Article 112 bis
(art. L. 5215-30 du code général des collectivités territoriales)
Partages de services
entre les communautés urbaines et leurs communes membres

Cet article, inséré par le Sénat en première lecture à l'initiative de notre collègue M. François Marc et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, après un avis de sagesse de votre commission des Lois et un avis favorable du Gouvernement, a pour objet de compléter l'article L. 5215-30 du code général des collectivités territoriales afin de permettre au maire d'adresser directement aux chefs des services communs à sa commune et à la communauté urbaine dont elle est membre toutes les instructions nécessaires à l'exécution des tâches, d'en contrôler l'exécution et de leur donner délégation de signature.

Il s'agissait de transposer aux communautés urbaines les dispositions de l'article L. 5211-4-1, réécrites par l'article 113 du présent projet de loi, relatives aux délégations de signature en cas de partage des services entre les groupements et leurs communes membres.

Rappelons que la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a complété l'article L. 5215-30 relatif aux mises à disposition des services techniques de la communauté urbaine au profit des communes membres afin de préciser que la communauté urbaine dispose également de la faculté d'instituer une « gestion unifiée » de services communs : dans le cadre de cette procédure, les agents demeurent sous l'autorité statutaire du président de l'établissement public de coopération intercommunale mais sont soumis à l'autorité fonctionnelle du maire de la commune d'accueil.

En première lecture, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a regroupé au sein du même article 112 bis les modifications de l'article L. 5215-30 introduites par le Sénat à l'article 113.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 112 bis sans modification .

Article 113
(art. L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales)
Partages de services entre les établissements publics
de coopération intercommunale et leurs communes membres

Cet article a pour objet de modifier l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales afin de faciliter les mises à disposition de services entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres.

La question étant complexe et d'importance, il convient de rappeler le droit en vigueur avant de présenter les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale en première lecture.

1. Le droit en vigueur

La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a précisé les conditions de transfert du personnel des communes aux établissements publics de coopération intercommunale. Auparavant, aucune disposition, hormis le cas particulier des communautés urbaines, ne réglait le cas du régime du personnel dans le cadre d'une compétence transférée à un nouvel établissement public de coopération intercommunale. Il était dès lors nécessaire de se reporter au droit commun de la fonction publique territoriale.

Deux procédures doivent être distinguées : la première consiste à transférer de manière automatique, en même temps qu'intervient le transfert de compétences d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale, le service ou la partie de service nécessaire à l'exercice de cette compétence ; cette procédure est décrite au premier paragraphe de l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales.

La seconde, prévue au second paragraphe de l'article L. 5211-4-1, permet, une fois effectué le transfert de personnel des communes membres à l'établissement public de coopération intercommunale, de mettre à disposition des communes un service ou une partie des services du groupement. Cette mise à disposition est autorisée lorsque ces services sont « économiquement et fonctionnellement nécessaires à la mise en oeuvre conjointe de compétences relevant tant de l'établissement public que des communes membres ». Il s'agit notamment des compétences dont l'exercice est subordonné à la reconnaissance d'un intérêt communautaire et qui nécessitent donc à la fois l'intervention de la commune et de l'établissement public de coopération intercommunale.

Les exécutifs de l'établissement et des communes concernées doivent, après accord des organes délibérants, conclure une convention fixant notamment les conditions de remboursement des frais de fonctionnement du service par la commune. Il revient alors au maire de la commune concernée faisant appel aux services du groupement d'adresser directement aux chefs de service mis à disposition toute instruction nécessaire à l'exécution des tâches et de contrôler leur exécution. Il peut également leur accorder des délégations de signature.

Cette disposition avait pour objet de mettre fin aux doublons pouvant exister entre services communaux et intercommunaux et, ainsi, de réduire les coûts inhérents à la création d'un établissement public de coopération intercommunale. Elle s'est inspirée des dispositions préexistantes pour les communautés urbaines qui prévoient, à l'article L. 5215-30 du code général des collectivités territoriales, une mise en commun des services. Cependant, à la différence de la mise à disposition prévue pour tous les établissements publics de coopération intercommunale à l'article L. 5211-4-1, il s'agit d'une « gestion unifiée » des services qui vise en fait à fusionner les échelons communaux et intercommunaux. Il n'y a pas de convention passée entre communes et communauté urbaine mais simplement utilisation, par autorisation prévue dans le règlement intérieur de la communauté urbaine, des services par l'un ou l'autre des échelons.

2. Le projet de loi initial

Dans sa rédaction initiale, le présent article avait pour objet d'autoriser la mise à disposition de services municipaux au profit de l'échelon intercommunal.

Il s'agissait de faciliter l'organisation de passerelles entre les différents niveaux de gestion : en effet, en l'état actuel de la législation, il est nécessaire d'organiser le transfert de personnels vers le groupement puis, dans le cadre d'une convention, de réorganiser le service afin de le mettre à disposition de la commune. Comme le souligne M. Marc-Philippe Daubresse dans son rapport au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, « Ces allers-retours contribuent à n'en pas douter à rendre plus complexe encore le statut des agents et paraissent également préjudiciables à une détermination claire de la répartition des compétences opérées entre les collectivités membres et les structures intercommunales . »

Dans ce même souci de simplification, les conditions de recours à ces conventions de partage étaient également assouplies car n'y figureraient plus celle liée à l'exercice conjoint de compétences, qui paraît aller de soi. En revanche, elles devaient toujours être justifiées par un intérêt économique.

Enfin, le pouvoir d'instruction du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale sur les services mis à disposition était confirmé.

3. Les apports du Sénat en première lecture

En première lecture, à l'initiative de nos collègues MM. Daniel Hoeffel, Dominique Braye, Michel Doublet, des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés ainsi que de Mme Jacqueline Gourault, et après des avis de sagesse de votre commission des Lois et du Gouvernement, le Sénat avait prévu que les conventions passées en application du présent article pourraient être conclues, quel que soit leur montant, sans formalités préalables , afin de spécifier que les mises à disposition de services ne sont pas soumises aux règles de publicité et de mise en concurrence définies par le droit communautaire des marchés publics.

Ainsi qu'il l'a déjà été indiqué en première lecture, la question de la soumission de telles conventions au droit communautaire ne paraît pas, à l'heure actuelle, réellement tranchée.

L'assemblée générale du Conseil d'Etat dans un avis du 23 octobre 2003 publié avce le rapport annuel de 2003 a admis que le droit communautaire des marchés publics ne s'appliquait pas aux contrats conclus entre le ministère de l'intérieur et la fondation Jean Moulin pour confier à celle-ci des prestations d'action sociale aux motifs que : « les prestations d'action sociale en cause, qui constituent un élément de la politique de gestion des ressources humaines de ce ministère, ne présentent pas, dans les conditions où elles sont mises en oeuvre, le caractère d'une activité économique. Il suit de là qu'en organisant la gestion de ces prestations, le ministère procède à une simple organisation du service et il lui est loisible, soit de gérer lui-même en régie lesdites prestations, soit d'en confier la charge par voie de convention à la « Fondation Jean-Moulin », sans être astreint dans ce dernier cas à la passation d'un marché public de prestation ».

S'agissant des conventions conclues dans le cadre de l'article L. 5111-1, aux termes duquel « les collectivités territoriales peuvent conclure entre elles des conventions par lesquelles l'une d'elles s'engage à mettre à la disposition d'une autre collectivité ses services et moyens afin de lui faciliter l'exercice de ses compétences », le juge communautaire 91 ( * ) comme le juge administratif 92 ( * ) ont considéré qu'elles devaient être soumises aux règles de concurrence si elles étaient relatives à des prestations de fournitures ou des prestations de services. De même, l'article premier de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes à caractère économique et financier dispose que les prestations liées au concours technique de l'Etat à une collectivité publique entrent dans le champ d'application du code des marchés publics.

Dans la mesure où les conventions conclues dans le cadre de l'article L. 5211-4-1 font l'objet d'un remboursement de frais, les élus locaux ont exprimé la crainte que le juge, s'inspirant de la jurisprudence antérieure, ne les requalifie en marchés publics, soumis aux règles de passation et d'exécution du nouveau code des marchés publics.

A l'instar de celui de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, votre rapporteur juge cette hypothèse peu probable : s'agissant de conventions conclues dans le cadre de transfert de compétences d'une commune vers un établissement public de coopération intercommunale, il est très vraisemblable que le juge prendrait en compte le fait que de telles pratiques relèvent d'un souci de bonne gestion des relations entre deux niveaux d'administration locale et ne saurait en conséquence relever de la sphère marchande.

Pour autant, il importe d'observer que la précision apportée par le Sénat ne prémunit pas d'une requalification par le juge dans la mesure où le droit communautaire qui régit les procédures de mise en concurrence et inspire très directement le nouveau code des marchés publics prime sur le droit national.

Sur proposition de MM. Dominique Braye et Michel Doublet, et après des avis de sagesse de votre commission et du Gouvernement, le Sénat avait étendu à tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre les dispositions de l'article L. 5215-30 autorisant les communautés urbaines à mettre à la disposition des communes qui en font la demande leurs services et leur personnel.

Cette procédure de « gestion unifiée » se distingue des dispositions de l'article L. 5211-4-1 dans la mesure où elle n'exige pas de convention et n'implique pas de remboursement de frais. Il s'agit simplement de prévoir une mutualisation des services des deux niveaux d'administration locale.

Enfin, à l'initiative de nos collègues MM. Xavier Pintat, Jean-Paul Amoudry, Michel Mercier et des membres du groupe de l'Union centriste, le Sénat avait étendu aux syndicats mixtes les possibilités de mise à disposition de services entre collectivités membres et établissements publics de coopération intercommunale .

4. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale

En première lecture, à l'initiative de M. Jean-Jacques Guillet, soutenue par sa commission des Lois et le Gouvernement, l'Assemblée nationale a substitué la condition d'une « bonne organisation des services » à celle d'un « d'intérêt économique » pour justifier d'un recours à la mise en commun de services entre communes et établissements publics de coopération intercommunale.

M. Marc-Philippe Daubresse, indique dans son rapport au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale que « cette motivation, d'ordre plus juridique, met ainsi fin à une certaine ambiguïté du texte qui paraît fonder les relations entre l'EPCI et les communes membres sur des motivations relevant du marché et du secteur concurrentiel 93 ( * ) . »

Dans un premier temps, sur proposition de sa commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait précisé que les conventions de mise à disposition de services conclues entre un établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres seraient passées selon une procédure adaptée. Cette terminologie a en effet été substituée à celle de « marchés passés sans formalités préalables » par le décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 instituant un nouveau code des marchés publics.

Au cours d'une seconde délibération, elle a toutefois supprimé cet alinéa, sur proposition du Gouvernement soutenue par sa commission des Lois, après que M. Patrick Devedjian a déclaré avoir reçu une lettre de la Commission européenne indiquant que: « l'hypothèse visée par l'article 113 du projet de loi relatif aux responsabilités locales n'est pas celle d'un transfert de compétences des communes vers un EPCI. [...] Dès lors, une convention ayant pour objet des prestations de services à titre onéreux passée entre un EPCI et l'une de ces communes membres est un marché de services au sens de cette directive . » Le ministre délégué aux libertés locales a toutefois ajouté : « il s'agit de relations organiques qui n'ont pas à entrer dans le cadre de la commande publique . » Ces explications méritent d'être clarifiées.

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a par ailleurs :

- supprimé le II de cet article, par coordination avec l'insertion de ses dispositions à l'article 112 bis ;

- étendu aux syndicats mixtes ouverts composés de collectivités territoriales et d'établissements publics de coopération intercommunale le bénéfice des dispositions relatives à la mise à disposition de services.

5. La position de la commission des Lois

Votre commission vous soumet un amendement tendant à opérer une coordination omise par l'Assemblée nationale en prévoyant que les services d'une commune peuvent être mis à disposition de l'établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services.

Compte tenu des explications peu claires fournies en première lecture, elle vous soumet en outre un amendement d'appel tendant à rétablir la disposition votée par le Sénat en première lecture selon laquelle les conventions de mise à disposition de services conclues entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres sont passées selon une procédure adaptée.

Il est en effet essentiel de mettre un terme à l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent placés les élus locaux. Votre commission considère que les relations entre les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres ne devraient pas relever du champ concurrentiel, sans quoi la coopération intercommunale perdrait singulièrement de son intérêt.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 113 ainsi modifié .

* 91 CJCE, 19 nov. 1999, Teckal SRL c. Cne di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale di Reggio-Emilia .

* 92 Conseil d'Etat, communauté de communes du Piémont de Barr, 20 mai 1998.

* 93 Rapport n° 1435 (Assemblée nationale, douzième législature) - tome 1 - page 427.

Page mise à jour le

Partager cette page