EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
CHAPITRE PREMIER
-
Champ d'application et conditions d'élaboration

Article premier A (nouveau)
Ratification de la convention-cadre
de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac

Objet : Cet article additionnel propose de procéder à la ratification par la France de la convention-cadre pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003, établie sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé.

I - Le dispositif proposé

Le vote par l'Assemblée nationale en première lecture de cet article additionnel résulte de l'adoption à l'unanimité de l'amendement déposé par M. Jean-Marc Le Guen. Dans l'esprit de son auteur, le projet de loi relatif à la politique de santé publique offre l'opportunité de ratifier très rapidement cette convention internationale. M. Jean-François Mattei a admis cet argument en précisant, lors de la discussion en séance publique le 2 octobre 2003, que « le Gouvernement avait prévu de la ratifier par une loi spécifique », mais que, puisque « le projet de loi intégrait les dispositions sur le tabagisme », il soutenait cet amendement, ce qui permettrait à la France d'être l'un des premiers pays à ratifier cette convention.

La convention-cadre de l'OMS a été adoptée par acclamation lors de la 56 ème séance de l'Assemblée mondiale de la santé. Ce traité est désormais ouvert à la signature et à la ratification des 192 États membres. A la date du 31 décembre 2003, il avait été signé par quatre-vingts pays et était ratifié par cinq d'entre eux. L'article 36 de la convention prévoit qu'elle entrera en vigueur « le quatre-vingt-dixième jour suivant la date du dépôt du quarantième instrument de ratification, d'approbation, de confirmation formelle ou d'adhésion auprès du dépositaire ».

La convention-cadre de l'OMS, que le présent article additionnel propose de faire ratifier par la France, revêt une double importance. Sur le plan symbolique tout d'abord, il s'agit de la première convention internationale de lutte contre le tabac. Elle marque ainsi l'unité de la communauté internationale sur un objectif de santé publique primordial. Sur le plan juridique surtout, ce traité ne se limite pas à se référer à des principes ou à des mesures incitatives, ce qui constitue très souvent la caractéristique du « droit mou », produit par les organisations internationales : il intègre également des dispositions normatives. Force est d'ailleurs de constater que ce traité a donné lieu à près de trois années de négociations difficiles au cours desquelles les efforts de l'OMS se sont fréquemment heurtés aux résistances des industriels du tabac et aux réserves de plusieurs grands pays industriels (Japon, Etats-Unis et Allemagne notamment).

L'objectif de la convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac est de faire diminuer la mortalité due au tabagisme (4,9 millions de décès enregistrés dans le monde en 2002) en limitant notamment la publicité sur les produits du tabac. La convention impose aussi de faire figurer sur les paquets de cigarettes des mises en garde sur les dangers du tabac. Elle prévoit l'interdiction de la vente de produits du tabac aux mineurs, le traitement de la dépendance et l'adoption de mesures de lutte contre la contrebande.

Compte tenu du caractère moniste du droit public français, ces engagements auront valeur contraignante et supralégislative dès ratification par la France de la convention-cadre et après l'entrée en vigueur de cette dernière en droit international public.

La convention-cadre insiste aussi, dès son préambule, sur la priorité consistant à protéger la santé publique, sur le caractère « irréfutable » des données scientifiques établissant les risques du tabac, ainsi que sur le caractère de « produit très sophistiqué » visant à « engendrer et à entretenir la dépendance » du tabac.

Elle comporte une liste de principes directeurs, invitant notamment chaque pays à élaborer et mettre en oeuvre des programmes nationaux multisectoriels globaux de lutte contre le tabac. Parmi les « mesures relatives à la réduction de la demande de tabac » qui constituent la troisième partie de la convention, on relèvera que, « sans préjudice du droit souverain des parties de déterminer leur politique fiscale » , l'importance d'une politique des prix est affirmée, tandis que le conditionnement et l'étiquetage doivent faire l'objet de « mesures efficaces » . Elle prévoit que chaque partie, dans le respect de sa Constitution ou de ses principes constitutionnels, instaure une interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac, ainsi que de toute promotion et de tout parrainage par les produits du tabac, ou - à tout le moins - des mesures de restriction, si l'interdiction globale soulève des difficultés juridiques.

S'agissant de la responsabilité des industriels dans les dommages causés à la santé des fumeurs, le texte final se contente d'affirmer qu'il s'agit d'un « aspect important de la lutte anti-tabac ». Il encourage les États à « prendre au besoin des mesures législatives ou à promouvoir leurs lois existantes, concernant la responsabilité civile ou pénale, y compris l'indemnisation si nécessaire ».

Il convient enfin de relever que la convention institue également une structure permanente de suivi sous la forme d'une conférence des parties, dont l'OMS assurera, dans un premier temps, le secrétariat.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Votre commission partage le constat formulé par le ministre de la santé, lorsqu'il soulignait à l'Assemblée nationale le caractère inhabituel du mode de ratification de cette convention internationale, tout en observant que le présent projet de loi offre l'occasion d'accélérer la procédure et que l'importance de l'enjeu justifie de la saisir.

Votre commission vous propose donc d'adopter le présent article sans modification.

Article premier
(art. L. 1411-10 à L. 1411-5 et L. 1413-1 du code de la santé publique)
Politique de santé publique nationale

Objet : Cet article définit le champ d'application et les conditions d'élaboration de la politique de santé.

I - Le dispositif proposé

L'exposé des motifs du présent projet de loi affirme la responsabilité de l'État en matière de santé publique. Cet article réorganise donc les dispositions du code de la santé publique concernant la définition et la mise en oeuvre de la politique de santé publique au niveau national, issues de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

La nouvelle architecture voulue par le Gouvernement vise à corriger le relatif délaissement de la prévention dans notre système de santé, définir la politique de santé et à mettre en place les leviers d'action mis à la disposition de l'État.

Devant votre commission des Affaires sociales, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées avait souligné le fait que la responsabilité de l'État dans le domaine de la santé publique était jusqu'à présent mal définie et insuffisamment organisée, « les dispositifs existants ayant été créés, sans stratégie globale, en réaction à des catastrophes écologiques, à des scandales sanitaires, à des phénomènes irrationnels de panique ou encore à la multiplication d'incidents hospitaliers ».

Il s'agit donc de resituer l'action des très nombreux intervenants du secteur de la santé dans le cadre d'une politique globale et cohérente de l'État ; de lutter contre la dispersion des moyens et des acteurs ; de donner une cohérence d'action à la myriade de structures que sont les observatoires régionaux de la santé, les comités départementaux d'éducation pour la santé, les centres d'éducation de la santé en milieu scolaire, les observatoires de la santé au travail, les multiples associations spécialisées qui interviennent aux côtés des deux grands acteurs que sont l'État, ses services, ses agences, d'une part, et l'assurance maladie, d'autre part.

Le paragraphe I de cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-1. Il affirme de manière solennelle la responsabilité première de l'État, en matière de santé publique, pour la fixation des objectifs, la conception des plans et des programmes et pour l'évaluation de la politique de santé et il souligne le caractère pluriannuel de la politique de santé publique.

Il énumère, ce qui est nouveau, les responsabilités qui relèvent de l'État. Il reprend des responsabilités classiques en matière de santé publique comme la surveillance et l'observation de l'état de santé de la population, la lutte contre les épidémies, ou encore la qualité et la sécurité des soins.

En outre, la prévention, qui - depuis la loi du 4 mars 2002 - était définie à l'article L. 1417-1, figure dans cette énumération et devient partie intégrante de la politique de santé publique.

La réduction des inégalités de santé, qui était anciennement un objectif de la politique de prévention, est promue au rang d'objectif de santé publique, tout comme l'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades et handicapées.

Enfin, on notera le point 9 proposé à l'article L. 1411-1 du code de la santé qui dispose que relève de la responsabilité de l'État « l'organisation du système de santé et sa capacité à répondre aux besoins de prévention et de prise en charge des maladies et des handicaps ». Ce faisant, le Gouvernement engage la responsabilité des pouvoirs publics dans la prise en charge des maladies, tâche matériellement assurée par l'assurance maladie. L'affirmation de cette responsabilité ne peut être simplement anecdotique alors que se prépare la modernisation de l'assurance maladie.

Le paragraphe II propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-2 et précise la procédure d'adoption des objectifs et d'évaluation de la politique de santé publique.

Cette rédaction constitue l'une des principales modifications apportées au dispositif antérieur : la périodicité des objectifs de santé publique est désormais fixée à cinq ans, et un vote du Parlement sur ces objectifs est prévu, et non plus seulement l'organisation d'un simple débat parlementaire, comme le prévoyait la loi du 4 mars 2002.

Votre commission ne peut que se féliciter de cette évolution. Celle-ci est de nature à compenser l'absence de lien entre la politique de santé et la politique d'assurance maladie et à associer le Parlement, jusqu'à présent exclu de la définition des priorités de santé que le Gouvernement déterminait de son seul chef.

Ces priorités seront réunies dans un rapport annexé au projet de loi de santé publique qui comprendra des « objectifs » et des « plans d'action », permettant à chaque acteur, sur le terrain, de mieux situer son rôle et le sens de son action. Ils agiront comme autant d'indicateurs du juste pilotage du système de santé, en évaluant ses performances. Cette mise sous objectifs est l'une des innovations majeures du projet de loi.

Le présent projet de loi contient ainsi, dans son rapport annexé, cent objectifs de santé publique retenus à l'issue de la consultation nationale, pour la période 2004-2008. Ils sont répartis en quatre groupes :

- objectifs quantifiables en l'état actuel des connaissances (aujourd'hui, seule une quarantaine de ces objectifs est quantifiée) ;

- objectifs ayant pour préalable la production d'informations d'ordre épidémiologique ;

- objectifs ayant pour préalable la production d'autres connaissances scientifiques ;

- objectifs ayant pour préalable l'évaluation de programmes précédents.

Ils sont aussi déclinés en cinq plans nationaux : lutte contre le cancer, lutte contre la violence ; les comportements à risque et les conduites addictives (violence routière, toxicomanie, ...) ; impact des facteurs environnementaux sur la santé ; amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; amélioration de la prise en charge des maladies rares.

Le rapport annexé est établi par le Gouvernement, sur la base d'un rapport préparé par le Haut conseil de la santé publique à partir de l'analyse des problèmes de santé et de propositions d'objectifs quantifiés.

Jusqu'à présent, en vertu de l'actuel article L. 1411, le rapport annuel remis au Parlement était réalisé par le Gouvernement à partir des travaux des conseils régionaux de santé et du Haut conseil de la santé.

Le présent projet de loi simplifie cette procédure en supprimant les conseils régionaux de santé.

Le quatrième alinéa de l'article L. 1411-2 introduit une distinction de périodicité entre le suivi de la loi et son évaluation : celui-là est annuel, celle-ci a lieu tous les cinq ans. Enfin, il est précisé que l'OPEPS (Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé) peut « à tout moment » procéder à une « évaluation globale ou partielle » de la mise en oeuvre de la loi.

Le paragraphe III remplace la Conférence nationale de santé instituée aux articles L. 1411-1-1 et L. 1411-1-2 du code de la santé publique par une consultation nationale organisée tous les cinq ans par arrêté du ministre chargé de la santé. Cette consultation aura pour rôle d'éclairer le Gouvernement sur les objectifs et les plans nationaux de santé publique à retenir dans le rapport annexé à la loi.

Le paragraphe IV propose la création d'un Haut conseil de la santé publique, qui résulte en fait de la fusion du Haut conseil de la santé, institué par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, avec le Conseil supérieur d'hygiène publique de France mis en place par le décret n° 97-293 du 27 mars 1997.

L'actuel Haut conseil de la santé contribue à la définition des priorités pluriannuelles de santé publique en apportant son concours au Gouvernement et en évaluant leur réalisation dans un rapport remis au Parlement avant le 15 avril de chaque année.

Pour sa part, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France est une instance consultative placée auprès du ministre de la santé, chargée d'émettre des avis ou recommandations et d'exercer des missions d'expertise en matière de prévision, d'évaluation et de gestion des risques pour la santé de l'homme. Ce conseil comprend quatre sections correspondant à leurs domaines de compétence : les eaux, les maladies transmissibles, les milieux de vie et la radioprotection.

Le futur Haut conseil de la santé publique aura désormais pour mission de :

- déterminer les objectifs pluriannuels de santé publique dans son rapport d'analyse mentionné au paragraphe II et d'évaluer la réalisation de ceux-ci (mission de l'actuel Haut conseil de la santé) ;

- assurer la veille prospective sur les tendances épidémiologiques et les évolutions technologiques propres à affecter l'état de santé de la population (missions de l'actuel Conseil supérieur d'hygiène publique).

A ces missions déjà exercées par les deux instances actuelles, s'ajoutera désormais « une fonction générale d'expertise en matière d'évaluation et de gestion des risques sanitaires », incluant l'expertise de la politique vaccinale. Cette fonction nouvelle tient compte de la création, dans le système de santé publique, des agences de sécurité sanitaire et s'exercera en liaison avec celles-ci.

Le paragraphe V de cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1411-5 fixant les modalités de désignation et d'organisation du nouveau Haut conseil de la santé publique.

Comme son prédécesseur, il comprendra des membres de droit et des personnalités qualifiées. En revanche, son président ne sera pas élu par les membres au sein des personnalités qualifiées, ainsi que le prévoit l'actuel article L. 1411-1-4 pour le Haut conseil de la santé, mais il sera désigné par le ministre chargé de la santé.

Le paragraphe VI propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1413-1 instituant un Comité national de santé publique en remplacement de l'actuel Comité national de la sécurité sanitaire.

La création du Comité national de santé publique répond à un souci de simplification administrative. En effet, deux instances distinctes sont aujourd'hui chargées de la coordination de l'action des différents départements ministériels en matière de sécurité sanitaire et de prévention : le Comité national de sécurité sanitaire, créé par la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme (article L. 1413-1), et le Comité technique national de prévention, institué par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins (article L. 1417-3).

Les missions du futur Comité national de santé publique comportent :

- la coordination interministérielle des politiques de sécurité sanitaire et de prévention ;

- l'analyse des événements ayant des conséquences sanitaires ;

- l'examen des conditions de financement des programmes et actions de santé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A cet article, l'Assemblée nationale a adopté sept amendements.

Quatre d'entre eux visent à préciser la définition des objectifs de la politique de santé énumérés par la nouvelle rédaction de l'article L. 1411-1 du code de la santé publique. Ils prévoient la prise en compte spécifique des personnes les plus fragiles et indiquent les objectifs poursuivis en matière de réduction des inégalités de santé.

Un cinquième amendement indique que le rapport établi par le Haut conseil de santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques face aux problèmes de santé.

Le sixième amendement modifie substantiellement le dispositif initial par lequel le Gouvernement souhaitait simplifier une architecture institutionnelle trop complexe et donner plus de souplesse à la concertation précédant la définition des orientations et objectifs de la politique de santé. Il avait donc proposé la suppression de la Conférence nationale de santé. Or, à l'occasion de ses travaux préparatoires, la commission des Affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée nationale a constaté que les professionnels de la santé et les associations d'usagers restaient très attachés à cette instance qui leur permettait de s'exprimer sur les politiques de santé. En conséquence, avec l'avis favorable du Gouvernement, la Conférence nationale de santé a été rétablie.

Le dernier amendement dispose que le président du Haut conseil de la santé publique est élu par ses pairs et non pas désigné par le ministre de la santé.

III - La position de votre commission

Le dispositif proposé fixe clairement la responsabilité de l'État dans la détermination de la politique de santé et définit les rôles.

Votre commission approuve le maintien de la Conférence nationale, qui demeure un organe de concertation des différents acteurs du système, professionnels de la santé, représentants des malades et des usagers, organismes de recherche et qui conservera la capacité de formuler des avis des propositions. Elle vous propose d'ailleurs d'élargir, par amendement , la composition de cette conférence aux organismes d'assurance maladie complémentaire.

S'agissant du Haut conseil de la santé publique, elle ne doute pas de sa capacité d'expertise pour la détermination des objectifs de santé publique, mais elle reste toutefois circonspecte sur les effets à attendre de la fusion envisagée qui jumelle un Haut conseil de la santé chargé d'une réflexion globale et stratégique sur les problématiques de santé, et un Conseil supérieur d'hygiène publique de France qui assurait une fonction d'alerte et observait une approche beaucoup plus pragmatique des dossiers.

C'est pourquoi elle vous propose deux amendements :

- le premier prévoit que la Conférence nationale de santé rédige annuellement un rapport sur le respect des droits des usagers du système de santé ;

- le second vise à concentrer les compétences du Haut conseil de la santé publique sur ses fonctions stratégiques de définition des objectifs pluriannuels de santé publique et d'évaluation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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