II. L'INSUFFISANCE DES CRÉDITS POUR 2018 EST CONTRADICTOIRE AVEC L'AMBITION AFFICHÉE DANS LE CADRE DU PLAN « LOGEMENT D'ABORD », ALORS QUE CERTAINES PROBLÉMATIQUES PERSISTENT

A. LA SOUS-BUDGÉTISATION DU PROGRAMME 177 OBÈRE LA MISE EN oeUVRE DU PLAN « LOGEMENT D'ABORD »

1. Un plan dont les orientations sont consensuelles

Les crédits demandés pour 2018 au titre du programme 177 s'inscrivent dans la logique de mise en oeuvre du plan quinquennal « pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme ».

La logique du « logement d'abord », s'inspire d'expérimentations réussies notamment en Amérique du nord (« Housing first » ) . Elle part de l'hypothèse selon laquelle il est plus efficace et moins coûteux à terme d'organiser l'installation des personnes sans abri directement dans le logement plutôt que de les faire passer par des structures d'hébergement et de réinsertion. Cet accès direct au logement suppose un accompagnement social renforcé.

Le plan annoncé par le Gouvernement, qui doit s'articuler autour de cinq priorités et seize axes, vise d'une part à assurer une réponse immédiate aux situations d'urgence et d'autre part à privilégier l'insertion dans le logement ordinaire ou adapté des personnes en difficulté. Concrètement, la mise en oeuvre du plan « logement d'abord » doit passer par la production de de 40 000 logements très sociaux par an dès 2018 et, sur la durée du quinquennat, par l'ouverture de 10 000 places en pension de famille et 40 000 places dans le parc privé via les dispositifs d'intermédiation locative.

Votre rapporteur soutient sans réserve les orientations ainsi mises en avant, qui font par ailleurs l'unanimité parmi les acteurs associatifs. Il souligne néanmoins que l'idée de faire de l'accès à un vrai logement une priorité n'est pas nouvelle. Elle a notamment été défendue dès 2009 par M. Benoist Apparu, alors ministre délégué chargé du logement.

Dispositif « un chez-soi d'abord »

Le plan « logement d'abord » reprend la logique qui a présidé à l'expérimentation « un chez-soi d'abord », lancée en 2011 et destinée aux personnes sans abri souffrant de graves troubles psychologiques ou d'addiction. Un décret du 30 décembre 2016 12 ( * ) a inscrit ce dispositif dans le droit commun (art. D. 312-154-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles) et doit permettre son extension à 16 nouveaux sites au cours de la période 2018-2022.

Le plan « logement d'abord »

• Priorité I. Produire et mobiliser plus de logements abordables et adaptés aux besoins des personnes sans-abri et mal logées

Axe 1. Produire des logements sociaux et très sociaux adaptés aux besoins des personnes sans-abri et mal logées.

Axe 2 . Mobiliser le parc privé à des fins sociales

Axe 3. Développer les solutions de logement adapté en réponse à des besoins spécifiques

Axe 4. Faciliter la transformation de centres d'hébergement en logements selon les besoins des territoires

• Priorité II . Promouvoir et accélérer l'accès au logement et faciliter la mobilité résidentielle des personnes défavorisées

Axe 5. Améliorer la connaissance des publics sans domicile et renforcer les dispositifs de la veille sociale

Axe 6. Donner la priorité au logement dans l'orientation des personnes sans domicile

Axe 7. Améliorer l'accès des ménages défavorisés au logement social en mobilisant notamment les leviers de la loi relative à l'Égalité, à la Citoyenneté et aux Territoires

Axe 8. Favoriser la mobilité résidentielle et géographique des personnes défavorisées en demande de logement

• Priorité III. Mieux accompagner les personnes sans domicile et favoriser le maintien dans le logement

Axe 9. Renforcer et articuler l'accompagnement social vers et dans le logement et proposer des approches pluridisciplinaires et coordonnées

Axe 10. Accompagner le changement des cultures et pratiques professionnelles et renforcer la formation des acteurs

Axe 11. Développer la cohérence entre insertion socio-professionnelle et accès au logement

• Priorité IV. Prévenir les ruptures dans les parcours résidentiels et recentrer l'hébergement d'urgence sur ses missions de réponse immédiate et inconditionnelle

Axe 12. Renforcer la prévention des expulsions locatives de façon à limiter le recours au jugement d'expulsion et le nombre d'expulsions effectives

Axe 13 . Prévenir les ruptures résidentielles des personnes sortant d'institutions ou victimes de violence

Axe 14. Recentrer l'hébergement d'urgence sur sa fonction de réponse immédiate et inconditionnelle aux situations de détresse

• Priorité V. Mobiliser les acteurs et les territoires pour mettre en oeuvre le principe du Logement d'abord

Axe 15. Mettre en place une gouvernance efficace à tous les niveaux

Axe 16. Soutenir et s'engager avec des territoires de mise en oeuvre accélérée

Source : Réponse de la DGCS au questionnaire adressé par le rapporteur

2. Des moyens qui ne sont pas à la hauteur des ambitions

Concernant le programme 177, la mise en oeuvre du plan « logement d'abord » passe donc par l'augmentation des crédits dédiés à l'urgence et au logement adapté. Or, les moyens financiers prévus par le PLF pour 2018 n'apparaissent pas à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République.

a) La réponse à l'urgence

L'augmentation de 34 % des crédits destinés à l'hébergement d'urgence est présentée comme devant permettre de rendre effectif le droit à l'hébergement. Cette augmentation doit toutefois être relativisée.

En effet, si elle est plus marquée cette année, une telle augmentation est habituelle. Elle était de 26 % dans la LFI pour 2016 et de 28 % dans la LFI pour 2017. Cette augmentation continue ne permet toujours pas de répondre aux besoins, ainsi que le montre l'indicateur 1.2 du projet annuel de performance (PAP) du programme 177.

Taux de réponse positive du SIAO aux demandes d'hébergement

2015 (réalisation)

2016 (réalisation)

2017 (prévision PAP)

2017 (prévision actualisée)

2018 (prévision)

2020 (cible)

Demandes d'hébergement

31 %

20 %

33 %

21 %

22 %

24 %

Demandes
de logement

1 %

0,4 %

3 %

1 %

2 %

4 %

Source : Projet annuel de performance du programme 177, indicateur 1.2/

Surtout, l'hébergement d'urgence représente l'essentiel de la sous-budgétisation récurrente du programme 177.

En 2016, les crédits destinés à l'hébergement d'urgence votés en LFI s'élevaient à 482,9 millions d'euros et le niveau de crédits de paiement effectivement consommés a finalement atteint 670,5 millions d'euros, soit un écart de près de 39 %. Compte tenu des majorations déjà intervenues en 2017 et attendues en LFR, on peut s'attendre à ce que le niveau des crédits demandés pour l'hébergement d'urgence en 2018 marque, au mieux, une progression limitée par rapport à l'exécution 2017 et à ce qu'il soit donc insuffisant.

Malgré la volonté affichée par le Gouvernement de rendre effectif le droit inconditionnel à l'hébergement, les crédits demandés dans le cadre du PLF pour 2018 semblent plutôt inscrire la gestion de l'hébergement d'urgence dans la continuité des exercices précédents.

b) Les CHRS

Les crédits programmés pour les CHRS, qui progressaient régulièrement, baissent en 2018 et atteignent un niveau inférieur à celui de la LFI pour 2016 et même à l'exécution 2015. Si cette baisse des crédits résulte en partie des économies attendues de la démarche de convergence des coûts, on voit mal comment elle est serait compatible avec l'ambition du plan « logement d'abord ».

c) L'accès au logement adapté et au logement autonome

Le plan « logement d'abord » vise notamment à « recentrer l'hébergement d'urgence sur sa fonction de réponse immédiate et inconditionnelle aux situations de détresse ». Ce recentrage doit résulter d'une augmentation de l'offre de logement adaptée, (axe 14 du plan) L'augmentation des crédits du logement adapté de 31 millions d'euros en 2018 va donc dans le bon sens, à condition qu'une partie de ces crédits ne soient pas encore une fois réaffectés en cours d'exercice pour financer l'hébergement d'urgence. Toutefois, les indicateurs fournis par le PAP montrent que des investissements nettement supérieurs à ce qui est prévu seraient nécessaires pour obtenir une réelle amélioration de l'accès au logement adapté.

L'indicateur 1.3 présente la proportion de places en logement accompagné par rapport au nombre de places d'hébergement. On constate que l'année 2016 a marqué un recul par rapport à l'année 2015 et que les prévisions pour 2017 ont été fortement réévaluées à la baisse. Ces mauvais résultats sont présentés comme la conséquence d'une augmentation du nombre de personnes hébergées plus rapide que l'augmentation du nombre de places en logement adapté (+ 40 000 unités en cinq ans). Alors que la tension sur les dispositifs d'hébergement ne devrait pas faiblir dans les prochaines années, les objectifs fixés pour 2018 et 2020 peuvent donc sembler relativement optimistes.

Proportion de places en logement adapté par rapport au nombre de places d'hébergement

Source : PAP, indicateur 1.3

L'indicateur 1.1 présente les orientations des personnes sortant d'un CHRS. En 2017, 15 % d'entre elles accèdent à un logement adapté et 32 % à un logement ordinaire. Les cibles pour 2018 et 2020 s'inscrivent dans la continuité de la progression très lente observée depuis 2015, signe que le Gouvernement n'attend pas une réelle amélioration de la situation malgré l'augmentation des crédits prévue par le PLF 2018.

Orientation des personnes sortant des CHRS

Source : Projet annuel de performance du programme 177, indicateur 1.1

Votre rapporteur regrette que le que le PAP ne prévoie aucune ligne budgétaire spécifique pour l'accompagnement vers et dans le logement (AVDL), qui demeure essentiellement financé par les astreintes versées par l'État au titre du droit au logement opposable (Dalo).

Il convient par ailleurs de noter qu'une partie importante des personnes hébergées se trouvent dans une situation administrative qui ne leur permet pas d'accéder aux dispositifs de logement adapté.

Enfin, la réussite de ce plan nécessite la création de réels débouchés dans le logement de droit commun. Or, on peut craindre que la réduction des loyers prévue par l'article 52 fragilise la capacité d'investissement des organismes de logement social et obère l'objectif de production de 40 000 logements très sociaux par an dès 2018.

L'article 52 du PLF

L'article 52 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réduction du loyer dans le logement social pour les locataires les plus modestes, concomitante à une baisse des aides personnelles au logement (APL). Il prévoit par ailleurs une suppression des APL servies pour l'accession à la propriété et un gel du montant de l'ensemble des aides et des loyers dans le secteur du logement social. Cet article prévoit enfin un dispositif de péréquation entre organismes de logement social.

Ces mesures doivent permettre, en année pleine, une économie de 1,7 milliard d'euros et s'ajoutent à l'abattement forfaitaire de 5 euros sur l'ensemble des APL, qui représenterait une économie de 400 millions d'euros en année pleine.


* 12 Décret n° 2016-1940 du 28 décembre 2016 relatif aux dispositifs d'appartements de coordination thérapeutique « Un chez-soi d'abord ».

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