EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi n° 269 (2003-2004), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et responsabilités locales.

Ce texte constitue une pièce majeure d'un vaste chantier engagé il y a deux ans et déjà bien avancé. Ainsi, la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a jeté les fondations d'une organisation décentralisée de la République reposant sur cinq piliers : le principe de subsidiarité et de proximité, le droit à la spécificité, le droit à l'expérimentation, l'autonomie financière, la participation populaire. Deux lois organiques ont d'ores et déjà été adoptées afin de préciser les conditions de mise en oeuvre de certaines de ses dispositions : la loi organique n° 2003-704 du 1 er août 2003 relative à l' expérimentation par les collectivités territoriales et la loi organique n° 2003-705 du 1 er août 2003 relative au référendum local . Le projet de loi organique relatif à l' autonomie financière des collectivités territoriales a fait l'objet d'une lecture par chaque assemblée et devrait prochainement être adopté définitivement.

Le présent projet de loi tend à donner de nouvelles compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à titre définitif, expérimental ou par voie de délégation. Le montant des compensations financières, estimé à 11 milliards d'euros , si l'on prend en compte les charges transférées aux départements par la loi du 18 décembre 2003 relative au revenu minimum d'insertion et portant création d'un revenu minimum d'activité, et l'importance des transferts de personnels, qui devraient concerner 130.000 agents de l'Etat, témoignent de l'ampleur de la réforme. En complément de l'approfondissement de la décentralisation, le projet de loi prévoit une restructuration des services déconcentrés de l'Etat , à travers l'affirmation du rôle du préfet de région et la rénovation des conditions d'exercice du contrôle de légalité. Enfin, il comporte de nombreuses dispositions destinées à conforter l'essor de la coopération intercommunale .

Le Sénat et l'Assemblée nationale ont accompli, en première lecture, un travail considérable d'amélioration de ce texte, auquel chacun a apporté sa pierre.

Ainsi, le Sénat a adopté 472 amendements sur les 1.311 qui avaient été déposés, au terme de 9 jours, soit 81 heures, de débats intenses et souvent passionnés, entre le 28 octobre et le 15 novembre 2003 : 209 sur proposition de votre commission des Lois, 140 des quatre commissions saisies pour avis, 81 de membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, 26 de membres du groupe socialiste, 9 de membres du groupe de l'Union centriste, 4 du Gouvernement et 3 de membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L' Assemblée nationale a examiné le projet de loi du 24 février au 5 mars 2004, le vote solennel n'intervenant que le 14 avril, et a adopté 340 amendements, dont 199 des commissions, 18 du Gouvernement, 75 de membres de l'Union pour un mouvement populaire, 4 de membres de l'Union pour la démocratie française, 20 de membres du groupe socialiste, 5 de membres du groupe communistes et républicains et 1 d'un non inscrit. Les députés ont adopté 55 articles conformes et inséré 50 articles additionnels.

Le projet de loi, qui comportait 126 articles à l'origine , en comprenait 156 après la première lecture au Sénat et en compte désormais 197 , à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale.

Il est souhaitable que son adoption définitive puisse intervenir rapidement afin de ne pas laisser trop longtemps les élus locaux et les agents de l'Etat dans l'expectative, au risque de les décourager, et de réaliser les transferts dans les meilleures conditions.

Le chantier de la décentralisation ne sera pas pour autant achevé. La réforme de la fiscalité locale et des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales constitue la clef de son succès. Plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises, qu'il s'agisse de l'assouplissement des règles de lien entre les taux des impôts directs locaux ou de l'assujettissement de France Télécom aux règles communes d'imposition à la taxe professionnelle, opérés par la loi de finances pour 2003, ou de la réforme de l'architecture de la dotation globale de fonctionnement, réalisée par la loi de finances pour 2004. La réforme de la taxe professionnelle a été annoncée par le président de la République et la révision des critères d'attribution des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales pourrait intervenir dès la loi de finances pour 2005.

Au terme de cette première lecture, peu de divergences opposent le Sénat et l'Assemblée nationale . Aussi votre commission vous proposera-t-elle d'adopter un grand nombre d'articles sans modification, de revenir sur certaines dispositions introduites par l'Assemblée nationale, le cas échéant en retenant des solutions de compromis, et de compléter le projet de loi afin de parfaire la réforme.

Seule la commission des Affaires culturelles a décidé de se saisir à nouveau pour avis en deuxième lecture. Qu'il soit donc permis à votre rapporteur de remercier une nouvelle fois nos collègues Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, et M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des Finances, pour leur précieuse contribution à nos travaux.

I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : UN APPROFONDISSEMENT DE LA DÉCENTRALISATION

En première lecture, le Sénat a souhaité étendre et clarifier les compétences des collectivités territoriales, améliorer leurs conditions d'exercice et préserver un climat de confiance entre les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale.

A. ÉTENDRE ET CLARIFIER LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Tout en souscrivant aux mesures proposées par le projet de loi initial, le Sénat s'est attaché, dans chaque domaine de compétences concerné par les transferts, à étendre et clarifier, autant que possible, les responsabilités des collectivités territoriales.

1. Le développement économique, le tourisme et la formation professionnelle

• Le développement économique

Dans le domaine des interventions économiques des collectivités territoriales, le Sénat a confirmé le rôle de chef de file des régions pour la détermination du régime et l'octroi des principales aides aux entreprises, qui revêtent la forme de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations, et a inclus dans cette liste les prestations de services ( article premier ).

Il a permis aux départements, aux communes et à leurs groupements de continuer à accorder seuls ou conjointement , dans le respect du droit communautaire de la concurrence et en tenant compte du schéma régional de développement économique , des aides essentiellement destinées aux petites entreprises, au commerce et à l'artisanat , qu'il s'agisse des aides à l'immobilier, des aides actuellement qualifiées d'indirectes, des aides aux entreprises en difficulté ou encore des aides au maintien des services en milieu rural ( article premier ).

L' article 2 a été réécrit afin d'affirmer la compétence de la région pour l'octroi et la détermination du régime des aides aux entreprises actuellement attribuées par les services déconcentrés de l'Etat , sous réserve des actions relevant de la solidarité nationale.

• Le tourisme

Dans le domaine du tourisme, le Sénat a confié à la région , plutôt qu'au département, le classement des équipements et organismes de tourisme , les agents de l'Etat affectés à ces tâches étant mis à sa disposition ( article 3 ).

Supprimant le renvoi à une ordonnance, il a réformé le régime des offices de tourisme , en clarifiant leurs missions et en donnant la faculté à l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de les créer sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux, ou toute autre forme juridique de leur choix ( article 4 ).

• La formation professionnelle

Dans le domaine de la formation professionnelle, le Sénat a confié au conseil régional le soin de déterminer la nature, le niveau et les conditions d'attribution de l'indemnité compensatrice forfaitaire , un décret en Conseil d'Etat pris après avis du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle devant simplement fixer le montant minimal de cette indemnité et les conditions dans lesquelles l'employeur sera tenu de reverser à la région les sommes indûment perçues ( article 5 ).

Ont été transférés aux régions :

- l' enregistrement des contrats d'apprentissage et des déclarations préalables auxquelles doivent procéder les entreprises qui souhaitent conclure de tels contrats ( article 5 ter ) ;

- et, par délégation de l'Etat , la responsabilité des stages d'accès à l'entreprise ( SAE ) et des stages individuels et collectifs d'insertion et de formation à l'emploi ( SIFE ) ( article 5 quater ).

La compétence de l' Etat pour l' apprentissage et la formation professionnelle des Français établis hors de France a été réaffirmée, le Conseil supérieur des Français de l'étranger ayant la faculté d'arrêter chaque année des orientations en la matière ( article 5 bis ).

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