B. CONFORTER LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DU SECTEUR GAZIER

Affirmées, pour l'électricité, par la loi n° 2000-108 du 8 février 2000, les valeurs de service public ont été réaffirmées, pour le gaz, par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 . La volonté du Gouvernement à laquelle souscrit pleinement votre Commission des Affaires économiques est que le changement de forme juridique d'EDF et de GDF n'emportera pas de conséquences sur le service public . Bien au contraire, le texte offre une nouvelle occasion de renforcer les missions de service public qui seront désormais précisées dans un contrat.

La péréquation nationale des tarifs de l'électricité et l'harmonisation des tarifs gaziers , éléments essentiels de la contribution d'EDF et de GDF à la cohésion sociale et territoriale, sont d'ailleurs réaffirmées, en tant que valeurs cardinales de la politique énergétique française à l'article 1 er du projet de loi.

Les salariés de la branche industries électriques et gazières (IEG) sont, au demeurant, les premiers acteurs du service public de l'énergie.

C. OUVRIR DES PERSPECTIVES AU PERSONNEL DE LA BRANCHE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES (IEG)

Trop d'équivoques, voire de contrevérités, sont entretenues sur la prétendue incidence sociale du projet de loi qui modifie seulement la forme juridique d'EDF et de GDF. Ces déformations de la réalité du texte sont vraisemblablement à l'origine d'une grande part des inquiétudes des salariés de la branche des IEG. Or, au cours de ces dernières années, la négociation collective a permis de développer la prise de conscience des grands enjeux par ses personnels. La discussion du projet de loi constitue donc une nouvelle occasion pour expliquer et rassurer sur la portée exacte des réformes en cours.

1. Ne pas confondre « forme juridique » des entreprises et « statut » du personnel

C'est par un abus de langage que l'on évoque le changement de « statut » d'EDF et GDF pour désigner la modification de la forme juridique de ces deux entreprises . Cette impropriété, souvent utilisée à dessein par les adversaires du changement, renforce les préoccupations du personnel attaché au maintien du « statut des industries électriques et gazières », expression qui désigne l'ensemble des normes applicables au travail et aux relations sociales dans la branche des IEG, lesquelles se distinguent du droit commun du travail. Il faut donc le réaffirmer avec force : la « sociétisation » d'EDF et de GDF n'aura pas d'incidence sur le statut des personnels .

2. Pérenniser le statut des IEG

Les questions afférentes au statut du personnel applicable aux agents de la branche des IEG en général et celles relatives aux retraites sont, de façon bien compréhensible, parmi les plus cruciales pour les salariés de ce secteur. Aussi convient-il de souligner que ni le premier ni les secondes ne sont menacés par un texte qui permet, bien au contraire, de les conforter.

a) Un statut qui demeure en vigueur

Votre rapporteur tient à le souligner une nouvelle fois : le projet de loi ne revient pas sur l'article 47 de la loi de 1946 qui constitue le fondement du statut des personnels de la branche des industries électriques et gazières , pas plus que sur l'article 45 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qui a pour effet de faciliter la négociation collective dans cette branche.

b) Des retraites dont le paiement sera assuré

Estimés au 1 er janvier 2003, les engagements des entreprises de la branche des IEG au titre des retraites atteignent respectivement 60 milliards d'euros pour EDF, 12,5 milliards pour GDF et 4 milliards pour les entreprises non nationalisées, soit un total d'environ 76 milliards d'euros .

Face à l'importance de ces sommes, il est utile de rappeler que la question du financement des pensions ne s'est pas posée du jour au lendemain et qu'elle aurait sans doute fait moins de bruit si elle avait été réglée plus tôt. Votre rapporteur regrette que le gouvernement aux affaires lorsqu'a été transposée la première directive « électricité », en 1999-2000, ne se soit pas, à cette époque, préoccupé de la résoudre. Ce n'est pas faute que le Sénat l'ait mis en garde puisque dans son rapport sur le projet de loi précité, notre collègue Henri Revol indiquait à votre assemblée que si en 1949, le rapport entre actifs et retraités s'établissait à un pour quatre, cette proportion atteignait 1,7 en 1999 et pourrait descendre à 1 en 2010, la subvention d'équilibre versée par les employeurs au titre des pensions devant avoisiner les trois quarts de la masse salariale en 2010. La commission des affaires économiques déplorait à cette occasion « vivement que la question essentielle de l'avenir des retraites reste sans réponse », tandis que son rapporteur notait : « les chiffres éloquents rappelés ci-dessus amènent à s'interroger sur le silence actuel du Gouvernement sur la question -qui revêt un caractère global et ne se limite pas au secteur électrique et gazier- de l'avenir des retraites, dont il est avéré que le poids croissant sera vite difficilement supportable, notamment pour EDF. » Puis il s'interrogeait sur l'attitude du Gouvernement de M. Lionel Jospin : « Ce silence est-il réellement un gage de pérennité du statut et d'avenir pour les personnels et l'entreprise ? Comment ne pas voir que la compétitivité des entreprises françaises de ce secteur se trouverait gravement affectée si aucune mesure n'était prise ? » 10 ( * ) . Votre rapporteur déplore que rien n'ait été fait plus tôt pour pérenniser le financement des retraites du secteur des IEG et approuve la démarche courageuse du Gouvernement dans cette matière .

Au problème structurel du déséquilibre démographique, qui n'est pas sans rappeler celui que rencontrent les autres régimes spéciaux, s'ajoute une nouveauté de nature à avoir un impact conjoncturel sur les comptes d'EDF. Comme on l'a vu ci dessus, l'obligation de respecter les normes « IAS » pour la présentation des comptes annuels dès le 1 er janvier 2005 serait susceptible d'occasionner un préjudice pour GDF et surtout pour EDF, qui n'a pas provisionné ses retraites, du fait de la nécessité d'inscrire la totalité des engagements de retraites futurs.

C'est pourquoi le Gouvernement a demandé et obtenu de la Commission européenne , qui a rendu sa décision le 16 décembre 2003 , son assentiment sur les modalités de réforme du régime de retraite des IEG .

Dans sa décision, la Commission observe que la gestion des retraites est assurée directement par EDF et financée par des cotisations salariales et la contribution d'équilibre qui incombe à toutes les entreprises de la branche. Constatant que les autorités françaises avaient pris l'engagement formel que l'adossement du régime des IEG aux régimes de droit commun serait neutre financièrement puisque ce régime verserait les droits de base en contrepartie du paiement des contributions patronales et salariales de droit commun, la Commission conclut que ce « changement est financièrement neutre et n'inclut pas d'aide de l'État. »

En ce qui concerne les droits spécifiques acquis correspondant à des prestations supplémentaires qui resteront à la charge des entreprises , la Commission note que ceux-ci seront financés par une contribution tarifaire instituée par la loi, de même qu'elle observe que les droits futurs seront financés directement par les entreprises. En conséquence, la Commission estime que cette réforme ne crée pas de barrière pour les nouveaux entrants en ne les obligeant pas à provisionner les droits à la retraite déjà acquis par les salariés de toute la branche. Il s'ensuit que la Commission estime cette réforme comme « proportionnée » et pouvant être considérée comme compatible avec les règles du traité.

Le projet de loi permet de donc de faire face à la situation de crise qui menace à court terme le régime de retraite de la branche des IEG qu'il permet de consolider en le dotant d'un financement durable. Mais cet effort doit être accompli en concertation avec les partenaires sociaux .

3. Donner toute sa place à la négociation sociale

Depuis l'adoption de l'article 45 de la loi 2000-108 du 6 février 2000 codifié aux articles L. 713-1 et L. 713-2 du code du travail , des accords professionnels peuvent compléter, dans des conditions plus favorables aux salariés les dispositions statutaires du statut national du personnel. Il s'ensuit que la négociation collective a connu un net regain d'activité depuis cette date dans la branche des IEG . Elle a notamment trouvé à s'appliquer en ce qui concerne la question des retraites à laquelle les représentants des employeurs et ceux des salariés ont consacré des négociations spécifiques.

La question du financement du régime spécial de retraites des IEG a fait l'objet d'un processus de négociations approfondies qui s'est conclu par la rédaction, le 9 décembre 2002 , d'un document de fin de négociation signé par l'Union française de l'électricité (UFE), l'Union nationale des employeurs des industries gazières (UNEmIG), la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT (la fédération syndicale FO n'avait, dès l'origine, pas souhaité participer à la négociation). Celui-ci était accompagné d'un relevé de conclusions destiné à être soumis, par chacun des partenaires signataires, à ses mandants respectifs dans la perspective d'une signature le 20 décembre 2002 au plus tard.

Le relevé de conclusions du 9 décembre 2002 constatant que « le système actuel de financement est inadapté au regard des conditions nouvelles résultant de l'ouverture à la concurrence », considère que : « la refondation financière du régime spécial de retraites des IEG doit être spécifique à ce régime en raison, d'une part, du refus des partenaires sociaux de recourir à des financements provenant des contribuables, d'autre part de l'ouverture à la concurrence dans les secteurs du gaz et de l'électricité [...] ». Dans ce document, les partenaires sociaux proposent d'instituer un régime spécial légal de sécurité sociale de branche, global, unique, à prestations définies, à gestion et pilotage paritaires. Signé par l'UFE 11 ( * ) , l'UNEmIG 12 ( * ) , la CFDT, la CFE-CGC, et la CFTC, le relevé de conclusions propose le maintien :

- des principes et prestations définies par le statut des IEG ;

- des droits pour les agents en inactivité et leurs ayants-droit (prestations invalidité, vieillesse, décès, régime complémentaire de sécurité sociale, CCAS, avantages en nature) ;

- de l'affiliation des salariés des IEG, actifs, inactifs et ayants-droit, actuels et futurs au régime des IEG.

En matière de financement , le texte prévoit :

- que les modifications des modalités de financement maintiennent l'unicité du régime et son caractère de régime spécial légal de sécurité sociale obligatoire pour la branche professionnelle, les prestations restant inchangées pour l'ensemble des bénéficiaires actifs et inactifs, présents et à venir ;

- la gestion du régime selon le principe de répartition ;

- la gestion paritaire du régime qui, dénommé IEG Pensions , transformé en organisme de sécurité sociale doté de la personnalité morale, à compétence nationale, chargé d'une mission de service public ;

- la pérennisation des liens du régime spécial des IEG avec les régimes de solidarité interprofessionnels qui ne modifieront pas les droits des agents du régime spécial des IEG ;

- le financement des droits spécifiques par des modalités libérant les entreprises des obligations comptables d'inscrire ces engagements dans leurs comptes et la garantie de cet engagement par l'État.

Le 9 janvier 2003 , la CGT a organisé une consultation nationale des agents actifs et des agents retraités dans les entreprises de la branche des IEG au sujet du contenu du relevé de conclusions signé un mois plus tôt. A l'issue de cette consultation où le taux de participation a avoisiné 75 %, le « non » a atteint 53,42 % des suffrages exprimés.

Le 24 février suivant, M. Francis Mer, alors ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie confirmait la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre les propositions du relevé de conclusions portant sur le financement du régime de retraites des industries électriques et gazières et souhaitait que les partenaires sociaux engagent une concertation sur les modalités de cette opération. C'est à la suite de cette demande que la commission paritaire des représentants des employeurs et des salariés a créé un groupe de travail dénommé groupe de préfiguration et d'application (GPA) qui a réuni les signataires du relevé de conclusions sur les retraites.

C'est donc en commettant un abus de termes que d'aucuns estiment que le processus d'ouverture des marchés est à la source des changements en cours pour les deux opérateurs historiques. Evitant toute surenchère dans la démonopolisation, le projet de loi procède, quant à lui, à la transposition des exigences d'ouverture avec mesure et circonspection.

* 10 Rapport du Sénat n° 502, 1998-1999, pages 272-273.

* 11 Union française de l'électricité.

* 12 Union nationale des employeurs des industries gazières.

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