3. La fin du copilotage de l'insertion

a) L'unification au profit du département du pilotage de l'insertion

Le projet de loi consacre la responsabilité pleine et entière du département à l'égard du dispositif local d'insertion.

Cette responsabilité se traduit tout d'abord par une liberté accrue pour le département dans l'organisation des instances départementales que sont le conseil départemental d'insertion et les commissions locales d'insertion : liberté dans la composition de ces instances, mais aussi dans la définition de leur ressort.

Comme le souligne le rapport annuel de l'IGAS pour 2002, les différences de zonage entre la politique d'insertion, aujourd'hui copilotée par l'Etat et le département, et la politique de l'emploi, sont des freins à la mise en oeuvre des politiques locales en faveur de l'ensemble des publics en situation de précarité ou d'exclusion.

La disparition des contraintes liées au copilotage devrait permettre un maillage plus cohérent des CLI et, par conséquent, ouvrir la voie à une adéquation avec les territoires de la politique de l'emploi.


Les incohérences du zonage des CLI :
des sources d'inefficacité du dispositif local d'insertion

« A l'origine, les CLI n'ont pas été conçues comme déterminant un territoire pérenne de déploiement d'une politique. Il s'agissait seulement de créer des structures légères d'action et de gestion, ouvertes au partenariat, co-animées par l'Etat et le conseil général avec l'objectif de traiter, au cas par cas, des situations individuelles de dénuement. Dans ce contexte, la question de la pertinence du territoire à déterminer ne se posait pas en tant que telle : le préfet et le président du conseil général devaient d'abord déterminer le nombre de CLI en fonction de l'effectif départemental du RMI, un nombre pair permettant de garantir la parité des présidences. Ainsi, nées d'une concertation administrative et d'ajustements politiques, les CLI constituent des structures institutionnelles largement dépourvues de cohérence territoriale. (...)

« Dans ces conditions, les CLI ne peuvent être adoptées pour la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le chômage de longue durée dont les territoires doivent être aussi proches que possible des réalités du marché du travail. (...)

« La juxtaposition de dispositifs insuffisamment coordonnés et l'imbrication non cohérente des territoires administratifs ne sont pas sans conséquences : elles pèsent sur l'efficacité administrative, nuisent à la lisibilité de l'action publique par les acteurs locaux et, dans certains cas, peuvent imposer d'inutiles contraintes aux bénéficiaires.

« Pour ces derniers, l'impact peut être plus profond qu'il n'y paraît et aller au-delà de la gêne occasionnée par des démarches supplémentaires. Relever d'une CLI, d'une agence locale pour l'emploi ou d'un centre médico-social dépendant de zonages différents accroît pour le bénéficiaire du RMI le risque de convocations redondantes, ou, au contraire, d'abstentions pénalisantes. (...)

« Dans une approche plus administrative, l'absence de cohérence ente le périmètre des CLI et celui des territoires de la politique locale de l'emploi nuit à l'efficacité de l'action. Elle constitue en effet un frein au développement de partenariats dès lors qu'elle oblige les mêmes acteurs à participer, sur deux territoires différents, à une réflexion et un travail collectif identiques (...)

« De manière générale, le suivi et l'accompagnement social dont doivent bénéficier les allocataires du RMI inscrits à l'ANPE ne constituent pas les points forts du dispositif. Ils deviennent des plus aléatoires lorsque, pour les réaliser, la CLI doit s'adresser à deux agences locales pour l'emploi différentes. »

Extrait du rapport annuel de l'IGAS pour 2002 « Politiques sociales de l'Etat et territoires »

L'adoption par le conseil général lui-même du programme départemental d'insertion devrait conduire à la définition d'un programme plus précis et en adéquation avec les crédits disponibles. De même, l'examen des programmes locaux d'insertion par le conseil général et la possibilité de déléguer leur mise en oeuvre aux communes ou à leurs groupements devrait favoriser des programmes plus réalistes et plus efficaces.

Le projet de loi recentre enfin les commissions locales d'insertion sur leur rôle initial de définition de l'offre locale d'insertion , en les déchargeant de leurs attributions en matière d'approbation des contrats d'insertion. Elles ne conservent donc plus que leurs compétences en matière de suspension des contrats.

Votre rapporteur s'étonne toutefois de la faible place laissée par le projet de loi au monde associatif au sein du dispositif local d'insertion . S'il est bien conscient que la décentralisation ne saurait s'accompagner de prescriptions tatillonnes à l'égard des départements, leur enjoignant de travailler avec tel ou tel, il lui semble malgré tout que, sans entraver la liberté du département, le projet de loi pourrait davantage insister sur le rôle des associations, notamment au sein des CDI et des CLI.

b) Un nécessaire débat sur l'avenir des crédits obligatoires d'insertion

La logique de la décentralisation voudrait que, s'appuyant sur une responsabilisation des départements, l'obligation pour les départements de consacrer une part fixe de leur budget aux actions d'insertion soit supprimée : la charge de l'allocation elle-même devrait, en effet, être un moteur suffisant pour les départements pour les inciter à s'engager plus fortement en faveur de l'insertion .

Votre rapporteur est toutefois conscient qu'il existe une crainte forte, exprimée par le monde associatif, que la suppression de cette obligation se traduise par un recul de l'effort d'insertion et par un creusement des inégalités entre départements, préjudiciable aux bénéficiaires.

Il est vrai, également, que le transfert de l'allocation au département constitue déjà un bouleversement important. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a estimé que le débat sur une éventuelle suppression devait se poursuivre.

Une telle mesure est inséparable de la définition de l'ensemble de l'équilibre financier de la décentralisation du RMI, et notamment de la question de savoir si le mécanisme de compensation qui sera adopté permettra de responsabiliser les départements quant à d'éventuels dérapages des charges liées à l'allocation.

En tout état de cause, si la suppression était acquise, elle devrait nécessairement avoir pour corollaire une obligation de transparence renforcée pour les départements et une évaluation accrue de l'application de la loi de la part de l'Etat.

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