EXAMEN EN COMMISSION

Audition de M. Bernard Doroszczuk,
président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
(Mercredi 17 janvier 2024)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques sont réunies conjointement ce matin pour deux auditions consacrées au projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et au projet de loi organique associé.

Nous commençons par l'audition de M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Je vous rappelle que la commission des affaires économiques, saisie pour avis, se réunira pour examiner le texte le 30 janvier. Le projet de loi et le projet de loi organique seront ensuite examinés ensemble en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le mercredi 31 janvier puis en séance publique, le mercredi 7 et le jeudi 8 février. Un vote solennel sur l'ensemble des deux textes est prévu le mardi 13 février.

Pascal Martin a été désigné rapporteur par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et Patrick Chaize, rapporteur pour avis, par la commission des affaires économiques. Les auditions des rapporteurs ont commencé dès le début du mois de janvier.

Vous avez déjà eu l'opportunité de vous exprimer dans ce format, M. Doroszczuk, mais il nous a semblé essentiel que vous puissiez également nous présenter votre point de vue en plénière, devant les commissaires des deux commissions et l'ensemble des groupes représentés.

Il y a près d'un an, la fusion entre l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait été proposée par le Gouvernement dans le cadre de l'examen du projet de loi « accélération du nucléaire » à l'Assemblée nationale. Nous avions été nombreux, au Sénat, à déplorer la méthode employée par le Gouvernement, que la présidente Primas avait alors qualifiée « d'insupportable » : cette proposition n'avait fait l'objet d'aucune concertation ni d'aucune évaluation et n'avait pas été soumise à la première assemblée saisie, le Sénat ! Il est heureux que la proposition du Gouvernement ait finalement été rejetée par les députés.

Malmené, le Parlement a réagi par le biais d'une saisine de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) par la commission des affaires économiques du Sénat, initiative que je souhaite à nouveau saluer. Le rapport de l'Opecst de Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit est paru en juillet dernier. Ses conclusions ont alimenté le projet de fusion proposé par le Gouvernement, dont nous sommes aujourd'hui saisis.

Avant de céder la parole à la présidente Estrosi Sassone, j'aimerais partager l'état d'esprit qui est le mien à l'amorce de ce chantier législatif, sans entrer à ce stade dans les considérations de fond concernant l'opportunité de la réforme.

Notre priorité - je le dis en tant que président de la commission en charge des politiques de prévention des risques - est claire : nous souhaitons maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir. L'opportunité de la relance du nucléaire dans notre pays, qui constitue un débat majeur pour notre Nation et qui nous mobilisera dans le cadre du projet de loi « souveraineté énergétique », est une problématique d'un autre ordre. Ne nous y trompons pas : le texte qui va nous mobiliser dans les prochaines semaines ne nous amène pas à nous positionner pour ou contre l'énergie nucléaire. Il nous est demandé de réfléchir au cadre le plus adapté pour nos concitoyens pour assurer leur sécurité, protéger la santé, la salubrité publiques, la protection de la nature et de l'environnement, tout en garantissant un niveau de transparence satisfaisant.

Il me semble donc nécessaire de dissocier les deux sujets, même s'ils sont liés : un système de sûreté irréprochable et une transparence préservée, voire accrue, sont des conditions sine qua non de l'acceptabilité sociale du nucléaire, sans laquelle la relance de la filière ne pourra pas se faire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Dans le contexte de la relance de la filière française du nucléaire, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, proposée par le Gouvernement, peut constituer une opportunité pour consolider les processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle.

Pour autant, cette réforme ne peut réussir que si elle ne déstabilise pas les règles de sûreté et de sécurité, la disponibilité des compétences et, in fine, la confiance du public.

C'est pourquoi l'examen du projet de loi soumis au Sénat doit être approfondi et exigeant, en pesant les avantages, mais aussi les inconvénients de la réforme.

La commission des affaires économiques du Sénat a expurgé la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, de toute référence au premier projet de réforme, pour lui préférer une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, après le vote massif du Sénat sur ce texte, nous nous sommes opposés à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l'Opecst, nous avons remis les parlementaires au coeur des enjeux.

Je constate que le nouveau projet de loi est plus abouti ; il est le fruit des travaux préalables de l'Opecst, d'une dizaine de saisines d'organismes consultatifs et d'un an de concertation sociale. Il arrive à un moment crucial, où la France s'apprête à se fixer de nouveaux objectifs de construction de réacteurs nucléaires, dans le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui définira notre prochain cap énergétique, et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui déclinera ce cap réglementairement.

Aussi, je vous poserai quatre questions.

En premier lieu, au regard des exemples étrangers, quels sont les bénéfices attendus d'un modèle de sûreté nucléaire et de radioprotection intégré, tel que pratiqué aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne ? Ce modèle a-t-il un impact positif avéré sur la fluidité des processus, le partage des informations et l'attractivité des métiers ?

En second lieu, que pensez-vous du calendrier proposé par le Gouvernement pour réaliser la réforme ? Cette réforme, source inévitable de désorganisation, met-elle en risque la relance de la filière française du nucléaire ? À l'inverse, est-elle une nécessité pour faire face à l'afflux des dossiers de création des réacteurs nucléaires ou de prolongation ?

Autre point, que pensez-vous des suites données dans le nouveau projet de loi au rapport de l'Opecst ? S'agissant des recommandations sur la séparation entre l'expertise et la décision ou sur la publication des rapports et des avis, le renvoi au règlement intérieur de la future autorité de sûreté est-il adapté ? Certaines recommandations ne sont-elles pas omises ? Je pense à la nécessité, selon l'Opecst, du rappel du caractère indépendant de l'autorité dans son intitulé, du renforcement des groupes permanents d'experts, de l'amélioration de la gestion de crise, de l'institution d'un département de recherche ou encore de la coordination entre sûreté et sécurité nucléaires.

Enfin, au-delà de cette réforme, quelle est votre vision de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de demain ? Car nous nous apprêtons à légiférer pour les prochaines décennies, la mise en service des premiers nouveaux réacteurs nucléaires n'étant pas attendue avant 2036-2037 ? Dans ce contexte, ne faut-il pas mieux intégrer les nouveaux risques, tels que la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et leur cyberrésilience ? Ne faut-il pas mieux tenir compte des nouveaux acteurs du nucléaire, dont les opérateurs des petits réacteurs modulaires ? C'est un point d'attention pour notre commission, qui a complété en ce sens notre arsenal législatif, dans la loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023.

M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire. - Le 20 décembre dernier, un projet de loi visant à créer une nouvelle autorité indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a été présenté en Conseil des ministres. Ce projet s'appuie sur les recommandations formulées en juillet dernier par l'Opecst, vous l'avez rappelé. La création de cette autorité est motivée, selon le Gouvernement, par les perspectives de développement du nucléaire, inégalées depuis le « plan Mesmer » il y a 50 ans, pour faire face aux enjeux majeurs de souveraineté énergétique et pour lutter contre le dérèglement climatique.

Une réflexion sur l'organisation du système de contrôle actuel dans un tel contexte n'est pas illégitime. C'est la responsabilité du Gouvernement de proposer une réforme, s'il l'estime nécessaire, et c'est bien entendu la responsabilité du Parlement de décider de son opportunité. Le système actuel de contrôle a 20 ans, il est le résultat d'évolutions successives intervenues à l'occasion de choix de politiques nucléaires et de retours d'expériences d'événements marquants concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection tant en France qu'à l'étranger. Ce système a fait ses preuves « en temps de paix », c'est-à-dire avec un parc d'installation à contrôler stable, voire en décroissance. Cependant, si les nouvelles perspectives très ambitieuses de développement du nucléaire dans notre pays sont confirmées, dans les 20 ans qui viennent, le système en place devra affronter un contexte sans précédent depuis le début de l'épopée nucléaire en France, pour lequel il n'a pas été conçu. Ce sera un contexte hors normes en termes de charge de travail et d'autorisations à délivrer, tant sur les installations existantes que pour le nouveau nucléaire, dans un environnement en pleine mutation, avec de nouveaux acteurs, de nouvelles technologies, - vous avez évoqué les Small Modular Reactors, les SMR, ou petits réacteurs modulaires -, et de nouveaux usages du nucléaire. Le système de contrôle devra aussi anticiper les enjeux liés au dérèglement climatique, mais aussi l'innovation et le développement des usages numériques, dont l'intelligence artificielle, tant dans les domaines de la sûreté que de la radioprotection, dans le secteur médical, mais aussi dans le secteur industriel.

Dans un tel contexte, l'organisation actuelle ne pourra pas assurer ses missions avec efficacité sans un renforcement substantiel de ses moyens et de ses compétences et sans une évolution de son organisation et de ses modes de fonctionnement. Ce point est central et se posera, quelle que soit l'option retenue. Le système de contrôle devra changer d'échelle, gagner en efficacité et éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares dans un contexte de tension sur les ressources. Il lui faudra développer de nouveaux modes de dialogue techniques moins séquencés qu'actuellement et plus adaptés aux phases de maturation et de mode de gestion des projets qui lui sont présentés.

Pour rendre ces évolutions réalisables, il n'est pas hors de propos d'envisager un système dans lequel une seule et même entité maîtrise l'ensemble des activités nécessaires au contrôle. Le choix d'un système intégré est celui qu'ont fait la plupart des pays occidentaux ayant des ambitions nucléaires. Si cette réforme est décidée, elle devra s'opérer sans amoindrir le niveau actuel de transparence ni les compétences techniques et scientifiques de l'ASN et de l'IRSN, qui sont indispensables à la confiance du public dans le contrôle. Cela est tout à fait possible dans une organisation resserrée dont l'indépendance, véritable clé de voûte de notre système, devra être renforcée.

Ces évolutions et le succès de leur mise en oeuvre supposeront l'engagement de chacun, tant de l'ASN que de l'IRSN et de leur personnel, ainsi qu'une ambition porteuse de sens. Les personnels des deux entités sont fortement engagés dans leur mission et je tiens à leur rendre hommage. Une bonne partie d'entre eux se connaissent, s'apprécient, travaillent ensemble. Des parcours croisés existent entre les deux entités, au bénéfice de tous. Tous les personnels techniques de l'ASN et de l'IRSN disposent d'une formation de haut niveau, nos deux établissements font beaucoup pour impliquer les parties prenantes dans les processus d'instruction, de dialogue technique et de concertation et pour développer une culture de sécurité et de radioprotection au sein de la population. Il est tout à fait possible de créer un système intégré au moins aussi sûr et transparent que le système actuel.

S'il est créé, ce système bénéficiera, comme aujourd'hui, de l'appui de groupes permanents d'experts pluralistes et externes à l'autorité, qui permettent un débat riche et une prise de recul par rapport aux conclusions des expertises et aux arguments des industriels. Face à cela, il ne me paraît guère rationnel de prétendre, comme certains le font, que le système de contrôle risque de s'effondrer d'ici 10 à 15 ans si la fusion était décidée. Un tel système intégré existe depuis longtemps à l'étranger, dans des pays qui ont un niveau d'expertise scientifique et d'exigences comparables aux nôtres. L'ASN et l'IRSN sont deux entités dont l'excellence est reconnue, tant en France qu'à l'étranger, et qui partagent la même raison d'être, celle de la protection de la population et de l'environnement. Il n'y a pas de raison objective de penser que cette excellence et cette raison d'être commune disparaîtraient au seul motif que les deux entités seraient fusionnées au sein d'une nouvelle autorité indépendante. C'est au contraire cette excellence dans tous les domaines, de la recherche à l'inspection en passant par l'expertise et la décision, et c'est la reconnaissance comme référence internationale dans tous ces domaines d'activité qui doivent être au coeur des ambitions de la nouvelle autorité si sa création était décidée.

Voilà ce que je souhaitais dire en introduction et je reviendrai, au cours du débat, sur toutes les questions que vous venez de me poser.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission l'aménagement du territoire et du développement durable. - Le Président Jean-François Longeot a rappelé la priorité qui guide mon travail en tant que rapporteur pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur ce projet de loi : maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir.

J'ai organisé, durant les premières semaines de janvier, une vingtaine d'auditions, afin d'entendre l'ensemble des parties prenantes sur ce texte. J'ai également souhaité travailler en bonne intelligence avec la commission des affaires économiques, saisie pour avis : certaines de ces auditions ont ainsi été organisées conjointement avec Patrick Chaize, je m'en félicite.

Monsieur le Président, nous vous avons déjà entendu au tout début du cycle d'auditions. Au terme de ces auditions, j'ai identifié cinq enjeux centraux, sur lesquels je souhaiterais vous entendre.

Premier enjeu : l'humain. La sûreté nucléaire repose d'abord sur des compétences, sur des experts et des chercheurs, qui doivent être au coeur de notre réflexion. Je l'avais déjà rappelé, en tant que rapporteur budgétaire sur les crédits relatifs à la prévention des risques : la relance du nucléaire nécessitera la création de 100 000 postes durant les 10 prochaines années... Dans ce contexte fortement concurrentiel, nous devons être particulièrement attentifs à assurer l'attractivité de la sûreté nucléaire.

Comment une nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection pourrait-elle être suffisamment attractive, notamment pour les jeunes chercheurs et experts ? Comment éviter que la période de transition indispensable entre l'ancienne et la nouvelle organisation ne se traduise par une fuite de compétences ?

Deuxième enjeu, non moins important : la transparence. Les Français ont aujourd'hui très largement confiance en la robustesse de notre système de sûreté nucléaire. Cette confiance est le fruit d'un travail de plusieurs décennies de tous les acteurs, qui s'est notamment traduit par un effort accru d'information du public. Pour assurer l'acceptabilité de la relance du nucléaire, il est souhaitable de continuer à renforcer cette transparence.

L'exposé des motifs du projet de loi évoque une « transparence renforcée vis-à-vis du public ». Comment une nouvelle agence renforcerait-elle selon vous la transparence de la sûreté nucléaire ? Alors que l'IRSN publie aujourd'hui l'ensemble de ses avis d'expertise, comment la nouvelle agence pourrait-elle assurer un niveau au moins équivalent de publication ?

Troisième enjeu : la distinction entre expertise et décision. C'est un principe fondamental de notre système de sûreté nucléaire. Dans l'organisation actuelle, les décisions en matière de sûreté nucléaire sont prises par l'ASN, tandis que l'expertise est généralement déléguée à l'IRSN pour les décisions les plus importantes. La réforme propose d'intégrer expertise et décision au sein d'une même autorité. Quelle forme pourrait prendre la distinction entre expertise et décision au sein de l'organisation unique proposée par le Gouvernement ?

Quatrième enjeu : la recherche. L'IRSN exerce une activité de recherche en matière de sûreté nucléaire, qui nourrit son activité d'expertise. Cette recherche appliquée, dont l'excellence est reconnue internationalement, serait conservée dans le cadre de la future autorité. Le transfert d'activités de recherche à une autorité administrative indépendante (AAI) n'est pas sans poser de difficultés. La recherche nécessite de nombreux partenariats, avec d'autres établissements de recherche, mais aussi avec les principaux industriels du nucléaire, qui seront également contrôlés par la future autorité. La nouvelle agence pourrait-elle poursuivre les partenariats engagés entre l'IRSN et les principaux industriels du nucléaire sans risque déontologique de conflit d'intérêts ?

Enfin, le dernier enjeu que j'identifie est juridique. Il s'agit des conditions d'élaboration du règlement intérieur de la future autorité. J'ai pu constater au cours de mes auditions que la plupart des sujets les plus sensibles, relatifs notamment à la déontologie, à la publication des travaux d'expertise et à la distinction entre expertise et décision, sont renvoyés au règlement intérieur de la future autorité.

Cette option a l'avantage de la souplesse. Il ne faut pas tout figer dans la loi. Si le législateur fait le choix de la fusion, les grandes orientations devront être décidées par le législateur, puis la nouvelle agence devra les appliquer dans son règlement intérieur, c'est le principe d'une autorité administrative ou publique indépendante. Cette solution plus souple a cependant un inconvénient : elle ne garantit pas que les formulations adoptées par la nouvelle soient totalement conformes à l'esprit du législateur. Comment garantir que sur des enjeux aussi cruciaux que la déontologie, la transparence et la distinction entre expertise et décision, la volonté du Parlement soit respectée ? Vous semble-t-il envisageable de prévoir la saisine pour avis de l'Opecst sur le projet de règlement intérieur de la future autorité ?

M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission des affaires économiques. - La commission des affaires économiques est saisie de l'examen au fond de quatre articles, sur les réformes du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) et des règles de la commande publique applicables aux projets de réacteurs nucléaires ; elle est saisie de l'examen pour avis des autres articles du texte, ayant trait à la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Dans le cadre de mes travaux préalables, toujours en cours, j'ai entendu une quarantaine de personnalités, à l'occasion d'une vingtaine d'auditions. Je remercie le rapporteur Pascal Martin de la qualité de nos échanges.

Ma première question concerne l'application de cette réforme. D'une part, compte tenu de la nécessité, pour la nouvelle autorité, d'élaborer un règlement intérieur étoffé et de négocier des conventions collectives, l'échéance du 1er janvier 2025 est-elle tenable ? D'autre part, votre mandat devant prendre fin en 2024, sans possibilité de renouvellement, ne faudrait-il pas prévoir la désignation d'un préfigurateur ?

Ma deuxième question porte sur le statut de la future autorité. Si le statut d'AAI est de nature à garantir l'indépendance de cette nouvelle instance, celui d'autorité publique indépendante (API) lui aurait conféré une autonomie budgétaire et une souplesse de gestion. Regrettez-vous le choix opéré par le Gouvernement ?

Ma troisième question concerne les missions de la future autorité. Le 8 mars 2023, lors de votre audition par notre commission sur le projet de loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, vous aviez regretté que la sécurité des installations nucléaires civiles ne figure pas parmi les missions de la nouvelle autorité. Est-ce toujours votre position ?

Ma quatrième question porte sur l'organisation de la future autorité. Le projet de loi renvoie à son règlement intérieur la séparation entre les processus d'expertise et d'instruction conduits par les services, d'une part, et les processus d'élaboration des avis et des décisions prises par le collège, d'autre part. Ne faut-il pas viser d'autres actes ? Les cas où les décisions sont prises par le collège sont peu nombreux. Ne faudrait-il pas étendre ce champ de compétence ? Le projet de texte renvoie également au règlement intérieur le soin de définir les activités d'expertise et d'instruction qui devront faire l'objet de publication : est-ce que cela offre des garanties suffisantes ? Certains rapports, avis ou décisions ne devraient-ils pas être d'emblée rendus publics, sous réserve des secrets protégés par la loi ?

Ma cinquième série de questions porte sur le personnel de la future autorité. Tout d'abord, la réforme garantira-t-elle l'accueil des salariés de l'IRSN dans des conditions équivalentes à leur situation actuelle ? Plus encore, la complexité des instances de représentation des personnels et des modalités de négociation des conventions collectives ne fait-elle pas courir le risque d'une autorité déséquilibrée, à deux vitesses, entre les agents publics et ceux privés ? Enfin, la jurisprudence constitutionnelle prohibe la délégation de fonctions inséparables de la souveraineté nationale à des agents étrangers, de même que la recherche d'infraction pénale par des agents privés : ne faudrait-il pas inscrire ces garde-fous s'agissant des personnels habilités ?

M. Bernard Doroszczuk. - Quel est l'enjeu de la réforme ? Il est d'abord, dans les deux décennies prochaines, celui du défi que représente un volume de travail que nous n'avons jamais rencontré y compris lors de l'épopée nucléaire des années 1980 et 1990 - où nous avions eu à construire tout un parc, mais sans avoir la charge que nous aurons dans les deux décennies à venir, de gérer le parc du passé. Aujourd'hui nous avons à nous interroger sur l'avenir de nos 56 réacteurs actuels, sur leur démantèlement, et sur les nouveaux projets de gros et petits réacteurs. Cette charge de travail est inédite, il nous faut rechercher une organisation efficace qui préserve les acquis de transparence et de culture comme d'exigence de sûreté. C'est possible, d'autres le font par exemple aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, au Japon, en Finlande, des pays qui ont des projets de développement du nucléaire et qui ont intégré en une même autorité les phases d'expertise et de décision, avec pour certaines autorités l'intégration de capacités de recherche. Ce système intégré que vise le projet de loi existe donc à l'étranger, il a montré sa robustesse, et le niveau d'exigence et d'expertise scientifique de ces autorités ne fait pas débat. On peut donc penser que l'objectif de la réforme est l'efficacité, en réduisant les délais d'instruction qui sont nécessairement plus longs et les procédures plus complexes dans une gouvernance à deux autorités - l'intégration dans une seule autorité effacera les doublons et les frictions qui se produisent nécessairement quand il y a deux autorités. Parmi les doublons, je peux citer les organisations de crise : il y a d'un côté celle de l'IRSN, qui, intervenant comme expert, projette les risques de crise et les mesures à prendre pour protéger les populations, avec par exemple des évacuations, des confinements, puis c'est l'ASN qui porte ces recommandations auprès du Gouvernement pour les traduire en mesures concrètes. Ce chaînage entraîne des frictions qui disparaîtraient avec un centre de crise unique. Autre exemple, nos deux établissements entretiennent des relations internationales et je suis conduit à rencontrer certains de mes homologues qui ont la compétence en matière d'expertise et qui doivent faire la distinction entre les deux instances, ou me disent avoir eu tel ou tel échange avec l'IRSN ; ce n'est guère efficace dans les instances internationales - c'est particulièrement vrai pour les nouveaux réacteurs, où il vaudrait mieux parler d'une seule voix. Et il faut aussi considérer l'ensemble du processus décisionnel, avec la phase d'expertise, la phase d'analyse avant proposition de décision, pour les décisions les plus importantes. Ce processus comporte des interfaces puisqu'il relève de deux entités différentes qui peuvent avoir des priorités différentes, en fonction de leurs propres enjeux. Pour l'ensemble du processus, il vaut mieux qu'une seule autorité décide, ce sera plus efficace. Tous ces avantages méritent donc d'être soulignés, ils sont intéressants pour faire face aux défis des prochaines décennies.

Quels sont les risques ? Vous les avez évoqués. Il y a, d'abord, un sujet humain. Nos missions reposent sur les hommes et les femmes qui constituent nos deux entités : il faudra renforcer substantiellement ces moyens humains, ou bien nous ne tiendrons pas. Ils travaillent déjà ensemble, ils ont la même raison d'être, il n'y pas entre eux de concurrence des visions et ils ont la même mission de protection des personnes et de l'environnement. Il n'y a pas, comme on l'entend parfois, d'un côté les capacités d'analyse et de l'autre une entité qui prendrait des décisions sans considérer la sûreté et la radioprotection : nous avons la même raison d'être. L'ASN est d'ailleurs composée à 70 % d'ingénieurs, d'experts, d'universitaires, de médecins, de pharmaciens, nous n'ignorons pas la science : il n'y a pas d'un côté l'administratif et de l'autre le scientifique. Or, nous allons avoir à recruter 100 000 personnes en dix ans, quand le contexte est déjà tendu sur les ressources humaines : certains de nos experts et chercheurs sont déjà sollicités par des entreprises qui leur offrent de belles carrières - il y a donc un risque de perte de compétences. Il faut s'en occuper immédiatement en prenant des décisions fortes. Je crois que la constitution d'une entité unique de 2 200 agents, avec des métiers plus divers, offre des parcours de carrières plus intéressants ; c'est un facteur d'attractivité.

Vous m'interrogez, ensuite, sur le calendrier de la réforme. Nous sommes dans une phase de montée en charge importante de l'activité et nous allons vers un pic qui devrait se produire vers 2027-28. Pour tirer le meilleur bénéfice d'une réforme, il faut la faire maintenant, avant ce pic. Il faut aussi limiter l'incertitude, les personnels doivent savoir le plus tôt possible si la réforme va se faire. L'échéance du 1er janvier 2025 me paraît donc ambitieuse, mais nécessaire, ou bien on risque d'inciter au départ de personnels.

Des questions portent sur la distinction entre expertise et décision : elles sont bien légitimes. Il me semble que deux questions se posent en la matière : d'abord, sur le fait de savoir si une autorité de décision peut disposer en son sein d'une capacité d'expertise. La réponse est oui, aucune règle ne l'interdit et rien n'oblige à devoir recourir à une expertise extérieure - l'expertise est intégrée dans plusieurs pays, ce modèle est tout à fait compatible avec les évaluations internationales conduites par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), rien ne s'oppose de ce point de vue à une fusion. D'ailleurs, pour être en mesure d'exercer sa mission de contrôle, une AAI dispose en général de compétences internes de haut niveau, c'est un atout pour l'exercice indépendant de ses missions. Deuxième question : comment distinguer la phase d'expertise interne de la décision ? C'est très important. Or, aujourd'hui, contrairement à ce qu'on en dit, il n'y a pas de barrière étanche entre les équipes de l'IRSN et l'ASN : elles sont associées, il y a des échanges, le dialogue technique est continu, de la préparation à la décision. Pour autant, il faut des règles, pour distinguer la responsabilité de l'expert de celle du décideur : c'est un principe à faire figurer dans la loi, sur le plan des responsabilités, quelle que soit la modalité du recours à une expertise. Et c'est bien au règlement intérieur d'en fixer les modalités, conformément à l'architecture fixée par la loi organique de 2017 sur les AAI et les API : la loi pose les principes, le règlement intérieur définit les modalités d'application. La loi doit-elle prévoir des consultations pour l'élaboration du règlement intérieur ? C'est au législateur d'en décider, de même que c'est au Parlement de dire quels seront les interlocuteurs réguliers de l'AAI.

Pour répondre à vos questions sur la transparence, je commencerai par souligner que nous disposons d'un modèle très développé de partage de l'information, de dialogue technique, d'association de la société civile, un modèle que je présente régulièrement à l'étranger, et que c'est bien ce niveau élevé de transparence qu'il nous faut préserver. Or, je ne vois pas en quoi la fusion le compromettrait, les deux instances actuelles ont un niveau élevé de transparence, leur regroupement ne devrait pas changer les choses et je n'y vois pas un sujet d'inquiétude. Il me semble, même, que le projet de loi comporte des avancées en la matière, en prévoyant une publicité particulière pour les sujets à fort enjeu, avec une association particulière du public à différentes étapes. C'est le cas par exemple pour la poursuite d'exploitation des centrales au-delà de 50 ou 60 ans, c'est un véritable sujet pour lequel nous avons déjà organisé des rendez-vous avec la population tout au long du processus décisionnel. C'est aussi le cas pour la mise en service du centre industriel de stockage géologique (Cigéo) : il faut une décision pour 2027-28 et nous avons déjà bien engagé, avec le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), un processus par étapes pour en décider. Le projet de loi précise également que chaque année, la future autorité présentera à l'Opecst les sujets sur lesquels elle propose un tel dialogue technique tout au long du processus d'instruction avec, bien sûr, publication des résultats : c'est encore une avancée.

Ensuite, il ne faut pas restreindre la question de la transparence aux seuls avis de l'IRSN. Nous effectuons par exemple 1 800 inspections par an, leurs résultats sont publiés au fur et à mesure, c'est une source d'information qui est largement exploitée par les associations pour interpeller les exploitants. Nous avons aussi des groupes permanents d'experts, placés hors de l'IRSN et qui subsisteraient d'ailleurs après une fusion. Ils associent des universitaires, des experts étrangers, et ses avis sont publics. Nous réalisons aussi tout un travail dans le cadre d'un comité directeur des situations post-accidentelles, avec des ateliers sur la culture de la sécurité et de la radioprotection, qui associent des riverains ; le tout est public. Notre système d'information sur le nucléaire est reconnu, il est en avance, je ne vois pas de raison qu'un regroupement de nos deux entités lui porte atteinte.

J'ai dit que la date du 1er janvier 2025 me paraissait nécessaire pour ne pas prolonger l'incertitude, et nous avons déjà lancé en interne une réflexion sur la préfiguration de la future autorité, le travail est en cours, avec l'IRSN. Nous avons installé 12 groupes de travail, un comité de concertation avec les représentants du personnel, pour préparer l'hypothèse où la loi serait votée et qu'on démarre alors aussitôt de manière opérationnelle.

Mon mandat se termine en novembre prochain, je ne serai donc pas présent au moment où le regroupement aurait été décidé. Faut-il un préfigurateur ? Je suis mal placé pour le dire, la décision revient à ceux qui vont désigner mon successeur, mais il me semblerait effectivement de bonne méthode d'initier les démarches de sélection de mon remplaçant avant le 12 novembre, d'autant plus que la loi aurait été votée l'été prochain.

Je vous confirme que je n'ai pas changé d'avis sur les liens entre sécurité et sûreté nucléaire : l'ASN estime que les deux sujets de la sécurité et de la sûreté des installations nucléaires civiles sont intimement liés. Pourquoi ? Parce que les actes de malveillance, qui sont du ressort de la sécurité, ont nécessairement un impact en termes de sûreté, il faut une approche globale. J'ai proposé que les responsabilités de sécurité et de sûreté des installations civiles soient placées entre les mains de la nouvelle autorité, comme cela se passe à l'étranger ; aussi, je regrette que le projet de loi retire à la prochaine autorité l'expertise en matière de sécurité des installations nucléaires civiles, pour la confier à l'autorité nucléaire de défense, qui n'a pas de compétence actuellement en la matière sur les installations civiles. Je crois que le Parlement doit se positionner sur ce sujet qui prendra plus d'importance à l'avenir avec le développement des SMR. Aujourd'hui, la sécurité des installations est assurée par une série de barrières physiques et la mobilisation de moyens importants en cas d'intrusion sur des sites nucléaires ; dès lors qu'on aura des micro-installations nucléaires installées dans le tissu industriel, sans ces barrières, il faudra que la protection soit intégrée dans la conception même des sites, c'est pourquoi je continue de croire qu'il vaut mieux confier aussi l'expertise de sécurité à la nouvelle autorité : vous le constatez, je n'ai pas changé d'avis, je maintiens ma position.

M. Sébastien Fagnen. - Je m'interroge sur les risques que la réforme désorganise notre système alors que la nouvelle autorité devra faire face à un pic d'activité. Nous savons que bien des agents et salariés s'opposent à la fusion, ce qui fait prendre en particulier le risque d'une fuite de compétences au moment où on en aura le plus besoin. Nous regrettons que l'Opecst ait fait primer dans les débats le scénario de la fusion, sans faire de place véritable à la piste consistant à renforcer le modèle actuel, ce que les deux instances ont proposé il y a plusieurs années déjà. Qu'en pensez-vous ?

Je m'interroge, ensuite, sur l'acceptation de cette réforme par la population - et je le fais en tant qu'élu du département le plus nucléarisé de France, trois sites nucléaires étant installés dans la Manche. L'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) a mis en garde contre les risques que cette fusion fait porter à notre système au moment où le nucléaire est relancé et qu'il est appelé à se transformer avec les SMR. Des questions d'aménagement du territoire se poseront, l'inquiétude ne manquera pas de primer si l'on sent que l'expertise, le contrôle sont affaiblis. D'où cette question : quels sont donc les avantages de la fusion par rapport à un approfondissement des liens entre les deux entités ? A-t-on bien examiné les deux voies - et la fusion est-elle à ce point préférable qu'elle vaille les risques qui lui sont inhérents ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le Gouvernement souhaite une fusion dès 2025, mais tout le monde sait qu'un rapprochement provoque des contraintes de réorganisation sur de très nombreux plans, informatique, social, commercial, sur la communication, avec une augmentation des coûts et un allongement des délais. Combien de temps vous paraît nécessaire pour réaliser cette fusion ? Les bénéfices attendus sont-ils bien supérieurs aux dépenses qui ne manqueront pas, elles, d'être beaucoup plus importantes qu'on ne le prévoie ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Vous soulignez que les deux instances sont reconnues sur le plan international. La Cour des comptes estime aussi que le système dual est efficace, nous sommes en droit de nous interroger sur la concomitance de cette réforme avec la relance du nucléaire. Dans sa conférence de presse d'hier, le Président de la République a appelé à « faire plus vite, moins cher et mieux » : ce projet de loi souscrit-il à ce triptyque et est-il bien le meilleur moyen de renforcer la sûreté et la sécurité de nos installations nucléaires ?

Mme Amel Gacquerre. - La relance de la filière nucléaire pose la question de la sûreté des installations, sujet très sensible pour la population - et condition indispensable à l'acceptation des EPR et EPR2. L'annonce d'un projet de fusion, l'an dernier, a créé le trouble : en avez-vous constaté un effet sur les départs de l'ASN ? Vous nous dites avoir besoin de plus de moyens pour la relance : avez-vous des garanties que les moyens seront renforcés s'il y a la fusion ? Que dit l'étude d'impact de ce projet de loi ? Enfin, comment avez-vous été associé à la préparation de ce texte ?

M. Ronan Dantec. - Quand on s'occupe de risques, il faut pouvoir penser « en dehors de la boîte », garder une faculté de poser des questions que personne ne pose. Or, l'ASN va devoir faire face à beaucoup de demandes d'expertise, au risque de saturer ses capacités. Comment garantir que toutes les questions pourront continuer à être posées ? Vous donnez l'exemple « intégré » des États-Unis, mais il faut bien voir qu'outre-Atlantique, les laboratoires des grandes universités jouent un rôle décisif justement par cette faculté de poser des questions, ils maintiennent l'autorité nucléaire en alerte. Comment maintenir cette capacité de penser à des choses hors agenda, en interne et en externe : mobiliserez-vous par exemple des laboratoires externes ?

M. Daniel Salmon. - Ce projet de loi est censé simplifier et fluidifier, mais ne va-t-il pas, au contraire, gripper notre système en forçant le regroupement de deux cultures qui sont très différentes ? On voit déjà qu'il y a des tensions, ne risque-t-on pas des conflits, qui seraient source de perturbations ? On parle d'un système dual, mais il y a en fait trois acteurs puisqu'il faut compter avec EDF, et ce fonctionnement à trois permet justement qu'il y ait toujours un tiers qui peut observer les autres, c'est très important pour notre sûreté.

Mme Marta de Cidrac. - Vous vantez les très bonnes relations de travail entre les deux entités, et vous dites qu'il faudra inscrire dans la loi le principe de la séparation entre la décision et l'expertise, et l'organiser dans le règlement intérieur : quel est donc l'intérêt de la fusion ? Vous dites aussi que pour faire face à la charge de travail qui arrive, vous devrez recourir davantage à de l'expertise externe : laquelle - d'où viendra-t-elle ? Comment passer cette étape cruciale pour notre pays, aussi bien pour le parc existant que pour celui que nous allons créer ?

Mme Sophie Primas. - J'aimerais prendre un exemple précis : sur le phénomène de corrosion sous contrainte (CSC), qu'est-ce qui aurait été différent si la fusion avait été faite ? Aurait-on détecté et réglé le problème plus vite, plus tôt ? Quels auraient été les avantages par rapport à l'organisation actuelle, pour vous et pour EDF ? On voit aussi que, dans l'aérospatial, il y a des compétences croisées entre le civil et le militaire : est-ce le cas aussi chez vous ?

Mme Nadège Havet. - Vous évaluez les besoins d'embauches à 100 000 postes dans les dix ans : avez-vous identifié des compétences rares ? L'offre de formation vous paraît-elle suffisante ?

M. Fabien Gay. - Vous présentez le projet de fusion sous un beau jour, mais on sait bien pourquoi il est forcé : la réalité, c'est qu'il y a une volonté politique forte de relancer très rapidement le nucléaire, c'est bien pourquoi nous avons déjà voté un texte d'accélération, où nous avons déjà posé des questions sur la transparence des décisions qui seront prises. Nous, communistes, notre position est claire sur le nucléaire : nous sommes pour, à condition de garantir un haut statut pour les salariés et la transparence pour les populations. Et nous avons toujours considéré que l'IRSN était un peu le caillou de l'expertise dans la chaussure des industriels et il faut donc faire attention quand on accélère au nom de l'efficacité, ce qui est le pourquoi de ce texte.

Vous dites que ce texte apporte un progrès de transparence pour l'ASN, nous y reviendrons dans le débat, mais on voit déjà que la situation n'est pas la même pour l'IRSN, dont les avis sont rendus publics depuis 2015 et qui risque d'y perdre avec ce texte.

Enfin, les salariés expriment leurs craintes face à ce que cette réforme peut signifier pour leurs statuts, certains relèvent du droit public, d'autres du droit privé, les uns et les autres ne veulent apparemment pas changer de statut, mais ils craignent que, comme cela s'est passé ailleurs, des décisions leur soient imposées et que, par exemple, le privé prenne le pas sur le public.

Et pour finir, êtes-vous bien certain d'être prêt pour l'an prochain ? L'ASN utilise une cinquantaine de logiciels, l'IRSN en utilise près de 400 : des salariés qui connaissent la situation de près, nous disent que la fusion technique est impossible à réaliser dans un délai si court : qu'en dites-vous ? Et dans la négociation sociale en cours, chacun sait bien qu'avec le changement de direction, ceux qui prennent des engagements aujourd'hui n'auront pas eux-mêmes à les tenir. Tout ne pourra donc pas se faire par la négociation, le législateur devra intervenir.

M. Daniel Gremillet. - L'an dernier, le Sénat avait alerté sur les questions de sécurité et de sûreté nucléaires, surtout qu'avec les nouvelles générations de réacteurs, dont les SMR et les réacteurs de quatrième génération, le paysage va devenir bien plus complexe, puisqu'il y aura bien plus d'exploitants, bien au-delà d'EDF. Comment garantir la sûreté et la sécurité nucléaires dans ce contexte ? Comment faire, ensuite, pour disposer des ressources humaines suffisantes à la relance qu'on prétend faire, quand tout le monde relance le nucléaire à l'échelle internationale ?

On sait aussi que la recherche en matière de nucléaire concerne des domaines très divers comme l'énergie, le militaire, la santé : ce texte n'appauvrit-il pas notre capacité d'agir dans cette pluralité de domaines ?

Enfin, ce texte doit s'adapter aux évolutions à venir, je crois qu'il doit être vivant : certains articles ne peuvent-ils pas faire l'objet d'avenants, pour les adapter demain au contexte qui aura très probablement changé ?

M. Franck Montaugé. - Il semblerait que ce projet de réforme ait entraîné des départs en nombre : le confirmez-vous ? Sur les moyens, ensuite : la loi de finances initiale pour 2024 a-t-elle apporté un mieux, qui soit en lien avec cette réforme ?

M. Bernard Buis. - Une récente tribune dans le journal Le Monde estime que ce projet de fusion serait contraire aux objectifs de sûreté et de maintien de la confiance, car il conduirait à mettre fin à l'indépendance de l'expertise par rapport à la prise de décision en matière de sûreté nucléaire, indépendance actuellement assurée, outre l'existence de deux structures distinctes, par une disposition légale prescrivant la publicité des avis de l'IRSN. Les avis resteront-ils publics ?

M. Bernard Doroszczuk. - En tant que président de l'ASN, je ne suis pas l'auteur de ce projet de loi et bien des questions que vous me posez s'adressent en réalité au Gouvernement : c'est lui qui est à l'initiative de ce texte et qui a fait élaborer l'étude d'impact. Je ne peux donc guère vous répondre sur tout.

La réforme créerait-elle un risque de désorganisation ? Oui, c'est inhérent à la réforme. Est-ce un motif pour ne pas réformer ? C'est à vous d'en décider. Mais je pense qu'il faut y réfléchir, d'abord parce que l'enjeu devant nous est inédit. L'organisation actuelle permettrait-elle d'y faire face, en la renforçant ? C'est au Gouvernement de le dire, je crois que l'étude d'impact apporte des éléments sur cette alternative. En tout cas, je sais qu'on ne pourra pas faire face aux enjeux si l'on ne change pas notre organisation. Le contexte va changer en profondeur : alors qu'il n'y a aujourd'hui que quelques exploitants, une technologie et un seul usage du nucléaire civil - produire de l'électricité -, il y aura demain divers exploitants utilisant plusieurs technologies, pour des usages variés, par exemple la production de chaleur dans l'industrie. Un petit réacteur qui produira 1 mégawatt (MW), cela n'a guère à voir avec un EPR2 de 1 650 MW. Les questions de sécurité, de sûreté, d'acceptabilité n'ont certainement pas les mêmes réponses, d'autant que d'autres acteurs interviennent. Ces nouveaux acteurs sont très agiles, ils développent des concepts qui n'existent pas encore, sur lesquels nous n'avons pas d'expériences, avec des technologies nouvelles : nous devons investir dans de nouvelles compétences pour les expertiser. C'est évidemment plus difficile de le faire simultanément pour l'ASN et pour l'IRSN, plutôt qu'une fois pour une seule autorité. Il est donc plus efficace, pour ces ressources rares, d'avoir une seule autorité.

On dit qu'il y a des départs de l'IRSN, c'est exact. Pourquoi ? Si davantage de gens partent, c'est aussi parce que des start-up leur proposent de très bonnes conditions - ça peut aller jusqu'au doublement du salaire et on m'a parlé d'une reprise d'emprunt immobilier de 200 000 euros... On demande aux start-up des compétences pour entrer sur le marché : elles viennent les chercher en partie chez nous. L'expertise est une ressource rare et les propositions faites à nos experts continueront à l'avenir, qu'il y ait fusion ou pas.

La recherche est indispensable : je suis convaincu qu'une agence unifiée continuera à avoir de l'ambition pour la recherche, c'est nécessaire pour avoir une vision sur les enjeux en matière de sûreté, et cela passe aussi par des contrats avec des chercheurs étrangers, avec des industriels. Le projet de loi le prévoit en reconnaissant la nouvelle agence comme un organisme de recherche. Il y a eu un examen précis des outils nécessaires à prévoir dans la loi pour qu'elle ne perde pas de capacité de recherches. Elle sera en mesure d'éclairer l'expertise. Le fait d'avoir dans une même autorité des capacités de recherche, d'expertise, des outils de mesure et d'évaluation, sera par exemple un atout face aux enjeux du réchauffement climatique. Aujourd'hui, nous avons, à l'ASN, la responsabilité de la prescription des conditions de prélèvement d'eau et de rejet, par exemple ; nous avons des moyens de mesure dans l'environnement de ce que provoquent les rejets ; et l'IRSN a une capacité d'expertise interne, elle a des moyens de recherche dans le domaine du réchauffement climatique. Tout cet ensemble-là, sur la totalité de la chaîne de l'analyse prospective des enjeux et des impacts du réchauffement climatique, jusqu'à sa traduction dans les dispositions réglementaires qui s'imposeront aux exploitants, sera dans une même chaîne de commandement et de décision : c'est important, cela peut être une force pour la future autorité.

Le projet de loi prévoit le maintien de tous les statuts : nous l'avons spécifiquement demandé lors des consultations. C'est une richesse pour la future autorité. Chacun des statuts présente des avantages : il faut préserver notre capacité d'y recourir. Le texte le prévoit et c'est une force. Est-ce que cela va rendre la gestion complexe ? Oui, mais c'est déjà le cas et ce n'est certainement pas une raison d'y renoncer. Nous avons déjà des statuts divers, mais il n'y a pas de cultures différentes, nous avons des fonctionnements croisés et un même type d'approche sur les sujets.

Beaucoup d'arguments qui sont mis en avant contre la réforme proposée ont vocation à vous effrayer, il faut être réaliste. Il faut écouter, intégrer les craintes, mais par rapport à ce dont nous avons besoin, c'est-à-dire un système efficace, qui ne brade pas la sûreté ni les exigences de recherche, une entité plus resserrée, qui évite des doublons et bien des frictions, sera plus efficace. J'ai lu les tribunes - mais qui croit sérieusement qu'avec le regroupement, notre système va s'effondrer ? C'est une peur, cela n'a pas de sens.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour toutes ces précisions.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Effectivement, merci d'avoir répondu à bien de nos questions.

Audition de M. Jean-Christophe Niel,
directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
(Mercredi 17 janvier 2024)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Après avoir entendu le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), nous avons le plaisir d'accueillir le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Jean-Christophe Niel.

Monsieur le directeur général, vous avez déjà eu l'opportunité de vous exprimer auprès du rapporteur et du rapporteur pour avis, mais il nous a semblé essentiel que vous puissiez également présenter votre point de vue devant l'ensemble des membres des deux commissions.

Comme je l'ai fait avec M. Doroszczuk, je souhaite vous présenter mon état d'esprit à l'amorce de ce chantier législatif, sans entrer à ce stade dans les considérations de fond concernant l'opportunité de la réforme.

Notre priorité - je le dis en tant que président de la commission chargée des politiques de prévention des risques - est claire : nous souhaitons maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et des suivantes. L'opportunité de la relance du nucléaire dans notre pays, qui constitue un débat majeur pour notre nation et qui nous mobilisera dans le cadre du projet de loi sur la souveraineté énergétique, est une problématique d'un autre ordre. Ne nous y trompons pas : le texte qui nous mobilisera au cours des prochaines semaines ne nous amène pas à nous positionner pour ou contre l'énergie nucléaire. Il nous est demandé de réfléchir au cadre le plus adapté pour nos concitoyens afin d'assurer leur sécurité, de protéger la santé et la salubrité publiques, de garantir la protection de la nature et de l'environnement, avec un niveau de transparence satisfaisant.

Vous l'aurez compris, il me semble nécessaire de dissocier les deux sujets, même s'ils sont liés : un système de sûreté irréprochable et une transparence préservée, voire accrue, sont des conditions sine qua non de l'acceptabilité sociale du nucléaire, sans laquelle la relance de la filière ne pourra pas se faire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Comme je l'ai indiqué lors de la précédente audition, à l'heure de la relance de la filière française du nucléaire, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection proposée par le Gouvernement peut constituer une opportunité pour consolider les processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle. Pour autant, cette réforme ne peut réussir que si elle ne déstabilise pas les règles de sûreté et de sécurité, la disponibilité des compétences et, in fine, la confiance du public. C'est pourquoi l'examen du projet de loi soumis au Sénat doit être approfondi et exigeant, en soupesant les avantages, mais aussi les inconvénients de la réforme.

Je souhaite appeler votre attention sur quatre points.

En premier lieu, au regard des exemples étrangers, quels sont les bénéfices attendus d'un modèle intégré de sûreté nucléaire et de radioprotection, tel qu'il est pratiqué aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne ? Quels en sont les risques ?

En deuxième lieu, que pensez-vous du calendrier proposé par le Gouvernement pour réaliser la réforme ?

En troisième lieu, pensez-vous que les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), rendu en application de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, ont été toutes prises en considération lors de la rédaction du présent projet de loi ? Je pense, en particulier, aux recommandations sur la séparation entre l'expertise et la décision. Certaines d'entre elles n'ont-elles pas été omises ? Si oui, faudrait-il les intégrer au texte ?

En quatrième lieu, enfin, au-delà de cette réforme, quelle est votre vision de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de demain ? Car nous nous apprêtons à légiférer pour les prochaines décennies, la mise en service des nouveaux réacteurs nucléaires n'étant pas attendue avant 2036-2037. Dans ce contexte, ne faudrait-il pas intégrer davantage les nouveaux risques, tels que la résilience des réacteurs nucléaires face au changement climatique et leur cyberrésilience ? Ne faut-il pas mieux tenir compte des nouveaux acteurs du nucléaire, dont les opérateurs des petits réacteurs modulaires (SMR) ?

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire. - Monsieur le directeur général, je vous ai déjà entendu au tout début du cycle d'auditions. Au terme de ce cycle, j'ai identifié cinq enjeux centraux de ce projet de loi, qui doivent être approfondis. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ces enjeux tout à l'heure avec le président de l'ASN, mais il me semble important d'avoir également votre point de vue.

Premier enjeu : l'humain. La sûreté nucléaire repose d'abord sur des compétences, sur des experts et des chercheurs, qui doivent être au coeur de notre réflexion. Je l'avais déjà rappelé en tant que rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, la relance du nucléaire nécessitera la création de 100 000 postes au cours des dix prochaines années. Dans un contexte fortement concurrentiel, nous devons être particulièrement attentifs à assurer l'attractivité de la sûreté nucléaire.

Dans l'hypothèse de la création d'une nouvelle autorité de sûreté nucléaire, comment la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) pourrait-elle être suffisamment attractive, notamment pour les jeunes chercheurs experts ? L'éventualité d'une réorganisation prochaine de la sûreté nucléaire entraîne-t-elle déjà des conséquences sur l'attractivité de l'IRSN ? Comment éviter que la période de transition indispensable entre l'ancienne et la nouvelle organisation ne se traduise par une perte ou une fuite de compétences ?

Deuxième enjeu, non moins important : la transparence. Les Français ont aujourd'hui très largement confiance en la robustesse de notre système de sûreté nucléaire. Cette confiance est le fruit d'un travail de plusieurs décennies de tous les acteurs, qui s'est notamment traduit par un effort accru d'information du public. Pour assurer l'acceptabilité de la relance du nucléaire, il est à mon sens souhaitable de continuer à renforcer cette transparence. L'exposé des motifs du projet de loi évoque une « transparence renforcée vis-à-vis du public ». Comment la future ASNR renforcerait-elle, selon vous, la transparence de la sûreté nucléaire ? Alors que l'IRSN publie aujourd'hui l'ensemble de ses avis d'expertise, comment la future autorité pourrait-elle assurer un niveau au moins équivalent d'information du public ?

Troisième enjeu : la distinction entre expertise et décision. C'est un principe fondamental de notre système de sûreté nucléaire. Dans l'organisation actuelle, les décisions en matière de sûreté nucléaire sont prises par l'Autorité de sûreté nucléaire, tandis que l'expertise est généralement déléguée à l'IRSN pour les décisions les plus importantes. La réforme prévoit d'intégrer expertise et décision au sein d'une même autorité, dans un souci de simplification administrative, renforçant la lisibilité et le caractère opérationnel des services. Quelle forme pourrait prendre la distinction entre expertise et décision au sein de l'organisation unique proposée par le Gouvernement ?

Quatrième enjeu : la recherche. L'IRSN exerce aujourd'hui une activité de recherche en matière de sûreté nucléaire, qui nourrit son activité d'expertise. Cette recherche appliquée, dont l'excellence est reconnue internationalement, serait conservée dans le cadre de la future ASNR. Le transfert à une autorité administrative indépendante d'activités de recherche peut susciter quelques interrogations. La recherche nécessite de nombreux partenariats, avec d'autres établissements de recherche, mais aussi avec les principaux industriels du nucléaire, qui seront également contrôlés par la future autorité. L'ASNR pourrait-elle poursuivre les partenariats engagés entre l'IRSN et les principaux industriels du nucléaire sans risque déontologique de conflit d'intérêts ?

Enfin, le dernier enjeu que j'identifie est juridique : il s'agit des conditions d'élaboration du règlement intérieur de la future autorité. J'ai pu constater au cours de mes auditions que la plupart des sujets les plus sensibles, relatifs notamment à la déontologie, à la publication des travaux d'expertise et à la distinction entre expertise et décision, sont renvoyés, on peut tout à fait le comprendre, au règlement intérieur de la future autorité. Cette option a l'avantage de la souplesse ; il ne faut pas tout figer dans la loi. Si le législateur fait le choix de la fusion, les grandes orientations devront être décidées par lui, puis l'ASNR devra les appliquer dans son règlement intérieur. Cette solution plus souple peut cependant présenter un inconvénient : il n'est pas garanti - je ne formule aucune accusation a priori - que les solutions adoptées par l'ASNR soient totalement conformes à l'esprit du législateur. Comment garantir que, sur des enjeux aussi cruciaux que la déontologie, la transparence et la distinction entre expertise et décision, la volonté du Parlement soit respectée ? Vous semblerait-il pertinent et envisageable de prévoir la saisine pour avis simple de l'Opecst, par exemple, sur le projet de règlement intérieur de la future autorité ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je l'ai indiqué précédemment, je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'examen au fond de quatre articles du projet de loi, sur les réformes du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) et des règles de la commande publique applicables aux projets de réacteurs nucléaires, et de l'examen pour avis des autres articles du texte, ayant trait à la réforme de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Je souhaite vous poser les questions que j'ai déjà indiquées au président de l'ASN.

Ma première question concerne l'application de cette réforme. D'une part, compte tenu de la nécessité, pour la nouvelle autorité, d'élaborer un règlement intérieur étoffé et de négocier des conventions collectives, l'échéance du 1er janvier 2025 est-elle tenable ? D'autre part, le mandat du président de l'ASN devant prendre fin en 2024 sans possibilité de renouvellement, ne faudrait-il pas prévoir la désignation d'un préfigurateur ?

Ma deuxième question porte sur le statut de la future autorité. Si le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) est de nature à garantir l'indépendance de cette nouvelle instance, celui d'autorité publique indépendante (API) lui aurait conféré une autonomie budgétaire et une souplesse de gestion. Regrettez-vous le choix opéré par le Gouvernement ?

Ma troisième question concerne les missions de la future autorité. Lors de l'audition du président de l'ASN par notre commission, le 8 mars 2023, sur le premier projet de réforme proposé par le Gouvernement, dans le cadre de la loi dite « Nouveau Nucléaire », celui-ci avait regretté que la sécurité des installations nucléaires civiles ne figure pas parmi les missions de la nouvelle autorité. Partagez-vous cette position ?

Ma quatrième question porte sur l'organisation de la future autorité. Le projet de texte renvoie à son règlement intérieur la séparation entre, d'une part, les processus d'expertise et d'instruction conduits par les services et, d'autre part, les processus d'élaboration des avis et des décisions prises par le collège. Ne faut-il pas viser d'autres actes ? Les cas où les décisions sont prises par le collège sont peu nombreux, on en compte une quarantaine. Ne faudrait-il pas étendre ce champ de compétence ? Le projet de texte renvoie également au règlement intérieur le soin de définir les activités d'expertise et d'instruction qui devront faire l'objet d'une publication. Est-ce que cela offre des garanties suffisantes ? Certains rapports, avis ou décisions ne devraient-ils pas être d'emblée rendus publics, sous réserve des secrets protégés par la loi ?

Ma cinquième série de questions porte sur le personnel de la future autorité. Tout d'abord, la réforme garantira-t-elle l'accueil des salariés de l'IRSN dans des conditions équivalentes à leur situation actuelle ? Plus sensible encore, la complexité des instances de représentation des personnels et des modalités de négociation des conventions collectives ne fait-elle pas peser le risque d'une autorité déséquilibrée, à deux vitesses, entre les agents publics et les agents privés ? Enfin, la jurisprudence constitutionnelle prohibe la délégation à des agents étrangers de fonctions inséparables de la souveraineté nationale, de même que la recherche d'infractions pénales par des agents privés : ne faudrait-il pas inscrire ces garde-fous dans la loi pour les personnels habilités ?

M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de répondre à vos questions. Je serai aidé pour cela, en tant que de besoin, par Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN chargée de la sûreté nucléaire, et Patrice Bueso, directeur de la stratégie ; ils sont accompagnés d'Emmanuelle Mur, responsable des affaires institutionnelles.

Commençons par un rappel. L'IRSN est l'expert public du risque radiologique et nucléaire ; sa mission consiste à évaluer les risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants. Cette mission se décline en deux métiers : l'expertise à destination d'un grand nombre d'institutions, dont l'ASN, et la recherche. L'IRSN est donc un organisme scientifique et technique. Concrètement, 25 % à 30 % de notre activité sont actuellement consacrés à l'appui à l'Autorité de sûreté nucléaire, sous la forme de 400 livrables, dont 200 avis, par an. Le reste de notre activité réside dans la recherche ou dans l'expertise pour d'autres institutions : ministères chargés de la défense, de la santé, du travail, de l'environnement, des affaires étrangères, etc.

Ensuite, je veux dire un mot sur le projet de réorganisation du contrôle, qui fait suite aux deux conseils de politique nucléaire des 3 février et 19 juillet 2023. L'enjeu est en réalité de prévenir les accidents nucléaires ou radiologiques ; il ne s'agit pas seulement d'un processus de fusion administrative et budgétaire. En outre, quel que soit le risque considéré - sûreté nucléaire ou sécurité dans le domaine industriel -, le système de contrôle est un élément essentiel de la maîtrise des accidents ; les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima, mais également d'AZF, de Lubrizol ou du Boeing 737-MAX en témoignent. Or, j'insiste, la réforme voulue par le Gouvernement n'est pas la conséquence d'une défaillance du système actuel de contrôle, ni à l'IRSN ni à l'ASN. Cela est souligné dans le rapport de l'Opecst, mais également dans le rapport d'audit de la Cour des comptes et du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres).

Le présent projet du Gouvernement vise à fluidifier les processus afin de faire face à la forte augmentation de la demande. Il comporte des évolutions par rapport au premier amendement sur le sujet, déposé alors dans le cadre de l'examen l'année dernière du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui n'avait d'ailleurs pas été examiné par le Sénat, et il prévoit trois chantiers. Le premier réside dans la mise en place de l'ASNR. Le deuxième consiste à transférer la dosimétrie passive au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; je vous présente ici un dosimètre, ce dispositif est utilisé par des professionnels - du dentiste à l'opérateur de centrale nucléaire -, que l'IRSN fabrique à 1 500 000 exemplaires par an. Troisième chantier : le transfert de l'expertise de défense au ministère des armées.

On retrouve dans le présent projet de loi les recommandations de l'Opecst. Je pense, notamment, au fait d'associer la recherche et l'expertise, d'afficher au plus haut niveau la séparation entre expertise et décision, de garantir la transparence de l'expertise, de préserver la capacité de réponse de l'État en cas de crise, d'assurer l'attractivité et la fidélisation des salariés, de fournir un appui technique aux autres autorités dans le domaine de la défense et de la sécurité ou dans le domaine de la radioprotection.

J'en viens à la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Ses missions seraient celles qui incombent aujourd'hui à l'ASN et à l'IRSN, à l'exception, donc, de la dosimétrie passive et de l'expertise de défense. Cette nouvelle structure serait unique à plusieurs titres. D'abord, il s'agirait du seul organisme de recherche ayant le statut d'une autorité administrative indépendante. Ensuite, à l'échelle internationale, elle serait la seule autorité de sûreté faisant de la recherche ; même si certaines autorités de sûreté étrangères financent de la recherche.

La deuxième originalité de la nouvelle organisation est de rassembler 500 agents publics et 1 600 salariés de droit privé. Le Conseil d'État, au travers de son avis sur ce projet de loi, et le Conseil national de la transition écologique (CNTE) indiquent que ce dispositif présente une complexité certaine.

Ces constats amènent l'IRSN à se montrer vigilant sur cinq points.

Le premier point a trait aux activités de recherche. Il est essentiel que ces dernières s'intègrent dans l'écosystème afférent. Il faut être capable de mener des travaux avec les industriels afin de concevoir, de construire et d'exploiter des installations.

Le deuxième point est la gestion de crise. L'organisation prévue dans la loi améliorera la visibilité en la matière. Un certain nombre de sujets devront néanmoins être traités. Ainsi, il faudra s'assurer que les dosimètres passifs soient mis à la disposition des travailleurs ou du personnel intervenant, ce dont l'IRSN se charge actuellement. De plus, la gestion de crise pour ce qui est de la défense devra être éclaircie. Pour l'instant, l'expertise à ce sujet est faite au centre de crise de l'IRSN, qui sera intégré à l'autorité de sûreté civile.

Le troisième point est la séparation entre l'expertise et la décision. Ce principe résulte des grandes catastrophes technologiques des années quatre-vingt, comme Bhopal et Tchernobyl, et des crises sanitaires des années quatre-vingt-dix, comme le sang contaminé et la vache folle. Il me semble que la distinction retenue dans la loi entre le collège, chargé des décisions les plus importantes, et les services n'est pas suffisante.

Le quatrième point est l'attractivité. L'enjeu sera de maintenir dans la durée, conformément à l'objectif actuel, un nombre important de salariés de statut privé et le dialogue social, qui est 'une qualité reconnue à l'IRSN.

Le cinquième point est l'enjeu de la transparence et de l'interaction avec la société civile qui conditionnent la confiance dans le système de contrôle. Il faudra continuer à publier les expertises techniques et les recherches qui fondent les décisions.

Au-delà de ces points, il est nécessaire d'assurer la continuité de service pour garantir la réussite du plan de relance du nucléaire. J'ai remis à votre rapporteur un schéma élaboré par l'IRSN qui montre une concentration de notre travail d'expertise, avant les prises de décision, dès 2024 et 2025. Des travaux sont déjà menés sur les réacteurs EPR 2 ou sur les SMR.

En outre, pour reprendre les termes du Conseil supérieur de l'énergie (CSE), j'attire votre attention sur le risque d'instabilité qui pourrait accompagner la réforme. La complexité de cette dernière est mentionnée par la Cour des comptes, par le Conseil d'État ou par l'Opecst et par vos commissions.

Pour conclure, j'indique qu'une des conditions de la réussite de cette réforme est celle des moyens, en matière tant de relance du nucléaire que de réorganisation. Le constat figure notamment dans le rapport de M. Rapin au nom de la commission des finances du 24 mai 2023 Relance du nucléaire : adapter les moyens de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Une autre condition est que le dialogue social soit de qualité afin que l'adaptation soit à la hauteur de l'évolution.

M. Sébastien Fagnen. - À écouter précédemment le président de l'ASN, nous avons eu le sentiment que le plaidoyer en faveur du projet de fusion s'agissait en fait d'un réquisitoire ! D'après vous, la filière électronucléaire française peut-elle relever les défis des années à venir en conservant le système dual actuel et en le renforçant à l'aide de garanties financières et humaines ?

M. Yannick Jadot. - Le nucléaire sera encore présent pour des décennies : l'enjeu est celui de la sûreté et de la sécurité. Un président de l'ASN avait déclaré que le risque zéro n'existait pas. En outre, les risques sont de plus en plus nombreux. Il est nécessaire de les expertiser correctement. Les besoins explosent également en matière de décisions et potentiellement d'autorisations. L'accroissement des responsabilités est considérable. Nous avons l'impression que le Président de la République veut passer outre toutes les procédures de décision, notamment parlementaires, et que l'expertise sur le fond devient une forme de contre-pouvoir qu'il faudrait réduire, car source d'emmerdements en matière d'autorisations ! Or l'organisation en deux institutions nous paraît efficace et de plus en plus nécessaire. Un doublon en matière de sécurité nucléaire représente une sécurité.

Avec ce projet de loi, la séparation entre expertise et autorisation ne relèverait pas d'un encadrement décidé en responsabilité par le législateur. Elle se ferait au travers d'un règlement intérieur, ce qui, pour des décisions aussi importantes, me paraîtrait lunaire ! Ce rattachement à un tel document vous paraît-il suffisant pour assurer la sécurité de nos concitoyens ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Votre organisme comme l'ASN sont reconnus à l'échelle internationale pour leurs compétences. En quoi cette réforme ira-t-elle dans le sens d'un renforcement de la sûreté et de la sécurité nucléaires ?

Par ailleurs, l'ex-ministre de la transition énergétique indiquait que votre établissement public industriel et commercial (Épic) serait plus indépendant à l'avenir en étant intégré dans une agence. En quoi manquez-vous actuellement d'indépendance ? En auriez-vous davantage à l'avenir ?

M. Serge Mérillou. - Le Gouvernement justifie entre autres cette fusion par le besoin d'augmenter l'efficience du travail, notamment pour améliorer le partage d'informations. Or, dans le même temps, le projet de loi prévoit une séparation entre la sûreté des installations civiles et celle des installations militaires. Vous évoquiez la complémentarité des deux domaines lors de votre audition à l'Assemblée nationale en octobre dernier. Cette mesure peut-elle représenter un frein au partage des données ? N'existe-t-il pas un risque de perte d'efficacité ?

En matière de recherche, vos partenaires, par exemple EDF et le CEA, sont soumis au contrôle de l'ASN. En créant une unité qui rassemble l'IRSN et cette dernière, de tels acteurs ne seront-ils pas réticents à mener des recherches en partenariat avec l'autorité qui les contrôle ? Le cas échéant, comment faire face à cette perte de compétitivité de votre organisme ?

M. Ronan Dantec. - Dans son audition édifiante, le président de l'ASN nous indiquait clairement que son organisme n'avait pas les moyens d'accomplir ses missions : nouveau programme nucléaire, carénage, SMR, etc. Les moyens humains de l'IRSN permettraient de répondre à la charge de travail.

Si l'IRSN doit répondre à davantage de demandes d'expertise sur l'ensemble des champs liés à la relance du nucléaire, aurez-vous encore les moyens de remplir vos autres missions, la radioprotection ne se limitant pas au nucléaire ? Certaines devront-elles être réduites, voire abandonnées ? Votre rôle out of the box, à savoir poser des questions que personne ne pose et non pas répondre seulement à des commandes d'études venant de l'ASN, pourra-t-il être rempli ?

M. Daniel Gremillet. - En matière de personnel, tout le monde reconnaît les besoins énormes qui sont impliqués par les nouvelles missions et par la nouvelle génération d'installations nucléaires. À ce titre, les moyens de l'IRSN ont été renforcés par le Sénat en 2023. Jusqu'à présent, EDF est votre principal interlocuteur. À l'avenir, il faudra compter sur les start-up. Le contexte changera complètement ! La future structure sera-t-elle un atout pour attirer plus de femmes et d'hommes malgré le déclin national du nucléaire ?

En outre, les installations nucléaires nécessiteront de nouveaux sites. La question de la transparence et des moyens afférents n'est-elle pas sous-estimée dans ce texte ?

Enfin, la France a été pionnière dans le nucléaire : énergie, santé, défense... Dans la nouvelle structure, la recherche ne serait-elle pas affaiblie ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - Pour justifier la fusion, la ministre de la transition énergétique a mis en avant le manque de réactivité dans les situations de crise, évoquant la centrale de Civaux dont la reconnexion au réseau, après la résolution des problèmes de corrosion, aurait pris trop de temps. La fusion des deux entités permettrait-elle véritablement d'améliorer les délais ? La convention pluriannuelle avec l'ASN fixe des échéances qui semblent avoir toujours été respectées par l'IRSN. Il serait intéressant d'évaluer le gain de temps réellement induit par la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante, et de vérifier que la fusion ne se fera pas au détriment de la transparence et de la sécurité.

M. Bernard Buis. - Compte tenu du niveau relativement faible des rémunérations existantes au sein de votre organisme pour certains métiers en tension de la filière du nucléaire, l'article 11 du projet de loi prévoit que l'IRSN et l'ASN consacreront respectivement 15 millions d'euros et 700 000 euros à l'augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024. En parallèle, le Gouvernement réfléchit aux moyens d'accroître l'attractivité de la future autorité pour les fonctionnaires en veillant à maintenir un équilibre entre les différentes affectations. Y aurait-il d'autres pistes à envisager ?

M. Daniel Salmon. - Le président de l'ASN parlait de contexte hors norme. Est-ce compatible avec le nucléaire ? Il parlait de défis extrêmes devant nous, comme la sécurité du parc nucléaire vieillissant ou les nouveaux EPR2 et SMR. Des évolutions pourraient-elles être apportées au modèle actuel ou la fusion des deux organismes est-elle un passage obligé ? Quelles seraient vos propositions pour améliorer ce système dual qui donne satisfaction ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Dans quels pays y a-t-il, comme en France, des autorités et organismes distincts ? Est-il envisagé de les regrouper ?

M. Jean-Christophe Niel. - Tous les pays ayant un parc nucléaire ont besoin d'une expertise technique de sûreté nucléaire et disposent donc d'une autorité de sûreté nucléaire, conformément à la convention internationale. Pour autant, les modèles peuvent différer en termes d'interactions entre l'autorité de sûreté et les organismes techniques de sûreté, les TSO (Technical Safety Organizations), dont l'IRSN fait partie.

Il faut distinguer deux systèmes, reconnus au niveau international : le système américain, qui est intégré, et le système français, qui comprend une autorité et un expert techniques.

Sur les douze pays qui comptent le plus grand nombre de réacteurs, dix ont un TSO séparé. Les deux pays ayant un TSO unique sont des acteurs majeurs : les États-Unis et le Canada. Il convient de considérer les caractéristiques des TSO en examinant l'équilibre global du système. Ainsi peut-on noter que les autorités de sûreté américaine, canadienne et japonaise organisent leurs réunions de façon publique, télévisée. Par ailleurs, le système américain est très normatif : il ne prévoit pas de dialogues techniques laissant la place à l'innovation.

Pour ce qui concerne le calendrier, un regroupement de l'actuelle ASN et de l'IRSN au 1er janvier 2025 est un objectif très ambitieux. Par ailleurs, l'organisation de la nouvelle structure sera liée aux choix prévus dans la loi. Si cette date devait être retenue, le système devrait fonctionner à cette échéance, même s'il n'est pas définitif. Aussi travaillons-nous avec l'ASN pour définir les « incontournables », c'est-à-dire les sujets qui devront être absolument traités, faute de quoi le système ne fonctionnera pas. Je citerai un exemple trivial, les rémunérations, mais aussi l'organisation hiérarchique des postes, ainsi que le partage et les délégations de responsabilités et de pouvoirs.

Le président de l'ASN quittera ses fonctions en novembre 2024. Lorsque la nouvelle structure verra le jour, il serait bon que le nouveau dirigeant ait en main les options possibles et qu'il soit dépositaire du travail qui a été précédemment engagé. La notion de préfiguration n'est pas simple à mettre en oeuvre ; en effet, les nominations du président de l'ASN et du directeur général de l'IRSN doivent être approuvées par les commissions parlementaires. Il est difficile d'imaginer un préfigurateur qui ne serait pas passé par cette étape...

Nous travaillons donc avec les équipes de l'ASN, du CEA et du ministère des armées sur les points qui devront absolument être en place au 1er janvier 2025.

Le projet de loi fait référence à la vingtaine de recommandations du rapport l'Opecst, lesquelles pourraient être appliquées dans le système dual actuel.

J'en viens à la sûreté nucléaire et la radioprotection de demain. Parmi les installations nouvelles - EPR, EPR 2, SMR -, le réacteur EPR 2 n'est pas très différent de l'actuel EPR : la chaudière est la même ; EDF a pris la décision de garder le même récupérateur de corium ; seuls les bâtiments périphériques évoluent. Pour l'expertise de l'EPR 2, qui a déjà commencé - une vingtaine d'avis ont été produits de manière anticipée -, il faudra se concentrer sur les différences avec l'actuel EPR.

Nous échangeons avec les concepteurs des SMR. Avec l'ASN, nous avons travaillé sur la mise en place de nouveaux processus d'instruction, en prévoyant une étape qui permettra de gagner du temps : il s'agit d'évaluer la maturité du projet déposé par le concepteur de SMR afin d'examiner s'il est expertisable.

L'IRSN a engagé une réflexion sur les sujets majeurs de la cybersécurité et de la cyberrésilience, de même que sur le changement climatique, sur lesquels nous menons des activités de recherche et d'expertise. Il conviendra d'approfondir ce travail.

Parmi les cinq enjeux centraux rappelés par M. le rapporteur Pascal Martin, j'insisterai sur l'attractivité, l'aspect humain. La force de l'IRSN, c'est la qualité de ses personnels - ingénieurs, titulaires de doctorats, médecins, pharmaciens, experts. Le maintien de l'attractivité est un objectif essentiel. La période actuelle se caractérise par l'incertitude. Nos salariés sont inquiets et la question de l'évolution des effectifs se pose. Nous constatons une augmentation du nombre des démissions, qui demeure néanmoins limité. Mais lorsqu'un personnel part, il faut le remplacer. Il faut dix ans pour former un expert ; il convient donc, à cet égard, d'investir dans la durée.

Pour ce qui concerne les conditions salariales, on constate un écart de salaires de 23 % entre les experts de l'IRSN et ceux de l'industrie ou du secteur de la santé. Cet écart s'élève à 40 % s'agissant des experts de bon niveau et des managers. Par ailleurs, les nouveaux acteurs du secteur proposent des rémunérations que nous ne pouvons pas offrir.

La transparence est un enjeu essentiel pour la crédibilité et la confiance dans le système de contrôle. L'IRSN mène une politique volontaire et dynamique - et, je crois, reconnue - d'ouverture sur la société. Il convient de renforcer cette démarche. Notre comité d'orientation des recherches (COR) associe les parties prenantes à la définition des programmes de recherche. Les commissions locales d'information (CLI) et leur association nationale, ainsi que le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) sont des acteurs essentiels de ce dispositif. Ainsi, le Haut Comité tiendra demain une conférence de presse, à laquelle l'IRSN participera, relative au lancement de la concertation sur la prolongation des réacteurs de 1 300 mégawatts.

La séparation entre l'expertise, relevant des services, et la décision, relevant du collège, n'est, selon moi, pas satisfaisante. Aujourd'hui, le collège rend 40 décisions par an, et l'IRSN transmet à l'ASN 200 avis ; la plupart de ceux-ci sont repris non par le collège, mais par les services. On pourrait imaginer, par exemple, une direction de l'instruction et de la réglementation, d'une part, et une direction de l'évaluation, d'autre part, avec des processus de prise de décision qui seraient placés à la bonne place hiérarchique.

Il y a certes un continuum entre expertise et décision, qui se présente comme suit : dépôt d'un dossier par l'opérateur ; discussion entre l'opérateur, l'IRSN et l'ASN pour définir le cadre de l'expertise ; expertise comprenant des interactions avec l'opérateur ; information de l'ASN ; avis ; décision. Pour autant, ce continuum n'exclut ni l'existence d'étapes ni une claire attribution des responsabilités, laquelle sera d'ailleurs prévue dans la nouvelle organisation dans le cadre de la démarche qualité. Plus fondamentalement, les experts qui signent un avis sur le nucléaire sont conscients de la responsabilité qu'ils portent.

La recherche est un enjeu très important de la création de la nouvelle structure. L'Autorité de sûreté nucléaire, dont j'ai été directeur général pendant dix ans, a un fonctionnement en surplomb. Quant au travail des organismes de recherche, il relève de la collaboration et de la compétition, notamment pour répondre à des appels à projets ou pour construire des partenariats - tous les partenaires de l'IRSN nous interrogent sur ce sujet.

Le lien avec les industriels est fondamental, car la recherche doit être non pas hors-sol, théorique, mais opérationnelle afin de répondre à un besoin d'expertise. L'IRSN a été créé dans les années 2000 pour faire naître une interaction entre la recherche et l'expertise, afin que celles-ci soient au plus haut niveau. La flexibilité, la souplesse et le pragmatisme du système sont dus à ce dialogue technique fondé sur la connaissance scientifique. Une bonne manière de faire de la recherche concrète est de discuter avec les industriels, et de confronter les points de vue et les approches.

La déontologie est un autre sujet majeur. L'IRSN dispose d'une commission d'éthique et de déontologie ; je pense que la nouvelle autorité devrait se doter d'une telle instance. Tous les ans, nous présentons à cette commission un état de ce que nous faisons en termes de déontologie.

Les programmes de recherche que l'IRSN conduit, par exemple avec EDF, ne sont jamais des tête-à-tête, mais toujours des partenariats qui associent de nombreux acteurs - TSO étrangers, organismes académiques, industriels. La nouvelle structure devra continuer à concevoir et exploiter ces programmes.

Au niveau juridique, le projet de loi contient de nombreuses références au règlement intérieur sur les points suivants : déontologie, transparence, expertise et décision. Une implication de la représentation nationale à cet égard serait bénéfique sur le fond, mais aussi en termes de perception par le public. Une intervention du HCTISN serait également positive.

L'IRSN a peu à dire sur les articles relatifs à la commande publique et au haut-commissaire à l'énergie atomique. Dès que ce dernier prendra ses fonctions, nous le contacterons, ainsi que les responsables de la nouvelle structure, pour évoquer les enjeux de la recherche dans le domaine de la sûreté nucléaire.

Compte tenu du statut de l'IRSN, le statut d'API présenterait beaucoup plus de facilité de mise en oeuvre. Il nous permettrait, par exemple, de conserver notre système d'information et de gestion (SIG), alors que le statut d'AAI nous contraindrait à nous rattacher au SIG de l'État. Contrairement à une AAI, une API a une personnalité morale, ce qui serait de nature à simplifier la mise en oeuvre du processus.

J'ai été interrogé sur la sécurité des installations nucléaires civiles. Dans la plupart des pays, la sécurité est intégrée à l'autorité de sûreté. La prévention contre le terrorisme recouvre à la fois une dimension technique et organisationnelle - l'installation de détecteurs, de portes épaisses, etc -, qui peut être du ressort d'une autorité de sûreté ou de sécurité, et la mobilisation d'agents de police, de gendarme et d'agents des services secrets. Dans aucun pays cette seconde dimension ne relève de l'autorité de sûreté.

Chaque année, l'IRSN remet à l'ASN 400 livrables, dont 200 avis. J'estime, et c'est aussi l'avis de nombreuses instances, qu'il faut tendre à rendre publics l'ensemble des avis, au même titre que les recherches.

J'en viens aux personnels. L'organisation envisagée est complexe - cela a d'ailleurs été relevé par le Conseil d'État -, car elle suppose d'intégrer 1 600 personnels de droit privé à une AAI, c'est-à-dire à un morceau d'État dépourvu de personnalité morale, ce qui pose trois difficultés : le statut de ces personnels, notamment leur salaire, le dispositif conventionnel - astreintes, sujétions, mutuelle, etc - et la structuration de l'autorité pour permettre le dialogue social avec les partenaires sociaux. Un tiers des articles du projet de loi sont consacrés à ce sujet.

N'étant pas compétent en la matière, je ne puis répondre à la question de la délégation aux agents étrangers et privés.

J'ai également été interrogé sur la capacité du système actuel à faire face aux évolutions qui sont envisagées. J'estime que l'atteinte des objectifs du plan de relance nucléaire dépendra des moyens qui lui seront alloués. L'IRSN et l'ASN ont fait la preuve de leur capacité à s'adapter à une nouvelle situation. Après Fukushima, nous avons dû plancher sur de nouveaux risques pendant de longs mois tout en continuant à travailler en parallèle sur d'autres sujets. Le système actuel pourrait évoluer pour devenir encore plus performant.

Du reste, 12 groupes de travail ont été constitués avec l'ASN pour réfléchir à l'élaboration de la future autorité.

Mme Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN. - Nous avons travaillé récemment à une meilleure articulation entre les processus de l'IRSN et de l'ASN. Nous avons, par exemple, revu le séquencement afin de remédier aux lourdeurs identifiées dans le processus d'expertise, notamment dans la phase d'échange avec les exploitants. Certaines des évolutions proposées pourront d'ailleurs être testées avant le 1er janvier 2025.

M. Jean-Christophe Niel. - Le fait de travailler à ces évolutions dans le système actuel permet de nous prémunir contre le risque d'une rupture de la continuité du service.

Il n'y a pas de doublons avec l'ASN dans les champs métiers - à la différence des champs fonctionnels et support. En la matière, l'IRSN et l'ASN sont même complémentaires et pourront l'être encore davantage à l'avenir.

La création d'une entité unique renforcerait le positionnement international de l'ASN et de l'IRSN, qui sont d'ores et déjà deux instances reconnues.

Le projet de loi prévoit le transfert de deux missions au ministère de la défense : la sûreté des installations de défense, telles que le porte-avions Charles de Gaulle ou les installations où sont fabriquées des armes nucléaires, et la sécurité des installations civiles. L'un des enjeux du chantier « expertise défense » est la gestion des interfaces. En effet, pour l'expertise de sûreté défense, la future ASNR devra faire appel à des experts de l'autorité civile pour des aspects spécialisés - incendie, neutronique, thermohydraulique, etc. Il faudra mettre en place des conventions et des modalités de consultation.

Aujourd'hui, les exercices de crise relatifs aux installations de défense sont effectués dans notre centre de crise, qui a vocation à rejoindre l'ASNR. Les modalités d'exercices relatifs aux crises défense restent toutefois à déterminer.

En ce qui concerne les travaux avec les partenaires industriels, je ne reviens pas sur les enjeux de déontologie, que j'ai évoqués. S'il est essentiel de les traiter, on ne peut pas, pour l'heure, préjuger des éventuelles réticences des industriels à travailler avec l'ASNR.

J'en viens à la gestion des flux de demandes. La pression de l'expertise a conduit l'IRSN à réduire le volume de la recherche, mais aussi, conformément à la préconisation de la Cour des comptes, à augmenter ses moyens humains. Parallèlement, nous avons mis en place des dispositifs qui nous permettent de mieux gérer les flux, tels que l'organisation de séminaires communs.

Il convient également de ménager notre capacité à travailler hors commande. C'est essentiel pour la gestion du risque.

Je n'ai pas d'information quant aux sites retenus pour accueillir les futures installations nucléaires. Il est clair que la nouvelle structure, ou à défaut l'ASN et l'IRSN, devront être impliqués dans l'explication du système de contrôle et des enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il conviendrait également de créer des commissions locales d'information.

En ce qui concerne la centrale de Civaux, l'Opecst a constaté, dans son rapport Les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, que les difficultés avaient été correctement et diligemment traitées. Ce dossier ne nécessitant pas d'expertise à proprement parler, il a été géré dans un délai relativement court, et sans l'IRSN.

Mme Karine Herviou. - L'autorisation pour le redémarrage de la centrale de Civaux, déposée par EDF le 13 janvier 2023, a été gérée directement par l'ASN, qui a délivré cette autorisation pour le 17 janvier. Lorsque les phénomènes de corrosion sous contrainte sont apparus, la visite décennale de la centrale était en cours. Il a donc fallu terminer celle-ci avant de redémarrer la centrale.

M. Jean-Christophe Niel. - Vous m'avez demandé si la fusion de l'ASN et de l'IRSN améliorerait les temps de réponse. Dans le système actuel, le fait que l'IRSN travaille au service de donneurs d'ordre est un facteur puissant du respect des échéances. Nos groupes de travail s'efforcent toutefois de dégager des pistes pour améliorer encore les choses.

Les 15 millions d'euros que le projet de loi entend consacrer à des augmentations de salaire correspondent à une augmentation de l'ordre de 10 % du budget de l'IRSN. Des augmentations de salaire contribueraient en effet à fidéliser les experts actuellement en poste et à en attirer de nouveaux.

Je vous transmettrai enfin un document indiquant le calendrier de l'application des nouvelles normes. Il y a de nombreuses échéances en 2024-2025, puis de nouveau en 2026-2027. C'est une question de moyens autant que d'organisation, et nous y travaillons.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je vous remercie d'avoir répondu aux questions de mes collègues, monsieur le directeur général.

Examen en commission
(Mercredi 31 janvier 2024)

Réunie le mardi 30 janvier 2024, la commission a examiné le rapport sur le projet de loi n° 229 (2023-2024) relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et le projet de loi modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Ces textes seront examinés, demain, par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et, en séance publique, les mercredi 7 et jeudi 8 février prochain.

Notre commission est en charge de l'examen au fond des articles 12 et 16 à 18 du projet de loi ordinaire. Elle s'est saisie pour avis de tous les autres articles des projets de loi ordinaire et organique.

Je remercie notre rapporteur pour son travail. Plusieurs auditions ont été organisées conjointement avec Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont je salue la présence parmi nous - Patrick Chaize assistera demain à la réunion de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Je vous remercie, Mme la présidente ; je remercie également le rapporteur Pascal Martin pour la qualité de nos échanges. Les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons aujourd'hui proposent trois réformes techniques, destinées à accompagner la relance de la filière française du nucléaire, actée par la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi « Nouveau Nucléaire ».

La première est la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), au sein d'une autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La deuxième est la simplification des règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires du groupe EDF, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La dernière réforme est le repositionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA), qui doit être transféré du CEA vers le Premier ministre.

Les articles qui nous ont été délégués au fond sont l'article 12 et les articles 16 à 18 du projet de loi ordinaire, c'est-à-dire ceux qui portent sur la simplification des règles de la commande publique et le repositionnement du HCEA. Les autres articles des projets de loi ordinaire et organique dont notre commission s'est saisie pour avis portent sur la création de l'ASNR.

S'agissant des articles au fond, leurs apports sont techniques, mais importants, pour réussir la relance de la filière française du nucléaire.

L'article 12 abroge la base légale du HCEA, pour autoriser le Gouvernement à le repositionner vers le Premier ministre. Je constate que le Gouvernement a déjà pris un décret en ce sens, le 30 décembre dernier, avant même la loi. C'est une anomalie !

L'article 16 permet à certains projets nucléaires de déroger à l'obligation d'allotissement pour la passation des marchés publics. C'est une nécessité pour maîtriser les délais et les coûts. Les projets visés sont ceux qui sont liés à la construction de nouveaux réacteurs, aux activités de recherche, aux activités de gestion de déchets radioactifs et des combustibles usés, ainsi qu'aux opérations de démantèlement et de réhabilitation. Cet article doit permettre de limiter le risque d'interfaces ; je rappelle que l'Andra doit gérer 200 lots pour son projet de stockage Cigéo.

L'article 17 autorise ces mêmes projets à déroger à la durée maximale des accords-cadres, qui est de quatre ans pour les entités adjudicatrices comme le groupe EDF, et de huit ans pour les pouvoirs adjudicateurs comme le CEA et l'Andra. La durée maximale pourrait courir jusqu'à la fin des projets nucléaires, en tenant compte des aléas. Cet article doit permettre de réduire le risque de rupture. Sans cette disposition, le réacteur expérimental Jules Horowitz (RJH), du CEA, doit s'arrêter pendant quinze mois tous les quatre ans.

Enfin, l'article 18 prévoit que les parties les plus sensibles des projets nucléaires, en l'espèce des « îlots nucléaires » des centrales et les équipements nécessaires à la protection contre les actes de malveillance et à la sûreté nucléaire, puissent totalement déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence. C'est une nécessité pour construire nos nouveaux réacteurs. J'observe qu'un mois de retard représente une perte de 10 à 60 millions d'euros, selon le groupe EDF.

Naturellement, ces dispositions doivent nécessairement s'articuler avec les principes de liberté et d'égalité d'accès à la commande publique, ainsi qu'avec les directives du 24 juin 2014 sur les marchés publics. Dans son avis, le Conseil d'État n'a pas soulevé de difficultés d'ordre conventionnel ou constitutionnel. Dans sa décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023 sur la loi « Nouveau Nucléaire », le Conseil constitutionnel a même indiqué que la construction de nouveaux réacteurs poursuit l'objectif constitutionnel de protection de l'environnement. Enfin, les directives prévoient des dérogations. En matière nucléaire, la République tchèque et la Hongrie en ont récemment bénéficié.

Concernant les articles pour avis, les articles 1er et 3 confient à l'ASNR un statut d'autorité administrative indépendante (AAI) et lui transfèrent les missions de l'IRSN en matière d'expertise, de recherche ou de formation. Les activités de dosimétrie de l'IRSN sont transmises au CEA et celles d'expertise nucléaire de défense au ministère des armées, par l'article 5. L'article 2 prévoit que le règlement intérieur de l'ASNR distingue le processus d'expertise de celui de décision et précise les conditions de publicité des résultats de ces processus. L'article 4 prévoit que les modalités de participation et les résultats des travaux soient présentés à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). La réforme doit intervenir le 1er janvier 2025, selon l'article 15.

Si la réforme proposée est bienvenue, elle laisse des zones d'ombre, en renvoyant trop facilement vers ce règlement intérieur. Par ailleurs, le réalisme de l'échéance et les conditions des transferts sont débattus.

Lors de l'examen de la loi « Nouveau Nucléaire », le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale deux amendements procédant à la fusion de l'ASN et de l'IRSN. En commission mixte paritaire (CMP), notre rapporteur avait expurgé le texte de toute référence à la fusion - il avait bien fait. De plus, notre présidente avait saisi l'Opecst d'un rapport sur les conséquences de cette fusion. En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, après le vote massif du Sénat sur ce texte, notre commission s'était opposée à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l'Opecst, elle avait remis les parlementaires au coeur des enjeux.

Le nouveau projet de réforme est plus abouti : il est le fruit des travaux préalables de l'Opecst, d'une dizaine de consultations formelles et d'un an de concertation sociale. Il arrive à un moment crucial pour la filière française du nucléaire, à l'heure où le Gouvernement entend proposer de nouvelles régulations et programmation énergétiques, dans le projet de loi sur la souveraineté énergétique et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Il ne s'agira, ni plus ni moins, que d'acter la construction des six à quatorze EPR2 (European Pressurized Reactors 2) annoncés lors du discours de Belfort, le 10 janvier 2022.

Dans le cadre de mes travaux préparatoires, auxquels plusieurs commissaires se sont associés - ce dont je les remercie -, j'ai entendu une quarantaine de personnalités, lors d'une vingtaine d'auditions, recueillant le point de vue de l'ensemble des parties prenantes : les représentants de l'administration et du personnel de l'ASN et de l'IRSN, le HCEA, les acteurs économiques et scientifiques, les associations environnementales, les organismes consultatifs, ou encore les parlementaires, notamment membres de l'Opecst.

Au terme de mes travaux, je proposerai à notre commission 37 amendements, selon quatre axes : consolider la gouvernance de la filière nucléaire, simplifier les règles de la commande publique, faire suite aux travaux de la loi « Nouveau Nucléaire » et conforter l'organisation de l'autorité de sûreté.

En premier lieu, il est indispensable de consolider la gouvernance de la filière nucléaire, et notamment sa dimension parlementaire, en préférant une réécriture de la base légale du HCEA à son abrogation, à l'article 12, comme le prévoyait d'ailleurs le texte initial du projet de loi.

D'une part, les attributions du Haut-commissaire doivent être confortées. Je souhaite donc qu'il puisse conseiller le Gouvernement, en matière scientifique et technique, dans le domaine de l'énergie nucléaire. À cette fin, il doit pouvoir saisir le Comité de l'énergie atomique et le conseil scientifique du CEA et préparer, par délégation, le conseil de politique nucléaire. En outre, il doit pouvoir être saisi par l'administrateur général du CEA d'une demande de conseil scientifique et technique et, par le Gouvernement ou le Parlement, d'un avis sur un texte ou une question. Sa saisine pour avis doit être automatique sur la loi quinquennale sur l'énergie et la PPE et facultative sur la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le plan national intégré énergie-climat (Pniec). Le Parlement doit être destinataire de ces avis obligatoires, tout comme d'un rapport annuel sur l'état des activités nucléaires civiles, notamment de production et de recherche, évaluant les résultats de la politique gouvernementale.

D'autre part, les modalités de fonctionnement du Haut-commissariat doivent être précisées. Tout d'abord, je prends acte du repositionnement du HCEA du CEA vers le Premier ministre, qui doit lui conférer une position surplombante sur la filière nucléaire. Plus encore, je propose que le HCEA soit soumis à la production d'une déclaration d'intérêts, dans un souci de transparence. Je suggère aussi de limiter son mandat à quatre ans, renouvelable une fois, dans un souci de renouvellement. Enfin, je prévois que sa désignation par décret du Président de la République soit soumise à l'avis préalable du Parlement, en application de l'article 13 de la Constitution, comme l'est actuellement celle de l'administrateur général du CEA.

Au total, j'entends faire du HCEA, soixante-dix-neuf ans après sa création par le général de Gaulle, la vigie du nucléaire, en consolidant son positionnement panoramique et ses attributions scientifiques et techniques, et le conseiller du Parlement, en conférant à ce dernier une compétence de saisine comme de désignation.

En deuxième lieu, il est crucial de simplifier les règles de la commande publique des projets nucléaires, pour sécuriser et accélérer leur application.

Tout d'abord, les dispositifs proposés doivent être mieux calibrés.

La possibilité de déroger au principe d'allotissement, prévu par l'article 16, doit être étendue à d'autres types de marchés : d'une part, les marchés « relatifs » aux projets nucléaires, plutôt que ceux « nécessaires » ; d'autre part, les marchés « mixtes », au-delà de ceux centrés sur les seuls travaux, fournitures ou services. Il faut aussi intégrer les installations de stockage aux projets de production et les installations supports aux projets de recherche. Enfin, la notion même de « réalisation » d'un projet doit être précisée, pour couvrir les différentes étapes nécessaires.

La possibilité de déroger à la durée maximale des accords-cadres, proposée par l'article 17, appelle aussi à être consolidée. Je propose que cette faculté puisse bénéficier aux entités adjudicatrices comme aux pouvoirs adjudicateurs. Je souhaite également que les marchés « relatifs » aux projets nucléaires et les marchés « mixtes » de travaux, fournitures ou services soient prévus.

Quant à la possibilité de déroger aux règles de la commande publique, permise par l'article 18, elle peut être étendue : d'une part, les bâtiments hébergeant les matériels de sauvegarde doivent être mentionnés aux côtés des « îlots nucléaires » ; d'autre part, les équipements concourant « indirectement » à la protection contre les actes de malveillance et à la sûreté nucléaire doivent aussi être visés.

En contrepartie de cette dérogation, et pour maîtriser les délais et les coûts, il est utile que les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs notifient à l'État le recours à cette dérogation et que le Parlement soit destinataire d'un rapport annuel.

Mais je veux également compléter ces dispositifs, en réintroduisant des articles issus de l'avant-projet de loi.

Un critère précis de crédibilité des offres est utile pour les sélectionner selon leur faisabilité et leur maturité technologiques, mais aussi l'adéquation des délais, des moyens et des méthodes, sans préjudice du critère du prix et du coût, nécessaires au regard du droit de l'Union européenne.

Un recours simple à la possibilité d'avenants est également intéressant pour modifier un marché sans remise en concurrence, sous réserve du respect de la nature globale du marché, mais aussi de l'impossibilité économique ou technologique de changer de titulaire, nécessaires au regard du droit de l'Union européenne.

Je vous proposerai des articles additionnels sur ces deux sujets.

Ainsi étendues dans leur champ et diversifiées dans leur contenu, les mesures de simplification des règles de la commande publique doivent devenir le pivot de la relance de la filière française du nucléaire : je propose qu'elles soient codifiées dans un volet spécifique, pour en garantir leur pérennité et leur lisibilité.

En troisième lieu, il est souhaitable de faire suite, dans ce texte, aux travaux que notre commission a déjà conduits lors du vote de la loi « Nouveau Nucléaire ».

Tout d'abord, il faut appliquer les préconisations du rapport de l'Opecst.

C'est pourquoi j'ai proposé, à l'article 2, de conforter la séparation entre les processus d'expertise et de contrôle, en visant l'ensemble des décisions, qu'elles soient ou non déléguées, ainsi que celles soumises à participation du public.

Plus encore, je souhaite, au même article 2, clarifier la publication des rapports d'expertise et des décisions, en prévoyant une publication concomitante, lorsqu'ils portent sur un même objet, ou une publication fixée par l'autorité de saisine, lorsqu'ils font suite à une demande d'avis.

Pour garantir un haut niveau d'exigence, j'ai suggéré, à l'article 4, que le règlement intérieur soit présenté à l'Opecst, afin que celui-ci puisse émettre des observations, en lien avec les commissions permanentes compétentes.

Enfin, j'ai proposé, à l'article 1er, que la dénomination de la nouvelle autorité soit : « Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection. »

Plus encore, il faut réintroduire certaines dispositions de la loi « Nouveau Nucléaire » n'ayant pas pu aboutir, telles que l'application d'une règle de parité au sein du collège de l'autorité et le renforcement de la reddition des comptes de la commission des sanctions sur son activité.

Je présenterai des articles additionnels sur ces deux thématiques.

Dernier axe : nous devons adapter l'organisation de la future autorité de sûreté pour renforcer son efficacité et son efficience.

Tout d'abord, il faut répondre aux besoins des opérateurs économiques. Pour ce faire, je propose de rétablir la compétence de l'autorité sur l'importation et l'exportation des matières nucléaires et d'introduire, parmi ses missions, l'adaptation des procédures applicables aux projets de production et de recherche nucléaires innovants. Je prévois aussi de protéger le secret des affaires dans le cadre de la mission d'expertise de l'autorité. Enfin, je suggère de consolider les règles de déontologie prévues par l'autorité dans ses missions d'expertise, de recherche et de formation, par l'institution de règles légales minimales, d'une commission de déontologie et de plusieurs groupes d'experts.

Il faut aussi garantir l'accompagnement social du personnel. À ce titre, je propose que les comités sociaux de l'ASN et de l'IRSN puissent, aux côtés du président de la nouvelle autorité, demander la réunion d'un comité commun, à titre transitoire. De même, je prévois de maintenir les effets juridiques des engagements unilatéraux de l'IRSN, aux côtés des conventions et des accords. Enfin, je propose l'institution d'un préfigurateur, afin de faciliter la transition vers la nouvelle autorité.

Autre point, les missions régaliennes de l'autorité doivent être consolidées. Comme prévu par la jurisprudence constitutionnelle, je propose d'interdire le recours aux personnels étrangers pour les fonctions inséparables de l'exercice de la souveraineté ou participant à des prérogatives de puissance publique ; fait notable, je prévois que les inspecteurs de sûreté nucléaire soient des agents publics et que ceux qui exercent les missions de police judiciaire soient des fonctionnaires.

Enfin, au-delà de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, une attention spécifique doit être accordée aux activités du CEA. C'est pourquoi j'ai souhaité consolider les conditions de transfert des biens, des droits et des obligations de l'IRSN vers le CEA, en prévoyant la faculté de recourir à une convention. J'ai aussi proposé que l'évaluation des besoins financiers et humains de l'ASN et de l'IRSN s'étende à ceux du CEA.

Finalement, je vous propose d'adopter les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons, ainsi enrichis par mes amendements.

Certes, les réformes proposées posent des défis, en termes de continuité des procédures, de valorisation des compétences et de maintien des standards. Pour autant, elles sont indispensables à la relance de la filière française du nucléaire. À terme, elles sont même de nature à inspirer la confiance, puisque la nouvelle autorité disposera d'un plein statut d'AAI.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je remercie notre rapporteur de sa présentation. Je partage avec lui un intérêt, évident, pour le projet de réforme aujourd'hui proposé, mais il convient aussi d'être vigilant sur ses conséquences en matière de sûreté et de sécurité nucléaires et de radioprotection.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Avant de procéder à l'examen des amendements, conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux attributions, au positionnement, à la désignation et au fonctionnement du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) ; aux règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires, dont la dérogation au principe d'allotissement, la dérogation à la durée maximale des accords-cadres, le critère de crédibilité et le recours aux avenants ; et à la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire, par la dérogation des projets nucléaires aux règles de la commande publique.

Il en est ainsi décidé.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci de m'accueillir au sein de votre commission.

Comme l'a dit mon collègue Patrick Chaize, le contexte de cette réforme est particulier, puisqu'il y avait eu une tentative de passage en force l'an passé. Le Gouvernement avait imaginé qu'en déposant deux amendements, cela pourrait tromper les parlementaires. L'Assemblée nationale a décidé de botter en touche, à juste titre. Et nous nous sommes retrouvés à examiner un texte en fin d'année, présenté en Conseil des ministres le 20 décembre dernier.

Il y a eu auparavant des travaux préparatoires au sein de l'ASN et de l'IRSN, avec les personnels des deux entités, l'une étant déjà AAI, et l'autre un établissement public industriel et commercial (Épic), placé sous la tutelle de cinq ministères.

Nous avons travaillé sur une période extrêmement contrainte. C'est tout début janvier que nous avons mené nos auditions, en l'absence d'un ministre de référence, ce qui est une difficulté supplémentaire. Nous nous en sommes sortis, toutefois, et je salue la qualité de nos échanges, sur une partition qui avait été arrêtée entre les présidents. Nous avons essayé de trouver un point d'équilibre, en privilégiant une approche à charge et à décharge. Le seul objectif qui doit sous-tendre cette réforme, c'est l'amélioration du système de sûreté actuel, dans un contexte hors norme : au cours des vingt prochaines années, nous serons dans un autre univers que lors du plan Messmer...

Je présenterai demain à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable mon rapport. Les grands principes qui ont présidé à ces travaux sont l'efficacité, la transparence, la publicité des décisions et des expertises. Nous avons voulu améliorer la fluidité. Pour l'instant, l'exploitant principal est EDF, mais, avec l'arrivée des SMR (Small Modular Reactors) dans quelques années, les exploitants se multiplieront.

En permanence, nous devons avoir à l'esprit que, dans les dix prochaines années, il faudra pourvoir 100 000 nouveaux emplois dans cette filière nucléaire. Il faut donc penser à l'attractivité des métiers du nucléaire, sans oublier les activités de recherche.

Nous avons longuement réfléchi sur la définition de l'expertise, l'élaboration de la décision, la prise de décision, la séparation ou la distinction... Tout cela est très subtil. J'ai pris beaucoup de plaisir à ces travaux. Nous avons eu des points de convergence et, parfois, de divergence.

Je souhaite que ce projet de loi soit voté par le Sénat, pour qu'il améliore la sûreté, à destination de la population.

M. Daniel Salmon. - Nous sommes devant un projet de loi qui est plus qu'impactant puisqu'il remet en question la sécurité et la sûreté nucléaires. Ce n'est pas un projet de loi anecdotique parce qu'il nous engage sur la durée. En cohérence et en responsabilité, notre groupe n'a pas changé de position par rapport au passage en force qui avait été tenté il y a un an.

Nous nous étions positionnés contre cette fusion, cette dissolution, ce démantèlement, cet éclatement de l'IRSN, et les auditions que nous avons faites nous ont confortés dans notre position : rien n'a été apporté comme élément probant sur les dysfonctionnements actuels. On nous parle de fluidité, d'agilité, sans vraiment n'avoir jamais dit où étaient les problématiques. On sait que l'Opecst devait travailler sur des alternatives, si tant est que les dysfonctionnements fussent réels, en gardant les deux structures existantes. Ce travail n'a pas été effectué, et nous nous retrouvons aujourd'hui avec un projet à peu près similaire, ce qui est loin de nous rassurer. Bien entendu, nous voterons contre ce projet de loi et nous avons même déposé une motion tendant à opposer la question préalable.

Je le dis avec force, nous sommes très inquiets, de même que de nombreux acteurs du nucléaire, car ce projet vient mettre à bas un système de dualité, avec une séparation claire, nette et précise entre l'expert et l'autorité, dont j'entendais dire il y a encore deux ans, dans cette commission, qu'il était envié dans le monde entier et qu'il faisait référence.

Je vois qu'il y a eu un changement de position. Nous, nous n'avons pas changé de position, car nous pensons vraiment que ce projet est très dangereux pour l'avenir de notre pays et même de la filière nucléaire française.

Nous sommes face à un moment très particulier. Nous avons à gérer le parc existant, vieillissant, avec les quatrièmes visites décennales et ce qu'on appelle le « Grand Carénage ». Nous devons aussi mettre en branle un nouveau programme de construction du nucléaire nouveau. Ce sont des défis colossaux. La cerise sur le gâteau est constituée par les SMR, dont personne ne sait exactement ce qu'ils vont être et quelle en sera l'acceptabilité. Nous voyons fourmiller des projets portés par des start-up qui ont souvent plus d'intérêt à court terme pour capter de l'argent public que pour faire de véritables recherches...

Bref, nous ne voterons pas ce texte, avec conviction et fermement.

M. Franck Montaugé. - Sans revenir sur nos positions en matière de nucléaire, que nous avons exprimées chaque fois que des textes nous ont été soumis, je dois dire que nous avons de nombreuses raisons - nous les exposerons en séance - organisationnelles, techniques, sociales, scientifiques, voire déontologiques, pour ne pas être favorables à ce projet de fusion. Ce texte, d'ailleurs, nous est présenté par un gouvernement qui ne comporte pas de ministre chargé du sujet !

Nous ne prendrons donc pas part au vote des amendements présentés par le rapporteur pour avis. Pour autant, je tiens à le remercier, ainsi que Pascal Martin, pour le travail réalisé. Je n'ai pas pu participer à toutes les auditions, mais je sais qu'elles ont été nombreuses et denses. Nous ne faisons pas fi de ses propositions, mais nous nous expliquerons plus en détail en séance.

Nous considérons notamment que le moment n'est pas propice et que l'amorce de ce projet de rapprochement va jouer au détriment des moyens dont nous avons besoin pour engager les programmes en cours.

Les moyens alloués à l'IRSN pour 2024 ne sont pas suffisants, même pour le fonctionnement actuel. Les suppléments de crédits qui ont été octroyés ne résolvent pas la question dans sa totalité. Une question restera donc en suspens, celle des moyens nécessaires.

M. Bernard Buis. - Je remercie les rapporteurs pour leur présentation et le travail fourni. Ce projet de loi nous semble nécessaire, en lien avec la relance du nucléaire en France. Efficacité et transparence sont à l'ordre du jour, et cette nécessaire clarification s'imposait. Notre groupe votera donc ce texte, amendé, car il assure la sécurité due à notre population.

Mme Sophie Primas. - Je salue à mon tour le travail des rapporteurs, qui fait suite aux travaux qu'avait menés notre collègue Daniel Gremillet sur ce sujet. Je regrette le fait que nous ayons à délibérer sur ce projet alors que nous n'avons pas de ministre. Il y en aura peut-être un au banc la semaine prochaine, mais qui ? Pour l'heure, nous sommes dans le brouillard. Pour un projet aussi important, ce n'est pas très sérieux.

Le contexte politique récent nous montre que le Parlement compte peu dans les décisions du Gouvernement. Je m'inquiète donc sur le poids que le Sénat pourra avoir dans le cadre de ce projet de loi. Les amendements déposés par notre rapporteur pour avis posent des garde-fous extrêmement importants. Dans les travaux des commissions mixtes paritaires, ces éléments seront fondamentaux. Ils fournissent en effet de la réassurance pour la sûreté nucléaire présente et future - sur ce point, je ne partage pas le point de vue de Daniel Salmon.

J'aurai des questions sur le respect des salariés, qui était l'une des préoccupations très fortes que nous avions la dernière fois qu'on nous a sollicités sur ce projet de loi. Il faut que les salariés soient respectés dans leur carrière, dans leur évolution, dans leurs choix. Et il faut bien sûr que la distinction entre expertise et décision soit clairement formulée.

Il n'y a pas d'un côté ceux qui protègent les Français et, de l'autre, ceux qui se fichent de leur sécurité. Il y a partout dans cette salle, me semble-t-il, une volonté extrêmement responsable de protéger les Français d'éventuels risques nucléaires.

La séparation des activités de défense est-elle clairement actée dans le projet de loi ? J'ai des questions aussi sur les activités mixtes. Comment les deux entités s'organiseront-elles ? Il est important pour nous, mais aussi pour les salariés, de savoir comment tout cela va s'organiser.

M. Daniel Gremillet. - Je tiens également à remercier nos deux rapporteurs. Le contexte est très particulier. Depuis quelque temps, nous faisons tout à l'envers... Or, on ne joue pas avec le nucléaire ! En 2023, nous avions amendé la loi « Nouveau nucléaire ». Nous souhaitons retrouver une souveraineté, une capacité d'investissement dans la nouvelle génération du nucléaire, mais en préservant la dureté des contrôles. La pandémie de Covid-19 nous a rappelés à l'ordre : nous n'avons pas été bons. Quelle que soit la situation, les contrôles doivent avoir lieu.

Nous avons ajouté des missions complémentaires. La prolongation prévue pour un certain nombre de réacteurs sera-t-elle possible ? Pas forcément pour l'ensemble de nos centrales. Cela fait partie des missions nouvelles. Il y a aussi des décisions d'annonces qui, on le sait, vont être largement insuffisantes. Le débat actuel ne porte pas sur le parc nucléaire ancien, mais sur quelque chose qui va durer, dans le temps long. Or l'importance de ce qui va durer est largement sous-estimée dans ce qui a été affiché, y compris par le Président de la République. Historiquement, le principal interlocuteur, dans ce vaste dossier, était EDF. Les acteurs vont se multiplier, mais la sécurité doit rester au même niveau.

J'ai participé à presque toutes les auditions, sans empiéter sur le rôle du rapporteur.

Comme notre collègue Sophie Primas, je me préoccupe des salariés. Ces deux entités, ce sont d'abord des femmes et des hommes. On ne les réformera donc pas en claquant des doigts, uniquement en adoptant des articles. Il nous faudra obtenir de la nouvelle structure, dans un laps de temps très court, qu'elle se réadapte. Je soutiens complètement le rapporteur et les amendements qu'il va nous présenter, mais il va falloir être en capacité de réussir avec des marges de manoeuvre très étroites, pour être en ordre de bataille dès 2025, compte tenu des échéances qui sont déjà devant nous.

Actuellement, tout le monde n'est pas habilité à dresser un procès-verbal. Nous n'avons donc pas simplement une addition de femmes et d'hommes ; c'est une addition de femmes et d'hommes qui n'ont pas forcément tous la même capacité d'intervention dans leur mission de contrôle et de sanctions. Mais le Sénat est habitué à être très dur sur la sécurité.

Enfin, je tiens à aborder l'enjeu de l'information et de la transparence : globalement, les commissions locales d'information (CLI), les populations et les élus sont favorables à de nouveaux investissements nucléaires, sur la base d'une confiance qui a été construite dans la durée. Les ambitions en matière de développement du nucléaire vont sans doute nécessiter des investissements dans d'autres territoires que ceux qui étaient concernés jusqu'alors : ce mouvement devra s'appuyer à la fois sur des moyens considérables et sur la confiance des populations locales, une dimension qui n'était que peu abordée par le texte initial.

Je termine avec une inquiétude quant au risque d'affaiblissement de la recherche pure, jusqu'à présent placée du côté de l'IRSN et positionnée à la fois sur les thèmes médicaux et énergétiques. Je souhaiterais être certain que l'on ne s'appauvrisse pas dans ce domaine alors que nous savons tous que la bataille du nouveau nucléaire est lancée au niveau mondial. Nous avons vraiment besoin de conserver des cerveaux, alors qu'ils ont plutôt tendance à partir qu'à revenir à l'heure actuelle.

M. Daniel Fargeot. - Je rappelle tout d'abord qu'il n'est pas question de sécurité, mais de sûreté nucléaire et de radioprotection, ce qui est bien différent. Nous devons aujourd'hui retrouver notre indépendance nucléaire et j'estime que ce projet de loi va dans le bon sens. Une instance unique est certes prévue, mais un règlement intérieur est envisagé et j'espère que les modalités de fonctionnement de cette future autorité nous permettront de mieux garantir l'intégrité de notre système de contrôle. Nous devons avancer vers le développement de nouvelles formes de développement de l'énergie nucléaire. Le groupe Union Centriste (UC) votera ce projet de loi.

M. Fabien Gay. - Nous ne sommes pas opposés à toutes les réformes, mais encore faut-il en expliciter les objectifs. Nous n'avons certes pas pu auditionner le ministre de l'énergie puisque le Gouvernement n'en compte pas, mais nous avions pu avoir des premiers échanges avec Mme Agnès Pannier-Runacher et son cabinet. Il nous a ainsi été indiqué qu'il fallait accélérer sur le nucléaire, mais sans préciser l'objectif poursuivi. Si ce n'est une rationalité économique, on peine à identifier les justifications de ce projet de fusion.

En réalité, dans la mesure où aucune installation nucléaire n'a été construite ces vingt dernières années et où l'ASN, EDF et les différents gouvernements ont toujours considéré l'IRSN comme un caillou dans la chaussure qui retardait les projets, l'idée a consisté à vouloir s'en débarrasser en justifiant la fusion par la rationalité économique. Or, cet argument ne tient pas la route dès lors que vous discutez avec les salariés des deux organismes : les salariés de l'ASN, en très grande majorité des fonctionnaires souhaitant le rester, ont peur d'être submergés par les 1 500 salariés de l'IRSN, tandis que ces derniers redoutent de devenir des fonctionnaires et veulent conserver leur statut de droit privé afin de continuer à effectuer des allers-retours vers les entreprises et le monde de la recherche, ce qui est, à mon sens, plutôt positif dans ce cas précis. La coexistence de ces deux statuts soulève une série d'interrogations. En tout état de cause, la question est éminemment politique et on souhaite, dans le cadre de la relance du nucléaire, en finir avec l'IRSN. Les deux organismes manquent d'ailleurs de moyens humains et peinent à recruter.

Comme l'a souligné notre collègue Sophie Primas, la question de la défense se pose, mais les salariés chargés de la dosimétrie s'interrogent eux aussi sur les raisons de leur sortie. Au-delà de ces problématiques, une question financière se pose : si des moyens vont être alloués pour revaloriser les salaires du côté de l'IRSN, tel n'est pas le cas pour l'ASN, dont les salariés ont l'impression d'être les dindons de la farce de la fusion. Nous pourrions porter des amendements communs sur la revalorisation de l'ensemble des salaires et demander l'élaboration d'un plan de formation et d'un plan de recrutement.

Une difficulté supplémentaire de cette fusion tient à l'absence de préfigurateur : les présidents de l'ASN et de l'IRSN ne seront pas chargés de la future autorité, ce qui laisse planer un doute sur la solidité des engagements pris, tandis que les salariés ne trouvent que peu de réponses à leurs questions et que les groupes de travail patinent.

Enfin, la question de la transparence est tout sauf mineure en ce qui concerne la relance du nucléaire : nous préconisons non seulement un statut de haut niveau pour les salariés, protecteur pour eux comme pour la population. On ne relancera pas le nucléaire en allant trop vite et en mettant cette exigence de transparence sous le tapis, car l'adhésion de la population fera alors défaut. Il faut éviter d'avoir un double discours en exprimant des réserves sur les énergies renouvelables et en voulant aller vite dès lors qu'il est question de nucléaire. De plus, les informations actuellement publiées par l'IRSN devront donc continuer à l'être par la future entité. Notre groupe votera contre ce texte.

M. Vincent Louault. - Je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail. La perspective d'une fusion me paraît justifiée et je ne suis guère inquiet pour l'avenir de salariés dont les profils sont rares et précieux : ils partiront très aisément dans le privé si l'on ne pas prend soin d'eux. C'est bien l'émulsion de ces deux structures qui a créé la qualité de la transparence au fil du temps, il faudra donc veiller à ne pas perdre cette excellence dans une nouvelle structure ; d'où les débats sur le règlement intérieur. Pour prendre l'exemple de la centrale nucléaire à Chinon, l'une des plus vieilles du pays, l'adhésion de la population a été bâtie grâce à la transparence, et nous sommes demandeurs, comme bien d'autres territoires, de nouveaux investissements.

M. Franck Montaugé. - J'ai compris qu'une partie du texte initial proposé par le Gouvernement avait été retirée à la demande du Conseil d'État. Les amendements présentés par le rapporteur réintroduisent-ils des points supprimés à cette occasion ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Je reprends volontiers le slogan de Fabien Gay : « pas de relance sans transparence. » Cette approche a guidé nos travaux, de manière que le nouvel outil soit efficace et permette la relance, sans altérer ce qui a été accompli jusqu'à ce jour. J'entends les interrogations relatives à la temporalité de la réforme et y réponds très sincèrement : nous avons à mon sens perdu du temps dans la mesure où cette réforme aurait dû être engagée au moins un an plus tôt, au moment où une fenêtre de tir était présente, avec une forme de concurrence entre l'ASN et l'IRSN qui ne fournissait guère de perspectives. Avec la fusion, une première idée consiste à éviter cette concurrence et à associer toutes les forces d'expertise au service d'un même objectif.

Il est certain que la rédaction initiale du texte était marquée par un trop grand nombre d'incertitudes et d'imprécisions, car elle se bornait à tout renvoyer à un règlement intérieur dont le contenu n'était pas connu. Nous avons fait en sorte que des orientations plus claires soient données dans la loi afin de garantir notamment la séparation entre expertise et autorité, tout en apportant des précisions sur la communication et la transparence.

Par ailleurs, la date du 1er janvier 2025 fixée par le texte a été conservée en sachant pertinemment que tout ne serait pas prêt à cette échéance : l'idée était de maintenir la pression sur les groupes de travail mis en place au sein de chacune des entités, qui doivent identifier les difficultés et déterminer des solutions. Un préfigurateur serait à l'évidence une garantie de stabilité, le processus étant déjà suffisamment complexe, c'est le sens d'un des amendements que je vous présenterai.

J'en viens à la question des salariés, qui nous a évidemment préoccupés. Dans le cadre des auditions des représentants des personnels que nous avons menées, je n'ai pas identifié de blocage ou de résistance par rapport à la finalité du projet, même s'ils ont exprimé un besoin de protection tout à fait normal.

Si le projet de loi de finances initiale pour 2024 a déjà intégré des moyens supplémentaires, les nouveaux projets de réacteurs nécessiteront de renforcer encore les moyens de cette nouvelle structure, afin qu'elle assume pleinement son rôle. Nous avons tous intérêt à ce que le nouveau nucléaire fonctionne, il est donc hors de question de jouer aux apprentis sorciers avec cette organisation. Je perçois davantage la volonté d'améliorer les choses et de répondre à ces exigences de sécurité et de sûreté nucléaires.

S'agissant de la séparation entre les domaines civils et de la défense, la distinction est actée : les personnels chargés des aspects liés à la défense, déjà identifiés, seront rattachés au ministère des armées.

L'activité de dosimétrie revêt, quant à elle, un caractère commercial et ne pourra donc pas être maintenue au sein d'une autorité indépendante.

Enfin, les amendements présentés ne réintroduisent pas, dans la même rédaction, les points retirés à la demande du Conseil d'État. Pour conclure, les conditions actuelles sont complexes, mais nous avions heureusement fait preuve d'anticipation en entendant Mme Agnès Pannier-Runacher en audition, ce qui nous avait permis de cerner le positionnement du Gouvernement.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Vous avez placé à juste titre, au coeur de la réflexion autour de cette réforme, le devenir des personnels. Cependant, qu'il y ait ou non réforme, la question des moyens humains à moyen et à long terme est posée, car il faudra en créer dans la durée. Par ailleurs, mon expérience professionnelle m'a permis de constater que toute fusion induit des interrogations et des inquiétudes légitimes parmi les salariés. Il nous faut aller vite d'ici au 1er janvier 2025, en précisant qu'il s'agit du point de départ de la réforme et non de son aboutissement.

Concernant l'écart entre la situation actuelle et la future configuration, une efficacité accrue pourrait passer par une amélioration de la gestion de crise. Actuellement, deux systèmes coexistent : ne pourrait-on pas imaginer une seule cellule de crise ?

En Seine-Maritime, la population comme les élus sont ravis de recevoir l'EPR 2 de Penly puisque 12 000 personnes viendront s'installer à partir de 2028 sur ce qui sera le premier chantier d'Europe, pour une durée de dix ans. Lorsqu'une communication est effectuée à ce sujet, les habitants font-ils vraiment la distinction entre les messages de l'ASN et ceux de l'IRSN ? Une seule autorité permettra d'apporter davantage de transparence et une communication plus lisible. J'ajoute que ces deux structures ont pu entrer en compétition ou connaître des frictions, leur fusion étant susceptible d'apporter de la fluidité et de la simplification.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Les amendements présentés par les rapporteurs montrent bien la nécessité d'apporter des ajustements au texte et permettront d'assurer que cette réforme d'ampleur aboutisse de manière sécurisée. La question de son financement reste posée, car elle coûtera cher et nécessitera d'importants recrutements.

Avant de céder la parole au rapporteur, je rappelle la distinction entre une saisine pour avis et la délégation au fond. En effet, notre commission s'est saisie pour avis de l'ensemble de ce projet de loi « Sûreté Nucléaire », ainsi que du projet de loi organique qui l'accompagne. Par ailleurs, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable nous a délégué au fond l'examen des articles 12 et 16 à 18.

Sur les articles délégués au fond, la compétence de notre commission est pleine et entière : les amendements que nous allons adopter seront donc intégrés directement au texte de la commission, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'en remettant à notre décision.En revanche, sur les articles 1 à 11 et 13 et 14, la commission est saisie pour avis simple. Notre rapporteur Patrick Chaize vous proposera d'adopter des amendements, mais ceux-ci seront ensuite discutés par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le rapporteur au fond Pascal Martin pouvant alors proposer des avis favorables ou défavorables sur chacun d'entre eux.

Nous avons 37 amendements à examiner, dont 35 sur le projet de loi ordinaire et 2 sur le projet de loi organique.

PROJET DE LOI

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-63 a pour objet de préserver la définition de la sûreté nucléaire, prévue par l'article L. 591-1 du code de l'environnement, de risques d'imprécisions juridiques, en reprenant la notion de « santé publique », d'ores et déjà bien définie par ce code.

L'amendement COM-63 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-64 a pour objet de modifier l'intitulé de l'ASNR pour y inscrire explicitement son caractère indépendant.

L'amendement COM-64 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-65 vise à favoriser la prise en compte par l'ASNR, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants tels que les SMR et les réacteurs de quatrième génération.

L'amendement COM-65 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-66 a pour objet de compléter la mission d'information par l'ASNR du Parlement en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

L'amendement COM-66 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, l'amendement COM-72 a pour objet de modifier l'ordre des mots de la mission d'information du public et de mise en oeuvre de la transparence prévue pour l'ASNR, afin d'appliquer la formule « dans ses domaines de compétence » aux deux missions.

L'amendement COM-72 est adopté.

Article 2

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-77 vise à consolider le règlement intérieur de l'ASNR dans le sens des recommandations du rapport précité de l'Opecst, s'agissant de la déontologie, en prévoyant que ce règlement intérieur fixe des règles légales minimales, afin de prévenir les conflits d'intérêts, et leur déclinaison pénale, les prises illégales d'intérêts.

Ces règles doivent garantir que les activités d'expertise et de recherche de l'ASNR respectent les missions de l'autorité et les règles de concurrence et ne puissent résulter de prescriptions imposées par l'autorité ou faire l'objet d'un contrôle dans le cadre de ses attributions.

L'amendement COM-77 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-73 a pour objet de consolider les dispositions du règlement intérieur de l'ASNR pour ce qui est de son organisation, dans le sens des recommandations du rapport précité de l'Opecst, en prévoyant une « séparation » plutôt qu'une « distinction » du processus d'expertise de celui de décision, y compris pour les décisions déléguées ou soumises à participation du public.

L'amendement COM-73 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-78, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a pour objet de consolider le règlement intérieur de l'ASNR dans le sens des recommandations du rapport précité de l'Opecst, s'agissant de la déontologie, en prévoyant que ce règlement intérieur institue une commission en la matière.

L'amendement COM-78 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, l'amendement COM-85 vise à consolider les modalités d'association des personnes extérieures aux activités de l'ASNR via l'institution de groupes permanents d'experts. Le rôle central de ces groupes a été souligné dans le rapport précité de l'Opecst.

L'amendement COM-85 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-74 prévoit de consolider les dispositions du règlement intérieur de l'ASNR concernant la publicité, dans le sens des recommandations du rapport précité de l'Opecst, en prévoyant une publication du rapport d'expertise, au titre des résultats des activités d'expertise, et de la décision, au titre des résultats des activités d'instruction.

Le respect de cette terminologie, prévue par le rapport précité, me semble important pour conserver la publication d'une information de qualité, rendant compte, à la fois de la décision de l'autorité et de ses sous-jacents scientifiques et techniques.

L'amendement COM-74 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-75 a pour objet de consolider les dispositions du règlement intérieur de l'ASNR concernant la publicité, dans le sens des recommandations du rapport de l'Opecst. Il prévoit une publication concomitante du rapport d'expertise, au titre des résultats des activités d'expertise, et de la décision, au titre des résultats des activités d'instruction.

Le respect de cette temporalité, prévue par le rapport précité, me paraît nécessaire pour renforcer la cohérence et la rationalité du système de sûreté nucléaire et de radioprotection, qui en a parfois manqué ces dernières années à cause d'un jeu de concurrence entre les experts et les décideurs.

L'amendement COM-75 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-76, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vise à consolider les dispositions du règlement intérieur de l'ASNR concernant la publicité, dans le sens des recommandations du rapport de l'Opecst.

Il prévoit de préciser explicitement que ce sont les autorités de saisine de l'ASNR qui doivent fixer les conditions de publication des avis ou des études qu'elles sollicitent.

L'amendement COM-76 est adopté.

Après l'article 2

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-90 a pour objet de renforcer l'application de la règle de parité au sein du collège de l'ASNR. Il avait été adopté par les deux assemblées, à l'article 25 de la loi « Nouveau Nucléaire ».

Pour autant, le premier projet de réforme visant à fusionner l'ASN avec l'IRSN, introduit par le Gouvernement, avait été censuré au titre de l'article 45 de la Constitution, par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 juin 2023.

L'amendement COM-90 portant article additionnel est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-91 prévoit que le rapport d'activité de l'ASNR rende compte des sanctions prises par la commission chargée de cette autorité. Il avait été adopté par les deux assemblées, à l'article 27 de la loi « Nouveau Nucléaire », avant d'être également censuré par le Conseil constitutionnel.

Cet article est d'autant plus justifié que, dans le cadre de la loi précitée, le pouvoir de sanction de l'ASN a été décentralisé vers cette commission.

L'amendement COM-91 portant article additionnel est adopté.

Article 3

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-79, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vise à clarifier les activités nucléaires dont l'ASNR est exclue, en renvoyant vers l'article L. 593-1 du code de l'environnement, qui définit le régime légal des installations nucléaires de base (INB).

L'amendement COM-79 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-80 a pour objet de consolider le règlement intérieur de l'ASNR dans le sens des recommandations du rapport de l'Opecst, s'agissant de la déontologie.

Pour ce faire, il prévoit d'instituer des règles légales minimales, s'agissant des activités commerciales de formation réalisées par l'Autorité de sûreté. À nouveau, l'enjeu est de définir des règles propres à prévenir les conflits d'intérêts, et leur déclinaison pénale, les prises illégales d'intérêts.

Ces règles de déontologie doivent assurer l'absence de démarchage, la séparation entre les services d'instruction et de paiement ou encore le rapportage auprès de la commission de déontologie.

L'amendement COM-80 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-81 a pour objet de remplacer la notion de « secret en matière industrielle et commerciale » par celle, plus adaptée, de « secret des affaires ».

Cette terminologie a d'ores et déjà été mise à jour aux articles L. 592-46-1 du code de l'environnement et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration notamment, par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.

L'amendement COM-81 est adopté.

Article 4

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-82 a pour objet de consolider les modalités de participation des commissions permanentes compétentes aux activités de l'ASNR.

Il prévoit que cette autorité présente à ces commissions ses modalités de participation du public et leur communique les résultats de ses programmes de recherche. De la sorte, les commissions seraient mises sur le même niveau que l'Opecst.

L'amendement COM-82 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-83, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a pour objet de consolider les modalités d'association de l'Opecst aux activités de l'ASNR. Il prévoit notamment que l'ASNR présente à l'Opecst ses projets de décision et de modification de son règlement intérieur.

Ce faisant, l'amendement poursuit une recommandation importante du rapport de l'Opecst. C'est aussi un point d'attention pour moi puisque j'ai indiqué, au cours de la discussion générale, que de trop nombreux éléments de la future autorité sont renvoyés à son règlement intérieur.

Mme Sophie Primas. - Contrairement à nos assemblées et à nos commissions, l'Opecst pourrait ne pas être pérenne.

M. Franck Montaugé. - Tout en saluant la qualité des travaux produits par l'Opecst, celui-ci dispose-t-il des compétences requises sur des sujets aussi ardus ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - J'ai ajouté dans le texte, à chaque mention de l'Opecst, le fait que son travail s'effectue en lien avec les commissions permanentes compétentes.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Pourquoi n'avoir pas retenu une formule inverse en mentionnant les commissions permanentes compétentes en premier ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Pour des questions d'efficacité, puisqu'il faut saisir quatre commissions - deux par assemblée - afin de réviser le règlement intérieur. Or, l'Opecst présente l'intérêt d'être une organisation bicamérale.

M. Franck Montaugé. - Cela ne simplifie guère la saisine et l'élaboration de la position de l'Opecst, les commissions devant s'exprimer si elles sont saisies.

M. Fabien Gay. - Je vais défendre - assez étonnamment - la position du rapporteur sur ce point : je ne vois pas pourquoi la commission serait saisie de la révision du règlement intérieur d'une autorité indépendante alors que nous ne le faisons pas pour d'autres organismes.

Reste à voir si l'Opecst disposera des compétences requises et pourra s'exprimer librement, ce dont je ne suis pas certain. Cela étant, notre commission ne dispose pas nécessairement de compétences supérieures à celles de l'Opecst en vue de réviser un règlement intérieur. De manière générale, nous ne disposons pas des moyens permettant de superviser une quinzaine d'autorités indépendantes et d'intervenir à chaque modification.

Je suis favorable à la mention d'un travail de l'Opecst en lien avec les commissions, qui devront cependant intervenir dans le cas où une révision majeure viendrait modifier les missions mêmes de l'autorité indépendante. Je voterai donc cet amendement.

M. Franck Montaugé. - Souhaitons-nous vraiment nous ingérer dans le fonctionnement d'une institution, a fortiori indépendante, afin d'exiger l'inscription de certains points dans son règlement intérieur ? Est-ce même envisageable en droit ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Tel est déjà le cas dans une série de secteurs d'activité. L'objectif consiste à mettre en place un mécanisme qui paraît relativement opérationnel : il ne s'agit pas d'intervenir à chaque modification sous la forme d'un avis circonstancié, mais de prévoir une présentation à l'Opecst lors de l'élaboration du premier règlement intérieur, cette instance émettant alors une sorte d'avis en lien avec les commissions. Ensuite, chaque modification du règlement sera transmise à l'Opecst, soit un degré de formalisation raisonnable qui permettra au Parlement d'être informé.

M. Daniel Gremillet. - Le problème prend racine dans un texte initial trop large et imprécis qui renvoyait tout au règlement intérieur, ce que le rapporteur a contesté à juste titre. Il n'appartient pas à l'Opecst, mais plutôt au Parlement de se prononcer sur un règlement intérieur bien trop vaste. Cet aspect illustre, une fois de plus, un certain manque de préparation. Je soutiens malgré tout la position du rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous nous sommes posé la question du périmètre de la loi, afin d'éviter qu'elle ne soit trop bavarde. Selon nous, la loi doit fixer les grands principes, tandis que le règlement intérieur fixera les modalités organisationnelles de la nouvelle structure, mais sans accorder un blanc-seing à l'ASNR. Il est bien question de transmettre l'information à l'Opecst et aux commissions permanentes, sans prévoir des avis conformes.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - J'ajoute que l'amendement COM-84 précise une série d'éléments, puisqu'il a pour objet de consolider les modalités d'association des commissions permanentes compétentes aux activités de l'ASNR. Il prévoit que l'Opecst consulte ces commissions lors de l'élaboration de son avis sur les projets de décision ou de modification du règlement intérieur de la future autorité de sûreté.

En somme, l'Opecst serait la porte d'entrée de l'ASNR et les commissions permanentes compétentes ses appuis.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Quitte à me répéter, l'inverse me semblerait plus cohérent : les commissions permanentes pourraient ainsi saisir l'Opecst si elles estiment qu'il existe un besoin d'évaluation et d'analyse de sa part. Il me semble étrange de lui accorder un pouvoir d'initiative à la place de la commission.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'Opecst fonctionne déjà ainsi s'agissant des déchets.

Mme Antoinette Guhl. - La situation reste bancale : le texte proposé n'étant pas suffisamment étayé pour nous permettre de prendre des décisions ; nous nous retrouvons avec une sorte de rustine qui n'est pas tout à fait satisfaisante non plus, puisqu'elle met en danger le fonctionnement de la commission ou de l'Opecst en soulevant la question de leur compétence.

Je vous remercie d'avoir élaboré ce garde-fou, mais la discussion démontre que nous ne sommes pas tout à fait prêts à voter un texte de cette ampleur.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Il faudrait des centaines d'articles pour détailler l'intégralité du règlement intérieur. Une fois encore, il est question de définir des principes généraux et de renvoyer la définition des modalités organisationnelles audit règlement.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Le tout sous contrôle du Parlement ; il convient de remettre celui-ci dans le jeu, contrairement à ce que prévoyait le texte initial, qui l'écartait totalement.

M. Daniel Salmon. - Je remercie les rapporteurs pour la grande sincérité de leur travail, quand bien même nous divergeons sur le nucléaire. Nous avons beau de ne pas partager les mêmes positions sur ce sujet, nous nous exprimons tous en responsabilité. La problématique du règlement intérieur reste posée et vous a conduits à rédiger de nombreux amendements permettant d'encadrer le processus.

Il aurait fallu davantage de temps pour apporter des précisions sur des points cruciaux du règlement intérieur, notamment en termes de transparence, afin de détailler les avis qui seront publiés ou encore le fonctionnement des collèges. Ces aspects importants ont été laissés à l'appréciation des personnes qui établiront ledit règlement intérieur. Cette loi n'est vraiment pas aboutie.

M. Vincent Louault. - Je rappelle qu'il est question d'une AAI et non pas d'une entreprise. Le Conseil d'État pourrait être impliqué dans la rédaction d'un tel règlement intérieur, pour lequel nous pourrions envisager une simple validation ou un droit de veto en cas d'atteinte majeure à des grands principes tels que la transparence. En l'état, j'ai l'impression que nous nous orientons vers une usine à gaz.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Cela semble complexe, mais l'idée est de faire en sorte que les parlementaires aient un droit de regard. Beaucoup d'AAI vivent leur vie sans connexion réelle avec le Parlement. Sur ce sujet, il s'agit de la sécurité de tous, il faut donc une implication renforcée du Parlement.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Il est plus simple de saisir l'Opecst que quatre commissions, dans les deux chambres, et qui ne seront pas toujours d'accord entre elles... Là, ce serait l'usine à gaz !

Mme Anne-Catherine Loisier. - Justement, si elles ne sont pas d'accord ?

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nos commissions n'ont jamais eu à statuer sur un règlement intérieur. Ce serait une première.

M. Daniel Gremillet. - L'Opecst, pourquoi pas ? Mais le projet n'est pas assez abouti, et nous nous reposons trop sur le règlement intérieur. Cela dit, je soutiens notre rapporteur.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Nos amendements ont tous le même objectif : renforcer le poids du Parlement.

L'amendement   COM-83 est adopté, de même que l'amendement COM-84.

Article 5

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-67 a pour objet de consolider les modalités de transfert des biens, droits et obligations depuis l'IRSN, dans le cadre de la création de l'ASNR. Il répond notamment à la demande du CEA, qui m'a indiqué son souhait d'une limitation du transfert des biens, droits et obligations à ceux qui sont associés aux modifications de compétence, d'une consolidation de la couverture de ses frais et risques et d'une faculté de recourir à une convention de transfert pour en préciser les conditions.

L'amendement COM-67 est adopté.

Article 6

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-86 a pour objet de consolider le recours aux nouvelles catégories de personnel de l'ASNR, dans le sens d'une meilleure conformité avec la jurisprudence constitutionnelle. Il vise à préciser que les agents dont les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique ne peuvent être de nationalité étrangère ou apatrides.

L'amendement COM-86 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-87 tend à consolider le recours aux nouvelles catégories de personnel de l'ASNR, dans le sens d'une meilleure conformité avec la jurisprudence constitutionnelle. Il vise à préciser que les inspecteurs de la sûreté nucléaire doivent être recrutés parmi les fonctionnaires et agents de droit public et que seuls les fonctionnaires peuvent exercer les missions de police judiciaire.

L'amendement COM-87 est adopté.

Article 8

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-88, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a pour objet de consolider les modalités de transfert des conventions, accords et engagements unilatéraux de l'IRSN vers l'ASNR, en permettant la substitution à des engagements unilatéraux pris par l'IRSN de nouveaux engagements pris par l'ASNR.

L'amendement COM-88 est adopté.

Article 10

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-89, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a pour objet de consolider la formation conjointe du comité social d'administration de l'ASN et du comité social et économique de l'IRSN. Il prévoit que ces comités puissent être à l'origine de la réunion de cette formation conjointe, en plus du président de l'ASNR.

L'amendement COM-89 est adopté.

Article 11

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-68 a pour objet d'intégrer le CEA dans le rapport d'évaluation sur les moyens de la filière nucléaire devant être remis par le Gouvernement avant le 1er juillet prochain. Il vise aussi à préciser que l'ASNR présente son rapport d'évaluation à l'Opecst et aux commissions permanentes compétentes.

L'amendement COM-68 est adopté.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-69 a pour objet de préciser que le rapport devant être remis par le Gouvernement, avant le 1er juillet prochain, évalue la faisabilité et l'opportunité d'instituer un préfigurateur, chargé de la mise en oeuvre de la création de l'ASNR.

L'amendement COM-69 est adopté.

Article 12 (délégué)

M. Daniel Salmon. - L'amendement COM-44 vise à supprimer cet article. Placer le HCEA auprès du Premier ministre revient, une fois de plus, à centraliser complètement auprès de l'exécutif tout ce qui touche au nucléaire. Cela ne peut que nuire à la transparence nécessaire dans ce domaine.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - Avis défavorable.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de ne pas adopter l'amendement COM-44.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-52 a pour objet de rétablir une base légale au HCEA, en reprenant le texte initial du projet de loi. Ce faisant, il consolide considérablement la gouvernance de la filière française du nucléaire, en associant les parlementaires.

D'une part, il vise à renforcer les attributions scientifiques et techniques du HCEA. D'autre part, il a pour objet de consolider ses modalités d'organisation. Enfin, l'amendement tend à ce que la désignation du Haut-commissaire intervienne par décret du Président de la République, après avis préalable du Parlement, en application de l'article 13 de la Constitution, comme c'est actuellement le cas pour l'administrateur général du CEA, en cohérence avec les amendements proposés aux articles 1er et 2 du projet de loi organique.

L'amendement COM-52 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 12 ainsi modifié.

Article 13

L'amendement de coordination rédactionnelle COM-70 est adopté.

Article 14

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-71, déposé à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vise à mentionner l'ASNR s'agissant de l'importation et de l'exportation des matières nucléaires.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - L'amendement tend à corriger un oubli du Gouvernement quant aux compétences de l'ASNR : sans lui, la nouvelle autorité ne disposera d'aucune autorité en la matière.

L'amendement COM-71 est adopté.

Article 16 (délégué)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-55 a pour objet de consolider l'article 16 du projet de loi sur la dérogation à l'obligation d'allotissement pour les marchés publics de certains projets nucléaires.

L'amendement COM-55 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 16 ainsi modifié.

Article 17 (délégué)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-56 vise à consolider l'article 17 du projet de loi sur la dérogation à la durée maximale des accords-cadres pour certains projets nucléaires.

L'amendement COM-56 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 17 ainsi modifié.

Après l'article 17 (délégué)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-57 vise à rétablir un article sur le critère de crédibilité des offres pour les projets liés à la relance du nucléaire.

L'amendement COM-57 est adopté et devient article additionnel.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter cet article additionnel.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-58 pour objet de rétablir un article relatif à la possibilité d'avenants pour les projets liés à la relance du nucléaire.

L'amendement COM-58 est adopté et devient article additionnel.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter cet article additionnel.

Article 18 (délégué)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-59 a pour objet de consolider l'article 18 du projet de loi sur la dérogation de certaines parties des projets nucléaires aux règles de la commande publique.

Il prévoit d'étendre doublement la dérogation : d'une part, les « bâtiments hébergeant des matériels de sauvegarde » seraient mentionnés aux côtés des « îlots nucléaires », afin de reprendre la définition des bâtiments présentant de forts enjeux de sûreté, excluant leur réalisation avant la délivrance de l'autorisation de création, issue de la loi « Nouveau Nucléaire » ; d'autre part, les équipements « concourant indirectement à la protection contre les actes de malveillance et à la sûreté nucléaire » seraient aussi visés, dans un souci d'exhaustivité, mais aussi de sûreté et de sécurité.

En contrepartie de cette dérogation, et pour prévenir tout risque de dérive des délais et des coûts des projets industriels, l'amendement propose que les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs notifient le recours à la dérogation à l'État et que le Gouvernement en rende compte au Parlement, dans un rapport annuel, sous réserve des secrets protégés par la loi.

L'amendement COM-59 est adopté.

La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 18 ainsi modifié.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 12

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. SALMON

COM-44

Suppression de l'article abrogeant la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA)

Rejeté

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-52

Réécriture de la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA)

Adopté

Article 16

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-55

Consolidation de la possibilité, pour les marchés publics de certains projets nucléaires, de déroger à l'obligation d'allotissement

Adopté

Article 17

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-56

Consolidation de la possibilité de dérogation à la durée maximale des accords-cadres pour certains projets nucléaires

Adopté

Article additionnel après Article 17

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-57

Ajout d'un critère de crédibilité des offres pour les projets liés à la relance du nucléaire

Adopté

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-58

Ajout d'une possibilité d'avenants pour les projets liés à la relance du nucléaire

Adopté

Article 18

M. CHAIZE, rapporteur pour avis

COM-59

Consolidation de la dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics de certains projets nucléaires

Adopté

PROJET DE LOI ORGANIQUE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons maintenant aux 2 amendements au projet de loi organique.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. - En coordination avec la réécriture de la base légale du HCEA à l'article 12 du projet de loi ordinaire, l'amendement COM-3 prévoit une désignation du HCEA selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, à l'instar de ce qui existe déjà pour l'administrateur général du CEA.

L'amendement COM-3 est adopté.

Après l'article 2

L'amendement de coordination rédactionnelle COM-4 est adopté.

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