N° 210

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 février 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi pour l' égalité des chances , CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX TERMES DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE,

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12ème législ.) : 2787, 2825 et T.A . 534

Sénat : 203, 211, 212, 213 et 214 (2005-2006)

Solidarité nationale.

Mesdames, Messieurs,

Le phénomène de violences urbaines que notre pays a connu lors des émeutes dans les banlieues du mois de novembre dernier a été le révélateur de graves situations d'inégalités, d'exclusions, de frustrations, de ségrégations dans diverses parties du territoire. Il a mis en lumière un état de fait connu de tous mais que peu d'entre nous acceptaient de voir.

Y remédier est aujourd'hui une priorité, une exigence et une urgence. Cela nécessite de mener une politique dynamique en faveur de la mobilité, de la diversité et de l'activité, une politique qui participe positivement au renouvellement de la société française dans son ensemble.

Cette politique est précisément celle que le présent projet de loi pour l'égalité des chances vise à promouvoir. C'est en effet en corrigeant les inégalités actuelles que nous pourrons rétablir le bon fonctionnement du pacte républicain et renforcer la cohésion sociale dans notre pays.

La diversité des secteurs sur lesquels il faut agir explique la démarche suivie par le texte. Il aborde successivement les problèmes de formation, d'emploi, de discriminations, de parentalité, de quartiers défavorisés pour constituer un dispositif d'ensemble, complet, cohérent et interactif dans lequel chaque élément apportera ses effets bénéfiques aux autres.

L'importance des enjeux portés par ce projet de loi justifie que cinq commissions du Sénat aient souhaité prendre part à son examen. Votre commission des Affaires sociales, qui en est saisie au fond, approuve son économie générale mais elle est très consciente qu'au delà de mécanismes techniques qui feront leurs preuves, il convient d'abord de faire évoluer les mentalités et les comportements et de promouvoir la diversité comme la richesse la plus précieuse pour l'avenir de notre société.

I. RÉDUIRE LA FRACTURE DE GÉNÉRATIONS

La répartition des chances entre les jeunes qui abordent ou se préparent à aborder la vie professionnelle n'est pas une loterie, comme pourrait le donner à penser l'expression ambiguë de « chance » retenue par l'intitulé du présent texte. Son intention est de mobiliser un potentiel et non de faire appel aux jeux du hasard.

Selon la diversité des parcours suivis depuis la petite enfance, chacun dispose d'atouts inégaux dont on mesure particulièrement l'écart au moment où le jeune se présente à l'embauche. Le projet de loi sur l'égalité des chances s'attache justement à cet instant pour que l'on combatte l'idée d'un déterminisme social irrémédiable.

Nombre d'opportunités peuvent et doivent en effet être activées à chaque étape du parcours. L'un des objectifs du projet de loi est de désigner celles dont peut s'emparer, à l'étape de la professionnalisation, une jeunesse pour qui la précarité ne doit pas être une fatalité. Car c'est bien de précarité qu'il s'agit dans ce texte. Au cours du débat parlementaire, certains développeront une vision ambitieuse et globalisante des problèmes à affronter et des solutions à mettre en oeuvre pour former la jeunesse active et efficace dont la France aura besoin dans la décennie qui vient, celle du reflux des générations nombreuses de l'après-guerre. Il faut naturellement mettre l'ensemble du système de formation à la hauteur des enjeux qui déjà se présentent. De ce côté, beaucoup a été fait, est en cours et reste à faire. Mais cela est un autre débat. Le présent projet de loi entreprend de lutter contre la précarité d'aujourd'hui. Il crée pour la jeunesse quelques outils pragmatiques d'intégration dynamique dans la vie professionnelle. C'est à l'aune de cet objectif, dont personne ne contestera l'urgence ni la légitimité, qu'il convient de juger le dispositif proposé au Sénat.

A. L'URGENCE ET LA LÉGITIMITÉ DE L'INTÉGRATION DANS LA VIE PROFESSIONNELLE

La précarité touche la jeunesse plus que les autres classes d'âge . Les statistiques sont éloquentes : en 2004, 21 % des jeunes actifs entre quinze et vingt-neuf ans ont occupé un emploi temporaire, contre 7,2 % pour la tranche de trente à quarante-neuf ans et 4 % pour la tranche de cinquante à soixante-quatre ans. Par ailleurs, 28 % des jeunes actifs en 2003 ont traversé au moins une période sans emploi cette année, la proportion n'étant que de 17 % pour l'ensemble des actifs. Enfin, 10 % des jeunes actifs de quinze à vingt-neuf ans ayant un emploi en 2003 ont occupé un emploi temporaire quatre trimestres successifs, contre 5 % pour l'ensemble des actifs occupés. Intimement lié à la précarité, le chômage est bien sûr l'autre versant du tableau : le taux d'emploi des jeunes (actifs et non actifs) de quinze à vingt-neuf ans a diminué de quatorze points entre 1975 et 2002, passant de 55 % à 41 %. Si ces chiffres sont fortement influencés par la progression du taux de scolarisation, ce qui retient l'attention est la sensibilité particulière du taux d'emploi des jeunes à la conjoncture : les actifs récents, ceux qui ont terminé leurs études initiales depuis un à quatre ans, ont représenté, entre 1993 et 2002, 9 % de la population active, 8,3 % de l'emploi salarié et 19,3 % des chômeurs.

Cette situation est-elle inéluctable ? Le taux de croissance est-il l'unique clé, l'alpha et l'oméga de l'emploi ? Il semble que non. Les politiques mises en oeuvre depuis trente ans par les différents gouvernements, essentiellement axées sur la diminution du coût du travail des jeunes, ont donné des résultats et continuent d'en donner : il existe incontestablement des marges de recrutement ; pour en tirer parti, il faut réduire les viscosités du marché du travail qu'expliquent, pour l'essentiel, les insuffisances de la formation des jeunes et le frein psychologique que certaines rigidités du droit du travail opposent à l'embauche. Ces facteurs jouent un rôle majeur dans l'évolution de l'emploi. Ils rendent largement compte des conditions d'emploi spécifiques des jeunes, surreprésentés parmi les candidats à l'embauche et donc plus exposés. Ils sont largement responsables de la précarité qu'affronte ainsi une large partie de la jeunesse active, quel que soit son niveau de formation, selon des modalités qu'il faut envisager dans leur diversité.

Aussi est-il indispensable de développer la palette des instruments disponibles.

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