Rapport n° 65 (2004-2005) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2004

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N° 65

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ,

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Hubert Haenel, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1732 , 1827 et T.A. 327

Sénat : 9 (2004-2005)

Droits de l'homme et libertés publiques.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir procédé à des auditions, le 27 octobre 2004, la commission des Lois du Sénat, réunie le mercredi 17 novembre 2004 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi n° 9 (2004-2005) portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité .

Le rapporteur a souligné que la création de cette autorité administrative indépendante répondait à des exigences communautaires et devait permettre d'assurer l'effectivité des textes prohibant les discriminations . Il a rappelé l'ouverture du champ de compétence de la haute autorité à toutes les discriminations et les garanties d'indépendance liées à son caractère collégial.

Le rapporteur a en outre estimé que la haute autorité devrait disposer des moyens et capacités nécessaires à ses deux missions essentielles : le soutien aux victimes , grâce à des pouvoirs d'investigation devant s'exercer dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, et la promotion des bonnes pratiques en matière d'égalité des chances et de traitement .

La commission a adopté dix-sept amendements.

Elle a d'abord souhaité renforcer l'impartialité du collège de la haute autorité :

- en appliquant à la désignation des membres du collège par les autorités politiques deux objectifs de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes et de respect du pluralisme (article 2) ;

- en instaurant une obligation de déport des membres de la haute autorité pour les délibérations et investigations relatives à des organismes au sein desquels ils détiennent ou ont détenu des intérêts, des mandats, ou s'ils y exercent ou y ont exercé des fonctions (article additionnel après l'article 2).

La commission propose ensuite de permettre aux associations de lutte contre les discriminations de saisir la haute autorité conjointement avec une personne victime de discrimination (article 3).

Attachée au respect du principe du contradictoire, elle a estimé nécessaire de permettre aux personnes privées et aux agents publics entendus par la haute autorité de se faire assister du conseil de leur choix et de prévoir qu'un procès-verbal de leur audition leur soit remis (articles 4 et 5).

Elle a ensuite adopté plusieurs amendements visant à préciser les pouvoirs de la HALDE et à conforter son rôle consultatif :

- en clarifiant les conditions du concours des autorités publiques aux investigations de la haute autorité (article 5) ;

- en permettant aux membres de la haute autorité de participer eux-mêmes à des vérifications sur place (article 7) ;

- en prévoyant, lorsque les personnes intéressées ne répondent pas ou de manière insuffisante aux recommandations de la haute autorité, la publication d'un rapport spécial au Journal officiel (article 10) ;

- en garantissant que, dans le cas où la haute autorité aurait connaissance de faits constitutifs de crimes ou de délits, le procureur de la République soit informé de toute médiation dès qu'elle a été initiée (article 11) ;

- en rendant obligatoire la consultation de la haute autorité par le Gouvernement sur les projets de loi relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité (article 14) ;

- en permettant à la haute autorité de contribuer, à la demande du Premier ministre, à la préparation de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations (article 14).

Dans un souci de cohérence avec l'universalité des compétences de la haute autorité et le droit en vigueur, elle a souhaité étendre à tous les critères de discrimination le droit à un traitement égal dans les domaines sociaux et l'aménagement de la charge de la preuve , au bénéfice des victimes (article 17).

Enfin, la commission vous propose de supprimer la gratuité du service d'accueil téléphonique de la haute autorité, afin de ne pas imputer sur son budget de fonctionnement une dépense qui n'était pas prévue initialement, et préconise la mise en place d'un numéro à coût réduit, plus dissuasif à l'égard des appels fantaisistes (article 19).

La commission des Lois propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en première lecture le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), adopté par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2004.

Les discriminations peuvent apparaître dans des pratiques sociales courantes. Portant atteinte au principe d'égalité devant la loi, contenu dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution de 1946, de tels comportements sont susceptibles de miner la confiance des citoyens dans la capacité de nos institutions à assurer le respect de ce principe fondateur de la démocratie.

Lors de son discours à Troyes le 14 octobre 2002, M. Jacques Chirac, Président de la République, estimant que « le refus des communautarismes ne se conçoit pas sans lutte contre les discriminations », avait souhaité qu'« au-delà même de celles dont peuvent être victimes les personnes d'origine étrangère [...] une autorité indépendante soit créée pour lutter contre toutes les formes de discriminations qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme ou de l'homophobie ».

La création d'une autorité administrative indépendante chargée de combattre toutes les discriminations assurera un meilleur respect du principe d'égalité, en garantissant aux victimes un soutien pour engager des procédures, en édictant des recommandations et en préconisant de bonnes pratiques. Elle permettra à la France de satisfaire aux exigences des directives communautaires qui prévoient la désignation par les Etats membres d'organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement.

La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité contribue en outre à la mobilisation des pouvoirs publics en faveur d'un renforcement de la cohésion sociale. Elle en constitue le volet institutionnel, le Gouvernement mettant par ailleurs en oeuvre des moyens juridiques et matériels particulièrement importants, avec le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et le projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Le projet de loi s'inspire des conclusions du rapport de la mission de préfiguration dirigée par M. Bernard Stasi, remis au Premier ministre le 16 février 2004 1 ( * ) .

*

Après avoir rappelé la persistance de discriminations en France et mis au jour les insuffisances du dispositif existant pour les combattre, en dépit d'un arsenal juridique très développé, votre rapporteur présentera l'économie du projet de loi portant création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ainsi que les amendements soumis à l'examen du Sénat par votre commission des Lois.

*

* *

I. LES DISCRIMINATIONS : DES ATTEINTES PERSISTANTES AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ ET À LA COHÉSION SOCIALE

1. Les discriminations : des atteintes au principe d'égalité fondées sur l'arbitraire

Dans le langage courant, le mot discrimination renvoie aujourd'hui au fait de séparer un individu ou un groupe social des autres en le traitant de façon moins favorable. Il s'agit d'une distinction péjorative, dont la ségrégation est l'une des formes les plus caractérisées. Si le terme a fait son apparition dans le vocabulaire de l'action publique en France dans les années quatre-vingt dix, la réalité qu'il désigne préexistait sans doute au succès de ce vocable 2 ( * ) .

Dans cette acception, la discrimination est donc un traitement inégal reposant sur l'application d'un critère illégitime . Elle est d'autant plus inacceptable qu'elle contredit, dans notre pays, un siècle de construction du principe d'égalité en tant que principe de non-discrimination 3 ( * ) .

Toutefois, si le principe d'égalité tient une place essentielle dans notre Etat de droit, il ne s'applique, selon la formule du Doyen Vedel, que toutes choses égales par ailleurs 4 ( * ) . En effet, notre droit distingue en quelque sorte l'homme abstrait, auquel le principe d'égalité s'appliquerait sans distinction, et l'homme concret, dont la situation économique et sociale peut justifier un traitement différencié 5 ( * ) . Ainsi, certaines différences de traitement sont interdites absolument, tandis que peuvent être acceptables celles qui se fondent sur des différences de situation rationnelles et objectives, et celles qui sont justifiées par des motifs d'intérêt général 6 ( * ) .

A l'inverse, les discriminations correspondent à l'irruption de l'arbitraire dans l'accès aux droits. Aussi existe-t-il autant de formes de discriminations que de critères susceptibles de motiver cette atteinte au principe d'égalité. Ces critères tenant à la personnalité de chacun - sexe, âge, origine, handicap, orientation sexuelle, religion, opinion politique - chaque citoyen peut un jour être victime de discrimination.

En outre, les discriminations existent dans tous les domaines où les citoyens peuvent prétendre à des droits : l'emploi, le logement, l'accès aux biens et services, l'éducation, la santé... Le champ ainsi ouvert à la future haute autorité n'est pas seulement celui de discriminations quantifiables et analysables, mais aussi celui des représentations sociales et des idées reçues, porteuses de comportements discriminatoires beaucoup plus ténus mais aussi plus difficiles à identifier et à combattre.

2. L'enseignement des statistiques : des phénomènes discriminatoires répandus et des évolutions sociales lentes

Toutes les discriminations ne font pas l'objet d'études statistiques aussi précises. Certaines, telles les discriminations fondées sur le sexe, sont appréhendées depuis plusieurs années par les chercheurs, ce qui permet d'observer des évolutions. En revanche, l'ensemble des discriminations font l'objet d'études en termes de perception, qui montrent que ces atteintes au principe d'égalité sont très répandues.

Ainsi, selon une étude récente de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité 7 ( * ) , un tiers des adultes interrogés déclarent avoir été confrontés à des attitudes intolérantes ou discriminatoires . L'apparence physique est prédominante parmi les motifs invoqués (25 % des personnes ayant relaté un comportement négatif). Plus d'un tiers des personnes concernées estiment que ces attitudes ont eu des conséquences sur leur vie.

Les statistiques établies sur le fondement des signalements effectués par le service « 114 » , numéro d'appel gratuit pour lutter contre les discriminations raciales géré par le groupement d'intérêt public GELD 8 ( * ) , montrent que les domaines de l'emploi, de l'accès aux services et aux biens et du logement font l'objet de la majorité des demandes de soutien. Ainsi, ces trois domaines ont concentré respectivement 35,3%, 19,6% et 9,7% des 11.263 signalements effectués entre le 16 mai 2000 et le 31 août 2004.

Des données statistiques suivies dans des domaines tels que l'emploi permettent d'observer la lente résorption de la discrimination fondée sur le sexe . Ainsi, une étude du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat montre que si les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes parmi les cadres de la fonction publique (58 % à la fin 2002 contre 44 % en 1980), elles n'occupent que 13 % des emplois de direction 9 ( * ) . Dans les services centraux, on compte une femme pour cinq dirigeants (21 %), avec une progression régulière. En revanche, dans les services déconcentrés, les femmes n'occupent que 10 % des postes de direction, leur part dans les nominations étant « nettement inférieure à leur présence dans les viviers, ce qui ne permet pas de compenser l'écart ».

Au-delà du secteur de la fonction publique, la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes s'est un peu réduite au cours de la dernière décennie. Selon l'étude réalisée par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur l'évolution de la place des femmes dans les professions entre 1992 et 2002, « le marché de l'emploi semble néanmoins continuer de fonctionner sur un modèle de segmentation rigide où la répartition des emplois par genre reste peu diversifiée » 10 ( * ) . Un nombre croissant de femmes, notamment parmi les plus jeunes, accèdent à des postes d'encadrement ou techniques, mais la plupart continuent d'occuper des professions peu qualifiées. En 2002, 10,8 millions d'emplois étaient occupés par des femmes, plus de la moitié - 5,57 millions - étant concentrées dans dix des quatre-vingt quatre familles professionnelles définies par l'INSEE 11 ( * ) .

Evolution de la féminisation des métiers de cadres (1992-2002) 1

Famille professionnelle

Taux
de féminisation
en 2002 (%)

Variation du taux
de féminisation
1992-2002 (%)

Enseignant

64

2

Professionnel de la communication et de la documentation

58

9

Formateur, recruteur

49

-1

Professionnel du droit

45

9

Cadre administratif, comptable et financier

43

12

Médecin et assimilé

43

4

Professionnel des arts et des spectacles

39

4

Cadre de la fonction publique

37

9

Cadre de la banque et des assurances

33

5

Cadre commercial et technico-commercial

25

10

Informaticien

20

-4

Personnel études et recherches

20

6

Les statistiques relatives à l'emploi des personnes handicapées permettent également de percevoir des inégalités laissant supposer l'existence de discriminations à l'embauche et dans le déroulement de la carrière. Ainsi, le taux d'emploi 12 ( * ) des personnes handicapées n'est que de 44 %, contre plus de 65 % pour les personnes dont la capacité de travail est intacte 13 ( * ) , et leur taux de chômage s'élève à 27 % contre 9,9 % pour la moyenne nationale. Par ailleurs, elles occupent plus fréquemment des emplois précaires que les personnes valides 14 ( * ) .

Si des statistiques permettent de mettre en lumière les disparités entre les hommes et les femmes, ou entre les personnes handicapées et les personnes valides dans le monde du travail, de telles données font défaut pour apprécier l'impact d'autres critères de discrimination.

L'analyse des discriminations pose par conséquent le problème de « l'invisibilité statistique » 15 ( * ) des populations qui en sont potentiellement victimes et, en particulier, des « minorités visibles ». La lutte contre les discriminations serait peut-être d'autant plus efficace qu'elle pourrait s'appuyer, par exemple, sur une connaissance de la diversité ethno-raciale du personnel des entreprises 16 ( * ) .

3. Le «testing», approche empirique et mode de preuve des comportements discriminatoires

D'abord utilisé pour dénoncer les discriminations commises à l'entrée de discothèques ou de débits de boisson à l'égard de la clientèle supposée être d'origine étrangère, le «testing» tend à devenir un mode de preuve des comportements discriminatoires dans l'accès aux biens et aux services ainsi qu'à l'emploi 17 ( * ) .

L'objet du «testing» est de constater l'attitude adoptée par le personnel d'une entreprise ou d'un service selon les caractéristiques des personnes qui se présentent pour obtenir un emploi, un logement ou la fourniture de biens ou de services. A cet effet, l'initiateur du «testing» compose des groupes de personnes correspondant à différents critères de discriminations et compare les résultats obtenus avec ceux d'un groupe ne comportant pas ces critères.

Soumis à l'appréciation souveraine des magistrats en tant que mode de preuve, le «testing» aura d'autant plus de valeur probante d'un point de vue pénal qu'il suit des règles assurant la neutralité de l'opération : présentation de groupes composés d'une même proportion de filles et de garçons, n'appartenant pas tous à l'association organisatrice, et accompagnés d'un huissier de justice ou d'un officier de police judiciaire chargé de constater la matérialité et le motif du refus.

Toutefois, la Cour de cassation, amenée à se prononcer sur un pourvoi formé par l'association SOS Racisme contre un arrêt de la cour d'appel de Montpellier, a confirmé la validité du « testing» comme moyen de preuve , quand bien même il n'aurait pas été réalisé en présence d'un officier de police judiciaire ou d'un huissier de justice 18 ( * ) . Rappelant les dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale, qui énoncent que les infractions peuvent être établies par tout mode preuve, elle a estimé que les juges ne pouvaient écarter les moyens de preuve produits par les parties au motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale et qu'il leur appartenait « seulement [...] d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à discussion contradictoire ».

L'enquête de « testing » sur curriculum vitae (CV)
réalisée par l'observatoire des discriminations de l'université Paris I 19 ( * )

Cette enquête, réalisée entre le 13 avril et le 14 mai 2004 sous la direction du professeur Jean-François Amadieu, a procédé à un «testing» sur plusieurs variables de discrimination : le genre (homme/femme), l'origine ethnique (Maghreb/France), le lieu de résidence, le visage (beau/disgracieux), l'âge, le handicap (mention cotorep). Le nombre de CV envoyés était donc de 7 pour chaque offre d'emploi, une seule variable à tester différant d'un CV à l'autre :

- 1 Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau, apparence standard, soit le candidat de référence ;

- 2 Femme , nom et prénom français, réside en région parisienne, blanche de peau, apparence standard ;

- 3 Homme, nom et prénom maghrébin (Maroc) , réside à Paris, apparence standard ;

- 4 Homme, nom et prénom français, réside au Val Fourré à Mantes-la-Jolie , blanc de peau, apparence standard ;

- 5 Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau, visage disgracieux ;

- 6 Homme, nom et prénom français, réside à Paris, blanc de peau et apparence standard, 50 ans ;

- 7 Homme, nom et prénom français, réside en région parisienne, blanc de peau, apparence standard, handicapé.

L'enquête a répondu à 258 offres d'emploi, ce qui correspond à l'envoi de 1.806 CV. Les candidats ont postulé à des postes de commerciaux : chargés de clientèle, commerciaux, technico-commerciaux de niveau BTS.

Comme le montre le graphique suivant, sont particulièrement discriminés le candidat âgé de cinquante ans, le candidat d'origine maghrébine et le candidat handicapé, qui reçoit quinze fois moins de réponses positives, malgré le dispositif légal.

Source : observatoire des discriminations, Paris I, Jean-François Amadieu

II. LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS EN FRANCE : UN DISPOSITIF INCOMPLET MALGRÉ UN FOISONNEMENT DE NORMES INTERNATIONALES ET INTERNES

Si la France s'est dotée d'un important ensemble de lois visant à assurer l'égalité de traitement et à sanctionner les discriminations, le dispositif prévu pour leur mise en oeuvre apparaît insuffisant.

A. LE RÔLE D'AIGUILLON DU DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

Après les crimes commis au cours de la Seconde Guerre mondiale dans l'objectif d'éliminer certaines catégories de la population en Europe, l'objectif de lutte contre les discriminations n'a cessé de se renforcer tant dans le droit international que dans le droit communautaire et européen.

1. Le droit international : un corpus soumis à un contrôle d'application continu

a) Les conventions adoptées depuis 1948

De nombreuses conventions adoptées par les institutions appartenant au système des Nations unies affirment le principe de non discrimination. Les article 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 prohibent ainsi toute discrimination. Les Pactes de 1966 20 ( * ) qui complètent la Déclaration pour constituer la Charte internationale des droits de l'homme interdisent toute distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance. Deux traités spécifiques les complètent : la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) et celle sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979).

Des conventions intervenues dans des domaines précis comme l'emploi, les droits des personnes handicapées et l'enseignement reprennent également le principe de non discrimination : la convention de l'UNESCO relative à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'enseignement (1960), la convention relative aux droits de l'enfant (1989), celle sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) et celle pour la protection des droits et de la dignité des handicapés (2001). L'Organisation internationale du travail a par ailleurs adopté trois conventions relatives à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (1951), à la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958) et de réadaptation professionnelle et d'emploi des personnes handicapées (1983).

b) Un contrôle d'application permanent par le système des Nations unies

Les institutions spécialisées du système des Nations unies opèrent un contrôle continu de l'application des conventions prohibant les discriminations. Le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme coordonne les actions en ce domaine. La Commission des droits de l'homme dirige le suivi de l'application des traités 21 ( * ) , adoptant à cet effet des résolutions, recommandations et rapports.

L'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques fait l'objet de rapports des Etats, examinés par le Comité des droits de l'homme , qui présente des observations générales et un rapport devant l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Les citoyens peuvent le saisir après épuisement des voies de recours internes. En 1997, il a recommandé à la France de créer un « mécanisme institutionnel pour recevoir et traiter les plaintes relatives aux droits de l'homme incluant toutes formes de discriminations [...] agissant comme médiateur entre les parties et pouvant attribuer des compensations ».

Les comités pour l'élimination de la discrimination raciale et pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes contrôlent, chacun, l'application par les Etats membres des conventions spécifiques, établissant en cas de manquement un rapport adressé à l'Etat concerné.

2. Le droit européen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

L'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 stipule que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». La convention sur les droits de l'homme et la biomédecine signée en 1997 prohibe, dans son article 11, toute discrimination fondée sur le patrimoine génétique .

Les particuliers et les organisations non gouvernementales peuvent saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans les six mois suivant l'épuisement des voies de recours internes. Par sa jurisprudence, la CEDH a exercé une influence remarquable dans la lutte contre les discriminations, jugeant notamment qu'une différence de traitement prévue par la loi à l'égard des enfants nés hors mariage méconnaissait le droit au respect de la vie familiale 22 ( * ) , ou encore que la répression pénale de l'homosexualité portait atteinte au droit au respect de la vie privée (art. 8 de la convention) 23 ( * ) .

3. Le droit communautaire : une extension progressive du domaine de la lutte contre les discriminations

Le droit communautaire primaire et dérivé comporte un ensemble de textes prohibant les discriminations. L' article 13 du traité instituant la communauté européenne (TCE) permet ainsi au Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, de « prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle » 24 ( * ) .

Les directives communautaires adoptées en matière de lutte contre les discriminations depuis les années 1970, reprenant des principes énoncés par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), s'étendent progressivement de l'égalité de traitement dans le monde du travail aux principaux domaines de la vie économique et sociale. Trois directives visent ainsi à interdire les discriminations.

La directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique a établi un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Elle prévoit notamment que les Etats membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives « soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement », les associations pouvant engager toute procédure de cette nature, pour le compte ou à l'appui du plaignant (art. 7). Elle comporte en outre des dispositions relatives à l'aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant lorsqu'il « établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte » (art. 8), et requiert des Etats membres qu'ils désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement (art. 13). Ces organismes doivent être en mesure :

- d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination ;

- de conduire des études indépendantes concernant les discriminations ;

- de publier des rapports indépendants et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations.

Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.

La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail reprend tous les critères de discrimination énoncés à l'article 13 du TCE. Elle comporte des dispositions similaires à celles de la directive du 29 juin 2000 en matière de procédures judiciaires et administratives, et d'aménagement de la charge de la preuve.

La directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail , interdit dans ces domaines toute discrimination fondée sur le sexe « soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial » (art. 2 de la directive 76/207/CEE). Elle prévoit, comme la directive du 29 juin 2000, que les Etats membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement (art. 8 bis).

Par ailleurs, a été créé en 1997 un observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes , qui coordonne la collecte d'informations et de données statistiques dans les Etats membres et répond aux demandes d'information des parlementaires européens. Le Conseil des ministres de l'Union a décidé en décembre 2003 d'élargir son mandat pour en faire une agence des droits fondamentaux de l'UE, qui serait créée en 2005.

Enfin, la Commission européenne conduit de multiples initiatives en matière de lutte contre les discriminations, telles que :

- le programme Equal, financé par le Fonds social européen, pour apporter un soutien aux actions transnationales de lutte contre les discriminations et de sensibilisation à toutes les formes d'inégalités dans le monde du travail ;

- la campagne d'information paneuropéenne « stop discrimination » 2003-2006, visant à lutter contre toute discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, la religion, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

B. LE DROIT INTERNE : UN ARSENAL JURIDIQUE TRÈS DÉVELOPPÉ MAIS INSUFFISAMMENT APPLIQUÉ

Le corpus juridique applicable en France en matière de lutte contre les discriminations regroupe essentiellement les dispositions du code pénal et du code du travail, ainsi que des règles concernant l'accès au logement.

1. Les dispositions du code pénal relatives aux discriminations

Aux termes de l'article 225-1 du code pénal, « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée . » Il définit par ailleurs comme une discrimination à l'encontre d'une personne morale une distinction opérée à raison des mêmes critères appliqués aux membres ou à certains membres de ces personnes morales.

L'article 225-2 punit la discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende lorsqu'elle consiste à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque, à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à refuser d'accepter une personne à certains stages 25 ( * ) .

Le tableau suivant retrace les infractions de discrimination ayant donné lieu à condamnation sur le fondement de l'article 225-2 du code pénal 26 ( * ) .

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service en raison du sexe

0

0

2

1

0

0

0

discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou service en raison de la situation familiale

1

1

0

0

0

0

0

discrimination dans une offre d'emploi en raison des moeurs

0

1

0

0

1

1

0

discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service en raison de l'origine, de l'ethnie ou de la nationalité

0

1

2

2

6

12

8

discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service en raison d'un handicap

0

1

1

0

1

2

1

discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un bien ou d'un service en raison de la race

2

9

0

5

1

10

1

discrimination dans une offre d'emploi en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie

0

1

0

1

1

0

1

discrimination dans une offre d'emploi en raison de la race

1

1

1

7

1

0

1

discrimination en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie - refus d'embauche

0

3

4

0

4

0

7

discrimination à raison de la race - refus d'embauche

0

0

1

1

0

1

1

discrimination en raison des opinions politiques - entrave à l'exercice d'une activité économique

0

2

4

2

1

1

2

discrimination à raison d'activités syndicales - refus d'embauche

0

0

0

0

0

2

1

Nombre de condamnations prononcées pour des infractions visées à l'article 225-2 du code pénal

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

TOTAL

6

19

17

21

21

30

23

137

L'article 225-4 dispose que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions définies à l'article L. 225-2.

L'article 432-7 punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende une discrimination commise à l'égard d'une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public , dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsqu'elle consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ou à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.

Les statistiques du casier judiciaire national font apparaître le caractère exceptionnel des condamnations prononcées pour des infractions de discrimination. Ce constat renvoie notamment à la question de l'inégalité fondamentale entre la victime, qui dispose souvent de ressources matérielles et juridiques modestes et se trouve dans la position du demandeur, et les auteurs de discriminations, qui peuvent être en position de force, en tant qu'employeurs, bailleurs ou prestataires de service.

2. Les dispositions relatives aux relations du travail et à la fonction publique

a) L'interdiction des discriminations dans le code du travail

L'article L. 122-45 du code du travail 27 ( * ) dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte , notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de critères dont il fixe la liste 28 ( * ) . Reprenant l'aménagement de la charge de la preuve prescrit par les directives communautaires, cet article impose à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aux termes de l'article L. 122-45-1 du code du travail, les syndicats peuvent exercer en justice les actions qui naissent de l'article L. 122-45, pourvu que la victime de discrimination ait été avertie par écrit et ne s'y soit pas opposée dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention. La même possibilité est ouverte aux associations, sous réserve de l'accord écrit de la personne en faveur de laquelle elles agissent.

b) Le principe de non-discrimination dans la fonction publique

L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 29 ( * ) interdit, sous peine de sanction disciplinaire, toute distinction, directe ou indirecte, entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. Il prohibe également les mesures concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation ou la notation d'un fonctionnaire, qui prendraient en considération le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes.

L'article 6 bis de la même loi, issu de la loi n°  2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 30 ( * ) , dispose de façon plus générale qu' aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe , sauf lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.

3. Les dispositions régissant les rapports locatifs

La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 interdit de refuser la location d'un logement à une personne en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Cette interdiction est assortie d'un aménagement de la charge de la preuve au profit de la personne qui s'estime victime d'une discrimination.

C. LES INSUFFISANCES DU DISPOSITIF FRANÇAIS DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS : L'ABSENCE D'AUTORITÉ SPÉCIALISÉE

1. Une multiplicité de services administratifs et d'organismes consultatifs

a) La dispersion des services administratifs et établissements publics impliqués dans la lutte contre les discriminations

Le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale regroupe les principaux services intervenant davantage en matière d'intégration que de lutte contre les discriminations. Ainsi, la direction de la population et des migrations comporte une sous-direction de l'accueil et de l'intégration, exerce la tutelle du GELD et du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations ( FASILD ), établissement public administratif chargé d'aider les personnes immigrées ou issues de l'immigration. Participent également, dans leurs domaines de compétence respectifs, à la lutte contre les discriminations : la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, le service du droit des femmes et de l'égalité, la délégation interministérielle aux personnes handicapées, la direction générale de l'action sociale (lutte contre l'exclusion), et la direction générale de la santé (accès aux soins).

Le caractère transversal de la problématique des discriminations fait par ailleurs intervenir des directions d'autres ministères, telles que la direction de la modernisation et de l'action territoriale du ministère de l'intérieur, qui supervise les CODAC et met en oeuvre les plans départementaux de lutte contre les discriminations, la direction des affaires civiles et du sceau et la direction des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice et les services de l'éducation nationale.

Les directions et services exerçant des missions de recherche et d'étude jouent un rôle fondamental dans l'analyse des comportements discriminatoires, sur laquelle peut se fonder la définition des politiques publiques en faveur de l'égalité de traitement. Tel est le cas de la direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (DARES) et de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ou encore de l'Institut national des études démographiques (INED).

En outre, certaines autorités administratives indépendantes comme le Médiateur de la République, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), le Défenseur des enfants et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), sont déjà susceptibles d'avoir à traiter des réclamations faisant apparaître des situations discriminatoires.

M. Bernard Stasi rappelle ainsi dans son rapport que la CNIL a eu à connaître de discriminations dans les fichiers informatiques d'agences immobilières. Elle a d'ailleurs adopté le 20 décembre 2001 une délibération portant recommandation relative aux fichiers de gestion du patrimoine immobilier à caractère social, indiquant notamment qu'aucune « information faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales, au sens de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, des personnes concernées, ne saurait être collectée auprès des demandeurs de logements . »

b) Le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD)

Créé en 1999 sous la forme d'un groupement d'intérêt public associant, sous la tutelle du ministère des affaires sociales, des ministères, des organisations professionnelles, des associations et des universitaires 31 ( * ) , le GELD exerce d'abord une mission d'observatoire national des discriminations raciales . Il réalise à cet effet des analyses et des notes qui sont portées à l'attention des administrations, des partenaires sociaux et de l'opinion publique.

Le GELD est également chargé de la gestion du numéro d'appel gratuit 114 , que peuvent utiliser les victimes et témoins de discriminations raciales. Mis en place le 16 mai 2000, ce service a été consacré par l'article 9 de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qui définit par ailleurs le dispositif mis en place dans chaque département, sous l'autorité du préfet, pour assurer le traitement et le suivi des cas signalés. Les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC), auxquelles ont succédé les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (COPEC), étaient les relais des signalements effectués auprès du 114, que l'article 19 du projet de loi remplace par un service d'accueil plus généraliste.

Sans doute le GELD a-t-il produit des études de qualité, notamment sur les discriminations raciales et ethniques dans l'accès au logement social ou le recours au droit dans la lutte contre les discriminations et la question de la preuve. En outre, son site internet 32 ( * ) est aujourd'hui le seul à rassembler et mettre à la disposition du public des informations concernant tous les critères et domaines de discrimination.

Des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) aux commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (COPEC)

La circulaire du 20 septembre 2004 adressée par les ministres de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et de la justice aux préfets et aux procureurs généraux étend le champ d'intervention des CODAC à toute forme de discrimination. Pour tenir compte de ce nouveau champ de compétence, ces instances sont désormais appelées commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté.

La circulaire prévoit ainsi que la COPEC « définira désormais des actions de prévention contre toute discrimination directe ou indirecte fondée notamment sur l'origine, le sexe, le handicap, l'orientation sexuelle ou l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion. » Chaque commission doit permettre aux responsables publics départementaux de maintenir des liens étroits notamment avec les associations représentatives des victimes de discrimination, les communautés religieuses, le réseau des chambres consulaires et les organismes professionnels de l'immobilier.

Deux priorités sont assignées aux COPEC :

- l'insertion professionnelle , avec pour objectif la mobilisation des entreprises et l'identification des éventuelles discriminations ;

- la lutte contre le racisme et l'antisémitisme , avec un rôle particulier pour les procureurs de la République d'information des membres de la COPEC sur les modalités de mise en mouvement de l'action publique, le régime de la preuve en matière de discriminations et l'utilité des voies civiles et prud'homales.

Cependant un bilan plus négatif doit être fait du dispositif d'écoute et de signalement des discriminations raciales . Le rapport de M. Bernard Stasi indique en effet que la plupart des signalements transmis aux parquets ont abouti à des décisions de classement sans suite, en raison de l'insuffisance des moyens humains consacrés au traitement des dossiers au sein des CODAC et du manque d'impartialité des enquêtes internes diligentées par les administrations mises en cause. Les travaux du GELD et du 114 ont néanmoins permis à la mission de préfiguration de s'appuyer sur une première expérience de lutte contre les discriminations.

c) Un foisonnement d'organismes consultatifs

De multiples organismes consultatifs généralistes ou spécialisés mènent des travaux d'étude et émettent des avis ou des recommandations en matière de lutte contre les discriminations. Il s'agit notamment de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, du Haut conseil à l'intégration, de la Commission nationale consultative des personnes handicapées, de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes et de la Commission nationale consultative des gens du voyage.

2. Le rôle croissant des associations

Les associations jouent un rôle essentiel d'alerte et de soutien aux victimes de discriminations. Aux termes des articles 2-1 et 2-6 du code de procédure pénale, les associations se proposant par leurs statuts de combattre les discriminations peuvent en effet exercer les droits reconnus à la partie civile , à condition d'être régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, en ce qui concerne les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

Les associations de défense des droits de l'homme, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de soutien aux personnes handicapées sont représentées au sein des organismes consultatifs. Par leurs revendications, certaines associations ont fait progresser, en suscitant une prise de conscience, la lutte contre les discriminations à raison du handicap, de la maladie ou de l'orientation sexuelle. Toutes ces associations ont ainsi acquis une expertise notamment juridique des questions de discrimination qui paraît justifier leur participation au travail de la future haute autorité.

III. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE ET L'ACHÈVEMENT DE LA TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE RELATIF AUX DISCRIMINATIONS FONDÉES SUR L'ORIGINE ETHNIQUE

Le présent projet de loi devrait permettre à la France de mieux garantir le respect des valeurs républicaines et de satisfaire aux exigences du droit communautaire, en créant une autorité administrative indépendante chargée de promouvoir l'égalité de traitement et en parachevant la transposition de la directive du 29 juin 2000 concernant les discriminations fondées sur l'origine ethnique.

A. LA CRÉATION D'UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE DE NATURE À SATISFAIRE LES EXIGENCES COMMUNAUTAIRES

Comme le souligne le rapport du Conseil d'Etat de 2001, la notion d'autorité administrative indépendante se définit plus aisément par des caractéristiques justifiant que l'on y ait recours, que par un contenu précis. En l'espèce, il s'agit de créer une instance chargée d'intervenir dans un domaine sensible lié à l'exercice des libertés publiques , en lui permettant d'agir au nom de l'Etat sans être subordonnée au Gouvernement. La haute autorité devrait donc bénéficier, dans sa structure et son fonctionnement, de garanties d'indépendance et de pouvoirs d'investigation et de recommandation pour aider les victimes de discriminations et promouvoir l'égalité.

1. De réelles garanties d'indépendance

a) Une autorité collégiale

La HALDE ayant pour objet la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, sa composition collégiale devrait permettre de garantir à la fois la pluridisciplinarité de ses membres et l'impartialité de ses délibérations. Elle serait composée d'un collège de onze membres, le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre en désignant chacun deux ( article 2 ). Trois autres membres seraient désignés par le Vice-Président du Conseil d'Etat, le Premier président de la Cour de cassation et le Président du Conseil économique et social.

Le collège de la haute autorité, dont les membres exerceraient un mandat non révocable, ni renouvelable, d'une durée de cinq ans , serait renouvelé par moitié tous les trente mois.

b) L'appui d'un comité consultatif composé de personnalités qualifiées

La haute autorité pourrait décider la création auprès d'elle d'un organisme consultatif permettant d' associer à ses travaux des personnalités qualifiées ( article 2 ).

c) Des moyens humains et financiers adaptés

Les services de la haute autorité seraient placés sous l'autorité de son président ( article2 ). Elle devrait, à terme, employer 80 agents, qui seront des fonctionnaires détachés ou mis à disposition ou des agents contractuels.

Il est également prévu que les crédits nécessaires au fonctionnement de la haute autorité soient inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales ( article 16 ). Il reviendrait à son président d'ordonner les recettes et les dépenses.

Un budget de 10.700.000 euros est alloué à la HALDE dans le projet de loi de finances pour 2005 33 ( * ) . Lors de l'examen des crédits de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et de l'égalité professionnelle le 17 novembre 2004, l'Assemblée nationale a réduit ce budget à 9.000.000 d'euros.

2. Un champ de compétence ouvert à toutes les discriminations et de vrais pouvoirs d'investigation

a) L'universalité du champ de compétence

La HALDE serait compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ( article 1 er ). Elle pourrait être saisie par toute personne qui s'estime victime d'une telle discrimination, ou se saisir d'office des cas dont elle aurait connaissance, sous réserve que la victime ne s'y soit pas opposée ( article 3 ).

b) Les pouvoirs d'investigation à l'égard des personnes privées et publiques

Afin de recueillir toute information sur les faits portés à sa connaissance, la haute autorité pourrait demander des explications aux personnes privées mises en cause devant elle , demander la communication de documents et entendre toute personne dont le concours lui paraîtrait utile ( article 4 ).

Les autorités publiques seraient tenues d'autoriser leurs agents à répondre aux demandes de la haute autorité, qui pourrait également recourir aux services des organismes et corps de contrôle placés sous l'autorité des ministres ( article 5 ).

La haute autorité pourrait procéder à des vérifications sur place , après avis aux personnes intéressées, dans les locaux administratifs, les lieux et moyens de transport accessibles au public et les locaux professionnels ( article 7 ). Les agents de la haute autorité autorisés à effectuer ces vérifications devraient recevoir une habilitation du procureur général près la cour d'appel de leur domicile.

Les personnes entendues par la haute autorité ne pourraient être poursuivies pour atteinte au secret professionnel en raison des informations qu'elles auraient révélées et qui entreraient dans le champ de compétence de la HALDE ( article 9 ). En contrepartie, les membres et les agents de la haute autorité seraient astreints au secret professionnel pour les informations dont ils auraient connaissance en raison de leurs fonctions.

c) Des pouvoirs respectueux des prérogatives de l'autorité judiciaire

Parmi les dispositions du projet de loi tendant à définir ses relations avec la justice, il est ainsi prévu que la haute autorité puisse, après une mise en demeure infructueuse, s'appuyer sur l'intervention du juge des référés pour lui demander toute mesure utile ( article 8 ).

Si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit , la haute autorité devra en informer le procureur de la République, qui lui indiquera les suites données à ses transmissions ( article 11 ).

Elle pourra en outre porter à la connaissance des autorités publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires , la personne mise en cause devant alors en être avisée ( article 13 ).

Dans l'hypothèse où la haute autorité serait saisie de faits donnant lieu à enquête pénale ou pour lesquels une information ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle ne pourrait mettre en oeuvre ses pouvoirs d'investigation sans l'accord préalable des juridictions pénales saisies ou du procureur de la République ( article 11 ).

3. Des missions d'aide aux victimes, de médiation et de promotion de l'égalité

a) Une mission de soutien aux victimes

L'ensemble des pouvoirs d'investigation confiés à la haute autorité lui permettront d'aider les victimes de discrimination à rassembler des éléments de preuve avant de saisir la justice. Elle pourrait formuler des recommandations afin de remédier à tout fait ou toute pratique discriminatoire, les autorités ou personnes intéressées étant tenues de lui rendre compte des mesures prises dans un délai déterminé ( article 10 ). La haute autorité pourrait rendre ses recommandations publiques .

Les juridictions civiles, pénales ou administratives pourraient, d'office ou à la demande des parties , inviter la haute autorité à présenter des observations . La HALDE pourrait également présenter, à sa demande , des observations devant les juridictions pénales, y compris au cours de l'audience ( article 12 ).

b) Une mission de médiation

La haute autorité pourrait procéder ou faire procéder, par une personne dûment habilitée, à une médiation entre une victime de discrimination et la personne mise en cause ( article 6 ). Afin d'assurer la neutralité et la confidentialité de la médiation, les déclarations recueillies lors de sa réalisation ne pourraient être invoquées dans les instances civiles et administratives, l'article 40 du code de procédure pénale l'obligeant en revanche à informer le procureur de la République des faits constitutifs de crimes ou de délits dont elle aurait connaissance.

c) Une mission d'observation, d'étude et de promotion des bonnes pratiques

Outre le traditionnel dépôt d'un rapport annuel public au Président de la République et au Parlement qui lui permettra d'asseoir son autorité morale ( article 15 ), la haute autorité se verrait confier un rôle de promotion de l'égalité ( article 14 ). A cet effet, elle devrait conduire des actions de communication , des travaux d'études et de recherches , favoriser l'adoption d'engagements en faveur de la promotion de l'égalité et reconnaître les bonnes pratiques en matière d'égalité des chances et de traitement.

Elle pourrait par ailleurs recommander des modifications législatives ou réglementaires et être consultée par le Gouvernement sur tout texte ou question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

B. L'ACHÈVEMENT DE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

1. L'extension du principe d'égalité de traitement

Le titre II du projet de loi achève de transposer en droit interne la directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

Il vise à étendre le principe général d'égalité de traitement des personnes, quelles que soient leur origine nationale , leur appartenance ethnique ou leur race , à la protection sociale, la santé, aux avantages sociaux, à l'éducation, à l'accès aux biens et services, aux fournitures de biens et services, à l'affiliation et à l'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, à l'accès à l'emploi et au travail indépendant ou non salarié ( article 17, premier alinéa ).

2. L'aménagement de la charge de la preuve

L'article 17 du projet de loi aménage la charge de la preuve au profit de toute personne s'estimant victime d'une discrimination à raison de l'origine nationale, de l'appartenance ethnique ou de la race, dans les domaines sociaux visés par la transposition.

Ainsi, une personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte dans ces domaines devrait seulement établir devant le juge les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Il incomberait à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

C. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté quelques précisions au projet de loi, sans en modifier l'équilibre général.

1. La composition du collège de la haute autorité et de l'organisme consultatif

Les autorités désignant chacune deux membres de la haute autorité, soit le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre, devraient nommer chacun un homme et une femme, le principe de parité s'appliquant ainsi à huit des onze membres du collège.

La création d'un organisme consultatif auprès de la haute autorité serait désormais obligatoire et les personnes qualifiées appelées à y siéger seraient choisies parmi les représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et les personnes ayant une activité dans le domaine de compétence de la HALDE.

2. La précision de la place de la médiation par rapport à l'action en justice

La résolution amiable des conflits par le recours à la médiation serait une faculté à laquelle la haute autorité pourra procéder ou faire procéder , et non une solution qu'elle favoriserait, comme le prévoyait le projet de loi initial, laissant penser qu'elle ferait systématiquement prévaloir la médiation sur l'action en justice. Les victimes seraient ainsi assurées d'avoir le choix entre une médiation et l'action en justice.

3. L'extension de la mission de reconnaissance des bonnes pratiques en matière d'égalité de traitement

La mission d'identification et de reconnaissance des bonnes pratiques de la haute autorité ne porterait pas seulement sur l'égalité de traitement en matière professionnelle comme le prévoyait le texte initial, mais plus généralement sur l'égalité des chances et de traitement .

4. L'application de l'aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions administratives

L'aménagement de la charge de la preuve au bénéfice des victimes de discrimination dans les domaines sociaux visés par la transposition de la directive du 29 juin 2000 serait également applicable devant les juridictions administratives, exclues dans la rédaction du projet de loi initial.

5. Le transfert du personnel du GELD

Les personnels employés par le groupement d'intérêt public GELD, dont les missions d'observation et de signalement entreront dans les compétences de la haute autorité, pourraient bénéficier de contrats de droit public avec celle-ci.

6. Le maintien d'un service d'accueil téléphonique gratuit des victimes de discrimination

L'Assemblée nationale a substitué à la suppression initialement prévue du service téléphonique « 114 » le maintien d'un service d'accueil téléphonique gratuit devant recueillir les appels des personnes s'estimant victimes de discriminations. Il serait chargé de les informer et de les conseiller, en leur précisant notamment les conditions de saisine de la haute autorité.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : UNE CRÉATION NÉCESSAIRE, GAGE D'UNE LUTTE PLUS EFFICACE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Votre commission approuve l'objectif général du projet de loi, qui répond aux exigences communautaires et devrait utilement compléter notre ordre juridique en offrant aux victimes de discriminations un interlocuteur direct.

A. UNE AUTORITÉ DE NATURE À ASSURER L'EFFICIENCE DE DISPOSITIFS JURIDIQUES PEU APPLIQUÉS

1. Une nouvelle instance qui devra trouver sa place parmi les autorités administratives indépendantes

Plusieurs solutions auraient pu être envisagées pour compléter notre système juridique afin de rendre plus efficace la lutte contre les discriminations dans notre pays et de répondre aux exigences communautaires. En effet, d'autres autorités administratives indépendantes existent déjà, telles le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants, qui peuvent avoir à connaître, dans leur champ d'intervention particulier, de réclamations relatives à des comportements discriminatoires. Les compétences du Médiateur auraient ainsi pu être étendues, sous réserve de sa transformation en autorité collégiale, à la lutte contre les discriminations.

Peut-être un jour paraîtra-t-il pertinent de rassembler ces autorités en une seule instance collégiale, compétente à la fois en matière de droits de enfants, de traitement des réclamations des citoyens à l'égard des administrations et de lutte contre les discriminations, pour donner à l'accomplissement de ces missions complémentaires davantage de cohérence et de moyens 34 ( * ) .

Cependant aujourd'hui, la persistance des discriminations en France et l'acuité de leurs incidences sur les mécanismes d'intégration et la cohésion sociale rendent sans doute indispensable la création d'une autorité administrative indépendante spécialisée, et dont la visibilité manifeste la priorité de l'action publique dans ce domaine . Une telle autorité paraît d'autant plus appropriée que sa composition devrait garantir la diversité des sensibilités et des compétences, et qu'elle pourra associer à ses travaux des personnalités qualifiées qui ont acquis une expertise dans la lutte contre les discriminations.

Votre rapporteur souligne toutefois la nécessité, pour la future HALDE, de nouer des liens étroits avec les autorités administratives indépendantes intervenant dans des domaines connexes à la lutte contre les discriminations, en particulier le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission d'accès aux documents administratifs et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, afin d'éviter les conflits de compétence et de permettre des réflexions communes. Ces relations devraient être formalisées par des conventions .

2. Une autorité morale pour soutenir les victimes et combattre les préjugés

Si la future haute autorité paraît correspondre aux exigences du droit communautaire et disposer de prérogatives adaptées à sa mission, elle ne pourra asseoir sa légitimité en tant qu'autorité morale qu'en concentrant ses efforts sur le soutien aux victimes et la promotion des bonnes pratiques .

Elle devrait ainsi assurer une plus grande effectivité à l'ensemble des textes prohibant les discriminations, en aidant les victimes qui souvent se trouvent en position de faiblesse à constituer leur dossier avant, le cas échéant, de recourir à une médiation ou à la justice. La promotion de bonnes pratiques dans tous les domaines où peuvent se produire des discriminations, et particulièrement dans l'accès à l'emploi, au logement et aux biens et services, constituera par ailleurs l'instrument essentiel de sa lutte contre les préjugés qui fondent la plupart des comportements discriminatoires.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION POUR RENFORCER LES GARANTIES OFFERTES AUX CITOYENS

Les dix-sept amendements proposés par votre commission visent à conforter l'équilibre général du projet de loi en lui apportant notamment des compléments relatifs aux garanties de procédure . Ils s'inspirent parfois des statuts d'autres autorités administratives indépendantes intervenant dans la protection des droits fondamentaux et tendent également à renforcer la cohérence du texte avec le corpus juridique relatif à la lutte contre les discriminations.

1. La composition du collège de la haute autorité et le régime de déport de ses membres

Outre un amendement de précision tendant à prévoir que la haute autorité crée auprès d'elle un comité consultatif (article 2), votre commission vous propose deux amendements relatifs au collège de la haute autorité.

Le premier, à l'article 2, tend à appliquer aux désignations incombant aux autorités politiques 35 ( * ) deux objectifs de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et de respect du pluralisme . En effet, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne paraît pas entièrement satisfaisant au regard de la jurisprudence constitutionnelle. En revanche, la rédaction proposée par la commission reprend une formulation validée par le juge constitutionnel et inciterait les autorités politiques chargées de désigner des membres à se concerter.

Le deuxième amendement tend à insérer un article additionnel après l'article 2 relatif au régime de déport des membres de la haute autorité. Ceux-ci ne pourraient prendre part aux délibérations et aux investigations de la HALDE concernant un organisme au sein duquel ils détiennent ou ont détenu un intérêt ou un mandat, ou s'ils y exercent ou y ont exercé des fonctions.

2. L'ouverture de la saisine de la HALDE aux associations

Votre commission vous propose un amendement à l'article 3 visant à permettre aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, par leurs statuts, de combattre les discriminations ou d'assister les personnes qui en sont victimes, de saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination .

3. Les garanties de procédure pour les personnes entendues par la haute autorité

Afin d'assurer le respect du principe du contradictoire , votre commission vous soumet deux amendements aux articles 4 et 5 du projet de loi tendant à prévoir que les personnes entendues par la HALDE peuvent se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal contradictoire de leur audition leur est remis.

4. Des précisions relatives aux pouvoirs de la HALDE

Votre commission vous soumet cinq amendements tendant à :

- préciser, à l'article 4, que la haute autorité peut demander des explications ou la communication d'informations et de documents à toute personne physique ou à toute personne morale privée ;

- préciser, à l'article 5, les conditions du concours des autorités publiques , et particulièrement de leurs corps de contrôle, aux investigations de la haute autorité ;

- permettre, à l'article 7, aux membres de la haute autorité de participer eux-mêmes à des vérifications sur place ;

- prévoir, à l'article 10, que la haute autorité pourra, lorsque les personnes intéressées ne répondent pas ou de manière insuffisante, à ses recommandations, établir un rapport spécial qui sera publié au Journal officiel ;

- garantir, à l'article 11, que dans le cas où la haute autorité aurait connaissance de faits constitutifs de crimes ou de délits, le procureur de la République soit informé de toute médiation dès qu'elle a été initiée, afin de lui permettre au parquet, le cas échéant, d'exercer ses propres prérogatives en matière de médiation ;

- rendre automatique la transmission par la HALDE aux autorités publiques investies du pouvoir disciplinaire des informations relatives à des faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires (article 13).

5. Le renforcement du rôle consultatif de la HALDE

Votre commission vous soumet deux amendements à l'article 14, qui tendent à :

- rendre obligatoire la consultation de la haute autorité par le Gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité ;

- permettre à la haute autorité de contribuer, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

6. L'extension de l'aménagement de la charge de la preuve à tous les critères de discrimination

Votre commission vous soumet un amendement à l'article 17 afin d'étendre à tous les critères de discrimination visés par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations le droit à un traitement égal dans les domaines de la protection sociale, de l'éducation et de l'accès à l'emploi, l'aménagement de la charge de la preuve en cas de discrimination étant par conséquent applicable à ces critères.

7. La suppression de la gratuité du service d'accueil téléphonique

Votre commission vous soumet un amendement à l'article 19, tendant à supprimer la gratuité du service d'accueil téléphonique des personnes estimant avoir été victimes de discriminations. En effet, si le maintien d'un service d'accueil téléphonique paraît essentiel à l'exercice de la mission de soutien aux victimes de la HALDE, sa gratuité aurait une incidence financière qui n'a pas été prise en compte dans l'élaboration de son budget et risquerait d'entraîner un afflux d'appels fantaisistes. Il est donc proposé de supprimer cette gratuité, ce qui permettrait la mise en place d'un numéro à un coût réduit.

Votre commission vous soumet en outre un amendement à l'article 18, tendant à reporter d'un mois, soit au premier jour du deuxième mois suivant la publication de la loi, l'entrée en vigueur des dispositions du titre I er relatif à la HALDE, afin de permettre l'examen par le Conseil d'Etat du projet de décret destiné à préciser les modalités de son organisation.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE
CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

Article premier
Statut et compétence

Cet article tend à instituer une nouvelle autorité administrative indépendante dénommée Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dont il définit par ailleurs les compétences.

1. La création d'une nouvelle autorité administrative indépendante : un choix pertinent

La notion d'autorité administrative indépendante est une création d'origine sénatoriale . C'est en novembre 1977, à l'occasion de la discussion du projet de loi qui a créé la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qu' un amendement de la commission des Lois du Sénat inaugura cette nouvelle catégorie d'autorité administrative 36 ( * ) . Le Sénat a choisi cette qualification alors que l'Assemblée nationale proposait de faire de la CNIL un service du ministère de la justice. Cette innovation fut retenue au moment où le ministère de l'intérieur envisageait de centraliser les bases de données des services de police, sans débat public préalable.

Cette notion ne réapparaît qu'en 1984, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel qualifiant ainsi la Haute autorité de la communication audiovisuelle 37 ( * ) . Le juge constitutionnel donne alors à cette catégorie une place éminente dans l'ordonnancement juridique en considérant que « la désignation d'une autorité administrative indépendante du Gouvernement pour exercer une attribution aussi importante au regard de la liberté de communication que celle d'autoriser l'exploitation du service de radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé constitue une garantie fondamentale pour l'exercice d'une liberté publique ».

Le législateur a ensuite étendu la qualification d'autorité administrative à plus de dix institutions, recourant à cette formule pour répondre à des problèmes spécifiques.

Les autorités administratives indépendantes interviennent aujourd'hui dans des domaines très divers, avec des pouvoirs et des statuts d'une grande hétérogénéité . Dans son rapport public pour 2001, le Conseil d'Etat dénombre treize organismes définis comme des autorités administratives indépendantes par la loi ou par la jurisprudence. Parmi les plus importants figurent :

- la Commission nationale de l'informatique et des libertés (article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) ;

- le Médiateur de la République, créé par la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur et qualifié d'autorité administrative indépendante par la décision du Conseil d'Etat Retail du 10 juillet 1981 puis par la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social;

- le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) (article 1 er de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) ;

- la Commission de contrôle des campagnes électorales et des financements politiques (loi n° 90-55 du 15 janvier 1990) qualifiée d'autorité administrative indépendante par les décisions du Conseil constitutionnel n°s 91-1141/1142/1143/1144 DC du 31 juillet 1991, Elections Assemblée nationale, Paris (13 ème circ.) ;

- la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qualifiée d'autorité administrative indépendante par l'article 13 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de télécommunications ;

- l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), créée par la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications et qualifiée d'autorité administrative indépendante par la décision du Conseil constitutionnel n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 ;

- la Commission consultative du secret de la défense nationale (article 1 er de la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale) ;

- le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (article 14 de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage) ;

- le Défenseur des enfants (article 1 er de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants) ;

- la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), créée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité.

La création d'une autorité administrative indépendante dans le domaine de la lutte contre les discriminations semble donc correspondre aux critères qui justifient, en règle générale, la création de telles instances :

- garantir l'impartialité des interventions de l'Etat dans un domaine touchant aux droits et libertés, en les confiant à une institution libre de tout lien organique ou hiérarchique avec un ministre ;

- assurer la participation de personnes d'origines et de compétences diverses , ce qui peut paraître davantage justifié dans des matières techniques, mais l'est tout autant en matière de lutte contre des discriminations qui peuvent affecter les citoyens sur des fondements divers et dans tous les aspects de la vie sociale, professionnelle et privée ;

- permettre une action rapide et adaptée de l'Etat , l'autonomie conférée aux autorités administratives indépendantes les faisant échapper aux contraintes qui pèsent sur les modes traditionnels d'élaboration des décisions administratives ;

- faciliter le recours à la médiation , la croissance des saisines du Médiateur de la République illustrant les attentes des citoyens en la matière 38 ( * ) .

La HALDE devrait ainsi rejoindre la catégorie des autorités administratives chargées de protéger les libertés publiques, où figurent la CNIL, la CADA, la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et la commission nationale de déontologie de la sécurité.

2. Une compétence étendue à toutes les discriminations

L'article 1 er du projet de loi donne compétence à la haute autorité pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie 39 ( * ) .

Cet article reprend ainsi la distinction opérée par le droit communautaire entre discriminations directes et indirectes, qui sont définies de la façon suivante à l'article 2 de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique :

« Une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d'origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

« Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ».

Le champ de compétence ainsi défini, le plus large possible, pourra évoluer avec les modifications du droit international et interne.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er sans modification .

Article 2
Composition

Cet article tend à fixer les règles de composition de la haute autorité ainsi que celles relatives au mandat de ses membres et à l'organisme consultatif qu'elle peut créer auprès d'elle.

1. Une autorité collégiale à la composition en partie soumise au principe de parité entre les hommes et les femmes

La haute autorité serait une instance collégiale composée de onze membres nommés par décret du Président de la République. Quatre autorités politiques désigneraient chacune deux membres : le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre.

Trois autres membres seraient désignés respectivement par le Vice-président du Conseil d'Etat, le Premier président de la Cour de cassation et par le Président du Conseil économique et social.

Comme il est fréquent pour les autorités administratives indépendantes, le Président de la République désignerait, parmi les deux membres qu'il nomme, le Président de la haute autorité. Ce dernier représenterait la haute autorité, dont il dirigerait les services. Le décret d'application de la loi devrait lui attribuer une voix prépondérante, en cas de partage.

La taille du collège de la haute autorité serait proche de celle des institutions étrangères homologues :

- huit à quinze membres pour la Commission pour l'égalité raciale (Commission for Racial Equity) créée en 1975 au Royaume-Uni ;

- neuf membres permanents et neuf suppléants pour la Commission pour l'égalité de traitement (Commissie Gelijke Behandeling) créée en 1994 aux Pays-bas ;

- douze membres pour l'Autorité pour l'égalité (Equality Authority) créée en 1999 en Irlande ;

- quinze membres pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, créée en 1975.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture un amendement présenté par M. Philippe Vuilque et les membres du groupe socialiste, qui avait reçu un avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, prévoyant que le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre « désignent des membres de sexes différents ».

Le principe de parité entre les hommes et les femmes s'appliquerait donc à huit membres du collège sur onze .

La solution adoptée par l'Assemblée nationale ne paraît pas satisfaisante au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme l'a indiqué M. Gilles Lebreton, professeur, directeur du groupe de recherche en droit fondamental international et comparé (GREDFIC) à l'université du Havre, devant votre commission, et comme l'avait d'ailleurs souligné M. Pascal Clément, président de la commission des Lois et rapporteur du projet de loi, lors des débats à l'Assemblée nationale 40 ( * ) .

En effet, l'article 3, dernier alinéa, de la Constitution, issu de l'article 1 er de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999, dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », champ dont ne relève pas la qualité de membre du collège de la HALDE.

En revanche, statuant sur les articles 134 et 137 de la loi de modernisation sociale relatifs à la « représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » au sein des jurys chargés de prononcer la validation des acquis de l'expérience, le Conseil constitutionnel a estimé que ces articles « ne sauraient avoir pour effet de faire prévaloir, lors de la constitution de ces jurys, la considération du genre sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications » 41 ( * ) .

Votre commission estime que l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ainsi validé par le juge constitutionnel pourrait être appliqué aux autorités politiques chargées de désigner chacune deux membres du collège de la HALDE, les incitant ainsi à se concerter afin de parvenir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Ce principe de concertation serait également appliqué pour assurer, au sein du collège, le respect du pluralisme , qui fait tout l'intérêt d'une instance collégiale. Ainsi, dans l'hypothèse où des parlementaires seraient désignés pour faire partie de ce collège, ils devraient l'être de façon à assurer l'expression de sensibilités différentes. Cette concertation ne pourrait également que favoriser la pluridisciplinarité.

En revanche, il convient de ne pas appliquer ces objectifs aux trois autorités désignant chacune un membre, en raison de leur statut. En effet, ces dernières ne sont pas des autorités politiques issues d'une élection ou d'une majorité, mais de hauts magistrats - le vice-président du Conseil d'Etat et le Premier président de la Cour de cassation - et le président d'une assemblée consultative, le Conseil économique et social, composée notamment de représentants des organisations syndicales, des organisations professionnelles représentant les entreprises, des organismes de coopération et de la mutualité, et des associations familiales.

Le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions a été consacré comme « un fondement de la démocratie » par le Conseil constitutionnel 42 ( * ) . Si la mention du pluralisme comme objectif de la composition d'une autorité administrative indépendante constitue une innovation, elle paraît de nature à répondre aux attentes des associations de lutte contre les discriminations, et correspondre à des exigences inhérentes au domaine spécifique d'intervention de la haute autorité, qui traitera du principe fondamental d'égalité.

Votre commission vous invite par conséquent à adopter un amendement tendant à substituer au dispositif adopté par l'Assemblée nationale un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, et de respect du pluralisme, appliqué aux désignations du Président de la République, du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale et du Premier ministre.

2. Les règles relatives au mandat des membres de la haute autorité : des garanties d'indépendance et de continuité

La durée du mandat du président et des membres de la haute autorité serait fixée à cinq ans . Cette durée est la même que celle prévue pour les membres de la CNIL, les membres de la CNDS et du CSA étant en revanche nommés pour six ans, comme le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants.

Les dispositions de l'article 2 relatives au mandat des membres de la haute autorité leur apportent des garanties essentielles d'indépendance . Ainsi, leur mandat ne serait ni révocable, ni renouvelable, suivant une règle quasi générale pour les membres des autorités administratives indépendantes, le mandat des membres de la CNIL étant, par exception, renouvelable une fois.

La continuité des travaux de la haute autorité serait assurée par le renouvellement par moitié , tous les trente mois, des membres du collège, à l'exception du président. Pour le premier renouvellement, le décret d'application du projet de loi devrait prévoir l'organisation, lors de la première séance du collège, d'un tirage au sort entre les membres, hormis le président, des cinq membres dont le mandat sera d'une durée de trente mois. La plupart des autorités administratives indépendantes collégiales sont également soumises à un renouvellement partiel. La CNIL se renouvelle ainsi par moitié tous les trois ans, le CSA par tiers tous les deux ans.

Lorsque le siège d'un membre du collège de la HALDE deviendrait vacant, un nouveau membre devrait être nommé par décret du Président de la République, après désignation par l'autorité qui avait nommé le membre à remplacer. Le mandat du membre remplaçant pourrait être renouvelé s'il a occupé ses fonctions pendant moins de deux ans.

Le remplacement prévu en cas de vacance d'un siège s'appliquerait également dans l'hypothèse d'un empêchement pour raison de santé.

3. L'association de personnalités qualifiées aux travaux de la haute autorité

L'article 2 prévoit la création par la haute autorité de tout organisme consultatif placé auprès d'elle afin d'associer des personnalités qualifiées à ses travaux.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec un avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, un amendement présenté par M. Philippe Vuilque et les membres du groupe socialiste, précisant que les personnalités qualifiées appartenant à l'organisme consultatif sont choisies parmi des représentants des associations, des syndicats et des organisations professionnelles et les personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Dans son rapport, M. Bernard Stasi indique qu'un petit nombre d'associations et de syndicats avaient souhaité être représentés au sein de la HALDE, qui aurait alors comporté plusieurs collèges, au risque de conduire à un effectif pléthorique. En outre, un tel dispositif se serait inscrit dans une logique représentative, étrangère à l'objet d'une autorité administrative indépendante.

En revanche, la constitution d'un groupe d'experts, comme le prévoit le présent article, paraît nécessaire pour assurer l'indispensable participation des associations et des syndicats au fonctionnement de la haute autorité, notamment en tant qu'instance d'observation et d'étude chargée de promouvoir l'égalité.

Afin de prendre en compte le caractère désormais obligatoire de la création de cet organisme consultatif auprès de la haute autorité, votre commission vous soumet un amendement tendant à préciser que la haute autorité crée auprès d'elle un comité consultatif.

4. Les délégations territoriales, nécessaires relais de proximité pour la promotion de l'égalité

Le projet de loi ne prévoit pas la création de délégués territoriaux de la haute autorité, à la différence des préconisations du rapport de M. Bernard Stasi. Ce dernier indiquait en effet qu'une grande majorité d'interlocuteurs était favorable à la mise en place d'un tel réseau, afin de rapprocher, dans une logique de proximité , la HALDE des victimes de discriminations et d'assurer l'efficacité de ses actions et de sa politique de communication.

Les instances de lutte contre les discriminations créées par des pays étrangers disposent en général de bureaux locaux : dix-huit permanences d'accueil pour le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme en Belgique, six délégations régionales pour la Commission pour l'égalité raciale au Royaume-Uni et onze bureaux régionaux au Québec, pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dont les compétences sont très étendues.

Le Médiateur de la République dispose quant à lui du relais de 290 délégués territoriaux 43 ( * ) . Les premiers correspondants, désignés à titre expérimental en 1978, ont reçu la dénomination de délégués départementaux par le décret du 18 février 1986. L'article 6-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations les a habilités à favoriser, à leur niveau, le règlement des différends résultant de décisions prises localement.

S'agissant des délégués territoriaux de la HALDE, le décret d'application de la loi devrait définir leur rôle. Il pourrait néanmoins, à terme, être précisé par la loi, si le bilan du fonctionnement des premières délégations en faisait apparaître la nécessité. Devant votre commission, M. Bernard Stasi a annoncé que l'installation de cinq délégations pilotes , dont une outre-mer, était prévue en 2005, dans la perspective à plus long terme de la mise en place de 26 délégations régionales.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 2
Déport des membres du collège en cas de conflit d'intérêt

Votre commission vous soumet un amendement tendant à établir un régime de déport à l'égard des membres du collège de la haute autorité exerçant ou ayant exercé des responsabilités dans des organismes susceptibles de faire l'objet d'investigations ou de recommandations.

Si le projet de loi ne prévoit aucun régime d'incompatibilité afin de laisser le plus ouvert possible le recrutement des membres du collège de la haute autorité, il semble néanmoins nécessaire de prévoir des règles de nature à éviter tout conflit d'intérêt dans le fonctionnement de la future instance.

Le dispositif proposé s'inspire de celui adopté pour la CNIL, à l'article 14 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

Aucun membre de la haute autorité ne pourrait donc participer à une délibération ou à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, un mandat ou exerce des fonctions . Cette interdiction serait étendue aux fonctions ou participations intervenues au cours des trois années précédant la délibération ou les investigations en cause.

Afin d'assurer l'effectivité de ce dispositif, les membres du collège de la HALDE seraient tenus d'informer le président des intérêts et mandats qu'ils détiennent ou viennent à détenir et des fonctions qu'ils exercent ou viennent à exercer. Les membres du collège pourraient accéder à ces informations.

Il reviendrait au président de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées pour assurer le respect de ces dispositions. Il appartiendrait ainsi à la haute autorité d'apprécier dans chaque cas le déport qu'elle pourrait demander à ses membres.

Enfin, le décret d'application du projet de loi devrait prévoir que le président de la haute autorité exercera ses fonctions à temps plein et occupera un emploi public . La fonction de président de la HALDE sera par conséquent incompatible avec tout mandat parlementaire (art. L.O. 142 et 297 du code électoral) 44 ( * ) .

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission vous propose d'insérer un article additionnel après l'article 2.

Article 3
Règles de saisine

Cet article définit les modalités de saisine de la haute autorité.

Pourrait saisir la haute autorité toute personne physique ou morale qui s'estime victime de discrimination , dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat. Ces modalités se distinguent par leur grande souplesse.

Ainsi, à la différence des modalités de saisines prévues pour d'autres autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le projet de loi ne soumet pas la saisine de la haute autorité au « filtre » d'un parlementaire.

La saisine directe semble en effet davantage correspondre à l'objectif d'accessibilité d'une instance chargée de lutter contre les discriminations et de promouvoir l'égalité. M. Bernard Stasi estime par ailleurs que les risques d'engorgement ne sont pas dirimants, dès lors que la saisine devra être produite par écrit et présenter les faits que la personne estime constitutifs de discrimination à son égard. Les saisines fantaisistes devraient donc être aisément identifiables. L'article 3 renvoie à un décret en Conseil d'Etat les précisions relatives aux modalités de saisine 45 ( * ) .

A titre de comparaison, si le Médiateur de la République a été saisi, au total, de 55.635 affaires en 2003, la CNIL a reçu 6.136 réclamations la même année et la CADA 5.081.

L'article 3 prévoit en outre que la haute autorité pourra se saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, à la condition que la victime, si elle a été identifiée, ait été avertie et ne s'y soit pas opposée.

Afin de permettre aux personnes victimes de discrimination qui ne disposeraient pas objectivement des capacités de saisir la haute autorité sans l'appui d'un tiers, et d'assurer un rôle effectif aux associations qui ont pour objet d'aider de telles personnes, il semble pertinent d'inscrire dans la loi une possibilité de saisine de la HALDE par les associations . Un tel dispositif a été prévu pour le Défenseur des enfants, que peuvent saisir les associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits des enfants 46 ( * ) .

Le rôle des associations a également été reconnu par le législateur pour les discriminations frappant les salariés. Ainsi, aux termes de l'article L. 122-45-1, alinéa second, du code du travail, les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations, peuvent exercer en justice les actions qui naissent de l'article L. 122-45 du même code, prohibant les comportements discriminatoires dans les relations du travail, en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d'un salarié de l'entreprise, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé.

Votre commission vous invite par conséquent à adopter un amendement tendant à permettre aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, et se proposant dans leurs statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, de saisir la haute autorité, conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination. Cette saisine conjointe devrait garantir à la haute autorité le plein accord de la victime pour entreprendre une telle démarche.

La condition d'une durée d'existence de l'association de cinq ans au moins à la date des faits, destinée à garantir le sérieux des saisines, semble préférable, en l'espèce, au label de la reconnaissance d'utilité publique, plus contraignant et que ne possèdent, de surcroît, que les associations qui le sollicitent 47 ( * ) .

Enfin, la saisine de la haute autorité n'aurait pas d'effet suspensif sur les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux . Cette disposition, similaire à celle prévue par la loi créant la Commission nationale de déontologie de la sécurité, consacre la distinction entre l'autorité administrative indépendante que sera la HALDE et les juridictions.

En effet, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel, les autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions. Il a ainsi estimé que le Conseil de la concurrence, pourtant doté d'importants pouvoirs de sanction, était un « organisme administratif, de nature non juridictionnelle » 48 ( * ) .

En tant qu'autorité administrative, la HALDE devrait même être soumise, dans l'exercice de ses compétences, au contrôle du juge administratif 49 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
Recueil d'informations auprès de personnes privées

Cet article autorise la haute autorité à recueillir des informations sur les faits portés à sa connaissance.

L'article 4 prévoit ainsi que la haute autorité recueillera toute information sur les faits portés à sa connaissance et pourra, dans cet objectif :

- demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle ;

- demander communication d'informations et de documents, quel qu'en soit le support ;

- entendre toute personne dont le concours lui paraîtrait utile, précision importante compte tenu de la multiplicité des critères et des champs de discrimination. Elle permettra aux onze membres du collège de la HALDE de bénéficier, en complément de l'appui de l'organisme consultatif, de l'avis d'experts.

Sans confier à la haute autorité une mission de police judiciaire et les pouvoirs qui s'y attachent, le projet de loi lui attribue des pouvoirs d'investigation qui devraient lui permettre de vérifier les faits et de mettre au jour, le cas échéant, les responsabilités.

Ces compétences n'excèdent pas les limites de l'enquête administrative et sont de la même teneur que celles confiées à d'autres autorités administratives indépendantes . Certaines de ces autorités sont ainsi habilitées à ordonner des convocations et à procéder à des auditions, telles le Médiateur de la République et la CNDS, ou à procéder à des enquêtes sur pièces et sur place, par l'intermédiaire d'agents placés sous leur autorité ou de corps spécialisés d'enquêteurs ou d'inspecteurs, comme c'est le cas pour la CNIL, le Conseil de la concurrence, ou l'ART.

Dans le traitement des réclamations qui lui seront adressées, la haute autorité exercera d'abord auprès des victimes un rôle d'accueil, d'information et d'orientation. Elle ne pourra apporter aux victimes une aide efficace que dans la mesure où elle disposera d'éléments plus précis sur les faits.

Dotée de pouvoirs d'investigation, la haute autorité sera en mesure d'aider les victimes de discrimination à établir des éléments de preuve pour ensuite, si elles l'estiment nécessaire, saisir la justice. Les prérogatives que lui confère le projet de loi pour recueillir des informations, auprès des personnes privées mais aussi, à l'article 5, auprès des autorités publiques, sont donc l'outil indispensable de sa mission d'assistance aux victimes.

Afin de rendre plus explicite le champ d'application du présent article, votre commission vous soumet un premier amendement visant à préciser que la haute autorité peut demander des explications, ainsi que la communication d'informations et de documents à toute personne physique mais aussi à toute personne morale privée. La haute autorité pourrait ainsi adresser ses demandes aux dirigeants des entreprises ou organismes mis en cause ou employant des personnes mises en cause, ce qui lui permettrait, le cas échéant, de mieux mesurer l'ampleur des pratiques discriminatoires.

En outre, s'il paraît nécessaire de prévoir que la haute autorité puisse demander des explications aux personnes privées mises en cause devant elle, il semble pertinent, compte tenu des possibles suites judiciaires des auditions, de les assortir de garanties procédurales 50 ( * ) .

Votre commission, très attachée au respect des droits de la défense , vous invite par conséquent à adopter un deuxième amendement tendant à prévoir que les personnes privées mises en cause devant la haute autorité et auxquelles elle demande des explications pourront se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal contradictoire de leur audition leur sera remis.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5
Relations avec les autorités publiques

Cet article tend à fixer des obligations spécifiques aux autorités publiques à l'égard de la haute autorité, dans le cadre de sa mission de recueil d'informations sur les faits portés à sa connaissance.

Ces obligations sont plus strictes que celles définies à l'article 4 pour les personnes privées, suivant ainsi la logique des sanctions prévues par le code pénal en matière de discriminations, plus lourdes quand elles sont commises par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public 51 ( * ) .

Le présent article imposerait aux autorités publiques et aux organismes chargés d'une mission de service public d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux demandes de la haute autorité . Ces agents seraient eux-mêmes tenus de déférer aux demandes de la haute autorité.

En outre, la haute autorité pourrait demander aux autorités publiques de faire procéder à des vérifications et à des enquêtes par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité, tels que les inspections générales. Les autorités responsables seraient tenues de donner suite à ces demandes.

Le caractère coercitif des demandes d'information faites aux administrations par les autorités administratives indépendantes participant à la garantie des libertés publiques appartient au champ traditionnel de leurs pouvoirs. En effet, des prérogatives semblables ont été confiées au Médiateur de la République, par l'article 12 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, et à la CNDS, par l'article 5 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000.

Afin d'assurer aux agents publics entendus par la haute autorité les mêmes garanties quant au principe du contradictoire qu'aux personnes privées, votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir qu'ils pourront se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal contradictoire de leur audition leur sera remis.

Cet amendement vise en outre à préciser les modalités du concours des autorités publiques aux investigations de la haute autorité , en s'inspirant du dispositif adopté pour la CNDS. Il prévoit par conséquent :

- que les autorités publiques devront prendre toutes mesures pour faciliter la tâche de la haute autorité ;

- qu'elles devront communiquer à la HALDE, sur sa demande, toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ;

- que la haute autorité pourra demander aux ministres de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions, les ministres étant tenus de l'informer des suites données à ses demandes.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
Médiation

Cet article permet à la haute autorité de recourir à la médiation pour résoudre de façon amiable les différends portés à sa connaissance.

La médiation consiste, pour la personne choisie par les antagonistes, à proposer à ceux-ci un projet de solution, sans s'efforcer nécessairement de rapprocher leurs positions, à la différence de la conciliation, et sans pouvoir imposer cette solution comme une solution obligatoire, à la différence de l'arbitrage ou de la décision juridictionnelle. L'aboutissement de la médiation requiert par conséquent l'accord des parties . En cas d'échec, l'action en justice pourra être utilisée.

Les constatations et déclarations recueillies en cas de recours à la médiation ne pourraient être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées. Cette disposition, qui assure la neutralité de la médiation , ne trouverait pas à s'appliquer dans le domaine pénal, l'article 11 du projet de loi imposant à la haute autorité d'informer le procureur de la République lorsque les faits portés à sa connaissance paraissent constitutifs d'un crime ou d'un délit 52 ( * ) .

Le texte initial prévoyait que la haute autorité « favorise » la médiation, ce qui laissait penser que la médiation aurait pu prévaloir sur des poursuites judiciaires, même dans des cas de discrimination très graves.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, deux amendements identiques respectivement présentés par M. Julien Dray et par MM. Yves Jego et Jacques-Alain Bénisti, tendant à préciser que la haute autorité peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable, par voie de médiation, des différends portés à sa connaissance. La rédaction modifiée substitue une faculté à ce qui pouvait être interprété comme un principe obligatoire, susceptible d'empêcher des poursuites judiciaires.

Les modalités d'exercice de la médiation ne sont pas précisées par le projet de loi. Le décret d'application de la loi devrait prévoir que la haute autorité pourra, après avoir recueilli l'accord des personnes en cause, désigner un médiateur afin de confronter leurs points de vue et de trouver une solution au conflit qui les oppose.

Le médiateur serait habilité à entendre, dans l'exercice de sa mission et avec l'accord des parties, les tiers qui y consentent. Il pourrait appartenir au personnel de la haute autorité ou, à défaut, devrait satisfaire à un ensemble de conditions de nature à garantir sa moralité et son indépendance 53 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .

Article 7
Vérifications sur place

Cet article autorise des agents de la haute autorité à procéder à des vérifications sur place dans les locaux administratifs, dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels.

Comme la Commission nationale de déontologie de la sécurité, également amenée à aider les personnes victimes de comportements attentatoires à leurs droits fondamentaux, la haute autorité de lutte contre les discriminations serait investie de pouvoirs d'enquête particulièrement étendus pour une autorité administrative indépendante.

Afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire , toute vérification sur place serait soumise à un préavis et à l'accord des personnes intéressées. L'avis adressé aux personnes mises en cause leur permettrait d'être présentes si elles le désirent. La haute autorité pourrait, lors de ces vérifications, entendre toute personne susceptible de fournir des informations.

Le présent article définit en outre les catégories de locaux dans lesquels pourront avoir lieu les vérifications sur place et précise, pour les locaux professionnels, qu'il doit s'agir de locaux exclusivement consacrés à cet usage, écartant toute intervention au domicile privé des personnes.

Les agents de la haute autorité chargés de procéder à des vérifications sur place devraient recevoir une habilitation spécifique du procureur général près la cour d'appel de leur domicile. Le décret d'application de la loi définira les conditions et modalités de délivrance de cette habilitation.

Dans un souci de cohérence, votre commission vous invite à adopter un amendement tendant à préciser que la haute autorité peut charger un ou plusieurs de ses membres ou agents de procéder à des vérifications sur place. Les membres du collège de la haute autorité seraient ainsi en mesure de participer à des vérifications sur place, sans avoir à obtenir une habilitation, à la différence des agents qui pourraient les accompagner.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .

Article 8
Mise en demeure et saisine du juge des référés

Cet article autoriserait la haute autorité à mettre en demeure de lui répondre les personnes ayant laissé sans suite ses demandes et lui permettrait de saisir le juge des référés aux fins d'ordonner des mesures d'instruction.

Il définit par conséquent les pouvoirs de contrainte que pourra exercer la haute autorité dans sa mission de recueil d'informations et d'aide au rassemblement d'éléments de preuve. La suggestion du rapport de M. Bernard Stasi consistant à prévoir, parmi les mesures coercitives, une sanction pénale en cas de refus d'autoriser l'accès aux documents et informations professionnels n'a pas été reprise dans le projet de loi 54 ( * ) . Le dispositif choisi paraît néanmoins de nature à assurer l'effectivité des pouvoirs d'investigation de la HALDE.

Celle-ci pourra dans un premier temps, lorsque ses demandes ne sont pas suivies d'effet, mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre, dans un délai qu'elle fixera . La mise en demeure sera applicable à toutes les demandes de la haute autorité : demandes d'explications, d'informations ou de documents.

En cas de refus persistant de la part de l'intéressé, le président de la haute autorité pourra saisir le juge des référés d'une demande motivée, afin que ce dernier ordonne toute mesure d'instruction qu'il juge utile.

Cette possibilité de demander l'appui du juge adapte aux prérogatives de la haute autorité les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile 55 ( * ) , qui permet au juge d'ordonner les mesures d'instruction légalement admissibles pour établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Comme l'indique le Conseil d'Etat dans son rapport public pour 2001, « autorités administratives indépendantes et juridictions sont appelées à se renforcer mutuellement 56 ( * ) ». Ainsi, le président du CSA peut demander au Conseil d'Etat de statuer en référé par voie d'ordonnance pour prononcer des injonctions, des mesures conservatoires ou des astreintes nécessitées par l'urgence.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 sans modification .

Article 9
Secret professionnel

Cet article prévoit, d'une part, que les personnes astreintes au secret professionnel ne pourraient être poursuivies pour la révélation de secrets intéressant les compétences de la haute autorité et soumet, d'autre part, les membres, les agents de la HALDE et les personnes qualifiées auxquelles elle fait appel, au secret professionnel.

1. L'absence de poursuite pénale pour la révélation à la haute autorité de faits couverts par le secret professionnel

Aux termes de l'article 226-13 du code pénal, « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende . »

Le premier alinéa de l'article 9 exclurait de toutes poursuites, en application de ces dispositions, la révélation de secrets à la haute autorité, dès lors que les informations dévoilées entrent dans son champ de compétence.

Comme l'a indiqué Mme Catherine Vautrin, alors secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, lors des auditions de votre commission, ces dispositions n'ont pas vocation à obliger une personne à enfreindre le secret professionnel, mais seulement à la soustraire à des poursuites pénales , si elle venait à le faire pour révéler à la haute autorité des faits relevant de discriminations prohibées par la loi ou les engagements internationaux auxquels la France est partie.

Le présent article se borne en effet à instituer une exception aux sanctions pénales et non une incitation à révéler les secrets protégés. Il se situe donc dans le cadre prévu par l'article 226-14 du code pénal, qui dispose que « l'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ».

Il appartient ainsi au législateur de mettre en balance les objectifs de protection du secret professionnel d'une part, et de lutte contre les discriminations et pour l'égalité d'autre part, les exigences de celle-ci, attachées au principe constitutionnel d'égalité, pouvant justifier des aménagements au premier.

L'article 226-14 du code pénal précise d'ailleurs que l'article 226-13 n'est pas applicable à l'égard notamment :

- d'une personne qui informerait les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris s'agissant d'atteintes sexuelles, lorsque la victime est un mineur de quinze ans ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ;

- d'un médecin qui, avec l'accord de la victime, porterait à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises.

2. Le respect du secret professionnel par les membres et agents de la haute autorité

L'exception prévue aux poursuites pénales en cas de révélation d'informations couvertes par le secret professionnel paraît d'autant plus légitime qu'elle a pour corollaire le respect du secret professionnel par les personnes qui pourraient, en vertu de leurs fonctions, avoir connaissance des informations communiquées à la HALDE.

Le second alinéa de l'article 9 tend ainsi à astreindre au secret professionnel les membres et agents de la haute autorité ainsi que les personnalités qualifiées appelées à siéger au sein de l'organisme consultatif qu'elle peut créer.

Ces personnes ne peuvent s'exonérer du secret professionnel que pour établir les avis, recommandations et rapports de la haute autorité.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .

Article 10
Recommandations de la haute autorité

Cet article prévoit que la haute autorité formule des recommandations pour prévenir ou remédier à des faits ou pratiques discriminatoires.

La diversité des missions confiées aux autorités administratives indépendantes a conduit le législateur à les doter de pouvoirs très hétérogènes, allant de l'avis ou de la recommandation au pouvoir de sanction. La faculté d'émettre un avis ou de formuler des recommandations apparaît comme le pouvoir minimum, le Conseil d'Etat relevant que « plus ces autorités interviennent dans un domaine régalien de l'activité de l'Etat, moins elles ont de pouvoirs contraignants » 57 ( * ) .

S'agissant des autorités administratives indépendantes compétentes dans le domaine des libertés publiques, cette gradation reflète la distinction avec l'autorité judiciaire, à laquelle l'article 66, deuxième alinéa, de la Constitution, confie la protection de la liberté individuelle.

Ainsi, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la CNDS peuvent faire des recommandations leur paraissant de nature à régler les difficultés dont ils sont saisis et, à défaut de réponse satisfaisante dans un délai défini, rendre publiques ces recommandations.

L'article 10 confie un pouvoir semblable à la HALDE, les autorités ou personnes intéressées étant tenues, dans un délai fixé par la HALDE, de lui rendre compte des suites données à ses recommandations . Tout fait ou pratique qu'elle estime discriminatoire pourra faire l'objet d'une recommandation, même si la haute autorité n'en a pas été saisie. Ces recommandations viseront aussi bien les personnes physiques que les personnes morales, privées ou publiques.

Le projet de loi ne soumet pas la publicité des recommandations à une condition de réponse des intéressés, mais renvoit la définition de ses modalités à un décret en Conseil d'Etat.

La possibilité de publier au Journal officiel des rapports sur les manquements des organismes n'ayant pas suivi les recommandations de certaines autorités administratives indépendantes semble être un moyen de pression adapté à de telles instances. Ainsi la CNDS peut, aux termes de la loi du 6 juin 2000, établir un rapport spécial publié au Journal officiel lorsque les personnes visées par ses recommandations ne lui rendent pas compte des suites qu'elles y ont données ou lorsqu'elle estime, au vu du compte rendu qui lui a été adressé, que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir un dispositif identique pour la haute autorité, afin de mieux assurer l'effectivité de ses recommandations. Dans l'hypothèse où les personnes intéressées ne lui auraient pas rendu compte de leur application ou si les mesures prises lui paraissaient insuffisantes au vu du compte rendu communiqué, elle pourrait élaborer un rapport spécial qui serait publié au Journal officiel.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11
Relations avec l'autorité judiciaire

Cet article tend à préciser les relations de la haute autorité avec l'autorité judiciaire.

Il prévoit tout d'abord que la haute autorité informe le procureur de la République lorsqu'il apparaît que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit, conformément à l'article 40, deuxième alinéa, du code de procédure pénale, qui dispose que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs . »

La haute autorité devrait également indiquer au procureur de la République qu'elle a engagé une mission de médiation, celui-ci devant quant à lui informer la HALDE des suites données à ses transmissions.

Le présent article tend par ailleurs à régler les relations de la haute autorité avec la justice lorsqu'elle est saisie de faits donnant lieu à enquête pénale, à une information judiciaire ou à des poursuites .

Si le Médiateur de la République ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction 58 ( * ) , la HALDE pourra, lorsqu'elle sera saisie de faits donnant lieu à une procédure judiciaire, mettre en oeuvre ses propres pouvoirs d'enquête, à la condition de recueillir l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République. Elle bénéficiera donc d'un dispositif semblable à celui adopté pour la CNDS 59 ( * ) et sera ainsi, le cas échéant, davantage en mesure de présenter ses observations devant le juge, comme l'article 12 en prévoit la possibilité.

Par ailleurs, attachée à la distinction des prérogatives de l'autorité judiciaire et des pouvoirs de la haute autorité, votre commission considère qu'il est nécessaire d'éviter toute interférence entre la HALDE et les compétences du procureur de la République dans le domaine de la médiation.

L'article 41-1 du code de procédure pénale dispose en effet que ce dernier, « s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits » peut, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République, « faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime . »

L'article 11 prévoit que la haute autorité informe le procureur de la République qu'une mission de médiation « est en cours ou a déjà eu lieu ». Il conviendrait que la haute autorité, lorsqu'elle a connaissance de faits constitutifs de crimes ou de délits, informe le procureur de la République avant que la médiation ne soit achevée, afin de respecter les compétences que lui donne l'article 41-1 du code de procédure pénale pour faire procéder à une mission de médiation.

Votre commission des Lois vous invite par conséquent à adopter un amendement tendant à prévoir que l'information du procureur de la République par la haute autorité intervient dès que la mission de médiation a été initiée, ce qui permettra au parquet, le cas échéant, d'exercer ses compétences en ce domaine.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié .

Article 12
Présentation d'observations devant les juridictions

Cet article permet aux juridictions civiles, pénales ou administratives, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations.

Les juridictions pourraient solliciter la haute autorité d'office ou à la demande des parties. Toutefois, devant les juridictions pénales, la haute autorité pourrait être invitée à présenter, à sa demande, des observations, qu'elle serait autorisée à développer oralement au cours de l'audience. Cette disposition devrait permettre à la HALDE de jouer pleinement son rôle de soutien aux victimes de discrimination, afin d'assurer une plus grande efficience aux sanctions prévues par le code pénal. Elle ne saurait être étendue aux procès civils pour lesquels, aux termes de l'article 2 du nouveau code de procédure civile, les parties conduisent l'instance.

Les juridictions peuvent en effet faire appel à l'expertise des autorités administratives indépendantes et à leurs moyens, dans le cadre du règlement des litiges qui leur sont soumis.

Ainsi, le Conseil d'Etat a demandé au Conseil de la concurrence de lui fournir certains éléments d'appréciation de nature à faciliter son contrôle, avant de se prononcer dans l'affaire Société EDA 60 ( * ) , faisant application de l'article L. 462-3 du code de commerce qui ouvre la possibilité aux juridictions de consulter cette instance « sur les pratiques anticoncurrentielles [...] relevées dans les affaires dont elles sont saisies ».

Cette faculté, qui peut être préférée par le juge judiciaire à la formule du recours à des experts 61 ( * ) , est inédite pour une autorité administrative indépendante intervenant dans le domaine des droits fondamentaux et libertés publiques 62 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 sans modification .

Article 13
Information des autorités ou personnes publiques
investies du pouvoir disciplinaire

Cet article règle les rapports de la haute autorité avec les autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire.

Il permet à la haute autorité de porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, commis par leurs agents. Le projet de loi donne par conséquent à la haute autorité la capacité à signaler des faits à l'autorité disciplinaire, mais n'organise pas de transmission automatique, à la différence de ce que prévoit l'article 9 de la loi du 6 juin 2000 créant la CNDS 63 ( * ) .

Le Médiateur de la République, qui traite les réclamations des usagers à l'égard du fonctionnement des administrations, peut quant à lui engager, en lieu et place de l'autorité compétente, une procédure disciplinaire contre tout agent responsable (art. 10 de la loi du 3 janvier 1973).

La haute autorité devra informer la personne mise en cause de toute transmission à l'autorité disciplinaire et sera tenue informée des suites données à cette transmission.

Le projet de loi obligeant la HALDE, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, à informer le procureur de la République de tout fait constitutif d'un délit ou d'un crime dont elle aurait connaissance, votre commission vous soumet un amendement tendant à rendre automatique l'information de l'autorité disciplinaire compétente pour les agents publics sur tout fait susceptible d'entraîner des poursuites disciplinaires.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
Actions de promotion de l'égalité et rôle consultatif

Cet article tend à définir la mission de promotion de l'égalité de la haute autorité et à lui attribuer un rôle consultatif à l'égard du Gouvernement.

Afin de promouvoir l'égalité, et conformément aux prescriptions des directives communautaires, la HALDE devrait par conséquent :

- mener des actions de communication et d'information et favoriser la mise en oeuvre de programmes de formation ;

- conduire et coordonner des travaux d'études et de recherches, susciter et soutenir les initiatives des organismes publics et privés pour l'élaboration d'engagements ;

- identifier et reconnaître les bonnes pratiques en matière d'égalité des chances et de traitement.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec un avis favorable de sa commission des Lois et du Gouvernement, un amendement présenté par M. Frédéric Dutoit, supprimant la limitation au seul champ professionnel de cette mission d'identification et de reconnaissance des bonnes pratiques.

Lors des auditions de votre rapporteur, M. Laurent Blivet, chercheur associé à l'institut Montaigne 64 ( * ) , a jugé fondamental le rôle que devrait exercer la haute autorité pour identifier et promouvoir les bonnes pratiques. Il a estimé qu'une telle expertise publique en matière de discrimination permettrait en particulier de définir de bonnes pratiques de recrutement, afin d'éliminer progressivement des a priori aux effets discriminatoires, sans recourir à la discrimination positive.

Les trois principaux instruments de la promotion de l'égalité confiés à la haute autorité -communication, recherches, engagements et bonnes pratiques- sont donc complémentaires. La HALDE devrait ainsi être en mesure de susciter une synergie entre les services intervenant dans la lutte contre les discriminations, ceux produisant des outils statistiques propres à les mesurer, les partenaires sociaux et les entreprises.

Dès avant la mise en place de la haute autorité, une première charte de la diversité dans l'entreprise a recueilli, au 31 octobre 2004, l'engagement d'une quarantaine d'entreprises souhaitant « dépasser les réflexes de confort, de prudence ou de conformisme, qui freinent le recrutement des diplômés issus des minorités visibles, puis leur promotion dans l'entreprise » 65 ( * ) . Les entreprises signataires s'engagent notamment à respecter et promouvoir l'application du principe de non-discrimination sous toutes ses formes et dans toutes les étapes de gestion des ressources humaines telles que l'embauche, la formation, l'avancement ou la promotion professionnelle des collaborateurs.

M. Laurent Cocquebert, directeur général de l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI), a salué devant votre rapporteur la pertinence de la fonction de définition de bonnes pratiques qui serait confiée à la haute autorité. Déclarant que les discriminations visant les personnes handicapées mentales étaient davantage fondées sur une méconnaissance que sur des sentiments d'hostilité à leur égard, il a souligné l'importance du travail pédagogique auquel pourrait ainsi contribuer la HALDE.

Les actions de communication et d'information de la HALDE seront donc les relais essentiels de la lutte contre les préjugés sur lesquels se fondent nombre de comportements discriminatoires.

L'article 14 permettra par ailleurs à la haute autorité de recommander des modifications législatives ou réglementaires , comme peuvent le faire les autorités administratives indépendantes intervenant dans la protection des droits fondamentaux (Médiateur de la République, Défenseur des enfants, CNDS...).

Il prévoit également que la haute autorité pourra être consultée sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

Votre commission vous invite à adopter deux amendements tendant à :

- rendre obligatoire la consultation de la HALDE sur les projets de loi relatifs à ces domaines, sa consultation étant laissée à l'appréciation du Gouvernement pour les questions qui peuvent surgir à l'occasion de l'élaboration de textes réglementaires ou dans le fonctionnement des administrations ;

- permettre à la haute autorité de contribuer, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations, ou de participer à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.

Cette disposition reprend celle prévue notamment pour la CNIL 66 ( * ) , et vise à prendre en compte l'influence du droit international et de l'action communautaire sur les objectifs et méthodes de la lutte contre les discriminations.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié .

Article 15
Rapport annuel

Cet article prévoit que la haute autorité remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendu public.

Cette disposition, habituelle pour les autorités administratives indépendantes, permettra d'appréhender l'évolution des comportements et pratiques discriminatoires dans notre pays et offrira à la haute autorité un moyen de pression en lui permettant de publier des recommandations et des appréciations.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 sans modification .

Article 16
Crédits et contrôle des comptes
de la Haute Autorité

Cet article tend à définir les règles relatives à la gestion financière de la haute autorité.

Il prévoit que les crédits nécessaires à l'accomplissement par la haute autorité de sa mission sont inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales . Ainsi, un budget de 10.700.000 euros est d'ores et déjà inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005 pour la HALDE. Cette dotation, inscrite au chapitre 37-04, devrait provenir à hauteur de 7,4 millions d'euros de transferts à partir des budgets des ministères de l'économie, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer.

L'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances entraînera, à partir du projet de loi de finances pour 2006, le regroupement au sein d'une mission « solidarité et intégration », des moyens budgétaires alloués aux divers champs de l'action sociale. Le budget consacré à la haute autorité pourrait alors faire l'objet d'une « action » à part entière au sein du programme intitulé « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », de la même façon que le Médiateur de la République apparaîtra sous la forme d'une action propre dans le programme « coordination du travail gouvernemental » de la mission « direction de l'action du Gouvernement ».

Le présent article confie au président de la haute autorité le pouvoir d'ordonnancer les recettes et les dépenses de la future instance. Si ce pouvoir d'ordonnancement des recettes et des dépenses est attribué à une minorité des présidents d'autorités administratives indépendantes, il est en général confié à ceux qui dirigent des instances disposant de pouvoirs d'investigation ou de contrôle.

Il constitue alors une garantie d'indépendance supplémentaire, en affranchissant le président de l'autorité de toute tutelle ministérielle et en lui permettant d'utiliser le budget globalisé dont il dispose selon les besoins de l'instance. La loi attribue ainsi un pouvoir similaire au président de la CNDS et au président du CSA.

La Cour des comptes exercerait un contrôle a posteriori des comptes de la haute autorité, comme elle le fait pour les autres autorités administratives indépendantes dont les dépenses et les recettes sont payées et recouvrées par un comptable public. Elle a ainsi procédé en 2001 au contrôle des comptes du CSA pour les exercices 1994 à 1999.

En revanche, le présent article soustrait les comptes de la HALDE de l'application de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. Les dépenses engagées par la haute autorité ne seraient donc pas soumises au contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère chargé des finances. Sans constituer une garantie indispensable à l'indépendance des autorités administratives indépendantes, cette facilité de gestion est néanmoins accordée à plusieurs d'entre elles, telles que la CNIL, le CSA, ou le Défenseur des enfants.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 16 sans modification .

Article 16 bis
Personnel du Groupe d'étude et de lutte
contre la discrimination

Issu d'un amendement présenté par M. Pascal Clément, président de la commission des Lois et rapporteur du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article règle le statut des personnels employés par le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD).

Le groupement d'intérêt public GELD , dont les attributions entreront dans les compétences confiées à la haute autorité, devrait en effet être supprimé, sa convention constitutive arrivant d'ailleurs à expiration au printemps 2005.

Le présent article tend par conséquent à prévoir que les personnels de ce groupement d'intérêt public pourront, à leur demande, bénéficier d'un contrat de droit public conclu avec la haute autorité . Cette possibilité concernerait notamment le personnel du service d'accueil téléphonique 114, soit une vingtaine de personnes.

Le présent article exclut par conséquent l'application aux personnels transférés du GELD à la haute autorité de certaines dispositions du code du travail relatives à la résiliation du contrat, en matière de droit à un délai congé (art. L. 122-6), de droit à une indemnité de licenciement (art. L. 122-9) et d'ancienneté (art. L. 122-10).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 16 bis sans modification .

TITRE II
MISE EN oeUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ
DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNE
SANS DISCRIMINATION D'ORIGINE ETHNIQUE
ET PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE
N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel tendant à adapter l'intitulé du titre II aux modifications qu'elle vous propose à l'article 17, relatif à la transposition de la directive du 29 juin 2000.

Votre commission vous propose d'adopter l'intitulé du titre II ainsi modifié .

Article 17
Transposition de la directive n° 2000/43/CE du 29 juin 2000

Cet article parachève la transposition en droit interne de la directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

1. L'extension du principe général d'égalité de traitement à tous les domaines visés par la directive

Cette directive a pour objet « d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement » (article 1 er ).

Elle a été transposée dans le code du travail (art. L. 122-45 et L. 122-45-1) et dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (art. 6) par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Les dispositions de la directive relatives au harcèlement moral, considéré comme une forme de discrimination (art. 2, paragraphe 3 de la directive) ont été inscrites dans le code du travail (art. L. 122-49 et L. 122-55) par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Cette dernière a également transposé les prescriptions de la directive en matière de discrimination dans l'accès au logement au sein de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (art. 1 er ).

Afin de satisfaire complètement aux exigences de cette directive, le présent article vise à étendre le droit à un traitement égal aux matières visées par la directive du 29 juin 2000 qui n'ont pas encore fait l'objet d'une transposition : la protection sociale, la santé, les avantages sociaux, l'éducation, l'accès aux biens et services, les fournitures de biens et services, l'affiliation et l'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris les avantages procurés par elle, l'accès à l'emploi, l'emploi et le travail indépendants ou non salariés.

L'inscription du principe de non-discrimination en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle résulte d'un amendement présenté par M. Pascal Clément, président de la commission des Lois et rapporteur du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

2. L'aménagement de la charge de la preuve

Le présent article vise également à transposer, pour les matières auxquelles il étend l'application du principe de l'égalité de traitement, les dispositions de l'article 8 de la directive du 29 juin 2000, renvoyant à la partie défenderesse la nécessité de prouver qu'il n'y a pas eu violation de ce principe.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture trois amendements identiques respectivement présentés par M. Patrick Bloche et les membres du groupe socialiste, Mme Martine Billard et M. Philippe Edmond-Mariette, tendant à permettre l'application de l'aménagement de la charge de la preuve devant le juge administratif.

Cette disposition ne s'appliquerait donc seulement devant les juridictions civiles et administratives. En effet, en vertu du principe de présomption d'innocence, proclamé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'aménagement de la charge de la preuve ne saurait être appliqué devant le juge pénal 67 ( * ) .

Dans sa jurisprudence sur les textes organisant, en matière de discriminations, un aménagement de la charge de la preuve au profit du demandeur, le Conseil constitutionnel émet en général une réserve soulignant la nécessité pour la victime de présenter des éléments de présomption précis et concordants, laissant supposer la discrimination. Il rappelle en outre que le juge doit, pour forger sa conviction, ordonner toutes mesures d'instruction utiles à la résolution du litige 68 ( * ) . Le juge constitutionnel fait ainsi prévaloir le caractère juste, équitable et contradictoire de la procédure, qui garantit le respect du principe des droits de la défense et d'un équilibre des armes acceptable entre parties.

Suivant la logique d'universalité qui conduit à attribuer à la haute autorité une compétence pour toutes les discriminations, votre commission vous soumet un amendement tendant à étendre le droit à l'égalité de traitement dans les domaines visés par la transposition à tous les critères de discrimination énumérés par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, soit l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, l'appartenance ethnique ou raciale, la nationalité, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le patronyme, l'état de santé ou le handicap 69 ( * ) .

Cet amendement assurera une plus grande homogénéité de notre ordre juridique, en donnant aux citoyens les mêmes garanties, quel que soit le critère de discrimination. Il rendrait par ailleurs applicable pour toutes les discriminations prohibées par notre droit interne l'aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles et administratives, dans les domaines visés par le premier alinéa de l'article 17.

Serait ainsi rétablie la cohérence entre le projet de loi et les dispositions de la loi du 16 novembre 2001 qui prévoit un aménagement de la charge de la preuve pour les victimes de toutes les discriminations qu'elle interdit en matière de recrutement, de rémunération, de formation, de qualification ou encore de promotion professionnelle.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

TITRE III
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 18
Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Cet article fixe la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et renvoie à un décret en Conseil d'Etat ses conditions d'application, y compris transitoires.

L'entrée en vigueur de la loi , qui ouvrira aux personnes s'estimant victimes de discriminations la possibilité de saisir la haute autorité, serait fixée au premier jour du premier mois suivant sa publication.

Le décret d'application devrait déterminer les règles relatives à la durée du mandat des membres de la haute autorité nommés lors de sa création. Il prévoirait par conséquent un tirage au sort lors de la première réunion du collège de la HALDE, pour désigner les cinq membres dont le mandat, par exception à l'article 2 du projet de loi, sera d'une durée de trente mois et non de cinq ans.

Enfin, ce décret fixera les conditions de saisine de la haute autorité pendant le temps nécessaire à sa mise en place , qui ne pourra excéder six mois. La HALDE pourrait ainsi reporter le traitement des réclamations à l'issue de son délai d'installation.

Le régime juridique de la haute autorité ne sera donc complet que lorsque la loi et le décret auront été publiés. C'est pourquoi, le décret ne pouvant être soumis au Conseil d'Etat avant l'adoption définitive du présent projet de loi, votre commission vous soumet un amendement tendant à reporter d'un mois, soit au premier jour du deuxième mois suivant la publication de la loi, l'entrée en vigueur du titre I er relatif à la HALDE.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

Article 19
Service d'accueil téléphonique
des victimes de discriminations

Cet article, issu d'un amendement présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, prévoit le maintien d'un service d'accueil téléphonique, adapté aux attributions de la future HALDE.

Le texte initial du projet de loi prévoyait la suppression du service d'accueil téléphonique gratuit « 114 » créé par l'Etat en application de l'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.

Le « 114 » recueille les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales. La gestion en est confiée au groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (le groupement d'intérêt public GELD). Pour les appelants souhaitant qu'une suite soit donnée à leur appel et acceptant de décliner leur identité, le personnel du GELD établit une fiche de signalement, qu'il transmet au secrétariat de la commission départementale d'accès à la citoyenneté (CODAC) compétente. Le secrétariat de la CODAC procède ensuite à un entretien avec l'appelant, en vue de lui proposer des orientations dans le traitement du signalement.

M. Bernard Stasi a rappelé devant votre commission que le dispositif « 114 / CODAC » faisait l'objet d'un bilan contrasté. Son rapport préconise par conséquent la mise en place d' un accès direct aux services de la haute autorité , sous la forme d'un site Internet, et d'un service d'information téléphonique, différent de l'actuel «114», pour lui permettre d'assurer sa mission d'accueil et d'orientation des victimes de discriminations.

Ce nouveau service d'accueil téléphonique, élargi à l'ensemble des discriminations, serait recentré sur sa fonction d'information et d'orientation. Il fonctionnerait selon un principe de neutralité, en informant les intéressés sur leurs droits, la législation en vigueur et les modalités de saisine de l'autorité. Les informations recueillies dans ce cadre sur la base d'une grille d'entretien permettraient d'alimenter la fonction d'étude de la haute autorité.

L'article 19 prévoit désormais la mise en place d'un service d'accueil téléphonique gratuit, concourant à la mission de prévention et de lutte contre toutes les discriminations. Il serait chargé de satisfaire les demandes d'information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine de la HALDE. Le dispositif de signalement à des instances départementales, rendu inutile par la création de la haute autorité, serait supprimé.

Devant votre commission, M. Bernard Stasi a estimé à 98 % la proportion d'appels fantaisistes reçus par le « 114 ». Si cette part des appels abusifs a pu être réduite par la mise en place d'un serveur vocal qui réalise un premier filtrage, le maintien de la gratuité du service risquerait néanmoins de faciliter un afflux d'appels sans rapport direct avec son objet, contraignant la haute autorité à y affecter une part importante de son personnel.

Or, le maintien d'un service d'accueil téléphonique gratuit n'ayant pas été prévu dans le projet de loi initial, le budget alloué à la future HALDE ne prend pas en compte les moyens nécessaires au traitement des appels.

C'est pourquoi votre commission vous invite à adopter un amendement tendant à supprimer la gratuité du service d'accueil téléphonique de la HALDE. Devrait lui être préféré un service à un coût réduit, contribuant à dissuader les appels fantaisistes, sans constituer un obstacle pour les personnes victimes de discrimination.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .

Article 20
Extension aux collectivités d'outre-mer,
à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes
et antarctiques françaises

Cet article tend à étendre l'application de la loi dans les collectivités d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

En vertu du principe d'assimilation législative énoncé à l'article 73, premier alinéa, de la Constitution, la loi portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sera applicable de plein droit dans les départements d'outre-mer -la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.

En revanche, le principe de spécialité législative rend nécessaire une mention expresse d'application pour que la loi soit applicable dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 de la Constitution, soit Mayotte, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Une telle mention n'est pas nécessaire pour la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui demeure régie par le principe d'assimilation législative, à l'exception de la fiscalité, du régime douanier et de la réglementation en matière d'urbanisme, pour lesquels le conseil général est seul compétent 70 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées

Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique

Loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées

__________

Article 1

Il est institué dans chaque ministère un service de comptabilité et de contrôle des dépenses engagées.

Un même contrôleur des dépenses engagées peut être chargé du contrôle de plusieurs ministères. La répartition des contrôles entre les contrôleurs est faite par le ministre de l'économie et des finances dans la limite des crédits ouverts annuellement par la loi de finances.

L'organisation de chaque contrôle, en ce qui concerne la répartition et la désignation du personnel d'exécution, les locaux et le matériel de bureau, est arrêtée par le ministre de l'économie et des finances, après accord avec les ministres intéressés.

Article 2

Les contrôleurs des dépenses engagées sont nommés par décrets contresignés par le ministre de l'économie et des finances et placés sous la seule autorité de ce ministre. Ils sont choisis exclusivement parmi les fonctionnaires appartenant aux cadres des administrations dépendant de ce ministre. A titre transitoire, pendant une période maximum de cinq ans à partir du 1er janvier 1922, ils pourront l'être également parmi les agents retraités ayant appartenu à ces cadres.

Ils ne peuvent être chargés d'aucune fonction en dehors de leur service de contrôle.

Article 3

La comptabilité des dépenses engagées est tenue suivant les règles et dans la forme déterminées par un décret portant règlement d'administration publique rendu sur la proposition du ministre de l'économie et des finances.

Les résultats de cette comptabilité sont fournis chaque mois au ministre de l'économie et des finances et aux ministres intéressés ainsi qu'aux commissions financières des deux Chambres.

Cette communication est accompagnée d'un relevé explicatif appuyé de tous renseignements utiles, des suppléments et des annulations de crédits que l'état des engagements pourrait motiver au cours de l'exercice.

Il est distribué aux Chambres le 30 avril de chaque année, une situation des dépenses engagées au 31 décembre de l'année expirée.

Article 4

Les contrôleurs des dépenses engagées donnent, au point de vue financier, leur avis motivé sur les projets de lois, de décrets, d'arrêtés, contrats, mesures ou décisions soumis au contreseing ou à l'avis du ministre de l'économie et des finances, ainsi que sur les propositions budgétaires et les demandes de crédits additionnels de toute nature des départements ministériels auxquels ils sont attachés. Ils reçoivent, à cet effet, communication de tous documents ou renseignements utiles.

Ces avis sont transmis au ministre de l'économie et des finances en même temps que les projets, propositions ou demandes auxquels ils se rapportent.

Article 5

Tous autres décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions émanant d'un ministre ou d'un fonctionnaire de l'administration centrale et ayant pour effet d'engager une dépense sont soumis au visa préalable du contrôleur des dépenses engagées.

Le contrôleur les examine au point de vue de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude de l'évaluation, de l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements, de l'exécution du budget en conformité du vote des Chambres et des conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour les finances publiques. A cet effet, il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des engagements de dépenses.

Si les mesures proposées lui paraissent entachées d'irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l'économie et des finances.

Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l'économie et des finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre de cette disposition.

Article 6

Aucune ordonnance de délégation de crédits ne peut être présentée à la signature du ministre ordonnateur qu'après avoir été soumise au visa du contrôleur des dépenses engagées. Les ordonnances non revêtues du visa du contrôleur, sont nulles et sans valeur pour les comptables du Trésor.

Certaines ordonnances de paiement, définies pour chaque ministère par un arrêté du ministre chargé du budget, sont soumises, en raison de la nature des dépenses en cause ou de leur montant particulièrement élevé, au visa préalable du contrôle financier.

Le contrôleur s'assure notamment que les ordonnances soumises à son visa se rapportent soit à des engagements de dépenses déjà visés par lui, soit à des états de prévisions de dépenses dont il a préalablement pris charge dans ses écritures, et se maintiennent à la fois dans la limite de ces engagements ou états de prévisions et dans celle des crédits. Il reçoit communication de toutes les pièces justificatives des dépenses, ainsi que des états de liquidation et des demandes d'ordonnancement. Si les ordonnances lui paraissent entachées d'irrégularités, le contrôle les vise avec observations.

En aucun cas, il ne pourra être procédé au paiement des ordonnances visées avec observations qu'après autorisation du ministre de l'économie et des finances.

Les ministres ordonnateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des prescriptions du présent article.

Les ordonnances de délégation qui seront soumises au contrôleur des dépenses engagées devront être accompagnées de toutes justifications ; elles comporteront notamment l'indication précise de l'objet de la délégation ainsi que le compte d'emploi des crédits précédemment délégués au même ordonnateur secondaire.

Article 7

Chaque année, les contrôleurs des dépenses engagées établissent un rapport d'ensemble relatif au budget du dernier exercice écoulé, exposant les résultats de leurs opérations et les propositions qu'ils ont à présenter. Ces rapports sont dressés par chapitre budgétaire et par ligne de recettes. Ils sont, ainsi que les suites données aux observations et propositions qui y sont formulées, communiqués par les contrôleurs des dépenses engagées au ministre de l'économie et des finances et aux ministres intéressés et, par l'intermédiaire du ministre de l'économie et des finances, à la Cour des comptes et aux commissions financières des deux Chambres.

Article 8

La présente loi est applicable aux établissements publics de l'Etat pourvus de l'autonomie financière dans les conditions qui seront déterminées par des instructions arrêtées par le ministre de l'économie et des finances, après accord avec les ministres dont ces établissements relèvent.

Article 9

Il est interdit, à peine de forfaiture, aux ministres et secrétaires d'Etat et à tous autres fonctionnaires publics, de prendre sciemment et en violation des formalités prescrites par les articles 5 et 6 de la présente loi, des mesures ayant pour objet d'engager des dépenses dépassant les crédits ouverts ou qui ne résulteraient pas de l'application des lois.

Les ministres et secrétaires d'Etat et tous autres fonctionnaires publics seront civilement responsables des décisions prises sciemment à l'encontre des dispositions ci-dessus.

Néanmoins si, en cours d'exercice, le Gouvernement juge indispensable et urgent, pour des nécessités extérieures ou pour des nécessités de défense nationale ou de sécurité intérieure, d'engager des dépenses au-delà et en dehors des crédits ouverts, il le pourra par délibération spéciale du conseil des ministres, mais sous réserve de présenter immédiatement une demande d'ouverture de crédit devant les chambres appelées à régulariser l'initiative du Gouvernement ou à refuser l'autorisation.

Article 10

Sont et demeurent abrogés les articles 59 de la loi du 26 décembre 1890, 52 de la loi du 28 décembre 1895, 78 de la loi du 30 mars 1902, 53 de la loi du 31 mars 1903, 39 de la loi du 26 décembre 1908, 147 à 149 de la loi du 13 juillet 1911, 12 de la loi du 31 mars 1917, 7 de la loi du 30 juin 1919, 37 de la loi du 12 août 1919, 40 à 42 de la loi du 30 avril 1921.

Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique

CHAPITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier

Objet

La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement.

Article 2

Concept de discrimination

1. Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement", l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique.

2. Aux fins du paragraphe 1:

a) une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d'origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

3. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu'un comportement indésirable lié à la race ou à l'origine ethnique se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.

4. Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes pour des raisons de race ou d'origine ethnique est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1.

Article 3

Champ d'application

1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

a) les conditions d'accès à l'emploi aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique;

c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

d) l'affiliation à et l'engagement dans une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou à toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisations;

e) la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé;

f) les avantages sociaux;

g) l'éducation;
h) l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement.

2. La présente directive ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s'entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des États membres et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés.

Article 4

Exigence professionnelle essentielle
et déterminante

Sans préjudice de l'article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à la race ou à l'origine ethnique ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.

Article 5

Action positive

Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l'origine ethnique.

Article 6

Prescriptions minimales

1. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive.

2. La mise en oeuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres dans les domaines régis par la présente directive.

CHAPITRE II

VOIES DE RECOURS ET APPLICATION
DU DROIT

Article 7

Défense des droits

1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu'ils l'estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s'être produite se sont terminées.

2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l'appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.

3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l'égalité de traitement.

Article 8

Charge de la preuve

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.

3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 7, paragraphe 2.

5. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

Article 9

Protection contre les rétorsions

Les États membres introduisent dans leur système juridique interne les mesures nécessaires pour protéger les personnes contre tout traitement ou toute conséquence défavorable en réaction à une plainte ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement.

Article 10

Diffusion de l'information

Les États membres veillent à ce que les dispositions adoptées en application de la présente directive ainsi que celles qui sont déjà en vigueur dans ce domaine soient portées à la connaissance des personnes concernées par tous moyens appropriés et sur l'ensemble de leur territoire.

Article 11

Dialogue social

1. Conformément à leurs traditions et pratiques nationales, les États membres prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux en vue de promouvoir l'égalité de traitement, y compris par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des conventions collectives, des codes de conduite, et par la recherche ou l'échange d'expériences et de bonnes pratiques.

2. Dans le respect de leurs traditions et pratiques nationales, les États membres encouragent les partenaires sociaux, sans préjudice de leur autonomie, à conclure, au niveau approprié, des accords établissant des règles de non-discrimination dans les domaines visés à l'article 3 qui relèvent du champ d'application des négociations collectives. Ces accords respectent les exigences minimales fixées par la présente directive et par les mesures nationales de transposition.

Article 12

Dialogue avec les organisations
non gouvernementales

Les États membres encouragent le dialogue avec les organisations non gouvernementales concernées qui ont, conformément aux pratiques et législations nationales, un intérêt légitime à contribuer à la lutte contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de promouvoir le principe de l'égalité de traitement.

CHAPITRE III

ORGANISMES DE PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

Article 13

1. Les États membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Ils peuvent faire partie d'organes chargés de défendre à l'échelon national les droits de l'homme ou de protéger les droits des personnes.

2. Les États membres font en sorte que ces organismes aient pour compétence:

- sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visées à l'article 7, paragraphe 2, d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination,

- de conduire des études indépendantes concernant les discriminations,

- de publier des rapports indépendants et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations.

CHAPITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Article 14

Conformité

Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement;

b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises ainsi que dans les règles régissant les associations à but lucratif ou non lucratif, les professions indépendantes et les organisations de travailleurs et d'employeurs.

Article 15

Sanctions

Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l'application de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d'indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 19 juillet 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais.

Article 16

Mise en oeuvre

Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 juillet 2003 ou peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive, pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Dans ce cas, ils s'assurent que, au plus tard le 19 juillet 2003, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres concernés devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les États membres adoptent lesdites dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Article 17

Rapport

1. Les États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 19 juillet 2005 et ensuite tous les cinq ans, toutes les informations nécessaires à l'établissement par la Commission d'un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive.
2. Le rapport de la Commission prend en considération, comme il convient, l'opinion de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes ainsi que le point de vue des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales concernées. Conformément au principe de la prise en compte systématique de la question de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ce rapport fournit, entre autres, une évaluation de l'impact que les mesures prises ont sur les hommes et les femmes. À la lumière des informations reçues, ce rapport inclut, si nécessaire, des propositions visant à réviser et à actualiser la présente directive.

Article 18

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Article 19

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

ANNEXES

_____

ANN EXE 1
-
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

______

Auditions de la commission

- M. Bernard STASI , président de la mission de préfiguration de la HALDE, accompagné par M. Philippe BARDIAUX, rapporteur général de la mission

- M. Gilles LEBRETON, directeur du Groupe de recherche en droit fondamental, international et comparé, Université du Havre

- M. Richard SERERO , secrétaire général de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme)

- M. Alain PIRIOU , porte-parole de Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans (Inter L.G.B.T.)

- M. Jean-Marie SCHLERET , président du Conseil consultatif national des handicapés

- Mme Catherine VAUTRIN , Secrétaire d'Etat à l'Intégration et à l'Egalité des chances, auprès du ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale

Auditions du rapporteur
(ouvertes aux autres membres de la commission)

- M. Laurent BLIVET , chercheur associé Institut Montaigne

- M. Arnaud de BROCA , Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés ( FNATH)

- M. Laurent COCQUEBERT , directeur général Union Nationale des Associations de Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales (UNAPEI)

- M. Frédéric HOREL , délégué du personnel du GIP groupe d'étude et de lutte contre les discriminations ( GELD)

- M. Alex TüRK, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

ANNEXE 2
-
COMPTE RENTU DES AUDITIONS DE LA COMMISSION

_______

Le mercredi 27 octobre 2004, la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 9 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Elle a tout d'abord entendu M. Bernard Stasi, président de la mission de préfiguration de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

M. Bernard Stasi a indiqué que le projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité était appuyé sur le rapport qu'il avait remis au Premier ministre le 16 février dernier. Cette nouvelle autorité indépendante, a-t-il ajouté, serait compétente pour connaître de toutes les discriminations dans quelque domaine qu'elles s'exercent.

Selon M. Bernard Stasi , l'institution de cette nouvelle autorité s'imposait pour quatre raisons. En premier lieu, le sentiment de subir ou de connaître des discriminations s'était manifesté de manière accrue chez les citoyens et au sein des associations ou des syndicats depuis une dizaine d'années. En second lieu, cette initiative répond à la volonté exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République, en particulier dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002. Ensuite, la mise en place d'une structure capable d'agir contre les discriminations s'inscrivait dans l'évolution du droit communautaire marquée par l'adoption de trois directives : la directive du 15 décembre 1997 relative à la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la directive du 29 juin 2000 concernant la discrimination directe ou indirecte fondée sur la race et l'origine ethnique et la directive du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Enfin, le projet de loi visait à répondre aux insuffisances du dispositif actuel. Ainsi le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD) ne disposait d'aucun pouvoir de traitement des signalements enregistrés par le service téléphonique « 114 ». De même, les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) fonctionnaient de manière inégale selon les départements. M. Bernard Stasi a formé à cet égard le voeu que les nouvelles commissions pour la promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté (COPEC) se mettent en place dans un esprit de partenariat avec la future autorité. Par ailleurs, le nombre de condamnations pénales dans le domaine des discriminations demeurait modeste en raison, souvent, de la difficulté pour la victime de rassembler les éléments de preuve.

M. Bernard Stasi a souligné qu'au terme des nombreuses auditions auxquelles il avait procédé, il était apparu que la création d'une autorité indépendante dotée de pouvoirs effectifs lui permettant d'instruire et de traiter les réclamations des victimes de discriminations avait recueilli l'approbation la plus large au-delà des clivages politiques. Le projet de loi, a-t-il poursuivi, reprenait les grandes lignes du rapport qu'il avait élaboré : la Haute autorité pourrait traiter en premier lieu les réclamations individuelles et apporter un soutien aux victimes de discriminations, qui pourraient la saisir directement. Outre la promotion de l'égalité, la HALDE se verrait également assigner une mission consultative et de proposition auprès des pouvoirs publics et enfin une mission d'observation et de recherche. L'autorité serait composée de onze membres, le Président de la République, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et le Premier ministre désignant chacun deux membres tandis que les présidents des hautes juridictions et du Conseil économique et social nommeraient chacun un membre. M. Bernard Stasi a rappelé qu'il avait préconisé que chacune de ces autorités nomme un membre, le collège ainsi constitué étant appelé à coopter, ensuite quatre membres supplémentaires, ce qui aurait permis de désigner des personnes qualifiées conformément aux voeux de nombreuses associations. Il a relevé que la Haute autorité pourrait s'appuyer néanmoins sur un groupe de personnalités qualifiées qu'elle nommerait. En outre, l'autorité devrait bénéficier, même si la loi ne le mentionnait pas explicitement, d'un réseau de délégués territoriaux. Ainsi, cinq délégations pilotes devraient être installées au cours de la première année, dont une outre-mer, dans la perspective à plus long terme de la mise en place de 26 délégations.

M. Bernard Stasi a regretté qu'un amendement adopté par l'Assemblée nationale ait maintenu la gratuité du service d'accueil téléphonique destiné à remplacer le « 114 », alors même que ce principe avait pour effet d'entraîner la saturation du service par des appels fantaisistes (98 % de l'ensemble des appels).

M. Bernard Stasi a également rappelé que l'autorité bénéficierait de moyens d'investigation tant à l'égard des administrations que des personnes privées et qu'elle pourrait notamment effectuer des auditions et des vérifications sur place. Elle serait tenue de saisir le procureur des faits dont elle avait connaissance et qui laissaient présumer l'existence d'une infraction pénale. Elle pourrait également être invitée à présenter ces réclamations devant les juridictions civiles, pénales ou administratives saisies. Elle exercerait enfin une fonction de médiation entre les victimes et les auteurs présumés de discriminations avec l'accord des intéressés.

La HALDE, a poursuivi M. Bernard Stasi , aurait aussi pour mission de promouvoir l'égalité en menant des actions de communication, d'information ou de formation et en élaborant « des codes de promotion de l'égalité » destinés à délimiter de bonnes pratiques. Il a conclu en soulignant que l'autorité agirait en complémentarité avec la justice, les administrations et les instances consultatives en charge de la lutte contre les discriminations ainsi qu'avec les associations et les syndicats.

A la suite de l'intervention de M. Bernard Stasi, M. Jean-René Lecerf , rapporteur , a émis le voeu que dans le prolongement du rapport de M. Bernard Stasi, le projet de loi puisse recueillir le plus large accord au sein de la Haute assemblée. Il a estimé que l'une des clefs d'un tel assentiment reposerait sans doute sur la place reconnue aux associations au sein du dispositif législatif ainsi que sur la mise en place des délégations territoriales. Il a par ailleurs souhaité savoir si les ressources financières prévues par le projet de budget pour 2005 pour la mise en place de la Haute autorité correspondaient aux moyens dévolus aux institutions équivalentes dans les autres pays européens. Il s'est également demandé s'il serait opportun de fixer un délai pour la saisine de la Haute autorité par les particuliers. Il s'est enfin étonné qu'une voix prépondérante ne soit pas reconnue au président de cette institution en cas de partage des voix.

M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur l'opportunité de désigner des parlementaires au sein de la Haute autorité.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a d'abord regretté que la marge d'initiative laissée au Sénat pour modifier le projet de loi portant création de la HALDE paraisse limitée. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le Médiateur de la République n'exerçait pas les attributions qui seraient confiées à cette autorité. Enfin, il a souhaité que l'équilibre politique puisse être garanti au sein de cette institution.

M. Robert Badinter a attiré l'attention sur les questions soulevées par l'articulation entre la Haute autorité et les autorités judiciaires. Il a relevé en effet que la plupart des discriminations tombaient sous le coup de la loi pénale et noté, à cet égard, que la possibilité reconnue à l'article 4 du projet de loi à la HALDE de demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle ne s'accompagnait d'aucune disposition relative aux droits de la défense.

M. Henri de Richemont a, quant à lui, souligné les difficultés soulevées par l'article 9 du projet de loi liées à la possibilité pour les personnes astreintes au secret professionnel de confier des informations à caractère secret à la Haute autorité. Il a rappelé à ce sujet que des informations relevant du secret professionnel ne devraient pas servir de base à la saisine du parquet.

M. Jean-Pierre Sueur s'est interrogé sur les risques liés à la multiplication des autorités indépendantes dans notre organisation institutionnelle. Il a souhaité que soit recherché un système de désignation qui assure l'équilibre politique au sein de la HALDE, suggérant que certains des membres de cette institution soient nommés par les assemblées parlementaires elles-mêmes et non par leurs présidents.

Mme Alima Boumediene-Thiery a demandé des précisions sur les domaines de compétences respectifs du Haut conseil à l'intégration et de la HALDE. En outre, elle a souhaité savoir d'une part, si la faculté de proposition de la Haute autorité pouvait aller jusqu'à des propositions de caractère législatif, d'autre part, si l'égalité des droits politiques entrait dans le champ d'action de cette institution. Elle s'est interrogée enfin sur les critères qui présideraient à la désignation des personnalités qualifiées au sein de la HALDE.

En réponse aux commissaires, M. Bernard Stasi a apporté les précisions suivantes :

- il serait souhaitable que la composition du collège de la HALDE permette de satisfaire à l'objectif de la parité hommes-femmes ainsi qu'à une représentation politique équilibrée ;

- aucune disposition n'interdit qu'un parlementaire soit désigné au sein de cette institution ;

- le processus d'élaboration du projet de loi a reposé sur une large concertation qui n'exclut pas que le texte actuel fasse, dans le cadre de la procédure parlementaire, l'objet des améliorations nécessaires ;

- le champ d'action ouvert à la HALDE est plus large que celui du Médiateur dont les compétences concernent les relations entre les citoyens et l'administration ;

- l'institution, dans la période récente, d'autorités indépendantes a suscité un très large accord et l'action qu'elles ont entreprise a largement attesté de leur intérêt ;

- le Haut conseil à l'intégration exerce des compétences différentes de celles qui seraient reconnues à la HALDE, même si les deux institutions pourront agir de manière complémentaire ;

- la HALDE aura pour mission d'entretenir un lien permanent avec les associations ;

- la Haute autorité pourra recommander des modifications à caractère législatif ou réglementaire.

M. Philippe Bardiaux, rapporteur général de la mission de préfiguration de la HALDE a par ailleurs apporté les précisions suivantes :

- la mise en place d'un collège de 11 personnes véritablement représentatif constituant une gageure, la cooptation permettrait, le cas échéant, d'assurer un rééquilibrage de la composition de la Haute autorité ;

- le budget de la Haute autorité pourrait s'élever à 10,7 millions d'euros en 2005, permettant notamment la création de postes budgétaires (de l'ordre d'une cinquantaine de personnes), les moyens de cette institution devant être ensuite adaptés en fonction de l'évolution de son activité ; l'amendement adopté par l'Assemblée nationale assurant la gratuité du service téléphonique constitue une source de dépenses importantes non prévues initialement ;

- la mission première de la Haute autorité étant de favoriser la saisine de la justice, le délai de recours des victimes de discrimination sera en pratique encadré dans le délai de prescription de trois ans applicable aux délits ;

- l'articulation entre la justice et la Haute autorité sera facilitée par le pouvoir de nomination reconnu au premier président de la Cour de cassation ; de même le traitement des réclamations par la HALDE devrait être dirigé par un magistrat ; par ailleurs, la Haute autorité aidera la victime à rassembler les preuves de la discrimination dont elle a pu souffrir et disposera à ce titre de pouvoirs d'investigation à l'égard des personnes privées dans la limite des prérogatives reconnues à une autorité administrative indépendante ; elle a pour vocation de favoriser la médiation ou d'assurer la transmission à l'autorité judiciaire, sans interférer avec les compétences de cette dernière.

La commission a ensuite entendu M. Gilles Lebreton, professeur, directeur du groupe de recherche en droit fondamental international et comparé (GREDFIC) à l'université du Havre .

M. Gilles Lebreton a souligné, en premier lieu, que la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité répondait à des exigences internationales, européennes et nationales fortes.

Il a ainsi observé que le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies avait recommandé à la France, en 1997, de créer un « mécanisme institutionnel pour recevoir et traiter les plaintes relatives aux droits de l'homme incluant toutes formes de discriminations (...) agissant comme médiateur entre les parties et pouvant attribuer des compensations ».

Il a expliqué que, sur le fondement de l'article 13 instituant la Communauté européenne, plusieurs directives européennes avaient été adoptées en matière de lutte contre les discriminations :   la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; la directive 76/207/CEE du 9 février 1976, modifiée par la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail ; la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Il a précisé que ces textes prévoyaient un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, et prescrivaient la création d'un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement.

Enfin, il a rappelé que la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, souhaitée par le président de la République, avait pour objet, au même titre que la loi du 15 mars 2004 sur la laïcité, de restaurer les valeurs républicaines et la cohésion nationale et permettrait, conformément à un objectif de lisibilité, de simplifier l'organisation administrative. A cet égard il a observé que le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations et les commissions départementales d'accès à la citoyenneté créés en 2000 n'avaient pas rencontré le succès escompté, les parquets ne donnant pas suite à leurs signalements.

Il a indiqué que les organismes requis par le droit communautaire existaient déjà dans d'autres pays mais que les solutions retenues n'étaient guère transposables en France, le seul point commun consistant dans le droit de saisine reconnu aux victimes. Il a ainsi expliqué que la lutte contre les discriminations était confiée :

- en Suède, à une personne unique, appelée l'ombudsmann ;

- en Grande-Bretagne, à trois commissions composées de membres nommés par le ministre de l'intérieur et chargées respectivement de promouvoir l'égalité raciale, l'égalité entre les hommes et les femmes et les droits des handicapés ;

- au Québec, à une commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, chargée non seulement de lutter contre les discriminations mais, plus généralement, de veiller au respect des libertés individuelles ;

- aux Pays-Bas, à une commission pour l'égalité de traitement dotée d'un pouvoir de recommandation au terme d'une procédure contradictoire ;

- en Irlande, à une autorité pour l'égalité et à un tribunal spécial pour l'égalité.

En second lieu, M. Gilles Lebreton a approuvé les dispositions du projet de loi, tout en formulant plusieurs propositions d'amendement.

Il s'est ainsi félicité que la Haute autorité ait compétence pour connaître non seulement des discriminations directes mais également des discriminations indirectes. Il a suggéré d'en dresser une liste non exhaustive, en reprenant celle établie par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, complétée par une référence aux discriminations fondées sur le patrimoine génétique.

M. Gilles Lebreton a mis en exergue les risques de conflit de compétences entre la Haute autorité et d'autres autorités administratives indépendantes, tout particulièrement le défenseur des enfants. Il a ainsi observé que de nombreux cas de discriminations concernaient des enfants, comme en témoignaient deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme de 1968 (affaire linguistique belge) et de 1979 (Marcks), ce qui expliquait la création, au Québec, d'une commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Aussi a-t-il proposé de prévoir, à l'article premier du projet de loi, que la Haute autorité soit compétente pour connaître de toutes les discriminations sous réserve de celles relevant de la compétence du défenseur des enfants.

Evoquant la composition de la Haute autorité, il a exprimé la crainte que le mode de désignation de ses membres ne permette pas d'assurer le pluralisme des opinions. Aussi a-t-il proposé, s'inspirant des préconisations du rapport de M. Bernard Stasi, que le Premier ministre ne nomme pas deux des onze membres -l'exigence d'indépendance devant surtout jouer à l'égard du Gouvernement- et que les neufs membres désignés par le Président de la République, le Président du Sénat, celui de l'Assemblée nationale, celui du Conseil économique et social, le vice-président du Conseil d'Etat et le Premier président de la Cour de cassation cooptent les deux derniers.

Par ailleurs, il a jugé contraire à la Constitution l'obligation imposée par les députés en première lecture au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre de désigner chacun un homme et une femme, le Conseil constitutionnel ayant en effet considéré, dans une décision du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale, que la recherche d'une composition équilibrée entre les femmes et les hommes des jurys de validation des acquis de l'expérience ne devait pas prévaloir sur la considération des compétences, des aptitudes et des qualifications.

Il a suggéré de porter de cinq à six ans la durée du mandat des membres de la Haute autorité, afin de l'aligner sur celle retenue pour la plupart des autres autorités administratives indépendantes et de faciliter son renouvellement par moitié.

Il a regretté que la Haute autorité ne dispose pas de délégations territoriales, à la différence de ses homologues belge, britannique et québécoise ou du Médiateur de la République en France.

Enfin, il a estimé que la possibilité offerte à la Haute autorité de créer des organismes consultatifs, si elle lui permettrait d'associer les interlocuteurs du milieu associatif, risquait d'être source de lourdeurs.

Il a approuvé l'ensemble des dispositions de l'article 3 du projet de loi, tout en regrettant que les associations ne puissent pas saisir la Haute autorité, cette possibilité étant prévue pour le Médiateur de la République.

Il s'est étonné que, contrairement à la Commission nationale pour la déontologie de la sécurité, la Haute autorité ait la possibilité et non l'obligation de porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il s'est félicité, d'une part, que la Haute autorité puisse procéder à des vérifications sur place, saisir le juge des référés lorsque ses demandes ne sont pas suivies d'effet, être invitée à présenter ses observations lors des audiences pénales et soit obligatoirement informée par le procureur de la République des suites données à ses transmissions, d'autre part, qu'elle ne puisse pas se constituer partie civile, ce rôle incombant aux associations, et qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de sanction, ce pouvoir devant être réservé au juge. En revanche, il a jugé nécessaire qu'elle soit tenue d'informer le procureur de la République, avant leur achèvement, des médiations entreprises.

En conclusion, après avoir opéré une distinction entre les autorités administratives indépendantes investies d'une fonction régulatrice, à l'instar du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de l'Autorité des marchés financiers, et celles chargées d'une fonction tribunicienne, comme le Médiateur de la République ou le défenseur des enfants, M. Gilles Lebreton a estimé que la dénomination de « Haute autorité » retenue par le projet de loi correspondait bien à la fonction tribunicienne qui lui était dévolue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est étonné que les parlementaires ne puissent pas saisir la Haute autorité. Il s'est demandé si la création éventuelle de délégations territoriales de la Haute autorité ne rendrait pas inutiles les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur , a souhaité savoir si le projet de loi permettait à la France de s'acquitter de l'ensemble de ses obligations communautaires. Il a souligné, d'une part, que la parité entre les hommes et les femmes recherchée par l'Assemblée nationale serait partielle et précaire, d'autre part, que le risque d'inconstitutionnalité des dispositions votées n'avait pas échappé au président de sa commission des lois, rapporteur du projet de loi. Enfin, il s'est interrogé sur les moyens d'assurer une composition pluraliste de la Haute autorité.

M. Gilles Lebreton a estimé que le projet de loi permettrait probablement à la France de s'acquitter de ses obligations communautaires, ajoutant à son propos liminaire que l'article 17 prévoyait un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination. Il a toutefois observé que le délai limite de transposition de la directive du 29 juin 2000 était expiré depuis 2003.

Il a indiqué que diverses solutions pouvaient être envisagées pour garantir le pluralisme de la Haute autorité, par exemple en confiant à des autorités distinctes le pouvoir de proposition et le pouvoir de nomination.

Il n'a élevé aucune objection à l'encontre de l'institution d'un droit de saisine de la Haute autorité par les parlementaires et a estimé que les CODAC devraient être supprimées si la HALDE venait à disposer de délégations territoriales.

M. José Balarello s'est opposé à la dénomination de « Haute autorité » et à la dérogation à l'obligation de secret professionnel prévue par l'article 9 du projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la nécessité de créer une nouvelle Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, soulignant la multiplicité des autorités administratives indépendantes et des organismes de lutte contre les discriminations.

M. Gilles Lebreton a rappelé qu'aux termes de l'article 13 de la directive du 29 juin 2000, les Etats membres devaient désigner « un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. » Il a estimé que la formule de l'autorité administrative indépendante était la plus adaptée, en France, pour mettre en oeuvre cette obligation et inspirait les réflexions d'autres Etats membres de l'Union européenne.

Il ne s'est pas déclaré choqué par les dispositions du projet de loi autorisant la levée du secret professionnel pour permettre à la Haute autorité d'exercer ses missions.

M. Robert Badinter a souligné la nécessité de prévoir le remplacement des membres de la Haute autorité en cas d'empêchement.

Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président

Puis la commission a entendu M. Richard Serero, secrétaire général de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), M. Alain Piriou, porte-parole de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » (ILGBT), et M. Jean-Marie Schleret, président du Conseil consultatif national des personnes handicapées (CCNPH).

M. Richard Serero, secrétaire général de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme , a rappelé que la LICRA avait apporté une contribution décisive à la création du groupement d'intérêt public GELD et à la mise en place d'un service d'accueil téléphonique, le « 114 », en 2000. Il a observé que ce service d'accueil téléphonique avait moins bien fonctionné que prévu, les personnels, également chargés de l'information sur le virus du sida, étant insuffisamment formés et les fiches de signalement transmises à des associations peu habituées à travailler avec les services de police et de gendarmerie.

Il a également souligné que la LICRA prônait, depuis 1996, le renversement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, et qu'elle avait mené plusieurs campagnes de dénonciation des atteintes au principe d'égalité, n'hésitant pas à employer le terme d'apartheid.

Après avoir déploré l'échec des CODAC, il s'est déclaré favorable à la mise en place rapide de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, estimant qu'elle devrait être assortie de relais territoriaux et qu'une évaluation devrait être réalisée par la suite pour en améliorer l'efficacité.

En conclusion, il a souhaité que le principe républicain d'égalité soit conforté, soulignant que le concept de discrimination positive était étranger à la tradition française.

M. Alain Piriou, porte-parole de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » (ILGBT), a remercié la commission des lois qui permettait pour la première fois l'audition de son collectif devant le Parlement. Il a déploré que le renversement de la charge de la preuve prévu par l'article 17 du projet de loi ne concerne pas l'ensemble des discriminations mais uniquement celles fondées sur l'origine nationale et l'appartenance à une ethnie ou une race. Il a estimé que le projet de loi réalisait une transposition restrictive de la directive européenne du 29 Juin 2000, alors que le droit tendait à sanctionner de façon égale toutes les discriminations, et jugé préférable que l'aménagement de la charge de la preuve vise la même universalité que le champ de compétence de la HALDE.

S'il a pris acte de la possibilité offerte par l'Assemblée nationale à la Haute autorité de créer auprès d'elle un organisme consultatif, il a exprimé le souhait que les associations soient représentées au sein même de son collège, au moyen d'une cooptation par les membres désignés.

Se félicitant de la compétence donnée à la HALDE pour réaliser des médiations, il a estimé nécessaire de préciser dans le projet de loi son rôle d'assistance aux victimes, en matière juridique, psychologique et linguistique.

Il a indiqué que la Haute autorité devrait laisser les victimes de discriminations libres de choisir la voie contentieuse ou celle de la médiation, soulignant que les associations ne poussaient nullement les victimes à engager des contentieux au mépris de leurs conséquences.

Enfin, évoquant les propositions plus générales de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » pour lutter contre les discriminations, il a souhaité que le droit de la fonction publique soit aligné sur le droit du travail.

Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président .

M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées (CCNPH) , a tout d'abord indiqué que ce conseil regroupait trente-cinq organisations nationales représentatives, des collectivités, des syndicats, ainsi que des caisses de sécurité sociale. Il a ainsi souligné que le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, récemment examiné en deuxième lecture au Sénat, prévoyait que le CCNPH devait garantir la participation des personnes handicapées aux politiques publiques.

Il a toutefois précisé que le projet de loi précité traitait du handicap sous l'angle de la participation et de la citoyenneté, et non sous celui de la lutte contre les discriminations, alors même qu'en dépit de l'existence des maisons départementales des personnes handicapées et des commissions d'accès au droit, les discriminations à l'encontre des personnes handicapées restaient encore nombreuses.

M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées , a rappelé que ces discriminations se manifestaient dès la petite enfance (seuls 46 % des enfants handicapés étant scolarisés). Il a mis en cause le manque de volonté, citant l'exemple du refus d'accès d'un chien d'assistance aux locaux d'un centre d'enseignement régional d'éducation adaptée.

S'agissant du domaine de l'emploi, il a déploré que 37 % des entreprises assujetties n'emploient aucune personne handicapée, en dépit de la formation parfois remarquable de ces personnes, et ajouté que de telles discriminations se retrouvaient également dans l'accès à la santé, citant le cas d'une mutuelle ayant refusé l'adhésion d'une jeune fonctionnaire territoriale atteinte de trisomie 21.

Il a en outre souligné la difficile situation des personnes handicapées vieillissantes confrontée à l'isolement, tant à domicile qu'en établissement, et regretté les difficultés relatives au logement (escalier difficilement praticable...) ou aux transports, estimant le nombre de personnes handicapées isolées à 580.000. Il a de plus évoqué les difficultés d'accès aux loisirs et aux prestations d'hôtellerie.

Au regard de ces difficultés persistantes, M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées , s'est félicité de la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations dotée de pouvoirs contraignants, exprimant le souhait que des relais départementaux soient instaurés.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur , s'est interrogé sur la compatibilité du maintien de responsabilités associatives avec le statut de membre du collège de la future HALDE, ainsi que sur l'opportunité de la gratuité du service d'accueil téléphonique, rappelant l'expérience du 114 et les réticences exprimées par M. Bernard Stasi s'agissant du maintien proposé par l'Assemblée nationale de la gratuité de ce service.

M. Richard Serero, secrétaire général de la LICRA , s'est déclaré opposé à ce que des membres du collège de la HALDE conservent des mandats associatifs, estimant que les associations devaient avoir un rôle de vigilance mais ne pouvaient être juge et partie.

S'agissant du service d'accueil téléphonique, il a indiqué que beaucoup d'appels constituaient en fait des erreurs de destination et il a appelé à maintenir la gratuité de ce service, afin d'éviter une sélection par l'argent, tout en estimant nécessaire de choisir un autre numéro que le 114.

M. Alain Piriou, porte-parole de l'ILGBT , a indiqué s'en remettre sur ce point à l'avis des associations ayant expérimenté le 114.

S'agissant du rôle dévolu aux associations, il a jugé la composition de la future HALDE exagérément institutionnelle et souhaité une meilleure prise en considération des associations et la reconnaissance de leur expérience de terrain. Dans l'hypothèse où des responsables associatifs deviendraient membres du collège de la HALDE, il a estimé nécessaire pour eux d'abandonner leur mandat associatif. En revanche, il a considéré une telle mesure inutile dans l'hypothèse d'une simple représentation au sein de l'organisme consultatif auprès de la Haute autorité.

Pour sa part, M. Jean-Marie Schleret, président du CCNPH , a souligné que si l'exercice de responsabilités associatives devait être suspendu pendant le mandat de membre du collège de la HALDE, il ne devait pas empêcher une nomination à cette instance. S'agissant du service d'accueil téléphonique, il a rappelé que seuls 7% des appels du 115 (numéro du SAMU social) correspondaient à sa vocation.

A ce sujet, M. Richard Yung a douté que la suppression de la gratuité permette la disparition des appels mal dirigés. Il a ensuite souhaité entendre M. Alain Piriou, porte-parole de l'ILGBT , sur la question des critères permettant de choisir les membres de la future HALDE parmi les associations.

Ce dernier a estimé que devaient être respectés les critères de parité et d'origine, la HALDE devant montrer l'exemple, mais que les associations n'étaient pas forcément cloisonnées, ainsi que le montrait la création d'un collectif pour la HALDE composé d'une cinquantaine d'associations consacrées aux personnes handicapées, à la lutte contre le racisme, contre l'homophobie et à la promotion des femmes. Il a ainsi déclaré faire confiance aux associations ayant un objectif global de lutte contre les discriminations et non aux seules associations de lutte contre l'homophobie.

M. Richard Serero, secrétaire général de la LICRA , a en revanche considéré qu'une association ne pourrait accepter d'être représentée par d'autres et douté de la possibilité de parvenir, dans la pratique, à un super collectif d'associations. Il s'est néanmoins félicité de la possibilité de créer des organismes consultatifs regroupant des associations, considérant qu'il s'agissait d'une novation en matière d'autorités administratives indépendantes.

La commission a enfin entendu Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale .

Après avoir estimé que la lutte contre les discriminations était l'affaire de tous, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a souligné l'urgence de la création d'une autorité indépendante chargée de dénoncer les comportements discriminatoires, en raison tant de l'article 13 du traité instituant la communauté européenne que de l'échec des dispositifs antérieurs -qu'il s'agisse du service d'accueil téléphonique 114, des CODAC ou du groupement d'intérêt public GELD- et de la volonté constante du Président de la République, M. Jacques Chirac, depuis son discours de Troyes du 14 octobre 2002.

Elle a souligné que les discriminations compromettaient la cohésion sociale et le pacte républicain fondé sur le principe d'égalité, en s'exerçant souvent à l'encontre des publics les plus fragiles.

Après avoir indiqué que le présent projet de loi reprenait largement les conclusions de l'excellent rapport issu de la mission de préfiguration confiée par le Premier ministre à M. Bernard Stasi, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a présenté la future Haute autorité.

Elle a rappelé que la future HALDE pourrait soit être saisie par toute personne s'estimant victime de discrimination, soit se saisir d'office des faits dont elle aurait connaissance, la saisine devant se faire par écrit, afin de disposer d'un dossier permettant de mener à bien des vérifications.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a ensuite indiqué que tant les autorités publiques et les organismes chargés de missions de service public que les personnes privées pourraient être amenés à s'expliquer devant elle.

Tout en relevant les possibilités de médiation introduites par le projet de loi, elle a rappelé que le gouvernement n'avait pas retenu l'hypothèse évoquée dans le rapport de permettre à la HALDE de se constituer partie civile, considérant que les associations avaient déjà ce pouvoir et que la véritable difficulté résidait dans l'établissement de la preuve de la discrimination par la victime.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale , a ensuite insisté sur l'indépendance de la future HALDE et sur l'importance des moyens, notamment financiers, qui lui seraient alloués, le projet de loi de finances initiale pour 2005 prévoyant une dotation de 10,7 millions d'euros. Elle a à ce sujet jugé les comparaisons avec le budget de l'autorité belge hasardeuses, rappelant que cette dernière traitait également d'intégration, et que le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), responsable pour la France de la politique d'intégration, disposerait pour sa part de 167 millions d'euros de crédits d'intervention.

S'agissant de l'organisation de la future HALDE, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a indiqué que les dispositions du projet de loi étaient volontairement peu précises afin de respecter l'indépendance de la Haute autorité et de laisser toute latitude au collège de ses membres. Elle a toutefois précisé que le gouvernement avait accepté des amendements à l'Assemblée nationale tendant à inscrire la parité entre les hommes et les femmes au sein du collège et à assurer la représentation des personnalités qualifiées au sein de l'organisme consultatif que la Haute autorité pourra créer auprès d'elle. Tout en reconnaissant qu'il n'existait pas de disposition relative à l'organisation déconcentrée de la Haute autorité, elle a appelé à une telle déconcentration, notamment outre-mer, et souligné que de tels relais seraient indépendants, contrairement aux CODAC.

S'agissant de l'opportunité du maintien de la gratuité du service d'accueil téléphonique, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a souligné son rôle en matière d'accueil et de délivrance d'informations, et indiqué que le gouvernement s'était engagé devant l'Assemblée nationale à conserver un tel service.

Elle a ensuite indiqué que le gouvernement avait accepté un amendement afin de permettre à la future HALDE de procéder ou de faire procéder à une médiation, et estimé que la Haute autorité devrait signer une convention sur ce point avec le Médiateur de la République.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a par ailleurs souligné que la HALDE n'aurait vocation ni à se substituer aux associations, l'aide aux victimes pour rassembler des éléments de preuve étant sa priorité, ni à la justice, mais qu'elle pourrait jouer un rôle d'aiguillon, le contentieux en matière de discrimination étant actuellement très faible.

Elle a en outre rappelé que cette réforme se ferait à droit constant et qu'il appartiendrait à la HALDE, le moment venu et au regard de son expérience, de faire des propositions d'évolution, le gouvernement devant parallèlement dresser un bilan régulier des politiques de promotion de l'égalité des chances.

Après avoir regretté que le projet de loi de lutte contre l'homophobie n'ait pas été examiné avant le présent projet de loi, M. Jean-René Lecerf, rapporteur , s'est interrogé sur la pertinence de l'obligation de parité instituée par l'Assemblée nationale, soulignant qu'elle serait partielle (ne s'appliquant que lorsque deux membres doivent être nommés par une même autorité), provisoire (au regard du tirage au sort qui devrait être réalisé deux ans et demi après la création de la HALDE) et constitutionnellement problématique dans sa formulation. Par ailleurs, il a souhaité des éclaircissements sur l'avenir du GIP GELD et de son personnel.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a précisé que le gouvernement souhaitait voir le projet de loi de lutte contre l'homophobie examiné avant la fin 2004. Par ailleurs, tout en reconnaissant que la parité serait incomplète, elle a estimé que cette disposition témoignait surtout d'une volonté de diversité. S'agissant des personnels du GIP GELD, elle a indiqué que le nouvel article 16 bis introduit par l'Assemblée nationale prévoyait qu'ils pourraient rejoindre la HALDE à leur demande et bénéficier d'un contrat de droit public.

M. Yves Détraigne s'est étonné de la nomination de deux membres de la future HALDE par le Premier ministre, s'agissant d'une autorité administrative indépendante, ainsi que de l'absence d'une possibilité de saisine de la HALDE par les parlementaires ès qualité.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a considéré qu'il appartiendrait à toutes les autorités détenant le pouvoir de nomination de promouvoir la diversité. S'agissant des modalités de saisine, elle a indiqué qu'avait été privilégiée la simplicité, 40 % des saisines du Médiateur de la République s'effectuant de manière directe, mais que les parlementaires pourraient aider les personnes le souhaitant, même en l'absence de disposition spécifique.

Mme Alima Boumediene-Thiery a redouté des risques de confusion entre l'action des CODAC, du Haut conseil à l'intégration, du FASILD et de la future HALDE, et a souhaité une meilleure coordination des différents dispositifs. Elle s'est interrogée sur les possibilités de regroupement de ces entités au sein d'un organisme, comme en Grande-Bretagne. De plus, elle a déploré que les dotations allouées à la future HALDE l'aient été au détriment des associations existantes, puis s'est enquise des critères choisis pour la représentativité des associations appelées à siéger au sein de l'organisme consultatif.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a pour sa part évoqué la question de la compatibilité de la qualité de membre du collège de la future HALDE avec le mandat des responsables associatifs.

M. Christian Cointat a ensuite déploré l'intitulé de la future Haute autorité, estimant qu'elle alimentait le soupçon de discriminations nombreuses en France. Il a préconisé de la rebaptiser « Haute autorité pour l'égalité de traitement ». Il s'est en outre interrogé sur la pertinence de la création d'un nouvel organisme dans un domaine où ils prolifèrent, alors même que le gouvernement tend à simplifier le droit, et il a préconisé de privilégier la modernisation de l'outil judiciaire, estimant que la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante témoignait d'une certaine défiance vis-à-vis de la justice.

M. José Balarello a jugé la terminologie « Haute autorité » disproportionnée, la directive ne prévoyant qu'un « organisme ». Il s'est par ailleurs ému de l'article 9 du projet de loi permettant à des personnes d'être déliées du secret professionnel, considérant qu'il ne pouvait s'appliquer à la profession d'avocat. De plus, il a craint un développement du contentieux visant les attributions de logements à loyer modéré (HLM), entraînant un risque de ghettoïsation contraire à l'objectif recherché.

M. Richard Yung a pour sa part regretté la nomination de deux membres par le Premier ministre et proposé que les deux assemblées parlementaires (et non plus leur président) choisissent leurs représentants, afin d'assurer une meilleure représentativité politique.

M. Jean-Jacques Hyest, président , a déploré cette politisation des nominations et a souhaité que celles-ci reflètent les compétences et l'expérience des personnes. En outre, il a jugé essentiel de préciser si les personnes nommées par les présidents des assemblées parlementaires pouvaient être ou non des parlementaires.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, lui a indiqué que cette imprécision était volontaire, afin de laisser une entière liberté aux présidents des assemblées parlementaires.

Elle a indiqué à Mme Alima Boumediene-Thiery que la future HALDE pouvait créer auprès d'elle des organismes consultatifs pour accueillir les associations, et qu'il serait possible de nommer parmi les onze membres du collège des représentants d'associations. Elle a de plus souligné que le Haut conseil à l'intégration et le FASILD traitaient d'intégration et de promotion de l'égalité, et non de lutte contre les discriminations, et que la future HALDE s'en différencierait encore par ses pouvoirs significatifs et son indépendance. Enfin, elle a indiqué que le système français serait semblable au britannique, la future HALDE ayant vocation à combattre toutes les formes de discrimination prohibées par la loi ou par les traités auxquels la France est partie.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a ensuite indiqué que l'intitulé complet de la future Haute autorité «  de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » permettait de répondre aux préoccupations exprimées par M. Christian Cointat. Elle a de plus estimé que les missions de la HALDE seraient progressivement amenées à se rééquilibrer de l'accompagnement aux victimes vers la promotion de la diversité.

En réponse à M. José Balarello, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a indiqué que les dispositions relatives au secret professionnel n'auraient pas vocation à obliger une personne à le lever, mais uniquement à la soustraire à des poursuites pénales. Elle a de plus souligné que les offices publics d'HLM n'étaient pas visés particulièrement et salué leur rôle déterminant en faveur du nécessaire développement de la mixité dans les quartiers.

En réponse à M. Richard Yung, elle a enfin souligné la volonté du gouvernement de promouvoir la diversité de la composition du collège de la future HALDE, en matière politique, mais surtout en matière d'expertise et d'expérience.

ANNEXE 3
-
LISTE DES LOIS ET ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX
AUXQUELS LA FRANCE EST PARTIE
INTERDISANT LES DISCRIMINATIONS

_______

Selon le recensement effectué par la mission de préfiguration dirigée par M. Bernard Stasi, la liste des textes prohibant des discriminations et pouvant justifier la saisine de la HALDE est la suivante :

S'agissant des engagements internationaux auxquels la France est partie :

- la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 (articles 2 et 7) ;

- la convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement du 14 décembre 1960 ;

- la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 ;

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (16 décembre 1966) ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

- la convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990 ;

- la convention internationale globale et intégrée pour la promotion et la protection des droits et de la dignité des handicapés de 19 décembre 2001 ;

- la convention de l'UNESCO relative à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'enseignement de 1960 ;

- la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 20 juin 1983 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées ;

- la convention de l'OIT du 25 juin 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession ;

- la convention de l'OIT du 29 juin 1951 sur l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ;

- les principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme, approuvés par la Commission des droits de l'homme des Nations unies en mars 1992 (résolution 1992/54) et par l'Assemblée générale des Nations unies (résolution A/RES/48/134 du 20 décembre 1993) ;

S'agissant des engagements adoptés par le Conseil de l'Europe :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (article 14) ;

- la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine de 1997 ;

- la recommandation de politique générale n° 2 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du 13 juin 1997 ;

- la charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 ;

S'agissant du droit communautaire :

- le traité instituant la Communauté européenne (articles 13 et 141) ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 (articles 20 et 21) ;

- la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;

- la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;

- la directive 75/117/CEE du 10 février 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins ;

- la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;

- la directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978 relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ;

- la directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ;

- la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitant au travail ;

- la directive 97/80/CE du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe ;

- la décision 2000/750/CE du 27 novembre 2000 établissant un programme d'action communautaire de lutte contre la discrimination ;

- la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;

S'agissant du droit interne :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (articles 1 er et 6) ;

- la Constitution de 1958 (article 1 er ) ;

- le code pénal : art. 132-76, 132-77, 222-33-2, 225-1 à 225-4, 432-7 ;

- le code du travail : art. L. 122-45, L. 122-45-1 à L. 122-45-3, L. 123-1 à L. 123-4, L. 123-4-1, L. 123-5 à L. 123-7 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : art. 6, 6 bis, 6 ter, 6 quater et 6 quinquies ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (articles 1 er et 2) ;

- la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme ;

- la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées ;

- la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ;

- la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre la discrimination en raison de leur état de santé ou de leur handicap ;

- la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail ;

- la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale 71 ( * ) ;

- la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractères raciste, antisémite ou xénophobe ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 72 ( * ) .

* 1 Vers la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité , La Documentation française.

* 2 Cf. Didier FASSIN, « L'invention française de la discrimination », Revue française de science politique, vol. 52, n° 4, août 2002, p. 403-423.

* 3 Cf. Conseil d'Etat, Rapport public 1996, Sur le principe d'égalité, La Documentation française.

* 4 Cf. Georges Vedel, préface à la thèse de Pierre Delvolvé, Le principe d'égalité devant les charges publiques , LGDJ, 1969, p. XIII.

* 5 Cf. Jean Rivero, Rapport sur les notions d'égalité et de discrimination en droit public français , Travaux de l'association Henri Capitant, Journées de Luxembourg, 31 mai - 4 juin 1961, p. 343.

* 6 Selon un considérant classique, le juge constitutionnel estime en effet que le principe d'égalité « ne s'oppose, ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » ; cf. notamment les décisions n° s 87-232 DC du 7 janvier 1988, considérant 10, et 91-302 DC du 30 décembre 1991, considérant 6.

* 7 DREES, Elisabeth ALGAVA, Marilyne BEQUE, Le vécu des attitudes intolérantes ou discriminatoires : des moqueries aux comportements racistes ; Etudes et résultats n° 290, février 2004.

* 8 Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, groupement d'intérêt public fondé en 1999. Le GELD transmet les fiches relatives aux faits discriminatoires qui lui sont signalés à la commission départementale d'accès à la citoyenneté (CODAC) compétente, cf. infra, II.C.1.b de l'exposé général.

* 9 Ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation, Point Stat n° 4-2004 ; Lente féminisation de la haute fonction publique en 2002.

* 10 DARES (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), ministère des affaires sociales, L'accès des femmes aux métiers : la longue marche vers l'égalité professionnelle, Premières synthèses, juillet 2004, n° 31.2.

* 11 Les dix familles professionnelles regroupant plus de la moitié de l'emploi féminin sont, par ordre décroissant : agent d'entretien, enseignant, assistant maternel, secrétaire, employé administratif de catégorie C de la fonction publique, vendeur, employé administratif en entreprise, infirmier et sage-femme, aide soignant et les professionnels de l'action sociale, culturelle et sportive.

* 12 Part des personnes en emploi dans la population totale.

* 13 Source : DARES, Premières synthèses et informations, L'emploi des personnes handicapées ou ayant des problèmes de santé de longue durée, octobre 2003, n° 41-3.

* 14 10,6 % des ouvriers de plus de trente ans avec incapacités occupent un emploi précaire contre 8,7 % pour les ouvriers valides du même âge ; source : DARES.

* 15 Cf. Rapport du Haut conseil à l'intégration, Les parcours d'intégration, La Documentation française, 2002.

* 16 Cf. Laurent Blivet, L'entreprise et l'égalité positive , note de l'Institut Montaigne, octobre 2004.

* 17 Le rapport de la commission nationale consultative des droits de l'homme sur la lutte contre le racisme et la xénophobie de 2001 dresse un bilan de la pratique du testing en matière de discrimination raciale, insistant sur la nécessité de sensibiliser les services de police judiciaire, sous la direction des procureurs de la République, aux opérations menées par des associations.

* 18 Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2002, SOS Racisme.

* 19 Cet observatoire fait partie du Centre d'Etudes et de Recherches sur la Gestion des Organisations et des Relations Sociales (C.E.R.G.O.R.S.) de l'université Paris I, dirigé par le professeur Jean-François Amadieu.

* 20 Il s'agit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

* 21 La Commission des droits de l'homme comprend une sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, chargée en particulier de la lutte contre les discriminations et de la protection de minorités.

* 22 Arrêts Marckx c/ Belgique du 13 juin 1979 et Inze c/Autriche du 28 octobre 1987.

* 23 Arrêt Dudgeon c/Royaume-Uni et Irlande du Nord du 22 octobre 1981.

* 24 Le traité établissant une constitution pour l'Europe, signé le 29 octobre 2004 à Rome, mentionne en son article 2 le principe de non discrimination parmi les valeurs sur lesquelles l'Union est fondée. En outre, l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000, reprise par le traité, comporte un article 21 interdisant, de façon plus large que l'article 13 du TCE, « toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. »

* 25 L'article L. 225-3 exclut l'application de ces sanctions dans trois cas où la distinction peut paraître légitime :

- les discriminations fondées sur l'état de santé, lorsqu'elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ;

- les discriminations fondées sur l'état de santé ou le handicap, lorsqu'elles consistent en un refus d'embauche ou un licenciement fondé sur l'inaptitude médicalement constatée ;

- les discriminations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue, conformément aux dispositions du code du travail ou aux lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle.

* 26 Source : casier judiciaire national. Ce tableau ne reprend que les données les plus significatives, le tableau suivant indiquant le total annuel des condamnations prononcées.

* 27 Le champ de cet article a été étendu à l'ensemble des aspects de la relation de travail (rémunération, formation, reclassement, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation, renouvellement de contrat) par l'article 1 er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.

* 28 Ces critères sont l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, l' état de santé ou le handicap.

* 29 Loi dite loi Le Pors.

* 30 Cf. l'article 19 de cette loi.

* 31 Le conseil d'administration du GELD associe notamment les ministères des affaires sociales, de l'économie et des finances, de la culture, de l'intérieur, de jeunesse et sports, de la fonction publique, de la ville, du logement, de l'éducation nationale, de la justice et de l'agriculture, les secrétariats d'Etat à l'outre mer et à la santé et à la cohésion sociale, le Médiateur de la République, la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées, la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la CFTC, la CFE-CGC, le MEDEF, la CGPME, l'UNAPL, l'UPA, la Ligue de l'enseignement, la Ligue des droits de l'homme, le MRAP, la LICRA et SOS racisme.

* 32 http://www.le114.com.

* 33 A titre de comparaison, le même projet de loi de finances dote le Médiateur de la République de 7.752.583 euros, le CSA de 32.476.075 euros, et la CNIL de 7.675.748 euros.

* 34 La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, créée par la Charte des droits et libertés de la personne du 27 juillet 1975, est ainsi chargée de veiller à la fois au respect des principes énoncés dans cette charte et au respect des droits des enfants.

* 35 Soit le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre.

* 36 La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi la première à consacrer la notion d'autorité administrative indépendante. L'amendement inaugurant cette catégorie fut présenté par M. Jacques Thyraud au nom de la commission des Lois du Sénat, à l'article 6 du projet de loi relatif à l'informatique et aux libertés. Cf. rapport n° 72, 1977-1978.

* 37 Décision n° 84-173 DC du 26 juillet 1984, loi relative à l'exploitation des services de radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé.

* 38 Le Médiateur de la République a reçu 55.635 réclamations en 2003, contre 38.600 en 1993 et 12.606 en 1983.

* 39 Voir la liste de ces lois et engagements internationaux en annexe.

* 40 Cf. Journal officiel, Débats Assemblée nationale, séances du mercredi 6 octobre 2004, p. 7548.

* 41 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, loi de modernisation sociale, considérants 112 à 115.

* 42 Voir notamment les décisions n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considérants 11 à 13 et n° 2004-490 DC du 12 février 2004 sur la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, considérants 82 à 85. Dans plusieurs décisions portant sur des lois relatives à la liberté de communication et à la liberté de la presse, il a estimé que « le pluralisme des courants d'expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie » ; voir en particulier la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication.

* 43 Au 31 octobre 2004.

* 44 Aux termes de l'article L.O. 142 du code électoral, rendu applicable au mandat sénatorial par l'article L.O. 297, « L'exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de député ». Ne peuvent cumuler leur emploi public avec un mandat parlementaire que les professeurs qui, à la date de leur élection, étaient titulaires de chaires données sur présentation des corps où la vacance s'est produite ou chargés de directions de recherches et, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les ministres des cultes et les délégués du gouvernement dans l'administration des cultes.

* 45 Ce décret devra déterminer notamment si la saisine doit ou non être transmise à la haute autorité par lettre recommandée avec accusé de réception.

* 46 Art. 1 er , dernier alinéa, de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants.

* 47 La reconnaissance d'utilité publique, sollicitée auprès du ministre de l'intérieur et accordée par décret en Conseil d'Etat, requiert un ensemble de conditions : une pratique d'au moins trois ans comme association déclarée, la fourniture des comptes pendant cette période et un budget d'au moins 45.734,71 euros, l'adhésion d'au moins deux cents membres, l'intervention sur un plan national et des statuts conformes au modèle approuvé par le Conseil d'Etat.

* 48 Cf. décision n° 224 DC du 23 janvier 1987 Conseil de la concurrence, considérant 22. Le Conseil constitutionnel a jugé de la même manière que le conseil supérieur de l'audiovisuel et la commission des opérations de bourse étaient des « autorités de nature non juridictionnelle », dans ses décisions n°s 248 DC du 17 janvier 1989 et 260 DC du 28 juillet 1989.

* 49 Cf. décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, loi relative à la liberté de communication, considérant 23.

* 50 Les personnes entendues par la Commission nationale de déontologie de la sécurité peuvent ainsi se faire assister du conseil de leur choix et se voient remettre un procès-verbal contradictoire de leur audition (art. 5 de la loi du 6 juin 2000 portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité).

* 51 L'article 432-7 du code pénal prévoit alors une peine de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende, contre trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour les discriminations commises par les personnes physiques ou morales (art. 225-2).

* 52 Cf. commentaire de l'article 11.

* 53 Parmi ces conditions figureraient l'absence de toute mention de condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire et de toute sanction disciplinaire ou administrative, ainsi que des exigences de qualification et d'expérience.

* 54 Une telle sanction, de 7.500 euros d'amende, est prévue par l'article 15 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000, portant création de la CNDS, pour le fait de ne pas communiquer à cette commission les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission, de ne pas déférer à ses convocation ou d'empêcher ses membres d'accéder aux locaux professionnels.

* 55 Aux termes de cet article, « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

* 56 Conseil d'Etat, rapport public 2001, Les autorités administratives indépendantes , p. 329.

* 57 Conseil d'Etat, rapport 2001, Les autorités administratives indépendantes , p. 308.

* 58 Art. 11 de la loi du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur de la République.

* 59 Art. 8 de la loi du 6 juin 2000 portant création de la CNDS.

* 60 Conseil d'Etat, 26 mars 1999, Société EDA.

* 61 Le tribunal de commerce de Paris consulte ainsi l'Autorité de régulation des télécommunications dans des procédures de référé.

* 62 L'article L. 621-20 du code monétaire et financier donne en revanche à l'Autorité des marchés financiers une faculté similaire : « Pour l'application des dispositions entrant dans le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers, les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent appeler le président de celle-ci ou son représentant à déposer des conclusions et à les développer oralement à l'audience [...]. »

* 63 Aux termes de cet article, la CNDS « porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires ».

* 64 Auteur de la note publiée par l'institut Montaigne en octobre 2004 : « Ni quotas, ni indifférence. L'entreprise et l'égalité positive ».

* 65 Cf. l'exposé des motifs de la charte, rendue publique le 22 octobre 2004. Cette charte avait été proposée par le rapport de Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie, Les oubliés de l'égalité des chances ; Institut Montaigne, janvier 2004.

* 66 Cf. art. 11 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 67 Cf. décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, loi de modernisation sociale, considérant 84.

* 68 Idem, considérants 87 à 89. Cette réserve est en parfaite cohérence avec la jurisprudence judiciaire ; voir notamment les arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 1999, Seillier c/CEA et du 28 mars 2000, Fluchère c/ SNCF.

* 69 S'agissant du handicap et de l'état de santé serait toutefois prévue une exception, identique à celle inscrite dans le code du travail, en cas d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Cf. art. L. 122-45 du code du travail.

* 70 Cf. art. 21 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon.

* 71 Cette loi prohibe les mesures discriminatoires à l'égard de personnes ayant subi, refusé ou révélé des agissements de harcèlement moral et comporte des dispositions sur l'accès au logement.

* 72 L'article 47 de cette loi aggrave les peines encourues pour un crime ou un délit lorsque que l'infraction est commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime.

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