habitants qui sont seulement des résidents qui font monter les prix. J'estime que les maires devraient pouvoir faire contribuer davantage ces résidents plutôt que les habitants qui animent la vie de la commune.

Dans un souci de subsidiarité, la conférence territoriale de l'action publique est un signe de confiance en direction des élus locaux. Même si ce ne fut pas sans difficulté au Sénat, le Parlement a adopté cet outil d'adaptation locale. Les décrets ayant été pris, il faut désormais les faire vivre !

Monsieur Portelli, vous m'avez interrogée sur les élections professionnelles. Pour l'instant, l'ambiance est bonne. J'espère que le vote électronique sera mieux réussi que lors des précédentes élections. Pour la première fois, toutes les élections professionnelles auront lieu en même temps, ce qui est favorable, selon moi, au dialogue social. Je souhaite que la participation électorale soit forte car je crois à la nécessité des corps intermédiaires.

M. Philippe Bas , président . - Je précise à nos collègues que nous vous entendrons à nouveau, Madame la ministre, le 2 décembre prochain en commission, le matin, sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et en séance publique, l'après-midi, à propos de votre mission budgétaire. Je laisse la parole à mes collègues pour les trois dernières interventions.

Mme Catherine Tasca . - Ce ne sera pas une question, mais une demande. La loi du 12 mars 2012 visait à résorber la précarité dans la fonction publique. Je souhaiterais obtenir de votre part un état des lieux sur sa mise en oeuvre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Le bilan de cette loi a été dressé et je veillerai à ce qu'il vous soit transmis.

M. René Vandierendonck . - Pourrions-nous disposer, d'ici le 2 décembre prochain, d'une piste pour corriger les effets inéquitables entre fonctionnaires territoriaux des régimes indemnitaires des collectivités territoriales ?

Ce problème est sous-jacent à la réforme territoriale car il existe de fortes disparités à grades identiques. Si je fais la comparaison entre la ville de Roubaix et la région Nord-Pas-de-Calais, il existe, pour des horaires et des charges de travail différentes, près de 600 euros d'écart de traitement.

M. Jean-Pierre Vial . - Comme savoyard, je suis sensible aux propos de la ministre sur la fusion des départements. Je ne sais pas si les régions sont trop grandes ou trop petites, je souhaite surtout qu'elles soient plus fortes.

J'ai une profonde inquiétude car vous minimisez la baisse énorme des capacités d'investissement des collectivités territoriales qui sera d'au moins 30 % selon les experts entendus par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Il y a déjà des tailles dans les dépenses de fonctionnement. Dans mon département, c'est une baisse de 2,5 millions d'euros. Des programmes de logements sociaux sont arrêtés.

J'approuve les propos de Michel Mercier sur le rapprochement de l'écart entre les communes urbaines et rurales. Actuellement, ce sont les départements qui résorbent ces écarts. Qu'adviendra-t-il lorsqu'ils auront moins de marges de manoeuvre financières ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - S'agissant de la question qui m'a été posée par M. le président Bas sur les permis de construire, je veillerai à vous faire transmettre les chiffres exacts. Je note cependant que la réduction de l'assistance technique fournie par l'État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire a été décidée par les deux majorités successives.

C'est pourquoi je souhaite réellement la création de la compétence de solidarité territoriale car je me méfie du recours systématique à des bureaux d'étude, ce qui pourrait aboutir à un coût plus élevé.

Monsieur Vial, nos experts avancent plutôt un recul de l'investissement de 5 % que de 30 % comme vous l'évoquiez. J'attends de pouvoir connaître les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour pouvoir comparer nos prévisions.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie, Madame la ministre. Nous nous retrouverons donc le 2 décembre prochain et je suspens la séance d'ici l'audition de la ministre des outre-mer.

Page mise à jour le

Partager cette page