B. RESTAURER LA COHÉRENCE DU DROIT DE LA NATIONALITÉ

1. Le projet d'intégration et la politique de la nationalité sont liés

a) Le droit de la nationalité est marqué par une conception élective de la Nation :

La nationalité est généralement définie comme l'appartenance juridique et politique d'une personne à la population constitutive d'un Etat comportant une dimension verticale , c'est-à-dire un lien de sujétion de l'individu à l'Etat (obligation de loyalisme...), et une dimension horizontale qui fait du national le membre d'une communauté dont sont exclus les étrangers. Droit de la nationalité et conception de la Nation sont ainsi étroitement liés.

Comme le rappelait M. Pierre Mazeaud, alors rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale en 1993 17 ( * ) , « situé aux confluents des besoins de l'Etat, des aspirations individuelles et des obligations internationales, le droit de la nationalité peut obéir à une conception ethnique ou élective. Dans le premier cas, les individus ne sont que le produit de la Nation alors que, pour les tenants de la thèse de l'élection, la Nation n'existe que par l'adhésion de ses membres. La France a fait sienne depuis longtemps cette dernière approche qui identifie à un pacte le lien entre l'Etat et l'individu . »

La naissance, la filiation, la résidence, et d'autres critères témoignant de ce lien ont été combinées plus ou moins étroitement dans les législations successives. Toutefois, la France, comme le rappelait la commission de la nationalité, présidée par M. Marceau Long (1986-1988) « privilégie une conception élective de la Nation . » 18 ( * ) .

b) Les difficultés du modèle français d'intégration

Or, malgré la réforme ambitieuse instaurée dans cet esprit par la loi du 22 juillet 1993 19 ( * ) , partiellement remise en cause en 1998 20 ( * ) , le modèle d'intégration français semble moins bien remplir son rôle qu'autrefois. L'intégration des étrangers passe de façon négative par le refus des exclusions et des discriminations et de façon positive par une participation active des étrangers concernés et une organisation adaptée de la société d'accueil.

Comme le rappelait notre ancien collègue Christian Bonnet, en 1998, « pendant longtemps, l'intégration dans la société française des étrangers venus s'installer sur notre territoire a reposé sur quelques grandes institutions : l'école, la famille, le service militaire, la religion... » 21 ( * ) . Celles-ci sont aujourd'hui en crise.

Le changement de nature de l'immigration, aujourd'hui d'origine plus lointaine, de cultures et de religions plus diverses qu'autrefois ainsi que les difficultés économiques actuelles qui frappent en premier lieu la population étrangère, semblent avoir fragilisé la capacité d'intégration de la France.

c) La revitalisation du projet d'intégration français va de pair avec le renforcement de la conscience de l'identité de la Nation française

Comme le rappelait la commission de la nationalité, « il serait illusoire et périlleux d'attendre du droit de la nationalité une forme de régulation de l'immigration ». En revanche, si elle ne peut à elle seule suppléer une absence d'intégration, « la politique de la nationalité peut et doit jouer un rôle positif dans le processus d'intégration ».

Par ailleurs, « identité nationale et intégration des étrangers ne sont pas antinomiques et doivent être étroitement corrélées. L'intégration sera d'autant plus aisée que la conscience d'une identité française sera plus forte » 22 ( * ) .

Votre commission des Lois approuve le présent projet de loi modifié par l'Assemblée nationale qui s'inscrit dans cette volonté de revitaliser notre modèle d'intégration tout en renforçant cette conscience d'une identité française et vous propose de le compléter afin de restaurer la cohérence de certains dispositifs 23 ( * ) .

* 17 Rapport n° 125, Xème législature.

* 18 « Etre Français aujourd'hui et demain » - rapport remis au Premier ministre par M. Marceau Long, président de la commission de la nationalité, 1988.

* 19 Loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 relative à la nationalité.

* 20 Loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité.

* 21 Rapport n° 162 (1997-1998) au nom de la commission des Lois sur le projet de loi relatif à la nationalité.

* 22 Rapport précité « Etre Français aujourd'hui et demain ».

* 23 Sur les modes d'attribution et d'acquisition de la nationalité française, voir annexe V.

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