TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher,
ministre de la transition énergétique
(Mercredi 15 novembre 2023)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Madame la Ministre, nous sommes très heureux de vous auditionner sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie » et, plus largement, sur l'actualité, très dense, du secteur de l'énergie.

Avant de vous donner la parole pour nous présenter ce budget, je souhaiterais vous poser plusieurs questions sur cette actualité.

Le 25 septembre dernier, le Président de la République a annoncé l'aboutissement de chantiers législatifs majeurs, avec le dépôt, d'ici à la fin de l'année, d'un projet de loi révisant notre programmation et notre régulation énergétiques et d'un autre projet de loi fusionnant l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avec l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Pouvez-vous nous préciser le calendrier et les contenus envisagés de ces textes ?

Madame la ministre, je veux le dire solennellement ici : notre commission et - je n'en doute pas - le Sénat dans son ensemble seront très attentifs au respect des droits du Parlement dans le cadre de l'examen de ces deux textes.

Je rappelle que c'est notre commission qui a fixé le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie, lors du vote de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite loi « Énergie-Climat ». Ce faisant, nous avons souhaité, dans un secteur aussi stratégique que celui de l'énergie, consacrer la préséance du Parlement sur le Gouvernement, de la politique sur la technique, car ces choix auront des conséquences majeures sur le quotidien de nos concitoyens. Nous n'accepterons donc pas un énième report d'examen, car cette loi aurait dû légalement être adoptée avant le 1er juillet 2023. Nous veillerons aussi à ce que le contenu de cette loi couvre bien l'ensemble des enjeux : du mix énergétique à la rénovation énergétique. Ce contenu doit courir jusqu'en 2033, s'agissant de l'énergie, et jusqu'en 2038, concernant le carbone.

Pour ce qui est de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, c'est aussi notre commission qui a expurgé la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi « Nouveau nucléaire », de toute référence à cette fusion, pour lui préférer une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, après le vote massif du Sénat sur ce texte, nous nous sommes opposés à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l'Opecst, nous avons remis les parlementaires au coeur des enjeux. Nous souhaitons donc des conditions d'examen qui permettent au Parlement de prendre le temps d'examiner de façon approfondie les tenants et les aboutissants de ce texte.

Nous veillerons évidemment à ce que le contenu de cette loi n'induise pas de déstabilisation de la sûreté, de la radioprotection ou de la recherche nucléaires. Vous le savez comme nous : pour réussir, la relance du nucléaire doit être assortie d'un haut niveau de contrôle et de transparence, gage de la confiance du public.

C'est donc un examen parlementaire approfondi et exigeant que notre commission réservera, comme à son habitude, à ces textes. Un travail que nous voulons de fond, rationnel et collégial.

Parmi les sujets pendants, je forme le voeu que ces textes débloquent deux sujets de financement, sur lesquels je souhaiterais vous interroger.

Dans le domaine du nucléaire, les dépenses s'élèvent, pour le groupe EDF, à 50 milliards d'euros pour la construction de six nouveaux réacteurs pressurisés européens 2 (ou European Pressurized Reactors 2 - EPR 2) et à 65 milliards d'euros pour la prolongation des réacteurs existants, dans le cadre du « Grand Carénage ». Or aucun modèle de financement n'a été trouvé à ce jour ! Aussi, nous voudrions savoir concrètement comment sera financée votre relance du nucléaire...

La réforme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) est encore attendue. Un accord a été annoncé hier avec un prix autour de 70 euros par mégawattheure (MWh) : en quoi consiste-t-il précisément ? Quel est son impact sur les recettes du groupe EDF et les prix des consommateurs ?

Par ailleurs, les contrats pour la différence (ou Contracts for Difference - CfD), autorisés pour l'énergie nucléaire par la réforme du marché européen de l'électricité, ne sont pas non plus opérationnels. M. Luc Rémont, le PDG d'EDF, a rappelé devant nous la nécessité d'un soutien public, quel qu'il soit, pour réussir la relance du nucléaire.

Comment l'État va-t-il aider EDF à financer ces plus de 100 milliards d'euros d'investissements ? Je rappelle que le montant alloué au nucléaire par le plan « France 2030 » ne dépasse pas 1 milliard d'euros ! Comment, dès lors, développer les EPR 2 et petits réacteurs modulaires (ou Small Modular Reactors - SMR) annoncés ?

À l'échelon européen, les modèles de financement passent par des fonds propres, des garanties d'emprunts, des prix régulés ou des participations de consommateurs intensifs. Quel est le schéma retenu pour la France, en sachant que la Cour des comptes a clairement indiqué que le groupe EDF ne pouvait financer seul cette relance ?

Dans le domaine des énergies renouvelables (EnR), les dépenses atteignent, selon le groupe EDF, 5 milliards d'euros par an s'agissant des investissements dans la transition énergétique. Pour l'hydroélectricité, M. Rémont nous a précisé qu'il étudiait un passage du régime des concessions vers celui des autorisations. C'est une annonce importante, dans la mesure où un contentieux européen obère les perspectives de développement de la filière, depuis bientôt vingt ans. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette solution ? Le Gouvernement est-il sur la même longueur d'onde que le groupe EDF en la matière ?

Je vous laisse réponse à ses premières questions, puis notre rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie », Daniel Gremillet, les rapporteurs ayant travaillé sur des thématiques liées à l'énergie et l'ensemble de nos collègues vous interrogeront.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. - Un mot d'abord, Madame la Présidente, pour saluer votre élection à ce poste. J'aurai le plaisir de travailler avec vous comme je l'ai eu avec Mme la vice-présidente Sophie Primas, dont je salue également la présence ici.

Le budget de 2024 porte un effort inédit de l'État pour mettre en oeuvre la planification écologique et énergétique. Sur les 10 milliards d'euros supplémentaires dédiés à la planification, 7 milliards seront de la responsabilité directe des ministères de la transition écologique et de la transition énergétique. Avec un total de 62 milliards d'euros, les budgets des deux ministères sont en hausse de 15 %.

Ces moyens financiers se doublent d'un renforcement significatif de nos moyens humains, avec la création nette et sans précédent de 760 emplois dans l'administration centrale comme déconcentrée.

De tels moyens sont au service d'une ambition, celle de l'accompagnement des Français dans la transition écologique et énergétique, celle visant à leur permettre de mieux se déplacer et de mieux se loger, celle visant enfin à conduire notre pays à produire plus d'énergie décarbonée.

Le budget de 2024 est d'abord celui de la décarbonation du quotidien des Français, car, pour atteindre la neutralité carbone, nous devons nous en tenir à un principe intangible : la transition écologique et énergétique ne doit pas aggraver les inégalités sociales. Il s'agit d'une question d'acceptabilité. Je suis convaincue que la transition, synonyme de grande transformation de nos modes de vie, est une question éminemment sociale. Sous-estimer cette dimension, c'est risquer de mettre en danger notre République, dont l'équilibre repose, culturellement, sur une forte exigence de justice sociale.

Au fond, la transition écologique et énergétique est davantage un sujet de progrès social que de progrès technique.

Quand on accompagne les Français pour leur permettre de mieux se déplacer et mieux se loger, avec des véhicules consommant moins et des logements moins énergivores, on marque des points dans la bataille du pouvoir d'achat, des factures.

On gagne également des points dans le combat pour l'amélioration de la qualité de vie en réduisant la pollution de l'air, la prévalence des maladies respiratoires et en permettant à des millions de Français de sortir des passoires thermiques pour habiter dans des logements dignes. Je sais que vous êtes une spécialiste de ces questions, Madame la Présidente.

On gagne encore des points dans le combat climatique en réduisant considérablement le poids des principaux postes émetteurs de gaz à effet de serre (GES), que sont les véhicules des particuliers et les bâtiments résidentiels.

Le Gouvernement a ainsi fait le choix de porter à 1,5 milliard d'euros les aides au verdissement des véhicules, soit 200 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023, ce qui représente une hausse de 15 %. Ces aides se déclinent autour de trois axes.

Premièrement, nous devons rendre plus accessibles les véhicules électriques aux plus modestes et aux classes moyennes, en particulier à ceux qui vivent en milieu rural et à la périphérie des principaux centres urbains. Nous renforçons ainsi les aides à l'acquisition de véhicules électriques pour ceux-ci. Mon objectif consiste à réduire l'écart entre le prix d'un véhicule thermique et celui d'un véhicule électrique, afin de mettre ce dernier à la portée des bourses modestes et moyennes. Un nouveau modèle de petites voitures électriques arrive sur le marché à partir de 2024, avec un prix de vente de l'ordre de 20 000 à 25 000 euros. Soulignons que, du fait de sa consommation de carburant, et à raison d'une moyenne de déplacement de 12 000 kilomètres, un véhicule thermique coûte environ 1 200 euros de plus qu'un véhicule électrique par an.

Deuxièmement, nous concrétisons la promesse du Président de la République de leasing social à 100 euros, destiné aux 50 % de nos concitoyens les plus modestes. Les premiers véhicules éligibles seront annoncés en décembre prochain.

Troisièmement, nous mettons en place un score environnemental sur les véhicules électriques, afin de ne financer que ceux qui présentent la meilleure empreinte environnementale. Il s'agit d'introduire un élément de concurrence loyale, à l'égard de véhicules électriques produits à l'autre bout du monde et dont le bilan carbone en analyse de cycle de vie s'avère beaucoup plus élevé que celui de véhicules électriques produits en France et en Europe. Le décret a été publié et la liste des véhicules qui satisferont à cette condition sera connue en fin d'année 2023, après instruction individuelle des dossiers.

Par ailleurs, l'État renforce son soutien à l'électrification des poids lourds. Le projet de loi de finances (PLF) 2024 prévoit également des mesures de renforcement des malus sur le COet sur le poids des véhicules, afin d'inciter à l'achat de véhicules électriques plus légers.

Enfin, nous poursuivons nos efforts de déploiement des infrastructures de recharge, avec le soutien à l'installation, en vue d'atteindre 400 000 points de recharge publics d'ici à 2030, comme s'y était engagé le Président de la République. L'enveloppe globale sera précisée dans quelques semaines, mais je peux à ce stade confirmer que les aides certificats d'économies d'énergie (C2E), les aides à l'installation de bornes de recharge au sein des copropriétés, les aides aux entreprises ou en voirie publique bénéficieront d'un abondement de 200 millions pour la période 2024-2025.

Décarboner le quotidien des Français, c'est aussi les aider à mieux se loger.

À ce titre, je tiens à saluer le travail du Sénat sur la question de la rénovation énergétique des logements. Votre rapport du 29 juin 2023 comporte de nombreuses propositions que le Gouvernement partage et dont certaines sont d'ores et déjà suivies d'effet dans le PLF.

Nous mobilisons des moyens financiers historiques : 5 milliards d'euros sont alloués au financement des aides à la rénovation énergétique des logements, ce qui représente 1,6 milliard d'euros de plus qu'en 2023.

La part revenant à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) connaît notamment une hausse sans précédent, au service du dispositif MaPrimeRénov'.

Un budget renforcé permettra d'accélérer l'installation d'équipements décarbonés de chauffage et d'augmenter le soutien aux rénovations d'ampleur, en particulier des passoires thermiques qui représentent un enjeu de pouvoir d'achat majeur. Gardons à l'esprit qu'une passoire thermique classée G coûte rien moins que trois fois plus cher en factures qu'un logement ordinaire bénéficiant d'un bon classement D ou d'un mauvais classement C.

Afin de lutter contre les bouilloires thermiques, nous finançons aussi les aides au confort d'été, c'est-à-dire la ventilation, les protections solaires, ainsi que des solutions de climatisation spécifiques à haut niveau environnemental.

Ce budget en hausse doit s'accompagner d'une pleine mobilisation de nos partenaires. Comme vous le soulignez dans votre rapport, il faut que la filière se structure rapidement en vue de réaliser des rénovations performantes. Il revient aux cofinanceurs et acteurs de terrain d'étoffer les guichets France Rénov' et d'accroître le nombre des accompagnateurs Rénov'. Vous connaissez l'ampleur de nos ambitions en la matière.

Le service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH), c'est-à-dire le service public d'accompagnement des Français dans la rénovation énergétique, est cofinancé par l'État et les collectivités territoriales. Ce cofinancement atteste que l'État, dans toutes ses composantes, se range derrière une ambition commune, celle de l'amélioration de l'habitat des Français et de la lutte contre le dérèglement climatique.

Le retrait unilatéral d'un cofinanceur met en péril tout l'édifice. Je ne peux donc que regretter la décision du président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de mettre un terme au financement de sa région. Je l'appelle de nouveau à revenir sur cette décision. Non seulement elle va à rebours de l'ambition qu'il nous revient collectivement d'honorer, mais elle menace 300 professionnels dont le travail consiste à accompagner quotidiennement les Français sur le terrain dans leurs projets de rénovation thermique.

Parmi les partenaires à mobiliser, les banques sont chargées de distribuer les prêts à taux zéro. Dans le budget 2024, le Gouvernement réaffirme et amplifie ce dispositif de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Il sera prorogé jusqu'en 2027, ce qui donnera de la visibilité aux acteurs. Nous relevons le plafond de travaux finançables à hauteur de 50 000 euros pour les rénovations multigestes, de nouveau en reprenant une partie de la proposition qui figurait dans votre rapport.

En outre, l'adoption en première lecture des amendements du député David Amiel permettra aux Français de bénéficier du prêt avance rénovation à taux zéro, comme vous le proposiez également dans votre rapport. Ce prêt sera ouvert sans condition de ressources. Maintenant, c'est aux banques de jouer le jeu auprès de nos concitoyens pour faciliter l'instruction de l'octroi de ces prêts bonifiés.

Se loger, c'est enfin pouvoir payer ses factures d'énergie.

Dans un contexte de crise, nous avons agi vite et massivement avec des boucliers tarifaires. Il s'agit aujourd'hui d'en sortir progressivement, à la faveur du retour des prix de gros sur les marchés du gaz et de l'électricité à des niveaux plus habituels, tout en soutenant ceux qui en ont le plus besoin au travers du chèque énergie. Le bouclier sur l'électricité continuera de s'appliquer pour les particuliers en habitat privé ou collectif, tout comme l'amortisseur électricité à destination des petites et moyennes entreprises (PME), des collectivités territoriales et des associations.

Au-delà de cette cruciale décarbonation du quotidien, le budget 2024 nous permet de poursuivre aussi nos efforts pour bâtir notre souveraineté énergétique grâce à la production d'énergie décarbonée, dans la droite ligne des deux lois sur l'accélération des EnR et du nucléaire que j'ai fait adopter en 2023.

Nous mobilisons 1,4 milliard d'euros pour financer le soutien à la technologie nucléaire. Les subventions allouées au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) atteindront 1,2 milliard d'euros en 2024, en intégrant le montant de 200 millions d'euros de la subvention pour faire avancer concrètement les projets de SMR et financer le renforcement des effectifs du CEA à hauteur de 126 équivalents temps plein (ETP).

En parallèle, le Gouvernement continue de soutenir les EnR. Un nouveau mécanisme de soutien à la production d'hydrogène décarboné - sur bases renouvelable et nucléaire - verra ainsi le jour l'année prochaine. Les montants versés au titre du soutien à l'injection de biogaz et aux projets de transition énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI) augmenteront par rapport à 2023. Au total, l'État financera 4 milliards d'euros au titre des charges de service public de l'énergie (CSPE).

Pour leur part, les projets éoliens, aux prix plus compétitifs que la moyenne de ceux de l'électricité, continueront d'être bénéfiques au budget de l'État avec des reversements à ce budget. La situation montre que le financement des EnR joue dans les deux sens et contribue à stabiliser les prix de l'électricité et que ces énergies sont compétitives.

Le budget consacré aux études sur l'implantation de parcs éoliens augmente de 55 millions d'euros, soit 80 %, pour atteindre 123 millions d'euros. Cela démontre notre ambition en matière d'éolien marin.

Le fonds Chaleur, très apprécié des collectivités territoriales, mais également des industriels, atteint le niveau inédit de 820 millions d'euros. Depuis 2017, nous avons quadruplé le montant du fonds.

Vous l'aurez compris, ce budget de 2024 est le pendant financier du plan de bataille de planification écologique et énergétique que je porte. Il représente un effort massif pour accompagner les Françaises et les Français dans la décarbonation de leur quotidien. Nous devons poursuivre la mobilisation collective de tous les acteurs.

Notre politique de transition énergétique se fonde sur deux piliers : la baisse de la consommation d'énergie et l'augmentation de la production d'énergie décarbonée sur notre territoire.

La baisse de la consommation d'énergie suppose un changement des habitudes et des usages : c'est ce qu'on appelle la sobriété énergétique, sufficiency en anglais, ce qui souligne peut-être mieux un juste emploi des ressources. Sur ce terrain, nous avons réussi à diminuer notre consommation de gaz et d'électricité de 12 % au cours des douze derniers mois. C'est considérable, et pourtant nous pouvons aller encore plus loin.

Elle renvoie également à l'efficacité énergétique, en mettant à profit des technologies et des investissements, afin de réduire, à usage égal, notre consommation d'énergie. Interviennent ici, par exemple, la rénovation thermique, les diodes électroluminescentes (LED) ou les processus industriels.

L'augmentation de la production d'énergie décarbonée inclut les EnR et l'énergie nucléaire. Sur ce sujet, nous ne prenons, en 2023, quasiment aucun risque à pousser les curseurs au maximum pour nous donner toutes les chances de réussir. Car les modélisations extrêmement précises que nous conduisons sur notre modèle énergétique, en particulier sur la partie électricité avec Réseau de transport d'électricité (RTE) ou sur la biomasse dans le cadre de la planification écologique, montrent que les marches à franchir d'ici à 2030, 2035 et 2050 sont très élevées.

Par la suite, les curseurs s'ajusteront à la mesure de notre rythme de déploiement réel et en fonction des nouvelles technologies qui ne manqueront pas d'arriver sur le marché et dans lesquelles nous comptons également investir fortement. Nous ne serons pas les seuls à l'échelle internationale.

J'en viens aux projets de loi.

Vous le savez, nous travaillons depuis un an à une stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC).

Elle a commencé par une phase de concertation du public, entre les mois d'octobre 2022 et février 2023, avec l'organisation d'un Forum des jeunesses, à la restitution des travaux duquel je vous avais conviés, ainsi que les membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

Nous avons ensuite lancé sept groupes de travail sur la planification énergétique, auxquels plusieurs d'entre vous ont participé aux côtés d'élus locaux, de représentants d'entreprises, de représentants d'associations de consommateurs et d'associations environnementales, d'experts et de représentants d'organisations syndicales. Ces groupes de travail ont remis leurs propositions en septembre dernier.

Le Président de la République en a repris une large part dans la planification écologique qu'il a présentée à la fin du même mois.

J'apporte la touche finale à ce document de stratégie française, qui constitue le document ombrelle. Il contient à la fois la partie programmation du projet de loi relatif à la production énergétique, et la partie relative au décret de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). L'idée consiste à donner sans retard un maximum de visibilité à deux textes qui ont vocation à s'enchaîner.

Nous avons également remonté, à titre indicatif, et sous réserve de validation par nos instances de gouvernance, un plan national intégré Énergie-climat (PNIEC) au niveau européen. Il devrait bientôt être mis en ligne.

Cette stratégie devrait être soumise à consultation d'ici à la fin du mois, avec six semaines pour les consultations officielles et deux semaines pour l'avis du Conseil d'État. La présentation en Conseil des ministres, puis devant le Parlement, du projet de loi correspondant est attendue pour fin janvier ou début février 2024.

S'agissant du projet de loi sur la réforme de notre sûreté nucléaire, cette réforme a été introduite par amendement à l'Assemblée nationale. Il a d'abord été adopté, avant d'être réécrit. Ne réécrivons pas l'histoire ! Les représentants du Sénat, dont la précédente présidente de la commission des affaires économiques et le rapporteur de l'époque, avaient fait savoir que ce procédé qui, en quelque sorte, excluait un examen plein et entier au sein du Sénat, ne leur convenait pas. Ce procédé ne convenait pas non plus à l'Assemblée nationale.

L'Opecst s'est saisi du sujet. Il a remis son rapport en juillet dernier avec pour rapporteurs le sénateur Stéphane Piednoir et le député Jean-Luc Fugit. Le rapport avance des propositions de réforme de la sûreté nucléaire que nous reprenons assez largement dans le projet de loi aujourd'hui à la consultation et qui sera présenté en Conseil des ministres à la fin de l'année puis au Parlement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Pour ces deux projets de loi, savez-vous laquelle des deux chambres du Parlement sera saisie la première ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je ne le sais pas encore. Le calendrier de leur présentation est en cours d'élaboration. Nous vous avons adressé en l'état, tel qu'il fait l'objet de concertations, le second projet de loi que j'ai évoqué. Comme il s'agissait d'une réponse aux travaux de l'Opecst, il était logique que vous en disposiez in extenso.

Je précise à présent le contenu de ces projets.

Le projet de loi de programmation « Énergie-Climat » (LPEC) s'inscrit dans une logique de production énergétique. Il reprend le cadre européen, à l'exception, par définition, de ce qui ressortit au domaine réglementaire, en soulignant l'objectif à atteindre et la façon d'y parvenir, notamment en matière de production d'énergie bas-carbone. Il comprend également des éléments relatifs à la protection du consommateur, avec une possible régulation de notre système tarifaire, sous réserve que cet aspect ne relève pas plutôt du domaine d'un PLF. L'analyse juridique est en cours mais il faut, en tout état de cause, donner très vite de la visibilité aux acteurs. Nous ne devons pas avoir la main qui tremble sur le calendrier de cette partie de la régulation.

Le second projet de loi qui concerne l'ASN et l'IRSN consiste à réunir, comme c'est le cas dans d'autres pays, l'ensemble des compétences qui assurent notre sûreté nucléaire, mais aussi les renforcer par une plus grande attractivité. Un article prévoit de rehausser le niveau de rémunération des acteurs. Alors que de nombreux recrutements interviennent, on constate en effet un décalage par rapport aux rémunérations que proposent d'autres opérateurs.

L'objectif est également celui d'une indépendance accrue. Les acteurs de l'IRSN bénéficieraient du statut d'autorité administrative indépendante (AAI). Ils possèdent aujourd'hui celui d'établissement public industriel et commercial (ÉPIC), c'est-à-dire qu'ils sont directement soumis au pouvoir politique et au Gouvernement.

S'ajoutent l'intention de fluidifier les procédures et la volonté d'accentuer la transparence à l'égard du public, avec de nouvelles méthodologies. Celles-ci pourraient passer par la définition de grands sujets de débats par les assemblées - tels que, pour s'en tenir à un exemple d'actualité, la corrosion sous contrainte (CSC) -, ouvrant à une consultation du public avant toute décision par le collège de l'ASN, lui-même nourri de l'expertise de l'IRSN et de l'ASN.

Je précise qu'un certain nombre de sujets sont d'ordre réglementaire ou intéressent les règlements intérieurs des deux institutions : titres-restaurant, remboursement des frais de déplacement, organisation de tel ou tel service. Le projet de loi ne les reprendra évidemment pas. La loi a d'ailleurs vocation à s'en tenir à un niveau principal, en indiquant ce qui est attendu de la nouvelle entité, dont la mission englobera la sûreté nucléaire et la radioprotection.

Sur les sujets de financement, vous soulignez à raison, Madame la Présidente, que le plan de vol d'investissements d'EDF est absolument considérable, avec six nouveaux EPR 2, le « Grand Carénage », ainsi que la rénovation des réseaux. Enedis a présenté une trajectoire de l'ordre de 100 milliards d'euros d'ici à 2040. RTE achève l'élaboration de son propre plan de financement ; son exercice inclut l'évaluation des besoins complémentaires de réseaux, ainsi que les interconnexions avec d'autres pays. L'ensemble de ces investissements apparaît indispensable à la fourniture à tout moment d'électricité à nos concitoyens, en élevant notre niveau de résilience.

À cet égard, le « nouveau nucléaire » ne pèse « que » de 15 % à 20 % des investissements futurs d'EDF. C'est vous dire la marche à franchir en matière d'investissements, et c'est ce qui explique le modèle de régulation que nous proposons pour succéder à l'Arenh après 2025.

Il nous faudra en effet donner, tant aux entreprises qu'aux ménages, une autre trajectoire à partir de 2026.

Les ménages bénéficieront d'un tarif réglementé qui, s'il reste encore à préciser, ne devrait pas changer significativement les règles du tarif bleu actuel.

Pour les très petites entreprises (TPE), j'ai défendu l'abandon de la référence, spécifiquement française, au seuil de puissance de 36 kilovoltampères (kVA), de sorte que toutes bénéficient du tarif réglementé, quel que soit le niveau de leur consommation. Le projet de loi ne tient donc plus compte de ce seuil.

Quant aux autres entreprises, l'objectif est de les inciter très fortement à conclure des contrats de long terme, soit par un partage des risques d'ordre quasiment industriel sur nos capacités de production, soit en accédant à la fourniture d'électricité pour une durée de cinq ans, ce qui lissera et réduira la volatilité des prix.

De plus, nous mettons en place un mécanisme de récupération de la rente des producteurs d'électricité, calculé sur l'ensemble, et non plus sur une partie seulement, comme avec l'Arenh, de la production nucléaire. Cette récupération s'appliquera à hauteur de 50 %, au-delà d'un prix de 78 à 80 euros du MWh - il s'agit des prix de 2022, qui seront réactualisés -, et à hauteur de 90 %, au-delà d'un prix de 110 euros du MWh.

Ce mécanisme assure un bouclier ferme, plus protecteur que l'Arenh, dont l'indéniable efficacité pour faire baisser les prix ne résistait cependant pas devant l'emballement du marché, car le volume à acheter sur ce marché était trop important. Le mécanisme responsabilise aussi les fournisseurs alternatifs, qui devront mettre en place une véritable politique commerciale, et non se contenter d'imiter les choix d'EDF, de passer des marges commerciales et de fermer leurs positions en trading. Enfin, il responsabilise EDF, qui a calculé le prix d'équilibre qui lui permet de supporter ses investissements des prochaines années - une trajectoire d'investissements de 20 milliards d'euros - tout en assurant, avec une efficacité opérationnelle, un niveau de production d'électricité nucléaire supérieur à 360 térawattheures (TWh), contre 280 TWh en 2022 . Ce n'est pas l'épaisseur du trait ; c'est essentiel à notre résilience énergétique !

Notre modèle de financement inclut les investissements courants, l'investissement du « Grand Carénage », ainsi qu'une partie assez importante du coût de la construction des EPR 2, en sachant que ce financement doit aussi être co-porté par l'État, comme l'a indiqué le PDG d'EDF. C'est l'objet de la seconde série de travaux que nous conduisons.

Un projet d'EPR 2 présente des caractéristiques de temps et de risques telles que le coût de son financement atteint quasiment la moitié du coût d'ensemble de l'opération. Tout incite alors à rechercher un coût de financement en taux d'intérêt le plus faible possible. Or, aujourd'hui, c'est l'État qui bénéficie du coût moyen du capital le plus faible. Ce constat souligne l'importance de disposer d'une régulation étatique.

Le texte que j'ai obtenu à l'échelon européen sur les nouvelles régulations du marché de l'électricité la permet. Il devient une référence pour les régulations à venir du « nouveau nucléaire ». Il traite à stricte égalité le nucléaire et les EnR, qu'il s'agisse de l'historique ou du futur. Il reprend, au titre des caractéristiques des CfD, la notion de plafond que nous utilisons en France, ce qui permet de caler les éléments de la négociation de la régulation du « nouveau nucléaire ». Il prévoit des mesures prudentielles pour les fournisseurs alternatifs, qui préviendront l'effet d'entrée et de sortie sur le marché de l'électricité. Je pense que le sénateur Fabien Gay y sera tout à fait favorable. Dans les situations de crise, ce phénomène laissait du jour au lendemain des clients sans contrat. Le texte européen valorise enfin la maîtrise de l'énergie, dans le sens de la sobriété et d'une meilleure résilience. C'est un sujet qui tient beaucoup à coeur au président Bruno Retailleau.

Dans le domaine de l'hydroélectricité, nous sommes bien sur la même ligne que le PDG d'EDF. Nous avons fait parvenir une note à la Commission européenne, qui lui indique notre souhait d'étudier la possibilité d'un régime d'autorisation.

Un tel régime présente l'avantage de la robustesse par rapport aux règles du jeu européennes, contrairement au régime de la concession. Une fois accordée, l'autorisation ne nécessite ensuite aucune remise en concurrence. Le choix de son régime permettrait aussi de s'inspirer de la pratique d'autres pays européens qui, comme l'Autriche, l'utilisent déjà.

Le régime d'autorisation suppose néanmoins un transfert d'actifs, dont le prix est toujours susceptible d'être analysé comme une aide d'État au bénéfice de tel ou tel acteur opérant des concessions hydrauliques. Il existe des mécanismes pouvant nous permettre de garder la main en cas de transfert, comme les golden shares.

La nouvelle approche doit à l'évidence être retenue pour l'ensemble du secteur. Elle requiert quelque méthode, car d'autres acteurs qu'EDF interviennent : la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Cette dernière vient de renégocier sa concession mais l'échéance de 2040 arrive très vite !

Nous entendons avancer le plus avant possible sur le sujet et obtenir, si possible, un accord sur cette éventualité juridique - même s'il y en a d'autres -, avec l'objectif d'investir massivement dans l'hydroélectricité. Si un secteur ne suscite aucun regret à investir, c'est clairement celui-ci !

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie ». - Madame la Ministre, je souhaite recueillir votre avis sur certaines évolutions des crédits « Énergie » de la mission « Écologie ». Mais avant toute chose, vous avez évoqué la question du prix de l'électricité à partir de 2026, avec la fin de l'Arenh. Quel sera le prix de 2024 et de 2025 ?

En premier lieu, j'observe que plusieurs dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie sont en deçà des attentes.

Tout d'abord, les mécanismes exceptionnels pour l'électricité, le gaz et les carburants passent de 27,9 à 2,9 milliards d'euros. C'est une diminution drastique ! Pourquoi ne pas reconduire pleinement l'amortisseur électricité ? Et pourquoi ne prévoir aucune disposition fiscale ni aucune disposition budgétaire pour le gaz ?

De son côté, MaPrimeRénov' bénéficie de 2,7 milliards d'euros. C'est moins que les recommandations de la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, qui plaidait pour 4,5 milliards d'euros. Les résultats obtenus sont inférieurs à ceux du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Ainsi, on dénombre 530 000 ménages bénéficiaires de la prime en 2022, contre 1,4 million de ménages pour le CITE en 2019, et pour un montant moindre. Plus encore, le recours des propriétaires bailleurs et des copropriétés reste faible : 27 000 primes ont été attribuées à des propriétaires bailleurs et 500 à des copropriétés en 2023. Nous avons l'impression que le Gouvernement n'a pas encore trouvé le moyen de massifier cette prime. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, le chèque énergie stagne à 900 millions d'euros. Les dispositifs exceptionnels pour le fioul et pour le bois ne sont pas reconduits. Entendez-vous corriger le tir dans ces deux secteurs ?

En second lieu, je constate que plusieurs investissements en faveur de la transition énergétique sont en deçà des engagements.

Aucun crédit n'est prévu pour le fonds de revitalisation des territoires ou pour le fonds d'accompagnement social des salariés, destinés notamment à accompagner les fermetures de centrales à charbon. Or ces dispositifs sont issus d'engagements pris par le Gouvernement, à la demande du Sénat, lors de l'examen en 2019 de la loi « Énergie-climat » de 2019.

Plus encore, les CSPE, qui sous-tendent les dispositifs de soutien aux EnR, sont incertaines. Pour la deuxième année consécutive, elles pourraient être négatives, à -2,7 milliards d'euros. À quoi serviront les recettes perçues par l'État à ce titre ? Une décision du Conseil constitutionnel du 26 octobre 2023 a invalidé le plafonnement des compléments de rémunération pour 2023, ce qui représenterait un manque à gagner de 1,3 milliard d'euros, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Confirmez-vous ce montant ? Le dispositif de substitution aujourd'hui proposé par le Gouvernement permet-il d'éviter ce manque à gagner ?

Enfin, nous souhaiterions abonder le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités territoriales pour l'électrification rurale », dit « CAS Facé ». Ce compte présente un excédent de 17 millions d'euros de recettes, qui est rétrocédé au budget général : c'est une anomalie. Là aussi, qu'en pensez-vous ?

M. Franck Menonville. - Mes questions porteront sur l'application de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite « Aper ».

Plusieurs dispositifs de soutien budgétaires ou fiscaux attendent, pour leur mise en oeuvre, une notification auprès de la Commission européenne. Je pense notamment à la prise en compte, dans les appels d'offres, de la contribution territoriale au partage de la valeur, des installations agrivoltaïques et des communautés énergétiques, ainsi qu'aux sociétés d'approvisionnement à long terme. Où en sont ces notifications ? Des dispositifs plus anciens font l'objet d'échanges avec la Commission européenne. Je pense en particulier, au dispositif de soutien à la production d'hydrogène produit par électrolyse, issu de la loi « Énergie-Climat » de 2019, et au dispositif d'effacement de la consommation électrique, issu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite loi « Transition énergétique ». Où en sont ces échanges ?

Par ailleurs, plusieurs dispositifs réglementaires posent des difficultés d'application.

Le premier est le projet de cahier des charges prévu pour le soutien à l'hydrogène produit par électrolyse. Le seuil prévu de 30 mégawatts exclut un grand nombre de projets dans nos territoires. Ne faudrait-il pas le réviser ?

Le deuxième est le projet de décret pour l'application à l'hydroélectricité de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Le seuil de 3 mégawatts (MW) envisagé laisse de même de côté des projets hydroélectriques de territoires. Ne devrait-on également pas l'ajuster ?

Le troisième est le projet de décret fixant les friches sur lesquelles est autorisée l'installation d'ouvrages de production solaire. Seuls 25 sites seraient retenus ; le confirmez-vous ?

Enfin, ma dernière question concerne la publication des décrets d'application relatifs à l'agrivoltaïsme. Ils sont particulièrement attendus dans les territoires, afin de réguler l'activité qu'y déploient les développeurs d'EnR et de promouvoir les projets vertueux.

M. Pierre Cuypers. - Mes questions portent sur la future loi relative à la programmation et à la régulation énergétiques.

Pouvez-vous nous indiquer les objectifs envisagés d'ici à 2030 par le Gouvernement en matière d'énergie nucléaire, mais aussi d'électricité, de gaz et de chaleur renouvelables ?

Vous avez annoncé une multiplication par deux, voire par trois, de la part du solaire, ainsi qu'une augmentation de 2 gigawatts (GW) par an de l'éolien. Pour le solaire, votre annonce est inférieure à ce que prévoit RTE, qui propose multiplication par 4 à 5. Pour l'éolien, votre annonce est supérieure à ce que prévoit RTE, qui envisage une augmentation de 0,7 à 1,5 GW par an. Pouvez-vous nous expliquer ces différences ?

Au Sénat, nous avons soutenu des objectifs de 27,5 gigawatts d'hydroélectricité, de 680 000 tonnes de production d'hydrogène, de 80 TWh pour la production de biogaz et de 300 TWh pour celle de chaleur renouvelable. Or les annonces du Gouvernement sont peu disertes sur ces autres sources d'énergies décarbonées, qui nous semblent les compléments essentiels des énergies solaire, éolienne et nucléaire. Reprendrez-vous ces objectifs ?

M. Jean-Jacques Michau. - Je souhaite vous interroger sur le rapport de la mission transpartisane « Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir » de juillet 2022, conduite avec mes collègues Daniel Gremillet et Jean-Pierre Moga.

Parmi nos propositions, nous avons appelé à garantir à l'énergie et à l'hydrogène nucléaires une complète neutralité technologique dans le cadre des textes européens : la taxonomie verte européenne, la directive sur les EnR et le règlement sur la réforme du marché de l'électricité.

Les compromis trouvés, en ce qui concerne l'inclusion de l'énergie nucléaire à la taxonomie et au règlement, ou de l'hydrogène nucléaire à la directive, vous semblent-ils suffisants pour permettre la relance de l'énergie nucléaire et le développement de l'hydrogène nucléaire ?

De plus, envisagez-vous de négocier un CfD, pour le financement du « nouveau nucléaire » ou du nucléaire existant ? Dans l'affirmative, quelles sont les contreparties à attendre de la part de la Commission européenne ?

En dernier lieu, entendez-vous intégrer les compromis négociés à l'échelon européen au projet de loi annoncé sur la programmation et la régulation énergétiques ? Comme l'a relevé le PDG du groupe EDF devant notre commission, il s'agit d'une « boîte à outils » devant encore être appliquée.

Pour notre part, si nous saluons les avancées, il nous semble que les conditions européennes fixées sont encore ambiguës et restrictives, et que les dispositions nationales attendent précision et sécurisation.

M. Fabien Gay. - Un mot d'abord sur la fusion ASN-IRSN. Les communistes ont toujours été favorables à l'énergie nucléaire, mais à deux conditions : celle d'un haut niveau de sécurité et de sûreté, avec ce que cela implique de transparence vis-à-vis des populations, et celle d'un haut niveau de statut pour les salariés.

Sans volonté de polémiquer, les débats en cours avec l'intersyndicale ne portent pour l'heure pas sur les titres-restaurant. Votre projet de fusion souffre d'autres lacunes. De vraies questions se posent autour du statut et du devenir des salariés qui interviennent au sein de la direction de l'expertise nucléaire de défense (DEND) et de ceux qui s'occupent de dosimétrie. Le sort de certains sites pèsera également sur le bon déroulement de cette fusion.

Sur le résultat de l'accord conclu avec EDF pour le remplacement du dispositif de l'Arenh, nous sommes fondamentalement en désaccord, car nous ne partageons pas la même vision : j'estime que l'énergie doit être sortie du secteur marchand.

Certes, si nous nous en tenons à votre vision, la réforme apportera de la stabilité aux entreprises, mais je m'interroge à plusieurs titres sur les tarifs réglementés. Je constate que vous n'avez rien inventé, puisque les CfD avaient été proposés par un précédent président d'EDF.

D'une part, le montant de 70 euros suffira-t-il à couvrir les coûts de production, les 50 milliards d'euros d'investissements du « Grand Carénage », les 50 milliards des six EPR 2 et les 65 milliards d'euros de dettes ? J'en doute et je crains qu'il ne faille reprendre le sujet dans quelque temps, après le constat qu'EDF n'y arrive plus, pour lui substituer une solution de découpage en plusieurs entités, à l'instar de ce qui avait prévalu avec le projet Hercule.

D'autre part, je comprends mal le fonctionnement, à partir de 2026, du seuil de 110 euros et ce qu'il implique pour les consommateurs, de même que, dans le système de l'Arenh, un total de 1,6 milliard correspondant aux deux compléments de prix dits CP1 et CP2 était censé leur revenir. C'est ce que l'on nous avait dit dans le cadre de la mission transpartisane « Mieux prévenir et réprimer la fraude à l'Arenh », de juillet 2023, que j'avais conduite avec notre présidente Dominique Estrosi Sassone. Il faut bien nous en expliquer le mécanisme qui, pour l'heure assez opaque, nous échappe. En l'état, les sommes reviennent en réalité aux fournisseurs alternatifs... c'est-à-dire que ceux qui payent l'amende en récupèrent le montant ! Il serait souhaitable que nous ne nous retrouvions pas en 2026 dans une situation analogue. J'observe que vous avez repris les recommandations sur les obligations prudentielles que nous avions proposées dans notre mission d'information.

Enfin, plus de deux ans s'écouleront entre aujourd'hui et 2026. Or je pense que nous ne pouvons pas conserver le système actuel pendant tout ce temps, avec une flambée des prix de l'énergie qui grève les budgets des ménages, d'un certain nombre de commerçants et de petites entreprises : la facture d'électricité a augmenté de 25 % en 2023 et on nous annonce encore une hausse de 10 % en février 2024 ! Il faut mettre certains verrous que nous avons identifiés dans notre mission d'information.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Une conférence sur les prix de l'énergie sera organisée à l'attention des présidents de groupe ou de toute personne que ceux-ci souhaiteront désigner au sein de leur groupe le 28 novembre prochain. Il nous a paru utile de l'élargir à un public plus large, notamment aux présidents d'association. Elle balaiera les sujets gaz, électricité et carburants.

Nous maintenons en 2024 le bouclier énergétique. La CRE évaluera en début d'année prochaine le niveau de tarif régulé, selon son mode de calcul habituel, qui intègre le prix du marché. Avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Bruno Le Maire, nous avons indiqué que si la proposition de hausse du tarif régulé résultant de ce calcul devait excéder 10 %, nous n'augmenterions pas le tarif au-delà de ce seuil. Pour l'heure, l'évaluation de la hausse se tient en dessous de 10 %. Pour le 1er février 2024, le fleuve à l'air de rentrer dans son lit... Mais il convient de rester prudent avec une situation géopolitique pour le moins contrastée, et nous avons vu quelles conséquences des chocs exogènes entraînaient sur les marchés de l'énergie.

En 2025, le mécanisme sera similaire. Sous la même réserve, les prévisions des marchés et des producteurs ne sont à ce stade nullement alarmistes.

En tout état de cause, nous disposons désormais d'éléments très clairs sur les conditions de formation des crises et sur les meilleurs outils pour y répondre. Ce qui a été réalisé en 2022, avec le bouclier énergétique, avec l'adaptation des systèmes d'information des différents fournisseurs d'énergie pour répercuter automatiquement le bouclier sur les factures, permet de dire que nous serions, le cas échéant, équipés pour agir.

Le plafonnement applicable au gaz a pour sa part naturellement disparu du fait d'un prix de marché de gros repassé en dessous du prix de protection du bouclier tarifaire. Plus largement, c'est la baisse des prix sur les marchés de gros qui explique l'évolution des crédits liés aux boucliers tarifaires.

Je ne nourris pas d'inquiétude sur l'étendue des sommes dont le dispositif MaPrimeRénov' bénéficie. Ma préoccupation tient plutôt à la manière dont nous emploierons le budget massif que nous lui consacrons. Dépenserons-nous bien ce budget et le dépenserons-nous intégralement ?

Nombre de rapports ont montré que le CITE n'est pas efficace sous l'angle de la baisse des émissions de COet qu'il cible à 80 % les ménages les plus favorisés, ce qui s'éloigne de l'objectif d'une transition écologique socialement juste. Au contraire, le MaPrimeRénov' vise d'abord, à 66 %, les ménages les plus modestes. Nous avons renversé la vapeur !

Je ne partage pas non plus l'analyse qui conclut au peu de succès de MaPrimeRénov'. Le nombre des rénovations thermiques s'élevait à 70 000 dans la dernière année du quinquennat du président Hollande ; il est à présent de dix fois supérieur !

En revanche, des marges de progrès existent à l'égard des propriétaires bailleurs. Il faut y travailler et différents rapports ont émis des propositions.

Afin de massifier le recours à la prime, nous entendons simplifier et fluidifier le parcours des propriétaires. Cela passera par la prestation de Mon Accompagnateur Rénov'. La prestation représente 2 000 euros, mais elle restera totalement gratuite pour les revenus fiscaux de référence (RFR) les plus modestes. Elle sera assez bien subventionnée pour les RFR 3 et 4. La prestation consiste en un accompagnement individuel dans le montage du dossier administratif, technique et financier.

Autre élément, l'Anah proposera une avance de financement aux plus modestes, de sorte que le reste à charge des travaux de rénovation ne leur soit pas un frein.

Le nombre de prêts consentis au titre du dispositif de l'éco-PTZ demeure insuffisant. Il faut inciter les banques à distribuer cet outil. Nous savons que ce n'est souvent pas la première offre qu'elles proposent et nos propres règles prudentielles à leur égard ne les y encouragent sans doute pas. Au terme de leur analyse du risque financier, elles seront peu enclines à accorder à des ménages sans revenus réguliers et assurés un crédit qui leur est paradoxalement destiné au premier chef. À nous de trouver le moyen de dépasser ce léger hiatus... De ce point de vue, le prêt avance rénovation est intéressant parce qu'il consiste en une avance sur des opérations futures de revente, évidemment à condition que le bien ne soit pas déjà le collatéral d'un prêt.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il faut simplifier ce dernier dispositif.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Effectivement.

Nous couplerons aussi le dispositif MaPrimeRénov' et les C2E, afin d'offrir un guichet unique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - N'oublions pas la question des copropriétés.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Comment, en effet, incite-t-on une copropriété à décider d'une rénovation ? Comment peut-elle réunir les financements nécessaires et à quelles conditions ? Quels dispositifs sécuriseront les différentes parties prenantes et permettront-ils d'avancer rapidement ? Autant de questions autour d'un sujet complexe, dont le projet de loi sur le logement dégradé et les copropriétés, auquel Patrice Vergriete travaille, a vocation à s'emparer.

Comme Christophe Béchu, je souhaite que nous progressions sur l'idée d'une contractualisation du travail avec les collectivités territoriales. Des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes se montrent très actifs sur la rénovation thermique, disposent de leurs propres aides et de leurs propres guichets. Nous serions tout à fait prêts à leur déléguer des enveloppes budgétaires sur la base d'un contrat, à adopter une approche quartier par quartier, rue par rue, avec du porte-à-porte. Seules des personnes relevant d'un service municipal ou d'une intercommunalité peuvent l'assurer efficacement, tant les sollicitations quotidiennes auprès des particuliers sont nombreuses. Il faut connaître les gens pour les convaincre. Avoir leur confiance est essentiel.

Des expérimentations probantes existent déjà, sur l'initiative par exemple de la vice-présidente Virginie Carolo-Lutrot en Normandie ou du président Loïg Chesnais-Girard en Bretagne.

L'approche reste d'une organisation complexe et lourde, mais il ne faut pas la négliger si nous voulons employer l'argent public à bon escient. Nous sommes prêts à avancer sur ce sujet.

Au sujet de la CSPE, les recettes sont soumises au mécanisme de la prévision des prix et d'ajustement sur les reversements des EnR. La bonne nouvelle, c'est que ce mécanisme nous montre que les EnR sont compétitives et que les investissements des gouvernements successifs des vingt dernières années portent leurs fruits.

Un amendement prend acte de la décision du Conseil constitutionnel sur le plafonnement du complément de rémunération et prévoit de lui substituer un autre système. Il est très important pour les recettes du budget que nous élaborons et le financement du bouclier énergétique.

Nous avions sommairement organisé une forme de CfD : au-delà d'un prix jugé comme correct, nous récupérions la rente inframarginale pour la redonner aux Français dans le cadre du bouclier énergétique. Qu'il s'agisse de la contribution sur la rente inframarginale (CRIME) ou du déplafonnement de la restitution de la CSPE, c'est le complément du prix par rapport au marché qui a été redistribué au travers des mécanismes de boucliers.

Sur le CAS Facé, c'est une question sur laquelle je me permettrai de revenir vers vous.

La « Aper » de 2023 donne lieu, effectivement, à une notification auprès de la Commission européenne sur le partage de la valeur, car celui-ci s'assimile à une aide d'État.

Nous avons d'abord travaillé avec des associations d'élus locaux, des députés et des sénateurs à formuler des propositions sur l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer). En effet, Ifer et partage de la valeur s'articulent, car ce sont deux manières de faire revenir les bénéfices des projets d'EnR dans le budget des collectivités locales ; modifier l'une sans l'autre n'aurait pas de sens.

La saisine de la Commission européenne est en cours. Il en va de même sur la question des effacements et de l'hydrogène.

Sur la partie planification énergétique et zones d'accélération, aucun texte supplémentaire, décret ou disposition réglementaire de mise en oeuvre de la loi, ne s'avère nécessaire. Tout est dans la loi, qui est d'application directe.

Quant à la mise à disposition des documents par l'État, elle a été assurée au mois de juin dernier. J'ai personnellement écrit à tous les maires et présidents d'intercommunalité que l'échéance du 31 décembre 2023 pour définir leurs zones d'accélération n'était pas une date couperet ; que l'enjeu était de faire en sorte que ceux qui sont en avance puissent bénéficier sans retard des avantages de la loi. Ceux qui nécessitent un peu plus de temps peuvent continuer à y travailler au-delà du 31 décembre, mais nous les incitons à ne pas interrompre ou différer pour autant leur effort.

Sauf erreur, le cahier des charges sur l'hydrogène est soumis à consultation. Le point que vous soulevez fait partie des sujets qui remontent et que nous analyserons.

Pour l'application à la petite hydroélectricité de la RIIPM, le seuil à retenir est une affaire d'experts de la biodiversité. Il importe aux collectivités locales, mais ne pèse guère sur l'enjeu énergétique national et la production nationale dont je traite. J'ai indiqué à mes collègues chargés de la biodiversité, que les collectivités locales et les experts interpellent contradictoirement sur la question, que la décision leur revenait. Nous avons transmis un projet à 3 MW et le débat se poursuit, notamment au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Je considère légitime que la position du ministère de la transition énergétique s'en tienne au mode mineur sur le sujet.

En ce qui concerne l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés, l'analyse est menée site par site. Il m'importe que le premier décret paraisse, avec la liste des premiers sites qui remplissent les caractéristiques attendues. D'autres textes pourront le suivre.

Après un long travail avec les fédérations d'agriculteurs et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), la préparation du décret sur l'agrivoltaïsme touche à sa fin. Je signale qu'on prête parfois à l'Inrae des études qu'elle ne reconnaît pourtant pas, lesquelles font circuler des chiffres erronés sur le taux de couverture de l'agrivoltaïsme et la perte de rendement qui s'associe à son usage. En aucun cas la pratique de l'agrivoltaïsme ne saurait donner lieu à une perte de rendement agricole et mettre en danger la souveraineté alimentaire de notre pays ; ce serait contraire à l'esprit même de la loi. Le législateur a tranché le débat et nous appliquons la loi. De ce point de vue, nous atteignons à présent un niveau de compromis et des équilibres satisfaisants. Je conduis actuellement les consultations obligatoires et j'effectuerai des annonces à la fin de ce mois de novembre sur le sujet. Le décret paraîtra fin 2023 ou au début de 2024. Avec les fédérations d'agriculteurs et les chambres d'agriculture, nous continuerons à échanger pour que tout cela atterrisse localement.

Il y a un éléphant dans la pièce : le partage de la valeur. Il ne constitue pas un sujet de la loi « Aper » de 2023 ; il concerne les baux ruraux et l'adaptation d'une politique agricole vieille de soixante-dix ans au fait nouveau de l'agrivoltaïsme. Nous en avons beaucoup échangé avec le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, et des propositions de nature législative existent. La loi est très bien écrite : elle définit précisément l'agrivoltaïsme et interdit le photovoltaïque au sol sur les terrains agricoles. Pour autant, entre un bail rural à quelques centaines d'euros de l'hectare et un terrain agrivoltaïque à quelques milliers d'euros de l'hectare, cela rend créatif sur l'interprétation de la loi. Des projets agrivoltaïques fonctionnent néanmoins déjà très bien, notamment en viticulture et en arboriculture. En définitive, je suis confrontée à des présidents de conseils régionaux qui bloquent toute avancée dans ce domaine, quand d'autres me pressent de publier le décret qu'ils attendent. J'assiste à un grand écart de perception entre ces élus, mais aussi entre agriculteurs.

J'en viens aux objectifs gouvernementaux pour l'horizon 2030-2035, inscrits dans le cadre de la planification écologique. Je rappelle, tout d'abord, que nous avons très largement repris les propositions des groupes de travail et des associations d'élus pour élaborer la LPEC. Ensuite, j'insiste sur le fait que nos objectifs sont parfaitement alignés avec ceux de RTE.

Les objectifs sont les suivants : le doublement du rythme de déploiement du solaire, le maintien du rythme de déploiement de l'éolien et le doublement de celui du biogaz comme de celui de la chaleur renouvelable. S'agissant de l'éolien en mer, 10 GW devront être mis aux enchères - ou du moins en attribution - en 2025.

Concernant l'hydroélectricité, nous avons décidé en lien avec RTE de conserver une marge de sécurité, dans la mesure où nous ne pouvons pas évaluer précisément les répercussions du dérèglement climatique sur notre potentiel de production. Les investissements se poursuivront donc dans l'hydraulique, mais nous ne considérons pas l'augmentation du potentiel de production de cette énergie comme un acquis. Ces investissements ont avant tout vocation à sauver l'hydraulique existant.

La politique doit en effet tenir compte des enseignements de la science, de la technique et de la physique : tenir pour acquise une augmentation de la production d'énergie hydraulique à hauteur de 7 GW reviendrait à faire fi du dérèglement climatique et nous exposerait au risque de nous retrouver dans une impasse.

Par ailleurs, concernant les chiffres qui peuvent circuler, au sujet de la filière photovoltaïque, je n'ai aucune difficulté à introduire dans la loi le principe selon lequel un dépassement des objectifs durant les deux premières années pourrait amener à réviser ceux-ci à la hausse, par « effet de cliquet ».

J'aimerais également doubler, voire tripler, la production de la filière, mais je tiens avant toute chose à atteindre les objectifs globaux et m'assurer d'un équilibrage d'ensemble lorsque l'un des secteurs avance plus vite que les autres, en procédant à des réajustements le cas échéant. Ce pilotage en continu méritera un rapport annuel au Parlement - ou une audition - afin de battre la mesure et de maintenir l'équilibre entre la baisse de la consommation d'énergie d'un côté et la hausse de la production de l'autre côté.

Pour ce qui concerne le biogaz, j'aimerais moi aussi que nous allions plus vite, mais nous sommes confrontés à deux limites : d'une part, la quantité de biomasse disponible ; d'autre part, nos capacités à transformer celle-ci en biogaz. C'est d'autant plus vrai qu'il faut également produire des biocarburants à partir de cette biomasse.

Enfin, la production d'énergie nucléaire devra atteindre 360 TWh à l'horizon 2030 - en y intégrant 10 TWh du réacteur de Flamanville - grâce à de meilleures performances. De plus, nous soutiendrons les investissements d'EDF dans le changement de puissance des réacteurs de 900 MW, qui pourraient dégager 5 % de production supplémentaire et nous permettre d'atteindre le seuil de 400 TWh.

Je pense ainsi retenir l'objectif de 360 TWh dans la PPE, avec une opportunité de produire 40 TWh supplémentaires qui représente aussi une protection par rapport à d'éventuels risques. Le plus grand danger reste celui d'un défaut générique sur les constructions du même type. Même si nous sommes ici majoritairement en faveur de l'énergie nucléaire, il convient d'identifier et d'anticiper ce risque, parmi d'autres.

J'ajoute que les nouvelles connexions de réacteurs nucléaires sont prévues après 2035, ce qui explique qu'elles n'apparaissent pas dans la programmation. Le scénario retenu est celui de six nouveaux réacteurs, auxquels s'ajoutent huit réacteurs à l'étude. Un débat pourra avoir lieu à ce sujet, étant donné que le temps de détermination des objectifs est plus long pour l'énergie nucléaire : il est plus proche de quinze ans, là où les objectifs de l'éolien peuvent être programmés sur deux à trois ans.

S'agissant de la neutralité technologique, elle est parfaite dans la réforme du marché de l'électricité et l'initiative RefuelEU Aviation mais imparfaite sur la directive EnR 3. Cependant, un acte délégué européen permet à la France de bénéficier d'un système spécifique : lorsque 90 % de l'électricité est d'origine décarbonée, il est possible de ne pas décompter l'hydrogène de la même manière. Nous pouvons donc produire de l'hydrogène bas-carbone issu de l'énergie nucléaire, plus aisément d'ailleurs que d'autres pays européens disposant d'énergie nucléaire.

Dans le cadre de l'Alliance européenne du nucléaire, nous prévoyons de constituer une plateforme pour porter les positions que nous souhaitons voir endossées par la Commission européenne pour la prochaine mandature, dont la neutralité carbone parfaite et le financement du nucléaire, nouveau ou existant. La France est en capacité de trouver des modes de financement du nucléaire, à la différence de certains pays qui ne pourront pas se passer d'aides européennes. Je rappelle que nous ne percevons que peu d'aides au titre des EnR et aucune aide pour l'énergie nucléaire, tandis que les pays d'Europe de l'Est reçoivent un soutien pour les premières, mais pas pour la seconde, ce qui suscite leur incompréhension.

Nous mettrons également sur la table les sujets de la résilience de notre système et de la détermination du baseload : il est en effet possible que l'énergie nucléaire soit moins compétitive à un moment donné, lorsque les EnR produiront toutes beaucoup, avant d'être de nouveau très demandée.

Par ailleurs, le projet de loi qui portera sur la programmation et la régulation énergétiques intégrera bien la partie relative à la protection du consommateur. Une transcription législative nationale est nécessaire. Sur d'autres sujets, comme les aides d'État, l'enjeu est plutôt d'interpréter les textes européens.

Monsieur le sénateur Fabien Gay, nous sommes complètement d'accord, tant sur le haut niveau de sûreté et de sécurité que sur le haut niveau de statut des salariés, le texte allant justement dans ce sens. J'entends par ailleurs votre remarque sur les agents de la dosimétrie et de la DEND puisqu'il s'agit de deux équipes ne pouvant se réclamer de l'équipe globale et bénéficier du dispositif général.

En outre, j'accueille avec bienveillance vos propos sur la réforme de l'Arenh. Le prix de 70 euros a été déterminé en lien avec EDF, sur la base de trajectoires d'investissements comprises entre 20 milliards et 25 milliards d'euros. Je vous laisserai auditionner à nouveau le PDG d'EDF. S'il est possible de plaider en faveur d'un prix plus élevé, je rappelle qu'il entraînerait une hausse des tarifs pour les Français.

M. Fabien Gay. - J'ai une autre proposition : sortons du marché !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Sortir ou rester dans le marché ne modifiera ni le coût des investissements ni le coût de production : une sortie du marché pourrait même les faire augmenter.

Pour répondre à une autre question, le système des 110 euros s'apparente à un prélèvement quasi-fiscal qui revient aux consommateurs sans passer par la case « fournisseurs ».

Concernant les mécanismes CP 1 et CP 2, l'écart devra en effet revenir aux consommateurs. Un amendement n'allant pas dans ce sens a été déposé sur le CP 1. Nous avons été saisis d'une demande d'étude et de consultation des fournisseurs, mais j'estime qu'un retour aux consommateurs s'impose, ce qui semble être aussi l'avis des fournisseurs.

Pour ce qui concerne la facture d'électricité, il sera plus aisé de contenir les prix si EDF produit suffisamment pour l'ensemble du marché français, ce qui reste notre objectif. L'an passé, les prix se sont envolés car nous avons dû importer de l'électricité, ce qui nous rappelle l'importance de la France dans l'équilibre du marché européen.

- Présidence de M. Daniel Gremillet, vice-président

M. Guislain Cambier. - La loi « Aper » de 2023 soulève des questions de méthode : sa traduction locale, ainsi que les consignes des services préfectoraux, semblent en effet assez différents de ce que vous avez annoncé, notamment au sujet de l'existence d'une date couperet. La loi laisse aux communes jusqu'au 5 décembre 2023 pour définir les zones d'accélération.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Ce n'est pas ce que j'ai indiqué dans le courrier adressé à l'ensemble des maires.

M. Guislain Cambier. - Cela démontre bien l'existence d'un hiatus.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Permettez-moi de m'en étonner : j'ai échangé avec les préfets de région la semaine dernière à ce sujet, à l'occasion d'une conférence. Tous y étaient représentés.

M. Guislain Cambier. - Je vous invite à vérifier ou diffuser l'information dans ce cas. Malgré ces délais très brefs, les territoires se saisissent du dossier et font preuve de volontarisme. Il subsiste cependant des imprécisions bloquantes, dont l'absence de définition d'un projet à RIIPM par exemple.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Cela n'a aucun rapport avec la planification.

M. Guislain Cambier. - Des facilités administratives et financières sont mentionnées, mais, si l'on souhaite que les incitations soient positives, encore faut-il les définir. Par ailleurs, des cas particuliers tels que les parcs naturels régionaux nécessitent une adaptation du schéma de déploiement.

Comment peut-on parvenir à tenir les délais en intégrant à la réflexion des communes une consultation du public et sans disposer des objectifs régionalisés qui seront ensuite communiqués aux territoires par le biais des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ? Pour prendre l'exemple de la région Hauts-de-France, cela signifie que les objectifs ne seront connus qu'en 2024 : il n'est donc pas possible de demander des actions dès 2023.

Comment comptez-vous motiver les plus allants ? À quelles sanctions ceux qui laisseraient passer la date butoir s'exposent-ils ?

M. Daniel Fargeot. - Vous avez annoncé le lancement de la location de véhicules électriques à 100 euros : pouvez-vous nous présenter les contours de ce dispositif de leasing social ?

M. Henri Cabanel. - Avez-vous évalué l'effet de la loi « Autoconsommation » de 2017 sur l'autoconsommation d'électricité ? Seriez-vous favorable, à l'instar de ce qu'a décidé l'Espagne, à une réduction de la TVA pour l'installation de panneaux d'autoconsommation, ainsi qu'à l'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) pour ces investissements ? Cela aurait un effet direct sur le pouvoir d'achat pour lequel tout votre Gouvernement, me semble-t-il, se bat.

S'agissant de l'éolien en mer, le projet pilote Eolmed est mené dans ma région Occitanie, au large de Port-la-Nouvelle, par une entreprise locale lauréate d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI). Ce projet rencontre des difficultés majeures : outre les 27 mois qui ont été nécessaires pour obtenir la notification des aides de l'État devant la Commission européenne, la pandémie, la guerre en Ukraine et l'inflation ont entraîné une augmentation du coût de projet, passé de 212 millions à 328 millions d'euros.

Or l'éolien n'a pas bénéficié, à la différence des autres EnR, des mesures d'urgence prises en juillet 2022 pour réactualiser le prix d'achat de l'électricité. Depuis, l'entreprise vous sollicite, mais ne peut que constater le silence aussi assourdissant qu'inquiétant du Gouvernement. Si rien n'est fait, l'équilibre financier du projet sera rompu, avec les conséquences que vous pouvez imaginer. Pouvez-vous remédier à cette inégalité de traitement et revoir l'indexation du tarif d'achat pour l'éolien en mer ?

M. Philippe Grosvalet. - Les acteurs des territoires n'ont fort heureusement pas attendu l'État pour se mobiliser en faveur de la transition énergétique. J'en veux pour preuve l'accueil par le département de Loire-Atlantique du premier parc éolien offshore en France, qui s'est conjugué avec l'accompagnement d'une filière industrielle.

General Electric (GE) a ainsi implanté une usine de fabrication de générateurs, et même les Chantiers de l'Atlantique - plus connus pour la construction de paquebots que certains voudraient voir disparaître - produisent des sous-stations pour les parcs éoliens. Ces industriels, acteurs de notre souveraineté, ont besoin de pouvoir se projeter sur le long terme : quelle est votre feuille de route pour les conforter et rassurer, par là même, les milliers de salariés qu'ils emploient ?

Mme Viviane Artigalas. - La planification écologique et énergétique du Gouvernement repose aussi sur la forte mobilisation des acteurs publics et privés, en premier lieu celle des collectivités territoriales. Les régions, départements, intercommunalités et communes assument en effet l'essentiel de l'investissement public, leurs besoins ayant été estimés à plus de 6,5 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici à 2030, dans les seuls secteurs du bâtiment, de l'énergie et des transports.

Malgré des soutiens de l'État en hausse, la question posée est celle de savoir si cette équation financière est tenable pour les collectivités. Alors que la transition écologique entre dans une phase de territorialisation, comment l'accélération de leur action climatique s'intègre-t-elle dans la vision qu'a le Gouvernement de leurs finances à moyen terme ?

M. Daniel Salmon. - J'en reviens à l'hydrolien, énergie prédictible dont le potentiel est estimé entre 3 et 5 GW en France. Or nous n'avançons pas, comme le prouve l'absence de tarif de rachat pour l'hydrolienne Sabella dans la région Bretagne.

Par ailleurs, peut-on connaître la date de démarrage de l'EPR de Flamanville, ainsi que le prix du MWh pour une tête de série qui n'en est pas vraiment une ?

Dans le même ordre d'idées, vous avez mentionné un surcoût de 15 % à 20 % pour les nouvelles installations nucléaires : je suppose qu'il s'agit d'une simple estimation, tant les mauvaises surprises sont fréquentes dans ce secteur.

Quant aux EnR, la CRE évoque 13,7 milliards d'euros de recettes en 2023 : confirmez-vous ce chiffre ? Quoi qu'il en soit, cette industrie mature, qui fonctionne sans combustible, prouve tout son intérêt.

M. Bernard Buis. - La relance du nucléaire est désormais actée, comme en témoigne la hausse d'environ 1,5 milliard d'euros des crédits pour cette énergie inscrite dans le PLF pour 2024. Pourriez-vous néanmoins préciser la part qui sera consacrée au financement des SMR ?

Par ailleurs, vous avez souligné, à l'occasion d'un colloque, que la sobriété devait devenir une habitude. Si nos concitoyens semblent concernés par ce sujet, comme l'illustrent les comportements observés l'hiver dernier, les entreprises ont également une responsabilité en la matière.

Que compte faire le Gouvernement s'agissant de l'encadrement de l'éclairage des bureaux et des vitrines, afin d'encourager davantage cette sobriété énergétique ?

M. Daniel Gremillet. - Je m'associe à la question de M. Salmon sur le tarif de rachat : le département des Vosges compte lui aussi une hydrolienne qui en est dépourvue. Une communauté d'agglomération a pallié cette absence, alors que l'équipement est de fabrication 100 % française.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je rappelle que le calendrier de planification écologique a été défini par les députés et par les sénateurs, non pas par le Gouvernement. Vous pourrez rappeler aux maires et aux présidents d'intercommunalités que la date fixée pour identifier les zones d'accélération est fixée au 31 décembre 2023, et qu'il ne s'agit pas d'une date couperet.

Une boîte à outils est d'ores et déjà à leur disposition : les référents préfectoraux ont tous été nommés, le portail cartographique est consultable depuis juin et régulièrement amélioré, sans oublier des documents qui permettent aux élus de gagner du temps. S'y ajoutent les fiches de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui synthétisent tous les éléments utiles sur l'éolien terrestre, le photovoltaïque sur toiture ou encore la géothermie. Les élus, qui ne sont pas nécessairement experts sur ces sujets, peuvent ainsi accéder aux notions de coût et de durée de projets et s'en servir pour prendre leurs décisions.

De surcroît, j'annoncerai, à l'occasion du salon des maires, le lancement d'outils complémentaires. Nous mettrons également en oeuvre un accompagnement différencié des collectivités, en fonction de l'état d'avancement de leurs projets : les situations sont très hétérogènes et du temps sera accordé si nécessaire. Enfin, il n'y aura pas d'« effet cliquet » si aucune zone d'accélération n'est définie, puisque la loi antérieure s'appliquera.

Concernant les Sraddet, les échanges de mes équipes avec la région Hauts-de-France peuvent servir de modèle. L'objectif consiste à avancer au moyen d'échanges informels avec chacune des régions au sujet des objectifs liés à leurs Sraddet - avec des rythmes de révision qui peuvent varier -, en parallèle de la LPEC, qui sera la loi de production énergétique annoncée.

Cette méthode permet de mettre en évidence les écarts éventuels, en comparant les objectifs des Sraddet à l'horizon 2030 et la réalisation de ces objectifs en 2023, puis en évaluant les conséquences de la révision des objectifs nationaux sur les Sraddet de chacune des régions. En l'espèce, la région Hauts-de-France a atteint ses objectifs en matière d'éolien à environ 200 %. À l'inverse, d'autres régions n'ont pas du tout fait cela.

L'idée consiste bien à mettre en regard le potentiel de chaque région, les objectifs des Sraddet - qui résultent du choix, politique, d'un mix énergétique - et les projections pour 2030, avant d'échanger et d'indiquer, le cas échéant, si l'accent a été trop mis sur telle ou telle énergie. Les acteurs régionaux pourront ainsi continuer à agir en disposant d'un aperçu des orientations nationales et des éventuels écarts avec les leurs.

Si l'on était dans un travail séquentiel, et non en parallèle, le travail de mise à jour des Sraddet courrait jusqu'en 2026.

Le leasing social permet d'avoir accès à un véhicule électrique pour un tarif mensuel qui peut être inférieur à 100 euros, assurance non comprise - sauf assurance décès, invalidité et perte d'emploi. Environ 20 000 véhicules électriques seront disponibles en 2024, un volume susceptible d'évoluer en fonction du nombre de petites cylindrées électriques qui seront produites en France et en Europe. Certains véhicules, dont la Zoé et la Twingo, arrivent en effet en fin de production, tandis que la production de la C3, par exemple, va démarrer.

Appelé à monter en puissance, ce dispositif permettra de tester l'appétence des Français pour les véhicules électriques : à ce stade, environ 30 000 véhicules ont été achetés en recourant au bonus écologique. Peut-être que le leasing social séduira davantage, mais nous n'en sommes pas certains dans la mesure où nombre de Français sont attachés au fait d'être propriétaire de leur véhicule.

S'y ajoutera une révision des barèmes du bonus écologique et de la prime à la conversion, mon objectif restant de rapprocher le plus possible les prix des petites cylindrées électriques et thermiques. Nous continuerons dans le même temps à déployer des bornes de recharge, tout en augmentant le crédit d'impôt pour l'installation de celles-ci et en finançant, via les C2E, leur installation dans les copropriétés.

J'en viens à l'autoconsommation : je compte lancer une mission dédiée à ce sujet, car les données internationales montrent qu'elle s'est développée à toute vitesse. L'autoconsommation collective semble jouer un rôle plus important que celle individuelle. Et la France ne compte pas de panneaux photovoltaïques thermiques, ce qui paraît étrange dans la mesure où il devrait s'agir d'une solution permettant de répondre à une série d'usages, du moins dans le sud de la France. Le quatrième sujet a trait à la contribution au réseau, puisque certains peuvent bénéficier d'installations sans assumer le coût du réseau, ce qui conduira à s'interroger sur une forme de péréquation. Plus largement, nous devrons continuer à nous poser la question de l'adéquation entre l'offre et la demande de production, dans la journée et dans l'année, afin de nous assurer de la sécurité de notre approvisionnement en électricité.

Nous partageons votre préoccupation à propos de l'éolien en mer, Monsieur le Sénateur Henri Cabanel : le dossier occitan est en cours d'examen.

M. Henri Cabanel. - Il faut agir vite !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - J'en ai bien pris note. Par ailleurs, la filière industrielle offshore est remarquable et nous permet d'être exportateurs de sous-stations, même si nous ne sommes pas particulièrement en avance en Europe avec seulement deux parcs éoliens connectés.

Il existe à l'heure actuelle une problématique au niveau des carnets de commandes, qui vont traverser un trou d'air de deux années avant de se remplir de nouveau. De plus, des acteurs internationaux s'intéressent à ce marché et pourraient reproduire les mêmes comportements que ceux observés en matière de photovoltaïque, ce que nous ne souhaitons pas.

Nous avons alerté la Commission européenne qui a lancé un grand plan sur l'éolien. L'enjeu consiste à donner le plus de visibilité possible à ces acteurs et à accorder la priorité à des achats en France et en Europe, celle-ci étant d'ailleurs inscrite dans le pacte éolien et dans le pacte solaire.

Si je partage la remarque de monsieur le sénateur Daniel Salmon sur le fait que les énergies renouvelables sont compétitives et ne consomment pas de combustible, nous restons en revanche dépendants sur les composants : il y a là un véritable enjeu de souveraineté.

Madame la Sénatrice Viviane Artigalas, le financement par les collectivités territoriales de leur propre transition énergétique a vocation à être traité dans le cadre des conférences des parties (COP) régionales. Nous faisons cependant le pari qu'une partie des investissements des collectivités locales seront réorientés vers la transition écologique et énergétique et que tous les acteurs y sont prêts : certains projets, qui présenteront un moindre intérêt dans le cadre de cette nouvelle vision, pourraient être abandonnés au profit d'autres.

Par ailleurs, des chantiers tels que celui de la rénovation des passoires thermiques permettent de réaliser des économies à terme, d'où l'adoption du tiers financement et la nécessité de continuer à développer des systèmes qui permettent de valoriser les économies et de procéder aux investissements en amont.

Mme Viviane Artigalas. - En raison de la hausse du coût des prêts et du prix des matériaux, le reste à charge augmente.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - C'est bien pour cette raison que nous devons aller vers davantage de sobriété. Pour ne donner qu'un chiffre, seuls 6 % des bâtiments font l'objet d'une gestion technique, ce qui laisse une grande marge d'amélioration.

Concernant les hydroliennes en mer, nous avons un projet incluant un tarif de rachat, FloWatt, et en étudions un second, mais n'avons pas de dossier en cours pour des hydroliennes à l'intérieur des terres.

J'en viens à l'EPR de Flamanville, qui doit démarrer en 2024 avec un rehaussement du coût du MWh de l'ordre de 3 euros. Je confirme, en outre, le chiffre de 13,7 milliards d'euros pour les recettes des EnR.

Pour terminer, Monsieur le Sénateur Bernard Buis, les SMR bénéficieront d'un financement de 200 millions d'euros : il recouvre la poursuite du projet Jules Horowitz, qui est indispensable, non seulement pour la relance de l'énergie nucléaire mais aussi pour la recherche en santé ; le recrutement de 126 ETP pour le CEA ; le financement de nouvelles infrastructures de recherche afin d'anticiper les besoins expérimentaux des technologies portées par des start-up lauréates de l'appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants », dans le cadre de France 2030. Parmi une quinzaine de projets, deux ont déjà été retenus.

M. Bernard Buis. - Peut-on avoir des précisions sur les projets subventionnés ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Le projet Nuward d'EDF est déjà soutenu, mais ne correspond pas à une innovation technologique de transformation. Les deux lauréats sélectionnés sont les projets Newcleo et Naarea, qui portent sur des technologies innovantes soutenues mais moins matures, notamment sur la réutilisation du combustible, tandis que nous continuerons l'examen de la quinzaine d'autres projets. L'objectif consiste à disposer d'un portefeuille de projets innovants visant à alimenter notre connaissance : s'ils n'iront pas tous à leur terme, ils contribueront à l'excellence de la filière nucléaire française.

La sobriété énergétique reste, je le répète, le levier le plus pertinent, avec un retour sur investissement rapide et des bénéfices induits, qu'il s'agisse d'une meilleure qualité de l'air, de l'amélioration du confort de vie ou encore de la restauration de la biodiversité grâce à la diminution de la pollution lumineuse.

Cela dit, vous avez raison de pointer la responsabilité des entreprises, que je considère être des acteurs majeurs de la sobriété. Toutes les entreprises du CAC 40 ont bâti un plan dédié et nous avons demandé à celles du SBF 120 de faire de même. Au-delà de l'effet de masse, ces entreprises ont en effet un devoir d'exemplarité à l'égard de leurs salariés.

Pour vous répondre au sujet de l'éclairage, nous travaillons, en lien avec la secrétaire d'État chargée de la biodiversité Sarah El Haïry, sur des projets d'arrêtés visant à interdire l'éclairage des bureaux et des vitrines une heure après le départ des salariés et une heure avant la reprise du travail. Nous entendons également confier un pouvoir de police direct aux maires au moyen d'amendes administratives, ce qui permettra des sanctions aussi rapides que celles punissant les infractions de stationnement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, Madame la Ministre.

Examen en commission
(Mercredi 29 novembre 2023)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons à présent les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie ». - Le projet de loi de finances pour 2024 intervient dans un contexte de reflux des prix de l'énergie. Les prix moyens de l'électricité et du gaz s'élèvent ainsi à 140 euros et 50 euros par mégawattheure (MWh) en 2023 ; ces niveaux, toujours élevés, sont très loin des pics atteints l'an passé, dans le contexte de la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte et du lancement de la guerre russe en Ukraine.

Les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s'établissent à 13 milliards d'euros pour 2023, en baisse de 25 %. La baisse, très prononcée, atteint 70 % pour le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Elle est plus modérée, de l'ordre de 3 %, pour le programme 345 « Service public de l'énergie ». Enfin, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé) est stable, avec 360 millions d'euros.

Ces crédits sont complétés par le plan de relance depuis 2021, rattaché à la mission « Plan de relance », et par le plan France 2030 depuis 2022, rattaché à la mission « Investir pour la France de 2030 ». Leur apport se limite à des crédits de paiement (CP), n'excédant pas pour 2023 5 % des montants promis dans le premier cas, et 47 % dans le second.

Le Gouvernement a annoncé l'extinction du bouclier tarifaire d'ici à la fin de 2024. Les mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ne dépassent pas 3 milliards d'euros pour 2024, contre 27,9 milliards l'an passé, soit une baisse de 89 % !

Au total, un faible nombre de ces mesures sont reconduites pour 2024. Pour l'électricité, seuls les boucliers individuel et collectif et la baisse de l'accise sur l'électricité sont prolongés, tandis que l'amortisseur électricité est recalibré et le filet de sécurité supprimé. Pour le gaz, seul le bouclier collectif est prévu, ni bouclier individuel ni baisse de l'accise sur le gaz naturel ne le complétant. Pour les carburants et combustibles, seule une indemnité est proposée, les chèques énergie exceptionnels, notamment sur le fioul et le bois, étant abandonnés.

Pire, le Gouvernement capte les recettes exceptionnelles liées à la crise des prix de l'énergie. C'est vrai de l'énergie nucléaire, car l'article 52 du projet de loi de finances (PLF) prévoit que les recettes tirées des compléments de prix pénalisant les fournisseurs d'électricité dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) soient reversées à l'État. Or ces recettes représentent 1,6 milliard d'euros pour 2022 ! C'est la raison pour laquelle la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans sa délibération du 29 juin 2023, et notre commission, dans son rapport d'information du 5 juillet 2023, ont proposé que ce montant revienne aux consommateurs.

C'est aussi vrai des énergies renouvelables, car l'article 52 sexies du PLF prévoit que les recettes tirées des compléments de rémunération bénéficiant aux producteurs d'électricité renouvelable soient reversées à l'État. Ces recettes atteignent 1,3 milliard d'euros pour 2023 ! J'ai des doutes sur la constitutionnalité du dispositif, qui est rétroactif ; il faut espérer qu'il ne soit pas censuré par le juge constitutionnel, comme l'a été l'ancien plafond, dans la décision du 26 octobre 2023.

Plus substantiellement, aucune mesure structurelle de protection des consommateurs n'est prévue. D'une part, les tarifs réglementés de vente sont limités : pour l'électricité, ils sont réservés aux puissances inférieures à 36 kilovoltampères (kVA) ; pour le gaz, ils ont été remplacés par un prix repère. D'autre part, certains dispositifs ne sont pas appliqués : tout d'abord, les fournisseurs de dernier recours en gaz et de secours en électricité et de nombreux correspondants solidarité ne sont pas opérationnels ; en outre, le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), géré par les départements, ne bénéficie que de contributions optionnelles, et non obligatoires, de la part des fournisseurs. Enfin, la réforme du marché de l'électricité est encore attendue. Il conviendra d'évaluer l'impact du nouvel Arenh, qui prendrait la forme d'une redistribution des recettes tirées par EDF de l'ensemble de sa production électronucléaire. Il faudra apprécier si cette redistribution sera directe ou indirecte via l'État ou les fournisseurs, et si elle sera homogène ou hétérogène pour les particuliers et les industriels.

Si le bouclier tarifaire est donc en voie d'extinction, la fiscalité énergétique est en voie d'explosion. Certes, les recettes de l'accise sur l'électricité sont nulles, compte tenu de ce bouclier ; pour autant, ces recettes atteignent 32 milliards d'euros pour les produits énergétiques et 2 milliards d'euros pour le gaz naturel.

Pire, l'article 11 du PLF autorise le Gouvernement à doubler l'accise sur le gaz naturel. La filière anticipe ainsi une hausse des recettes de 3,5 milliards d'euros.

Enfin, plusieurs dispositifs fiscaux pâtissent d'un manque de neutralité technologique. Si le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV) vise les batteries électriques, les éoliennes, les panneaux solaires et les pompes à chaleur, il exclut les autres projets promus par les récents textes législatifs, dont l'énergie nucléaire, l'hydroélectricité, l'hydrogène ainsi que le captage et le stockage du CO2. De son côté, la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert) ne traite pas équitablement l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone. Enfin, l'évolution précitée de l'accise sur le gaz naturel conduit à supprimer la minoration soutenant le gaz renouvelable.

C'est pourquoi j'ai proposé une quinzaine d'amendements fiscaux, à titre personnel, pour revenir sur la hausse de l'accise sur le gaz naturel et soutenir les énergies décarbonées dans cette accise, la C3IV et la Tiruert. Je me félicite que plusieurs d'entre eux aient été adoptés le week-end dernier.

Au-delà de la fiscalité énergétique, les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont limités dans quatre domaines que je vais détailler.

Le premier est celui de la transition énergétique. Les charges de service public de l'énergie (CSPE), qui sont au fondement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, sont négatives à hauteur de 2,7 milliards d'euros pour les énergies renouvelables électriques. C'est la seconde fois depuis 2023. Pour l'État, elles ne constituent plus des charges mais des recettes ; pour les opérateurs, elles sont non plus perçues, mais rétrocédées !

Dans ce contexte très mouvant, il conviendra d'apprécier, d'une part, si les fluctuations de prix modifieront cette prévision de budget, d'autre part, si les rétrocessions annoncées auront un impact sur les investissements des producteurs et, enfin, comment le Gouvernement utilisera les gains ainsi réalisés. Je l'ai interrogé sur ce point et il m'a précisé que les 13 milliards d'euros de gains de l'an passé ont été utilisés pour le financement du bouclier tarifaire et qu'il sera de même pour 2024. Pour ma part, je continue de penser qu'utiliser des gains structurels pour financer des dépenses conjoncturelles est une mauvaise pratique budgétaire !

Si les CSPE des énergies renouvelables électriques sont donc négatives, elles restent positives s'agissant du biogaz avec 875 millions d'euros, de la cogénération avec 110 millions et des effacements avec 65 millions. Dans le même esprit, l'hydrogène est doté d'un nouveau budget, de 680 millions d'euros. C'est positif mais incertain ; en effet, l'application des dispositifs de soutien aux effacements et à l'hydrogène est conditionnée à l'autorisation préalable de la Commission européenne...

Autre point, le Fonds chaleur renouvelable bénéficie de 820 millions d'euros, ce qui reste insuffisant vu la dynamique des projets, qui atteignent 1,3 milliard d'euros.

Enfin, les fonds de revitalisation des territoires et d'accompagnement des salariés touchés par les fermetures de centrales - en l'espèce, les quatre centrales à charbon et celle nucléaire de Fessenheim - ne bénéficient d'aucun crédit. C'est d'autant moins acceptable que ces fonds ont été créés sur l'initiative de notre commission, à la suite de la loi « Énergie-climat » de 2019 !

Le deuxième domaine concerne la rénovation énergétique. MaPrimeRénov'n'a pas atteint ses objectifs : en 2022, 530 000 primes ont ainsi été versées, contre un objectif de 700 000 logements rénovés. Si la prime monte en puissance, sa massification n'est pas atteinte : en 2022, les crédits versés ont été inférieurs de 11 % au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) pour 2018, et le nombre de bénéficiaires inférieur de 62 %.

Surtout, la prime exclut encore des bénéficiaires : en 2022, seules 15 000 primes ont été versées à des propriétaires-bailleurs et 500 à des copropriétaires, un point que nous dénonçons régulièrement. La suppression bienvenue de la condition de ressources, par l'article 50 du PLF, permettra peut-être d'aller de l'avant. Je l'espère en tous cas. Enfin, les modalités d'application de la prime restent complexes. Pour 2024, l'accès au parcours « efficacité » doit être conditionné à un diagnostic de performance énergétique (DPE) et celui au parcours « performance » à un Accompagnateur Rénov'. Or, si la loi « Climat-Résilience » de 2021 a prévu la condition liée à l'accompagnateur, de même que son financement parapublic via les certificats d'économies d'énergie (C2E), celle du diagnostic est un ajout réglementaire, à la charge des ménages !

Le troisième domaine est celui de la précarité énergétique. Le chèque énergie n'a pas atteint non plus ses objectifs : en 2023, son taux d'usage s'est établi à 76 %, contre un objectif de 87 %. Si le chèque monte lui aussi en puissance, sa généralisation doit progresser : en 2022, les montants perçus ont été inférieurs de 15 % aux tarifs sociaux pour 2017 et le nombre des bénéficiaires inférieur de 6 % !

En outre, le chèque connaît des difficultés d'application. Tout d'abord, les ménages en situation d'intermédiation locative doivent effectuer des démarches complémentaires pour en bénéficier. Par ailleurs, les droits liés au chèque sont peu opérants en l'absence d'un système de télétransmission. De plus, le courrier d'accompagnement du chèque doit encore être simplifié.

Enfin, le chèque n'est plus mobilisé face à la crise énergétique. Ni la revalorisation exceptionnelle appliquée en 2022 ni les extensions spécifiques au fioul et au bois prévues en 2023 n'ont été reconduites.

Le quatrième domaine est celui de la mobilité propre. La prime à la conversion a atteint ses objectifs : de 2018 à 2022, 983 000 primes ont été attribuées, contre un objectif de 1 million fixé pour le quinquennat. Pour autant, l'effort budgétaire est mitigé : la hausse des crédits de 15 % de la mobilité propre est en trompe-l'oeil car ils devront financer cinq dispositifs, au lieu de deux auparavant.

De plus, l'instabilité normative des dispositifs de soutien est manifeste : depuis un décret du 31 décembre 2022, les ménages des premiers déciles sont exclus de la prime à la conversion ou marginalisés par le bonus automobile ; en outre, les véhicules hybrides rechargeables sont exclus.

Cela nuit au déploiement de ces dispositifs, dont le rythme est inférieur à la dynamique de marché : en 2022, 92 000 primes à la conversion et 275 000 bonus automobile ont ainsi été attribués, ce qui reste en deçà des 600 000 véhicules électriques en circulation en France.

Un point à présent sur les opérateurs de l'État. Cette année, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dispose de moyens humains et financiers renforcés, ce dont je me félicite.

En revanche, le Médiateur national de l'énergie (MNE) que nous avons auditionné, qui est confronté à 9 000 litiges annuels, n'est plus en mesure de respecter le délai de résolution de 90 jours qui lui est imposé. Il a besoin de cinq équivalents temps plein travaillés (ETPT). De son côté, la CRE doit contrôler et sanctionner, l'année prochaine encore, les manquements liés à l'application du bouclier tarifaire et répondre, de manière pérenne, à la multiplication des appels d'offres en matière d'énergies renouvelables ou d'hydrogène. Elle a besoin de cinq ETPT. Je fais miennes ces demandes raisonnables. C'est un retour sur investissement intéressant car la CRE rapporte aussi des recettes au travers des pénalités. Répondre au citoyen dans les temps est une exigence essentielle.

Quelques éléments sur les crédits « Énergie » extérieurs à la mission.

Tout d'abord, le plan de relance : sur les 14 milliards d'euros alloués à la transition énergétique, seuls 800 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus cette année. Or ce plan a financé les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la mission, notamment MaPrimeRénov', la prime à la conversion et le bonus automobile. Je plaide donc pour abonder le programme 174, afin de conserver un haut niveau de soutien à la rénovation énergétique et à la mobilité propre.

Ensuite, s'agissant du plan d'investissement, sur les 12 milliards d'euros attribués à la transition énergétique, seuls 5,6 milliards de CP sont prévus cette année. Cependant, 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) nouvelles viennent soutenir l'énergie nucléaire, ce qui permet un relèvement utile de la subvention et des effectifs du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui est chargé de l'animation de la recherche et du développement nucléaires, depuis le Conseil de politique nucléaire (CPN) du 19 juillet 2023.

Ici aussi, des préoccupations sont palpables. Tout d'abord, même revalorisé, le montant de 3,5 milliards d'euros prévu pour l'énergie nucléaire n'est pas à la hauteur de la relance : EDF doit financer six EPR 2 (European Power Reactors 2) pour 50 milliards d'euros et le Grand Carénage pour 65 milliards d'euros. J'appelle donc à la création d'une action dédiée au « Nouveau nucléaire » au sein du programme 174. De plus, le CEA m'a fait part d'un besoin de 538 ETPT d'ici à 2027 et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de 12 ETPT chacun pour 2024. Je fais miennes ces demandes nécessaires, quel que soit d'ailleurs le sort réservé à la réforme annoncée de la sûreté nucléaire, qui n'est pas attendue avant le 1er janvier 2025. S'agissant du soutien à l'hydrogène, il doit bénéficier en priorité à celui nucléaire et surtout être complété : si 1,7 milliard d'euros sont attribués aux projets européens, 1,6 milliard d'euros sont manquants ! Enfin, le soutien aux transports doit intégrer les biocarburants et celui aux technologies, le biogaz.

J'en arrive à mon dernier point, le CAS Facé. Ce compte soutient les opérations des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), c'est-à-dire des collectivités propriétaires des réseaux d'énergie.

Alors que le CAS présente un excédent, de 17 millions d'euros, ce dernier est capté par l'État. C'est pourquoi la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) demande à raison la revalorisation du CAS. Je le souhaite également, a minima à la hauteur de cet excédent.

Au total, les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » me semblent constituer un budget peu protecteur face à des prix incertains.

Pour y remédier, plusieurs amendements me paraissent nécessaires. Le premier vise à garantir l'éligibilité des collectivités au bouclier tarifaire. Le deuxième tend à supprimer le reversement des compléments de prix de l'Arenh vers l'État, pour les maintenir auprès des consommateurs. Le troisième entend relever de 350 000 euros les crédits de fonctionnement de la CRE, pour lui permettre d'appliquer et de contrôler ce bouclier tarifaire. Le quatrième propose de garantir l'éligibilité des propriétaires bailleurs et des copropriétés à MaPrimeRénov'. Le cinquième vise à allouer 40 millions d'euros au fonds de revitalisation des territoires touchés par les fermetures de centrales - l'engagement avait été pris, mais il n'a pas été tenu. Le sixième prévoit d'augmenter de 115 millions d'euros le chèque énergie, pour allouer 20 euros de plus par ménage, dans un contexte inflationniste. Le dernier amendement prévoit de relever de 180 millions d'euros le Fonds chaleur renouvelable, compte tenu de la dynamique des projets.

Je vous invite à adopter ces amendements, qui sont de nature à renforcer la protection des consommateurs dans l'immédiat, mais aussi à consolider durablement notre souveraineté et notre transition énergétiques. Au total, je vous propose un avis favorable sur ce budget ainsi amendé.

Je ne doute pas que l'examen du projet de loi sur la programmation et la régulation énergétiques, annoncé pour début 2024, sera l'occasion de proposer des réponses structurelles à la hauteur des enjeux, au-delà des mesures budgétaires et fiscales de court terme.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ce rapport très précis et complet.

M. Laurent Duplomb. - Je félicite le rapporteur pour son travail.

Si le MNE doit faire face à une augmentation des demandes, nous devons nous poser une question : comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre leur facture ? Le tarif « heures pleines hiver » passe de 15 centimes à 46 centimes, le tarif « heures creuses hiver » passe de 5 centimes à 15 centimes, on vient de recevoir une facture sur deux mois avec des tarifs d'été et d'hiver. On se retrouve avec un amortisseur qui réduit certaines factures, en augmente d'autres. La lettre d'accompagnement est incompréhensible : une facture doit normalement pouvoir être comprise par celui qui la paye ! Je mets au défi quiconque d'expliquer sa facture d'électricité. Avec le prélèvement automatique, on nous « pompe » des montants qui ne correspondent ni aux termes du contrat ni à ce que je pourrais espérer !

M. Jean-Jacques Michau. - Merci pour ce rapport très complet, dont je souscris à bien des points. Si la France veut être en pointe sur la production d'énergies renouvelables, je me demande si les quelques millions alloués à cette filière sont à la hauteur de l'ambition.

Au sujet du dispositif de leasing social sur les véhicules pour les personnes à faibles revenus, il faudrait plutôt dire qu'il est pour les personnes à très faibles revenus, puisque le revenu fiscal des personnes qui en bénéficieront est de 14 000 euros. Ce plafond doit être rehaussé.

S'agissant des dépenses fiscales, je relève une baisse 4 milliards d'euros des recettes pour 2024 en raison de cadeaux fiscaux à l'efficacité douteuse, dont certains vont à l'encontre de la transition écologique.

Enfin, nous avons déposé un amendement sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pour le versement de prestations logement et chauffage dues aux anciens mineurs qui ont opté pour un contrat de capitalisation.

M. Yannick Jadot. - Merci pour ce rapport exhaustif. Le rapport de MM. Mahfouz et Pisani-Ferry indique qu'il faut investir 12 milliards d'euros pour la rénovation thermique des logements, bien entendu pas dès la première année. Mais on est encore loin de cet objectif pour adopter un rythme de rénovation à la hauteur de nos enjeux climatiques, énergétiques et de pouvoir d'achat. Le Gouvernement annonce en permanence 5 milliards d'euros, alors qu'on est plutôt autour de 3,5 milliards.

S'agissant de la prime à la conversion, on a un problème avec les déciles : aujourd'hui, pour toucher le maximum, il faut, si je ne me trompe pas, être au SMIC ou juste au-dessus. Il serait intéressant d'aller un peu plus loin et de viser les classes moyennes pour atteindre des primes aux alentours de 6 000 euros plutôt que de 2 500 euros. Même si les constructeurs annoncent enfin des voitures électriques plus petites et moins chères, je pense, comme le rapporteur, qu'on n'est pas à la hauteur des besoins.

De la même façon, je souscris au propos de Jean-Jacques Michau sur le soutien aux énergies renouvelables qui doit être accéléré. Je vois bien les priorités accordées au nucléaire dans les mots du rapporteur. Mais mettre de l'argent dans les EPR 2 sans pouvoir dire si c'est 50 ou 150 milliards, et alors que le patron d'EDF déclare qu'il faut encore définir l'objet dont nous avons besoin, n'est peut-être pas la priorité en matière d'investissement public.

M. Franck Montaugé. - Merci à notre rapporteur pour son travail.

La commission devrait examiner la question de la formation des prix de l'électricité. En effet, indépendamment de la crise actuelle, rien n'a changé structurellement. Les évolutions du mix énergétique doivent être prises en compte pour déterminer le prix de l'électricité pour les différentes catégories d'usagers dans les années à venir. Je propose à la commission d'envisager une mission d'information sur ce sujet.

Mme Sophie Primas. - Le groupe centriste a demandé une commission d'enquête sur ce sujet.

M. Franck Montaugé. - Je ne le savais pas, c'est tout nouveau ! Dans le contexte post-Arenh pour lequel on commence à nous parler de Power Purchase Agreements (PPA) et de Contracts for Difference (CfD), je ne vois rien de clair sur la formation des tarifs, que ce soit pour les usagers ou les industriels. Or on sait que le prix de l'électricité augmentera considérablement dans les années à venir, pesant lourdement sur le quotidien de nos concitoyens.

De même, comme notre collègue Yannick Jadot l'évoquait par rapport aux déciles concernés - et je partage sa remarque -, je voudrais savoir ce que coûteront les transports du quotidien, individuels ou collectifs, pour les différents niveaux de revenus. Cette question affecte également le quotidien de nos compatriotes. Pourtant, nous ne disposons que d'éléments parcellaires. Une commission d'enquête permettrait peut-être d'apporter des éclaircissements.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Une commission d'enquête a été demandée hier par le groupe Union Centriste sur la production, la consommation et le prix de l'électricité à horizons 2035 et 2050.

M. Fabien Gay. - Merci au rapporteur pour ses explications. La rénovation thermique pâtit du fait qu'on travaille en silo. Dans la rénovation énergétique de bâtiments, on manque de plus en plus de matières premières, les délais sont extrêmement longs. Je souscris à l'idée qu'il faut investir davantage, qu'il faut inclure les classes moyennes, mais les entreprises ne suivent pas parce qu'on manque de matériel et d'ouvriers qualifiés.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Et de filières industrielles.

M. Fabien Gay. - Oui ! On ne parvient pas aujourd'hui à répondre au grand défi du XXIe siècle, la rénovation de nos logements.

D'une part, parce que les dispositifs changent beaucoup d'une année à l'autre : c'est une vraie usine à gaz pour nos concitoyens. Il faut des dispositifs plus pérennes.

D'autre part, parce que nos filières industrielles ne suivent pas. À quoi bon ouvrir davantage de crédits si les entreprises manquent ? De plus, il faut continuer faire le ménage : beaucoup d'escrocs sévissent dans ce secteur, laissant des chantiers inachevés.

Revenons sur les tarifs réglementés, boucliers tarifaires et autres filets de sécurité. Contrairement au récit fait par le Gouvernement, ce n'est pas de l'argent versé aux consommateurs pour les protéger, mais une protection offerte aux acteurs alternatifs par la subvention de leurs profits et de leurs dividendes, qu'ils recevaient d'une main pendant que l'autre augmentait les prix. Les 42 milliards d'euros du bouclier tarifaire sont un véritable scandale. Les consommateurs et les consommatrices qui paient l'impôt se sont fait voler deux fois. Par conséquent, le retour des tarifs réglementés est une véritable question, qui devrait concerner tout le monde, au moins les collectivités territoriales, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Pour finir, une commission d'enquête a été demandée par notre collègue Vincent Delahaye. C'est nécessaire, car avec le marché européen de l'énergie, les prix ne reflètent plus du tout les coûts de production. La réforme proposée ne réduira pas ce décalage. Les traders s'enrichissent et on ne s'appuie pas assez sur notre mix énergétique. Je ne remets pas en question la solidarité européenne, à laquelle j'adhère pleinement, mais le système doit changer pour bénéficier davantage à notre industrie.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - J'ai eu l'honneur d'être la présidente de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, demandée par le groupe écologiste, dont le rapporteur était le président Guillaume Gontard.

Vos remarques se retrouvent dans la vingtaine de propositions que nous avons rendues à la fin du mois de juin. Nous y appelions de nos voeux une stratégie ambitieuse, qui soit également claire, pérenne et solidaire. Nous demandions également une augmentation significative des crédits pour MaPrimeRénov', même s'il y a une petite amélioration dans ce PLF, afin de massifier la rénovation énergétique globale des logements et atteindre ces objectifs, pour l'heure incantatoires, en matière de stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Je rappelle qu'il y a par an entre 50 000 et 100 000 rénovations globales performantes quand on devrait en faire chaque année 370 000 d'ici à 2030 et 700 000 d'ici à 2050.

M. Serge Mérillou. - Merci au rapporteur pour la qualité de son travail. Je suis resté un peu sur ma faim sur les crédits consacrés à l'hydrogène. Le rapporteur a fait état d'un grand scepticisme, mais peut-on espérer que ce vecteur énergétique puisse prendre un jour une part importante de notre mix énergétique, ou n'est-ce qu'un serpent de mer ?

Sur les énergies d'avenir, y a-t-il des crédits ou des avancées sur la fusion nucléaire, notamment sur le projet international qui nous concerne ?

Je veux aussi confirmer ce qu'a dit Fabien Gay sur MaPrimeRénov' : je suis surpris de la façon dont beaucoup de nos concitoyens parmi les plus défavorisés se font avoir. On leur présente des projets de rénovation qu'ils pensaient hors de portée et finalement ils se retrouvent avec une pompe à chaleur qui ne fonctionne pas ou qui est montée de façon absurde, ce qui suscite beaucoup de rancoeur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Si on veut lutter plus efficacement contre les fraudes, il faut aussi renforcer les moyens humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui ont vraiment fondu comme neige au soleil.

Mme Amel Gacquerre. - Merci beaucoup pour ce rapport très complet. Le fonds vert a été annoncé puis abondé. Mais sait-on comment il est fléché ? Car nous avons dans les territoires des difficultés de coordination avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Par ailleurs, et c'est un sujet qui nous touche particulièrement en ce moment, ce budget tient-il compte de la multiplication prévisible des catastrophes naturelles ? Le régime d'indemnisation CatNat sera-t-il revu ? France Assureurs nous explique que la situation sera de plus en plus compliquée. Ce problème est-il anticipé ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - La lisibilité de la facturation est importante, d'autant que, comme vous l'avez entendu lors des auditions, elle ne sera pas simplifiée. Des zones d'ombre demeurent sur les modalités de reversement. Pour une entreprise, tenir un budget sans connaître le prix final de l'énergie est un défi. Quant au MNE, il intervient dans les situations de conflit avec des fournisseurs : le plus souvent ce sont des fraudes, comme l'a dit notre collègue Fabien Gay.

La question de la réindustrialisation de la France est posée. Effectivement, accélérer la nécessaire rénovation énergétique, sans avoir les matériaux et devoir les importer, de surcroît en contexte inflationniste, n'allégera pas notre bilan carbone - d'où notre amendement sur le bilan carbone justement. La réindustrialisation française ou européenne dans ces domaines est absolument stratégique.

Le soutien à l'hydrogène reçoit 680 millions d'euros dans le budget, auxquels il faut ajouter 4 milliards de l'Ademe et nous attendons encore la contribution européenne. Effectivement, on parle depuis des décennies de l'hydrogène ; il est légitime de se demander pourquoi ce dossier n'avance pas. On constate aujourd'hui que l'Allemagne et la France ont adopté deux positions opposées. L'Allemagne a fait le choix d'importer son hydrogène, mais la France considère - et c'est également mon opinion - que c'est un risque de vulnérabilité, comme on l'a vu avec les importations de gaz récemment. Ces stratégies différentes sur l'hydrogène, malgré nos positionnements proches industriellement, posent question.

Sur le Fonds vert, on le renforce au détriment sans doute du CAS Facé, donc on déshabille Pierre pour habiller Paul. Ce n'est évidemment pas souhaitable, alors que leur objet est proche, d'où mes propositions d'amendement.

La question du prix de l'électricité est effectivement cruciale et nécessite de poursuivre nos travaux parlementaires. Nous avons pu constater des écarts importants entre les auditions que nous avons menées et les annonces du ministre de l'économie et des finances, confirmées ensuite par la ministre de la transition écologique. On oscille entre 60 et 70 euros le MWh - la différence est énorme ! - et en termes de stratégie économique, il nous faut des explications sur ces différences.

Je n'ai pas du tout abordé le problème des catastrophes naturelles, mais il ne relève pas du champ de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est notre collègue Christine Lavarde qui suit ces questions.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Nous connaissons des communes qui sont exclues des contrats d'assurance. Le problème se pose également pour les particuliers.

M. Daniel Salmon. - Avec les énergies renouvelables qui sont par essence diffuses, on aura besoin de très nombreux réseaux ; or nous sommes en retard sur ce point. Les technologies de production sont matures, mais il s'agit aujourd'hui de pouvoir les raccorder en temps et en heure. Des budgets sont-ils prévus pour les réseaux ?

Concernant la rénovation thermique, un colloque s'est tenu il y a une dizaine de jours au Sénat sur le biosourcé hors-site, qui est une porte d'entrée pour accélérer la rénovation thermique. Le biosourcé hors-site est du préfabriqué, mais avec de la paille, du chanvre - des matériaux disponibles en France. On a des entreprises performantes, qui attendent d'avoir de la visibilité pour investir massivement. Il faut y aller !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Oui, sauf que se pose toujours une question assurantielle sur ces matériaux.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - La question des réseaux prendra effectivement de l'ampleur dans les années qui viennent. Le budget actuel leur consacre 360 millions d'euros. Les communes doivent imaginer le développement et l'implantation future d'énergies renouvelables, ce qui inclut l'alimentation, en électricité ou en gaz. En conséquence, les régions devront décider, avec l'ensemble des collectivités, de l'organisation des énergies renouvelables implantées sur les territoires, à la fois pour les aspects financiers et calendaires liés au raccordement.

Ce sera la même chose pour l'hydrogène, puisque nous avons fait le choix de le produire dans nos territoires, ce qui est bien plus judicieux que d'avoir une centralisation ou d'être dépendant de l'importation.

Mme Sophie Primas. - Je partage cette inquiétude sur la qualité des réseaux. Nous avons voté ici pour que les zones d'accélération soient définies par les maires, et l'exercice qu'on leur demande est terriblement complexe : les informations qui doivent leur être communiquées sur les capacités en énergies renouvelables, en vent, en ensoleillement, en géothermie se limitent à des cartes sur des sites Internet. Mais ce n'est pas si simple, il faut aussi utiliser les raccordements ; pour cela, il faut les aider. Or l'ingénierie proposée par l'État est très insuffisante. Je crains qu'on ne leur dise dans six mois : « Vous n'y arrivez pas, on reprend la main ! ». C'est à l'opposé de l'idée qu'on se fait de l'implication des élus locaux dans la stratégie locale d'énergie.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Je suis complètement d'accord avec ce qui vient d'être dit. Imaginez des territoires qui ont l'ambition de faire du renouvelable et qui vont s'apercevoir qu'il n'est pas possible d'avoir le raccordement nécessaire : quelle déception ! La toile d'araignée des réseaux est très complexe.

Pour le gaz, le problème est différent, mais il existe : les méthaniseurs ne pourront pas être directement raccordés aux réseaux. La mobilisation territoriale en faveur du renouvelable est magnifique. Mais on risque de se heurter au réel, par exemple des difficultés de raccordement. On le sait, en termes de réussite industrielle, lorsqu'un investissement est fait, il faut produire le plus rapidement possible.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces échanges très riches.

Article 50

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-715 a pour but de garantir à l'article 50 l'accès à MaPrimeRénov' de l'ensemble des ménages, quels que soient leurs revenus, mais aussi leur situation, qu'ils soient propriétaires, occupants, propriétaires bailleurs ou en copropriété.

L'amendement n° II 715 est adopté.

Article 52

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-716 a pour but de préciser que les collectivités territoriales et leurs regroupements sont éligibles au bouclier tarifaire.

Mme Sophie Primas. - Les petits syndicats sont-ils pris en compte ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Oui. Certains diront que c'est déjà le cas, mais ce n'est pas écrit. Je souhaite l'inscrire dans le marbre.

L'amendement n° II 716 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-717 a pour objet de supprimer, à l'article 52 du PLF 2024, le reversement vers l'État des recettes exceptionnelles tirées des compléments de prix de l'Arenh, afin qu'ils puissent être reversés aux consommateurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Notre collègue Christine Lavarde, avec qui notre rapporteur pour avis est en lien, propose le même amendement au nom de la commission des finances.

M. Fabien Gay- C'est très bien, mais le problème est celui de la mise en oeuvre. Il faudra interroger le Gouvernement sur le post-Arenh.

M. Daniel Salmon- Notre opposition à cet amendement tient au fait que le prix de l'électricité ne va pas aller en baissant. Par conséquent, il ne faut pas donner un mauvais signal au consommateur en disant que l'énergie est accessible à un prix bas. Par ailleurs, de quel consommateur parle-t-on ici ? C'est un peu flou également. L'Arenh est un prix qui a été fixé pour montrer que le nucléaire était très compétitif et peu cher, ce qui n'est pas tout à fait le cas. Des investissements très lourds seront nécessaires dans les années à venir ; peut-être vaut-il mieux être vigilant plutôt que de reverser au consommateur sans filtre.

M. Yannick Jadot. - On préférerait une gestion sociale des consommateurs. L'expérience du bouclier tarifaire a montré qu'on avait dépensé beaucoup d'argent public pour des consommateurs qui, de fait, pouvaient assumer l'augmentation des prix, alors que les petits consommateurs ont reçu moins que ce qu'ils auraient pu avoir.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avons la volonté d'aller vers le consommateur, ce qui me semble déjà très important.

L'amendement n° II 717 est adopté.

Article 35

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-718 vise à doter la CRE de cinq ETP supplémentaires pour remplir sa mission.

L'amendement n° II 718 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-719 a pour objet d'allouer 115 millions d'euros au chèque énergie.

L'amendement n° II 719 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-720 a pour objet d'allouer 180 millions d'euros supplémentaires au Fonds chaleur renouvelable, pour lui permettre d'atteindre 1 milliard d'euros. Je rappelle que ce fonds est une réussite territoriale. Ce sont des projets dans les territoires, et il est nécessaire d'aller plus loin.

M. Daniel Salmon. - Une question de compréhension : on enlève ces crédits du programme « Expertise, information géographique et météorologie » ? Peut-on avoir des précisions car, avec les aléas climatiques actuels, ce n'est sans doute pas sur cette ligne qu'il faudrait prendre des crédits ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Ce sont des crédits de fonctionnement. Lors des débats, nous pourrons demander au Gouvernement de lever le gage.

L'amendement n° II 720 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-721 a pour objet d'allouer 40 millions d'euros aux territoires concernés par la fermeture de quatre centrales à charbon et Fessenheim. Les territoires n'ont pas souhaité la fermeture de ces centrales. Il est donc important d'avoir ce fléchage pour les accompagner.

L'amendement n° II 721 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

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